Les temps verbaux dans le marketing politique

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Les temps verbaux dans le
marketing politique :
Votations fédérales du 3 mars 2013
Séminaire de linguistique du français moderne
– LG 111 –
Analyse linguistique de texte. Etude des temps verbaux
Nom
Prénom
Adresse
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:
:
N° étudiant
E-mail
:
:
Zumofen
Guillaume
Chemin des jardins 9
3967 Vercorin (VS)
11-206-950
[email protected]
Professeure
Cours
Semestre
:
:
:
Revaz Françoise
LG 111
Automne 2012
Plan
Introduction
3
1ère partie : Les temps verbaux dans le marketing politique
4
1.
Qu’est-ce que le marketing politique ?
4
2.
Corpus étudié dans ce séminaire
5
3.
Les temps verbaux dans le marketing politique
5
3.1 L’approche de Benveniste
5
3.2 L’approche Adam, Lugrin et Revaz
6
2ème partie : Votations fédérales
10
1. L’omniprésence du présent
10
1.1 Le discours expositif
11
a) Séquence informative
12
b) Séquence explicative-argumentative
14
c) Séquence injonctive
17
d) Séquence (semi-)narrative
19
2. Le futur
20
2.1 Le futur modal épistémique
21
2.2 Le futur de promesse
23
2.3 Le futur périphrastique
24
3. Les modes dans le marketing politique
25
3.1 L’impératif
26
3.2 L’infinitif
28
3.3 L’absence de verbe – la phrase nominale
30
4. Le passé
33
5. Analyse – Statistique
35
Conclusion
38
Bibliographie
40
2
Introduction
Grâce aux progrès technologiques, à l’entrée dans l’ère du numérique et à l’accès facilité à
l’information, le marketing occupe une place toujours plus importante dans notre vie
quotidienne. Le marketing politique n’échappe pas à cette constatation. En effet, les annonceurs
politiques martèlent l’esprit des citoyens à l’aide de campagnes de marketing agressives. Les
affiches envahissent les écrans, les pages de journaux, les quais de gares, les bordures de routes et
finalement occupent insidieusement nos cerveaux. Dans le cadre de ce travail de séminaire, nous
allons nous arrêter sur l’emploi spécifique des temps verbaux dans le contexte du marketing
politique. Pour être plus précis, nous étudierons les différentes annonces qui ont occupé le haut
de l’affiche lors des votations récentes du 3 mars 2013 avec l’initiative Minder, l’aménagement du
territoire et l’article constitutionnel sur la famille. Il est important de préciser, qu’il ne s’agira pas
ici de critiquer ou de juger les différentes techniques publicitaires utilisées, même si quelques
hypothèses pourront être suggérées, mais plutôt de recenser les emplois les plus usités des temps
verbaux en marketing politique, en nous basant sur le corpus choisi.
A l’aide de la base de données de la chronique Année Politique Suisse (APS) de l’université de
Berne, nous avons ainsi pu recenser toutes les annonces publiées dans Le Nouvelliste, le 24 Heures,
la Liberté, le Matin et le 20 minutes Lausanne entre le1er janvier 2013 et le 3 mars 2013, date des
votations fédérales.
Même si une majorité des temps verbaux se retrouvent dans ces annonces, notre étude se
concentrera d’abord plus particulièrement sur l’emploi du présent et du futur. Nous étudierons
ensuite d’autres modes, tels que l’impératif, l’infinitif, ou encore le cas du « non-temps », c’est-àdire la phrase nominale. Tout au long du travail, nous essaierons de maintenir le fil rouge de
l’approche de Adam, Lugrin et Revaz, et de nous baser plus précisément sur leur tableau de
répartition des différents temps par rapport à la position du sujet de l’énonciation et la
représentation discursive. Il sera dès lors intéressant d’observer une constante volonté chez les
annonceurs politiques de jongler avec les frontières des différentes cases, afin de mieux influencer
le citoyen. Nous rappelons finalement que cette étude ne peut pas entraîner des conclusions
définitives, puisqu’elle se base strictement sur un panel d’annonces concernant une seule
votation, à savoir ici trois objets. Nous nous contenterons donc d’émettre des suppositions, de
suggérer des idées, puis de les soumettre à l’épreuve de la réalité de cette votation.
3
1ère partie : Les temps verbaux dans le marketing
politique
1. QU’EST-CE QUE LE MARKETING POLITIQUE ?
Avant d’entamer notre recherche, il est important d’en définir précisément le sujet. Le marketing
politique est une forme moderne de la communication politique, elle-même utilisée de tout temps
et dans tous les régimes politiques modernes ou anciens. Si nous nous focalisons sur une époque
récente, nous constatons qu’il occupe une place à part dans la démocratie moderne. En effet, le
peuple maintient sa liberté de pensée, d’expression et de choix à travers un tel système libéral,
basé sur une forme de « prise de parole du peuple » grâce aux urnes. Néanmoins, même si la
démocratie se fonde tout d’abord sur le citoyen, elle a nécessairement besoin de politiciens qui
s’occupent des questions d’intérêt général. Ainsi, la politique est devenue un métier comme un
autre. En d’autres termes, le politicien doit mettre en avant ses qualités, son image et surtout ses
idées afin d’être élu. De plus, dans le système suisse en particulier, les citoyens sont appelés
chaque année aux urnes à plusieurs reprises. Tout comme lors des élections, les politiciens,
s’attachent alors à défendre des idées, des points de vue, des projets. La communication politique
fait donc partie intégrante de la démocratie.
Maintenant que nous avons placé le décor, il nous faut désormais nous pencher sur la question
plus précise du marketing politique. Des professionnels de la publicité ont développé à partir de
1917 aux Etats-Unis cette forme de communication spécifique. Dès lors, le marketing politique
s’est attaché à influencer les opinions, à promouvoir les projets ou encore à mettre en avant des
candidats grâce aux techniques modernes de marketing commercial. Plus récemment, le
développement des moyens de communication, tels que les journaux, la radio, la télévision, mais
aussi désormais l’internet ou encore le web 2.0, ont offert au marketing politique de nouveaux
champs d’action presque illimités. Il faut d’ailleurs désormais parler plutôt de stratégie de
communication. Il est alors possible de définir le marketing politique de manière globale comme
la mise en place des objectifs, des programmes, des thèmes « porteurs » qui permettront d’obtenir
un maximum de voix.
4
2. CORPUS ETUDIE DANS CE SEMINAIRE
Dans le cadre de ce séminaire et afin de mieux cibler notre recherche, nous allons
volontairement réduire notre vision du marketing politique à celle d’une communication
politique qui définit les combinaisons et les moyens qui permettent d’atteindre des objectifs
fixés au préalable. Cette communication s’efforce donc d’influencer les votes des électeurs
potentiels afin de rallier un maximum de partisans. Pour ce faire, nous nous sommes
intéressés à l’ensemble des annonces politiques concernant les votations sur l’initiative
Minder, l’aménagement du territoire et l’article constitutionnel sur la famille. Plus
précisément, nous avons réduit notre champ de recherche aux journaux qui nous paraissaient
les plus pertinents et représentatifs d’une certaine région géographique qui va du Valais
jusqu’à Fribourg en passant par le canton de Vaud. Le Nouvelliste, le 24 Heures, la Liberté, le
Matin ainsi que le 20 Minutes Lausanne, du 1er janvier2013 jusqu’au 3 mars 2013, date des
votations fédérales, ont constitué ainsi notre base de travail.
3. LES TEMPS VERBAUX DANS LE MARKETING
POLITIQUE
3.1
L’approche de Benveniste
Maintenant que nous avons mieux défini notre champ d’action, il est nécessaire de revenir au
thème du séminaire, à savoir celui des temps verbaux. Pour commencer, nous allons rappeler la
classification proposée par Benveniste dans son chapitre sur les Relations de temps dans le verbe
français. Après avoir démontré les limites du système strictement temporel, borné par ses
catégories de temps, présent, passé et futur, Benveniste propose une nouvelle division, plus
adaptée à la langue française et à la richesse de ses emplois , avec « deux systèmes distincts et
complémentaires »1. Il s’agit de ceux de l’histoire et du discours, qui possèdent selon lui « deux plans
d’énonciations différents » 2 . Il définit en particulier le système du discours comme « toute
énonciation supposant un locuteur et un auditeur et chez le premier l’intention d’influencer
l’autre en quelque manière »3. Selon cette subdivision, il paraîtrait logique de classer le marketing
politique dans le système du discours. En effet, il correspond aux principales caractéristiques
avancées par Benveniste. L’annonceur politique joue ainsi le rôle du locuteur, alors que chaque
1 D’aprèsBenveniste Emile (1959), « Les relations de temps dans le verbe français », Problèmes de linguistiques générale, Chapitre XIX, p. 238.
Jusqu’alors, les temps d’un verbe français était perçu comme appartenant à un système unique.
2 D’aprèsBenveniste Emile (1959), « Les relations de temps dans le verbe français », Problèmes de linguistiques générale, Chapitre XIX, p. 238. Pour
plus d‘explications sur le système de l’histoire, veuillez vous référer aux travaux de Benveniste.
3 D’aprèsBenveniste Emile (1959), « Les relations de temps dans le verbe français », Problèmes de linguistiques générale, Chapitre XIX, p. 242.
5
citoyen devient un auditeur potentiel et qu’une forme de dialogue s’installe entre eux. En outre,
nous pouvons rajouter que, selon Benveniste, l’emploi « de toutes les formes personnelles du
verbe »4 et de tous « les temps sont possibles, sauf un, l’aoriste »5, même si, les temps les plus
caractéristiques de ce système restent le présent, le futur et tous les temps composés. En résumé,
les temps verbaux dans le marketing politique semblent appartenir au système du discours proposé
par Benveniste avec tout un panel de temps, mais aucun passé simple. La majorité de ces emplois
seront abordés dans la deuxième partie de ce séminaire.
3.2
L’approche Adam, Lugrin et Revaz
Même si Benveniste a permis de passer au-delà de la restriction temporelle, son système binaire
apparaît réducteur à de nombreux égards. Adam, Lugrin et Revaz ont d’ailleurs mis en évidence
ses limites et voulu dépasser cette « dichotomie réductrice du récit/discours » pour passer à « quatre
sous-systèmes »6. Nous allons désormais démontrer que cette nouvelle subdivision correspond
mieux à la réalité de l’utilisation des temps verbaux dans le marketing politique.
Tout d’abord, il est important de préciser que la plupart des temps verbaux observés en
communication politique appartiennent à la case <1> 7 de la matrice présentée par l’article
d’Adam, Lugrin et Revaz. En effet, comme l’objectif de l’annonceur politique est de convaincre,
il doit nécessairement s’inscrire dans l’actualité. Les auteurs parlent alors d’une « représentation
discursive conjointe aux paramètres de la situation d’énonciation », nous sommes donc dans un
« monde actualisé ». De plus, l’énoncé est « pris en charge », « impliqué » 8. Nous remarquons en
effet que la majorité des annonces politiques de notre panel, en particulier celles des opposants à
Minder, sont des prises de paroles signalées par des guillemets. L’énonciation est donc assumée
par la personne qui parle. Mais surtout, les annonceurs politiques utilisent l’énonciateur ainsi que
sa position pour créer une énonciation impliquée et rajouter ainsi du poids à leur argumentaire.
