Entrevue «L'Eye Tracking fournit une radiographie très précise» Entrevue avec Marc Rutschmann L'agence de communication Dr. Marc Rutschmann Research AG exploite les enseignements tirés de l'oculométrie pour concevoir des moyens publicitaires les plus efficaces possibles. Mais que révèle l'Eye Tracking? Permet-il réellement de scruter l'inconscient? Sonne-t-il le glas des sondages d'opinion? C'est la question, parmi d'autres, que nous avons posée sur le thème de l'analyse oculométrique au propriétaire d'agence et expert en recherches, Marc Rutschmann, et avons obtenu des réponses pour le moins surprenantes. Aujourd'hui, nous vivons dans la surabondance: Trop d'offres, trop de publicité et trop d'informations en général. D'après votre expérience, cette surabondance agit-elle également sur la quantité d'informations qu'une personne absorbe à la lecture d'un message publicitaire? Non, la disponibilité du lecteur à accueillir des informations n'est absolument pas moindre. Il serait erroné de conclure que les messages publicitaires devraient être courts et convaincants en raison du manque de temps. Naturellement, le flux d'informations est une réalité depuis presque 30 ans et il ne cesse de croître. Le nombre de produits explose également et la concurrence entre les messages s'est fortement accrue. Il faut maintenant des techniques plus raffinées pour capter l'attention du lecteur. Vous travaillez depuis de nombreuses années avec l'Eye Tracking. Dans quels secteurs du marketing employez-vous cette méthode? Entrevue avec Marc Rutschmann En tant qu'agence de communication, nous concevons et créons de la publicité. L'oculométrie est un outil pour garantir que les moyens publicitaires déploient un effet maximal. Nous l'utilisons pour les médias offline à large dispersion comme les publipostages, les annonces avec coupon-réponse, les encarts, la publicité de masse et naturellement sur Internet. Amener effectivement les personnes à consulter une page d'accueil n'est pas vraiment une sinécure. La publicité offline est-elle donc mieux adaptée à l'accroche publicitaire? Les personnes peuvent toujours encore être interpellées et appréhendées de manière très efficace par la voie offline, c'est-àdire par le papier. L'humain est un être tactile et il comprend tout ce qu'il peut toucher. Ainsi, nous l'abordons souvent par le biais d'annonces ou de publipostages pour le conduire vers Internet, dont les qualités sont très utiles. Sur Internet, nous pouvons cultiver le dialogue, introduire des images animées, générer des engagements et ouvrir la route du consentement, comme on le dit en marketing direct. Contrairement à la parole, le regard ne peut être sciemment dirigé. L'Eye Tracking est-il une porte vers le subconscient? Lorsque vous interrogez les gens, ils vous fournissent des réponses rationnelles alors que l'Eye Tracking vous permet de voir la réaction effective, le comportement réel. Et cela se passe de manière inconsciente. Le contrôle des yeux requiert des efforts conséquents induisant une fatigue rapide. Notre œil effectue constamment une sorte de balayage. Ce processus biologique obéit à certaines lois que l'on peut mettre en évidence par le biais de l'oculométrie. En ce Page 1 Entrevue avec Marc Rutschmann sens, l'oculométrie offre une vision du subconscient qu'on ne peut guère obtenir par d'autres moyens. Comment un moyen publicitaire doit-il être conçu pour déclencher des actes? L'œil réagit tout d'abord à des Eye-Catcher grâce auxquels on accroche le regard. Pour les annonces, il faut environ deux ou trois secondes – pour les publipostages c'est un peu différent – avant que n'arrive la grosse vague de l'abandon. Il s'agit alors de capturer le lecteur et de l'entraîner vers la prochaine étape: le survol de tout le support publicitaire. C'est une étape quelque peu chaotique, difficile à contrôler. Il importe de disposer de nombreux éléments augmentant la surface d'accroche pour que les chances que l'œil effectue une certaine distance et aboutisse au dernier hameçon soient assez grandes. On en revient à la pléthore d'informations que vous avez évoquée au début de l'entretien. Oui, une lettre de deux pages génère plus de retour que celle d'une page. Mais l'on refuse intuitivement ce fait et l'on prétend que le message doit être court et concis. C'est ce que prétendrait également chaque consommateur, chaque spécialiste du marketing et chaque CEO. Mais la réalité est différente. Plus elle contient d'éléments, plus la surface d'accroche est grande et plus la chance que le destinataire reste longtemps à la deuxième étape dans laquelle l'œil saute d'image en image, d'un terme d'accroche à l'autre. Arrive alors à la troisième étape, ce que l'on appelle les bouchées sémantiques. C'est là qu'il pénètre réellement dans le message et qu'il lit les informations. Et l'on doit accéder à ce niveau pour déclencher une action. Vous écrivez donc essentiellement des lettres de deux pages? Oui, toujours. Elles génèrent simplement plus de réponses. Mais il faut maîtriser la technique, sinon il vaut mieux s'en tenir à une lettre plus courte. Nous formons nos rédacteurs en conséquence. C'est ce qui distingue le rédacteur en marketing direct. Un