L`antéposition des compléments dans le français contemporain

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L’antéposition des compléments
dans le français contemporain
L’exemple des objets directs
Frédéric Sabio
Université de Provence, Equipe DELIC
Introduction : Les objets directs sont-ils antéposables ?
Nous voudrions évoquer l’antéposition des compléments en français, en nous
arrêtant plus particulièrement sur les objets directs.
La question est importante dans la mesure où les propriétés positionnelles des compléments ont souvent été utilisées comme critères de classification
grammaticale. L’une des oppositions les plus souvent invoquées est celle qui
distingue les compléments dits « non essentiels », qui seraient dotés d’une assez
grande liberté de déplacement, et les compléments réputés essentiels, davantage fixes vis à vis du verbe qui les régit. Comme le résume P. Le Goffic (1993),
« Certains constituants ont un placement fixe (…). D’autres peuvent apparaître
à différents points de la phrase. Cette liberté est liée au fait qu’ils ne déterminent généralement pas les fonctions décisives de l’énoncé : elle se réduit ou disparaît quand il leur arrive d’être compléments essentiels (Paul est ici). » (55)
J.-C. Milner (1989) établit une relation similaire entre statut syntaxique et propriétés spatiales en relevant qu’en français, « le complément identificateur est
peu mobile par rapport à ce verbe ». (434)
J. Gardes-Tamine (1988) note également que « les compléments de phrase
sont déplaçables […] alors que les compléments de verbe ne le sont pas plus
que le sujet : *un livre je lis ». (104)
De tous les compléments essentiels, c’est l’objet direct qui est réputé le
moins déplaçable : M. Riegel et al. (1994) le décrivent comme « non mobile à
l’intérieur du groupe verbal » (222).
L’idée selon laquelle l’objet, réalisé comme Groupe Nominal, occuperait un
emplacement canonique à droite du verbe est sans doute acceptable si l’on se
Lingvisticæ Investigationes 29:1 (2006), 73–82.
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place à un certain niveau de généralité et d’abstraction, par exemple si on veut
pouvoir distinguer quelques grands ensembles typologiques fondés sur « l’ordre
des mots » le plus habituel dans telle ou telle langue ; mais, sitôt que l’on adopte
une perspective davantage descriptive, la thèse de la fixité de l’objet direct présente un inconvénient sérieux lié aux données elles-mêmes : dans les corpus de
français parlé que nous avons consultés (DELIC 2004), ainsi que dans plusieurs
études consacrées à cette question, l’antéposition des objets directs est clairement attestée, contrairement aux affirmations habituelles. Par exemple :
Que de la tendresse tu m’inspires (écrit)
Un bon disque on va s’écouter, d’accord ? (écrit)
Les modaux je déteste moi (oral)
Deux cigarettes j’ai fumé (oral)
Moi la bourgeoisie de Province j’ai pas connu (écrit)
Deux francs vous n’avez pas ? (oral, ex. Pohl)
Nous voudrions dégager dans cet article certaines propriétés syntaxiques des
compléments d’objet direct lorsqu’ils se trouvent placés avant le verbe qui les
régit. Nous ne reviendrons pas spécifiquement sur la définition d’objet direct,
tout en étant conscient des difficultés de cette notion.
.
Les deux formes macro-syntaxiques de l’antéposition
Il convient de préciser d’emblée que, dans notre perspective, le terme antéposition s’avère inadéquat ou tout au moins trop imprécis : il semble en effet
nécessaire de dégager non pas un modèle de l’antéposition, mais deux modèles,
bien distincts en termes syntaxiques. Afin d’établir cette distinction, nous nous
fonderons sur l’approche de macro-syntaxe telle qu’elle a été formulée à l’Université de Provence (C. Blanche-Benveniste 1990, F. Sabio 1995, J. Deulofeu
2003).
Nous distinguerons :
a. L’antéposition sous forme de préfixe macro-syntaxique, qui peut être illustrée par un exemple comme
La bourgeoisie de province /préf/ j’ai pas connu /no/
L’objet antéposé (la bourgeoisie de Province) y joue le rôle de préfixe macrosyntaxique ; quant au reste de la construction, (j’ai pas connu), il est dit réaliser
le noyau de l’énoncé (voir infra).
