Le mardi 22 mars 2011 Bulletin no 5 / 2010-2011 DES NOUVELLES DU COMITÉ DE PHARMACOLOGIE… La cinquième réunion du Comité de pharmacologie de l’année 2010-2011 a eu lieu le 22 mars 2011. RÉSUMÉ EN QUELQUES LIGNES : . Dronédarone : Cas d’hépatotoxicité . Évaluation du Danaparoïde (retour sur le marché) : conservons argatroban en première ligne de traitement . Zopiclone (imovaneMD) Effets secondaires dronédarone (MultaqMD) Une mise en garde de Santé Canada a été émise concernant un risque d’hépatotoxicité associée à l’utilisation de la dronédarone. Le comité est d’avis qu’un rappel au clinicien d’inclure un bilan hépatique au suivi serait approprié et que les patients sous dronédarone doivent être avisés de cet effet secondaire. Danaparoïde Après une absence prolongée du marché (plus de 2 ans), le danaparoïde est de nouveau commercialisé. Considérant la possibilité d’une allergie croisée (faible possibilité), sa longue demi-vie et le besoin de monitoring par un dosage de l’anti-Xa, le comité recommande que le danaparoide ne soit pas le traitement de première ligne. L’argatroban restera le premier choix. Toutefois, dans cas d’insuffisance hépatique où l’élimination de l’argatroban serait diminuée, le danaparoïde serait particulièrement intéressant. Le danaparoïde est donc de nouveau disponible mais en traitement de deuxième ligne. (Cf. annexe qui contient les recommandations de prise en charge de la thrombocytopénie à l’héparine.) Les benzodiazépines et autres anxiolytiques Le dossier des benzodiazépines et des anxiolytiques est révisé. La zopiclone qui est un anxiolytique non-benzodiazépinique a été évaluée. La zopiclone est un hypnotique à courte durée d’action, dérivée de la cyclopyrrolone, non reliée par sa structure aux benzodizépines. C’est un modulateur des récepteurs GABAA (gamma-aminobutiric acid), Ces effets sont liés à une activité agoniste spécifique sur les récepteurs proches du complexe central GABAA. Elle se lie à des récepteurs qui produiraient une conformation différente du complexe récepteur GABAA de celle produite par les benzodiazépines classiques. La sélectivité fonctionnelle pour un des sous-types du récepteur α du récepteur GABAA. détermine l’activité de la molécule. L’activité sédative reliée à l’activation du récepteur GABAA est modulée par le sous-type α-1. L’activité hypnotique est associée au soustype α-2. Les sous-types α-2 et α-3 seraient impliqués dans la régulation de l’humeur. Le sous-type α-5 aurait un rôle potentiel sur la mémoire et l’apprentissage. La zopiclone a une sélectivité préférentielle pour le récepteur α-1 et à moindre degré le α-2. Sur le plan pharmacologique, la zopiclone présente des propriétés hypnotiques et sédatives. Elle a aussi démontré des propriétés anxiolytiques, anti-convulsivantes et myorelaxantes chez des modèles animaux. La zopiclone est un mélange racémique de 2 isomères. La forme eszopiclone est commercialisée aux États-Unis. Cette formulation n’est pas disponible au Canada. EFFICACITÉ INSOMNIE La zopiclone est approuvée au Canada pour l’insomnie transitoire caractérisée par la difficulté à s’endormir ou la tendance à se réveiller souvent pendant la nuit ou tôt le matin. Les études comparatives du zopiclone aux benzodiazépines (flurazépam, nitrazépam, témazépam, triazolam et midazolam) ont démontré une efficacité comparable ou supérieure sur le temps de latence, durée du sommeil, nombre de réveil, qualité du sommeil et sommeil REM pour une utilisation à court-terme (jusqu’à 4 semaines). Quelques études sur la zopiclone utilisée pour la sédation pré-opératoire (la veille de la chirurgie) ont démontré des résultats variables lorsqu'elle est comparée au flurazepam. La zopiclone aurait aussi démontré une amélioration de l’anxiété, la dépression et des fonctions cognitives chez les insomniaques. DÉMENCE La zopiclone est associée à