rédacteur publicitaire classique ne peut jamais faire de la publicité incitant à l'acte, car ce processus nécessite une toute autre approche. Mais c'est différent dans le Business-to-Business, non? La différence n'est pas significative. On la surestime souvent. L'on s'adresse toujours à des personnes ayant un comportement oculaire qui, comme dit, est totalement inconscient. Ce comportement ne varie que de manière insignifiante dans une situation professionnelle par rapport à une situation de consommation. L'analyse oculométrique permet simplement de constater qu'une information a été reçue. En revanche, on ne sait pas si elle a été comprise, si elle a été retenue ou si elle a déclenché l'acceptation ou des émotions. Ne faudrait-il pas la combiner avec un sondage classique? Une fois l'Eye Tracking achevé, on peut sans problème procéder à un questionnement de rappel. Mais l'utilité est néanmoins réduite dans la mesure où l'oculométrie nous fournit déjà une image des Entrevue avec Marc Rutschmann informations parvenues au cerveau. C'est souvent suffisant. Lors d'un sondage, il faut également faire attention à ce que la radiographie précise obtenue par Eye Tracking ne soit pas voilée par les filtres et les diversions de la conscience. Il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce que le consommateur raconte. Pour vous, l'étude de marché classique ne serait donc plus d'actualité? Nous employons également d'autres méthodes de recherche, comme les analyses comportementales du processus d'achat. D'une part, nous observons le consommateur sur le point de vente via une caméra et d'autre part, nous utilisons une technique d'interview bien définie durant laquelle le consommateur nous fournit épisodiquement des retours d'information. Mais comme pour l'oculométrie, on reste dans le domaine du comportement et non des opinions, car elles sont dangereuses. Nous pensons que ce type d'étude de marché n'est plus d'actualité. Vous avez développé la méthode du scoring avec l'Institut d'analyse comportementale de l'université de Helsinki. Elle permet de déterminer les messages qui doivent absolument arriver au cerveau pour déclencher l'acte d'achat. Pouvezvous nous donner quelques exemples sur ce sujet? Nous mesurons sept paramètres qui sont importants pour le destinataire, comme l'émetteur, les messages fondamentaux et auxiliaires. Le destinataire doit ainsi pouvoir se représenter la personne qui lui parle par le biais de la lettre. L'oculométrie met en lumière des déficits clairs. Par exemple, lorsque l'émetteur ne génère pas suffisamment de fixations oculaires ou que le message principal n'est pas perçu avec précision en raison d'une durée de fixation trop réduite. Soit nous comparons les variantes d'un support publicitaire, soit nous nous tournons vers les références, c'est-à-dire les meilleurs de la branche. De cette manière, on découvre parfois des déficits importants. Souvent, nous prenons également des références d'autres branches, par exemple le déclencheur d'action d'un vendeur de cosmétiques par correspondance pour une banque. Les structures d'essai sont alors un peu plus complexes. Combien de personnes test vous faut-il pour une analyse? En règle générale, 25 personnes nous suffisent. Le comportement oculaire des gens est assez homogène, car il est de nature biologique. L'écart réduit nous fournit assez rapidement des modèles significatifs. Et comme les échantillons sont représentatifs, nous n'avons besoin que d'un petit panel. Nous choisissons les personnes tests dans le groupe cible, même si les différences entre divers groupes – par exemple pour le niveau d'instruction – ne sont pas très grandes. Souvent, nous emportons toute l'installation sur le terrain. Page 2 Entrevue avec Marc Rutschmann Un test d'oculométrie centré individuellement sur un seul moyen publicitaire revient donc assez cher. En réalité, il est très avantageux si on le compare à d'autres méthodes. Et cela pour la bonne raison que nous n'avons pas besoin d'un large échantillon pour obtenir des résultats valides et également parce que le processus est standardisé. Il s'agit naturellement de tenir compte de l'installation, c'est-à-dire du nombre de moyens publicitaires qui sont testés et des éventuels références utilisées. L'oculométrie est également une méthode peu coûteuse en temps et en frais par rapport aux tests réels que sont les tests split run durant lesquels on n'apprend pas beaucoup sur la finesse des mécanismes. A partir de quel tirage l'Eye Tracking est-il rentable? Une analyse coûte entre 8 000 et 20 000 francs voire plus selon sa complexité. Mais ce montant doit être mis en relation avec les charges publicitaires globales. L'effet sur l'action – la réponse – croît massivement et la rentabilité est rapidement au rendez-vous. Merci pour cet entretien hautement instructif. Dr. Marc Rutschmann [email protected] www.mrutschmann.com Chargé de cours à l’université de St-Gall (HSG), auteur de publications et propriétaire de l’agence de publicité qui déclenche l’action : Dr. Marc Rutschmann SA. Poste CH SA PostMail Marketing direct Wankdorfallee 4 3030 Berne Entrevue avec Marc Rutschmann 0848 888 888 [email protected] www.poste.ch/directpoint Page 3