monnaie et taux de change

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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 19
CHAPITRE 19
MONNAIE ET TAUX DE CHANGE
Les échanges internationaux donnent lieu à des paiements internationaux qui nécessitent
le recours à des devises, par le biais du taux de change et du marché des changes. Dans ce
chapitre, nous allons parler des taux de change, du marché des changes et des différents
régimes de change. Cela nous donnera l’occasion de voir, d’une part, la relation entre la
balance des paiements et le taux de change et, d’autre part, la relation entre la monnaie et
le taux de change.
1. LE MARCHÉ DES CHANGES
1.1. Définitions
Le marché des changes est un marché sur lequel on achète et on vend des devises.
S’il n’y a qu’une seule devise – la livre sterling (£) – sur le marché des changes en
Belgique, l’offre et la demande pour la £ proviennent des échanges entre le Royaume-Uni
et la Belgique. Un euro (€) a un prix qu’on notera e, c’est-à-dire qu’un € vaut un certain
nombre de £ le prix de la devise, également appelé le taux de change.
Le taux de change est donc le prix de la devise nationale : 0,6 £ pour 1 €; du point de vue
britanique, ce sera 1/0,6 ≈ 1,6 € pour 1 £. La notion de taux de change recouvre les deux
définitions. Pour éviter toute confusion, nous adopterons la convention suivante: lorsque
nous parlerons de taux de change, cela voudra dire en général prix de la devise nationale.
Dans ce sens, une appréciation du taux de change signifiera que les devises étrangères
coûtent moins cher. Par contre, nous parlerons de dépréciation de la monnaie pour
signifier que la monnaie nationale voit son cours augmenter à l’étranger. On peut
cependant éviter toute confusion en adoptant la terminologie suivante: 0,6 £ pour 1 €
représente le taux de change de l’€ en £ (le prix de l’€ en £) et 1,6 € pour 1 £ représente le
taux de change de la £ en € (le prix de la £ en €).
Lorsque le prix de l’€ diminue, cela signifie que l’on obtient moins de £ pour 1 € : il y a
une dépréciation de l’€ par rapport au £. Plus e est faible, plus le € est bas par rapport au
£.
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Chapitre 19
Le taux de change effectif d’une monnaie est un indice du taux de change tenant compte
de l’importance des relations commerciales avec les autres pays. Le taux de change
effectif est donc un panier de taux de change d’une monnaie par rapport à différentes
monnaies.
Prenons un exemple. Supposons que la Belgique a deux partenaires commerciaux
représentant chacun 50% de son commerce extérieur: le Royaume-Uni et la Suisse. Un €
vaut respectivement 0,6 £ et 1,5 francs suisses (CHF). Le taux de change effectif sera un
panier avec 1/2 £ et 1/2 CHF. L’indice correspondant vaudra 0,5x0,6 + 0,5x1,5 = 1,05.
Supposons que l’€ passe à 0,75 £, soit une appréciation de 25% par rapport au £. Le taux
de change effectif passera à 0,5x0,75 + 0,5x1,5 = 1,125, soit une appréciation du taux de
change effectif de 0,075/1,05 ≈ 7% représentant la diminution effective du coût des
devises pour la Belgique.
1.2. L’offre et la demande pour une devise
L’analyse du marché des changes va pouvoir être faite à partir d’un simple graphique
d’offre et de demande. Si nous étudions l’offre et la demande de £, nous porterons les
quantités de « £ » en abscisse et le prix de la « £ » en ordonnée, soit 1/e.
1.2.1. L’offre
Du point de vue de la balance des opérations courantes, l’offre est fournie principalement
par les exportateurs belges qui vendent des produits belges au Royaume-Uni. Ils
reçoivent en échange des £ qu’ils offrent ensuite sur le marché des changes. On suppose
que l’offre de £ augmente avec le prix de la £.
Pourquoi l’offre augmente-t-elle avec le prix de la devise?
Si la £ augmente par rapport à l’euro, les produits belges deviennent relativement moins
chers pour les Britaniques : un bien qui vaut 100 € aujourd’hui vaudra moins en £ si
celui-ci augmente. Les produits belges deviennent plus compétitifs. Donc, lorsque le prix
de la devise nationale diminue, les exportateurs sont plus compétitifs et exportent plus.
Ceci augmente leurs recettes d’exportation et ils offrent plus de £ sur le marché des
changes.
L’offre vient non seulement des exportateurs mais aussi des investisseurs directs
étrangers: si les Britaniques construisent une usine en Belgique, ils paient avec des £.
Cela constitue une entrée de devises, d’où une augmentation de l’offre de devises. De
même, si des banques belges empruntent à des banques britaniques, cela constitue une
entrée de devises, poste au crédit de la balance des capitaux. Du point de vue de la
balance des capitaux, l’offre de devises ne varie pas nécessairement avec le prix de la
devise. On supposera que cette offre est totalement inélastique, nous l’avons noté Zk sur
le graphique 19.1. Elle vient donc s’ajouter simplement à l'offre de devises provenant des
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Chapitre 19
recettes d’exportation sans modifier la pente de la fonction d’offre qui, comme on vient
de le voir, est reliée à la compétitivité.
1.2.2. La demande
La demande est déterminée par les importations de produits britaniques : les importateurs
ont besoin de £ pour acheter au Royaume-Uni et donc ils vont demander des £. La
demande de £ diminue lorsque le prix du £ augmente : si le prix du £ augmente, un
produit britanique qui vaut 1 £ aujourd’hui (1 £ = 0,6 €) vaudra 1 £ demain où 1 £ = 0,75
€, donc le produit vaudra plus cher. Donc, lorsque le prix de la devise étrangère
augmente, la demande d’importation va diminuer et la demande de £, représentant la
demande de dépenses d’importations, diminuera également.
Du point de vue de la balance des capitaux, la demande de devises ne varie pas
nécessairement avec le prix de la devise. On supposera qu’une partie de cette demande
est totalement inélastique, nous l’avons noté Xk sur le graphique 19.1. Elle vient donc
s’ajouter simplement à la demande de devises provenant des importations sans modifier
la pente de la fonction de demande.
1.2.3. Les élasticités
Pour que les pentes soient telles qu’on les a décrites, il faut que les importations et les
exportations soient suffisamment élastiques par rapport aux prix. Voyons cela de plus
près.
L’offre de £ est constituée par les recettes d’exportation, autrement dit les quantités
exportées fois les prix à l’exportation. Si le prix de la £ diminue, les prix belges à
l’exportation augmentent et une diminution du volume des exportations va être observée.
