Contrôle des voies aériennes

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Harald GENZWÜRKER, Luc ANISET
Contrôle des voies aériennes
Techniques alternatives
L
’oxygénation du patient est un objectif essentiel dans la plupart des situations d’urgence. Cet objectif est atteint
grâce à différentes techniques (Tab.1). Le terme de « Airway Management » ne se limite pas à l’application de
certains outils, mais englobe tout ce qui concourt à assurer l’oxygénation du patient. Au-delà de l’oxygénation
immédiate, l’« Airway Management » prend en compte les techniques disponibles et applicables dans une
situation et avec une qualification du personnel données.
ROLE DES TECHNIQUES
ALTERNATIVES
reste le « Gold Standard », mais elle prend un
certain temps à être réalisée [7], et fait encourir le risque d’une intubation œsophagienne
non reconnue [10]. Les techniques standard, à
savoir la ventilation au masque et l’intubation
endotrachéale nécessitent un entraînement
conséquent. Pour des personnels, médecins
ou secouristes, non spécifiquement entraînés
on peut probablement préférer d’autres stratégies plus faciles à apprendre
pour assurer la ventilation du
patient en situation d‘urgence [7].
L’oxygénation reste la priorité
absolue, par rapport au risque
d’une aspiration éventuelle [4].
malement dans l’hypo-pharynx et en vis-à-vis
de la glotte.
Comparés à la ventilation au masque, les
dispositifs supra-glottiques permettent un
Le problème majeur lors d’une ventilation au
meilleur « colmatage » de la voie aérienne et
masque réside dans le fait d’assurer une bonne
en conséquence sont à moindre risque d’une
étanchéité du masque sur la face de la victime.
ventilation de l’estomac. Comparés à l’intubaDans une situation d’urgence l’opérateur est
tion endotrachéale, leur mise en place peut
souvent amené à exercer une pression d’insufêtre réalisée plus vite et plus facilement même
flation élevée afin d’assurer une ventilation sufen situation de laryngoscopie
fisante. Il s’ensuit une certaine pression sur le
difficile. Par contre, ils n’assurent
sphincter œsophagien pouvant entraîner une
pas aussi bien le contrôle des
« ventilation » de l’estomac [Graphique 1]. Lors
voies aériennes et la protection
d’un arrêt cardio-respiratoire, s’ajoute le fait
contre une aspiration. Ces disque la pression du sphincter œsophagien est
positifs nécessitent eux aussi un
abaissée à une valeur d‘environ 5 cm H2O [2].
entraînement minimal. Une forMême avec une technique de ventilation au
mation au mannequin et, dans
masque optimale, une ventilation partielle de OUTILS
l’idéal, un entraînement planifié
l’estomac est quasi programmée. Dans cette
SUPRA-GLOTTIQUES
au département d’anesthésie
situation particulière, mais aussi lorsqu’il est
sont la base d’une application
difficile d’assurer une étanchéité correcte du Masque laryngé, combitube et
fructueuse dans une situation
masque, des solutions alternatives doivent tube laryngé sont regroupés
Harald GENZWÜRKER
d’urgence. Bien maîtrisés les
être employées. L’intubation endo-trachéale comme outils supra-glottiques
dans les recomman- dispositifs supra-glottiques sont plus efficaces
dations actuelles de qu’une ventilation au masque et présentent
l’European Resuscita- une bonne alternative à l’intubation.
Ventilation de l’estomac
tion Council [7] et dans Les dispositifs supra-glottiques sont limités
le protocole « Airway dans leur application par une petite ouverture
management » de la so- de la bouche (la minima étant de 1,5 à 2,5 cm)
ciété allemande d’anesDiaphragme vers cranial
thésie et de réanimaClassification des méthodes
tion [3]. Ces outils ont
d’oxygénation du patient en situation
trouvé leur place dans
d’urgence par degré croissant
les algorithmes spécid’invasivité des dispositifs
Redistribution volume tidal
fiques de l’oxygénation
poumons á estomac
et du contrôle des voies
Oxygénation du patient en situation
aériennes en situation
d‘urgence
d’urgence [Graphique
• Respiration spontanée
2]. Les alternatives
Pression augmente
sans apport d’oxygène
Mobilité réduite des poumons
supra-glottiques par
avec apport d’oxygène
rapport à la ventilation
• Ventilation au masque
au masque et à l’intubaassistée
tion sont déjà utilisées
contrôlée
Compliance diminue
dans de nombreuses
• Contrôle des voies aériennes
équipes SMUR [5]. L‘exmoyens supraglottiques
pression « supra-glottiintubation endotrachéale
que » résulte du point
• Accès chirurgical aux voies aériennes
de sortie de l‘air dans
(ultima ratio)
Graphique 1 : Problématique de la ventilation de l‘estomac: hypoventilation des poumons.
l’outil, qui se trouve norTableau 1.
