contribution de FNE à la Contribution Climat

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Contribution climat-énergie
Contribution de France Nature Environnement
à la Conférence des Experts du 2 et 3 juillet 2009
Mercredi 1er juillet
Jeudi 2 et vendredi 3 juillet se tiendra la Conférence des experts sur la Contribution Climat
Energie (CCE). France Nature Environnement se réjouit de la tenue de celle-ci, prévue dans la
loi Grenelle I (titre 1er, article 2), et pèsera de tout son poids pour que cela aboutisse à une mise
en place prochaine.
France Nature Environnement rappelle sa position favorable à un tel dispositif, qui peut être
porteur d’effets bénéfiques majeurs. Cependant, FNE sera attentive aux modalités de mise en
place de la CCE car celles-ci pourraient soit dénaturer l’objet de la contribution, soit avoir des
impacts sociaux ou économiques inacceptables. Si un travail correct est effectué, ces écueils
peuvent être évités et la CCE sera globalement durable : bénéfique pour l’environnement, le
social et l’économie.
POUR UNE MUTATION ECOLOGIQUE DE L’ÉCONOMIE : FNE SOUTIENT LA CCE
LA CCE EST UN OUTIL ECONOMIQUE STRUCTURANT
Dans une économie de marché, il est indispensable de donner un coût aux pollutions et
reconnaître une valeur au patrimoine naturel, afin que les impacts négatifs de l’activité humaine
sur l’environnement soient amenés à diminuer. L’objectif est d’envoyer « un signal prix » qui
permette à tout agent économique d’intégrer l’environnement dans ses prises de
décisions. Tant que la pollution est « gratuite », il n’existe d’autre incitation que l’altruisme de
chaque agent… Ce qui est manifestement insuffisant. Plus la contribution est élevée, plus la
pollution diminue : le choix de cette valeur « tutélaire » du carbone est de la responsabilité des
pouvoirs publics.
Ce « coût externe » devrait en principe être envisagé (et même calculé) comme égal aux coûts
sociaux et environnementaux engendrés par l’absence d’action. Le climat est un bien commun
qui permet l’existence humaine ; sa dégradation engendre des destructions (événements
climatiques extrêmes, sécheresses…), des transformations sociales (réfugiés climatiques…),
des catastrophes sanitaires et environnementales (rendements agricoles diminués,
dépérissement des forêts, pathologies humaines développées…) qui ont chacune un coût
économique. Le Rapport Stern l’a évalué entre 5 et 20% du PIB mondial à l’horizon 2050 ; dès
aujourd’hui, cela représente 135 milliards de dollars par an1.
LA CCE EST INDISPENSABLE DANS UN SYSTEME DE REGULATION INACHEVE
A six mois de la Conférence des Parties de Copenhague, lors de laquelle FNE attend des
engagements forts pris à l’échelle mondiale, et en particulier par les pays industrialisés, la
réflexion sur une régulation approfondie est indispensable.
L’Union Européenne a engagé la réalisation d’un système de régulation par le système des
quotas d’émissions négociables (« marché du carbone ») pour les industries les plus polluantes
qui représentent 40% des émissions totales de gaz à effet de serre de l’UE. Il existe donc déjà
une incitation à la réduction des émissions, mais elle est bien insuffisante, puisque la majorité
de l’économie (en particulier toutes les émissions diffuses) n’est pas concernée.
1
Human impact report : the anatomy of a silent crisis, publié en juin 2009 par le Global Humanitarian Forum,
présidé par Kofi Annan.
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Concernant cette forme de régulation, l’UE est en avance par rapport à la plupart des pays
industrialisés ; mais elle peut être rattrapée un jour par les Etats-Unis (vote de la loi WaxmanMarkey devant la Chambre des Représentants le 26 juin dernier). Afin de continuer à être
moteur dans la lutte contre le changement climatique, il est nécessaire que la question de la
CCE soit posée.
Il est temps que la France se mobilise sur cette question : sa fiscalité environnementale
représente 2,1% de son PIB (niveau similaire à celui de la Lituanie) tandis que la moyenne
européenne est de 2,9% du PIB. Plusieurs pays de l’Union disposent déjà de systèmes
similaires à la CCE visant à renchérir le prix du carbone (Finlande, Norvège, Suède, Danemark,
Pays-Bas, Royaume-Uni, Allemagne, Suisse…).
Cette approche par les instruments économiques (marché du carbone pour les émissions les
plus concentrées, CCE pour les autres) n’est en rien exclusive d’une approche réglementaire
qui reste tout aussi nécessaire, et sont encore à renforcer ou à développer (normes d’émission
pour les véhicules ou les logements, plafonds d’émission pour certaines activités). Cinquante
années d’expérience en matière d’instruments des politiques environnementales montrent que
les outils économiques et réglementaires doivent se compléter, s’agissant de politiques
publiques névralgiques.