Si les exportations diminuent, deux effets se manifestent: les prix à l’exportation
augmentent et les quantités exportées diminuent. Si la demande d’exportation est
inélastique par rapport au prix, une baisse de la £ augmente les prix belges à
l’exportation et les recettes à l’exportation. Dans ce cas, l’offre augmente lorsque le prix
de la £ diminue.
A l’inverse, si les exportations sont suffisamment élastiques par rapport aux prix, lorsque
la £ diminue, les prix à l’exportation augmentent, mais les quantités exportées diminuent
beaucoup plus. Les recettes à l’exportation diminuent ainsi que l’offre de £.
Un raisonnement analogue peut être appliqué aux importations: une baisse de la £ rend
l’achat de produits britaniques plus avantageux. Les prix à l’importation belges baissent
et les importations augmentent. Si les importations sont inélastiques par rapport aux prix,
suite à une diminution de la £ la demande de £ diminue. Le prix en £ reste le même et la
demande de dépenses d’importations reste constante. La demande de £ donc diminue.
Lorsque les importations sont élastiques par rapport aux prix, les dépenses à l’importation
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vont augmenter lorsque la £ baisse. Par conséquent, la demande de £ augmente.
La condition de Marshall-Lerner
Pour que la demande nette de £ (demande moins offre) diminue avec le £, il faut que la
somme des élasticités de la demande d’importations et d’exportations en volume soient
supérieures à 1. Ou encore, une dépréciation réelle de la monnaie n’améliore la balance
commerciale qu’à la condition que la somme des valeurs absolues des élasticité-prix de
l’offre d’exportation et de la demande d’importation soit supérieure à l’unité.
Ce qui revient à affirmer que l’effet-volume positif engendré par une dépréciation doit
être suffisamment intense pour compenser l’effet-prix négatif.
Cette condition porte le nom des deux économistes qui l’ont formulée : Alfred Marshall et
Abba Lerner.
1.2.4. Le taux de change d’équilibre
Dans la mesure où l’offre et la demande ont une pente différente, il existe un taux de
change d’équilibre : c’est le prix de la devise pour lequel la quantité offerte est égale à la
quantité demandée. Ce taux de change est e0 et il correspond à la quantité d’échange Q0.
Graphique 19.1: LE MARCHÉ DES CHANGES BELGE: € VS £
1/e (€/£)
O£
1/e0
D£
ZK
XBOC
XK
ZBOC
Q0
Q£
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Pour la clarté, les parties verticales de l’offre et de la demande de devises ne sont plus
reprises sur les graphiques suivants.
1.3. Les déplacements de l’équilibre
Quels sont les facteurs les plus importants influençant le taux de change d’équilibre?
1.3.1. L’évolution des goûts
Une campagne pour des produits britaniques qui remporte un grand succès va stimuler la
demande d’importation pour les produits britaniques. Par conséquent, à taux de change
identique – les prix restent inchangés – la demande de £ se déplace vers le droite en D£’.
Un nouvel équilibre s’établit en e1, ce qui correspond à une appréciation du £ par rapport
au € ou à une dépréciation du € par rapport au £.
Graphique 19.2: LE MARCHÉ DES CHANGES BELGE:
AUGMENTATION AUTONOME DE LA
DEMANDE DE £
1/e (€/£)
O£
1/e1
1/e0
D£’
D£
Q0
Q1
Q0 ’
Q£
De façon analogue, supposons qu’il y ait une vague d’engouement pour les produits
belges au Royaume-Uni. Cela entraînera une augmentation des exportations, donc une
augmentation de l’offre de devises, donc un déplacement de la fonction d’offre à droite et
vers le bas. Cela entraîne une baisse du taux de change d’équilibre du £ et donc une
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Chapitre 19
appréciation de l' € par rapport à ce dernier.
1.3.2. Les mouvements de capitaux
Supposons une augmentation des investissements directs belges au Royaume-Uni. Cette
augmentation des investissements directs représente une sortie de devises. Elle entraîne
donc un déplacement de la demande de £ vers D£’, ce qui augmente le taux de change
d’équilibre du £.
Les mouvements de capitaux influencent de plus en plus les taux de change. Au début des
années 80, il y eut une exportation importante de capitaux vers les USA, ce qui eut pour
effet une appréciation importante du dollar.
1.3.3. La spéculation
La spéculation joue également un rôle croissant dans la détermination des taux de change.
Supposons que les spéculateurs anticipent une appréciation du £ ou une dépréciation de l’
€. A ce moment, la demande de £ va augmenter. Celle-ci se déplace vers D£’ De fait, le
taux de change d’équilibre du £ va s’apprécier. C’est un exemple de prophétie
autoréalisatrice.
1.4. Arbitrage financier sur le marché des changes
Les spéculateurs, tout comme les autres opérateurs financiers sur les marchés financiers
sont à la recherche des placements les plus rémunérateurs et cherchent constamment à
faire des gains en capital sur les mouvements des devises.
Ces vingt dernières années, on a assisté à une globalisation de l’économie mondiale: les
marchés financiers nationaux sont devenus de plus en plus intégrés et se sont transformés
en un seul marché global où les capitaux voyagent sans cesse d’un pays à l’autre, 24 h sur
24 h. Cette évolution a débuté après le premier choc pétrolier (1973) au moment où le
surplus très important de la valeur des opérations courantes des pays producteurs de
pétrole a été compensé par une sortie de capitaux sous forme d’épargne placée sur les
différents marchés financiers du monde. Simultanément, les mouvements de capitaux
sont devenus de plus en plus libres dans le monde: les restrictions à la mobilité des
capitaux entre pays sont de moins en moins nombreuses. De facto, les capitaux sont de
plus en plus mobiles. Dans la mesure où la mobilité du capital est presque parfaite, le
capital va très rapidement se placer là où le return attendu est le plus élevé. Toute
information qui fait changer les anticipations de returns d’un pays à l’autre entraîne des
mouvements de capitaux d’une forte ampleur.
Ceci est lié à des mouvements spéculatifs, où les différents opérateurs sur les marchés
financiers mondiaux effectuent leurs placements de façon à maximiser les returns
attendus. Ils achètent des portefeuilles d’actifs dans l’espoir que le return total – ce qui
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correspond sur le marché des capitaux au revenu du capital (intérêts ou dividendes)
additionné aux plus-values attendues – soit supérieur au return que l’on peut obtenir sur
d’autres actifs ou portefeuilles d’actifs.
