observation de la terre

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O B S E RVAT I O N D E L A T E R R E
L’espace
au chevet de la planète
Hervé Jeanjean,
responsable de programme Biosphère continentale, Cnes
L
a Terre n’est pas immuable. Elle a toujours
été le théâtre de bouleversements profonds
et parfois chaotiques de sa structure, de son
atmosphère, de sa croûte terrestre et de ses océans.
Régies par des phénomènes naturels comme la tectonique des plaques, les variations naturelles du climat, ou même par des phénomènes extraterrestres comme
les météorites ou l’activité solaire, ces perturbations ont considérablement modifié l’environnement de la planète et ont agi sur
l’évolution de la vie à des échelles très variables, de la centaine d’années
au million d’années. La vie s’adapte, se transforme, subit des mutations, au
©B. Maybon
rythme de ces changements.
Depuis son apparition sur Terre,
l’homme n’a cessé de modifier,
façonner, remodeler les paysages
et l’environnement en exploitant
des ressources naturelles dont il
tire de l’énergie et grâce auxquelles
il se nourrit.Mais tout semble s’accélérer de manière inexorable. Les
ressources naturelles paraissent
incapables de suivre le rythme
effréné des activités humaines :
la forêt disparaît, les sols s’érodent, les ressources halieutiques
se font rares,la biodiversité régresse,
les ressources en eau sont surexploitées, les déserts avancent, les
pollutions envahissent nos côtes,
le climat se dérègle…Cette formidable machine si complexe qu’est
la Terre serait-elle en train de s’emballer, victime de l’emprise de
l’homme dont l’impact tend à
s’amplifier encore par le biais des
32
effets indirects du changement
climatique, en particulier l’augmentation de la température et
les modifications du régime des
précipitations ?
Les répercussions
de l’activité endogène
sur notre planète
La croissance démographique reste
un des facteurs clés du problème
: la population mondiale devrait
dépasser les 7 milliards en 2010,
avec une croissance de 20 % en
une décennie,principalement dans
les pays en développement. Pour
faire face à la demande en produits alimentaires (cf. article Philippe Collomb p. 19) et espérer éradiquer la malnutrition qui frappe
encore 800 millions de personnes,
il faudrait augmenter la production alimentaire mondiale de
presque 2 % par an, objectif difficile à tenir avec la dégradation de
la capacité de production de certaines régions agricoles :la dégradation des sols atteindrait les deux
tiers de la surface agricole mondiale à cause de la surexploitation, de la salinisation des sols ou
des phénomènes d’érosion… La
sécurité alimentaire mondiale est
devenue non seulement un enjeu
humanitaire, mais aussi économique et social, car l’agriculture
occupe la moitié de la population
mondiale par des emplois directs
ou indirects.
L’eau, en quantité et en qualité,
est particulièrement menacée par
l’homme qui exploite plus de 40 %
de ses ressources, dont près des
trois quarts pour l’agriculture.
Vingt-six pays sont déjà en situation de pénurie : des régions au
Proche et Moyen-Orient,en Afrique,
Californie, Mexique sont gravement menacées dans les 20 ans à
venir. Aujourd’hui, 1,3 milliard de
personnes n’ont pas accès à une
eau potable. Enfin l’eau en excès
(inondations, crues éclairs) peut
faire des dégâts considérables. À
l’opposé, le manque d’eau se traduit par une lente dégradation
du sol et de la végétation :la désertification est un phénomène variable,
mais pas toujours irréversible.
Dans les deux cas, l’homme peut
avoir un rôle aggravant ou modérateur. La question de la diversité
génétique se pose également : un
tiers seulement des 13 000 espèces
végétales alimentaires connues
sont cultivées. Et ce ne sont que
4 plantes cultivées qui assurent
plus de la moitié de l’alimentation humaine : blé, maïs, riz et
pomme de terre.
L’observation de la Terre :
du local au global
Les causes du mal dont souffre la
planète sont multiples,complexes
des solutions. Parmi ces acteurs,
les agences spatiales sont appelées à jouer un rôle important
dans la fourniture d’informations
fiables, comparables d’un point à
l’autre du globe, sur l’état des ressources naturelles et l’évolution
des indicateurs environnementaux.
