Le cholera - missions

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LE CHOLERA
Par Julie Gauthier, WaSH Pool Urgence,
Le 25/11/2010
1. Qu’est-ce c’est ?
Le choléra est une maladie entérique très contagieuse provoquée par la bactérie vibrio cholerae.
Cette bactérie est très caractéristique : sous microscope, elle se présente sous forme d’un bacille à
virgule très mobile (cf photo ci-dessus). Son flagelle, petite queue comme celle d’un têtard, lui
confère sa mobilité, et en fait une bactérie à l’aise en milieu aquatique (rivière, lac mais aussi intestin
de l’hôte contaminée).
Comme toute bactérie, certains antibiotiques peuvent avoir un effet sur sa croissance, même s’ils ne
constituent pas majoritairement le traitement privilégié en cas d’infection.
Enfin, sans vouloir compliquer les choses, il faut savoir que les spécialistes parlent de 2 biotypes de
Vibrio cholerae : O1 et O139. Ceux-ci ne diffèrent pas sur les modes de prévention ni de prise en
charge médicale. Toutefois, le biotype O139 semble provoquer des symptômes plus sévères
(diarrhées pouvant être sanglantes). Sur Haïti, le Vibrio cholerae identifié est de type O1.
2. Les déterminants
Malgré les présomptions qui portent sur la possibilité d’une importation au travers d’une personne
extérieure contaminée, l’origine du choléra en Haïti n’est pas connue avec certitude. Ceci dit, au-delà
de l’origine, les déterminants propres au pays sont les vrais facteurs favorisant ou non la propagation
de l’épidémie.
 Déterminants démographiques et socio-économiques
Les grandes épidémies surviennent généralement dans les pays les plus pauvres. La paupérisation
grandissante de la population, l’urbanisation mal contrôlée, l’augmentation de la promiscuité,
l’augmentation de la population de manière générale, les conditions sanitaires médiocres (hygiène,
peu voire pas d’infrastructures sanitaires) et la faible couverture de l’accès à l’eau potable ne sont
que quelques facteurs favorisant largement l’apparition et la propagation d’épidémies de choléra.
 Déterminants géographiques
Pour Haïti, les fortes pluies qui ont accompagnées le passage du cyclone Tomas ont aggravé la
situation. Toutefois, il faut préciser qu’il n’y a pas de climat, sol ou période type conditionnant
l’apparition ou non d’une épidémie : des épidémies de choléra surviennent aussi bien en zone
tropical qu’en zone désertique ou semi-désertique comme au Sahara ou au Sahel.

Déterminants sanitaires
Les déterminants sanitaires sont l’un des facteurs les plus importants. Cette réalité est d’ailleurs
particulièrement préoccupante en Haïti :
o Manque de ressources sanitaires : insuffisance de structures de santé, de personnel
soignant bien formé (le choléra n’étant pas endémique en Haiti, la formation du
personnel de santé sur le sujet restait limitée) et de financement,
o Désorganisation des services de santé et d’accès aux soins en cas d’épidémie,
o Etat de santé précaire de certaines populations.
Les déterminants sanitaires sont certainement ceux qui justifient l’absence dans la majorité des cas
de cordons sanitaires sur le sens des trajets internationaux. Une épidémie de choléra est facilement
prise en charge et stoppée dans les pays développés où les ressources sanitaires sont suffisantes.
 Déterminants biologiques
Il faut savoir que certains sujets sont plus ou moins sensibles au choléra. Le vibrion est tué par le pH
acide. Or comme la contamination se fait par ingestion de bactérie par voie digestive, les bactéries
devraient être stoppées lors du passage de la barrière stomacale. Deux paramètres vont jouer :
o La dose infectante : la dose infectante est de 106 à 1011 bactéries par ml. Dans 1ml de
vomi ou selles diarrhéiques, on peut trouver jusqu’à 108 bactéries/ml. Ainsi, il semble qu’il
faille que la personne soit en contact direct avec les selles ou vomi du patient et non
respect des règles d’hygiène de base (mains sales), avec de l’eau ou des aliments
fortement contaminés par les selles diarrhéiques ou les cadavres.
o Le pH gastrique peu acide : chez les dénutris notamment, personnes souffrant de
maladies spécifiques à l’estomac, ou encore personnes en stress psychologique
(diminuant les défenses immunitaires).