Dans ce contexte, les marchés des changes et le return extérieur – soit le taux d’intérêt
étranger (i*) moins la perte sur le taux de change (le taux de croissance de e noté ê) –
jouent un rôle très important.
return extérieur = i* - ê
Prenons un exemple : une somme de 100.000 € peut être placée en Belgique avec un taux
d’intérêt de 5 %. Le taux d’intérêt au Royaume-Uni est égal à 10%. Le taux de change est
de 0,6 £/€. Donc, placer 100.000 € au Royaume-Uni équivaut à un placement de 60.000
£. À l’échéance, on disposera de 66.000 £. Si l’euro monte à 0,75 £, ces 66.000 £
vaudront 88.000 €. Donc, au lieu d’obtenir 105.000 € – placement en Belgique – on
obtient 88.000 € en escomptant une appréciation de l’euro (perte de 12 %).
On peut établir une relation d’arbitrage très simple entre taux d’intérêt domestique i, taux
d’intérêt extérieur et anticipation du mouvement du taux de change, êe.
La formule réliant ces éléments est la suivante:
(1  i) 
(1  i* )
(1  ê e )
formule que l’on peut approximer par:
i = i* - êe
Cette relation d’arbitrage indique qu’il y a équilibre sur le marché des capitaux
internationaux, c’est à dire que les capitaux n’ont plus de raison de se déplacer, lorsque le
taux d’intérêt domestique est égal au taux d’intérêt étranger moins l’appréciation attendue
du taux de change national.
Cette relation est tout à fait fondamentale pour comprendre les mouvements de capitaux
entre pays. Elle permet d’expliquer pourquoi les taux d’intérêt peuvent varier entre pays,
même lorsque les mouvements de capitaux sont libres et qu’il y a mobilité parfaite des
capitaux. Si une dépréciation d’une monnaie est anticipée, une fuite des capitaux ne peut
être évitée que si le taux d’intérêt est relevé de façon à incorporer la dépréciation
attendue. Inversement, si une appréciation est attendue, le taux d’intérêt domestique peut
être plus bas que le taux d’intérêt étranger.
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Chapitre 19
Les anticipations sont donc très importantes et les mouvements de capitaux sont
fortement influencés par les anticipations sur le futur. Les anticipations dépendent de
plusieurs choses. Elles dépendent, premièrement de ce qu’on appelle les fundamentals,
c’est à dire la situation macro-économique fondamentale d’un pays. Nous reviendrons
plus loin sur la relation entre taux de change et équilibre macro-économique et nous nous
contenterons d’évoquer ici certains éléments de base permettant de déterminer l’évolution
de la monnaie d’un pays.
Les anticipations sur l’évolution du taux de change nominal dépendent de l’évolution du
taux de change réel.
Le taux de change réel est le taux de change nominal, e, corrigé par le rapport des prix.
taux de change réel : e.
p
p*
Regardons par exemple le taux de change réel de l’€ par rapport à la £: e est le prix de
l’€, p* l’indice des prix britaniques et p l’indice des prix pour la zone euro.
Prenons un exemple chiffré:
1 chemise britanique vaut 40 £; 1 chemise belge vaut 50 € ; le taux de change est de 0,6
£/€. Le taux de change réel est de 0,6x50/40 = 3/4. La chemise belge va donc se vendre
aux 3/4 du prix de la chemise britanique lorsque le taux de change nominal est de 0,6 £/€.
Le taux de change réel est une notion très proche des termes de l’échange (ratio des prix à
l’exportation sur les prix à l’importation). Il évolue essentiellement avec le différentiel
d’inflation, c’est à dire la différence entre l’inflation intérieure et extérieure.
Si le taux de change nominal e est constant et que les prix britaniques ont tendance à
baisser par rapport à l’€, les prix britaniques deviennent relativement moins chers sans
que le taux de change nominal n’ait bougé. Les prix britaniques sont plus compétitifs et le
prix réel de la £ a baissé. Le différentiel d’inflation entre la zone euro et le Royaume-Uni
cause donc une dépréciation réelle de la £ et une appréciation réelle de l’€. Pour évaluer
la compétitivité de la zone euro, le taux de change réel par rapport à l’étranger est donc
une mesure statistique importante. Si le taux de change réel de la £ a tendance à baisser,
cela signifie une baisse de compétitivité des produits belges. Une baisse durable de la
compétitivité causée par une inflation plus élevée qu’à l'étranger n’est pas tenable. Une
dépréciation de l'euro sera donc attendue.
Lorsqu’une monnaie a tendance à connaître une appréciation réelle à cause d’un
différentiel d’inflation, les marchés financiers anticipent une dépréciation nominale.
Inversement, lorsqu’une monnaie a tendance à connaître une dépréciation réelle parce
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Chapitre 19
que son inflation est plus faible qu’à l’étranger, les marchés financiers anticipent une
appréciation nominale. Les mouvements du taux de change réel donnent donc des
indications sur l’évolution future du taux de change nominal. Cela est basé sur le fait que
le taux de change réel est plus ou moins stable et ne change que suite à des chocs réels
(choc sur les termes de l’échange par exemple).
A quel niveau le taux de change réel va-t-il se stabiliser?
Une des réponses les plus connues à cette question est basée sur la théorie de la parité du
pouvoir d’achat (PPA). Cette théorie dit que le taux de change d’équilibre entre deux
monnaies doit nécessairement être le taux de change qui donne un pouvoir d’achat égal
pour les deux monnaies.
Le taux de change PPA est donc le taux de change nominal qui donne la parité du
pouvoir d’achat entre la chemise belge et britanique, soit e = 0,8. Dans l’exemple
précédent, la £ devrait se déprécier par rapport à l’euro ; autrement dit, l’euro devrait
s’apprécier de façon à se ramener à la parité du pouvoir d’achat. A ce niveau de taux de
change, la chemise belge (50 euros) est au même prix que la chemise britannique (40/0,8
euros).
L’évolution du taux de change nominal entre deux monnaies reflète le différentiel
d’inflation. En effet, si l’inflation au Royaume-Uni est moins élevée que dans la zone
euro, cela veut dire que les prix britaniques augmentent moins vite que les prix de la zone
euro : nécessairement, le prix du £ va devoir augmenter pour maintenir la parité du
pouvoir d’achat.
