Les Réduves aricains par jean- Yves Robert Muséum d'histoire naturelle - La Citadelle - 25000 Besançon Fiche d'identité Ordre: Hemiptera Sous-Ordre: Heteroptera Infra-Ordre: CimicomOipha Super-Famille: Reduvioidea Famille: Reduviidae Genre: Platymeris Laporte, 1832 Espèces: biguttata Linné, 1767 ; rhadamanthus Gerstaecker, 1873 Noms communs français : Réduve à deux taches et Réduve de Rhadamanthe Les Réduves sont des punaises prédatrices reconnaissables à leur rostre robuste trisegmenté généralement arqué et s'encastrant au repos dans un sillon stridulatoire situé sous le prosternum. Certaines espèces hématophages piquent les grands mammifères et transmettent parfois à l'homme des maladies dangereuses (maladie de Chagas). Un petit nombre d'espèces de dimensions modestes vivent en France, certaines étant capables d'infliger accidentellement des piqûres douloureuses mais sans gravité. En Afrique, les géants du groupe appartiennent au genre Platymeris dans lequel treize espèces ont été décrites. Parmi elles, P biguttata est entièrement noir luisant, avec deux taches circulaires blanc jaunâtre sur les élytres. Tous les fémurs présentent un anneau pré apical jaune. L'adulte mesure 35 mm. L'espèce se rencontre dans toute l'Afrique intertropicale (Sénégal, Côte-d'Ivoire, Soudan, Niger .. .). P rhadamanthusressemble à l'espèce précédente mais ses taches et anneaux sont rouges. Son corps est moins luisant et un peu plus élancé. De mêmes dimensions, elle habite l'Afrique au sud du Gabon et du Congo, l'Afrique orientale, etc. Prédatrices efficaces mais pacifiques Les Platymeris semblent lucifuges, se regroupant dans des caches durant la journée. Cependant, elles n'hésitent pas en SOltir en pleine lumière lors de la présence de proies. Ces réduves s'attaquent à toutes sortes de petits invertébrés, I NS ECTES 15 C'est essentiellement la nuit que se déplace Platymeris biguttata à la recherche de ses proies. CClichéI-Y Rober!) principalement des insectes. Les larves des premiers stades se nourrissent volontiers de proies plus grosses qu'elles, alors que les larves âgées et les adultes hésitent à attaquer celles qui dépassent la moitié de leur propre taille. Le repérage des proies est visuel, tactile et sans aucun doute olfactif. Lorsqu'un insecte est à sa pOltée, le réduve se jette dessus, le maintient avec ses pattes antérieures et le pique rapidement avec ses stylets, le plus souvent dans les parties molles situées derrière la tête ou sous le thorax. L'effet de la salive toxique est foudroyant et la victime est immobilisée en quelques secondes au bout desquelles le réduve entraîne sa proie dans un endroit tranquille pour en aspirer le contenu. Il est fréquent d'observer deux, voire trois individus, consommer ensemble une même proie. Les Platymeris se contentent d'une ou deux proies par semaine. Des jeûnes prolongés de 2 ou 3 semaines ne paraissent pas les affecter de façon notable. Un cycle de développement facile à observer Les Platymeris se reproduisent de façon sexuée. L'accouplement, rarement observé, doit sans doute s'effectuer de nuit. Dans les élevages, la proportion des sexes est généralement équilibrée, les mâles, plus élancés, se distinguant des femelles par leur taille légèrement plus réduite. L'examen de l'extrémité de l'abdomen permet facilement de déterminer le sexe. Incubation des œufs : 40 jours Nombre de stades larvaires: 6 Durée du développement larvaire: '" 6 mois Longévité des adultes: '" 6 mois Paramètres biologiques, obtenus dans nos conditions d'élevage et à 25°C. Il faut veiller à ne jamais mélanger les deux espèces car elles s'hybrident facilement. Les œufs sont luisants, d'un brun très foncé à opercule clair. Leur aspect rappelle tout à fait celui de certains œufs de phasmes. Ils sont déposés isolément à même le sol de façon aléatoire. Ils sont sensibles à la dessiccation et doivent toujours être maintenus dans une ambiance humide, mais sans excès, jusqu'à l'éclo- mâle femelle Vue ventrale de l'ex trém ité de l'abdomen d 'un mâle et d 'unefemelle de Platymeris sp. (Dessin ].