Weinrich parle de « langage dans le langage » qui « s’étend à toutes les énonciations aptes à
changer l’état moral, social ou politique d’une personne »9. Nous retrouvons dans cette case les
temps du présent (PR) énonciatif, de l’impératif, du performatif et du futur (FUT). Voici
quelques exemples extraits de notre panel d’étude qui illustrent ce phénomène :
D’après Benveniste Emile (1959), « Les relations de temps dans le verbe français », Problèmes de linguistiques générale, Chapitre XIX, p.242. Nous
parlons évidemment, du je/tu et du il.
5 D’après Benveniste Emile (1959), « Les relations de temps dans le verbe français », Problèmes de linguistiques générale, Chapitre XIX,p.242-243.
L’aoriste correspond ici au passé simple.
6 D’après Adam Jean-Michel, Lugrin Gilles et Revaz Françoise (1998), « Pour en finir avec le couple récit/discours », Pratiques n°100, Le français
aujourd’hui, p. 85.
7 D’après Adam Jean-Michel, Lugrin Gilles et Revaz Françoise (1998), « Pour en finir avec le couple récit/discours », Pratiques n°100, Le français
aujourd’hui, p. 85. Nous nous référons au Schéma 2 « Configuration préférentielles des tiroirs verbaux dans les sous-systèmes de base ou modes
énonciatifs ».
8 D’après Adam Jean-Michel, Lugrin Gilles et Revaz Françoise (1998), « Pour en finir avec le couple récit/discours », Pratiques n°100, Le français
aujourd’hui, p. 85.
9 D’après Weinrich, H. (1979), « Les temps et les personnes » Poétiques n°39, Paris, Seuil, p. 345.
4
6
24 Heures, 166.02.2013, p.4
24 Heures, 133.02.2013, p.10
Liberrté, 20.02.2013, p.113
24 Heurees, 07.02.2013, p.27
Néanmooins, il seraiit trop simp
pliste de canntonner la to
otalité des annonces poolitiques à ceette case.
En effet, de nombreux annon
nceurs politi ques essaien
nt d’utiliser le présent dans le cad
dre d’une
vérité géénérale. Nouus parlons aussi ici de pprésent (PR) gnomique. La positionn énonciativee devient
différente. Adam, Lugrin
L
et Revaz
R
parlennt ici d’une « non-prisee en chargee de l’énonccé » 10 ou
encore d’une « éno
onciation distanciée » 11 . Cette tecchnique corrrespond à lla case <3>
> 12 de la
matrice. Plus préciisément, tou
ujours dans un mondee actualisé, cette approoche semblee parfois
oids aux argguments. Daans le but
privilégiiée par le maarketing poliitique pour ddonner davaantage de po
de mieuux convaincrre, certains énoncés im
mpliqués sem
mblent comm
me déguiséss, afin qu’ilss passent
pour dees présents de vérité géénérale ou m
même de pseudo
p
« maaximes », com
mme dans les deux
annoncees suivantes..
D’après A
Adam Jean-Michell, Lugrin Gilles et Revaz Françoise ((1998), « Pour en finir avec le couple récit/discours »», Pratiques n°100, Le français
aujourd’hui, p. 85.
11 D’après A
Adam Jean-Michell, Lugrin Gilles et Revaz Françoise ((1998), « Pour en finir avec le couple récit/discours »», Pratiques n°100, Le français
aujourd’hui, p. 85.
12 D’après A
Adam Jean-Michell, Lugrin Gilles et Revaz Françoise ((1998), « Pour en finir avec le couple récit/discours »», Pratiques n°100, Le français
aujourd’hui, p. 85. Nous nouss référons au Schém
ma 2 « Configurattion préférentielles des tiroirs verbaaux dans les sous-ssystèmes de base ou modes
énonciatifs »».
10
7
iste, 11.02.2013
Le Nouvellis
Libertté, 15.02.2013, p.14
Il est doonc possiblee de penser que si le m
marketing politique se maintient
m
en permanencee dans le
cadre d’’un monde actualisé,
a
less annonceurrs politiquess tentent sou
uvent de dééplacer la peerception
des temps verbaux d’une énonciation implliquée à unee énonciation distanciéee, en d’autrees termes
de la caase <1> à la case <3>. Cette m
manipulation leur permeet d’accentuuer l’impactt de leur
annoncee politique. La distance mise en plaace dans l’én
nonciation crée
c une sennsation de vérité,
v
de
certitudee qui renforrce alors l’arrgument pollitique. Com
mme l’expliq
quent les autteurs de l’arrticle, « la
validité des énoncéss … au PR gnomique
g
e st totalemen
nt ouverte, elle
e recouvree aussi bien le passé,
que le pprésent et le futur » 133 . Le citoyeen ressent la
l nécessité de voter een adéquatiion avec
l’argumeent présentéé comme un
ne vérité génnérale. Le graaphique ci-d
dessous illusttre ce tour de
d passepasse ainnsi que le syystème dont nous venonns de parler :
Tableau 1 : Configu
urations prééférentiellees des tiroirrs verbaux dans
d
le souus-système de base
ou mod
des énonciaatifs
D’après A
Adam Jean-Michell, Lugrin Gilles et Revaz Françoise ((1998), « Pour en finir avec le couple récit/discours »», Pratiques n°100, Le français
aujourd’hui, p. 85.
13
8
Ce tableeau met pluus précisémeent en évideence le dom
maine restreiint où se caantonnent lees temps
verbauxx du marketting politiqu
ue. Le rectaangle orangge identifie le monde aactualisé qu
ui est en
permaneence utilisé dans le cas des annoncces politiquees issues des votations fédérales du
u 3 mars
2013.
Tableau
u 2 : Schém
ma qui résum
me le systèème propossé par Adam
m, Lugrin eet Revaz
9
2ème partie : Votations fédérales
A quatre reprises dans l’année, le peuple Suisse est appelé à se prononcer sur une modification de
la législation. Initiatives parlementaires, référendums, messages du Conseil fédéral ou autres
amènent le peuple aux urnes. Il est important de préciser qu’il s’agit en général de votations,
portant sur un objet ou une loi, et non pas d’élections de personnes. Ce n’est donc pas à une lutte
de personnalités, mais véritablement d’idées que nous devrions assister.
Puisque nous avons défini les modalités d’emplois des temps verbaux dans le marketing politique,
nous pouvons maintenant nous pencher sur un cas de votations fédérales. Plus précisément, nous
allons nous concentrer sur les votations fédérales du 3 mars 2013 au sujet de l’initiative Minder,
de la loi sur l’aménagement du territoire, ainsi que de l’article constitutionnel sur la famille.
Pour permettre cette recherche, nous avons décidé d’affiner la classification des différents temps
verbaux. Par conséquent, nous nous baserons sur des dénominations déjà utilisées par des
linguistes dans le passé en ce qui concerne le présent et le futur, mais pour les temps de
l’impératif, de l’infinitif ou encore l’absence de verbe, nous nous permettrons d’émettre
différentes hypothèses. Il est important pourtant de préciser deux éléments. Premièrement, cette
approche ne peut être exhaustive. En effet, elle se base uniquement sur un cas bien précis de
votations fédérales et les constatations qui en découlent ne peuvent être généralisées. Les
hypothèses émises ne restent donc que des pistes possibles. Deuxièmement, il est crucial de
garder en tête les schémas présentés dans la 1ère partie de ce travail et surtout, de comprendre
l’importance d’un possible déplacement d’une énonciation impliquée vers une énonciation
distanciée.
1. L’omniprésence du présent
Pour commencer, prenons un peu de recul et réfléchissons aux enjeux d’une votation. Le sujet
porte logiquement sur un problème qui est apparu dans le passé. Une déficience récurrente ou
une absence législative, un nouveau besoin ou encore un mécontentement chronique sont en
effet les raisons les plus souvent citées à l’origine d’une campagne. Les causes s’inscrivent donc
temporellement dans le passé. Il est pourtant évident que la votation porte sur des modifications
futures, en effet, la question traitée sous-entend toujours des conséquences à venir. Mais, bien
que l’avenir soit le véritable enjeu de la votation et que la question traitée s’inscrive dans le passé,
le marketing politique utilise néanmoins massivement le présent lors de votations.
10
Cette première constatation nous rapproche par conséquent des observations faites lors du cours.
La versatilité du présent, sa capacité théâtrale à enfiler différents costumes et son caractère
insaisissable le pousse forcément sur le devant de la scène. Comme l’explique Delveroudi, la
« ‘vacuité sémantique’ »
14
du présent « lui permet d’être compatible avec toute une gamme
d’instants – actuels, passés, futurs – ou encore d’avoir une valeur panchronique »15. Comme nous
l’avons expliqué dans la première partie, l’annonceur politique qui utilise le présent vise en effet
souvent une non-prise en charge des énoncés lui permettant ainsi d’occuper autant le passé, le
présent que le futur d’un point de vue temporel. On se rapproche ainsi d’un présent gnomique.
Cette constatation sera parfaitement mise en évidence par les séquences informatives présentées
ultérieurement dans ce séminaire. D’un autre côté, la capacité particulière du présent à mettre en
place un dialogue avec l’électeur, sans aucune certitude qu’il s’instaure véritablement, semble
renforcer l’idée que le marketing politique se place dans la catégorie discours décrite par
Benveniste. De cette spécificité découle sans doute le fait que les annonces présentent souvent
une image figée, un avis, un instantané de la situation politique, comme un copier-coller d’une
conversation, d’un débat. Pour aller plus loin dans cette direction, il est possible de rapprocher
parfois les annonces politiques d’une certaine forme de journalisme. Dès lors, l’annonce politique
ressemble à une news, une brève qui nous informe. Par conséquent, l’utilisation du présent permet
de la rendre plus vivante comme live. Nous illustrerons en particulier cette caractéristique avec les
séquences explicatives-argumentatives développées ci-dessous.
1.1
Le discours expositif
L’importance du présent nous a sauté aux yeux lors d’une première analyse de notre échantillon
d’annonces politiques, il nous a donc paru nécessaire d’établir une classification fine des
différents emplois de ce temps. Avec cet objectif en tête, nous proposons d’utiliser la
classification avancée par Besson dans son article sur Les valeurs du présent dans le discours expositif 16.
Le discours expositif, plus communément appelé informatif ou explicatif, est fortement utilisé
dans le marketing politique. Il remplit d’ailleurs les mêmes objectifs que les annonces : « l’apport
de connaissances et la transmission de savoirs »17. Afin de mieux comprendre l’emploi du présent,
nous proposons d’utiliser les cinq séquences discursives proposées par Besson et d’observer dans
quelle mesure elles s’appliquent aux annonces politiques. Pour une meilleure compréhension,
D’après Delveroudi Rhéa (2002), « A propos d’une des valeurs du présent de l’indicatif français : la valeur injonctive », Revue de sémantique et
pragmatique n°11, p. 7-25.
15 D’après Delveroudi Rhéa (2002), « A propos d’une des valeurs du présent de l’indicatif français : la valeur injonctive », Revue de sémantique et
pragmatique n°11, p. 7-25.
16 D’après Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs du présent dans le discours expositif », Langue française N° 97, Université de Genève, p. 43-59.