Exemple : après la Seconde Guerre mondiale, la France a eu systématiquement un taux
d’inflation supérieur à l’Allemagne, ce qui signifiait que le FF devait se déprécier par
rapport au DM de façon à maintenir une certaine parité du pouvoir d’achat.
Etant donné le caractère auto-réalisateur des anticipations, des bulles spéculatives
peuvent néanmoins apparaître conduisant à une appréciation ou dépréciation
anormalement forte d’une monnaie, déviant même durablement des “fundamentals” du
pays et s’écartant du taux de change qui serait prédit par la théorie de la parité du pouvoir
d’achat.
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Chapitre 19
2. LES DIFFÉRENTS RÉGIMES DE CHANGE
On opère une distinction fondamentale entre deux types de régimes: les taux de change
fixes et les taux de change flottants.
Lorsque le taux de change est déterminé uniquement par les forces du marché - soit la loi
de l’offre et la demande sur le marché des changes -, il s’agit d’un taux de change
flottant. Or, le marché des changes est un marché toujours en équilibre, c’est un marché
au jour le jour. Un régime de taux de change flottant reflète les déplacements de l’offre et
de la demande sur le marché des changes au travers des variations de ce taux.
Du point de vue terminologique, lorsqu’il y a un taux de change flottant, on utiliserà les
termes appréciation et dépréciation pour caractériser les variations du taux de change.
Lorsque le prix de la devise augmente, elle s’apprécie et, lorsque le prix de la devise
diminue, elle se déprécie. Bien entendu, une appréciation du £ induit une dépréciation du
€ par rapport au £.
Les taux de change entre les grandes monnaies internationales du moment - dollar, yen,
euro - sont des taux de change flottants.
Par contre, entre 1990 et l’introduction de l’euro, le taux de change entre le DM et le FB
était un taux de change fixe. Les deux pays s’étaient mis d’accord pour que FB et DM
soient convertis à un taux qui était fixe. Cet accord émanait de la Banque Centrale
allemande et de la Banque Centrale belge. Les deux monnaies étaient convertibles, c’està-dire que les deux Banques Centrales s’engageaient à acheter et vendre autant de
devises que le marché l’exigeait. Si la demande de DM était supérieure à l’offre de DM
sur le marché des changes, la convertibilité de la monnaie impliquait que la Banque
Centrale belge intervienne et offre tous les DM nécessaires pour absorber la demande.
C'était une intervention de la banque centrale sur le marché des changes. Et donc, la
banque centrale belge vendait les DM dont le marché avait besoin au taux de change qui
avait été fixé. Pour pouvoir le faire, elle devait avoir des DM en réserve.
Dans un système de taux de change fixes, les banques centrales doivent avoir des
réserves en devises. La vente de DM par la banque centrale belge impliquait une baisse
de ses réserves en DM.
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Chapitre 19
Graphique 19.3: LE MARCHÉ DES CHANGES BELGE:
INTERVENTION DE LA BANQUE CENTRALE
(CHANGE FIXE)
1/e (FB/DM)
ODM
1/e1
1/e0
dévaluation du FB
DDM’
DDM
Q0
Q1
Qd ’
QDM
Qd’-Q0 = intervention de la
Banque Centrale
(diminution des réserves)
Si cette situation était momentanée, elle ne posait pas de problème. Mais, si elle
perdurait, la banque centrale belge devait continuer à vendre des DM sur le marché au
taux de change e0. Tant que le déséquilibre perdurait, la banque centrale devait vendre
une quantité égale à (Qd’- Q0). Si le déséquilibre durait trop, les réserves de devises de la
banque centrale s’épuisaient et cette situation n’était pas défendable trop longtemps. A
terme, une modification des parités en e1 était nécessaire, ce qui représentait une
réévaluation du DM par rapport au FB ou une dévaluation du franc belge.
Notons à ce stade une distinction importante entre régime de taux de changes fixes et
flottants. En régime de changes fixes, les interventions de la banque centrale influencent
le stock monétaire. Si l’offre de devises est inférieure à la demande de devises sur le
marché des changes, la banque centrale doit offrir les devises manquantes. En vendant les
devises, la Banque Centrale belge recevait des FB. Ceux-ci cessaient donc de circuler.
Une vente de devises entraîne donc une baisse du stock monétaire dans le pays en cas de
changes fixes. Inversement, un achat net de devises entraîne une hausse du stock
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 19
monétaire. En taux de changes fixes, la banque centrale n’est donc pas vraiment libre de
fixer le stock monétaire dans l’économie puisque celui-ci variera en fonction des
déséquilibres sur le marché des changes. Elle peut néanmoins décider de stériliser les
effets du marché des changes sur le stock monétaire. Une stérilisation signifie que si une
vente de devises entraîne une baisse du stock monétaire, la banque centrale décide de
neutraliser cette baisse par une hausse concomitante (par exemple par une opération
d’open market).
En taux de changes flottant, le marché équilibre à tout moment l’offre et la demande de
devises. L’offre de monnaie n’est donc pas dépendante du marché des changes.
3. LE SYSTÈME MONÉTAIRE INTERNATIONAL
Les systèmes de paiements internationaux se distinguent non seulement par la distinction
entre le régime de taux de change fixes versus taux de change flottants, mais aussi par la
différence importante entre les règles versus la discrétion.
Règles : système comprenant des automatismes dans lesquels le gouvernement
n’intervient pas. Une série de règles déterminent des comportements d’ajustement sans
aucune intervention.
Discrétion : les gouvernements détiennent le pouvoir d’influencer le taux de change ou
les ajustements liés à des variations de taux de change. Le gouvernement a donc le
pouvoir d’intervention en fonction de ses objectifs et de son analyse du moment.
Les distinctions entre régime fixe et flottant d’une part, et règles versus discrétion d’autre
part, permettent de saisir les différents systèmes monétaires internationaux ayant existé
jusqu’à présent.
Taux de change annuel 1$=e.FB
1999:
EMU
2003
1998
1993
1988
1983
1978
1973
1968
1963
1958
1953
1947-1971: Bretton
Woods
1948
60
55
50
45
40
35
30
25
419
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Chapitre 19
3.1. Le système de l’étalon-or
Ce système a été le principal système au cours du 19e siècle et jusqu’au début de la
Première Guerre Mondiale. Cette époque a été marquée par la domination sans partage et
le rôle très important de la Grande-Bretagne.
Le système de l’étalon-or est un régime de taux de change fixes qui comprend aussi des
règles. Il s’agit donc d’un système qui laisse très peu de place pour des interventions
discrétionnaires.