Enfin, il est intéressant de souligner comme déterminant épidémiologique pour Haïti, le fait que la
dernière épidémie de choléra soit vieille de 100 ans, et que donc Haïti était jusqu’alors un pays vierge
en choléra (même si quelques cas avaient été détectés en 1950, mais cela ne s’était pas transformé
en épidémie pour autant). Par conséquent, sa population n’a pas développé d’immunité pour lutter
contre la bactérie. L’épidémie est massive car elle touche l’ensemble de la population, sans
distinction d’âge. Dans les zones endémiques, comme le delta du Gange ou le Congo, une partie de la
population conserve son immunité car très fréquemment en contact avec le vibrion. La maladie ne
touche alors que les personnes en dépression immunitaire et les enfants en bas âge.
3. Voies de contamination et réservoirs naturelles
En période d’épidémie, le réservoir est majoritairement humain (porteurs asymptomatiques = sains,
et malades infectés ou en convalescence).
Le vibrion est évacué dans les selles et les vomissements du malade et contamine un autre sujet par
voie digestive. Il peut donc se transmettre soit par contact étroit avec les selles/vomissements du
malade, et manipulation des cadavres (encore plus contaminant1), soit par contact indirect,
contamination de l’eau de boisson ou des aliments.
Quatre routes de contamination ont été identifiées comme importantes dans le cas de l’épidémie qui
sévit en Haïti :
o Contamination de l’eau par les selles diarrhéiques (latrines pleines, etc.) ou non gestion
des cadavres jetés dans les canaux de drainage pouvant infecter les puits et nappes
souterraines et contamination de la nourriture2 (utilisation d’eau contaminée pour laver
1
Le patient étant décédé du choléra, la concentration en vibrio dans les fluides est très importante. Par
ailleurs, peu de temps après la mort, le corps finit par se vider de ses fluides ; le risque de contamination est
donc très élevé.
2
Le vibrion a été retrouvé dans des algues et fruits de mers crus.
o
o
o
les légumes ou fruits, les mains sales, nourriture non proprement cuite) : voie qui induit
une propagation très rapide de la maladie. Le passage du cyclone Tomas a notamment
souillé de nombreux points d’eau.
De personne à personne : beaucoup moins rapide en termes de propagation ; cependant,
en milieu urbain ou dans les localités de forte densité de population (marchés, gare taptap, etc.), ce mode de transmission n’est pas à négliger. On appelle le choléra la maladie
des mains sales, ce qui illustre ce type de contamination. Toutes personnes porteuses de
la maladie peuvent transmettre la bactérie en cas de non lavage des mains ou d’un lavage
insuffisant. Comme précisé précédemment, les selles ou les vomissements sont très
concentrés en vibrion. Ainsi, même en cas de lavage de mains rapide, le porteur risque de
ne pas éliminer le vibrion et donc de le véhiculer et le disséminer à d’autres personnes,
soit directement par une poignée de main, soit indirectement en touchant différents
objets. Même si sensible au sec et donc aux surfaces inertes (type crayon, verre, livre,
etc.), le vibrion peut y survivre pendant plusieurs heures. Dans le cas de la ville des
Gonaïves, on a pu enregistrer plus de 1 500 cas par jour vus alors que la capacité de prise
en charge médicale est d’environ 300 lits (CTC MSF et IMC). Ainsi, il est clair que ce mode
de propagation est significatif, car les personnes faiblement ou modérément malades ne
sont pas placées en isolement et retournent dans leur communauté où les conditions
sanitaires sont inexistantes et les mesures d’hygiène trop peu suivies.
Propagation lors de la prise en charge médicale, dû au manque de connaissances du
personnel de santé haïtien et de moyens pour appliquer des mesures préventives
strictes dans les CTC, Centres de santé et hôpitaux : les centres médicaux concentrent les
personnes infectées par la maladie. Le vibrion, fortement concentré dans les selles
diarrhéiques et les vomissements, peut être retrouvé très facilement sur les lits, le sol, le
matériel par manque de personnel d’hygiène, de matériel et de connaissances. Il sera
donc aisément répandu sous les chaussures et sur les mains des visiteurs accompagnant,
et du personnel médical si les mesures de prévention et d’hygiène ne peuvent être
appliquées et suivies.