L’antéposition sous forme de préfixe est le type d’antéposition qui est le
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plus fréquemment associé à la notion de détachement : à l’oral, le complément
antéposé s’y achève typiquement sur un ton haut, à valeur continuative (P.
Mertens 1990). Il prend le status d’un topique. Voici quelques exemples qui
mettent en jeu des objets directs préfixés :
Les F3 /préf/ elle supporterait pas /no/ (oral)
Combien ça a coûté /préf/ je sais pas /no/ (écrit)
Moi le chocolat /préf/ j’adore /no/ (oral)
b. L’antéposition sous forme de noyau, qui peut être illustrée par l’énoncé
Que de la tendresse /no/ tu m’inspires /post/ (écrit)
L’objet antéposé (que de la tendresse) forme en ce cas le noyau macro-syntaxique ; tout le reste de la construction est réalisé comme un postfixe.
Ce second type d’antéposition est la plupart du temps perçu comme plus
familier ou plus représentatif de la langue orale conversationnelle (“focus fronting”). L’objet antéposé se termine typiquement sur un ton bas à valeur conclusive ; quant au reste de la construction, postfixé, il est produit sans aucun relief
intonatif, et prend un effet « parenthétique » (P. Mertens 1990) :
Deux cigarettes /no/ j’ai fumé /post/ (oral) [en réponse à tu as beaucoup
fumé ?]
A peine huit ans /no/ il a /post/ (oral)
2. Micro-syntaxe et macro-syntaxe
Avant de poursuivre la description des objets antéposés, nous rappellerons succinctement en quoi s’opposent micro- et macro-syntaxe dans notre approche :
la micro-syntaxe constitue le niveau de description qui est strictement fondé
sur la syntaxe des catégories (le nom, le verbe…). A ce niveau de description,
l’unité maximale que nous retenons n’est pas la phrase mais la construction
(construction nominale, verbale…). Ainsi dans l’extrait oral suivant :
C’était un établissement financier qui s’occupait de financement du cinéma
— à la fois — pour la production de films — pour la rénovation de salles de
cinéma — et aussi pour euh la télévision
on dira qu’on a affaire à une construction verbale en vertu du fait que l’ensemble de la séquence est composé d’un constructeur verbal est et de plusieurs éléments qui dépendent de lui au plan syntaxique : un élément qui tient la fonction
de sujet et un autre, très développé au plan lexical, qui tient la fonction d’objet.
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La macro-syntaxe représente un domaine différent : la notion de construction ne s’y applique pas, et les relations de dépendance que l’on peut décrire à
ce niveau n’impliquent aucun lien de nature rectionnelle ; par exemple, entre la
partie A et la partie B des énoncés suivants, on ne peut décrire aucune relation
micro-syntaxique dans la mesure où A n’est pas régi par B, ni B par A :
Il y avait entre autre Allan Kardec alors là c’était rigolo [ c’était une
tombe ]A [ les gens allaient faire un vœu ]B — puis quand ils avaient fait
leur vœu — [ il y avait une pierre ]A [ ils mettaient des sous dessus pour que
le vœu soit exaucé ]B
Pour rendre compte de regroupements tels que :
[ c’était une tombe ]A [ les gens allaient faire un vœu ]B
[ il y avait une pierre ]A [ ils mettaient des sous dessus pour que le vœu soit
exaucé ]B
on décrira un lien de type macro-syntaxique, en disant que la séquence B constitue le noyau de la structure, et la séquence A qui lui est antéposée constitue un
préfixe. Le noyau représente l’unité minimale de macro-syntaxe, et on remarque que les séquences B pourraient former des énoncés autonomes.