Les principales caractéristiques du système de l’étalon-or étaient les suivantes
1)
Chaque pays fixe le prix de l’or dans sa monnaie nationale : en Belgique, le prix
de l’once d’or en FB, en Grande-Bretagne, le prix de l’once en £, etc.
2)
La monnaie est convertible en or : le gouvernement ou les autorités monétaires
responsables s’engagent à acheter et à vendre autant d’or que le marché le désire à
la parité fixée.
3)
La création de monnaie n’est pas à la discrétion du gouvernement mais évolue
selon une règle liée au stock d’or : cette règle est appelée le système de la
couverture-or. Chaque £ en circulation était couverte par une quantité d’or
définie. Si le public achetait de l’or, automatiquement le stock monétaire
diminuait ; par contre, si la banque centrale achetait de l’or ou si le public vendait
de l’or à la banque centrale, le stock monétaire augmentait automatiquement.
Donc, il n’y avait aucun moyen de faire marcher la planche à billets.
Le prix de l’or fixait automatiquement le taux de change entre deux devises. Par exemple,
si 1 $ = 1 once d’or et 1 £ = 2 onces d’or, 1 £ = 2 $.
Ce système possédait des ajustements automatiques. Supposons que le dollar est
surévalué (1 $ = 1 £), 1 $ permet d’acheter 1 £; avec 1 £, on obtient 2 onces d’or. Ces
deux onces d’or autorisent l’achat de 2 $. 1 $ permet en fait d’obtenir 2 $. Tout le monde
va alors demander des livres et personne ne voudra de dollar. La situation n’est pas à
l’équilibre. Donc, il y a une offre excédentaire de dollars et le dollar devrait baisser pour
s’ajuster automatiquement. Dans l’exemple ci-dessus le dollar devra baisser jusqu’à 1 $ =
0,5 £.
Dans le système de l’étalon-or, les parités étaient fixées automatiquement par le prix de
l’or et ce prix ne bougeait pas et, de ce fait-là, il y avait des ajustements automatiques. Ce
système avait un grand avantage: il empêchait l’inflation parce que le stock de monnaie
n’était pas à la discrétion du gouvernement. Par contre, les ajustements
macroéconomiques devaient se faire par des mouvements des prix et des salaires - ce qui
peut prendre du temps étant donné la rigidité des salaires à la baisse et ces ajustements se
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 19
faisaient par des récessions qui pouvaient durer plus ou moins longtemps.
Le système de l’étalon-or a été abandonné après la seconde guerre mondiale. Dans l’entre
deux guerres, la situation économique était caractérisée par une inflation élevée. Celle-ci
résultait du financement monétaire des dépenses militaires et des dépenses publiques
liées à la reconstruction. Ces dépenses ont été financées par de la création monétaire qui a
entrainé de l’inflation. Un cas extrême d’inflation à cette période est celui de
l’hyperinflation allemande. L’indice des prix y est passé de 262 en janvier 1919 à 126
160 000 000 000 en décembre 1923. Au cours de l’année 1923 les prix ont été multipliés
par 452 998 200, c'est-à-dire que les prix étaient multipliés par 5 entre le début du mois et
la fin du mois.
Suite au krach boursier américain de 1929, l’économie mondiale a connu la période de la
Grande Dépression Le krach boursier a été symbolisé par le jeudi noir (jeudi 24 octobre
1929), lundi noir (28 octobre) et mardi noir, où l’indice Dow Jones a perdu,
respectivement 22,6 %, 13% et 12% de sa valeur. La Grande Dépression qui en a résulté
a entrainé une baisse de la production industrielle américaine de moitié entre 1929 et
1933 et une hausse du taux de chômage jusqu’à 25% en 1933. La crise s’est étendue en
Europe et dans le reste du monde.
Certains pays ont tenté de retourner au système de l’étalon-or avec une dépréciation de
leur monnaie nationale pour améliorer leur compétitivité. Une telle mesure ayant pour
effet de détériorer la compétitivité des autres pays. Cependant comme plusieurs pays
menaient ce genre de politique, les dévaluations s’annulaient l’une l’autre. Des
restrictions aux échanges internationaux ont été mises en place pour limiter les
importations et améliorer le solde courant. Ces politiques protectionnistes ont également
constitué un frein à l’économie mondiale. Ce type de politique non coopérative, menées
sans concertation internationale est ce qu’on appelle une « beggar-thy-neighbor policy ».
Elles ont pour effet de reporter les difficultés économiques d’un pays sur les autres, et ont
engendré des politiques équivalentes de la part des autres pays en représailles.
En résumé, la période de l’entre deux guerres a été caractérisée par de l’instabilité
financière, une hausse spectaculaire de l’inflation et du chômage, des politiques
économiques plus autarciques et une désintégration de la coopération économique
internationale.
3.2. Le système de Bretton Woods
Le système de Bretton Woods est le système international qui a prévalu après la Seconde
Guerre Mondiale. Il a été négocié à la fin de la 2e Guerre Mondiale, dès 1944,
notamment par le grand économiste anglais Keynes.
Ce système est un système d’étalon-dollar. Chaque pays avait une parité par rapport au
dollar. C’est un système de convertibilité dollar. Les banques centrales s’engageaient à
acheter ou à vendre autant de dollars que désirait le marché à la parité fixée. Le dollar,
421
Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 19
lui-même était convertible en or, à un taux de 35$ l’once. La parité de chaque monnaie
étant fixée par rapport au dollar, elles sont également fixées entre elles. Les fluctuations
du taux de change autour de la parité ne pouvaient pas dépasser 1%.
Comme tout régime de changes fixes, le système impose des contraintes pour la politique
monétaire. Les Etats-Unis ne peuvent pas mener de politique monétaire autonome. En
effet, le stock d’or étant donné, le stock de $ ne peut pas varier sous peine de modifier la
parité $-or.
Les problèmes potentiels d’un tel système sont, au moins, de deux ordres. Tout d’abord,
la crédibilité du système repose sur la crédibilité de la parité or-$. Celle-ci serait mise à
mal en cas de politique monétaire américaine autonome. Par exemple, une augmentation
du stock de dollar impliquerait une baisse du cours de l’or en dollar.
Un autre problème potentiel intervient en cas de déficit commercial persistant. Le stock
monétaire n’était pas lié aux réserves. Un pays qui connaissait un déficit de sa balance
commerciale entraînant une sortie de devises – donc une baisse du stock monétaire en
change fixe – avait la possibilité de stériliser cette baisse du stock monétaire par une
augmentation discrétionnaire du stock monétaire.