URGENCE PRATIQUE - 2008 No89
45
Préoxygénation
Sur toutes les niveaux de
l’algorithme :
• Oxygénation
• Position optimale
• Personnel supplémentaire
• Réévaluation de la stratégie
• Retour à la respiration spontanée
MASQUE
LARYNGÉ
Destiné initialement
(1985) au contrôle des
voies aériennes pendant
Essai d’intubation
l’anesthésie générale
pour des interventions
chirurgicales planifiées,
il a été également utilisé
Réussite
Echec
ensuite dans le cadre
du contrôle des voies
aériennes en situation
Ventilation au masque possible
d’urgence, au bloc
opératoire, puis en exOui
Non
trahospitalier.
Le masque laryngé à
Au maximum 2 nouveaux
Outil supraglottique
intubation (LMA-Fasessais d’intubation avec
(masque laryngé, combitube,
trachTM) constitue une
technique modifiée
tube laryngé)
variante du masque
laryngé original. Il est
disponible dans toutes
les tailles, à partir de la
Réussite
Echec
Réussite
Echec
taille « enfant ». La mise
en place du masque
laryngé assure rapideAccès chirurgical
ment l’oxygénation du
« ultima ratio »
patient, et son introduction est facilitée par une
Graphique 2 : Algorithme Airway management en situation d‘urgence.
tige anatomique [Graainsi que par des malformation du pharynx. phique 3]. Après que l’utlisateur se soit assuré
Le degré de protection contre l’aspiration des d’une ventilation adéquate, il peut réaliser une
divers dispositifs est très variable, allant d’une intubation – à l’aveugle - à travers le masque
protection non assurée avec le masque laryn- laryngé. Les taux de succès sont variables et
gé standard jusqu‘à une protection de qualité opérateurs dépendants. Aussi nous ne recomavec les dispositifs permettant de placer une manderons le FastrachTM qu’aux opérateurs
aguerris. Une vérification du positionnement
sonde gastrique.
Un avantage majeur des dispositifs supralot- du tube endotrachéal par l‘auscultation et la
tiques par rapport à la ventilation au masque capnométrie est indispensable.
est leur positionnement à l’entrée du larynx,
évitant, a priori, une ventilation involontaire de
COMBITUBE/EASYTUBE
l’estomac. La possibilité de mettre en place le
dispositif « à l’aveugle » permet d’éviter l’écueil Le Combitube a été introduit à peu près en
des intubations difficiles. La première ventila- même temps que le masque laryngé. Son but
tion efficace peut, de fait, être assurée plus premier était le contrôle des voies aériennes
rapidement.
dans les situations d‘urgence. Dans son prinGraphique 3 : Masque laryngé à intubation
(LMA-FastrachTM).
Graphique 4 : Combitube en position oesophageale.
cipe il est constitué d’un tube endotrachéal
auquel a été adjoint un deuxième tube fermé
sur son extrémité distale et comportant des
ouvertures latérales au niveau du larynx
(Graphique. 4). Les concepteurs souhaitaient
pouvoir assurer une ventilation indépendamment de la position de l’outil mis en place en
aveugle.
Un grand ballon proximal colmate le pharynx
et empêche tout reflux d’air vers la bouche et le
nez. Un petit ballon distal bloque le Combitube
au niveau de l’oesophage ou de la trachée. Il
est disponible en deux tailles pour adultes.
Le combitube est introduit en aveugle. La position œsophageale est beaucoup plus probable
(>98%) que la position trachéale. Après gonflement des ballonnets, soit l‘air entre dans la
trachée par les ouvertures latérales, soit, dans
les cas très rares d’une position trachéale, il
utilise l’orifice distal.
Un autre outil comparable et plus récent est
l’Easytube qui apporte plusieurs améliorations
au Combitube. Il ne contient pas de caoutchouc. Il est disponible en taille unique pour
adultes et en taille unique pour enfants d’une
taille supérieure à 90 cm. Le deuxième orifice
à côté de la partie du tube endotrachéal est
positionné au niveau de la glotte. Il est moins
traumatisant.
TUBE LARYNGÉ
Une des nouveautés les plus importantes
pour le contrôle des voies aériennes est le
tube laryngé, présenté pour la première fois en
1999. Développé avec la même finalité que le
masque laryngé, cet outil supraglottique s’est
vu rapidement proposé comme alternative à
l’intubation trachéale dans les situations d’urgence. Cette utilisation est proposée en 2004
dans les algorithmes de gestion des voies aériennes par la société allemande d’anesthésie
et de réanimation [3] ainsi qu’en 2005 dans les
recommandations de l’ERC [7].