FNE SERA ATTENTIVE AUX MODALITES CONSTITUTIVES DE LA CCE
FONCTIONNEMENT : UNE CONTRIBUTION INDEPENDANTE DU RESTE DE LA
FISCALITE
La CCE n’a pas vocation à « compléter » les taxes existantes sur l’énergie (Taxe Intérieure sur
les Produits Pétroliers…) : elle doit être clairement identifiée et donc séparée du reste de la
fiscalité. Ceci afin d’envoyer un message clair : le prix de l’énergie et des émissions de GES
devant augmenter quoi qu’il arrive. Il est nécessaire de mettre en route les changements
d’habitudes, de faire des investissements de long terme, et de renforcer l’effet amortisseur des
taxes (rappelons que les Etats-Unis ont souffert fortement des fluctuations violentes du prix du
pétrole en conséquence d’un niveau de taxation faible).
Les agents économiques ont besoin d’une bonne prévisibilité pour orienter leurs choix en
anticipant la montée inéluctable du prix de l’énergie. Cela vaut aussi bien pour un industriel ou
un transporteur que pour un ménage qui doit choisir la localisation de son logement ou la
manière de réguler la température de celui-ci.
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LA CCE, UNE FORMIDABLE OPPORTUNITE ECONOMIQUE
En amenant à optimiser des choix stratégiques et à réaliser des investissements pour une
utilisation rationnelle de l’énergie, le dispositif permet la réduction de la dépendance aux
énergies fossiles. Il permet donc une réduction du déficit commercial du pays qui pour les
produits pétroliers est en moyenne aussi élevé que la totalité du déficit commercial courant, soit
plus de 40 milliards d’euros.
Si une proportion suffisante des recettes vient financer l’efficacité énergétique et la
décarbonation de la production et de la distribution, dans les secteurs d’activité hors quotas, la
CCE peut jouer un rôle essentiel de locomotive économique. Il faut en effet prendre en compte
la création de valeur ajoutée et d’emploi par les secteurs appelés à fournir les biens et services
de réparation (isolation thermique, etc.) et les activités de substitution aux biens et services
énergivores et néfastes pour le climat (éco-conception de l’habitat, nouveaux produits et
services économes en matière et en énergie, etc.).
De fait, une CCE utilisée intelligemment devrait contribuer substantiellement à la modernisation,
à l’innovation, et à la restructuration profonde de certains secteurs, comme on peut le voir déjà
avec le Plan bâtiment issu du Grenelle de l’environnement.
ASSIETTE : LA CCE DOIT PORTER SUR L’ENERGIE ET LE CARBONE ENERGETIQUE
Il semble actuellement impossible d’attribuer un prix au « poids carbone » de chaque produit
lors de son achat faute des données nécessaires. FNE tient à rappeler qu’un tel dispositif
pourrait être envisageable à moyen terme, permettant d’intégrer l’ensemble des coûts
environnementaux induits par la production (atteintes aux ressources, impacts de l’extraction,
de la transformation, des transports…). Une telle éventualité ne devrait donc pas être négligée
lors des discussions de la Commission des Experts.
Concrètement et à court terme la CCE devrait s’appliquer à tous les produits énergétiques
consommés par les ménages, les entreprises et les administrations. Seules les entreprises
incluses dans le système européen de quotas seraient temporairement exonérées, puisqu’elles
sont déjà soumises à des contraintes de réduction qu‘il faut par ailleurs clairement renforcer.
FNE refuse la réflexion « carbo-centrée » (c'est-à-dire focalisée uniquement sur les émissions
carboniques). Seule une réduction significative des consommations énergétiques, permettra un
fonctionnement économique mondial durable : la sobriété et l’efficacité énergétiques offrent en
effet des marges d’économie gigantesques dans les pays les plus consommateurs, à savoir les
pays les plus riches ou les plus industrialisés. En conséquence, la CCE ne peut pas porter
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uniquement sur les émissions carbonées mais devra également être indexée sur la
consommation énergétique.
Si la CCE repose uniquement sur les émissions carbonées, on risque d’assister à un transfert
inconsidéré des consommations vers l’électricité. La situation particulière de la France dont la
production électrique est à 79% électro-nucléaire peut donner l’apparence de « propreté ».
Outre l’artifice de comptabilité carbone qui fausse le jugement (le nucléaire induit des émissions
carbone qui ne sont pas comptabilisées dans l’inventaire national français : chaîne de
production de l’uranium, importation d’électricité en périodes de pointe venant de pays dont la
production est fortement carbonée…), FNE rappelle que le nucléaire n’est une énergie ni
« propre », ni sans danger, ni inépuisable (puisqu’elle repose sur une ressource fossile). La
possibilité de voir monter une pression considérable sur la ressource en uranium, limitée
comme toutes les énergies fossiles n’a rien d’un mythe. Les récentes acquisitions de gisements
importants par l’industrie française ne rassurent que partiellement, compte tenu des aléas
politiques qui pèsent sur les territoires où elles se situent souvent. Il convient donc d’en faire
aussi l’économie autant que possible, ce qui justifie une assiette élargie à l’énergie.