l’amélioration de l’insomnie, de l’errance nocturne, l’anxiété et l’agitation survenant dans un contexte de démence. Une amélioration de la psychose, de la dépression et de l’apathie en schizophrénie a aussi été rapportée. MALADIE NEURODÉGÉNÉRATIVE Des études de science fondamentale ont démontré des propriétés neuro-protectrices en protégeant contre des protéines pathogéniques, la périoxidation des lipides par des radicaux libres et l’apoptose neuronale. La zopiclone est considérée la première ligne de traitement pour les troubles du sommeil dans l’Alzheimer et le Parkinson. INNOCUITÉ 2 La zopiclone est généralement bien tolérée tant chez les personnes âgées que les patients plus jeunes. Les effets secondaires les plus fréquents sont les suivants : perturbation du goût (3,6%), sécheresse de la bouche (1,6%), réveil matinal difficile (1,3%), somnolence (0,5%), nausées (0,5%) et cauchemars (0,5%). PERFORMANCE PSYCHOMOTRICE Les hypnotiques qui agissent sur le GABA affectent généralement la formation de la mémoire et de la performance psychomotrice, avec un effet accru observé lorsque les mesures sont effectuées près des concentrations plasmatiques maximales. Globalement, les études avec la zopiclone administrée au coucher la veille des évaluations ont démontré peu de somnolence résiduelle au réveil. Des études ont également démontré peu d’effets résiduels 4 à 6 heures post-dose. Cette caractéristique est probablement attribuable à sa courte durée d’action. Ceci est comparable aux benzodiazépines à durée d’action courte et intermédiaire et supérieure aux benzodiazépines à longue action. Cependant, une étude mesurant les fonctions psychomotrices mesurant la conduite automobile a démontré une diminution des capacités fonctionnelles 10 heures post-dose avec la zopiclone. L’effet résiduel serait relié à la dose. EFFET SUR LA MÉMOIRE Généralement, il n’y a pas de déficits cognitifs rapportés. Une étude avec 74 patients âgés insomniaques a démontré une amélioration de la mémoire à court-terme et de la concentration avec la zopiclone. L’impact sur la mémoire semble être dépendant de la dose, de l’intervalle entre la dose et de l'évaluation des fonctions cognitives. En effet, des études ont démontré des troubles de la mémoire reliés à une administration diurne. Ces troubles étaient surtout marqués à l’atteinte de la concentration plasmatique maximale du médicament. TOLÉRANCE L’arrêt soudain des benzodiazépines classiques peut produire de l’insomnie rebond. De plus, l’efficacité du traitement diminue avec un traitement continu de 4 à 6 semaines. Les études à long terme avec la zopiclone démontrent un effet thérapeutique soutenu et un phénomène de tolérance généralement absent. ABUS Des cas de dépendance aux benzodiazépines et aux hypnotiques non benzodiazépine sont bien documentés dans la littérature scientifique surtout chez ceux ayant des antécédents de maladie psychiatrique ou une histoire d’abus de drogues. Cependant, les études cliniques ont démontré peu de symptôme de retrait à l’arrêt. De plus, le nombre de cas rapporté d’abus avec la zopiclone demeure très faible comparativement à son utilisation étendue et demeure également beaucoup plus faible comparativement aux benzodiazépines dans le traitement de l’insomnie. DÉPRESSION RESPIRATOIRE 3 Contrairement aux benzodiazépines classiques, le zopiclone 7,5mg ne produit pas de dépression respiratoire chez les sujets sains et peu de changement au niveau de la ventilation pour les sujets avec MPOC. Une étude évaluant la zopiclone vs placebo chez des patients atteints d’apnée du sommeil (SAS) a démontré une amélioration au niveau du sommeil, du réveil et de la vigilance diurne sans changement au niveau des paramètres respiratoires et de ventilation. Ceci est attribuable à l’activité myorelaxante neutre du zopiclone contrairement à l’activité 10 à 40 fois