La mise en évidence d’un lien de type macro-syntaxique entre plusieurs
séquences successives est d’autant plus aisée qu’aucune relation micro-syntaxique « classique » ne peut être raisonnablement invoquée : c’est ainsi que de
nombreux éléments préfixes s’associent à la construction verbale qui suit sans
entretenir avec elle aucun lien de rection ; il en va ainsi de certains éléments
non construits à valeur énonciative, qu’on refusera d’analyser comme des compléments :
Malheureusement /préf/ elle est trop faible pour pouvoir faire marche
arrière /no/
Euh pour parler de ma première journée de travail /préf/ euh j’étais parti
le matin très tôt parce que on commençait le travail aux alentours de six
heures du matin /no/
ou encore de certaines séquences conditionnelles ou concessives qu’il est impossible de considérer comme de vraies « subordonnées » :
Il me le dirait /préf/ je ne le croirais pas /no/
Malgré qu’elle était ouvrière /préf/ il était pas souple avec elle /no/
Si tant de gens font des cures /préf/ c’est pas pour rien /no/
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Cependant, notre approche n’entend pas restreindre le champ de la macrosyntaxe aux cas où tout lien de dépendance micro-syntaxique serait absent,
et prévoit qu’une double relation grammaticale, micro- et macro-syntaxique,
puisse s’établir.
Il en va ainsi des compléments antéposés à l’étude ; dans l’exemple suivant,
dont le noyau est précédé de deux éléments préfixes :
Moi /préf/ le chocolat /préf/ j’adore /no/
le premier préfixe (moi) n’entretient aucun lien de dépendance micro-syntaxique par rapport à la construction verbale qui suit, alors que le second préfixe
(le chocolat) réalise un élément qui est non seulement construit par adorer mais
qui en constitue un complément « essentiel » : l’objet direct.
Voici quelques autres exemples dans lesquels l’élément en tête prend le statut macro-syntaxique de préfixe tout en instanciant une place micro-syntaxique d’objet :
Du projet initial /préf/ il ne reste plus grand chose /no/ (oral)
De cela /préf/ on aura le temps de reparler ce soir /no/ (oral)
A son père /préf/ il ne racontait pas les choses tristes /no/ (oral)
Aux restos du cœur /préf/ on donne ce qu’on veut /no/ (oral)
Au restaurant /préf/ plus tu vas plus tu dépenses /no/ (oral)
Mais au théâtre /préf/ c’est vrai qu’on va vachement moins /no/ (oral)
3. Propriétés syntaxiques
Revenons-en à la description des objets directs : la reconnaissance d’un niveau
d’organisation macro-syntaxique nous amènera à éviter la notion trop unificatrice d’antéposition, et à distinguer les objets antéposés en tant que préfixes et
ceux antéposés en tant que noyaux.
Au delà des différences liées à la réalisation prosodique des séquences antéposées, ou aux éventuels effets pragmatiques qui peuvent leur être attachés,
nous insisterons ici sur deux propriétés qui les distinguent au plan de la syntaxe : le comportement vis à vis de certaines modalités, et les sélections opérées
par le verbe.
3. L’expression des modalités
L’insertion d’une marque de modalité (négative, restrictive ou interrogative)
distingue assez nettement les deux types d’antéposition :
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Dans le cas de l’antéposition sous forme de préfixe, la modalité est régulièrement affectée au verbe recteur :
les haricots
préfixe
j’aime
j’aime bien
j’aime pas
est-ce que tu aimes ?
noyau
Dans le cas de l’antéposition sous forme de noyau, c’est l’inverse : les marques
modales sont préférentiellement affectées au complément antéposé lui-même.
Tout se passe comme si son statut de noyau donnait à l’objet antéposé la capacité d’ouvrir un paradigme de modalités négatives, restrictives, ou concessives :
huit ans
à peine huit ans
rien que huit ans
que huit ans
même pas huit ans
pas huit ans
noyau
il avait
postfixe
Voici quelques exemples écrits ou oraux modalisés sur le noyau :
Que de la tendresse /no/ tu m’inspires /post/ (écrit)
A peine huit ans /no/ il a /post/ (oral)
Plus que deux /no/ il t’en reste /post/ (oral)
Plus personne /no/ on connaît /post/ (oral)
Juste à moitié anglaise /no/ elle était /post/ (oral)
Rien que des pâtes/no/ ils mangent là-bas /post/ (oral, ex. BlancheBenveniste)
Même pas trente ans/no/ il avait en 1914 /post/ (oral)
Il semble ainsi que le comportement vis-à-vis des modalités constitue un indice tout à fait crucial pour distinguer les deux modèles de l’antéposition. Par
exemple, dans le corpus de J. Pohl (1984) on relève que la plupart des exemples
d’antéposition avec le verbe avoir présentent une modalisation négative ou interro-négative située dans la sphère verbale, ce qui est le signe d’une antéposition de type préfixal :
Soixante ans /préf/ il n’a sûrement pas
Ah de la Vieille Cure /préf/ je n’ai pas madame
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Et un caleçon /préf/ tu n’as pas ?
