Conférences C.VAUTHIER gouvernance économique mondiale

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Cycle de conférences Prépa
Une gouvernance économique mondiale est-elle
pertinente, voire nécessaire ?
Christian VAUTHIER
Diplômé de Reims Management School,
Maîtrise de sciences économiques Université Paris Panthéon
,. Professeur de Chaire Supérieure en Economie-Management
Professeur de classe préparatoire au lycée Chevrollier (Angers) de 1977 à 2008,
Suivant les principes d’Adam Smith et Ricardo, le système économique mis en place au
19ème siècle n’a laissé qu’une place limitée aux Etats sur le plan national, et seuls des accords
bilatéraux ont été réalisés sur le plan des échanges internationaux. Ceux-ci s’appuyaient sur le
système de l’étalon-or, système qui s’est installé de façon « naturelle », comme l’avaient enseigné
les « pères de l’économie ».
La création de l’URSS, à la suite de la Révolution de 1917, mettant en place un système
concurrent du capitalisme, les crises économiques et notamment la Grande Crise de 1929, vont
persuader les dirigeants occidentaux de la nécessité de poser les bases d’une entente internationale,
et ce dès avant la fin de la seconde Guerre Mondiale.
C’est ainsi qu’en 1944 sera créé le FMI (Fonds Monétaire International), avec la Banque
Mondiale. La Charte de la Havane de 1947 donnera naissance au GATT (General Agreement on
Tariffs and Trade), ayant pour rôle de faciliter les échanges commerciaux internationaux, tandis
que l’application du plan Marshall obligera les pays européens à mettre en place l’OECE
(Organisation Européenne de Coopération Economique), afin de bénéficier de l’aide américaine.
On notera que, sur le plan politique, l’ONU (Organisation des Nations Unies) verra le jour
en 1945, en remplacement de la SDN (Société des Nations) qui, mise en place à la fin de la Grande
Guerre, fut incapable d’empêcher le second grand conflit mondial.
Quelle part ces institutions économiques ont-elles prise dans la fabuleuse croissance
économique des 30 Glorieuses ? Nul ne peut le dire exactement, mais l’on peut néanmoins affirmer
qu’elles ont contribué au développement économique des pays occidentaux pendant cette période.
[Texte]
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Le retour de l’inflation, la crise pétrolière, l’émergence de nouveaux pays, vont peu à peu
bouleverser l’ensemble des économies, qui vont entrer à partir des années 1970 dans ce que les
économistes appellent un « environnement instable et incertain ».
Le système monétaire international mis en place en 1944 éclatera en 1976, donnant ainsi un
rôle nouveau au FMI ; le GATT montrera ses limites et laissera la place à une nouvelle
organisation en 1992, l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce).
La chute du Mur de Berlin (1992) et la disparition de l’URSS, entraînent la quasidisparition du système collectiviste. Le phénomène de mondialisation se poursuit, avec la
globalisation des systèmes économiques et financiers. Mais les crises économiques et financières à
répétition, démontrent l’insuffisance des institutions économiques internationales à régler les
problèmes (et encore moins à les anticiper).
Des tentatives de règlement vont se développer en réunissant directement les chefs d’Etat
ou de gouvernement, (du G6 au G20), tandis que la question des dettes souveraines au sein de
l’Europe oblige ses dirigeants à mettre en place de nouvelles réponses aux défis actuels.
Peut-on conclure à l’esquisse d’une véritable gouvernance mondiale ?
Nous examinerons tout d’abord les institutions internationales mises en place jusqu’à la fin
du siècle dernier (1). Puis, en analysant successivement les crises mondiale et européenne (2), nous
verrons les réponses données afin de déterminer si l’on peut sérieusement envisager la mise en
place d’une telle gouvernance.
1. Les institutions économiques internationales mises en place
au 20ème siècle
1.1.
Le FMI et la Banque Mondiale
1.1.1 La création du FMI
La conférence de Bretton-Woods (juillet 1944) met en place le système de l’étalon de
change-or. Le nouveau SMI, en permettant aux pays de gager leur monnaie sur l’or, ou sur une
autre monnaie (par exemple le dollar…) va créer les liquidités nécessaires au développement du
commerce international, ce que ne permettait pas le seul étalon-or.
Pour que le système fonctionne, on décide que les parités entre les monnaies doivent être
stables (à l’intérieur d’une marge de fluctuation de + ou -1%). Et c’est le rôle du FMI de veiller au
respect de ces parités, en aidant les pays dont la monnaie se dévaloriserait sur les marchés des
changes, et en évitant autant que possible les changements de parités (dévaluations ou
réévaluations).
Les différentiels de croissance économique nécessiteront des réajustements de parités, la
dévaluation pouvant donner l’illusion d’un coup de fouet et permettant de relancer la machine
économique, (à condition toutefois de mettre en place les ajustements structurels nécessaires).
Le dollar prenant la place de monnaie de référence, le besoin de liquidités mondiales va être
comblé par les billets verts, provenant du déficit de la balance des paiements américaine (du aux
investissements des FMN américaines, aux dépenses militaires hors territoire US, et aux aides
diverses apportées par les USA aux pays du Tiers-Monde, notamment en Amérique Latine). Ces
dollars, bien que convertibles, vont être conservés par les détenteurs étrangers (les Banques
Centrales) : dollar « as good as gold ». Vont alors se développer les « mondo-dollars », mettant
ainsi en danger la convertibilité du dollar. Face à quelques demandes de mise en place d’un
nouveau SMI, basé sur une autre monnaie que le dollar, il n’y aura aucune réaction du FMI. Celuici fonctionnant comme une société anonyme, les voix sont attribuées en fonction des apports de
chaque pays, et ceux-ci étant proportionnels aux PIB, les USA détiennent une large majorité
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relative, et ne vont pas sacrifier un système qui leur convient si bien ! (à noter que les USA
disposent encore aujourd’hui d’un véritable droit de veto).
Il faudra attendre 1969 pour la mise en place des DTS (Droits de Tirage Spéciaux), monnaie
basée sur un ensemble de monnaies, mais leur usage restera extrêmement limité, et ne remettra pas
en cause la suprématie du dollar.
Août 1971 : le président Nixon ne peut que reconnaître l’inconvertibilité du dollar,
reconnaissance qui sera suivie d’un remaniement général des parités en décembre, dans le cadre du
FMI. Après une dévaluation du dollar en février 1973, celui-ci « flottera » en mars, entraînant le
flottement général des monnaies, et l’abandon du système de parités fixes, entériné par les accords
de la Jamaïque de 1976.
1.1.2 Le nouveau rôle du FMI après 1976
N’ayant plus à faire respecter les parités désormais disparues, il permettra cependant la
réunion des ministres des finances occidentales pour limiter le flottement du dollar à la hausse
(Accords du Plazza de 1985) ou à la baisse (Accordes du Louvre de 1987). En effet, de trop
grandes variations monétaires ne sont pas propices au développement des échanges.
Mais l’essentiel de son rôle va désormais être tourné vers les pays du Tiers-Monde, dont
plusieurs pays, aux prises avec le grossissement de leur dette, vont menacer de se mettre en faillite,
et de faire ainsi exploser tout le système financier international.
Le rôle du FMI est ainsi exposé sur son site web:
« Le champ d’action du FMI : l’objectif premier du FMI est de veiller à la stabilité du
système monétaire international, en d’autres termes, le système international de paiements et de
change qui permet aux pays (et à leurs citoyens) d’échanger des biens et des services. Ceci est
essentiel pour promouvoir une croissance économique durable, accroître les niveaux de vie et faire
reculer la pauvreté. À la suite de la crise, le FMI a entrepris de clarifier et de rénover son mandat
pour l’étendre à l’ensemble des politiques macroéconomiques et financières ayant une incidence
sur la stabilité mondiale.
La surveillance des économies : afin de maintenir la stabilité et de prévenir les crises du
système monétaire international, le FMI procède à des revues de l’évolution économique et
financière à l’échelle nationale, régionale et mondiale, dans le cadre formel de sa mission de
surveillance. Le FMI prodigue des conseils à ses 187 États membres, les encourage à prendre des
mesures visant à assurer leur stabilité économique, à réduire leur vulnérabilité aux crises
économiques et financières, et à accroître les niveaux de vie. Le FMI présente à intervalles
réguliers, une évaluation des perspectives économiques dans les Perspectives de l’économie
mondiale, un état des lieux des marchés financiers dans le Rapport sur la stabilité financière dans le
monde et publie une série sur les perspectives économiques régionales.
L’assistance financière : les financements du FMI donnent aux États membres l’appui qui
leur est nécessaire pour remédier à leurs problèmes de balance des paiements. Un programme
économique appuyé par le FMI est élaboré par les autorités nationales en étroite coopération avec
les services du FMI, et les concours financiers restent subordonnés à la réalisation effective du
programme. Pour épauler les pays face à la crise économique mondiale, le FMI a renforcé sa
capacité de prêt et a décidé une refonte complète des modalités d’octroi de ses financements. Il
fournit une assistance financière aux pays à faible revenu par ses guichets de financement
concessionnel. Le FMI a doublé les limites d’accès à ses financements et accroît ses prêts aux pays
les plus pauvres du monde, à des taux d’intérêt nuls jusqu’en 2012. »
« Prêteur en dernier ressort », le FMI accorde des liquidités aux pays en difficulté, leur
permettant ainsi d’avoir recours aux banques commerciales, mais en subordonnant son aide à des
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« ajustements structurels » drastiques : moins de subventions, moins d’aides aux défavorisés,
augmentation des impôts, le tout devant permettre un rééquilibrage du budget, ainsi que de la
balance commerciale, et de celle des paiements.
Là où il intervient, le FMI, avec l’aide d’autres organisations internationales octroyant des
prêts (comme la Banque mondiale), négocie donc des plans dits d’ajustement structurel. Ils
consistent généralement à améliorer les conditions de production et d’offre via la promotion des
mécanismes du marché. Parmi les mesures concrètes souvent exigées on trouve, l’ouverture du
pays aux capitaux étrangers et au commerce international, la libéralisation du marché du travail et
la réduction du poids de l’État, c’est-à-dire la privatisation de nombreuses entreprises.
L’économiste américain John Williamson a regroupé l’ensemble de ces idées sous le terme de
« consensus de Washington », en soulignant qu’elles sont partagées par la plupart des grandes
organisations internationales (Fonds monétaire international, Banque mondiale, Organisation
mondiale du commerce…) dont la plupart ont leur siège à Washington.
Appliquant ainsi les méthodes des monétaristes (Friedman), les « Chicago boys » vont se
faire une réputation calamiteuse auprès de nombreuses populations du Tiers-Monde, qui les
accueilleront souvent à coups de cailloux…
1.1.3 Et aujourd’hui ?
Depuis 1976, le rôle du FMI consiste en premier lieu à soutenir les pays connaissant des
difficultés financières. Lorsqu’un pays est confronté à une crise financière, le FMI lui octroie des
prêts afin de garantir sa solvabilité et d’empêcher l’éclatement d’une crise financière semblable à
celle qui frappa les États-Unis en 1929.
Le FMI est en ce sens, le responsable de dernier ressort de la liquidité du système financier
international, pour éviter le blocage des échanges et la contagion à tout le système (risque
systémique) de problèmes momentanés de solvabilité d'un pays ou d'une banque centrale donnés.