plus puissante des benzodiazépines classiques. COMPORTEMENTS SOMNANBULIQUES COMPLEXES En 2009, Santé Canada a fait une mise à jour de l’étiquetage du zopiclone ainsi que les benzodiaézpines suivantes: flurazépam, nitrazépam, témazepam et triazolam afin de mentionner le risque de comportements somnambuliques complexes. Des cas ont été rapportés de personnes qui parlaient, marchaient, cuisinaient, mangeaient, ou conduisaient tout en n’étant pas complètement réveillés. Bien qu’alarmant, ceci demeure un phénomène très rare. PLACE DANS LA THÉRAPIE • Patients souffrants ne pouvant tolérer les benzodiazépines (ex. somnolence diurne) ou chez qui une benzodiazépine n’est pas recommandée (ex. troubles cognitifs) • Patients souffrant de troubles respiratoires diurne ou nocturne (apnée du sommeil) • Sevrage des benzodiazépines On se doit de noter toutefois que le zopiclone n’est pas couvert par la Régie de l’assurance maladie du Québec. 4 ANNEXE Guide de traitement des patients présentant une histoire de thrombocytopénie documentée ou suspectée à l’héparine (HIT) Indications selon le Comité de pharmacologie ICM 1er choix HIT chez pts avec fonction hépatique normale Médicaments Commentaires Argatroban (Argatrobanmd) L’argatroban est un inhibiteur direct de la thrombine. Ce médicament est recommandé chez tous les patients présentant une allergie suspectée ou documentée à l’héparine nécessitant un traitement anticoagulant. En raison de son élimination hépatique, il est recommandé pour les patients insuffisants rénaux (incluant ceux sous dialyse ou hémofiltration) mais non recommandé chez les insuffisants hépatiques. (Voir protocole pour les doses et le suivi) La danaparoïde est un héparinoïde agissant principalement en inhibant le facteur Xa. Sa longue demi-vie et l’absence d’antidote rendent les saignements plus difficiles à gérer. De plus, il existe un risque d’allergie croisée d’environ 10% avec l’héparine. La bivalirudine est un inhibiteur direct de la thrombine. Ce médicament est recommandé pour les patients pour lesquels une procédure de revascularisation percutanée (PTCA) est planifiée et ayant une histoire ou une suspicion d’allergie à l’héparine. Elle peut être utilisée chez les patients avec PTCA présentant des risques de saignements (ex : insuffisance rénale,…) Le fondaparinux est un polysaccharide. Il est administré par la voie sous-cutanée une fois par jour. 1. Il peut être utilisé pour la thromboprophylaxie chez les patients ayant une histoire d’allergie à l’héparine. La posologie recommandée est : TVP : Fondaparinux 2,5 mg sc die. 2. Le fondaparinux peut aussi être utilisé chez les patients connus allergiques à l’héparine comme traitement pour le chevauchement d’un traitement d’anticoagulant oral (ex : warfarine) dans l’attente d’un RNI thérapeutique ou dans les situations péri-procédurales lors de la cessation ou la ré-introduction de la warfarine. La posologie recommandée est : HIT chez patients avec insuffisance hépatique connue ou suspectée Danaparoïde PTCA Bivalirudine (Orgaranmd) (Angiomaxmd) Prophylaxie TVP ou patient ambulatoire Fondaparinux (Arixtramd) INR non thérapeutique : Alternative non disponible à l’ICM Lépirudine (Refludanmd) • Patient < 50 Kg : Fondaparinux 5 mg s.c die • Patient 50 à 100 Kg : Fondaparinux 7,5 mg s.c die • Patient > 100 Kg : Fondaparinux 10 mg s.c die 3. Finalement le fondaparinux peut être utilisé chez les patients dont le diagnostic de thrombocytopénie à l’héparine est peu probable mais possible à une dose prophylactique ou thérapeutique selon l’indication. La lépirudine est un inhibiteur direct de la thrombine. Étant éliminé de façon importante par le rein, il est donc nécessaire de modifier les doses selon la fonction rénale du patient. De plus, à cause du risque de développer des anticorps antihirudine, une seule administration à vie est possible.