Laboratoire d`Analyse – Recherche en Economie Quantitative

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Laréq
Cédrick Tombola et Jean Paul Tsasa/ Chercheurs co accomplis
Laboratoire
d’
Analyse
Recherche
en
Economie Quantitative
One pager
Août 2012
Vol. 3 Num. 006
http://www.lareq.com
Les Trois PoinTs d’AncrAge en HisToire économique
Cédrick Tombola Muke
*
et Jean Paul Tsasa V. Kimbambu
Après avoir sondé la science de l’économiste, il parait clair que
la controverse philosophique école classique versus keynésienne ou
marxiste est finalement peu intéressante. Il faut faire un choix et
le nôtre est clair : c’est la première des écoles.
Introduction
On ne peut prétendre maîtriser les fondamentaux de l’économie, ni son histoire aussi longtemps que l’on
ne comprendrait jamais rigoureusement « trois économistes ». Tout au long de ce papier, nous nous
proposons d’aligner quelques arguments qui doivent pousser notre communauté à reconsidérer les
repères de l’enseignement de l’histoire économique. A ce jour, nous estimons que si les modèles de la
macroéconomie moderne ne sont pas discutés mais quasi ignorés au sein de la communauté en cause,
c’est à la défectuosité du contenu qu’on associe à la pensée économique ! En observant attentivement
les discours de « malheureux » étudiants de licence, master, voire doctorat ; des universitaires ; des
experts dans les banques et autres institutions gouvernementales, nous constatons amèrement que
nombre d’entre eux ne savent « rigoureusement » rien des idées exposées depuis 1968 sur la nouvelle
marche de la théorie économique. L’affirmation demeure valable même si l’on considérait les années
antérieures au seuil de 1968. Pour s’en convaincre, notons qu’après une petite enquête et plusieurs
interviews discussions, dans quatre universités « réputées » de la communauté en cause, il était
courant de rencontrer une cohorte d’élites qui ignore pleinement :
- l’équation originelle estimée par Phillips en 1956 (courbe de Phillips) ;
- la formalisation de l’inquiétude de Milton Friedman exprimée en 1968 (stagflation) ;
- les démonstrations du principe d’incohérence temporelle mis en évidence par Kydland et
Prescott en 1977 ;
- La démonstration rigoureuse de la neutralité de la politique budgétaire exposée pour la première
fois par Barro en 1974 ;
- la démonstration non folklorique de la critique de Lucas établie en 1976 ;
- les modèles RBC, DSGE, etc.
- ou pour descendre plus loin, les enjeux actuels du concept de concours de beauté avancé par
Keynes dans le chapitre XII de sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie.
D’aucuns répliquent même : à quoi nous servirait tout ce lot de concepts ? Ne dit on pas que dans la
succession des phénomènes constatés, l’esprit doit toujours rechercher des explications plausibles ?
Dès lors, un questionnement surgit d’amblée : comment prétendre réaliser quelque chose de nouveau si
l’on n’est pas informé de ce qui s’est passé ou de ce qui se passe ailleurs ? Pourquoi se contenter de
conclusions de paradigmes ou de lecture facile de grandes théories sans s’interroger sur l’Esprit qui les
soutient ?
*
Assistant CCAM UPC et Chercheur co accompli au Laboratoire d’Analyse Recherche en Economie Quantitative
[LAREQ] ; cedrictombola@lareq.com.
Master en cours Economie NPTCI 2010 2012 ; Assistant CCAM UPC et Chercheur co accompli au Laboratoire
d’Analyse – Recherche en Economie Quantitative [LAREQ] ; jeanpaultsasa@lareq.com BP 16 626 Kinshasa I.
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Cédrick Tombola et Jean Paul Tsasa/ Chercheurs co accomplis
L’économiste ne se perd il pas dans les fables ? Comment apprendre à notre communauté à
transcender les idées erronées transformées en quasi vérités ?
Apprendre une tonne de grands « noms » en économie est légitime on en a d’ailleurs fait avec brio sur
le banc de l’université mais qu’est – ce qui est utile pour un économiste accompli
*
?