Joseph Stiglitz, « prix Nobel d’économie » en 2001 a souvent critiqué la politique du FMI,
notamment dans son ouvrage paru en 2002, « La grande Désillusion ». Il met en cause les
politiques d’ajustement trop drastiques, qui pénalisent surtout les populations pauvres des pays
aidés.
En 1998, le président de la Banque Mondiale, James Wolfensohn, déclarait « qu'il
souhaiterait que les programmes de sauvetage financier attachent plus d'importance aux
préoccupations sociales (comme le chômage) et que le FMI insistait trop en revanche sur la
stabilisation des monnaies ».
Avec la crise actuelle, il est clairement mis en lumière que c’est le système financier dans
son ensemble qui en a été le responsable : mise en place des subprimes, émission de titres
« pourris » pour se débarrasser des défauts de paiement, spéculation à outrance, multiplication des
produits financiers…
Le FMI vient en aide aux pays mis en difficulté à l’occasion de cette crise financière : c’est
ainsi qu’il a sauvé l’Islande de la faillite, en lui prêtant deux milliards de dollars à l’automne 2008.
Avec des ressources triplées fin 2008, le FMI dispose désormais de plus de mille milliards de
dollars. Il a pu proposer son aide à la Grèce en 2010. Ce qui permettait à Dominique Strauss-Kahn
d’affirmer fin 2009 : « le FMI a contribué à sauver le monde de la plus grande crise qu’il ait jamais
connue ».
Mais il n’a pas pour rôle de remettre de l’ordre dans le système bancaire…
Mais surtout, le FMI semble bien impuissant dans ce que l’on appelle aujourd’hui « la
guerre des monnaies » :
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* le yuan chinois est manifestement sous-évalué, ce qui facilite l’exportation des produits
chinois vers le monde entier, en attendant que le marché intérieur chinois puisse prendre la relève
des exportations en tant que moteur de croissance
* le dollar américain est en baisse (taux d’intérêt quasi nuls, utilisation de la « planche à
billets »), ce qui permet de compenser l’atonie de la consommation intérieure
* l’euro est à un niveau très élevé, ce qui peut attirer les capitaux étrangers, mais qui à court
terme est une entrave aux exportations des produits européens
1.1.4 La Banque Mondiale
L'élargissement du champ d'action du FMI l’a conduit à interférer avec les compétences de
la Banque mondiale et pose la question de la concurrence (et/ou complémentarité) entre les deux
organisations.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la création des deux institutions financières
internationales, FMI (Fonds monétaire international) et Banque mondiale, est née d'une double
préoccupation : ne pas voir se répéter les crises monétaires des années 30 et la chute des échanges
mondiaux qui en a découlé, rôle dévolu au FMI, et reconstruire l'Europe, pour la Banque mondiale.
Le système adopté lors de la conférence financière et monétaire tenue à Bretton Woods est alors
conçu de manière complémentaire : veiller à l'équilibre des balances de paiement et fournir des
crédits à court terme revient au FMI, financer la reconstruction et le développement par des prêts à
long terme à la Banque mondiale. Les ressources du FMI sont essentiellement constituées par la
mise en commun des devises des États membres alors que la Banque Mondiale recourt à des
emprunts.
Un pays doit obligatoirement être membre du FMI pour adhérer à la Banque mondiale. En 1988, un
accord entre le Fonds et la Banque a été conclu, conditionnant strictement les prêts de la Banque à
un
accord
entre
le
pays
emprunteur
et
le
Fonds.
Le partage des tâches entre les deux organisations intergouvernementales sera toutefois toujours
soumis
à
certaines
incertitudes.
Enfin, le partage des pouvoirs est dévolu aux Etats-Unis et à l'Europe : traditionnellement, le
directeur général du FMI est un Européen, et le président de la Banque mondiale, un Américain.
Situation que les pays du Sud, se considérant comme concernés au premier chef, commencent à
contester.
1.2 L’organisation des échanges commerciaux internationaux
Adam Smith avait montré dans son principal ouvrage (Causes de la richesse des nations –
1776) comment la division du travail pouvait favoriser ce que l’on appellerait aujourd’hui la
productivité et la croissance économique. David Ricardo, puis John Stuart Mill, avec leurs théories
des avantages absolus ou relatifs, ont démontré que la division internationale du travail (la DIT)
était elle aussi facteur de croissance, chaque pays ayant intérêt à se spécialiser dans les productions
où il détenait le plus fort avantage, ou dans les productions où il était le moins désavantagé. La
théorie classique des échanges internationaux sera complétée à partir des années 1970 par la
« nouvelle théorie des échanges internationaux », qui mettra en avant d’autres facteurs, et qui
renforcera les adeptes du libre échange.
Comment le développement des échanges a-t-il été favorisé, faut-il à tout prix favoriser le
libre échange ?
1.2.1 Le rôle du GATT après la seconde guerre mondiale
En 1945, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la charte de l'Organisation des Nations
unies (ONU) fut signée à San Francisco. Tirant les leçons de l'impuissance de la Société des
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Nations (SDN), des désordres économiques de l'entre-deux-guerres, en particulier de la crise
économique de 1929 (la Grande Dépression), elle faisait beaucoup plus attention à la coopération
économique internationale. Les chapitres IX et X de la Charte affirment même la nécessité de créer
les outils internationaux pour développer cette coopération.
Ce seront les Accords de Bretton Woods en juillet 1944 qui fixeront les règles du jeu
monétaire entre les pays en créant le FMI, qui sera suivi par la création en décembre 1945 de la
Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD). En 1947, la conférence
internationale sur le commerce et l'emploi de La Havane donnera lieu à la signature de la Charte de
La Havane instituant l'Organisation internationale du commerce (OIC). Tentative avortée à cause
du refus du Congrès des États-Unis de la ratifier. Il n’en restera qu’un simple accord, le GATT.
Quels sont les principes appliqués dans le cadre du GATT ?
•
La liberté des échanges, par abaissement des droits de douane et réduction des
restrictions quantitatives ou qualitatives aux échanges. Les droits de douane doivent être le seul
moyen de protection mais les signataires se fixent comme objectif de les réduire progressivement
sur la base de la réciprocité.
•
La consolidation : une fois fixés, les tarifs douaniers ne peuvent plus être augmentés,
sauf cas de clause de sauvegarde, sans compensation auprès des partenaires commerciaux.
•
Le principe de non-discrimination et de réciprocité : clause de la nation la plus
favorisée, non-discrimination entre les exportateurs étrangers et les producteurs nationaux
(phénomène appelé « traitement national »).
. La clause de la nation la plus favorisée (NPF) : un pays qui accorde un avantage
commercial à un autre pays doit l'étendre immédiatement aux pays bénéficiaires de cette clause.
. La clause du traitement national : chaque pays s'engage à appliquer les mêmes règles
(fiscalité, normes) sur son territoire au niveau des produits et entreprises étrangers qu'au niveau des
produits et entreprises nationaux.
•
Le principe de l'interdiction des restrictions quantitatives. Il porte tant sur les
importations que sur les exportations : les contingentements (fixation de quotas ou contingents)
sont prohibés
•
Le principe de l'interdiction du dumping et des subventions à l'exportation. Ces
dernières sont interdites pour les produits industriels mais néanmoins tolérées pour les produits de
base, sauf si elles conduisent un État à détenir une position dominante sur le marché concerné.
•
Le règlement des différends : le GATT privilégiait les règlements à l'amiable par une
procédure de conciliation, En cas d'échec, les parties devaient se soumettre aux conclusions d'un
« panel », avec en dernier recours l'autorisation de mettre en place des mesures de rétorsion si le
pays perdant ne se conformait pas aux conclusions du panel.
Les négociations entre pays se font dans le cadre de ce que l’on appellera les « rounds ».
Le premier round du GATT fut signé par 23 Etats emmenés par les Etats-Unis.
Le GATT a connu un certain succès puisqu'en huit cycles de négociation, on est passé de
23 pays en 1947 à 120 pays signataires à la fin de l'année 1994.
Ces cycles sont généralement désignés par le nom de la ville où ils ont été ouverts, par le
pays auquel appartient cette ville, ou encore par des noms de responsables politiques.
De 1947 à 1962, les 5 premiers cycles de négociation ont surtout produit des accords de
réduction des droits de douane : cycle de Genève (1947), cycle d'Annecy (1949), cycle de Torquay
(1951), un autre cycle de Genève (1956) et le Dillon Round (1960-1961).
De 1964 à 1994 les 3 derniers cycles de négociation (Kennedy Round, de mai 1964 à
juin 1967, Tokyo Round de septembre 1973 à avril 1979, Uruguay Round de septembre 1986 à
avril 1994) ont vu augmenter le nombre de pays signataires, et en même temps s'étendre le champ
des négociations.
L’Uruguay round a été le plus long et le plus discuté des cycles de négociations. Outre une
nouvelle réduction des tarifs douaniers, ont été négociés des accords sur les mesures non tarifaires,
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l'agriculture, les services, la propriété intellectuelle, le système de préférence généralisée pour les
pays en voie de développement.
Le système GATT de 1947 restait un système politique et non une véritable organisation
internationale : peu de structure (un seul organe permanent - le secrétariat à Genève), pas de
personnalité juridique internationale, des dérogations trop nombreuses, ce qui finalement revenait
pour les États contractants (on ne parlait pas d'États membres) à adhérer à un « GATT à la carte »
en fonction de leurs intérêts du moment et, parfois, à s'abstenir de respecter les principes directeurs
(comme la clause de la « nation la plus favorisée ») au gré des orientations politiques et
commerciales nationales.
Ces défauts ont été en partie corrigés par les accords de Marrakech instituant l'OMC. En
avril 1994, les États membres signent l'acte fondateur de l'OMC.
1.2.2 La mise en place de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce)
L’OMC regroupe 153 pays membres ; son siège est à Genève, et elle est aujourd’hui dirigée
par le français Pascal Lamy.
On peut en lire la définition suivante sur le site web de l’organisation :
« Il y a de nombreuses façons de considérer l'OMC. C'est une organisation qui s'emploie à
libéraliser le commerce. C'est un cadre dans lequel les gouvernements négocient des accords
commerciaux. C'est un lieu où ils règlent leurs différends commerciaux. L'OMC administre un
système de règles commerciales. (Mais ce n'est pas Superman, au cas où l'on penserait qu'elle peut
résoudre — ou causer — tous les problèmes du monde!). »
Elle reprend les principes mis en avant dans le cadre du GATT :
supprimer toute discrimination dans les échanges
libéraliser progressivement le commerce par négociations
promouvoir une concurrence loyale
encourager le développement et les réformes économiques
•
•
•
•
Elle dispose d’un Organe de Règlement des Différends, (ORD), auprès duquel les pays qui
s’estiment lésés peuvent déposer une plainte. Une procédure de règlement se met en place, basée
avant tout sur la négociation.
L’OMC est donc avant tout un cadre de négociation, à l’intérieur duquel les Etats membres
confrontent leur point de vue, pour essayer de gommer leurs problèmes commerciaux.