TAUX : LA CCE DOIT AUGMENTER DE MANIERE PREVISIBLE
Toujours dans un souci de prévisibilité et de cohérence du dispositif, FNE s’oppose à toute
modulation du taux par secteur économique. La CCE vise à instaurer un signal-prix ; affaiblir ce
signal prix revient à vider la mesure de sa substance. Cependant, FNE considère évidemment
qu’il serait irresponsable d’imposer une CCE qui déstabiliserait l’économie : les entreprises
viables qui pourraient se trouver en difficulté devraient être soutenues par les pouvoirs publics
dans leurs investissements qui visent à réduire la consommation énergétique de telle sorte que
la CCE ne soit plus une charge insupportable.
Il paraît vraisemblable que certains secteurs de la production et de la distribution seront
conduits à s’adapter, voire se restructurer de façon très importante, comme on le voit déjà en
matière de logistique. Il est clair pour FNE que ces mutations devront être accompagnées tant
sur le plan économique que social, et que les recettes de la CCE devront y participer.
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FNE SOUTIENT UN DISPOSITIF DE REDISTRIBUTION SOCIALEMENT REPONSABLE
FNE REFUSE LE PRINCIPE DE SUBSTITUTION A LA FISCALITE CONVENTIONNELLE
La CCE ne devra en aucun cas avoir pour vocation d’assurer un revenu régulier pour l’Etat, les
collectivités territoriales ou le système de sécurité sociale. Ceci s’explique par l’objet de la
contribution : si la CCE est efficace, son assiette diminuera – c’est la réussite même du
dispositif -, ce qui implique à terme une instabilité potentielle des revenus de l’Etat. De plus,
FNE rappelle qu’avec les hypothèses de travail avancées jusqu’à présent, la CCE ne serait pas
en mesure de se substituer à la taxe professionnelle, les revenus générés étant insuffisants.
Si la charge fiscale reposant sur les ménages ne doit pas augmenter globalement, le principe
de « signal-prix » doit être maintenu. Il conviendra donc de combiner ces deux principes lors du
choix du type d’affectation des recettes issues de la CCE.
DES RECETTES A UTILISER DE FAÇON EQUITABLE ET EFFICACE
La « manne financière » que peut représenter la CCE risque fort d’aiguiser de nombreux
appétits. Quelles que soient les solutions techniques retenues et leurs modalités de mise en
œuvre, FNE jugera les propositions à l’aune de deux critères fondamentaux :
- la réorientation des activités de production, de transport, de distribution et de
consommation permettant de lutter efficacement contre le changement climatique,
mais aussi plus innovantes, plus économes en énergie (et en ressources matérielles),
plus respectueuses de la santé, des conditions de travail, du cadre de vie et de
l’environnement en général.
-
le caractère socialement équitable des mesures :
FNE rappelle que les catégories les plus pauvres sont davantage affectées par un
environnement de mauvaise qualité. Il serait injuste d’ajouter à ces inégalités initiales
un système de protection de l’environnement qui serait globalement régressif.
Tout ceci implique la constitution d’un ensemble de politiques de soutiens et de transformation
de l’économie ainsi que d’adaptation sociale, avec une attention particulière pour les ménages
peu favorisés.
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FNE constate les résultats de certaines analyses et modélisations économiques2 concernant
notamment la réduction des charges sociales ou une redistribution égalitaire par tête. Ces
pistes ne sont sûrement pas les seules, et pour FNE, les modélisations macro-économiques
théoriques ne peuvent être les seuls critères pour le choix du dispositif global.
De plus, certaines pistes n’ont probablement pas été pleinement explorées jusqu’à présent
quant à l’utilisation des recettes afin de permettre des mutations économiques sectorielles par
l’investissement sur une base d’éco-conditionnalité. FNE a formulé dès 2007, lors des travaux
des groupes de travail du Grenelle de l’environnement, une proposition forte d’affectation d’une
part notable de la CCE au soutien à la reconversion de certains secteurs économiques ainsi
que pour pallier les conséquences sociales les plus négatives.
La discussion étant largement ouverte, France Nature Environnement souhaite que les débats
lors de la Conférence des experts soit une occasion d’élaborer un outil exemplaire en matière
de développement durable : protection de l’environnement, pérennité économique et protection
sociale renforcées.
2
Voir notamment les documents disponibles sur le site de la Conférence des experts :
www.contributionclimatenergie.fr
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