17 D’après Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs du présent dans le discours expositif », Langue française N° 97, Université de Genève, p.43
14
11
nous dééfinirons chaacune de cess séquences avant d’en donner des exemples ex
extraits du marketing
m
politiquee.
a) Séqu
quences in
nformativees
Pour coommencer, ill est importtant de définnir la séquen
nce informattive et de m
mettre en exeergue ses
principaales caractérristiques. Co
omme déjàà expliqué, le discours expositif ssert à « fou
urnir des
connaisssances » 18. La
L séquence informativee en est l’exemple le plu
us évident. O
On parle do
onc ici de
« reform
mulation – en
n principe objective
o
et cclaire – d’un
n savoir que le destinataaire est censéé ignorer
ou qu’il y a lieu de rappeler » 19. On suppoose ainsi un
ne présentatiion qui devrrait être objjective et
neutre, ddans laquelle on remarq
que la présennce « relativvement rare » d’organisaateurs de texxte, mais
par conttre une fréqquence de « verbes statiifs » , ainsi que
q de « nom
mbreuses occcurrences du
d verbe
être » 20. Nous préseentons ici quelques
q
exeemples direcctement tiréés des journnaux utilisés lors de
notre recherche :
Le Noouvelliste, 11.02.201
13
Liberté, 20.022.2103, p.13
24 Heures, 133.02.2013, p.10
24 Heures, 15.02.2013, p.8
Liberté, 15.02.22013, p.14
Ces quaatre exemplees correspon
ndent bien à la définitio
on des séqueences inform
matives don
nnées par
Besson. En effet, nous
n
y trou
uvons une rreformulatio
on « claire ett objective »». Plus préccisément,
l’annoncce du canton
n du Valais,, « une bonnne loi est claaire, simple, efficace », ssemble imposer une
vision pplus claire dee la situation
n au lecteur.. Ou encoree, nous pouv
vons considéérer que la précision
p
du comiité des oppo
osants à la LAT
L
qui stiipule que : « l’aménagem
ment du terrritoire est une
u tâche
des com
mmunes et des
d cantons » permet dde clarifier une
u situation
n, mais ausssi rappeler un
u savoir
peut-êtrre oublié paar l’électeurr. Cette vollonté de rappel se retrouve danss d’autres exemples.
Suivant cette idée, les
l opposan
nts à l’initiatiive Minder tiennent à préciser
p
quee le contre-p
projet est
« la meillleure solutio
on », qu’ « ill est temps dde mettre fin
n aux salairees excessifs »», alors que ceux qui
D’après B
Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs
v
du présent ddans le discours exxpositif », Langue française
f
N° 97, Unniversité de Genève, p.43
D’après B
Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs
v
du présent ddans le discours exxpositif », Langue française
f
N° 97, Unniversité de Genève, p.43
20 D’après B
Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs
v
du présent ddans le discours exxpositif », Langue française
f
N° 97, Unniversité de Genève, p.43
18
19
12
rejettentt la loi sur l’aménagem
ment du terrritoire (LA
AT), veulent démontrerr que cette loi « est
confuse, complexe, inapplicable » et qu’il ffaut donc laa rejeter. Less partisans rrappellent éggalement
que « less femmes vo
otent » oui à la LAT, ouu encore quu’il faut voteer oui, si noous « aimon
ns » notre
pays. D
De plus, l’ab
bsence d’organisateurs de texte ainsi
a
que l’eemploi fréqu
quent du veerbe être
confirm
ment cette thèse. Nous pouvons
p
enccore ajouter,, en lien avec les exempples qui suivvent, que
l’emploii à plusieurs reprises de la tournure présentativee « c’est » réaffirme l’obbjectif inform
matif.
Liberté, 09.022.2013, p.5
Le
L Nouvelliste, 05.02
2.2013, p.9
Cette toournure perm
met ici de raappeler les iintentions de
d vote, com
mme si elles avaient été oubliées
par le lectorat.
a
exemp
ples qui sem
mblent confirrmer les hyp
pothèses émiises jusqu’ici.
Voici enncore trois autres
20 Minutes V
Vaud, 04.02.2013, p.3
p
Lee Matin, 05.02.2013, p.13
Liberté,
L
18.02.20133, p.13
La prem
mière annoncce souligne la nécessité « de bonnees condition
ns cadre » poour les PME
E et ainsi
replace lle sujet, le précise. Danss la deuxièm
me, l’utilisatio
on du verbe être par les partisans de la LAT
confirm
me les analysees précéden
ntes. Enfin, lla troisièmee donne une idée plus sspécifique dee l’enjeu.
A traverrs ces exem
mples, il paraaît possible de penser que
q ces séqu
uences inforrmatives utilisent un
présent qui se rap
pproche forttement du présent de vérité générale. L’infoormation, présentée
p
publiqueement sur les affiches, semble prrojetée dan
ns l’esprit du citoyen qqui ne posssède pas
toujourss toutes les information
ns nécessairres sur le suujet et lui donne
d
une im
mpression de
d vérité
grâce à l’utilisation de ce préseent particulieer. Nous reejoignons ain
nsi plus faciilement la case
c
<3>
que la caase <1> du schéma pro
oposé par Addam, Lugrin
n et Revaz.
13
b) Séqu
quences exxplicatives
es-argumeentatives
De leur côté, les séquences exxplicatives « visent à faire
f
comprrendre un pphénomène,, donc à
modifier un état de connaissanc
c
ce » 21. Ce typpe de séqueence supposee implicitem
ment deux éléments.
é
Tout d’aabord, l’exisstence d’un problème que le lectteur ne peu
ut résoudre et la volon
nté d’un
annonceuur de l’orien
nter véritableement vers uun « mode de
d raisonnem
ment ». Enssuite, il nécessite une
discussioon, une réfllexion préallable. Les sséquences explicatives
e
essaient aloors d’apporrter « un
développpement de type
t
rationnel » 22. Pour atteindre cet objectif, l’énonciateuur étudie, do
onne des
exempless, déduit, ouu encore op
ppose des ar
arguments. Dans
D
la plup
part des cass, il est relativement
facile de déterminer de quel côté penche soon raisonnem
ment. L’objeectivité n’estt donc pas cruciale
c
à
quence inforrmative, nouus retrouvon
ns ici l’emplooi d’organisaateurs de
ce niveauu. Au contraaire de la séq
texte. Il est nécessaaire d’ajouteer qu’en maarketing poliitique le couple explicaatif-argumen
ntatif est
ues ou autrees parties prenantes
p
du
u débat veullent obligato
oirement
indissociable. Les paartis politiqu
convainccre les électeeurs. Par conséquent, leeurs explicattions doiven
nt toujours se mettre au
u service
de l’argum
mentation, car l’énonciateur espèree « modifier, chez le destinataire, ddes connaissaances ou
croyancees relatives aux thèmess abordés » 23 . La subjectivité estt inévitable. Les objectifs sont
simples : il faut « défendre une opinion, jusstifier un po
oint de vue, convaincre du bien-fon
ndé d’un
jugementt, d’une ap
ppréciation »
24
. Nous avons don
nc ici une technique
t
éélaborée qu
ui vise à
convainccre, dans laquelle
l
nous retrouvoons souven
nt l’apparition d’énonncés évaluaatifs. En
conclusioon, il est po
ossible de dirre que les sééquences exxplicatives ett argumentaatives présen
ntées par
Besson nne forment qu’une
q
seulee séquence dans le dom
maine du maarketing pollitique. Pourr illustrer
cette connstatation, ili est possib
ble de repreendre quelqques exemplles de markketing politique déjà
évoqués dans les séqquences info
ormatives :
Liberté, 20.02..2103, p.13
244 Heures, 07.02.20113, p.23
D’après B
Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs
v
du présent ddans le discours exxpositif », Langue française
f
N° 97, Unniversité de Genève, p.43
D’après B
Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs
v
du présent ddans le discours exxpositif », Langue française
f
N° 97, Unniversité de Genève, p.43
23 D’après B
Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs
v
du présent ddans le discours exxpositif », Langue française
f
N° 97, Unniversité de Genève, p.43
24 D’après B
Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs
v
du présent ddans le discours exxpositif », Langue française
f
N° 97, Unniversité de Genève, p.43
21
22
14
A traverss les exemp
ples déjà meentionnés, nnous devinons une vérittable relatioon entre la séquence
s
informattive et la sééquence exp
plicative-arggumentative qui formeent un coupple omnipréésent en
marketinng politique. En effet, nous
n
retrouvvons souven
nt la présen
nce d’une sééquence infformative
qui actuaalise les co
onnaissancess de l’électeeur et lui rappelle
r
la situation, liiée à une séquence
s
argumenntative qui reenonce à l’objectivité ett oriente hab
bilement le lecteur
l
dans la direction
n choisie.
muter sans pperdre de vuue son objectif de rapppel et de perrsuasion.
Ce couplle peut facillement perm
On essaiee donc ici de mêler subttilement l’obbjectivité dee la premièree informationn à la subjecctivité de
la secondde, avec l’esspoir de fairre tomber ccette différeenciation dans le flou, aafin sans do
oute que
l’électeurr ne retiennee et n’acceptte que l’objeectivité du raisonnemen
r
nt. Par exem
mple, les opp
posants à
l’initiative Minder expliquent
e
que
q « l’initiaative Mindeer menace les PME eet les empllois sans
interdire pour autan
nt les très hauts
h
salairees », ou enccore que seeul le contree-projet « prévoit la
possibilitté pour les actionnairees de récuppérer des saalaires trop élevés ». A
Après avoir présenté
l’objectiff principal quui est « de mettre
m
un teerme aux sallaires excesssifs », l’annoonceur argum
mente en
présentannt les défauuts de l’initiaative Minderr. L’emploii du verbe « menacer » ou des mo
ots « trop
élevés » ddonne une connotation
c
négative à ll’information
n qui fait paasser l’objecttivité au seco
ond plan
et nous plonge daans l’argum
mentation. T
Toujours daans la logiq
que de ce couple infformatifargumenntatif, il est possible
p
de retrouver unne seconde variante
v
:
Liberté, 15.022.2013, p.14
Le N
Nouvelliste, 05.02.20013, p.9
Dans cees deux exem
mples, déjà utilisés
u
danss les séquencces informatives, le couuple s’articulle autour
de la relative en « quui ». La séqu
uence inform
mative rappeelle un fait, une
u intentionn de vote, avant
a
que
ne argumenter, expliqueer la raison de cette ten
ndance. Pouur les oppossants à la
la relativve ne vienn
révisionn, « l’aménaggement du territoire esst une tâchee des comm
munes et dees cantons »,
» car ils
oins de leurrs citoyens ».