Chaque Etat dispose d’une voix, quelque soit son poids économique, ou politique. »
En novembre 2001 s'est ouvert le Cycle de Doha, au Qatar, (qui aurait dû s'achever le
1er janvier 2005) et qui visait essentiellement à améliorer l'accès pour les Pays en développement
(PED) aux marchés des pays développés. Il englobait aussi bien les questions de l’agriculture, des
produits industriels, de la propriété intellectuelle, des investissements, de l’accès aux produits de
santé, du développement durable… Non achevé, ce round connaît en fait un certain échec, même
si Pascal Lamy, en juillet 2010, notait « une certaine dynamique dans la reprise des discussions »…
1.2.3 L’OMC face à la crise actuelle
Pour ses détracteurs, l'OMC, reste trop focalisée sur la libéralisation du commerce
international, et ce malgré les dernières évolutions relatives aux éléments autres que l'économie,
comme l'intégration de la société civile, l'établissement de réglementations environnementales, sur
la santé ou sur les conditions de travail. Par ailleurs, une des principales critiques qui a pu être faite
par les alter mondialistes tient à l'inégalité d'influence entre les pays les plus riches et les autres. La
plupart des décisions émanent des pays développés. Et demander à des pays à l'économie fragile
d'ouvrir leurs marchés de manière asymétrique fait d'abord le jeu des intérêts des grandes
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puissances et des multinationales. D’autre part, pour ne prendre que cet exemple, le problème de
l’agriculture, et des subventions accordées par les pays riches à leurs producteurs, est toujours
source de conflit avec les pays en voie de développement.
Devant le développement de la crise actuelle, le concept de « démondialisation » s’ancre
dans les esprits : le libre échange à tout prix ne semble plus faire l’unanimité !
Enfin, face à la « guerre des monnaies », l’OMC semble aussi démunie que le FMI. Et
pourtant, le « dumping monétaire » n’est pas tout à fait une pratique de concurrence loyale…
1.3 Les débuts de concertation au niveau mondial
Les théories keynésiennes, qui ont vu le jour alors que la crise de 1929 ravageait les
économies occidentales, vont montrer, en particulier, le rôle moteur que peuvent jouer les Etats
dans la relance économique. Les différentes politiques publiques mises en place après 1945 ne sont
d’ailleurs pas étrangères à l’embellie des Trente Glorieuses.
Mais seul un ensemble de politiques cohérentes peut assurer l’efficacité de la relance en cas
de crise : politique monétaire, politique budgétaire (incluant la politique fiscale), politique
industrielle, politique sociale…
Chaque pays a pu plus ou moins bien « tiré son épingle du jeu » en menant sa politique
économique, voire en changeant totalement d’orientation, avec le renouveau des politiques
libérales à partir de 1974.
Mais aujourd’hui, avec la mondialisation, les Etats semblent quelque peu démunis, face aux
stratégies des firmes multinationales et aux capitaux particulièrement volatiles.
La plupart ont accordé leur autonomie aux Banques Centrales. Quant aux pays européens,
ils ont abandonné une certaine part de leur souveraineté au profit de l’Union Européenne.
Comment assurer un développement économique, équitable, durable, à l’échelon de la
planète ?
1.3.1 De l’OECE à l’OCDE
L’Organisation européenne de coopération économique (OECE) fut créée en 1947 afin
d’administrer l’aide américaine et canadienne dans le cadre du Plan Marshall pour la reconstruction
de l’Europe après la seconde guerre mondiale. Son siège a été établi au Château de la Muette, à
Paris, en 1949.
Ayant rempli sa mission, il fut décidé de conserver une organisation qui regroupait les pays
développés européens, et d’y adjoindre les autres économies de marché ; c’est ainsi que l’OCDE,
Organisation de Coopération et de Développement Economique vit le jour, en 1961.
Voici la mission de l’OCDE telle qu’elle est définie sur son site :
« L’OCDE regroupe les gouvernements attachés aux principes de la démocratie et de
l’économie de marché en vue de :
•
soutenir une croissance économique durable
•
développer l’emploi
•
élever le niveau de vie
•
maintenir la stabilité financière
•
aider les autres pays à développer leur économie
•
contribuer à la croissance du commerce mondial
L’Organisation offre aux gouvernements un cadre leur permettant de comparer leurs
expériences en matière d’action publique, de chercher des réponses à des problèmes communs,
d’identifier les bonnes pratiques et de coordonner leurs politiques nationales et internationales. »
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L’Organisation a permis notamment, après 1974, aux pays durement touchés par l’inflation
et la crise pétrolière, de confronter leurs points de vue, et de tenter de mettre en œuvre des
politiques de réponse à la crise.
Afin de contribuer au développement de l’économie mondiale, l’OCDE a élargi
progressivement son champ d’action afin d’y inclure un nombre croissant de pays tiers, en plus de
ses 32 membres. Elle partage maintenant ses compétences spécialisées et l’expérience qu’elle a
accumulée avec plus de 70 pays en développement et économies de marché émergentes.
1.3.2 Du G6 au G20
Egalement en réponse à la crise de 1974, et sur l’initiative de la France, fut créé en 1975 le
G6, incluant les six économies les plus puissantes de l’époque : les États-Unis, le Japon, la
République fédérale d'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l'Italie.
Il s’agissait d’une « simple rencontre des dirigeants, afin de discuter de façon informelle des
questions économiques et financières ». Elargi en 1976 au Canada, puis à la Russie en 1998, il
devint le G7, puis le G8.
Les réunions se déroulent chaque année.
En 1997, à l’occasion de la réunion du G7, il fut décidé de créer le G20 !
Composé de 19 pays plus l’Union Européenne, ce groupe qui représente aujourd’hui les
deux-tiers du commerce et de la population mondiale, et plus de 90% du Produit Mondial Brut, a
pour but de favoriser la concertation internationale.
A l’issue du sommet du G20 qui s’est tenu en 2008 à Washington, au début donc de la crise
financière actuelle, le communiqué final précise que « la crise financière de 2008 résulterait d'un
manque de coopération économique, de problèmes d'évaluation des risques, de normes comptables
peu adaptées et disparates, et de déficiences quant à la surveillance des marchés ».
Le sommet a condamné la tentation protectionniste et recommandé « des mesures
budgétaires pour stimuler la demande interne avec des résultats rapides », il a également souligné
« l'importance du soutien que la politique monétaire peut apporter dans les conditions appropriées à
chaque pays ».
Il n’était pas question de renouveler le scénario de la crise de 1929 !
Mais, on le voit, ce communiqué mettait bien en avant les problèmes liés au manque de
coopération entre les pays, autrement dit l’absence de gouvernance mondiale.
Quelques titres du « Monde de l’économie » de 2010 mettent bien en lumière ce besoin de
gouvernance de notre planète :
« Que peuvent les Etats contre la spéculation ? », « 200 économistes contre les dogmes du
marché », « Le monde du travail aussi a besoin de régulations », « Quel mode de gouvernement
économique faut-il pour l’Europe ? ».
2.
Le besoin de gouvernance face aux crises économiques et
financières du 21ème siècle
[Texte]
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9
2.1.
La crise, dans le monde et en Europe
Les crises économiques, on le sait, sont inhérentes au système capitaliste, et reviennent
même de façon très régulière. Mais, déjà en 1929, par le biais de liens financiers entre les EtatsUnis et l’Europe, la crise, partie des USA, s’était ensuite propagée à notre continent. Désormais,
avec le phénomène de mondialisation, la globalisation financière, et les nouvelles technologies, il
n’y a plus aucune frontière, et la moindre secousse peut se propager instantanément à l’ensemble de
la planète.
Il est intéressant de noter que, selon des chercheurs suisses, 737 firmes seulement
détiennent 80% de la valeur des 43 000 entreprises recensées comme firmes multinationales. 40%
du contrôle de la valeur de ces entreprises sont détenus par seulement 147 firmes, dont les ¾
appartiennent à l’industrie financière (banques, assurances, fonds de placement) !
2.1.1 La genèse de la crise mondiale
Les graphiques ci-dessous, réalisés d’après le livre de Jacques Attali, « La crise et après »
illustrent très bien la manière dont les prémices de la crise se sont mis en place dès 2003,
(graphique 1) pour se développer avec la fameuse crise des « subprimes », et la faillite de la banque
américaine Lehman Brothers (graphiques 2 & 3).
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10
graphique 1 :
2001/2006 GENESE DE LA CRISE
explosion de la bulle
internet
11 septembre 2001
liquidités
abondantes
amorce de crise
économique en
2001/2003
baisse des taux de la
FED (de 7% en 2001 à
1% en 2005)
faible coût de
l'argent
guerre en Irak
stagnation des
salaires
ménages incités à
s'endetter (prêts à
consommation)
l'immobilier
augmente
ménages incités à
s'endetter (prêts
immobiliers)
consommation
augmentation de la
valeur des biens
excellents résultats
des entreprises
augmentation de
l'effet richesse
titrisation des créances
accession à la
propriété de foyers
pauvres
crédits subprimes
(600Mds de $ en 2006)
conditions de
crédit très
souples
augmentation
du risque
création d'emplois
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crédits prime,
crédits Alt-A
graphique 2 :
2006/2007 : la machine se grippe
risque
d'emballement
de l'économie
déficit
commercial
abyssal
raréfaction du
crédit
immobilier
hausse des taux de la
FED (de 1% en 2005 à
3,75% en 2007)
défaut de règlement
de certains ménages
(notamment
subprimes)
hausse des
saisies
immobilières
surendettement
des ménages
les produits titrisés
s'effondrent
la valeur de
l'immobilier
chute
les produits titrisés
deviennent illiquides
crise de
liquidités des
banques : elles
ne se prêtent
plus entre elles
dépréciation des
actifs
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graphique 3 :
2 0 0 8 /2 0 1 0 : e x te n s io n d e la c r is e
d é p r é c ia t io n
d 'a c t if s e t d e
p a t r im o in e
illiq u id it é d e s
a c t if s d e s
banques
normes
c o m p t a b le s
p e r te s
im p o r t a n t e s
p o u r le s
banques
e x t e n s io n d e la
c r is e im m o b iliè r e à
l'e n s e m b le d e la
s p h è r e f in a n c iè r e
r é é v a lu a tio n d u
b ila n d e s
banques
r a r é f a c tio n d u
r e f in a n c e m e n t
o b lig a t io n d e
v e n te s
f a illite s
b a n c a ir e s
c h u t e d e la
v a le u r d e s
bo u rs e s
s p é c u la t io n
( v e n te s à
d é c o u v e r t)
g e l d u c r é d it
c r is e d e
c o n f ia n c e ,
p a n iq u e d e s
ménages
c h u t e d e la
c o n s o m m a tio n
e n t r e p r is e s e n
d if f ic u lt é
d e s t r u c t io n
d 'e m p lo is
f a illit e s
r é c e s s io n
d é p r e s s io n
A la suite de la crise boursière de 2001 causée par l’effondrement des valeurs internet, la
FED (Banque centrale américaine) a permis de pratiquer des taux d’intérêt extrêmement faibles.