Ainsi, ce papier se propose de comprendre toute la science économie en élevant trois économistes au
rang de référentiel. Le programme poursuivi, dont ce papier est un premier essai, est de trouver un
sentier qui conduit la communauté scientifique en cause à émerger avec une science adaptée et
endogène aux vécus et défis de son environnement. Et pour y parvenir, « bien comprendre » l’évolution
de l’économie SAT
ne peut suffire (condition nécessaire non suffisante), il faut en plus, « mieux cerner »
les points de retournement de cette discipline.
A ce jour, voici ce qui est utile pour l’économiste accompli de notre communauté : (i) Restauration du
background [comprendre les motivations de l’écriture de Recherches sur la nature et les causes de la
richesse des nations qui est reconnu comme le texte fondateur de la science économique moderne ou
mieux, le texte ayant résumé avec succès la vision de géniteurs de l’économique ; pénétrer la Théorie
générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, en vue, d’une part, de soutirer les éléments
nécessaires et complémentaires au discours prêché par Alfred Marshall et Léon Walras et d’autre part,
apprécier la qualité de la nouvelle recette présentée à l’économiste ; appréhender la portée de la
Révolution des anticipations rationnelles afin (*) d’identifier, avec cohérence et rigueur, les traces suivies
par la théorie économique moderne et (*) de se placer et d’œuvrer sur la frontière de connaissances en
sciences économiques] ; (ii) saut de connaissances ; (iii) consolidation des connaissances et (iv)
standardisation des compétences.
Ce papier, s’inscrivant dans la logique de Tsasa (2012a), présente la première phase de la restauration
du background de l’économiste congolais. Eu égard au thème traité, la démarche suivie procède par
personnification. Nous procédons comme suit. Dans une première section, nous présentons la figure qui
caractérise l’émergence de la science économique dans sa phase moderne. La deuxième et la troisième
sections examinent les acteurs majeurs de l’évolution de la science économique, qui constituent, sans nul
doute les deux pics majeurs de la pensée économique du XXème siècle et de la première décennie du
IIIème millénaire.
*
Par exemple, il a juste fallu, pour Lucas, étudier sérieusement deux économistes pour disposer d’une connaissance
approfondie en économie. Il s’intéressait à formaliser le paradigme friedmanien à l’aide des outils mathématiques
prêtés à Samuelson.
Science, Art et Technique.
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I. Adam Smith : le collecteur illuminé de la pensée économique
Contrairement à Adam biblique, Adam Smith n’est pas le parent géniteur unique de l’économie moderne.
Il apparait comme le collecteur et l’ordonnateur illuminé de la pensée dispersée des grands économistes
primitifs. Maitrisant l’histoire économique et confrontant, à chaque fois, sa pensée aux faits, il parvient à
écrire, en 1776, non parfaitement et plus correctement que tout autre penseur économique
contemporain ou layant précédé, le projet de la science économique moderne. Ainsi, certains
économistes n’ont pas eu tort de lui attribuer précipitamment la paternité de la science économique
moderne car ayant le plus inspiré les économistes dans le temps et dans l’espace. Il est en réalité la
principale branche génitrice de l’économie, discipline scientifique. Tout comme David Ricardo et Joseph
Schumpeter ont contribué à ce que Smith ait été constamment sous estimé dans le cercle des
économistes de la première moitié du XXème siècle (Samuelson, 1992
*
), de me les enseignants
responsables du cours de l’histoire économique dans la communauté en cause ont biaisé l’appréhension
de la genèse de l’économique et de son évolution. Ils n’ont nullement développé de procédures et
mécanismes stimulant l’apprenant à lire les textes originaux.
Alors qu’il est important de pénétrer, comprendre et connaître telle figure, on s’est contenté de retenir
les fragments de phrases !