» De leur côté,
c
les Synndicats Chréétiens du
« connaiissent le mieux les beso
Valais ((SCIV) don
nnent leurs intentions de vote avant
a
d’exp
pliquer que la LAT « viole le
fédéralissme avec de
d graves conséquencces », que l’initiative Minder
M
« ddonne le droit aux
actionnaaires de refuuser les salaiires abusifs.... » ou encore que l’article sur la faamille « dotee enfin la
Suisse dd’une vraie politique
p
en
n faveur dess familles ». D’autres exxemples com
mme celui qui
q suit à
propos dde la LAT semblent
s
confirmer cettte option ch
hoisie par dee nombreux partis politiiques. La
15
construcction de la phrase ne s’articule
s
paas forcémen
nt autour du
u « qui », ellee peut aussi pivoter
autour ddu « parce quue » ou du « donc » :
24 Heures, 11..01.2013, p.7
Liberté, 20.02.2
2013, p.10
Cependaant, la fortee présence dans
d
les annoonces analyysées du cou
uple informaatif- argumeentatif ne
doit pas faire oublieer l’utilisatio
on parfois inndividuelle de la séquen
nce argumeentative qui se suffit
oi a comm
me objectif de « modifier, chez le destinataaire, des
alors à elle-même. Cet emplo
connaissaances ou croyances
c
reelatives auxx thèmes ab
bordés »
25
. Nous retroouvons ainsi parmi
l’échantilllon étudié certaines
c
prropositions qui semblen
nt indépend
dantes les unnes des autrres, mais
aussi parfois d’autress qui peuven
nt s’enchaîneer autour d’organisateurrs de textes comme « to
outefois »
mple. L’objecctif qui se cache
c
derrièrre ces séqueences argum
mentatives esst d’orienterr vers un
par exem
« mode dde raisonnem
ment », d’app
porter « un développem
ment de typee rationnel » 26 comme l’’explique
Besson :
Liberté, 21.022.2013, p.13
Liberté, 23.022.2013, p.13
Liberté, 18.02.2013, p.18
Le Matin,
n, 29.01.2013, p.11
D’après Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs du pprésent dans le discours
d
expositiif », Langue frança
çaise N° 97, Univversité de
Genève, p..43
26 D’après Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs du p
présent dans le discours
d
expositiif », Langue frança
çaise N° 97, Univversité de
Genève, p..43
25
16
En outre, il est intéressant de constater que la tendance argumentative de la séquence est très
souvent déterminée par le registre lexical qui encadre le verbe. En d’autres termes, l’aspect
argumentatif n’est pas seulement déterminé par le temps utilisé, le présent en l’occurrence, mais
dans ce cas plutôt par la sémantique du verbe ou des mots qui participent à l’argumentation. Par
exemple, pour les opposants à l’initiative Minder, un vocabulaire dépréciatif tel que « problème »,
« astreignant », « dangereux », « monstre », « criminalise », « danger », « surcharge » ou encore
« prison » est utilisé, afin de mettre en avant les risques d’une telle initiative. A l’opposé, les
partisans à l’aménagement du territoire choisissent des termes mélioratifs comme « efficace » ou
« économie », afin de mettre en avant les avantages d’une telle loi. Notons pour finir que cette
volonté de convaincre, basée uniquement sur la séquence argumentative, a été massivement et
sans grand succès utilisée par les opposants à l’initiative Minder. Pour des détails chiffrés, il est
possible de se référer au tableau qui sera présenté plus tard dans ce séminaire. En conclusion, une
telle pratique nous ramène à un présent plus énonciatif que gnomique. Par conséquent, ces
exemples répondent aux caractéristiques de la case <1> 27 . Nous pouvons ajouter qu’ici un
véritable dialogue s’installe entre « le locuteur et l’auditeur »28. De tels exemples, en particulier ceux
contre l’initiative Minder et contre la LAT répondent donc à la définition de Benveniste du
discours, qui correspond à la case <1>29.
c) Séquences injonctives
Cette séquence vise à répondre à la question : « comment faire ? ». Consécutivement, elle révèle
une « intention particulière de l’énonciateur »
30
qui espère à travers ce procédé amener le
destinataire « vers un comportement déterminé, vers un agir s’imposant comme une nécessité ».
Le passage d’une séquence informative à une séquence injonctive trahit l’intention de
l’énonciateur d’essayer de « recommander, voire d’imposer des modes de faire que » le citoyen
« doit connaître et mettre en pratique pour obtenir des résultats attendus » 31. Il est intéressant de
constater que l’emploi de verbes modaux entraîne souvent l’injonction. En marketing politique,
cette utilisation ne se suffit pas à elle-même. En effet, si les annonceurs souhaitent véritablement
pousser le lecteur vers une tendance, lui expliquer comment faire pour éviter telles ou telles
conséquences, alors ils emploient de préférence l’impératif. Cet emploi particulier sera étudié
ultérieurement dans ce travail de séminaire. Cependant, il existe des traces de séquences
27 D’après Adam Jean-Michel, Lugrin Gilles et Revaz Françoise (1998), « Pour en finir avec le couple récit/discours », Pratiques n°100, Le français
aujourd’hui, p. 85. Nous nous référons au Schéma 2 « Configuration préférentielles des tiroirs verbaux dans les sous-systèmes de base ou modes
énonciatifs ».
28 D’aprèsBenveniste Emile (1959), « Les relations de temps dans le verbe français », Problèmes de linguistiques générale, Chapitre XIX,p. 242.
29 D’après Adam Jean-Michel, Lugrin Gilles et Revaz Françoise (1998), « Pour en finir avec le couple récit/discours », Pratiques n°100, Le français
aujourd’hui, p. 85. Nous nous référons au Schéma 2 « Configuration préférentielles des tiroirs verbaux dans les sous-systèmes de base ou modes
énonciatifs ».
30 D’après Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs du présent dans le discours expositif », Langue française N° 97, Université de Genève, p.43
31 D’après Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs du présent dans le discours expositif », Langue française N° 97, Université de Genève, p.43
17
injonctivves au préseent dans lees annoncess politiquess. Plus préccisément, ceette techniq
que peut
compléteer la séqueence inform
mative, expliicative-argum
mentative ou
o encore semi-narratiive, afin
d’indiqueer clairemen
nt au destinaataire la bonnne marche à suivre. Cett ajout injonnctif semble, comme
expliqué,, répondre à la question
n « commentt faire » 32 miise en avant par Bessonn. La classificcation de
Adam L
Lugrin et Revaz
R
nouss amène à considérerr ces séqueences injonnctives com
mme des
performaatifs. Ils s’in
nscrivent don
nc dans la caase <1>33 du
d schéma. En
E effet, unee telle utilisaation des
temps veerbaux sem
mble naturellement imppliquer une action dès l’instant ooù elle est évoquée.
é
L’objectiif est donc d’amener
d
l’éélecteur verss un comporrtement sou
uhaité, un voote détermin
né. Voici
trois exem
mples choisiis parmi de nombreux aautres de cett état de faits:
Le Matin, 30.001.2013, p.13
24 Heuress, 07.02.2013, p.233
Liberté, 16.02.20013, p.13
Dans cess cas particuuliers, il est intéressant de constateer que la maajorité des aannonces injjonctives
s’accomppagnent d’un
ne séquencee informativve, qui peut se
s situer au début, au m
milieu ou à laa fin. De
plus, le cchoix du prrésent pour faire basculler l’opinion
n dans le sens désiré see justifie, pu
uisque ce
temps peermet d’insccrire tempo
orellement lee choix dan
ns l’actualitéé, afin de fa
faire de ce vote
v
une
« nécessitté »34. Pour conclure, ill est importaant de signaaler que si l’eemploi du pprésent est ju
udicieux,
la personnnalité de l’éénonciateur s’avère ausssi cruciale. L’emploi
L
de la 1ère persoonne du singulier en
particulieer permet auu récepteur de
d s’y identiifier. Ainsi, la
l personne autant que le temps peermettent
d’influenncer et de po
ousser l’électteur vers un choix.
D’après Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs du pprésent dans le discours
d
expositiif », Langue frança
çaise N° 97, Univversité de
Genève, p..43
33 Schéma Revaz
34 D’après Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs du p
présent dans le discours
d
expositiif », Langue frança
çaise N° 97, Univversité de
Genève, p..43
32
18
d) Séqu
quences (ssemi-)narrratives
Pour finnir, il existe une 4ème cattégorie qui nnécessite « l’’évocation d’une
d
chronoologie d’évèènements
passés, een relation avec
a
le thèm
me traité » 35. Nous nouss trouvons alors
a
dans lee RACONTER. Seul
un « butt expositif général
g
» 36 see cache derrrière cette séquence (semi-)narrativve. Elle devrrait donc
être objeective et la présence
p
d’o
organisateurss et de datattions chrono
ologiques coourante. Qu’’en est-il,
si nous oobservons un
u exemple semi-narrati
s
if typique exxtrait de notrre panel ?
Premièèrement,
nous
n
mentio
onner
la
pouvvons
présennce
effectivement
d’ind
dicateurs
chrono
ologiques teels que « 155 février 20013 » ou
« 20 jan
nvier 2010 ».
» Deuxièmeement, il estt évident
que no
ous nous trouvons
t
daans le dom
maine du
RACO
ONTER. L’au
uteur, essaiee autant que possible
de préésenter objeectivement des faits. Le
L « but
exposittif général » est respecté
té. Nous avo
ons donc
une fo
orme de dém
monstrationn. Finalemen
nt, il est
possiblle de repéreer des détaills qui font référence
r
au passé, comme l’emploi duu passé com
mposé au
passif « a été conççue », le com
mplément de
d temps
« pendaant vingt ans » ou encore lees dates
mentio
onnées. No
ous avons donc un parfait
exemplle de séquen
nce (semi-)na
narrative.
Il est trrès intéressant de constaater que nou
us nous
24 Heures, 16.02.2013, p.1
trouvon
ns ici dans une
u troisièm
me case de la matrice
présenttée au préalaable dans cee séminaire. En effet,
si l’énoonciation reeste impliqu
uée, toute une partiee de l’argumentation se base su
ur « une
représenntation disccursive disjoiinte de la sittuation d’én
nonciation »37. L’emploi d’un passé composé
c
inaccom
mpli au passiif « a été conçue » conffirme cette impression.
i
Dans les exxemples quii suivent,
nous alloons retrouver à plusieurrs reprises l’’emploi du passé
p
compo
osé. Cette oobservation confirme
c
la nécesssité d’une case
c
<3> su
upplémentaiire de transiition entre le discours et le récit préssenté par
Benveniiste.
D’après B
Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs
v
du présent ddans le discours exxpositif », Langue française
f
N° 97, Unniversité de Genève, p.43
D’après B
Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs
v
du présent ddans le discours exxpositif », Langue française
f
N° 97, Unniversité de Genève, p.43
37 D’après A
Adam Jean-Michell, Lugrin Gilles et Revaz Françoise ((1998), « Pour en finir avec le couple récit/discours »», Pratiques n°100, Le français
aujourd’hui, p. 85.
35
36
19
Pourtannt, nous devo
ons signalerr que les exttraits suivants, bien qu’iils corresponndent globaalement à
la définnition de sééquence (seemi-)narrativve, ne respectent pourrtant pas to
toujours le principe
d’objecttivité et ne présentent
p
paas souvent lles faits de manière
m
neuttre:
Le Matin, 144.01.2013, p. 10
24 Heures, 233.01.2013, p.19
Le Matin, 133.01.2013, p.40
Commee dernière prrécision, releevons que ccette techniqque a été majoritairemeent employéée par les
opposannts à la loi suur l’aménageement du terrritoire.
2. Lee futur
Même si le présent s’impose majoritaireme
m
ent dans le marketing
m
po
olitique, com
mme démon
ntré dans
la sectioon précéden
nte, d’autress temps verrbaux y occcupent ausssi le haut dde l’affiche. Comme
expliquéé dans l’intro
oduction co
onsacrée au présent, les conséquences qui décooulent des votations
v
sont bieen souventt le premier sujet de discussion lors des débats.
d
Ces conséquen
nces, ces
hypothèèses évoquéées devraien
nt donc logiiquement l’êêtre au con
nditionnel. E
En effet, seeules des
supposittions peuven
nt être émisses. Néanmooins, c’est un
u futur sim
mple (FS) aloors hypothéttique qui
se profille en prioritéé.