Les huit francs /préf/ vous n’avez pas ?
De même, la relation entre le statut macro-syntaxique de l’objet antéposé et la
répartition des marques de modalité est tout à fait sensible si l’on prend l’exemple de la marque d’interrogation est-ce que : celle-ci peut être facilement utilisée
avant ou après un objet préfixé au verbe recteur :
(1) a.
b.
c.
d.
Les haricots est-ce que tu aimais quand tu étais petit ?
Est-ce que les haricots tu aimais quand tu étais petit ?
Le rugby est-ce que tu connais bien ?
Est-ce que le rugby tu connais bien ?
En revanche l’interrogation en est-ce que paraît beaucoup moins recevable dans
le cas des objets antéposés comme noyaux : les locuteurs que nous avons consultés ont trouvé peu naturelles voire franchement mauvaises les interrogations
suivantes :
(2) a.
b.
c.
d.
?8
ans est-ce qu’il avait à cette époque ?
que 8 ans il avait à cette époque ?
? Une montre est-ce qu’il t’a offert ?
? Est-ce qu’une montre il t’a offert ?
? Est-ce
La raison essentielle en est que la marque interrogative Est-ce que est nécessairement attelée à un élément verbal tensé (*Est-ce que la nuit ? *Est-ce que partir ?). Partant, la compatibilité de Est-ce que avec les énoncés à objets antéposés
n’est bonne que si l’antéposition est de type préfixal (énoncés 1 a–d), puisque,
comme on l’a vu, l’élément verbal, situé dans le noyau macro-syntaxique, conserve intacte sa capacité d’accueillir toutes sortes de modalités.
En revanche, l’antéposition de l’objet sous forme de noyau a pour effet de
« reléguer » le verbe recteur dans une position de postfixe, peu compatible avec
l’expression des modalités : ce qui rend les énoncés (2 a-d) peu recevables, ce
n’est donc pas leur micro-syntaxe à proprement parler : tous ces énoncés sont
bel et bien dominés par un verbe auquel Est-ce que devrait pouvoir s’atteler.
C’est la structure macro-syntaxique particulière de ces exemples qui crée une
sorte de conflit entre la présence d’une marque de modalité « à vocation » verbale et la localisation du verbe dans une position macro-syntaxique (postfixe)
peu compatible avec l’expression des modalités.
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3.2 Les sélections opérées par le verbe
Les deux types d’antéposition se comportent très différemment en termes directement micro-syntaxiques (Blanche-Benveniste et al. 1990), et obligent à
considérer les propriétés constructrices des verbes.
3.2. L’antéposition sous forme de préfixe
L’antéposition de l’objet direct sous forme de préfixe est fortement contrainte,
et paraît surtout attestée pour un petit nombre de constructeurs verbaux, tels
que aimer, adorer, détester, connaître… (H. Hakihiro 2004). Les données orales
relevées par J. Pohl (1984) montrent que les objets de avoir connaissent aussi ce
fonctionnement (voir exemples supra) :
Moi la bourgeoisie de province j’ai pas connu (écrit)
Le rugby il connaissait bien lui (oral)
Combien ça a coûté je sais pas (oral)
Comparer, on peut (écrit)
Les conjugaisons j’aimais bien (oral)
Le Silence des Agneaux par exemple j’ai bien aimé (oral)
Les modaux je déteste moi (oral)
Les F3 elle supporterait pas (oral)
Moi le chocolat j’adore (oral)
3.2.2 L’antéposition sous forme de noyau
L’antéposition sous forme de noyau ne semble pas connaître pas les mêmes
contraintes que l’antéposition préfixale : les exemples recueillis en donnent
des attestations avec des verbes très variés, qui ne se laissent ramener à aucun
« type » sémantique bien défini : acheter, avoir, connaître, coûter, demander, devenir, donner, écouter, être, falloir, former, fumer, jeter, manquer, mettre, vouloir… En voici quelques exemples :
Mon père il va m’acheter un petit mouton — un petit mouton il va
m’acheter (oral)
Bien des malheurs il avait eu (écrit, Duras)
Un verre de sangria par personne ils donnaient (oral)
Des calamités publiques vous allez devenir (oral, ex. Pohl)
Sa princesse, je suis. Son idole. La personnification de ses rêves les plus fous
(écrit, R. Forlani)
Un bon disque on va s’écouter, d’accord ? (écrit)
Et là tu sais qu’est-ce qu’il lui est arrivé — une antenne ils lui ont jeté sur la
tête (oral, ex. Blanche-Benveniste)
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Mon dieu qu’elle était mauvaise — zéro elle m’avait mis en ménage (oral,
ex. Blanche-Benveniste)
Des trombones je voudrais (oral, ex. Pohl)
Deux justificatifs de domicile il me faut (oral)
Ces exemples montrent qu’en terme de sélection lexicale, les deux modes
macro-syntaxiques de l’antéposition gagnent donc à être soigneusement distingués, l’antéposition préfixale paraissant davantage contrainte que l’antéposition sous forme de noyau.
