Dans le texte De la nécessité D’assurer la stabilité Des changes pour renouer avec la croissance Lord Kaldor M y lords, nous sommes tous reconnaissants à l’égard de lord Soames qui a eu la bonne idée d’inscrire les problèmes monétaires à notre ordre du jour. Depuis la fin de Bretton Woods, deux événements majeurs se sont produits. Le premier est le ralentissement de la croissance des pays industrialisés. Ce ralentissement a été si important que certains pays ont même connu des récessions. Le second est la généralisation de l’inflation. Une des causes de ces ruptures est la mise en place d’un système de changes flottants caractérisé par des fluctuations de très grande ampleur des cours des principales devises les unes par rapport aux autres. Cette situation a considérablement perturbé le fonctionnement de nos économies. Ainsi, l’envolée de la livre depuis la fin de 8 a augmenté le coût du travail britannique par rapport à celui de nos concurrents de 0 à 0 %. Cette évolution du taux de change de la livre est largement due à des anticipations sans fondement économique. Elle est déterminée essentiellement par des mouvements de capitaux à court terme. Chacun reconnaît que la situation est insupportable et que les permanentes fluctuations des taux de change sont un handicap pour la croissance. Si l’on veut que le monde connaisse une nouvelle période de croissance, il faut se débarrasser des changes flottants. L’expérience a montré que le système de Bretton Woods était efficace en termes d’expansion et de plein-emploi. À l’analyse, on peut considérer que ce système a dû son succès au fait que, depuis le début des années 0, il a permis des transferts de capitaux vers les pays les moins développés qui ont fourni ainsi une demande en biens d’équi. Traduction : Sociétal. 118 • Sociétal n°65 L’impasse pement aux pays les plus développés. La demande mondiale a été entretenue par le flot de dollars venu des États-Unis assurer le décollage économique des pays ruinés par la guerre ou encore en situation de relative pauvreté. Mais ce système a fini par exploser. Ce fut le cas quand les réserves en dollars des pays industrialisés ont atteint de tels montants que ces pays ont souhaité s’en défaire ; ce qui a conduit le président Nixon à suspendre la convertibilité-or du dollar le août 7. Même si, dès mars 8, les conditions mises par le gouvernement américain pour accepter la conversion des dollars en or étaient telles que la non-convertibilité était déjà une réalité, le août 7 marque une authentique cassure. Sa conséquence la plus immédiate est d’avoir entretenu l’idée que le gouvernement de la principale puissance économique considérait la lutte contre l’inflation comme secondaire. Des mécanismes spéculatifs se sont mis en place, conduisant à une explosion du prix des matières premières. Personne ne peut nier que la situation de l’économie mondiale dans l’immédiat après-août 7 a été particulièrement décevante. Aucun économiste sérieux ne peut considérer que cette situation puisse être durable. Les économistes se divisent néanmoins sur la façon d’en sortir. Il y a ceux qui militent pour un retour au système de Bretton Woods ; il y a ceux qui réclament le rétablissement de l’étalon-or, qui avait fait ses preuves avant la Première Guerre mondiale ; il y a ceux qui pensent qu’aucune de ces deux solutions n’est praticable et qu’il faut reconstruire un système de réserves monétaires internationales fondées sur une référence qui ait les mêmes avantages que l’or mais qui soit plus abondante ; il y a ceux qui plaident pour un système monétaire international fondé sur une monnaie de papier, sans autre référence qu’un accord international visant à mettre en circulation une quantité de monnaie qui assure la croissance tout en garantissant la stabilité des prix. Je pense que cette dernière idée est dépassée, ne serait-ce que parce que l’expérience a montré qu’aucun pays n’est capable de contrôler sérieusement la quantité de monnaie créée. Pour moi, il est clair que la meilleure solution est de recréer un système de changes fixes organisé autour d’un panier de matières premières. Pour concevoir un système assurant la croissance tout en évitant l’inflation, il est utile de regarder les préconisations de Keynes au lendemain 3 eme trimestre 2009 • 119 Dans le texte de la dernière guerre. Il avait fait alors deux propositions, à ses yeux inséparables l’une de l’autre. La première était la création d’une chambre internationale de compensation, sorte de banque centrale mondiale, dont le FMI actuel est une forme très édulcorée. La seconde, qui passa inaperçue à l’époque mais dont des documents ont récemment confirmé l’existence, était un fonds de stabilisation du cours des matières premières. Keynes défendait l’idée de création de stocks régulateurs de matières premières portant sur les principales denrées échangées dans le monde et servant de gage à l’émission d’une monnaie internationale qu’il avait appelée le « bancor ». Pour lui, le bancor aurait été une monnaie de réserve gérée par la chambre de compensation internationale et dont la quantité aurait été déterminée par les stocks de matières premières mis en réserve. En cas de surchauffe, le volume de ces stocks aurait diminué et la chambre de compensation aurait réduit d’autant la quantité de bancors en circulation, rendant tout emballement de l’inflation impossible. 120 • Sociétal n°65