Principales œuvres d’Adam Smith
Année de 1ière publication
Titre de l’ouvrage
Thème traité
1759
Théorie des sentiments moraux
Philosophie morale
1761
Considerations concerning the First
Formation of Languages
Le langage
1776
An inquiry into the Nature and Causes of
the Wealth of Nations
Economie Politique
1795
History of Astronomy
Astronomie
1795
History of Astronomy
L’imitation dans les arts
1795
History of Ancient Logics and Metaphysics
Philosophie
1795
History of Ancient Physics
Physique
1896
Lectures on Jurisprudence
Notes de cours juridiques
1963
Lectures on Rhetoric and Belles Lettres
Notes de cours sur la réthorique
*
A l’occasion d’une conférence tenue au Usher Hall à Edinburgh au mois de juillet 1990 pour célébrer le 200ème
anniversaire de la mort de Smith et réunissant 11 récipiendaires du prix Nobel (Maurice Allais, James M. Buchanan,
Lawrence R. Klein, Wassily Leontief, James Meade, Franco Modigliani, Paul A. Samuelson, Theodore W. Schultz,
Richard Stone, Jan Tinbergen et James Tobin). Planeta (2006) note que, d’une part, Ricardo croyait que le système
de Smith était erroné alors que les économistes aveuglés par la putation de brillance de Ricardo, était « unable to
recognize in his murky exposition the many non sequiturs contained there and accepted Ricardo’s indictment at its
face value » ; et d’autre part, Schumpeter attaquait l’œuvre de Smith pour sa médiocrité et son manque d’originalité.
A ce sujet Samuelson (1992) précise que Schumpeter, dans son « brilliant German work, Economic Doctrine and
Method (1914), had patronized Smith faint praise », alors que les économistes d’entre 1930 et 1990 n’avaient qu’un
intérêt et une connaissance limitée de l’histoire de l’économie et que donc, « they gladly go for whole hours without
thinking about the subject. Therefore, Schumpeter’s evaluation was influential to them and set the climate of
opinion ».
Par réaction :
John Maynard Keynes
Les courants pro - keynésiens
Leon Walras
Carl Menger
William Jevons
Vilfredo Pareto
David Ricardo
John Stuart Mill
Jean Baptiste Say
Alfred Marshall
Adam Smith
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Il est possible de comprendre les grandes lignes de l’œuvre maîtresse d’Adam Smith (Bien que
prolifique
*
) en isolé ; ce qui rend plus souple le processus d’apprentissage du mode de réflexions qu’il a
confectionné. Une compréhension plus approfondie en exige une lecture multidisciplinaire à l’effet
d’explorer non seulement ses facettes économiques, mais également politiques ou morales.
La contribution de l’œuvre de Smith (1776)
dans l’évolution de la pensée économique est majeure
(Martineau, 2006) et à ce jour, comme en témoigne l’interprétation senienne
de la pensée de Smith,
nous sommes convaincu qu’elle n’est toujours pas intégralement exploitée et/ou mise en évidence. D’où
la nécessite de la relire sans préjugé
§
.
De l’esprit de système à la main invisible
Le Collecteur estime que l’homme scientifique a toujours cherché à perfectionner un système explicatif
du monde qui l’entoure, car il veut réduire la douleur de l’étonnement devant un phénomène inexpliqué,
puis il veut augmenter son plaisir à admirer un système parfait. Une sorte de mécanique céleste réglerait
les mouvements des planètes, le monde matériel et les rapports sociaux. Ainsi, en 1776, il cherche à
déterminer un mécanisme liant les rapports sociaux entre les hommes, à la manière de Newton, dont il
fait l’éloge, qui a construit un système, à cette même époque, qui a suscité l’admiration dans le domaine
du monde matériel. Ce système doit satisfaire à trois critères pour plaire à « l’esprit de système » : il
doit satisfaire aux jugements moraux, techniques et esthétiques. Ainsi, Smith s’est appliqué à créer cette
« main invisible », qui prend place dans le système d’économie politique idéal.
De l’économie politique à la science économique
L’œuvre de 1776 déclasse et/ou complète les auteurs français (Catillon, Quesnay, Montesquieu,
Rousseau, Voltaire, etc.) jusqu’à lors maîtres du champ économique, et tente de faire de l’économie
politique une science spécifique en introduisant pour la première fois dans l’analyse économique les
procédés de l'enquête scientifique.
Du capitalisme naissant à la régulation par le marché
L’ordonnateur théorise les conditions de la régulation par le marché du capitalisme naissant. Il est l'un
des premiers à présenter les relations économiques comme un ensemble d’éléments régi par des lois,
ces relations s'autorégulant grâce au marché.
Une nouvelle définition de la richesse
Smith rompt avec la théorie mercantiliste selon laquelle la richesse d'une nation se mesure à la quantité
de matériaux précieux qu'elle possède. Il définit la richesse comme une production annuelle obtenue
grâce au travail. Et donc, l'enrichissement de la nation repose sur l'augmentation de la quantité de
travail et l'amélioration de la productivité.