Le tube laryngé simple LT est un tube à orifice
unique distal en silicone ou PVC. Son extrémité
est placée à l’entrée de l’œsophage. Un petit
ballon distal ferme l’entrée de l’œsophage,
tandis qu’un ballon plus grand ferme le phaGraphique 5 : LTS (tube laryngé avec canal d‘aspiration) en
position correcte.
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URGENCE PRATIQUE - 2008 No89
rynx vers bouche et nez. La ventilation est
assurée par l’ouverture située entre les ballons. Le tube laryngé est disponible en tailles
diverses pour toutes les classes d’âge. Le tube
laryngé ne contient pas de caoutchouc et est
atraumatique.
On note pour les besoins de la médecine d‘urgence un développement du tube laryngé standard, à savoir le LTS (Laryngeal Tube Suction,
graphique 5). Il dispose d’un deuxième orifice,
permettant en position correcte la mise en
place d’une sonde gastrique.
TAILLES PÉDIATRIQUES
Seuls le masque laryngé et le tube laryngé sont
disponibles dans toutes les tailles nécessaires,
du nouveau-né jusqu’à l‘adulte. L’Easytube
n’est disponible en taille unique que pour les
enfants d’une taille supérieure à 90 cm, tandis que le Combitube ne peut être appliqué
que chez l‘adulte. Ce manque de disponibilité
d’outils adaptés pose, d’ailleurs, un problème
SMUR allemands [5, 9].
CONIOTOMIE D‘URGENCE
Depuis le développement des dispositifs supraglottiques la coniotomie d’urgence a perdu de
son intérêt comme alternative unique à l’intubation endotrachéale. Elle n’est plus indiquée
que lors de certains traumatismes graves, ou
lorsque les dispositifs cités ne peuvent être mis
en place. De fait, les urgentistes n’en ont que
peu la pratique (6). La qualité de la voie aérienne établie par cette mesure est surestimée par
beaucoup de confrères. Un entraînement au
mannequin, chez l‘animal ou chez le cadavre
peut considérablement augmenter la sécurité
de l’utilisateur. Des sets simples de coniotomie
d‘urgence contribuent également à éviter des
complications majeures comme une hémorragie ou une lésion trachéale par une application
agressive de cette procédure.
LA FIBRE OPTIQUE
Les fibres optiques flexibles sont le domaine
de l’intubation des patients conscients. Cette
technique ne joue pas de rôle dans le cadre de
la médecine d’urgence préhospitalière, hormis
quelques exceptions anecdotiques [8].
CONCLUSION
L‘utilisation des dispositifs supraglottiques
(masque laryngé, combitube, tube laryngé)
comme alternative à la ventilation au masque
et à l’intubation endotrachéale est aujourd’hui
considérée comme une option intéressante
dans le cadre du contrôle des voies aériennes.
Les standards de formation doivent comprendre l’apprentissage à leur usage. La coniotomie
d‘urgence est une mesure « ultima ratio », dont
l’application devra se limiter aux cas où des
stratégies moins invasives ont échoué. n
Dr. med. Harald GENZWÜRKER
Dr. med. Luc ANISET
Département d’anesthésie et de réanimation chirurgicale
CHU Mannheim. Theodor-Kutzer-Ufer 1-3. D-68167 Mannheim
Courriel : [email protected]
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C’était HIER
1968
La régulation médicale
des appels
C’est en 1955 que furent
crées les premières équipes
mobiles de réanimation françaises. Leurs missions première : assurer les secours
médicalisés aux accidentés
de la route ainsi que les
transferts inter hospitaliers pour
les malades atteints de paralysie
URGENCE PRATIQUE - 2008 No89
respiratoire. La réussite de ces
premières expériences conduisit
vers leur multiplication dans toute
la France dès 1965. Cette même
année parut un décret interministériel créant officiellement le
Services Mobiles d’Urgence et de
Réanimation attachés aux hôpitaux (SMUR). Sur cette lancée, les SAMU apparaissent en 1968 afin de coordonner l’activité des SMUR. Ils sont
dotés d’un centre de régulation
médicale des appels (sur la photo
la salle de régulation « historique » du SAMU de Montpellier).
Dès 1974 des médecins généralistes libéraux participent à cette
activité de régulation médicale
en complément des praticiens
hospitaliers concepteurs de ces
structures. Le 15, numéro gratuit
d’appel national pour les urgences médicales est créé en 1978
à la suite d’une décision interministérielle. Ce numéro vient en
complément d’autres numéros
existants: le 17 pour la police, le
18 pour les pompiers.
L’assise réglementaire qui manquait est donnée aux SAMU par
la loi du 6 janvier 1986 (décrets du
16 décembre 1987) sur l’Aide Médicale Urgente et les Transports
Sanitaires. n
47
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