La discrétion du gouvernement sur le stock monétaire détruisait les ajustements
automatiques. Cela a conduit à des situations où des déficits de balance commerciale
persistaient sans être corrigés automatiquement. Et, dans ce cas, il ne reste plus qu’à
dévaluer. A noter que les parités étaient ajustables sauf pour les Etats-Unis.
La dévaluation est une mesure discrétionnaire qui va à l’encontre de la fixité du taux de
change. On essaie d’éviter la dévaluation et on laisse très souvent des crises se
développer avant d’envisager une dévaluation.
L’éventualité d’une dévaluation entraînait bien entendu la possibilité de spéculer. La
spéculation renforce encore le déficit. Cela rend très méfiant par rapport aux mouvements
de capitaux et, dans un système de taux de change fixes et de Bretton Woods en
particulier, toutes sortes d’obstacles à la mobilité des capitaux sont mis en œuvre pour
essayer de limiter au maximum les mouvements de capitaux.
D’autres problèmes étaient liés à la situation particulière américaine. Entre 1958 et 1965,
le déficit courant américain s’est creusé, ce qui a nécessité des interventions des autres
Banques Centrales (pour maintenir la parité). Ces interventions se sont traduites par une
augmentation des réserves en dollar et une expansion monétaire, génératrice d’inflation.
Dans le milieu des années 60, les Etats-Unis ont financé le déficit de leur balance des
paiements et leur déficit (du en à l’augmentation des dépenses militaires US, et des coûts
de la guerre du Vietnam) , en imprimant de la monnaie. Ceci a accru le stock de dollars
dans le monde (les dollars qui ne se trouvent pas aux USA sont appelés les
“eurodollars”). Les réserves de dollars ont fortement augmenté dans les autres pays, ce
422
Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 19
qui a favorisé l’inflation car l’inflation américaine a été exportée dans le reste du monde.
Ceci a aussi pour effet de miner la crédibilité de la parité or-$ et donc du système. Le
système de l’étalon-or empêchait cette situation car le stock de monnaie était fixe.
De 1968 à 1973, des attaques spéculatives sur le cours de l’or se sont succédées. En 1971,
suite à des nouvelles attaques spéculatives, les Etats-Unis demandent à dévaluer le dollar.
Ceci nécessitait l’accord de l’ensemble des pays membres du système de Bretton Woods.
N’ayant pu obtenir l’unanimité sur cette mesure, Nixon annonce la fin de la convertibilité
du $ en or en 1971. Les attaques spéculatives se sont poursuivies en 1971, 1972, 1973
jusqu’à l’abandon du système.
Le système de Bretton Woods a été supprimé en 1974 et le dollar a commencé à flotter
par rapport aux autres monnaies.
Différentes institutions internationales ont été crées dans le système de Bretton Woods
afin de promouvoir la coordination internationale.
Le Fonds Monétaire International (FMI) a été créé en 1944. Il a pour objectif de
promouvoir la coopération monétaire pour garantir la stabilité du système monétaire
international. Le but ultime est de favoriser le plein emploi, la stabilité des prix,
l’équilibre extérieur, le libre-échange et la stabilité des changes. Le FMI a pour but
d’établir un système multilatéral de paiements. Il prévoit aussi la possibilité
d’interventions en cas de crises de change ou de balance des paiements. Des facilités de
crédit (les Droits de Tirage Spéciaux) peuvent être utilisées pour financer un déficit
extérieur sans avoir recours aux réserves des Banques Centrales. En cas de recours
important aux facilités de crédit, ce qui révélerait des problèmes économiques plus
profonds, l’utilisation des facilités de crédit s’accompagne d’une supervision des
politiques macroéconomiques. La crise des dettes souveraines dans la zone euro en est un
exemple.
La Banque mondiale a été créée en 1945. Ses activités se concentrent sur la
reconstruction et le développement. Elle est donc essentiellement orientée vers les pays
en voie de développement. Elle assiste des projets en matière d’éducation, d’agriculture,
d’industrie, de santé,..., par des prêts à des taux préférentiels aux pays membres en
difficulté, en contrepartie de politiques d'ajustement structurel.
En matière d’échanges internationaux, le GATT (General Agreement on Tarrifs and
Trade) a été crée en 1948. L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), crée en
(1955) lui a succédé. L’objectif est de promouvoir les échanges internationaux par une
réduction des barrières tarifaires et non tarifaires (telles que les quotas ou règlementations
techniques) aux échanges internationaux. Elle offre un cadre aux négociations
commerciales internationales. Elle comprend également un organe de règlement des
différends commerciaux. Elle examine les politiques commerciales nationales. Elle
fournit aussi une assistance technique et des programmes de formation dans le domaine
de la politique commerciale pour les pays en développement.
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 19
Par ailleurs, les G7, G8 et G20 constituent des forum de discussion pour les grands
problèmes économiques mondiaux.
424
Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 19
3.3. Le système monétaire européen
Une première tentative de développer un système permettant de stabiliser les taux de
change en Europe a été la création du Serpent Monétaire Européen. Mais le système s’est
avéré trop instable.
Caractéristiques du Système Monétaire Européen (S.M.E.):
1)
L’ECU (European Currency Unit) était un panier de devises : dans un Ecu, il y
avait des DM (30%), des FB (7%), etc.
2)
20% des réserves de chaque pays étaient transférées au FECOM (Fonds Européen
de Coopération Monétaire), pour lesquelles ils recevaient en échange des Ecus,
utilisés comme réserves pour intervenir sur le marché des changes européen.
3)
Chaque pays avait un taux de change pivot par rapport à ses partenaires: chaque
monnaie avait une parité en Ecu, c’est-à-dire qu’il existait un prix en Ecus pour
chaque monnaie. Donc, la parité Ecu était définie – elle était équivalente à un taux
de change fixe – mais néanmoins chaque monnaie avait le droit de fluctuer de
plus ou moins 2,25 % par rapport à cette parité définie (les marges de fluctuations
étaient plus larges, 6%, pour l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni). Dès qu’il y
avait un risque de dépasser cette marge, tous les participants au S.M.E.
s’engageaient à intervenir pour défendre la parité.
Exemple : si le DM avait tendance à beaucoup trop s’apprécier, il y avait une
intervention coordonnée pour vendre du DM de façon à faire baisser le
DM; si le FF avait tendance à se déprécier, les partenaires européens
s’engageaient à acheter du FF sur le marché des changes de façon à
soutenir le FF.
