20-bibliotheque-fevrier-2012_Mise en page 1 24/01/12 16:59 Page179 Librairie pas « fusionné », puisque le « monothélisme » est une hérésie) mais la précision de la théologie n’empêche pas que la spiritualité chrétienne soit souvent teintée d’idolâtrie ou même de magie. Il nous faut donc écouter Gilles Bernheim quand il nous met en garde contre la manière qu’ont les Églises et les fidèles de s’approprier le Dieu incarné. Paul Thibaud salutaire. Mais il est ici question de bien autre chose. Enseignant bouddhiste dans la tradition zen, Éric Rommeluère anime en outre l’association « Un Zen occidental ». Ces deux termes désignent le double enjeu de ce nouvel essai. Il s’agit de rejoindre, dans sa radicale étrangeté, l’enseignement du Bouddha et, sans rien sacrifier de cette radicalité, d’en comprendre et d’en vivre la pertinence pour des Occidentaux de notre XXIe siècle commençant. Éric Rommeluère Le bouddhisme n’existe pas La verdeur iconoclaste qui se donne libre cours chez bien des maîtres de l’école sino-japonaise du Chan/Zen est connue : « Si tu rencontres le Bouddha, tue-le ! » Sans surenchère verbale, mais aussi sans concession sur le fond, l’auteur situe leurs paroles extrêmes ou leurs comportements provocants dans l’éclairage du bouddhisme du « Grand Véhicule » ou – selon la traduction qu’il affectionne – du bouddhisme de la « Grandeur ». Ni religion ni système philosophique que nous pourrions surajouter dans un paysage culturel déjà bien encombré, l’enseignement du Bouddha requiert un « saut intérieur » : il invite à « un autre possible que le possible », il ouvre sur un absolu inconditionné (p. 97). Tout le reste est moyen ou « dispositif ». Paris, Le Seuil, 2011, 191 p., 17 € Voici quatre ou cinq ans, Éric Rommeluère publiait Les bouddhas naissent dans le feu1, un essai plein de fougue qu’il terminait sur ces lignes : En vérité, le bouddhisme n’existe pas. Ce n’est qu’un mot qui, pris trop au sérieux, devient source d’enjeux et d’affrontements. L’auteur mesurait-il la hardiesse du propos ? Et surtout, ses lecteurs pouvaient-ils en reconnaître tous les enjeux ? Il est de bon ton désormais, surtout depuis l’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident d’Edward Said2, de démasquer « hindouisme », « bouddhisme » et autres « -ismes » comme autant d’abstractions réductrices, comme les créations artificielles du regard occidental (et colonial) sur l’Autre. Mise en garde certes Pour être contingents et toujours provisoires, les moyens ou les dispositifs n’en sont pas moins indispensables. Les bouddhistes occidentaux, ou les Occidentaux qui prennent refuge dans l’enseignement et la communauté du Bouddha, se trouvent donc devant un immense chantier. Ce n’est certes pas la première fois que 1. Éric Rommeluère, Les bouddhas naissent dans le feu, Paris, Le Seuil, 2007. 2. Edward Said, l’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Le Seuil, 1997. 179