Les outils d’observation de la Terre
occupent une place privilégiée
grâce à l’utilisation combinée des
réseaux de mesures au sol, de l’observation spatiale et de notre capacité de plus en plus affirmée à simuler le fonctionnement du système
Terre à toutes les échelles de temps
et d’espace, du local au global, sur
plusieurs mois, voire plusieurs
années. L’affinement des modèles,
grâce à la qualité et à la continuité
des données spatiales, permet de
générer des scénarios de plus en
plus crédibles sur la situation
future. Mieux observer, pour
mieux comprendre, et pour ensuite
mieux anticiper, telle est la
démarche essentielle dans la
noux
Océans, continents…
à la loupe depuis l’espace
Dans un cadre national, européen
et international, le Centre national d’études spatiales a lancé de
nombreux programmes d’observation de la terre solide, des surfaces marines et continentales et
de l’atmosphère capables d’apporter des éléments de réponse
aux questions du développement
durable. Les satellites
météorologiques, outre leur rôle
dans la prévision opérationnelle,
permettent de suivre les bilans
énergétiques de surface,des océans
ou des continents. Le rôle des aérosols et des nuages dans le bilan
radiatif terrestre est assuré par Polder 2 sur Adeos II,instrument capable
de suivre la biosphère marine et
continentale.Les observatoires spatiaux dédiés au suivi de la végétation mondiale,comme les missions
des instruments Végétation 1 et 2,
à bord des satellites Spot 4 et Spot 5,
permettent de définir des indicateurs du fonctionnement de la biosphère, et de mettre en place des
systèmes d’alerte précoce sur les
prévisions de rendement des cultures et la sécurité alimentaire.L’altimétrie spatiale, dans le sillage
des missions franco-américaines
Topex-Poséidon,actuellement Jason
1, permet de mieux appréhender
la variation du niveau des mers et
le rôle des océans dans le cycle de
l’eau,et de prévoir l’impact de phénomènes majeurs comme El Niño.
Aux échelles locales et régionales,
domaine d’excellence pour la gestion intégrée des territoires,les systèmes d’observation multispectrale à haute résolution spatiale,
comme la famille Spot,permettent
de mieux connaître l’évolution de
la couverture des sols, d’aider à la
mise en place d’une agriculture de
précision. L’étude de la chimie de
l’atmosphère,en particulier le suivi
du trou de l’ozone dont l’origine
est humaine, est assurée par des
instruments embarqués sur Envi-
©Cnes/Distr. Spot Image
et interdépendantes :la croissance
démographique,l’essor économique
mondial, l’industrialisation, l’urbanisation, mais aussi les écarts
de richesse entre pays, la pauvreté
persistante dans les pays en développement,les conflits… L’enjeu est
global et ne peut trouver d’issue
que par un développement conciliant efficacité économique,équité
sociale et préservation de l’intégrité écologique de l’environnement.Ce développement doit“satisfaire aux besoins de la génération
présente en préservant pour les
générations futures la possibilité
de satisfaire les leurs”(Bruntland,
1987) : c’est le principe du développement durable.
De Founex en 1971 à Johannesburg
en 2002 en passant par Rio de Janeiro
en 1992, la prise de conscience est
tardive, mais mondiale. Tous les
acteurs politiques, institutionnels,
gouvernementaux,internationaux,
ONG, se mobilisent au chevet de
la planète pour tenter de trouver
prise de décision politique.
Le développement des applications
spatiales au service de la société
est l’une des priorités fondamentales de la stratégie spatiale de la
France et de ses partenaires européens car elles sont un
moyen d’aider efficacement au
développement durable
des pays. La
France a très tôt
perçu, avec le
Cnes, le rôle clé
que pouvait jouer
l’espace dans ce
domaine.Les satellites, véritables
observatoires en
orbite, sont seuls
capables de fournir
de longues séries de mesures
précises, homogènes et globales,
compatibles avec la dimension planétaire des phénomènes d’environnement. L’observation de la Terre
constitue, après les lanceurs, la
seconde priorité de la politique
spatiale en France.
©Cnes
/S. Jou
r
©R. Le Guen
©Cnes/Distr. Spot Image
O B S E RVAT I O N D E L A T E R R E
33
©H. Jeanjean
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L’agriculture de précision
a de l’avenir
Denis Boisgontier,
responsable des nouvelles technologies de l’information, Arvalis - Institut du végétal
A
ujourd’hui, l’avènement de nouvelles technologies dans le monde
agricole (GPS, capteurs embarqués sur engins agricoles, télédé-
tection, systèmes d’information géographique) permet à nouveau de prendre
en compte la variabilité naturelle des parcelles, donc en quelque sorte de revenir à
des pratiques ancestrales. Cette manière de cultiver est appelée agriculture de précision.