4)
Les réajustements de parité se faisaient uniquement à l’unanimité : si la France
voulait dévaluer, elle ne pouvait le faire qu’avec l’accord de ses partenaires
européens. Le changement de parité était une décision qui se prenait toujours dans
le plus grand secret.
5)
Un pays qui atteignait un seuil de divergence de 75 % par rapport à la limite de
2,25% devait lui-même prendre des mesures de politique économique pour
intervenir de façon à revenir à sa parité.
425
Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 19
Graphique 19.4: LE SYSTÈME MONÉTAIRE EUROPÉEN
e
+2,5%
+15% depuis
août 1993
DM
seuil de divergence
(75% de la marge authorisée)
FB
parité ECU
-2,5%
-15% depuis
août 1993
FF
seuil de divergence
(75% de la marge authorisée)
Le système monétaire européen a été extrêmement efficace il a réussi à diminuer
l’inflation en Europe et il a réduit la volatilité à court terme. Son succès est tel que les
partenaires européens se sont engagés vers une monnaie européenne unique...
Depuis septembre 1992, le système monétaire européen a été fort secoué par des attaques
spéculatives. En 1992, la lire italienne, la peseta espagnole et la livre sterling ont été
dévaluées. La lire italienne et la livre sterling sont finalement sorties du SME pour se
remettre à flotter. Depuis août 93, les marges de fluctuations ont été élargies à 15%, suite
aux attaques spéculatives sur le FF et le FB.
Le SME a cédé la place depuis le premier janvier 1999 à un système de parités
irrévocables jusqu’à l’introduction physique de l’euro (troisième phase de l’Union
Monétaire Européenne).
3.4. L’euro
L’euro scriptural a été crée et utilisé dès 1999. L’euro fiduciaire a été mis en circulation
au 1er janvier 2002. Les pays dont la monnaie est l’euro forment la zone euro. A l’origine,
11 pays en étaient membres : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 19
Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le. Portugal. La
zone euro s’est élargie à la Grèce en 2001, la Slovénie en 2007, Chypre et Malte en 2008,
la Slovaquie en 2009 et l'Estonie en 2011. Un ensemble de pays membres de l’Union
Européenne ne font donc pas partie de la zone euro. Il s’agit de la Lituanie, la Lettonie, la
Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie, la Roumanie, la Pologne, la Suède, le
Danemark, et le Royaume-Uni.
Les conditions d’accès à la monnaie unique ont été fixées dans le traité de Maastricht.
Ces conditions visent à éviter les déséquilibres trop importants entre pays membres et qui
rendraient le système ingérable ou sous optimal. Ces conditions sont les suivantes :
 le déficit public ne doit pas excéder 3% du PIB ;
 la dette publique doit être inférieure à 60 % du PIB;
 l’inflation ne peut pas dépasser de 1,5% le taux d’inflation des trois pays membres
ayant les taux d’inflation les plus bas;
 le taux d’intérêt à long terme ne peut pas être supérieur de 2% à celui des trois
pays membres ayant les plus faibles;
 le pays ne doit pas avoir connu de dévaluation monétaire dans les deux années
précédant l’intégration à l’union monétaire.
Dans la zone euro, la politique monétaire est conduite par le Système européen de
banques centrales, composé de la Banque Centrale Européenne (BCE) et des banques
centrales nationales des pays membres de la zone euro. L’objectif principal est le
maintenir la stabilité des prix; l’objectif d’inflation est de 2%. Plus généralement, les
missions de l'Eurosystème concernent la politique monétaire de la zone euro, la politique
de change et la gestion des réserves de change des États membres, le bon fonctionnement
des systèmes de paiement et le contrôle prudentiel des établissements de crédit et la
stabilité du système financier. Cette dernière mission a été renforcée suite à la crise
financière et économique.
Alors que la politique monétaire devient unique, la politique budgétaire reste de
compétence nationale. Afin d’éviter les déficits publics excessifs, les conditions d’entrée
précitées sont complétées par un mécanisme de coordination des politiques budgétaires à
l’intérieur de la zone euro, appelé Pacte de stabilité et de croissance. Le principe est que
les Etats membres visent l’équilibre ou le surplus budgétaire à long terme. Le Pacte de
stabilité et de croissance prévoit la surveillance multilatérale du déficit public et des
politiques budgétaires, en particulier la présentation annuelle des objectifs budgétaires à
moyen terme. D’autre part, une procédure de déficits excessifs peut être mise en route
lorsque le déficit public d’un État membre dépasse 3 % de son PIB. Des sanctions
peuvent éventuellement être engagées sous la forme d’un dépôt que le pays doit effectuer
auprès de la BCE. Celui-ci peut même se transformer amende (de 0,2 à 0,5 % PIB de
l'État en question) si le déficit excessif n'est pas comblé. Ces mécanismes de surveillance
et de sanctions ont été durcis en 2011 suite à la crise des dettes souveraines. Entre autres,
l’analyse des situations économiques nationales repose à présent sur un plus grand
nombre d’indicateurs, dont des indicateurs de compétitivité tels que le solde de la balance
courante, le coût unitaire du travail (coût salarial par unité de production), taux de change
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 19
réel effectif, la dette du secteur privé et celle des administrations publiques, ainsi que
l’évolution de l’indice des prix immobiliers.
La crise va également donner lieu à la création de nouveaux mécanismes de gestion des
crises dans la zone euro.
 Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) est crée en mai 2010 en
réaction à la crise grecque. Il s’agit d’un fonds de stabilisation de 750 milliards
d'euros (alimenté les États membres et le FMI), utilisé pour acheter de la dette des
pays menacés.
 Le Mécanisme européen de stabilité (MES) a succédé au FESF. Il vise à aider
financièrement les Etats en difficulté budgétaire. Il peut octroyer des prêts ou
acheter de la dette aux Etats en difficulté mais solvables, moyennant des mesures.
Un pays insolvable doit renégocier avec ses créanciers et négocier un plan de
restructuration global avec la Commission européenne, le FMI et la BCE.
4. TAUX DE CHANGE FIXES OU FLOTTANTS?
Le régime de taux de changes fixes est-il meilleur que le régime de taux de changes
flottants ou vice versa? Voyons les avantages et désavantages des deux régimes face à
différents chocs.
4.1. Réactions aux chocs nominaux et réels
Sous un régime de taux de change avec une fixité totale, un pays qui subit un choc
inflationniste (donc une augmentation des prix) voit sa compétitivité baisser et doit
s’ajuster.