Il nous paraît don
nc désormaiis importannt d’observeer l’emploi spécifique du futur. Dans
D
un
premier temps, notons que la fonction
f
du futur simplle correspon
nd en généraal à l’emploi typique
qui lui eest attribué par
p Barcelo et Bres. Ainnsi, le futur s'utilise « lorsqu’il s’agitt de situer un
u procès
20
comme ultérieur paar rapport au
u moment dde la parole »38. Revaz confirme
c
cettte postulatiion, mais
mple est unee temps ‘relaatif’ qui expprime une prrojection
la nuancce lorsqu’ellee écrit que « le futur sim
par rappport à un po
oint de repèère quelconqque, explicitte ou impliciite »39. Danss notre cas précis,
p
le
point dee repère est explicite. Laa date du 3 m
mars, choisiie pour ces votations
v
féddérales, jouee ce rôle.
Ces défi
finitions coïn
ncident bien
n avec la tootalité des exemples
e
qu
ue nous avoons trouvés dans les
journauxx choisis. Pour
P
notre travail, noous allons nous arrêteer sur troiss emplois du
d futur
spécifiquues au markketing politiique. Dans uun premier temps, nou
us nous penccherons surr le futur
modal éépistémique.. Nous analyyserons ensuuite brièvem
ment l’emplo
oi d’un futuur de promeesse pour
finir parr l’utilisation
n mineure du futur périiphrastique. Pour conclu
ure, il est im
mportant dee préciser
que ces différents em
mplois du fu
utur n’occuppent pas la même
m
case dans
d la matriice.
2.1
Le futur modal ép
pistémique
Pour coommencer cette
c
analysee du futur, iil est importtant de précciser que noous allons laargement
suivre l’’analyse meenée par An
ndré Borilloo qui affirm
me que « le futur verbbal est généralement
employéé avec une valeur
v
purem
ment tempoorelle, mais qu’il peut arrriver que ccette marquee verbale
recouvree une autre fonction ». Comme il l’explique, le
l « futur esst un biais ccourt et rapide pour
exprimeer de manièère indirectee des intenttions, des croyances,
c
des
d convictiions qui an
niment le
locuteurr ». Dans le cas
c de votattions, ce sonnt bien de co
onvictions, de
d croyancess dont nous parlons.
Le futurr permet allors d’exprim
mer une oppinion perso
onnelle de manière moodérée, alorrs qu’elle
« pourraait être exprrimer de manière plus oouverte et fo
ormuler de manière
m
pluus explicite » 40. Cette
idée se cconfirme, lo
orsque l’on constate
c
quee le futur se retrouve
r
sou
uvent dans les prises dee paroles
de persoonnalités pollitiques préssentées entree guillemets:
24 Heures, 300.01.2013, p.17
Le N
Nouvelliste, 14.02.20013, p.14
D’après B
Barcelo Gérard et Bres
B jacques (2006), « Chapitre 5 : L
LE futur simple », dans : les temps dee l’indicatif en françaiis, Paris, Ophrys, p.101-111.
p
D’après R
Revaz Françoise (22009), « Valeurs ett emplois du futurr simple et du préssent prospectif en français », dans : Faits de langue, n°333, p. 149161.
40 D’après B
Borillo André (20005), « Parmi les valleurs énonciativess du futur, le futurr conjectural », dan
ns : Lambert Fréddéric et Nolke Hen
nning, La
Syntaxe au cœœur de la grammaire, rennes, Presses Universitaires
U
de R
Rennes, p.35-44.
38
39
21
Cependaant, suite à l’examen de notre ccorpus d’an
nnonces, no
ous devons évoquer un
u point
particuliier sur lequeel notre prise de positiion s’avère quelque peu
u différente de celle dee Borillo.
Commee il l’expliquee, l’emploi modal
m
épistéémique a pouur objectif « d’affaiblir » et de « relaativiser la
valeur dde la vérité ».
» Il ajoute que
q « le condditionnel estt généralement donné ccomme le teemps par
excellennce de la mo
odalité épisttémique » 41, mais que « les formees du futur simple ou antérieur
peuventt égalementt revêtir ce caractère m
modal » 42 . Si notre an
nalyse est een adéquatiion avec
l’affirmaation conceernant le co
onditionnel, nous nous permetton
ns néanmoiins de rem
mettre en
questionn la relativissation de la valeur de laa vérité dan
ns le cas dess annonces ppolitiques. En
E effet,
l’aspect modal semb
ble permettrre ici non paas d’affaiblirr, mais au contraire d’acccroître, selon nous,
la valeuur de la vérrité. Plus prrécisément, c’est la perrception de la vérité ppar l’électeurr qui est
amplifiéée. Nous observons don
nc un emplooi typique auu marketing politique da
dans ce cas. En
E effet,
lors de vvotations, lee but est de convaincree. Et même si le futur modal
m
épistéémique offrre ici une
« marge de doute »,, il développ
pe égalemennt le sentimeent d’une « très
t forte prrobabilité ». Le futur
avenir et d’avancer un
ne hypothèèse très pro
oche du
permet donc de se « projeteer dans l’av
pronostiic »43. Dans le cas du marketing
m
poolitique, l’em
mploi du futur permet ddonc de maiintenir la
liberté dde choix laissée au citoyyen, tout en l’influençan
nt fortementt. L’électeur ne se sent donc
d
pas
vraimennt forcé de croire,
c
car la conséquencce est présen
ntée dans un
n futur hypoothétique, mais
m reste
néanmooins clairemeent orienté. Le futur m odal épistém
mique permet donc de renforcer une vérité
propre aau locuteur :
24 Heures, 166.02.2013, p.4
24 Heures, 05.02.20113, p.17
24 Heures, 233.01.2013, p.19
D’après B
Borillo André (20005), « Parmi les valleurs énonciativess du futur, le futurr conjectural », dan
ns : Lambert Fréddéric et Nolke Hen
nning, La
Syntaxe au cœœur de la grammaire, rennes, Presses Universitaires
U
de R
Rennes, p.35-44.
42 D’après B
Borillo André (20005), « Parmi les valleurs énonciativess du futur, le futurr conjectural », dan
ns : Lambert Fréddéric et Nolke Hen
nning, La
Syntaxe au cœœur de la grammaire, rennes, Presses Universitaires
U
de R
Rennes, p.35-44.
43 D’après B
Borillo André (20005), « Parmi les valleurs énonciativess du futur, le futurr conjectural », dan
ns : Lambert Fréddéric et Nolke Hen
nning, La
Syntaxe au cœœur de la grammaire, rennes, Presses Universitaires
U
de R
Rennes, p.35-44.
41
22
24 Heures, 288.01.2013, p.20
Les diffé
férents exem
mples choisis confirmentt l’idée expriimée au préaalable, à savo
voir que ce fu
utur, que
l’on diraa conjecturaal, permet au
a locuteur d’avancer des
d hypothèèses qui appparaissent alors
a
très
probablees, tout en laissant une marge de dooute qui garantit l’impreession de libberté de l’électeur. La
cible viisée est do
onc influenccée presquee inconsciemment. En
n conclusioon, ce futur modal
épistémiique pose problème, lorrsqu’il faut lle placer dan
ns la matrice. Même si la valeur tem
mporelle
ne peutt être négliggée, car ch
haque futur semble « une
u projectiion dans l’’avenir de celui
c
qui
parle/éccrit »44, il est possible de
d penser qu
que le côté hypothétiqu
h
ue, la simplee probabilitéé mis en
place paar la modaalité, pourraient être iinterprétés par les cito
oyens comm
me une éno
onciation
distanciéée. Comme expliquée auparavant,
a
lla modalité qui maintient la liberté de la cible renforce
alors l’im
mpact de l’aargument. En
E d’autres termes, les électeurs pourraient peercevoir cette forme
verbale, certes modale, comm
me une form
me de véritté presque divinatoire.. On pourrrait alors
ur de passe-ppasse des an
nnonceurs politiques
p
poousse le futu
ur modal
avancer l’hypothèsee que ce tou
épistémiique vers la case <3> de la matrice,, avec une én
nonciation distanciée.
d
2.2
Le futur de promeesse
Maintennant, que no
ous avons étudié l’emplloi prototyp
pique du futtur dans le m
marketing politique,
p
nous alllons nous pencher su
ur une autrre alternativve. En effet, si l’emplloi du futu
ur modal
épistémiique est léggitime dans ce contex te, l’emploii d’un futurr de promeesse ne sem
mble pas
forcémeent justifié. En
E d’autres termes, le ffutur de pro
omesse, qui s’applique pprincipalemeent « à la
1ère personne », perm
met des « to
ournures de phrases qui s’interprèteent comme lla formulatio
on d’une
ment de la part
p du locutteur, sans quue celui-ci ait
a à le formuler en term
mes explicitees »45. En
engagem
voici deuux exempless :
D’après A
Adam Jean-Michell, Lugrin Gilles et Revaz Françoise ((1998), « Pour en finir avec le couple récit/discours »», Pratiques n°100, Le français
aujourd’hui, p. 85.
45 D’après B
Borillo André (20005), « Parmi les valleurs énonciativess du futur, le futurr conjectural », dan
ns : Lambert Fréddéric et Nolke Hen
nning, La
Syntaxe au cœœur de la grammaire, rennes, Presses Universitaires
U
de R
Rennes, p.35-44.
44
23
Le Nouvellistte, 14.01.2013, p.144
Liberté, 21.02.2013, p.13
Nous poouvons parller ici de futur illocutoiire. Cet emp
ploi entraînee un engageement qui « décale la
réalisatioon du proccès » 46 . Par conséquentt, une telle utilisation renforce laa présence du futur
illocutoiire dans la case
c
<1> dee la matrice.. Il est impo
ortant de mo
ontrer que ccette techniq
que n’est
pas forccément reco
ommandée en marketinng politiquee. Cet emploi modal ssème le dou
ute dans
l’esprit ddu citoyen qui
q ne sait plus ce qu’il doit croire. Même si less opposants à l’initiativee Minder
affirmennt qu’ils « voteront
v
» ou
o « voteraiient » non, l’électeur a de la peinne à les crroire. La
particulaarité modalle du futurr empêche d’y adhéreer complèteement et aavec confian
nce. Par
conséquuent, le tem
mps du préseent, commee vu précédemment sem
mble davanntage se justtifier, car
l’électeuur a besoin de certitudees. En concclusion, noto
ons que cettte utilisation
on a été uniquement
l’apanagge des oppossants à l’initiiative Mindeer. Il semblee donc que lee marketingg politique do
oive tout
à la foiss donner l’im
mpression de
d mainteniir la liberté de
d choix, to
out en ne laaissant planer aucun
doute.
2.2.1 Le futur périphrasstique
ment, il est nécessaire
n
dee signaler un dernier em
mploi spécifique du futtur. Malgré de rares
Finalem
apparitioons dans less annonces recensées, ccet emploi nous
n
semble plus légitim
me que le prrécédent.