Conclusion
Cet article a permis d’illustrer le fait que, tout « essentiels » qu’ils soient, bon
nombre d’objets directs peuvent être antéposés au verbe qui les régit. La notion d’antéposition doit cependant être considérée avec prudence ; il semble
que deux modes d’antéposition soient à distinguer au plan macro-syntaxique.
Nous avons tenté d’illustrer cette distinction en insistant plus particulièrement
sur le comportement des objets antéposés vis à vis des marques de modalités et
sur certaines caractéristiques lexicales des verbes constructeurs.
Œuvres citées
Blanche-Benveniste, Claire et al. 1990. Le français parlé — Etudes grammaticales. Paris : Editions du CNRS.
Blanche-Benveniste, Claire et al. 1996. Trois remarques sur l’ordre des mots dans la langue
parlée. Langue française, 111, 109–119.
DELIC (Equipe). 2004. Présentation du corpus de référence du français parlé. Recherches sur
le français parlé, 18, 11–42.
Deulofeu, Henri-José. 2003. L’approche macro-syntaxique en syntaxe : un nouveau modèle
de rasoir d’occam contre les notions inutiles ?. SCOLIA, 16, 77–95.
Gardes-Tamine, Joëlle. 1988. La grammaire 2. Paris : A. Colin.
Hakihiro, Hisae. 2004. Contribution à l’étude de la valence verbale en français contemporain, la non réalisation du complément d’objet direct. thèse de Doctorat, non publié.
Le Goffic, Pierre. 1993. Grammaire de la phrase française. Paris : Hachette Education.
Mertens, Piet. 1990. L’intonation. In Blanche-Benveniste et al. 1990.
Milner, Jean-Claude. 1989. Introduction à une science du langage. Paris : Seuil.
Pohl, Jacques. 1984. Documents pour servir à l’étude des phrases du type Les fleurs, j’aime.
Romanistisches Jahrbuch, Berlin / New York : Walter de Gruyter, Band 35.
Riegel, Martin et al. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris : PUF.
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8
82 Frédéric Sabio
Sabio, Frédéric. 1992. Les compléments antéposés en français parlé : analyse de deux types
prosodiques et syntaxiques. Recherches sur le français parlé, 11, 31–56.
Sabio, Frédéric. 1995. Micro-syntaxe et macro-syntaxe : l’exemple des « compléments antéposés » en français. Recherches sur le français parlé, 13, 111–155.
Summary
In modern French, Noun Groups which fulfill a function of non prepositional complements
(ie. direct objects) are traditionnally said to have a strictly fixed position after the verb, in
contrast with other types of complements which have a freer distribution. Using data mostly
drawn from spoken language corpora, we show that, contrary to commun assumptions, non
prepositional complements are likely to be placed before the verb. In order to give a precise
account, it appears necessary to make a distinction between two different types of pre-verbal
complements. Such a distinction is made through the theoretical frame of macro-syntax.
Adresse de l’auteur :
Frédéric Sabio, Université de Provence
Département de linguistique française
29, avenue Robert Schuman
13100 Aix-en-Provence (France)
[email protected]
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