Les ménages américains ont pu ainsi s’endetter pour acheter de l’immobilier. A côté des taux
normaux (prime rates), certains ménages offrant de moindres garanties se sont vu appliquer des
taux moins préférentiels (subprimes). Ces crédits étaient gagés par des hypothèques, mais
l’augmentation des prix de l’immobilier offrait de bonnes chances aux prêteurs d’être remboursés
en cas de défaillance de l’emprunteur. Mais l’évolution de la croissance américaine et du taux
d’inflation ont mené la FED à relever ses taux directeurs, ce qui a eu pour effet d’alourdir la charge
des emprunts. Le retournement (inévitable) des prix de l’immobilier a accéléré les défaillances des
emprunteurs, et mis en difficulté les établissements de crédit spécialisés dans l’immobilier.
A l’été 2007, on comptait un taux de défaillance de 15% chez les emprunteurs subprimes,
alors que le taux moyen de défaillance était de 5% ! (on peut noter qu’à cette époque les agences de
notation n’ont rien remarqué d’anormal…).
Cela aurait pu être une simple crise de l’immobilier, mais elle s’est étendue à l’ensemble du
système financier, à cause du phénomène de « titrisation ». Cette opération consiste à inclure dans
des titres des créances, que l’on peut revendre à d’autres établissements bancaires en cas de besoin
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de liquidités. Le risque n’étant plus supporté uniquement par l’organisme prêteur, celui-ci peut
multiplier les crédits à risque, empochant à chaque fois sa commission…
Et c’est ainsi que des créances « pourries » vont se retrouver mêlées avec d’autres créances
plus saines, dans les actifs de tout le système financier.
L’effondrement de la valeur de ces titres va entraîner début 2007 un retrait massif des
banques, et un assèchement de la liquidité bancaire à partir de juillet 2007.
Cette crise, à l’origine financière, va se transformer en crise économique, et entraîner un
ralentissement de la croissance, ainsi qu’une augmentation du chômage, dans l’ensemble des pays
développés (la mondialisation et la globalisation financière font que plus aucun pays n’est à l’abri).
Afin de faire face à ce ralentissement, les gouvernants vont choisir des politiques de relance,
qui entraîneront une augmentation des déficits publics, et une aggravation de la dette !
Les chiffres suivants sont suffisamment parlants pour montrer l’ampleur du problème.
Déficit public En 2007 En 2009
Dette publique En 2007 En 2009
Zone Euro
0,7 %
6,38 %
Zone Euro
66,2 %
79,3 %
USA
2,8 %
11,2 %
USA
66,4 %
84,5 %
Royaume-Uni
2,7 %
11,4 %
Royaume-Uni
44,5 %
69,6 %
Japon
2,4 %
8,7 %
Japon
180 %
210 %
(source : Eurostat et FMI)
La crise perdurera jusqu’à aujourd’hui, à tel point que le 5 août 2011, les USA verront leur
note dégradée par l’agence Standard and Poor’s.
2.1.2 La crise en Europe
Au sein de cette crise mondiale, l’Europe va se trouver dans une situation particulière.
2.1.2.1 Du serpent monétaire à l’euro
En 1972, en réaction à l’augmentation des marges de fluctuation décidée à Washington fin
1971, l’Europe mit en place le serpent monétaire européen, afin d’établir une zone de changes fixes
à marges plus étroites entre les pays membres,
En 1973, création du Fonds européen de coopération monétaire qui aide les banques
centrales nationales à maintenir la parité de leur monnaie dans le serpent monétaire.
En 1978, alors que les changes fixes ont été abandonnés au niveau international, l’Europe se
dote d’un système monétaire européen (SME) qui limite les variations de taux de change entre
monnaies européennes. La solidarité entre banques centrales est renforcée. Le SME entre en
vigueur en 1979.
En 1985, c’est l’adoption de l'Acte unique européen, qui a pour projet d'établir
progressivement un marché unique prévoyant la libre circulation des marchandises, des services,
des hommes et des capitaux.
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1992, le traité de Maastricht est adopté, créant l'Union européenne et prévoyant la mise en
place d'une monnaie unique à la fin de la décennie. C’est également l’année où certaines monnaies
européennes font l’objet d’une forte spéculation.
1993 : de nouvelles attaques spéculatives au sein du SME poussent les autorités à élargir les
marges de fluctuations, qui sont fixées à +/- 15 % !
1994 : création de l'Institut monétaire européen qui préfigure la future Banque centrale
européenne (BCE), laquelle sera mise en place en mai 1998.
La liste des pays participant à l’euro sera établie en mai 1998, et les taux de change entre les
monnaies deviennent irrévocables le 1er janvier 1999. L’euro circulera à partir du 1er janvier 2002.
Pourquoi fallait-il une monnaie unique ?
Le triangle d’incompatibilité ou triangle de Mundell, est un principe économique développé
par Robert Mundell et Marcus Fleming dans les années 1960, selon lequel, dans un contexte
international, une économie ne peut pas atteindre simultanément les 3 objectifs suivants :
•
avoir un régime de change fixe
•
disposer d’une politique monétaire autonome.
•
avoir une parfaite liberté de circulation des capitaux (intégration financière)
Par exemple, si un pays diminue ses taux d’intérêt pour relancer la croissance, les capitaux
internationaux émigreront vers des places plus rémunératrices, ce qui aura pour conséquence de
faire baisser le taux de change ;
Si l’on ne veut pas toucher au taux de change, il faut alors restreindre la circulation des
capitaux.
Et vouloir maintenir son taux de change, tout en laissant les capitaux circuler librement,
implique de coller ses taux d’intérêt aux partenaires commerciaux (ce fut le cas de la France à partir
de 1990, avec la politique dite du « franc fort »).
Ce troisième cas de figure va s’imposer à l’ensemble des pays européens : à partir du
moment où les capitaux pourront circuler librement (juillet 1990), et où l’on choisit d’avoir des
changes fixes, il faut renoncer à une politique monétaire autonome. D’où la création de la BCE, et
la création d’une monnaie unique.
Taux de changes fixes
Mobilité des capitaux
Politique monétaire autonome
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2.1.2.2 Le traité de Maastricht et ses conséquences
Le traité de Maastricht précise les conditions du futur passage à la monnaie unique. Afin de
permettre une certaine harmonie nécessaire à l’union monétaire, les européens décident de critères
de convergence conditionnant pour chaque pays membre la possibilité d’intégrer l’union
monétaire :
•
le taux d’inflation ne doit pas excéder de plus de 1,5% celui des trois pays membres
ayant les plus faibles taux d’inflation ;
•
le déficit public doit être inférieur à 3% du PIB ;
•
la dette publique doit être inférieure à 60% du PIB ;
•
les taux d’intérêts réels à long terme ne doivent pas excéder de 2% celui des trois
pays membres ayant les plus faibles ;
•
il ne doit pas y avoir de dévaluation dans les deux années précédant l’intégration à
l’union
monétaire.
A l’inverse de la politique monétaire, la politique budgétaire demeure une compétence
nationale. Aussi, le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) a été adopté au Conseil européen
d’Amsterdam en juin 1997. Il prolonge l’effort de réduction des déficits publics engagé en vue de
l’adhésion à l’Union économique et monétaire (UEM). Il impose aux États de la zone euro d’avoir
à terme des budgets proches de l’équilibre ou excédentaires.
Le PSC comporte deux types de dispositions :
•
La surveillance multilatérale, disposition préventive : les États de la zone euro
présentent leurs objectifs budgétaires à moyen terme dans un programme de stabilité actualisé
chaque année. Un système d’alerte rapide permet au Conseil Ecofin, réunissant les ministres de
l’Économie et des Finances de l’Union, d’adresser une recommandation à un État en cas de
dérapage budgétaire.
•
La procédure des déficits excessifs, disposition dissuasive. Elle est enclenchée dès
qu’un État dépasse le critère de déficit public fixé à 3 % du PIB, sauf circonstances
exceptionnelles. Le Conseil Ecofin adresse alors des recommandations pour que l’État mette fin à
cette situation. Si tel n’est pas le cas, le Conseil peut prendre des sanctions : dépôt auprès de la
BCE qui peut devenir une Amende-Condamnation à payer au Trésor Public (de 0,2 à 0,5 % PIB de
l’État en question) si le déficit excessif n’est pas comblé.
L'appréciation du non-respect de ces critères a été assouplie en mars 2005 sous l'impulsion
de l'Allemagne et de la France, sous la justification de tenir compte de la situation économique et
des réformes structurelles engagées. Un dépassement « exceptionnel et temporaire » est désormais
autorisé.
Il est fondamental de remarquer qu’avec la monnaie unique, les pays se privent désormais
d’une politique monétaire autonome, et d’une politique de manipulation des taux de change (la
dévaluation, même si elle comporte certains risques et constitue de toute façon un constat d’échec,
a souvent été utilisée pour relancer une économie).
2.1.2.3 La crise de l’euro ?
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La situation actuelle entraîne un cercle vicieux, que résume le graphique ci-dessous (d’après
Alternatives économiques, HS octobre 2011).
LE CERCLE VICIEUX
crise bancaire
(menace sur la solvabilité des banques)
rationnement du crédit
coût des sauvetages bancaires
pour les finances publiques
recapitaliser les banques
CRISE DE GOUVERNANCE
pertes sur le portefeuille d'obligations
augmentation des
publiques des banques
créances douteuses
soutenir l'activité
crise économique
(freinage de l'activité et de l'emploi)
apporter un soutien aux Etats
augmentation des déficits publics
crise souveraine
(doute sur la solvabilité des Etats)
effort d'austérité accru
Après la crise irlandaise, la crise grecque (cf. annexes) menace très sérieusement l’ensemble
de la zone euro, notamment depuis l’été 2011. L’Espagne, le Portugal et même l’Italie (3ème
puissance de la zone euro) sont eux aussi menacés par les spéculateurs.
Ces crises successives amènent à se poser la question de la viabilité de l’euro, à la capacité
de résistance de la zone, et à savoir si à terme, suite par exemple à la sortie d’un pays (par exemple
la Grèce), si ce n’est pas le système dans son ensemble qui serait menacé (on notera qu’une
majorité de citoyens allemands, selon certains sondages, seraient favorables à un retour aux
monnaies nationales…).
« Le ressort de la contagion est simple, explique l’économiste Anton Brender : « Pourquoi
dégrader le Portugal au moment précis où les autorités européennes cherchent justement le moyen
d’éviter un défaut grec ? Parce que les perspectives de progression des exportations étant faibles et
l’endettement des agents privés déjà élevé, l’austérité fiscale va, au Portugal comme en Grèce,
asphyxier la croissance. Or, sans retour de la croissance, le pays n’a aucune chance de se financer à
des taux soutenables sur les marchés. La seule issue pour lui sera alors de demander une aide
supplémentaire à l’Europe, aide qui, comme pour la Grèce, risque d’être assortie d’une
participation des investisseurs privés. En dégradant la note du Portugal, Moody’s vient simplement
de prévenir les détenteurs d’obligations portugaises qu’ils ont de bonnes chances d’être appelés
demain à aider « volontairement » le Portugal à se financer ». »
(Les Echos 19 juillet 2011)
On trouve dans la suite de l’article : « Le problème sans doute le plus grave est que le
fonctionnement de la zone Euro a entrainé des divergences économiques croissantes au lieu de
favoriser la convergence économique des Etats membres. Cette évolution est soulignée par des
économistes français d’horizons divers (Patrick Artus, Henri Sterdyniak, Christian Saint Etienne).