Le futuur périphrasstique, ausssi appelé pprésent prosspectif
(PRP), est prrésenté com
mme un
concurreent de l’em
mploi typiq
que du futuur simple. En effet, comme l’exxplique Revvaz, « la
perspecttive du futuur peut être exprimée aaussi bien par un FS qu
ue par un P
PRP ». En revanche,
r
dans l’eemploi conjeectural qui nous conceerne, « les deux
d
temps ne sont paas concurren
nts ». Le
présent prospectif n’exprime pas une moodalité, il ne
n laisse aucune « margge de doutte » 47 , au
contraire, il met en
e avant un
ne certitudee. Revaz paarle alors d’ « aspect pprotensif ». Le
L futur
périphraastique donn
ne donc unee « directionnnalité vers l’avenir
l
»48. Dans
D
le caddre de la maatrice, cet
D’après A
Adam Jean-Michell, Lugrin Gilles et Revaz Françoise ((1998), « Pour en finir avec le couple récit/discours »», Pratiques n°100, Le français
aujourd’hui, p. 85.
47 D’après B
Borillo André (20005), « Parmi les valleurs énonciativess du futur, le futurr conjectural », dan
ns : Lambert Fréddéric et Nolke Hen
nning, La
Syntaxe au cœœur de la grammaire, rennes, Presses Universitaires
U
de R
Rennes, p.35-44.
48 D’après R
Revaz Françoise (22009), « Valeurs ett emplois du futurr simple et du préssent prospectif en français », dans : Faits de langue, n°333, p. 149161.
46
24
emploi rejoint la case <1>, mais rajouute une « visée
v
prosp
pective » 49 . Pour suivrre notre
ploi du futurr périphrastitique semblee évidemmen
nt beaucoupp plus justifié dans le
raisonneement, l’emp
cas du m
marketing po
olitique qu’u
un futur de ppromesse. En
E effet, grââce à lui, l’éleecteur ne do
oute plus
de l’engaagement de la personnaalité mise enn avant et peeut donc lui faire toute confiance. Grâce
G
au
premier exemple quui suit, le leecteur est ppersuadé quee cet agriculteur, et proobablement tous les
LAT. Il a do
onc la possib
bilité de rejooindre cette sorte de
agriculteeurs avec luii, ‘vont voteer’ oui à la L
communnauté. Avec le second exemple,
e
nouus pouvons percevoir laa visée prosppective danss le cadre
de l’arguumentation.
24 Heures, 244.01.2013, p.5
Liberté,
L
20.02.2013,
3, p.18
24 Heures, 20.022.2013, p.17
3. Lees modees dans le mark
keting politiqu
p
ue
Après av
avoir analyséé l’emploi des deux tem
mps les pluss usités danss le marketiing politiquee lors de
votationns fédérales, nous pouvons dorénavvant nous pencher
p
sur d’autres cass également présents
dans less annonces étudiées,
é
maais que l’on prête en géénéral plus volontiers
v
à des élection
ns. Nous
parlons ici de l’impéératif, de l’in
nfinitif, maiss aussi de l’aabsence de verbe.
v
Il fauut remarquerr que ces
cas limittent l’argum
mentation et se concentrrent plus paarticulièremeent sur l’asppect émotion
nnel. On
vise donnc ici les ‘seentiments’ politiques duu citoyen. Une élection, qui porte ssur des personnes et
non surr un objet, paraît
p
légitim
mer un tel eemploi, maiss il est néan
nmoins posssible de le retrouver
r
aussi lorrs de votatio
ons et, à bien
n des égardss, cet emploii nous paraîtt judicieux.
D’après A
Adam Jean-Michell, Lugrin Gilles et Revaz Françoise ((1998), « Pour en finir avec le couple récit/discours »», Pratiques n°100, Le français
aujourd’hui, p. 85.
49
25
3.1
L’impéraatif
Pour coommencer, nous allons nous conncentrer surr l’emploi de
d l’impéraatif. Ce mode revêt
évidemm
ment d’aborrd une conn
notation injjonctive et permet don
nc de donnner un ordrre ou un
conseil. Néanmoinss, cette visiion semble trop étroitee. L’impérattif permet aaussi d’exprrimer un
désir, dee faire des reecommandaations ou peeut encore s’apparenter à une form
me de politesse. Dans
le cas duu marketingg politique, plusieurs dee ces caractééristiques seemblent sédu
duire les ann
nonceurs,
puisque le désir, le conseil, maais aussi l’orrdre sont prropices à inffluencer le ccitoyen. De plus, ce
s
dd’emploi dee l’impératiff qui incitennt les annonceurs à
sont proobablementt aussi les spécificités
utiliser uun tel modde. En effeet, l’absencee de pronom
m accélère l’échange.
l
L
Le récepteurr se sent
immédiaatement oblligé, voire contraint
c
d’aagir. En marketing
m
po
olitique, cettte utilisation
n permet
donc dee sensibiliserr l’électeur à un sujet, auquel il see retrouve confronté
c
frrontalement, grâce à
l’impéraatif. La soluttion qui lui est
e alors donnnée ressem
mble à une ob
bligation, unne nécessité ou revêt
l’apparennce d’un co
onseil. Cette caractéristiqque de l’imp
pératif nous invite à pennser que ce mode
m
est
peut-êtrre parfois peerçu par le citoyen
c
com
mme une sorrte de véritéé générale à laquelle on
n ne peut
qu’adhérrer. Par co
onséquent, cette
c
hypoth
thèse sembllerait nous amener loggiquement à ranger
l’impéraatif en ce qui
q concern
ne le markeeting politiqque, dans laa case <3>
> de la mattrice. Ce
déplacem
ment renforrcerait qualittativement l’’impact de l’’impératif su
ur l’électeur. En effet, il ne serait
plus perrçu seulemen
nt comme un
u ordre ou même un co
onseil, mais plutôt com
mme une certtitude ou
une néceessité. Les exemples
e
suiivants sembllent abonder dans ce sens.
24 Heures, 177.01.2013, p.24
Liberté,
L
18.02.2013, p.14
En effeet, « penson
ns à nos en
nfants » n’appparaît pas seulement comme un ordre, maiis plutôt
comme une nécessiité, une sortte de vérité générale, à laquelle personne ne peeut s’opposer. Nous
pouvonss parler ici d’un
d
emploi de l’impéraatif qui se raapprocheraitt d’une form
me de maxim
me. Nous
sommess, comme l’eexpliquent Adam,
A
Lugriin et Revaz, à « l’intersection des soous-systèmes <1> et
26
<3> »50. En d’autrees termes, l’iimpératif se mble ‘dramatiser’ la situ
uation, afin d’éveiller laa peur, le
doute cchez les éleccteurs. Cet éveil transfforme l’ord
dre en nécessité. En ouutre, les sentiments
primairees, fondamentaux qu’il met
m en avannt permetten
nt de manier plus facileement le cito
oyen. De
plus, noous pouvon
ns noter deux emploiis distincts de l’impérratif. Premiièrement, l’’annonce
politiquee se concen
ntre parfois sur
s le débat.. Des argum
ments, quelques peu biaiisés, car ‘draamatisés’
par l’im
mpératif, son
nt présentés aux citoyenns. L’annonce espère donc jouer ssur la corde sensible
pour connvaincre :
24 Heures, 244.01.2013, p.7
Le Matin, 20.01.22013, p.7
24
2 Heures, 23.02.22013, p.16
Il est trèès intéressan
nt de consttater que ce sont essentiellement lees campagnnes pour la LAT,
L
ou
contre ll’initiative Minder
M
qui ont
o eu recouurs à cet em
mploi. Pour l’une et l’auutre des cam
mpagnes,
tout l’arrgumentaire a été basé sur
s la peur, celle d’un paysage
p
mitéé d’un côté, ou celle de voir des
entrepreeneurs à succcès quitter la
l Suisse de l’autre. A partir
p
de là, il est curieuxx de constatter que si
les annoonces de so
outien à la LAT
L
à l’imppératif se so
ont multipliéées, seule l’aaffiche présentée cidessus a été retenuue par les opposants
o
à l’initiativee Minder. Deuxièmeme
D
ent, un emp
ploi plus
classiquee de l’impéératif attire aussi notrre attention
n. Nous avo
ons vu prééalablement que les
consignees de vote pouvaient être donnéees au présen
nt, ou enco
ore au futurr. Rappelon
ns que si
l’emploii du présentt ou alors du
d futur pérriphrastiquee nous paraiissaient justtifiés, l’utilisation du
futur dee promesse entraînait
e
in
ndirectementt un doute chez
c
les éleccteurs. Il estt désormais possible
d’ajouter une quatriième possib
bilité. La connsigne de vo
ote à l’impérratif revêt uun caractère injonctif
très fortt. Par conséqquent, le citoyen se sennt véritablem
ment privé d’’une liberté qui devrait pourtant
lui être garantie parr l’outil dém
mocratique. C
Cette privattion de liberrté chez le ccitoyen peutt s’avérer
négativee en provoqquant un efffet contrairee à celui souuhaité et en risquant de pousser l’éélecteur à
D’après A
Adam Jean-Michell, Lugrin Gilles et Revaz Françoise ((1998), « Pour en finir avec le couple récit/discours »», Pratiques n°100, Le français
aujourd’hui, p. 85.
50
27
voter à l’opposé de
d la consiigne. En ooutre, le cittoyen peut deviner unn certain seentiment
ur dans l’em
mploi de ce type d’impéératif et resssentir probaablement
d’exaspéération chezz l’annonceu
une form
me de lassituude:
Liberté, 20.022.2013, p.13
24 Heurees, 23.02.2013, p.14
4
Dans cees deux exeemples, les verbes à ll’impératif « dites » et « votez » seemblent con
ntraindre
l’électeuur à agir dan
ns le sens indiqué. Danss ces cas, c’eest en effet l’aspect injoonctif qui l’eemporte.
Par connséquent, ceette utilisatiion replace l’impératiff dans le 1er sous-systè
tème de la matrice.
L’énoncciation est im
mpliquée, caar nous perccevons en fiiligrane la laassitude du llocuteur ain
nsi que le
côté injoonctif. Ces éléments
é
po
oussent l’énoonciateur à assumer
a
perrsonnellemennt cette con
nsigne de
vote. Noous pensonss donc que son
s impact eest alors resttreint.
3.2
L’infinitiif
Commee l’explique Calas et Ro
ossi, « l’infinnitif occupee une place à part danns le systèm
me verbal
français »51. Dans lee même esp
prit que celuui de l’impératif, l’utilisaation de l’innfinitif en marketing
m
nt. Ses caracctéristiques een font pou
urtant un
politiquee est relativeement rare, mais il exisste cependan
mode appte à convaiincre un cito
oyen. En efffet, « l’infinittif ne porte ni les marquues de perso
onnes, ni
les morrphèmes tem
mporels : l’infinitif est un mode non
n personnel et non temporel » 52 . Cette
spécificiité permet de
d réduire la propositiion en supp
primant en particulier les pronom
ms. Cette
absence entraîne d’uune part unee accélératioon de la lecture qui perm
met de conccentrer l’atteention du
lecteur ssur les poin
nts importan
nts, d’autre ppart, ce man
nque entraîn
ne une glob alisation, un
ne forme
d’univerrsalité des propos,
p
car la cible ainnsi que le lo
ocuteur ne sont
s
pas inddividualisés. Tout le
monde se sent alors concerné. De plus, l’aabsence de repères tem
mporels conttribue à renfforcer ce
sentimennt. La véritéé présentée apparaît aloors légitime,, comme si elle avait exxisté de tou
ut temps.