Non ou insuffisante gestion des cadavres : Le corps d’un patient décédé du choléra est
hautement contaminant. Le corps doit être nettoyé et désinfecté et placé dans un sac
mortuaire avant enterrement. Une non gestion des cadavres peut donc être une source
importante dans la propagation de la maladie : rites funéraires, nettoyage du corps…
Par ailleurs, le réservoir permanent (endémique) est le milieu aquatique saumâtre, les algues et le
plancton. Le vibrion peut vivre plusieurs années en eaux profondes et infectant les fruits de mers.
Focus sur la contamination par les aliments : (à approfondir)
Le choléra est généralement une maladie se propageant par manque d’hygiène et d’assainissement,
résultant en la contamination des eaux. Toutefois, la souche Vibrio cholerae O1 a été déjà retrouvée
dans des fruits de mer et poissons crus. La contamination par ingestion de ces produits est donc
possible si les produits ne sont pas suffisamment cuits ou sont re-contaminés après cuisson.
Les fruits de mer poussant dans une eau polluée par contamination fécale peuvent être sources de
contamination.
De nombreuses maladies bactériennes sont associées à la consommation de produits crus : légumes,
fruits et viandes/poissons. Il faut reconnaitre que Vibrio cholerae est susceptible de contaminer des
produits frais au travers de vecteurs : excréta humain brut ou insuffisamment composté appliqué
comme fumier sur les champs, irrigation de cultures par eau non traitée et contaminée.
Le traitement de ces produits avec de l’eau traitée réduit fortement les pathogènes et notamment le
vibrion. La bonne cuisson des aliments finit par éliminer le vibrion. En effet, ce dernier ne supporte
pas une température supérieure à 70°C. Une étude a montré que le temps de survie à 70°C était de
30 secondes et à 60°C de 2min40 (voir bibliographie).
Pour conclure, la nourriture devient contaminant par la manipulation d’aliments (mains sales) ou de
l’eau contaminée. Les types de nourriture le plus souvent incriminés sont les fruits de mer, les
crustacées, et les poissons. Les légumes, les grains (blé, riz), les fruits ou la viande peuvent aussi être
des véhicules ; notamment les fruits et légumes qui ont été irrigués avec de l’eau fortement
contaminée et consommés crus. Les autres sont contaminés par manipulation (mains sales).
Exemple : le riz après cuisson est parfois rincé dans une eau froide qui, si non traitée, peut
contaminer le plat.
Ce focus est à compléter par la suite.
4. Pathologie : symptomatologie
Le choléra, maladie infectieuse diarrhéique à caractère le plus souvent épidémique, se manifeste par
une violente diarrhée (dix à vingt selles d’apparence "eau de riz" par jour – les "grains de riz" étant
des agglutinats de millions de vibrion) accompagnée de vomissements après une incubation variant
de quelques heures à quelques jours. Les autres symptômes sont la diminution de la pression
sanguine, nausées, crampes abdominales et rarement, de la fièvre.
La perte de fluides exige une réhydratation rapide. Le patient peut perdre jusqu’à 15 litres par jour et
les déshydratations sévères apparaissent dans les 12 premières heures. Si le patient n’est pas
réhydraté, la déshydratation conduira à la mort du patient.
Comme cité précédemment, Vibrio cholerae est une bactérie sensible à quelques antibiotiques. Ceci
étant, le traitement par réhydratation est, dans 90% des cas, suffisant pour permettre le bon
rétablissement du patient. Dans le cas inverse, des antibiotiques peuvent être administrés. Le
traitement par réhydratation, ayant un effet plus rapide, est donc préféré.
Pour les cas modérés, une réhydratation par voie orale suffit. Dans les cas sévères, le patient sera
perfusé d’une solution de réhydratation : le Ringer Lactate.
Dès l’apparition des premiers symptômes (diarrhée aqueuse profuse, vomissement), il faut aller
immédiatement consulter un médecin ou infirmier au centre de santé, hôpital, ou centre de
traitement choléra le plus proche. Il est primordial de faire comprendre à la population que,
n’étant pas médecins eux-mêmes, ils ne peuvent pas diagnostiquer la rapidité de leur
déshydratation. Les cas les plus sévères peuvent perdre jusqu’à 15L par jour et donc ceci les
conduira à la mort s’ils ne sont pas perfusés à temps. Le médecin après un temps d’observation
sera capable de décharger le patient modéré pour réhydratation orale à la maison, pour ne
conserver au CTC que les cas sévères afin, d’une part, de ne pas surcharger le centre et d’autre
part, de ne pas sur-contaminer les patients modérés.