Elle consiste à apporter la bonne dose, au bon endroit et au bon moment.
Autrefois, les parcelles agricoles
étaient petites et dépendaient des
caractéristiques des sols.Les terres
les moins productives étaient réservées à la prairie, les plus productives cultivées en céréales.La mécanisation agricole a permis de mieux
répondre aux besoins alimentaires
mais a induit une augmentation
de la taille des parcelles, donc de
leur variabilité. Contrairement à
cette agriculture traditionnelle où
les modèles sont appliqués de
manière moyenne à l’échelle de la
parcelle, l’agriculture de précision
utilise, quant à elle, les bases fondamentales de l’agronomie et
applique ses modèles sur chaque
zone des parcelles.
Pour l’agriculteur,la phase clé consiste
à définir des zones à comportement
homogène pour les différents paramètres utilisés dans les modèles
agronomiques :profondeur du sol,
potentiel de rendement,teneur en
éléments minéraux, présence de
mauvaises herbes. C’est selon les
zones ainsi déterminées que l’agriculteur appliquera de manière
modulée les différents intrants (fertilisants, désherbants, etc.).
Au centre du zonage
parcellaire, les capteurs
Le zonage intraparcellaire est fondé
sur l’utilisation d’informations provenant de diverses sources,à savoir
l’expertise et les connaissances de
34
l’agriculteur sur ses parcelles ainsi
que celles provenant des capteurs
pour qualifier ou quantifier des
paramètres sur le sol, les cultures,
les mauvaises herbes, les maladies, etc. Ils sont des yeux supplémentaires qui aident à observer
les parcelles.
Aujourd’hui en France,les capteurs
opérationnels embarqués sur les
engins agricoles sont principalement : les capteurs de rendement
qui mesurent et localisent, via le
GPS, le flux de grain pendant la
récolte,cartographiant ainsi les rendements, et la cartographie de la
résistivité électrique du sol.Là,l’information fournie par le capteur
est utilisée pour réaliser le zonage
de deux paramètres essentiels en
agronomie :la profondeur et la texture du sol.Ils permettent de déterminer, par exemple, le volume du
réservoir d’eau disponible pour les
cultures.D’autres types de capteurs
sont en cours de développement
dans des centres de recherche à travers le monde.
Mieux gérer les cultures
grâce à la télédétection
Par ses capacités d’observation régulière des variations à l’intérieur des
parcelles, la télédétection devrait
dans les années à venir tenir une
place très importante en agriculture
de précision.Aujourd’hui,les freins
à l’utilisation de cette technologie
sont la disponibilité régulière et le
coûtdes images,qui ne sontpas compatibles avec un usage à l’échelle de
l’exploitation agricole. Néanmoins,
des solutions commencent à être
proposées aux agriculteurs français.
Parmi ces solutions proposées par
Arvalis - Institut du végétal :
• le zonage automatique des parcelles à partir d’images historiques
prises à différentes époques et
années.Ces images permettent de
mettre en évidence un“instantané”
des variabilités significatives de la
parcelle qui synthétise tous les facteurs agronomiques limitants au
cours des années passées.Arvalis Institut du végétal et la société Geosys vont proposer dès 2004 ce type
de service en France (déjà commercialisé aux États-Unis par Geosys) directementsur Internet,depuis
une plateforme cartographique
développée dans le cadre du Réseau
Terre et Espace géré
par le Cnes. Cette
plateforme va
offrir différents
services fondés
sur l’utilisation de
la télédétection
(cartographie,
suivi de cultures,
etc.) et facturés à
l’hectare ;
• la conduite modulée des parcelles à partir
y Lorsque l’eau s’évapore, elle dépose ses
particules détritiques, et les ions qu’elle
contient précipitent sous forme de sels.
Les matériaux déposés constituent une
séquence évaporitive. Ces zones d’évaporation qui laissent des croûtes de sel au
sol s’appellent des sebkha ou sebkra.
©B. Maybon
d’images prises en culture. L’information fournie par le satellite
doit être acquise à des stades clés
de la culture afin d’être mise en
relation avec des paramètres agronomiques utilisés pour le pilotage des cultures. Des produits
images de ce type sont proposés
aujourd’hui en France par Aravalis - Institut du végétal et la
société Astrium. Faute de satellite adapté aujourd’hui,certaines
des informations nécessaires à
la réalisation des produits sont
obtenues par vol d’avion.