Cette psseudo légitiimité nous amène à peenser que l’infinitif app
paraît aux yyeux des ciitoyens à
51
52
D’après F
F. Calas et N. Rosssi, Questions de gram
mmaire pour les concoours (section 3, chaapitre 2), Ellipses.
D’après F
F. Calas et N. Rosssi, Questions de gram
mmaire pour les concoours (section 3, chaapitre 2), Ellipses.
28
travers uune énonciaation distancciée qui le traansforme en
n vérité généérale. La casse <3> de laa matrice
semble alors corrrespondre aux
a
caractééristiques de l’infinitiff.
Un tel emploi laargement
recomm
mandé lors d’élections,
d
trouve
t
aussii tout son sens lors d’u
une votationn. En effet, les deux
sujets m
majeurs que sont les rémunérationns abusives et l’aménaagement duu territoire sont des
thèmes très sensiblles. L’infinittif permet dde jouer surr cette cordee. Comme ll’impératif, l’infinitif
pport à l’im
mpératif, l’inffinitif s’acco
ompagne
contribuue à ‘dramaatiser’ le sujeet. Néanmooins, par rap
plus souuvent d’une véritable
v
arggumentationn. Voici quellques exemp
ples :
24 Heures, 022.02.2013, p.5
Le Matiin, 20.01.2013, p.77
Dans cees exempless, nous deviinons une aargumentatio
on. On affirrme en effett que voter oui à la
LAT peermet de « garantir notree alimentatioon », de « protéger les terres
t
cultiva
vables », de « garantir
des logeements aborrdables » ou
u encore de « stopper le
l bétonnage sauvage ».. Tous ces éléments
introduiits par l’infin
nitif sembleent s’imposeer dans l’esp
prit du citoyyen qui les pprend comm
me vrais.
Nous pouvons ajouuter qu’il esst importannt de distingguer deux emplois spéccifiques de l’infinitif
repérés dans notree corpus. Le
L premier entraîne l’uutilisation de
d l’infinitiff dans un contexte
d’argum
mentation. L’infinitif preend alors laa place d’un verbe conjugué et sem
mble ainsi globaliser
g
l’argumeent.
24 Heures, 11.02.2013, p.6
24 Heuures, 29.01.2013, p.7
29
En effeet, dans ces deux exxemples, sii nous rem
mplacions l’infinitif
l
p ar un tem
mps plus
communnément utiliisé comme le présent, nous retrouuverions dees argumentts plus longgs, moins
incisifs qui ne frap
pperaient paas forcémennt l’esprit duu destinataire. Par exem
emple, à la place de
L’initiative vivifie
v
les
« vivifierr les centress, préserver les zones dee détentes »,, nous pourrrions lire « L
centres et préserve les zones de
d détentes »». Cette form
mulation plu
us longue seemble dévalloriser et
pact de l’arggument. Preemièrement, le citoyen qui doit déésormais prrendre le
même rréduire l’imp
temps dde lire l’anno
once va prob
bablement l’’ignorer. En
nsuite, mêmee s’il la lit, nnous pouvon
ns penser
que ce rrallongemen
nt risque de réduire l’imppact et la crrédibilité de l’argument.. Quant à la seconde
utilisatioon, elle conssiste uniquem
ment en unee consigne de
d vote. L’in
nfinitif ‘dram
matise’ l’actee de vote
et incite l’électeur à suivre l’opin
nion avancéée, tout comme l’impéraatif.
Liberté, 05.022.2013, p.5
Maintennant que nouus avons dreessé un tableeau de l’emp
ploi de l’infin
nitif dans le marketing politique,
p
nous poouvons relevver que cette techniquee a été employée presqu
ue uniquemeent par la caampagne
pour l’am
ménagemen
nt du territoire, à l’excepption de l’an
nnonce con
ntre l’initiativve Minder citée
c
plus
haut. Poour finir, il est
e possible de
d noter quee le site interrnet proposé par les oppposants à l’’initiative
Minder est lui com
mposé d’un
n verbe à ll’infinitif, www.bienreg
w
garder.com, mais laisso
ons cette
particulaarité au rangg des curiosités.
3.3
L’absencce de verb
be – la phrrase nomiinale
Il est déésormais im
mportant de nous arrêteer sur un em
mploi ou plutôt un nonn emploi dees temps
verbauxx dans le maarketing politique. En efffet, certainees annonces examinées ne possèden
nt aucun
temps vverbal, puisqqu’elles sontt orpheliness de verbe. Nous
N
parlon
ns ici de phhrases nomiinales ou
non verbales. Greviisse et Goosse, dans leuur manuel, expliquent
e
qu’
q « une phhrase non veerbale est
une phraase simple qui
q ne contieent pas de vverbe conjuggué » 53. Il ajo
oute que cett
tte forme se retrouve
surtout dans « la lan
ngue parlée »54. On la reepère d’aprèès eux, princcipalement ddans les insccriptions,
les noticces, les titrees de journaaux, les indiications scén
niques de pièces
p
de thhéâtre et d’après nos
recherchhes aussi parrfois dans lee marketing ppolitique.
53
54
D’après G
Grevisse, M. et Go
oosse, A., « Nouvvelle grammaire fraançaise », Volumee n°103, De Boeck
k.
D’après G
Grevisse, M. et Go
oosse, A., « Nouvvelle grammaire fraançaise », Volumee n°103, De Boeck
k.
30
20 Minute, 229.01.2013, p.24
Le Matin, 144.01.2013, p.10
Le Nouvvelliste, 06.02.2013, p.20
Commee expliquée précédemm
ment, cette teechnique peermet elle aussi
a
de conndenser la phrase
p
et
donc dee rendre l’arrgument plu
us percutantt. Le lecteuur, qui a peu
u de temps,, peut doncc se faire
rapidem
ment une idée. En outrre, cette abbsence de temps verbaaux semble figer la ph
hrase, en
quelque sorte la paralyser.
p
Ceette caractééristique donne à l’arggument un côté immu
uable qui
entraînee le lecteur à le suivre. Si
S nous parttons du posstulat que l’aabsence de temps verbaux peut
être inteerprétée com
mme une fo
orme d’utilis ation de cess mêmes tem
mps, il est ddésormais im
mportant
de se quuestionner sur la place que
q la phrasse nominale occupe dan
ns les 4 souss-systèmes. En nous
basant ssur les arguuments préssentés au prréalable, no
ous pourrion
ns reconnaîttre une éno
onciation
distanciéée dans un monde
m
actuaalisé. L’arguument présen
nté ressemble en effet à une vérité générale,
et peutt être conssidéré com
mme une nnécessité. Par
P conséqu
uent, la phhrase nomiinale est
probableement interrprétée par le citoyen comme app
partenant à la case <33>. Il est crrucial de
souligneer que ces hyypothèses so
ont uniquem
ment basées sur l’impresssion provoqquée sur l’éllecteur et
donc à pprendre com
mme telles. En
E outre, n ous pouvon
ns noter aussi que la seuule annoncee au sujet
de l’articcle constituttionnel sur la famille esst celui préssenté ci-dessus. Les oppposants à cet article
ont donnc opté uniqquement pou
ur une anno nce sans tem
mps verbauxx. Il est désoormais impo
ortant de
nous peencher sur les
l différenttes approchees envisagéees par les annonceurs.
a
En premieer lieu, la
phrase nnominale peeut permettree d’exposer les avantagees d’une mo
odification léégislative. Dans cette
optique,, la formule précédée dee la préposittion « pour » semble larggement usitéée.
31
Le Matin, 277.01.2013, p.11
244 Heures, 13.02.20113, p.10
L
Liberté, 14.02.2013, p.13
Nous poouvons ajouuter qu’une telle formullation n’est en général possible qu’’avec une caampagne
du ‘oui’. En d’autrees termes, l’’emploi d’unne tournure nominale précédée
p
d’uun ‘pour’ arrgumente
essentielllement en faveur d’’un objet de votation que l’an
nnonceur vveut voir accepter.
a
Deuxièm
mement, l’uutilisation la plus répanndue de la phrase
p
non verbale estt celle qui vise une
consignee de vote. L’absence
L
dee verbe perm
met de conceentrer l’atten
ntion sur le ‘oui’ ou le ‘n
non’ que
l’annoncceur veut meettre en avan
nt.
Le Nouvellistte, 16.02.2013, p.8
Liberté, 16.02.2013, p.13
Le Nouvellistte, 06.02.2013, p.200
Le Noouvelliste, 04.02.201
13, p.29
D’un auutre côté, no
ous pouvons aussi retroouver cette technique mêlée
m
parfoiis, dans le périmètre
p
restreintt de l’affichee, à d’autres utilisations de temps verbaux.
v
En d’autres terrmes, la con
nsigne de
vote souus forme dee phrase nom
minale ne see suffit danss ce cas pas à elle-mêm
me. Un argum
ment qui
emploiee un temps verbal
v
compllète alors le plus souven
nt l’annonce.
32
Le Nouvellistte, 05.02.2013, p.9
Le Matin, 144.01.2013, p.10
Pour coonclure, nous avons rem
marqué que lles consignees de vote so
ous forme dde phrases no
ominales
deviennent de plus en plus fréquentes au fur et à meesure que la campagne aavance. Nou
us avons
relevé qque la totalitté des annon
nces citées cci-dessus ap
pparaissent uniquement
u
en février alors
a
que
l’échéannce du 3 marrs approche..
4. Lee passé
Finalem
ment, il est important de nous arrrêter sur l’utilisation
l
Dans l’intro
oduction
du passé. D
concernnant l’emploii du présentt, nous avonns expliqué que la plupart des cam
mpagnes de votations
v
naissentt de problèm
mes récurren
nts qui trouuvent donc leur
l
origine dans le passsé. Par con
nséquent,
même sii d’autres teemps verbau
ux sont utiliisés avec l’objectif de co
onvaincre, lle passé exisste bel et
bien daans notre co
orpus d’ann
nonces. Cerrtes marginal, le passéé est tout dde même utilisé
u
en
marketinng politiquee. Il permet de
d rappeler l’origine duu débat, d’év
voquer des ppropos tenuss par des
politiciens, de reméémorer certaains élémentts oubliés. Néanmoins,
N
il faut ajoutter qu’ici le passé
p
est
raremennt utilisé inddépendammeent d’un auutre temps verbal.
v
Danss la plupart des cas, il complète
c
une arguumentation présentée à un autre temps verb
bal, le présen
nt le plus ssouvent. Cependant,
nous poouvons ajouuter que le passé sembble être le temps le plu
us objectif uutilisé en marketing
m
politiquee. En effet, il ne fait quee reprendre des élémentts préexistan
nts qui peuvvent être vérrifiés. Par
33
conséquuent, l’annon
nceur ne prrend pas le risque d’avvancer de faux
f
argumeents. Voici quelques
exemplees :
Liberté, 15.022.2013, p.14
24 Heurees, 16.02.2013, p.11
Le Matin, 133.01.2013, p.40
Liberté,
L
19.02.20133, p.2
Premièrrement, nouss relevons dans
d
cet échaantillon d’an
nnonces presque uniqueement la préésence de
passé coomposé, à l’’exception d’une
d
utilisattion de pluss-que-parfaitt. De plus, nnous pouvo
ons noter
que ces emplois s’in
nscrivent daans le sous-ssystème <2> de la mattrice. Le passsé composéé permet
nement passsé, de le rem
mettre dans l’esprit
l
du ciitoyen. Nouus avons don
nc à faire
de raconnter un évén
à un passsé composéé 2 (PC2). Il
I a une valeeur d’aoriste. Sa caractérristique d’innaccompli montre
m
au
citoyen que cette siituation passsée est toujoours d’actuaalité. Deuxièèmement, il est importaant de se
pencherr sur l’emplo
oi du plus-q
que-parfait. C
Ce temps, qui
q correspon
nd toujours à la case <2> de la
34
matrice, possède un côté accompli. En l’occurrence, dans l’exemple mentionné ci-dessus, cette
caractéristique met en évidence une rupture avec le passé et justifie l’utilisation du plus-queparfait. Par conséquent, l’emploi d’un PC2 inaccompli n’aurait pas été judicieux. Finalement nous
remarquons que cette technique a été majoritairement employée par les opposants à
l’aménagement du territoire qui ont donc basé leur argumentation essentiellement sur des
éléments concrets du passé. Les adversaires de la LAT ont voulu une argumentation très
rationnelle, sans se rendre compte que, dans le contexte green du XXIème siècle, le débat était
plutôt émotionnel. Suite aux résultats, nous pouvons penser qu’ils ont ainsi fait un mauvais choix.