-Y. Robert) sion. Le taux d 'éclosion assez médiocre (parfois inférieur à 30%), est compensé d'une part, par la prolificité des femelles, qui pondent au moins 150 œufs au cours de leur vie, et, d'autre part, par la robustesse des larves (mortalité pratiquement nulle). Une technique d )élevage simple Les deux espèces de Platymeris s'élèvent dans des conditions très semblables, avec un taux d'humidité légèrement supérieur pour P. rhadamanthus, qui est plus délicate. La température d'élevage doit être comprise entre 20 à 30°C (pouvant exceptionnellement s'abaisser jusqu'à 15°C). Nos élevages sont réalisés dans des boîtes en plexiglas (L x 1x h = 36 x 24 x 14 cm), ventilées par une ouverture grillagée pratiquée dans le couvercle . Le substrat est composé d'un lit de sable fin. Deux plaques d'alvéoles cartonnées (casiers à œufs) sont superposées sur les 3/ 4 de la surface, procurant une grande quantité d'abris et de supports. Ce dispositif permet de maintenir ensemble jus- Dal1s cet élevage de Platymeris biguttata, les adultes côtoient des larves de différents âges. (Cliché J - Y. Robert) qu'à une centaine. d'adultes! L'abreuvoir, quotidiennement nettoyé, est constitué d'une boîte de Pétri remplie de graviers pour prévenir les noyades. Une pulvérisation hebdomadaire d'eau sur le sable est effectuée toujours du même côté de la boîte, entretenant ainsi un gradient d'humidité. En raison de la nature des résidus alimentaires (proies vidées partiellement de leur contenu) et des risques de contamination bactérienne rapide, il convient d'éliminer tout déchet au moins une fois par semaine. Bien que tous les stades puissent être élevés ensemble, les adultes sont regroupés dans une même boîte pour la ponte. Dès les premières éclosions, ils sont transférés dans une nouvelle boîte, et ainsi de suite (transfert toutes les 6-7 semaines). De cette façon, les boîtes contiennent toujours des individus du même âge, ce qui facilite le travail de nourrissage, une fois par semaine, à l'aide d'insectes adaptés à la taille des réduves . Toutes les proies sont acceptées, mais nous utilisons surtout des grillons domestiques, dont les différents stades larvaires couvrent bien les besoins des réduves tout au long de leur développement. Il ne faut jamais distrbuer trop de proies à la fois car les grillons en excédant peuvent attaquer les punaises en train de muer. Tout doit être consommé dans les 48 h (compter 2 ou 3 grillons par larve et par semaine durant les premiers stades larvaires, et guère plus d'un grillon adulte par imago). 1 N SEC TES 1G Intérêt de l)élevage et mise en garde Ces punaises de bonne taille et vivement colorées peuvent être élevées en nombre sans difficulté majeure, du fait de leur grande robustesse. Le cycle de vie, facile à observer dans son ensemble, peut illustrer le cas des insectes à développement direct (hétérométaboles). Leur élevage ne nécessite qu'un matériel très simple et des soins restreints, pouvant être limités à une seule intervention par semaine pour l'élimination des résidus de proies et des cadavres, le renouvellement de l'abreuvoir, une pulvérisation et enfin le nourrissage. Le seul réel problème est le risque de piqûre accidentelle. Il faut toujours intervenir avec précaution et chaque manipulation doit être effectuée à l'aide de pinces rigides, en maintenant fermement le thorax de l'insecte. Il faut également se méfier de sa capacité d'excrétion d'un liquide répulsif qui ne semble pas capable d'attaquer la peau, mais qu 'il faut éviter de mettre au contact des yeux. () Pour en savoir plus Harry M., 1991 - Les Triatominae: des réduves démasqués - Insectes, 80(1) : 5-9. Villiers A., 1948 - Hémiptères Réduviides de l'Afrique Noire Faune Emp. fr., 9 : 326-330 . Villiers A., 1952 - Hémiptères de l'Afrique Noire (punaises et cigales) - Initiations africaines, IX, Dakar (IFAN) : 161-162.