Avec une fixité partielle, un choc inflationniste entraîne plus souvent la dévaluation, mais
si l’inflation est récurrente, les dévaluations deviennent trop fréquentes - et donc la fixité
n’a plus beaucoup de sens. De plus, elles s’accélèrent à cause des mouvements
spéculatifs. Donc, la fixité - et en particulier la fixité partielle - ne réagit pas
nécessairement bien face à des chocs nominaux.
Un choc réel est, par exemple, l’augmentation du prix du pétrole. Le choc de l’OPEP a
entraîné, du jour au lendemain, des déficits considérables de la balance commerciale dans
les pays industrialisés. Certains pays ont dû faire face à des déficits plus importants que
d’autres et chacun devait se réajuster par rapport à ce choc réel. Dans une telle situation,
la dévaluation n’est pas assez souple et les changes flottants sont beaucoup mieux adaptés
car ils permettent, grâce au marché des changes, de trouver le nouvel équilibre. Donc, la
fixité des taux de change est relativement rigide face à des chocs nominaux et réels.
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 19
4.2. La volatilité
Mais, les taux de change flottants ont le grand désavantage d’être volatiles. A court
terme, les taux de change sont très volatiles car les taux d’intérêt et les taux de change
varient plus vite que les prix et les salaires. Les dépréciations et appréciations ont
tendance à être exagérées. La volatilité augmente l’incertitude, ce qui entraîne une baisse
de l’activité des échanges commerciaux. Dans une situation où il y a des chocs
importants dans l’économie mondiale, des réajustements d’équilibre sont nécessaires
mais il est difficile d’attribuer une incertitude au taux de change flottant plutôt qu’au choc
réel lui-même.
Dans un régime à taux de change fixes, les chocs entraînent un changement des taux de
change réels. Les changes fixes ne sont donc pas à l’abri de l’incertitude sur le taux de
change réel!
4.3. L’inflation
Le régime des taux de change flottants ne crée pas non plus un incitant à baisser
l’inflation. Cet argument souvent entendu en défaveur des taux de change flottants n’est
pas nécessairement convaincant: dans la lutte contre l’inflation, le taux de change flottant
ne change rien. Il faut plutôt essayer d’avoir une banque centrale indépendante et de voter
des lois sur l’équilibre budgétaire (par l’établissement de contraintes qui empêchent le
parlement de voter des déficits budgétaires).
Néanmoins, le taux de change fixe peut servir à réduire l’inflation. Un système de
changes fixes peut permettre à un pays à forte inflation de se “lier les mains” et de
convaincre les agents économiques de la détermination des responsables de politiques
économique de lutter contre l’inflation, car le différentiel d’inflation conduirait à une
appréciation réelle de la monnaie nuisible à la compétitivité.
4.4. La mobilité des capitaux
Un avantage important du système de change flottant est de permettre une très grande
mobilité des capitaux. Le système des taux de change fixes de Bretton Woods n’était pas
bien conçu puisque, dans la mesure où la fixité était partielle, les réajustements de parité
étaient possibles et, conjugués avec la liberté des mouvements de capitaux, ils pouvaient
entraîner facilement la spéculation. En taux de changes fixes, les spéculateurs ne prennent
pas de risque. Si on anticipe une dévaluation d’une monnaie dans une semaine, le seul
risque est qu’elle n’ait pas lieu. En taux de changes flottants, une fuite des capitaux
entraîne une hausse de la demande des devises et donc une hausse du prix de celles-ci,
c’est à dire une dépréciation de la monnaie, la cause initiale de la fuite. Le spéculateur
prend donc des risques en taux de changes flottants.
Beaucoup de restrictions aux mouvements des capitaux avaient été établies dans le
système de Bretton Woods et cela avait des effets négatifs sur l’allocation des ressources.
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Gérard Roland, Economie Politique
Chapitre 19
5. COORDINATION INTERNATIONALE
Le problème de la coordination internationale réside dans l’aptitude à coopérer ou à se
faire concurrence. Cela ressemble au problème de la collusion en oligopole. Les
différents gouvernements prennent des décisions qui sont interdépendantes et l’argument
de base de la coopération est fondé sur l’existence d’externalités de politique
économique.
Un pays qui veut baisser son taux d’inflation peut le faire en appréciant sa monnaie.
L’appréciation de la monnaie entraîne une baisse des exportations et une hausse des
importations, donc elle augmente le déficit extérieur. Mais elle permet de lutter contre
l’inflation parce qu’elle diminue la demande intérieure - la demande se porte vers
l’extérieur. Cependant les pays qui veulent baisser l’inflation intérieure en appréciant leur
monnaie vont imposer une dépréciation aux autres monnaies. Cette dépréciation favorise
l’inflation dans les pays concernés et, par conséquent, un pays qui apprécie sa monnaie
“exporte” l’inflation vers les autres pays. De même, une politique de “dépréciation
compétitive” peut avoir lieu où les pays “exportent” leur chômage en recourant à la
dévaluation. Celle-ci stimule les exportations et décourage les importations. Elle stimule
donc la demande pour la production nationale au détriment de la production étrangère. Si
plusieurs pays font de la “dépréciation compétitive” en même temps, le seul effet sera
d’augmenter l’incertitude sur le taux de change, la dévaluation d’un pays annulant les
effets des dévaluations des autres pays.
Dans la mesure où les décisions prises dans un pays peuvent avoir des effets négatifs
ailleurs, la coopération est souhaitable. De plus en plus, au cours de ces dernières années,
différentes formes de coopération sont apparues sous diverses formes la coopération entre
les grandes autorités monétaires (Accords du Plaza, Accords du Louvre,...), le Système
Monétaire Européen puis la création de l’euro.
Ce qui signifie que, dans une situation de taux de change flottants avec overshooting, où
lutter contre l’inflation peut être très coûteux, on pourrait peut-être envisager un
flottement géré, autrement dit un régime de taux de change flottants avec interventions
des banques centrales pour amortir les fluctuations libres du marché.
Exemple:
Lorsque le gouvernement américain combat l’inflation, il y a un risque
d’appréciation très forte du dollar et une intervention des banques centrales
pour vendre des dollars et freiner l’appréciation du dollar peut être
envisagée.
Une coordination des banques centrales mondiales peut freiner les mouvements de
capitaux spéculatifs sur les marchés des changes. Ce système de flottements gérés a été
poursuivi au cours des années ‘80.
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