5. Analyse - Statistiques
Maintenant que nous avons relevé les différents emplois typiques des temps verbaux dans le
marketing politique, il est important de dresser un tableau final qui recense la fréquence par type
d’emploi de ces temps verbaux dans notre corpus. Ainsi, nous pourrons envisager des
conclusions. Néanmoins, il est important de préciser que les résultats que nous avons obtenus, à
travers la base de données d’Année Politique Suisse à Berne, ne peuvent pas être généralisés. En
effet, nous avons restreint notre analyse aux quotidiens suivants : 20 Minutes Vaud, Le Matin, Le
Nouvelliste, la Liberté, le 24 Heures, la Tribune de Genève, l’Express. De plus, l’étude ne porte que sur
les votations du 3 mars. Finalement, il est important de préciser que les chiffres avancés ne sont
pas ceux d’Année Politique Suisse, mais véritablement les nôtres obtenus par un décompte
personnel. Par conséquent, nous ne pourrons pas tirer de véritables conclusions, mais seulement
esquisser des tendances :
Initiative
Minder
a) Séquences
Présent
du territoire
(LAT)
Article
constitutio
nnel sur la
Total
famille
Oui
Non
Oui
Non
Oui
Non
-
51
34
16
-
1
102
-
47
9
20
-
-
76
informatives
b) Séquences
explicatives-
Aménagement
35
c) Séquences
-
6
-
1
-
-
7
-
18
-
17
-
-
35
-
21
-
45
-
-
66
-
2
-
-
-
-
2
-
-
4
1
-
-
5
Débat
-
15
11
-
-
-
26
Consigne de vote
-
5
-
2
-
-
7
Formule avec
-
-
17
2
-
-
19
Consigne de vote
-
4
-
2
-
-
6
Argumentation
-
13
23
31
-
-
67
Consigne de vote
-
60
40
40
-
24
164
Passé
-
12
3
19
-
-
34
Total
-
254
141
196
-
25
616
injonctives
d) Séquences
(semi-)narratives
a) Futur modal
épistémique
Futur
b) Futur de
promesse
c) Futur
périphrastique
Impératif
« pour »
Infinitif
Phrase
nominale
A partir de ce tableau, nous pouvons émettre certaines hypothèses, tout en rappelant qu’elles ne
se basent que sur l’observation des temps verbaux d’un corpus restreint et qu’elles restent donc
subjectives. Premièrement, il est important de relever que les annonceurs politiques opposants
aux deux initiatives n’ont probablement pas perçu l’implication émotionnelle de ces votations
fédérales. Dans un contexte délicat de crise économique, la question Minder ne pouvait pas
36
susciter un véritable débat rationnel. Pour influencer les opinions, il aurait donc peut-être mieux
valu miser sur tout l’aspect émotionnel de la question. Les opposants à Minder, et
EconomieSuisse en particulier, n’ont utilisé, dans la plupart de leurs annonces, que le présent
avec des séquences explicatives-argumentatives ou encore (semi-) narratives. De leur côté, les
opposants à la LAT ont principalement basé leur argumentation sur les séquences explicativesargumentatives, (semi-) narratives, mais aussi fait usage du futur modal épistémique. Même si ces
choix semblaient judicieux, la période de crise économique et le climat green de notre époque
auraient dû les inciter à utiliser plus d’impératifs et d’infinitifs, pour toucher la corde sensible des
électeurs. Deuxièmement, si nous acceptons l’hypothèse que les votations fédérales essaient de se
concentrer sur le débat d’idées, alors que les élections se focalisent davantage sur l’affrontement
de personnes et utilisent plus l’infinitif et l’impératif ou choisissent des phrases non-verbales,
nous pouvons considérer que dans le contexte émotionnel déjà cité, les annonceurs politiques
auraient dû pencher pour une campagne plus proche d’une élection que d’une votation. Malgré
une forte présence de consignes de vote pure (164), la trop forte utilisation d’arguments,
d’explications (séquences (semi-) narratives) ou de menaces ont fini par excéder le citoyen qui a
ressenti ces utilisations comme des tentatives de manipulation et s’est aussi lassé des trop longs
discours.
37
Conclusion
Maintenant que nous avons dressé le tableau, le plus exhaustif possible, des différentes
utilisations des temps verbaux dans le marketing politique et en particulier lors des votations
fédérales du 3 mars 2013, il est nécessaire de tirer des conclusions concernant uniquement les
temps verbaux, sans penser aux chiffres ou aux résultats des votations. En effet, comme nous
l’avons démontré dans la première partie, le marketing politique devrait logiquement utiliser des
temps verbaux comme le présent ou le futur qui appartiennent à la case <1> de la matrice
présentée par Adam, Lugrin et Revaz. En effet, la relation entre le locuteur et l’auditeur existe
fortement dans le marketing politique, puisque nous pouvons considérer que l’annonceur
politique joue le rôle du locuteur, alors que chaque citoyen est un auditeur potentiel. De plus,
puisqu’inscrite dans un monde actualisé, l’énonciation est par conséquent impliquée. Néanmoins,
à travers ce séminaire, nous avons décelé une tentative d’émancipation des annonceurs politiques
qui cherchent sans cesse, à travers différents stratagèmes que nous avons évoqués dans ce travail,
à créer une sensation d’énonciation distanciée en multipliant les impressions de présents de vérité
générale. En outre, nous retrouvons une utilisation de passé composé 2 ou de plus-que-parfait
qui échappe également au monde actualisé. Le marketing politique essaie donc de créer un
mirage, une illusion qui pousse l’électeur à ressentir chaque énoncé comme vrai ou nécessaire, en
tentant de déplacer à son insu certains temps verbaux de la case <1> vers les sous-systèmes 3.
Cette manipulation agit sur l’esprit du citoyen trompé par les temps verbaux et le contexte mis en
place par l’annonceur politique. Ce transfert ne s’effectue pas seulement dans l’esprit du citoyen,
mais aussi dans les faits avec l’utilisation de temps passés issus de la case <2>. En d’autres
termes, les temps verbaux du marketing politique observés dans notre corpus tendent vers la
frontière <1> et < 3>. De plus, nous observons aussi parfois un transfert de la case <1> à la
<2>. Nous pouvons résumer cette observation à travers le schéma suivant.
38
Tableau 3 : Les tiroirs verbaux dans le marketing politique
Enonciations
Enonciation
impliquées.
distanciée.
Prise en charge des
Frontières
énoncés
Non-prise en charge
des énoncés
Présent énonciatif
 explicative-
Futur
Monde actualisé.
argumentative
 modal épistémique
Représentation
(semi-) narrative
Impératif
discursive conjointe
aux paramètres de
Futur de promesse
la situation
illocutoire
Infinitif
Futur périphrastique
Phrase nominale
Présent de vérité
générale
 informative
d’énonciation
 visée prospective
Représentation
discursive disjointe
Passé composé 2
de la situation
d’énonciation.
Plus-que-parfait
Diégétisation
Cette flèche représente le tour de passe-passe réalisé par les annonceurs
politiques qui déplacent subrepticement les temps de l’impératif, de l’infinitif,
du futur modal épistémique à la frontière d’une énonciation distanciée. Ces
temps font donc hésiter sans cesse le citoyen entre une vérité générale et une
argumentation impliquée. De son côté, la séquence informative est quant à
elle complètement transférée. Nous n’avons plus une énonciation impliquée,
mais la véritable perception d’une énonciation distanciée qui fait de cette
séquence informative un présent de vérité générale dans l’esprit des électeurs.
En conclusion, nous pouvons donc supposer que les annonceurs parviennent
à créer cette impression, ce transfert, en particulier grâce au choix des temps
verbaux.
39
Bibliographie
Sources
Adam Jean-Michel, Lugrin Gilles et Revaz Françoise (1998), « Pour en finir avec le couple
récit/discours », Pratiques n°100, Le français aujourd’hui.
Barcelo Gérard et Bres jacques (2006), « Chapitre 5 : LE futur simple », dans : les temps de l’indicatif
en français, Paris, Ophrys, p.101-111.
Benveniste Emile (1959), « Les relations de temps dans le verbe français », Problèmes de linguistiques
générale, Chapitre XIX
Besson Marie-Josèphe (1993) « Les valeurs du présent dans le discours expositif », Langue française
N° 97, Université de Genève, p. 43-59.
Borillo André (2005), « Parmi les valeurs énonciatives du futur, le futur conjectural », dans :
Lambert Frédéric et Nolke Henning, La Syntaxe au cœur de la grammaire, rennes, Presses
Universitaires de Rennes, p.35-44.
Calas, F. et Rossi, N., « Questions de grammaire pour les concours », Ellipses, chapitre 2.
Delveroudi Rhéa (2002), « A propos d’une des valeurs du présent de l’indicatif français : la valeur
injonctive », Revue de sémantique et pragmatique n°11, p. 7-25.
Grevisse, M. et Goosse, A., « Nouvelle grammaire française », Volume n°103, De Boeck.
Weinrich, H. (1979), « Les temps et les personnes » Poétiques n°39, Paris, Seuil.
Tableaux
Tableau 1 :
Adam Jean-Michel, Lugrin Gilles et Revaz Françoise (1998), « Pour en finir avec le couple
récit/discours », Pratiques n°100, Le français aujourd’hui, p. 85.
Tableau 2 :
Adam Jean-Michel, Lugrin Gilles et Revaz Françoise (1998), « Pour en finir avec le couple
récit/discours », Pratiques n°100, Le français aujourd’hui, p. 97.
Journaux :
La collecte des journaux a été faite par L’Année Politique Suisse (APS) qui fait partit de l’Institut für
Politikenwissenschaft Universität Bern.
Le Nouvelliste (VS) ;
01.01.2013 au 03.03.2013
24 Heures (VD) ;
01.01.2013 au 03.03.2013
La Liberté (FR) ;
01.01.2013 au 03.03.2013
20 Minutes Lausanne (VD) ;
01.01.2013 au 03.03.2013
Le Matin (Romandie) ;
01.01.2013 au 03.03.2013
40
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