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D’un côté l’Allemagne et les pays du nord de la zone ont mené des politiques de développement
économique fondé sur l’industrie, la compétitivité et l’exportation (y compris dans le cas de
l’Allemagne avec une certaine austérité salariale). De l’autre côté, les pays du Sud (dans une
moindre mesure l’Irlande) se sont désindustrialisés et ont opté pour une spécialisation dans la
construction et les services (tourisme mais aussi services domestiques non exportables). Le premier
groupe accumule les excédents commerciaux (4% du PIB) et le second accumule les déficits.
La crise exacerbe les problèmes liés aux divergences de situation économique : la
croissance potentielle des pays du sud est très faible. Un retour à la croissance dans le cadre de la
spécialisation économique des années passées est très improbable. A fortiori dans le cadre de
politiques budgétaires et de crédits restrictives, et sans pouvoir dévaluer sa monnaie. Le risque est
fort d’accroître encore les différences entre les deux groupes de pays en termes de croissance, de
chômage et de déficits extérieurs.
Ceci n’est pas tenable sans certains mécanismes de transferts financiers et de correction des
stratégies économiques des uns et des autres. Faute de quoi la zone est menacée d’explosion. »
2.2 Quelles réponses à la crise ?
2.2.1 Les réponses au niveau mondial
Le sommet de 2010 s’est tenu à Toronto, et a donné lieu dans Le Point du 28 juin à l’article
suivant, intitulé : « Toronto, un G20 pour (presque) rien ».
Pas de taxe bancaire et financière« Cela ressemble fort à un coup d'épée dans l'eau. Réunis
samedi et dimanche, les pays du G20 ont décidé... de ne rien décider. Le sommet de Toronto, qui
devrait coûter 1,2 milliard de dollars (960 millions d'euros) aux contribuables canadiens, est
certainement la rencontre la plus stérile du genre depuis le début de la crise : il a accouché d'une
déclaration d'intention des plus consensuelles.
Quarante-cinq heures de négociations ont été nécessaires pour s'accorder sur la nécessité
de renforcer la reprise économique tout en réduisant les déficits publics. Deux objectifs pas
forcément compatibles à très court terme mais destinés à rapprocher les États-Unis et l'Europe.
L'Union européenne a clairement marqué un point en obtenant d'inscrire dans le texte commun la
nécessité de "réduire d'au moins de moitié les déficits d'ici 2013 et de stabiliser ou de réduire les
ratios de la dette publique au PIB d'ici 2016". Mais plus qu'un objectif contraignant, il s'agit d'une
déclaration de bonne intention, comme l'a reconnu Nicolas Sarkozy à demi-mot. Le Japon, dont la
dette atteint 200 % du PIB, a d'ailleurs obtenu une dérogation...
Quant à la Chine, elle aussi repart du Canada sans avoir rien lâché. Très critiquée à cause
de la sous-évaluation de sa monnaie par rapport au dollar, elle a réussi à éviter tout engagement
contraignant sur l'appréciation du yuan. Le texte mentionne prudemment la nécessité
"d'accroître la flexibilité du taux de change dans certains marchés émergents".
La réforme financière attendra également. Aucun coup d'accélérateur n'a été donné à
Toronto. La déclaration finale ne fait que reprendre les objectifs fixés lors des sommets précédents
(cadre de réglementation robuste, supervision financière efficace, évaluation internationale
transparente et l'examen par les pairs, la surveillance des institutions financières d'importance
systémique). L'idée d'avoir recours à une taxe financière et bancaire portée par Nicolas Sarkozy et
Angela Merkel est tout simplement abandonnée même si l'Europe peut la mettre en œuvre seule.
"Ce qui est déjà extraordinaire, c'est qu'on ne nous empêche pas de le faire et ça fera tache
d'huile", s'enthousiasme Nicolas Sarkozy. Le Président oublie de dire que le G20 n'est pas un
gouvernement mondial et qu'il ne peut en rien obliger certains pays à prendre ou ne pas prendre
des mesures...
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Consciente tout de même de la pauvreté du sommet de Toronto, la présidence française
s'est employée tout le week-end à en minimiser la portée, le qualifiant de sommet "de transition".
"Les temps étant plus apaisés, il est normal qu'on rentre dans des G20 à connotation moins
dramatique", a fait valoir Nicolas Sarkozy. "On ne peut pas prendre des décisions historiques à
chaque fois, mais chaque fois, c'est important de discuter". En réalité, le président français pense
déjà aux prochains G20. Après le sommet de Séoul en Corée du Sud à la mi-novembre, c'est lui qui
prendra pour un an les rênes du G20. À Toronto, il a assuré se préparer "activement" à ce mandat,
et a déjà programmé une tournée chez ses principaux membres à l'automne. "Je veux essayer
d'obtenir les résultats les plus audacieux possibles", car "le G20 doit imposer des grands desseins,
une vision", explique-t-il. Ce n'était clairement pas le cas samedi et dimanche. »
« Le G20 n'est pas un gouvernement mondial et il ne peut en rien obliger certains pays à
prendre ou ne pas prendre des mesures... ». Autrement dit, le G20 ne constitue pas une instance de
gouvernance mondiale !
Mais il n’est de toute façon pas prouvé que les Etats dans leur ensemble désirent cette
gouvernance…
Au sein même des Etats-Unis, le refus systématique de la fraction dure du Parti Républicain
(le Tea Party) d’augmenter les impôts a conduit à une crise interne au moment où il aurait fallu
faire front pour relever le plafond de la dette. C’est cette crise qui a entraîné la baisse de notation
des USA, même si cela ne gêne guère le pays pour emprunter…
Cette absence d’entente se retrouve au niveau européen.
2.2.2 Les réponses au niveau européen
La crise de la zone euro est d’abord une crise de confiance des marchés financiers en la
capacité de l’Etat, dont ils détiennent une partie de la dette, à la rembourser. Puisqu’ils craignent
que l’Etat fasse faillite, les marchés exigent des taux d’intérêts bien plus importants sur les titres
qu’ils acceptent de lui prêter. Il devient donc très cher pour l’Etat de se refinancer, ce qui aggrave
sa dette… et ainsi s’enclenche un cercle vicieux.
Il fallait donc trouver une solution pour permettre aux Etats en difficulté de continuer à se
financer. C’est ainsi qu’a été mis en place, le 9 mai 2010, le Fonds européen de stabilité
financière (FESF).
Le FESF est défini comme un fonds commun de créances visant à préserver la stabilité
financière en Europe en fournissant une assistance financière aux États de la zone euro en difficulté
économique. Le FESF a son siège à Luxembourg. Klaus Regling a été nommé directeur général à
sa création en Juin 2010.
Cependant, les hésitations successives face aux mesures à prendre pour aider la Grèce ont
montré les limites de ce nouveau mécanisme.
Suite au sommet de l'eurozone du 11 mars 2011 réunissant les dirigeants des pays de la
zone euro, un accord a été trouvé pour augmenter la capacité d'intervention effective du FESF à
440 milliards d'euro, grâce à une augmentation des garanties des États de la zone euro. Par ailleurs,
depuis ce sommet, le FESF a le droit d'acheter de la dette primaire, c'est-à-dire nouvellement
émise, par les États.
Le FESF est complété par le mécanisme européen de stabilisation financière, qui, à la
différence du FESF, est garanti par le budget de la Commission européenne, c'est-à-dire in fine par
tous les États de l'UE (pas uniquement ceux de la zone euro). Ces deux fonds seront remplacés en
2013 par le Mécanisme de stabilité européen.
Le jeudi 21 juillet 2011, les européens ont décidé d'élargir le rôle du FESF : il pourra
maintenant racheter des obligations d'Etat sur le marché secondaire, participer au sauvetage des
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banques en difficulté, prêter à des États en situation difficile. Son action est conditionnée à l'avis
unanime des pays participants et de la BCE.
D’un montant total de 750 milliards euros, il s’organise en trois sources de fonds
mobilisables pour venir en aide aux Etats nécessiteux.
D’abord, 60 milliards d'euros pourront, sur autorisation du Conseil Ecofin, être empruntés
sur les marchés par la Commission, étant garantis par les Etats membres. Cette somme pourra
ensuite
être
reprêtée
en
urgence.
Dans un second temps, les Etats pourront verser, en tout, jusqu’à 440 milliards d’euros en prêts
bilatéraux, ou bien se servir de cette somme pour constituer des garanties.
Enfin,
le
FMI
pourrait
ajouter
250
milliards
si
nécessaire.
Il faut préciser que les fonds ne dormiront pas quelque part dans une enveloppe, en attente d'être
mobilisés : ils correspondent à des engagements de la part des Etats, et ne seront effectivement
versés que si un Etat en difficulté le réclame. En réalité, les Etats espèrent ne jamais avoir à utiliser
ces
« Eurobonds ».
Mais contrairement au plan d’aide à la Grèce, le déclenchement d’un financement ne nécessitera
pas d’être approuvé par chaque Parlement national. Toutes les décisions, sur la conditionnalité de
l’aide et les conditions de son octroi, s’effectueront au sein de l’Eurogroupe. Les Etats ont
beaucoup insisté sur la forte conditionnalité qu’auraient ces financements, à la manière des
garanties qui avaient été demandées à la Grèce.
Depuis sa création, le mécanisme de stabilisation financière a été mobilisé en faveur de
l’Irlande (novembre 2010) et du Portugal (mai 2011).
2.2.3 Le besoin d’une gouvernance mondiale
Peut-on envisager un monde sans institutions de régulation, et faire confiance à « la main
invisible » d’Adam Smith ? Le comportement des multinationales, des banques et des spéculateurs
en tout genre nous montre bien les dérives auxquelles l’on peut s’attendre.
Exemple : l’augmentation du prix du blé (quasi doublement en un an entre 2009 et 2010) est
certes due à la pénurie en Russie, mais doit être imputée pour moitié à la spéculation des fonds
d’investissement !
La recherche d’un profit immédiat (15% annuels) est devenue la règle dans les grandes
entreprises internationales ; l’emploi ou l’environnement ne sont alors que des variables
secondaires !
De même qu’une bonne politique économique au niveau national exige une coordination de
ses diverses composantes (politiques monétaire, budgétaire, fiscale, sociale, industrielle,
extérieure…), un minimum d’harmonisation est requise au niveau international.
Dans la période de crise que nous traversons actuellement, la relance des uns est annihilée
par la politique de rigueur des autres, étant donné l’enchevêtrement des économies.
La lutte contre le chômage se heurte aux délocalisations, incitées par des exonérations
fiscales ou des salaires extrêmement bas, ou non soumis à des cotisations sociales.
Un pays ne peut lutter seul pour la sauvegarde de l’environnement, au risque de pénaliser
ses entreprises en alourdissant leurs coûts (exemple de la taxe carbone). Etc.
Dès lors, un minimum de concertation semble requis pour éviter les grands déséquilibres, et
en particulier sortir d’une crise telle que celle que nous traversons actuellement.