Le choléra n’est pas une maladie traitable par l’automédication.
 ORS : sachet versus préparation maison
Dans les centres de santé, les patients présentant une déshydratation modérée se voient administrer
une solution d’ORS préparée à partir d’un sachet correspondant à une dose pour 1 litre. Une solution
équivalente à l’ORS en sachet peut également être préparée à la maison. Toutefois, dans les centres
de santé, la préparation à base de sachet est préférée pour s’assurer de la bonne osmolarité de la
solution de réhydratation.
Il est important que la population sache bien évidemment préparée cette solution et d’autant plus en
zone rurale, où le centre de santé peut être à plusieurs heures de marche. Toutefois, il faut rester
vigilant et garder en tête que la distribution de sachet peut avoir l’effet pervers d’encourager à
l’automédication ou tout du moins à une attente avant d’amener le malade au centre de santé.

Vaccins
Actuellement, il existe 2 vaccins oraux sur le marché, dont l’un n’a pas encore obtenu la
reconnaissance de l’OMS.
Pour que le vaccin du choléra soit efficace, les personnes vaccinées doivent recevoir 2 doses, et il y a
un temps non négligeable (de 10 jours à plusieurs semaines) avant de devenir effectif. Ainsi, le vaccin
n’est pas recommandé en période épidémique, ni pour la population, ni pour les voyageurs ou
travailleurs se rendant dans une zone contaminée puisqu’il n’aura pas d’effet immédiat et qu’il vaut
mieux se concentrer sur les actions à impact plus rapide. Par ailleurs, l’immunité est également
limitée dans le temps à 6 mois. A l’inverse, les mesures basiques d’hygiène doivent toujours être
respectées et préférées.
 Immunité
Suite à une contamination, le patient guéri présente une immunité jusqu’à 6 mois.
5. Résistances et faiblesses du vibrion
Ce que Vibrio aime :
 Les températures : optimum 37°C, mais capacité de croissance entre 10 et 43°C ;
 pH optimum = 7,6 ; mais aime les milieux plutôt alcalins (pH>7) ;
 Pousse avec ou sans oxygène ;
 Les eaux saumâtres (estuaires, lacs salés) ;
 Survit à la réfrigération (jusqu’à -5°C)
Ce que Vibrio n’aime pas :
 Le sec. Vibrio ne vit que quelques heures sur les surfaces inertes ;
 Le chaud T>70°C ;
 L’acidité : pH estomac, jus de citron (jaune) ;
 Le chlore.
6. Des questions
 Une maman qui allaite peut-elle transmettre le choléra ?
Une maman qui allaite transmet par l’allaitement des anticorps qui sont nécessaires pour protéger
l’enfant trop jeune pour développer soit même une immunité. En assurant une bonne hygiène
mammaire, elle permet de renforcer son enfant, et ne transmettra pas la maladie par l’allaitement.
 Transmission par les animaux ?
Les animaux domestiques peuvent portés la maladie mais pendant une période très brève.
 Porteurs sains : contaminant sur quelle période ?
Les porteurs sains représentent environ 80% des cas. Les porteurs asymptomatiques comme
symptomatiques peuvent être porteur de la bactérie sur une période de 1 à 4 semaines. Dans
certains cas, cela peut aller jusqu’à quelques mois.
Référence :
Vibrio Cholerae : préparé par le ministère de la santé (2001)
http://www.nzfsa.govt.nz/science/data-sheets/vibrio-cholerae.pdf
US Food and Drug Administration : Vibrio cholarae O1 :
http://www.fda.gov/Food/FoodSafety/FoodborneIllness/FoodborneIllnessFoodbornePathogensNatu
ralToxins/BadBugBook/ucm070071.htm
Les déterminants du cholera par Médecins du Monde :
http://www.ledamed.org/IMG/html/doc-10921.html
Cholera guidelines : MSF (2004)
Centre for Disease Control
http://www.cdc.gov/cholera/
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