La pratique de l’agriculture de précision doit permettre une meilleure
gestion des intrants par une
meilleure répartition de ceux-ci
sur la parcelle.Elle peut ainsi rendre
possible,dans certaines situations,
l’augmentation de la production
mais aussi l’amélioration de la qualité.Dans tous les cas,apporter “la
bonne dose au bon endroit et au
bon moment”a un impact positif
sur l’environnement.Quelques centaines d’agriculteurs utilisent
aujourd’hui les nouvelles technologies (GPS,capteurs) pour faire de
l’agriculture de précision.Aux ÉtatsUnis,grâce à une offre de produits
et services très conséquente, le
développement de l’agriculture de
précision est beaucoup plus important qu’en France. ■
sat, mission de l’agence spatiale
européenne, capable également
de suivre la biosphère marine et
terrestre avec l’instrument Meris.
Enfin, le programme de collecte et
de localisation de données Argos,
mis en œuvre dès 1978, a débouché sur des applications au service
de l’environnement terrestre.
©New holland/Itcf
Les risques naturels
au centre
des préoccupations
Le Cnes a par ailleurs suscité et
souscrit une Charte interagences
relative à l’utilisation coordonnée
des moyens spatiaux en cas de situations de catastrophes naturelles ou
technologiques.Le Cnes et l’Esa en
juin 2000, l’agence spatiale canadienne en octobre 2000,l’Isro et la
Noaa en septembre 2001 sont les
acteurs de cet accord international qui stipule que les agences spatiales s’engagent à trouver une
organisation commune très réactive pour fournir gratuitement,lors
d’une crise grave,les meilleurs services que l’espace peut rendre pour
contribuer à la gestion de la crise.
Ces observatoires spatiaux apportent une contribution décisive à
la mise en œuvre des conventions
internationales sur la biodiversité
et la désertification, ainsi qu’à la
vérification des traités et protocoles, comme celui de Kyoto dans
le cadre de la convention sur le
changement climatique. Au plan
européen,le concept de surveillance
globale pour l’environnement et
la sécurité (GMES) s’est imposé
comme un élément structurant
de la politique spatiale communautaire. Au niveau mondial, les
agences spatiales et les organismes
chargés des systèmes d’observation
de l’environnement se sont engagés dans une stratégie intégrée
d’observation globale (Igos) susceptible d’assurer la continuité des
observations.Une politique de données adaptée aux besoins doit être
mise en place, en particulier pour
les pays en développement qui n’ont
pas les moyens d’acquérir les données et de s’approprier la technologie,alors qu’ils pourraient le plus
bénéficier des informations issues
des observations spatiales.
Le Cnes prépare l’avenir en inscrivant les futurs programmes dans
le concept de développement
durable. Le programme Pléiades,
conçu comme un système multicapteurs optique et radar et multiplateformes, sera capable de
répondre aux besoins du suivi de
l’environnement avec la mise à disposition de produits en temps quasi
réel. La mission Smos, réalisée par
l’Esa en coopération avec la France
et l’Espagne, permettra de suivre
l’humidité des sols et la
salinité de l’océan grâce au radiomètre passif basses fréquences.
Dans le domaine de la météorologie, l’effort du Cnes se concentrera
sur l’amélioration de l’instrumentation permettant d’acquérir
des paramètres critiques avec Iasi.
Le partenariat avec Eumetsat devrait
se renforcer sur le programme Jason 2
aux côtés de la Nasa et de la Noaa,
et au-delà de Jason 2.Au plan national le projet Mercator, visant à la
mise en place d’un centre d’océanographie opérationnelle, concrétisera la volonté du Cnes de valider ce qui préfigurerait un système
d’information GMES.
C’est dans cet esprit que le Cnes est
appelé à servir la politique spatiale
de l’Europe, deuxième puissance
mondiale. Il s’engage à mettre en
œuvre ce contrat, en partenariat avec les organismes de
recherche, et en entretenant
et exploitant les meilleures
opportunités de coopération
au plan mondial, pour permettre à l’humanité de
progresser dans le sens
du développement
durable. ■
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moyen, comme celles associées au
phénomène El Niño (cf.Cnes magazine n°3 p. 20). D’autre part, il est
désormais possible de cartographier
les variations du niveau des mers
en identifiant plus précisément la
cause de cette variation.L’élévation
de 2,5 ± 0,2 mm/an, observée par
Topex-Poséidon entre 1993 et 2001,
est très vraisemblablement due à
la dilatation thermique des eaux
de surface.Les mesures permettent
aussi de localiser les fortes variations. Dans l’ouest du Pacifique ou
l’est de la Méditerranée,l’élévation
dépasse le centimètre par an alors
que le niveau de la mer s’est abaissé
dans l’est du Pacifique.