Quelques extraits de presse nous montrent clairement ce besoin de gouvernance :
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« En annonçant, le 8 septembre, un nouveau plan de relance de 447 milliards de dollars, un
mois après la dégradation, le 5 août, de la note souveraine américaine par Standard & Poor’s, le
président Barack Obama tente de reprendre la main face aux marchés, faisant le pari que ceux-ci
préféreront des perspectives de croissance à une austérité budgétaire qui pourrait être fatale à
l’activité économique.
C’est pourtant cette dernière voie qu’ont choisie les pays européens, en multipliant les plans
de rigueur pour « apaiser les marchés » et conserver le fameux AAA à tout prix. »
(Antoine Reverchon, Le Monde 13/09/2011)
Dans la même édition : « Ce que l’on appelle la crise de la dette est avant tout une crise de
la gouvernance européenne. Si les marchés spéculent sur l’implosion de la zone euro, ce n’est pas
parce qu’elle est économiquement fragile, mais parce qu’elle n’arrive pas à résoudre de façon
ordonnée un problème aussi localisé que le risque de défaut de petits pays périphériques. »
(Nicolas Jabko, professeur à Sciences-Po Paris et à Baltimore)
Et Thierry de Montbrial (directeur de l’IFRI) d’ajouter : « Tous les Etats sont condamnés à
coopérer pour trouver, ensemble, mais aussi avec les acteurs économiques, sociaux et financiers,
des formules efficaces et légitimes pour gérer les défis lancés par la mondialisation. »
« Le double choc de l'élargissement et de la mondialisation a débouché sur la
renationalisation des politiques économiques, au moment où le lancement de l'euro imposait le
fédéralisme. »
(Nicolas Baverez, Le Monde 02/08/2011)
Sous le titre « Face à la crise, il faut créer une banque centrale mondiale », François
Rachline, professeur à Sciences-Po Paris écrit :
« Il s'agit de traiter des sujets qui échappent de plus en plus aux pouvoirs nationaux :
financer les déficits publics liés au surendettement des Etats ; éviter la "guerre des changes" entre
dollar, yuan, euro, yen et autres ; disposer des fonds nécessaires aux investissements dans les
infrastructures (réseaux ferroviaires, routiers, téléphoniques, électriques, etc.), décisifs pour la
croissance économique du monde et pour éradiquer la misère à la surface du globe.
Ces impératifs, primordiaux pour éviter un effondrement généralisé, renvoient tous à une
seule et grande question : comment réguler - ou gérer- les liquidités mondiales, c'est-à-dire tout à la
fois leur émission, leur diffusion et leur affectation ? … en créant une Banque Centrale Mondiale.»
(Le Monde 26/08/2011)
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Conclusion
Peut-on sérieusement envisager une gouvernance mondiale, alors que, comme nous l’avons
vu, elle devient véritablement nécessaire ?
La réunion du G20, à Toronto, en juin 2010, laissait peu d’espoir dans ce sens :
« Les dirigeants des pays les plus industrialisés et des grandes puissances émergentes réunis
à Toronto, au Canada, se sont séparés dimanche 27 juin sans avoir réussi à s'entendre sur une voie
commune pour limiter les errements de la finance et coordonner leurs politiques économiques. Il a
été ainsi convenu que chacun avancera à son propre rythme en adoptant des politiques "différentes"
qui tiennent compte des "circonstances nationales". »
Au niveau européen, la gestion de la crise grecque démontre des insuffisances alarmantes :
« Le temps qu'il a fallu pour que l'Europe s'accorde sur un sauvetage conséquent de la Grèce
n'est-il pas significatif d'une faiblesse dans la prise de décision ?
Beaucoup d'erreurs ont été commises au niveau européen, ne serait-ce qu'en termes de
communication, et sur le fait qu'il ait fallu 18 mois pour mettre sur pied un mécanisme de garantie
sur les dettes. Il est navrant qu'en février 2010, on n'ait pas dit clairement que quoi qu'il arrive, l'UE
serait solidaire de la Grèce et que les marchés pouvaient l'attaquer tant qu'ils voulaient.
L'Allemagne n'est pas la seule à avoir eu tort de temporiser : il y a eu une erreur générale de
diagnostic sur la situation grecque et sur les risques de contagion. »
Ce texte du 17/07/2011 n’est guère plus encourageant :
« Un sommet européen à ambitions limitées
Que vont décider ce jeudi Sarkozy, Merkel et consorts ? Le plus probable est que les chefs
d'Etat et de gouvernements européens limitent leurs ambitions à complaire une fois de plus aux
marchés financiers. En inventant une nouvelle formule alambiquée d'aide à la Grèce qui ne coûte
pas grand chose de plus, mais qui évite un défaut de paiement formel.
Donc, on va remettre au pot quelques milliards d'euros, suffisamment pour éviter la
panique, mais pas trop pour ne pas irriter l'électeur du Bade-Wurtemberg et on obtiendra des
banques, notamment françaises et allemandes qui détiennent d'importantes créances sur la Grèce,
qu'elles contribuent un peu au renflouement de ce pays.
Les marchés vont probablement s'en satisfaire… provisoirement. Les cotations boursières
vont connaître une embellie de 24 ou 48 heures. Et puis Moody's, Standard and Poor's ou Fitch, ces
désormais célèbres autant que perverses agences de notation, vont recommencer leur petit jeu en
dégradant qui la note de la Grèce, qui celle du Portugal…
Ainsi va l'Europe, les gouvernants se livrent périodiquement, et chaque fois à retardement, à
la danse du ventre pour séduire et rassurer ces fameux marchés dont la seule règle est d'en vouloir
toujours plus, autrement dit d'accroître leurs profits en prêtant aux Etats endettés à des taux en
hausse perpétuelle.
Aucune raison sérieuse que ce petit jeu s'arrête. Du moins tant que les gouvernants
européens continueront de bricoler en ménageant leurs égoïsme nationaux.
Sans volonté de vraiment réguler la planète financière, sans vision stratégique à moyen
terme, en oubliant le bien-être de leurs peuples au bord de l'indignation et l'impératif
démocratique… Comme un chien crevé au fil de l'eau. »
(Rue89 Par Sylvain Gouz)
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Edité le 25 octobre 2011.
Annexes
1. Lehman Brothers en faillite
La banque américaine s'est placée sous la protection de la loi américaine dite du Chapitre 11.
Elle avait traversé la crise de 1929, mais n'aura finalement pas résisté à la crise des subprimes. Lehman Brothers
Holdings, la maison mère de Lehman Brothers, suite à l'échec des négociations de ce week-end pour sa reprise, va
demander dans la journée sa mise en faillite sous le chapitre 11,«afin de protéger ses actifs et de maximiser sa valeur».
Suite au retrait de la banque Barclays des négociations entreprises afin de se trouver un repreneur, la plus petite des
banques d'affaires américaines a annoncé lundi qu'elle allait demander au tribunal de New York à bénéficier de cette loi
permettant aux entreprises en difficulté de se restructurer. Barclays aurait jeté l'éponge face au refus du gouvernement
américain de vouloir fournir des garanties financières. Bank of America, un temps pressentie, a préféré elle se tourner
vers une autre banque en difficultés, Merrill Lynch .
Samedi et dimanche, les dirigeants des grandes banques américaines et le gouvernement s'étaient réunis au siège de la
banque fédérale de New-York afin de trouver une solution et éviter la faillite.
Le gouvernement, après avoir sauvé Bear Stearns en mars et les deux rehausseurs de crédits hypothécaires Fannie Mae
et Freddie Mac la semaine dernière, ne voulait pas qu'un sentiment d' «impunité» se développe chez les banquiers. Il
souhaitait alors qu'un pool de banques rachète une partie des actifs risqués de la banque pour 30 milliards de dollars.
lefigaro.fr 15/09/2008
2. Crise des « subprimes » : si vous n'avez toujours rien compris…
Par Mr Greed | Trader | 03/09/2008 | Rue89
C'est un témoignage venu de l'intérieur du système financier. Mr Greed, trader, démonte, pour Rue89, la mise en place
de bulles spéculatives liées aux prêts immobiliers à risque (les « subprimes ») qui ont commencé à exploser l'an dernier
aux Etats-Unis, et qui plombent aussi les résultats des banques européennes
Après la remise du rapport Ricol sur la crise financière ce mardi au président de la République, peut-on espérer que
l'éthique revienne sur le devant de la scène financière ? Ses propositions seront en tout cas discutées au conseil
informel des ministres européens des Finances la semaine prochaine à Nice.
C'est un rapport très sévère contre les banques et l'ensemble du système financier, responsable selon son auteur, d'une
crise sans lien originel avec l'économie réelle.
L'économie capitaliste tourne bien quand il y a du charbon dans la chaudière, c'est-à-dire quand les ménages
consomment et les entreprises produisent, et que les ménages consomment encore et toujours plus, etc. Et que ce cycle
ne s'arrête jamais.
Aux Etats-Unis, les banques ont décidé d'embarquer tout le monde, même les plus fragiles, dans le train de la dépense :
acheter des voitures, des maisons, de tout ce que vous voulez. Vous n'avez pas l'argent ? Qu'à cela ne tienne : on va
vous faire un crédit aux petits oignons, en tordant un peu le mode de calcul de votre capacité de remboursement.
Quand une banque estime la capacité de remboursement d'un ménage en fonction de son revenu disponible (approche
de « trésorerie »), elle prend un risque sur la baisse des revenus (perte d'emplois, etc.) de son client.
Quand elle estime la capacité d'endettement d'un ménage non pas en fonction de son revenu disponible, mais en
fonction de son patrimoine (approche « patrimoniale »), elle prend un risque sur la conjoncture globale.
Prenons un exemple illustrant cette approche patrimoniale :
et je m'endette à taux révisable avec un délai de grâce de deux ans (je ne commence les remboursements que dans deux
ans). Mon crédit est adossé à une hypothèque sur la maison qui vaut 100.
je commence à rembourser, et comme les taux d'intérêt ont monté, je me retrouve au maximum de ma capacité de
remboursement, c'est-à-dire que tout mon revenu disponible passe dans le remboursement de mon crédit immobilier.
Pourtant il faut vivre (nourriture, déplacement, équipement etc.).
et ma maison dont la valeur était de 100, est maintenant estimée à 130. Ma banque accepte de réévaluer mon
hypothèque et m'accorde un crédit supplémentaire. Ce crédit supplémentaire est lié à ma nouvelle situation
patrimoniale.
n'a pas changé, très vite je ne peux plus faire face à mon endettement et je stoppe les remboursements sur l'un ou
l'autre de mes crédits.
Aux Etats-Unis, l'endettement des ménages (par l'approche patrimoniale) a été poussé au maximum par les banques, et
facilité par des politiques monétaires et budgétaires très accommodantes. A la fin 2007, l'endettement des ménages
américains dépassaient très largement leur revenu disponible, et nombre de foyers ne pouvaient plus faire face aux
remboursements.
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Tous ces crédits représentent une masse de créances énorme. Du coté des banques, ces créances ont été regroupées puis
« titrisées » [on en a fait des titres échangeables sur les marchés] et vendues un peu partout, diffusant dans le système
financier mondial une masse considérable de titres toxiques.
