"Une course européenne contre la montre" dans Le Monde (26 juillet 1962) Légende: Le 26 juillet 1962, le quotidien français Le Monde retrace les difficultés rencontrées lors des négociations d'adhésion du Royaume-Uni à la Communauté économique européenne (CEE). Source: Le Monde. dir. de publ. Beuve-Méry, Hubert. 26.07.1962, n° 5 449; 19e année. Paris: Le Monde. Copyright: (c) Le Monde URL: http://www.cvce.eu/obj/"une_course_europeenne_contre_la_montre"_dans_le_monde_26_juillet_1962-frd0c8f22e-f670-48a1-bae8-d80fdb2c33e7.html Date de dernière mise à jour: 17/09/2012 1/2 17/09/2012 Une course européenne contre la montre La nature ne fait pas de sauts, mais l’Europe, elle, a tendance a procéder par bonds. Après d’épuisantes journées où les ministres côtoient la dépression nerveuse, les négociateurs des Six et de la Grande-Bretagne vont-ils rester fidèles à la tradition et pousser leurs discussions, qui reprennent à Bruxelles mercredi aprèsmidi, jusqu’à la limite des forces… et du calendrier ? Les Anglais sont prêts, eux, à mordre allègrement sur le temps des vacances pour arriver à voir clair. Ils savent que la fin du mois de juillet, ligne d’horizon assignée jusqu’ici pour parvenir à jeter les bases d’une sorte d’« accord-cadre » avec les Six, est actuellement trop proche pour qu’on puisse aboutir. On parle maintenant du 3 août, et M. Macmillan, interrogé hier aux Communes, a laissé entendre que les conversations pourraient se poursuivre au-delà de cette date. Les raisons de la hâte du premier ministre britannique sont bien connues : il voit avec inquiétude s’amplifier l’opposition intérieure et voudrait présenter un dossier des négociations suffisamment étoffé avant la conférence des premiers ministres du Commonwealth, qui s’ouvrira à Londres le 10 septembre. Les Six ne sont pas insensibles à cette conjoncture et ont accepté de prolonger d’une semaine les pourparlers. Il est vraisemblable toutefois qu’ils rechigneront à aller au-delà. Une dizaine de jours suffiront-ils pour savoir si oui ou non le pari de l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun est gagné ? Les négociations ont été découpées dès le début, on le sait, en six ou sept tranches représentant les grands thèmes du débat. Or, d’eux accords seulement, n’épuisant pas au reste totalement deux chapitres de la discussion, ont été conclus jusqu’ici : l’un porte sur les exportations vers la Grande-Bretagne des produits manufacturés du Commonwealth développé (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande), l’autre sur les revenus agricoles dans la Communauté élargie au Royaume-Uni. Pour aboutir à une « vue d’ensemble » positive avant de partir en vacances, les Six et la Grande-Bretagne devront successivement trouver des compromis sur les points suivants : exportations des produits manufacturés de l’Inde, de Ceylan et du Pakistan; demande d’abolition de droits de douane formulée par la Grande-Bretagne sur un certain nombre de produits en provenance du Commonwealth, dont les plus « sensibles » sont l’aluminium, le plomb et le zinc; association de certains pays africains et antillais de la zone sterling au Marché commun; situation des exploitants britanniques cultivant les fruits et légumes — particulièrement vulnérables — et enfin exportation des produits agricoles tempérés en provenance du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. C’est en fait cette dernière question qui sert d’axe à toute la négociation, et il n’est pas aventuré de penser que le jour où une solution sera trouvée sur ce point, le reste suivra… Ainsi, la conférence va-t-elle s’attaquer à nouveau, dès le début, à ce morceau de résistance. Il n’apparaît pas que les travaux des suppléants aient fait beaucoup avancer le dossier depuis le 29 juin, date de la dernière rencontre à l’échelon ministériel. Les Britanniques vont donc, une fois de plus, s’arc-bouter sur leurs propositions de garantir aux pays du Commonwealth concernés des « débouchés comparables » à ceux qui leur sont offerts aujourd’hui en Grande-Bretagne, et les Six vont répéter que l’assurance d’absorber tous les ans tel tonnage de blé canadien ou de beurre néo-zélandais n’est pas conforme aux principes de la politique agricole commune. Une nouvelle course contre la montre s’engage. L’enjeu est l’un des plus importants qui aient été proposés à l’Europe depuis la naissance du Marché commun. 2/2 17/09/2012