L’élévation du niveau
des mers sous surveillance
Jean-François Minster,
président directeur général, Ifremer
E
n occupant 70 % de la surface terrestre,l’océan demeure le meilleur
gardien des équilibres fragiles de notre planète. C’est pourquoi la
connaissance du milieu océanique, son interaction avec l’atmosphère et ses
conséquences sur le climat sont aujourd’hui au centre des préoccupations. Une
inquiétude persiste sur les conséquences de l’élévation du niveau des mers en zone côtière !
Le niveau des mers a toujours varié
au cours des temps géologiques.
Il y a trois raisons fondamentales
à cette variation : la forme et le
volume des bassins océaniques
changent entre autres avec la tectonique des plaques ; la quantité
d’eau évolue essentiellement par
transfert entre les calottes polaires
et les océans en relation avec les
cycles glaciaires ; enfin la densité
de l’eau varie avec sa température
et sa salinité. Le premier phénomène est lent, tandis que les deux
autres peuvent être rapides,notamment en relation avec les changements climatiques. Il faut noter
cependant que l’ajustement du
niveau de la mer sous l’effet d’un
apport de masse d’eau est rapide
et homogène, tandis qu’il faut de
36
l’ordre d’un millier d’années pour
répartir un apport thermique dans
tout l’océan, si bien que l’élévation
liée à un réchauffement des eaux
est très hétérogène.
Des mesures fiables grâce
à l’altimétrie de précision
Les données des satellites altimétriques de précision ont profondément modifié l’approche du problème. D’une part, on dispose de
mesures absolues du niveau de la
mer avec un échantillonnage représentatif (500 000 points de mesure
tous les 10 jours couvrent de l’ordre
de 90 % de l’océan), ce qui n’était
pas du tout le cas des enregistrements marégraphiques. Cela permet notamment de caractériser les
variations interannuelles du niveau
C’est également important pour
l’étude des impacts sur les zones
côtières. Celles-ci ne sont presque
jamais des zones statiques,mais des
systèmes dynamiques qui vonts’ajuster devant la montée des eaux :érosion des plages ou des falaises,déplacement des cordons littoraux,
pénétration des eaux salées dans
les estuaires ou les aquifères,fragilisation des écosystèmes littoraux
comme les mangroves, sans
oublier l’augmentation de
la fréquence des phénomènes extrêmes
comme les maréestempêtes… Chaque
site doitdonc être étudié localementetgéré
en conséquence :
démarches de protec-
tion accrue,d’accompagnement,ou
de laisser-faire doivent être choisies
au cas par cas etsuivies dans la durée.
La fonte des calottes
polaires suivie par les
satellites gravimétriques
Il est donc nécessaire de suivre la
montée des eaux régionalement,
et de mettre en place une surveillance
continue de l’océan. Les données
altimétriques,dont la série des satellites Jason gérée comme un système
opérationnel,sont le meilleur outil
pour cela. Cependant, on ne peut
exclure qu’une augmentation des
apports d’eau douce à l’océan prenne
place, par exemple à cause de la
fonte des calottes polaires.Un suivi
de la distribution des masses d’eau,
qu’elles soient dans l’océan, sur les
continents ou dans les calottes
polaires,est possible grâce aux satellites gravimétriques. La combinaison de ces deux outils,qui était préconisée depuis 20 ans comme
essentielle à l’étude de la partie statique de la distribution des masses
d’eau océaniques (et donc des courants océaniques “moyens”),s’avère
encore plus intéressante pour en
étudier la variation temporelle.
Quant à l’étude des sites côtiers,elle
passe par des descriptions dynamiques locales,qui ne peuvent être
entreprises que par la combinaison
d’observations morphosédimentaires, hydrologiques, et de courantométrie, associées à des simulations numériques de ces systèmes.
Les sites les plus fragiles,comme la
Camargue, les côtes landaises, ou
certains atolls, sont à étudier en
priorité. ■
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