On peut imaginer le circuit simplifié suivant pour illustrer la diffusion :
accorde un crédit
titrise cette créance
à un hedge fund [un fonds d'investissement à risques]
auprès de la banque pour acheter encore plus de titres émis, profitant à fond de l'effet de levier [qui permet d'emprunter
plus pour gagner plus].
ou même qu'on considère que le risque qu'il fasse défaut augmente, la valeur de la créance titrisée dégringole, mettant
en péril le hedge fund.
et se trouve en situation délicate vis-à-vis de la banque qui le finance.
sur le hedge fund et lui refuse les nouveaux crédits dont il a besoin pour financer ses pertes et assurer la continuation
de son activité.
fait faillite.
Elle a tout à coup besoin d'argent et se tourne vers d'autres banques ; mais ces dernières se méfient car elles estiment
que la situation de leur homologue est très dégradée étant donnée la nature de ses engagements. Elles refusent de lui
prêter ou alors à des conditions très dures.
C'est l'histoire simplifiée de la faillite de la banque d'investissement américaine Bear Stearns et le mécanisme de
diffusion de la crise à tout le système financier.
Pendant les sept dernières années, les banques d'investissements et les banques de détail ont exigé des rentabilités
toujours plus importantes. Elles ont accepté de financer l'activité de fond d'investissement utilisant des effets de leviers
énormes générant des montants d'engagements colossaux sans réellement mesurer les risques car il s'agissait de
satisfaire l'appétit d'actionnaires et d'investisseurs jamais repus.
Le château de cartes s'est écroulé, et les banques enregistrent des pertes abyssales. Elles doivent maintenant faire appel
aux fonds d'investissements souverains d'Asie et du Moyen-Orient pour reconstituer leur fonds propres et sauver leur
peau.
Et lorsque les banques ou les institutions financières ne trouvent plus de fonds souverains étrangers ou d'actionnaires
privés pour les renflouer, elles appellent au secours les Etats. Ainsi, le Trésor américain s'active pour sauver les deux
géants du crédit hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac, dont les besoins de capitaux sont estimés à au moins 100
milliards de dollars.
La crise se diffuse, et quand elle commence à coûter aux Etats cela creuse les déficits publics et limite les possibilités
de l'action budgétaire. Si l'Etat américain doit sauver ces deux monstres, il devra couper drastiquement dans
l'investissement public.
Demander à tout le monde de faire des efforts, voilà le résultat moralement difficile à accepter de la voracité, du courttermisme et des décisions d'investissements hasardeuses des banques pour qui la privatisation des profits et la
socialisation des pertes est une chose normale.
Fannie et Freddie seront quoi qu'il arrive sauvés par l'Etat car ils sont « too big to fail », prouvant -une fois de plus- que
la théorie suivant laquelle les marchés s'autorégulent est fausse.
Ainsi, comme le suggère le rapport Ricol, il semble absolument nécessaire de contrôler le « ratio de solvabilité » des
banques [jusqu'à quel point elles peuvent prêter de l'argent] et d'établir un nouveau mode de calcul de celui-ci pour
limiter l'effet de levier. Un contrôle strict sur les produits financiers les plus complexes et une régulation des agences de
notation semble aussi indispensable.
Enfin, c'est un trader qui le dit, les principes de rémunération de ceux qui jouent sur ces marchés ne sont pas seulement
indécents, ils sont pousse-au-crime…
3. Les sept clés de la crise
Placements, croissance, impôts… les secousses financières mettent en œuvre des mécanismes complexes et ont des
répercussions très larges.
1. Avec quel argent la BCE rachète-t-elle la dette des États ?
Lorsqu'elle était intervenue pour financer la Grèce, le Portugal et l'Irlande, la BCE avait acheté environ 12% de leur
dette, soit 74 milliards d'euros. La dette espagnole et italienne dépassant les 2300 milliards d'euros, en racheter 12%
signifie mettre plus de 240 milliards d'euros sur la table. En théorie, ce n'est pas un problème : la BCE ayant le pouvoir
de battre monnaie, elle crée autant d'argent qu'elle le veut et ses moyens sont illimités. Mais créer de la monnaie même virtuelle - aboutit à accroître les liquidités sur le marché et provoque, à terme, de l'inflation. Or, le mandat de la
BCE est exclusivement de lutter contre l'inflation. Pour ne pas en générer, la banque centrale de Francfort «stérilise»
ses achats de dette. Concrètement, si elle donne de l'argent à un investisseur pour lui racheter une obligation d'État, elle
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propose ensuite à ce même investisseur, ou à sa banque, de placer cet argent qu'il a perçu en dépôt chez elle, en
échange d'une rémunération attractive. Cela aboutit au final à ne pas augmenter la masse monétaire en circulation. Le
danger, toutefois, est qu'en achetant de la dette d'États en difficulté à un prix élevé, la BCE ne fasse une mauvaise
affaire, lorsqu'elle la revendra, ce qui l'amènera à enregistrer des pertes financières. Mais ces pertes, elles aussi, seront
«virtuelles».
2. Combien l'aide aux États en difficulté va-t-elle coûter aux Français ?
Rien ! À condition que les États à qui l'on prête de l'argent ne fassent pas faillite et remboursent leurs dettes… Les
aides sont de plusieurs natures. Dans le cadre d'une première tranche de soutien à la Grèce, la France s'est engagée à
prêter directement 16,8 milliards sur trois ans. En pratique, cela creuse les déficits, mais lorsque Athènes nous
remboursera, le déficit en sera réduit à due proportion. D'autant que la France devrait empocher les intérêts
correspondant à la différence entre le taux auquel elle prête à la Grèce (4,2 %) et celui auquel elle emprunte (aux
alentours de 3,30 % en ce moment). L'aide à l'Irlande et au Portugal tout comme le deuxième plan d'aide à la Grèce
décidé le 21 juillet sont d'une nature différente. Ces pays seront financés par le Fonds européen de stabilité financière
(FESF) auquel la France apporte sa garantie : elle garantit 20 % des 440 milliards dont est doté le fonds, ce qui
représente 89,6 milliards. C'est un risque potentiel, si jamais le FESF est obligé de tout prêter et n'est pas remboursé.
Chaque fois que le FESF prête à un État la garantie est activée et la dette de la France augmente donc à hauteur de
20 % de la somme prêtée. Pour le moment, la France n'inscrira comptablement que 15 milliards de dette
supplémentaire pour la Grèce.
3. Faut-il s'attendre à des hausses d'impôts ?
«L'objectif intangible, c'est de ramener le déficit public à 4,6 % du PIB fin 2012, quel que soit le niveau de
croissance !» Dans l'entourage de la ministre du Budget, Valérie Pécresse, on affiche une claire fermeté. Selon le
scénario officiel, atteindre cet objectif en fin d'année suppose de réduire de 3 milliards d'euros supplémentaires les
niches fiscales, tout en maintenant la politique de gel des dépenses de l'État. Mais s'il faut faire plus pour atteindre les
4,6 % de déficit, Bercy est prêt à aller plus loin. Les Français doivent s'y préparer : les pertes enregistrées par les
banques sur la Grèce - qui va réduire leur impôt sur les sociétés - et le coût supplémentaire de la condamnation de la
France dans l'affaire des frégates de Taïwan vont créer un manque à gagner qui pourrait avoisiner 1 milliard d'euros. La
charge de la dette a elle aussi augmenté de 1 milliard d'euros à cause des hausses d'intérêt. Bref, selon Gilles Carrez,
rapporteur général du budget, ce n'est pas 3 mais 5 milliards d'économies supplémentaires qu'il faudra trouver. Le
gouvernement, qui présentera son budget 2012 fin septembre, l'assure : «Pas question d'augmenter les impôts.»
François Baroin, ministre de l'Économie, l'a encore répété lundi matin. La voie privilégiée pour accroître les recettes
fiscales consistera à raboter davantage encore les niches fiscales. Ce qui revient tout de même à augmenter les impôts
pour certaines catégories de contribuables, ceux qui utilisent ces niches.
4. Quelles seront les conséquences pour l'économie ?
En onze séances, le CAC 40 a dévissé de plus de 18 %. Ce recul s'explique par les statistiques pessimistes sur
l'évolution de l'économie américaine et les craintes concernant l'endettement étatique des deux côtés de l'Atlantique.
Surtout, les investisseurs anticipent que le poids de cette dette va obliger les États à couper dans les dépenses publiques
et augmenter les impôts. Autant d'éléments qui vont encore peser sur la croissance économique. Une récession est
même évoquée par certains aux États-Unis pour la fin de l'année. «Avec la baisse récente des marchés des actions, la
probabilité de récession telle qu'elle est estimée par les places boursières est désormais de 30 % à 40 %», estime un
observateur.
5. L'essence va-t-elle baisser ?
C'est la bonne nouvelle de ces perturbations économiques. La perspective d'un ralentissement économique pèse depuis
quelques jours sur l'évolution des matières premières en général et du pétrole en particulier. Le baril d'or noir à New
York a perdu près de 16% depuis le début de la baisse des Bourses mondiales le 25 juillet. Par rapport au plus haut de
l'année, le 29 avril, la chute atteint 26,2 %. Et les distributeurs d'essence, Total en tête, se sont engagés à répercuter les
évolutions du pétrole aussi bien à la hausse qu'à la baisse.
6. Votre épargne est-elle menacée ?
En France, le cadre légal est très protecteur pour le client particulier. Tout établissement de crédit agréé par le Comité
des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (Cecei) est obligatoirement adhérent au Fonds de
garantie des dépôts. En cas de défaillance d'un établissement, ce fonds assure la restitution des sommes déposées. Le
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montant de l'indemnisation est plafonné à 100 000 euros pour les espèces et à 70 000 euros pour les titres. Au-delà, il
existe un risque théorique en cas de faillite de l'établissement bancaire. La situation des banques françaises est
cependant très solide, même si leurs engagements en Italie et en Espagne peuvent peser. Surtout, l'État les soutiendra
en cas de difficulté sérieuse.
7. Existe-t-il des valeurs refuges ?
L'effondrement des Bourses mondiales et les incertitudes sur les obligations d'État ont conduit les investisseurs à se
ruer sur l'or et le franc suisse, qui font plus que jamais office de dernières valeurs refuges. L'once d'or a cassé lundi la
barre des 1700 dollars, un plus haut historique. Depuis le début de l'année, l'or a gagné plus de 20 %. Et en deux ans, il
a progressé de 79 %. Le paroxysme de la crise passée, rien ne garantit cependant qu'il se maintiendra à des niveaux
aussi élevés.
Le Figaro 07/07/2011 Par Cyrille Lachèvre, Emmanuel Egloff
4. Mieux comprendre la crise financière
Elle s’explique par les craintes concernant la solvabilité de la Grèce, dont les mesures d’austérité tardent à produire
leurs effets, et par l’exposition de plusieurs banques françaises à la dette grecque, laquelle a conduit à la dégradation de
deux d’entre elles par l’agence Moody’s le 14 septembre 2011.
Evolution des cours de la Société Général, BNP et Crédit Agricole à la Bourse de Paris depuis le 2 juin 2011
Devant ce chaos financier annoncé, voici quelques réflexions sur la crise que connaît l’Europe aujourd’hui.
1- Faut-il blâmer la Grèce pour la crise actuelle ?