*
Moscovici (1956) estime qu’il plus choquant de voir Adam Smith catalogué dans une seule discipline et jugé
uniquement sur ce qu'il a produit de plus marquant, alors qu’il est en réalité un homme de génie ayant pu exceller
dans plusieurs branches du savoir.
Voir :
http://www2.hn.psu.edu/faculty/jmanis/adam-smith/Wealth-Nations.pdf
http://classiques.uqac.ca/classiques/Smith_adam/richesse_des_nations/livre_1/richesse_des_nations_1.pdf
D’Armartya Sen.
§
Un travail à réaliser dans le cadre du programme Laréq de doter la RDC d’un paradigme endogène aux réalités
locales. Dans ce texte, nous nous bornons à énumérer quelques apports majeurs collectés dans la littérature
économique.
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Déterminants de l’enrichissement
La richesse d’une nation passe par l'amélioration de la productivité du travail. Et cette dernière est le
résultat d’une division du travail et d’une spécialisation des tâches. In fine, le principe qui donne lieu à la
division du travail est l'intérêt réciproque, c’est à dire la compréhension par chacun de son intérêt
propre, d’où la célèbre phrase : « Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et
du boulanger, que nous attendons notre dîner mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. Nous
ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme ».
De la valeur d’une marchandise
Smith remarque que toute marchandise possède une « valeur d'usage » et une « valeur d'échange ».
Du salaire minimum
Smith pense que le salaire du travailleur doit être suffisant pour lui permettre de subsister et d'entretenir
sa famille car sinon les ouvriers disparaîtraient au-delà de la première génération.
Du rôle de la monnaie
La monnaie n'est qu'un moyen de circulation sans impact sur le fonctionnement de l'économie et les
banques n'ont pas à financer l'accumulation. Plus largement, Smith distingue trois parties dans le
capital : (i) le premier est réservé à la consommation immédiate et ne rapporte aucun profit (stock) ; (ii)
le capital fixe rapporte un revenu sans circuler : outils de travail, bâtiments, terres mais aussi savoir-
faire et talents ; (iii) le capital circulant comprend la monnaie, les réserves de vivre et de matériaux
utiles à la fabrication ainsi que les marchandises non encore vendues par leurs propriétaires.
De fondements microéconomiques de la macroéconomie
Si chaque individu, chaque entreprise ne cherche que son profit, le profit personnel s'accorde néanmoins
avec les buts de l'industrie nationale. En cherchant à accroître son revenu personnel, chacun contribue à
accroître le revenu de la nation. Chacun est « conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre
nullement dans ses intentions », ce qui n'est pas un mal car on travaille de façon plus efficace quand on
croit poursuivre son propre profit que s'il s'agissait du bien général. La somme des intérêts particuliers
produit l'intérêt de tous.
Aussi, il convient de noter que les travaux de Sen (1986, 1993, 1999, 2000), Barsamian (2011), Ghosch
(2003), Swedberg (1990) ou Wallace (2004) prouvent pertinemment que la pensée de Smith était
révolutionnaire mais son interprétation a subi, comme c’est le cas de toute œuvre majeure, de
déformation. Ils montrent également que Smith (1776) croit que le comportement humain ne peut
s’expliquer uniquement par l’intérêt personnel, et que ce dernier n’est pas le seul déterminant du bien
être collectif (appréhension de la microéconomie dans un cadre macroéconomique).
Du rôle de l’Etat
Dès 1776, Smith explicite le rôle de l'Etat, ses droits et ses devoirs. Il estime qu’au delà des actions
régaliennes traditionnelles et des dépenses d'intérêt général (l'instruction), l'Etat doit, par ailleurs,
intervenir à travers la fiscalité pour engendrer des incitations, une répartition des richesses. Si la libre
entreprise fait avancer la société, ce système de liberté ne produit ses effets néfiques que s'il est
encadré par l'Etat, garant de l'intérêt de la société face à l'égoïsme des individus. Aussi, il précise que les
impôts doivent respecter quatre règles : dépendre des capacités des contribuables (pourcentage du
revenu de chacun), éviter l'arbitraire, être perçu au moment le plus commode pour ceux qui le payent et
occasionné des frais de gestion les plus faibles possibles.
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