La situation financière de la Grèce est grave : le pays ne paraît plus en mesure de faire face à ses engagements
financiers. Les mesures d’austérité ne produisent pas leurs effets, faute d’une administration fiscale performante et du
temps nécessaire pour leur mise en œuvre. Faut-il blâmer la Grèce pour la crise financière actuelle ? Le pays est en
effet fortement endetté (300 milliards d'euros soit 120 % de son PIB) et surtout, il est coupable d’avoir menti sur son
niveau de déficit et d’endettement depuis le début des années 2000.
Il convient toutefois de souligner que la Grèce ne représente que 3% du PIB de la zone euro. La faillite grecque ne peut
pas à elle seule provoquer l’effondrement du système financier de la zone.
Surtout, on peut s’interroger sur le rôle des banques dans la crise actuelle. Celles-ci ont en effet prêté de l’argent à
la Grèce à des taux d’intérêt extrêmement faibles après l’entrée de la Grèce dans la zone euro. Si la Grèce peut être
blâmée pour avoir menti sur la réalité de son endettement, les banques n’ont-elles pas pris des risques inconsidérés en
prêtant de l’argent à un taux d’intérêt égal à celui de la France et de l’Allemagne alors que le pays n’avait pas atteint le
niveau de richesse des deux pays fondateurs de l’UE ?
L’exposition de banques, notamment françaises, à la dette grecque est la conséquence d’une stratégie qui s’avère
aujourd’hui erronée : la croyance en la croissance économique grecque. La diminution de la valeur boursière des
banques françaises ne fait donc que sanctionner une stratégie hasardeuse, tout comme la dégradation de la note
financière de deux d’entre elles par l’agence Moody’s prend acte des risques pris par ces établissements.
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Leurs analyses de la situation financière et économique grecque étaient en fait inexactes : les profits anticipés ne seront
pas réalisés. Il est alors normal que le cours des actions de ces banques diminue.
2- La sur-réaction des marchés renforce la crise actuelle
Toutefois, l’exposition au risque grec justifie-t-elle que la valeur des actions des grandes banques françaises ait perdu
plus 50 % en trois mois ? Il semble que l’on soit plutôt confronté à une sur-réaction des marchés financiers qui
anticipent le pire c’est-à-dire la faillite de la Grèce.
C’est parce que les marchés anticipent l’insolvabilité de la Grèce que les banques françaises, exposées au risque, sont
aujourd’hui dans la tourmente ; mais si le risque est possible, il n’est pas certain.
Surtout, la réalisation d’un tel risque ne devrait pas avoir de conséquence systémique pour le marché financier en
raison du caractère limité du stock de dette grecque (300 milliards d’euros) en comparaison des stocks français (1.600
milliards d’euros), italien (1.850 milliards) ou allemands (2.100 milliards).
3- Un parallèle avec les crises de la dette des pays en développement ?
Un parallèle peut être établi entre la crise de la dette grecque et les crises de la dette qu’ont connues les des pays en
développement dans les années 1980.
Tout comme la Grèce, les pays d'Afrique et d'Amérique latine souhaitaient emprunter pour investir. Les investisseurs notamment les banques - ont estimé que les investissements seraient rentables à moyen terme et que les pays étaient
capables de les rembourser. Surtout, ils recherchaient de nouvelles zones d’investissement alors que la crise
consécutive au premier choc pétrolier affectait l’Europe et les Etats-Unis.
La remontée des taux d’intérêt au début des années 1980 a toutefois empêché les pays endettés de rembourser leurs
dettes : les investissements ont été gelés et certains ont été moins rentables que prévu. Pour les prêteurs, cela a constitué
une perte préjudiciable pour leurs profits mais toute décision économique implique un risque qu’il convient d’assumer.
Pour les pays emprunteurs, la remontée des taux d'intérêt a conduit à un surendettement.
Dans le cas de la Grèce comme dans celui des pays en développement, les prêteurs se sont trompés sur les perspectives
de croissance, sur les rendements futurs des investissements et sur la capacité de remboursement des pays
emprunteurs : il s’agit d’une erreur d’analyse de prêteurs soucieux de dégager des profits.
Les banques sont donc aussi responsables de la crise de la dette que les Etats et doivent alors être sanctionnés par des
pertes.
4- Le paradoxe des banques : des entreprises privés au service d’un intérêt commun
La difficulté réside dans le fait que les banques constituent des acteurs particuliers de l’économie. En tant
qu’entreprises financières, elles visent à générer des profits à destination de leurs actionnaires comme toute entreprise
privée ; mais elles assurent en même temps la liquidité des marchés financiers en achetant obligations d’Etat,
obligations d’entreprises, actions mais aussi devises et en échangeant des titres.
Cette liquidité est essentielle au bon fonctionnement de l’économie puisqu’elle favorise les transactions, les prêts, la
circulation des capitaux et donc la croissance, et parce qu’elle répartit les risques d’un acteur financier sur l’ensemble
des agents. C'est parce que les banques assurent une telle fonction que leur faillite est rarement envisagée par les
pouvoirs publics : celle-ci peut en effet provoquer des troubles systémiques comme l'a prouvé la faillite de la banque
Lehman Brothers le 15 septembre 2008.
Aujourd’hui, la perte de confiance des banques entre elles dans le contexte de la crise de la dette grecque est telle
qu’elle remet en question leur rôle dans le système financier puisqu’elles n’assurent plus la liquidité du système : elles
refusent en effet de s’échanger titres et argents. Or cette liquidité peut s’analyser comme un service public puisque de
lui dépend la stabilité financière des économies.
Il est paradoxal que cette fonction de stabilisation du système financier soit laissée à des acteurs privés dont le
comportement est dicté par leurs propres intérêts et non par l’intérêt général.
Aujourd’hui les banques, en tant qu’entreprises, n’ont plus intérêt à se prêter de l’argent ni à acheter de la dette parce
qu’elles pensent que de tels prêts n’amélioreront pas leur rentabilité. Au contraire, les Etats ont aujourd’hui intérêt à ce
qu’elles continuent à prêter pour assurer la liquidité du système financier et financer des plans de relance, la récession
qui s’annonce ne faisant qu’amplifier la crise de la dette.
C’est la préférence des banques pour leur intérêt privé, au détriment de l’intérêt commun que représentent la
liquidité des marchés financiers et la relance en temps de crise, qu’il convient de combattre. En outre le double-jeu des
banques, qui consiste à encourager l’endettement des Etats pour acheter des produits financiers sans risques - les Etats
sont réputés ne pas pouvoir faire faillite - mais à sanctionner aussitôt un Etat, par l’augmentation des taux d’intérêt,
lorsque celui-ci est endetté, doit être dénoncé.
Le Nouvel Observateur 25/09/2011
5. Trente ans de marche vers l'euro
[Texte]
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1972 : création du serpent monétaire européen pour établir une zone de changes fixes en Europe en réaction à
l'adoption de changes flexibles par les Etats-Unis.
1973 : création du Fonds européen de coopération monétaire qui aide les banques centrales nationales à maintenir la
parité de leur monnaie dans le serpent monétaire.
1978 : accord pour instaurer un système monétaire européen (SME) qui limite les variations de taux de change entre
monnaies européennes. La solidarité entre banques centrales est renforcée. Le SME entre en vigueur en 1979.
1985 : adoption de l'Acte unique européen avec pour projet d'établir progressivement un marché unique prévoyant la
libre circulation des marchandises, des services, des hommes et des capitaux.
1992 : adoption du traité de Maastricht créant l'Union européenne et prévoyant la mise en place d'une monnaie unique à
la fin de la décennie. Crise du SME.
1993 : nouvelles attaques spéculatives au sein du SME. Les marges de fluctuations autorisées sont fixées à +/- 15 %.
1994 : création de l'Institut monétaire européen qui préfigure la future Banque centrale européenne (BCE).
mai 1998 : détermination des pays retenus pour participer à l'euro dès le 1er janvier 1999. Nomination du Conseil de la
Banque centrale européenne.
mai 1998 : mise en place de la Banque centrale européenne.
01 janvier 1999 : instauration officielle de la monnaie unique. Les taux de change entre monnaies européennes
deviennent irrévocables. Les monnaies nationales ne sont plus que des divisions de l'euro.
01 janvier 1999 : période transitoire.
01 janvier 2002 : mise en circulation des billets et des pièces en euro, et retrait progressif des monnaies nationales.
01 juillet 2002 : (au plus tard) suppression du cours légal des billets et des pièces libellés en monnaies nationales.
Alternatives économiques, n° 159, p. 24
6. Les agences de notation décryptées
À elles seules, les trois agences de notation que sont Standard & Poor's, Moody's et Fitch font trembler les États. Qui les paient ?
Comment décident-elles d'une note ? Explications en six points.
• A quoi servent-elles? Les agences de notation ont pour tâche, en théorie, d'évaluer en toute indépendance le risque de faillite
ou de non remboursement d'un acteur économique émettant des titres de dette, comme des obligations. En clair, elles informent
les investisseurs du risque qu'ils courent s'ils prêtent à telle société ou à tel Etat. Elles ont chacune une échelle de note, allant de
AAA (triple A) à CCC.
La note est attribuée après un travail d'analyse des chiffres économiques et financiers, et résulte d'une décision collégiale des
analystes de l'agence. Il s'agit d'une opinion, soulignent les agences, nullement d'une recommandation d'acheter ou de vendre un
titre ou une action d'une entreprise.
• L'impact des notes. La note, reflet du risque de faillite d'une entreprise ou d'un État, a pris toutefois une très grande
importance pour les entités notées et les investisseurs. Pour les Etats comme pour les entreprises, une note dégradée se traduit
par une hausse des taux d'intérêt. Donc, quand ils veulent emprunter, cela coûte plus cher.
Les investisseurs doivent quant à eux parfois revendre certains titres de dette pour respecter des réglementations internes ou
financières. Un gérant de portefeuille constitué d'obligations devra ainsi respecter un équilibre prédéfini entre des titres risqués
et moins risqués. Si une partie de ses titres, comme des obligations grecques, par exemple, est dégradée, il devra s'en séparer
pour ne pas que son portefeuille devienne trop risqué.
• A qui appartiennent les agences? Moody's est une société américaine cotée et indépendante, détenue à hauteur de 13% par
le milliardaire Warren Buffett. Fitch appartient en majorité à la société financière française Fimalac, fondée par Marc Ladreit
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de Lacharrière et à hauteur de 20% au groupe Hearst. Standard & Poor's est détenu par l'éditeur américain McGraw-Hill
Companies.
• Qui les paie? «Typiquement, une agence de notation se fait rémunérer par les entités qui veulent recevoir une note ou celles
qui utilisent la note», sous forme d'abonnement, explique Standard & Poor's. Selon le barème 2009 de cette dernière pour les
Etats-Unis, une grande entreprise doit verser au minimum 70.000 dollars au début du processus de notation, puis un
abonnement de «surveillance» s'élevant à environ la moitié de la somme initiale. A chaque fois qu'elle émettra de la dette sur
les marchés, elle s'acquittera en plus d'une commission de 0,045% de la transaction. Les montants sont du même ordre en
Europe.
Aujourd'hui, environ 90% du chiffre d'affaires des agences de notation provient des entités notées, relève Norbert Gaillard,
dans son ouvrage «Les agences de notation» paru à La Découverte.
• Conflits d'intérêt. La crise des «subprimes», crédits immobiliers à risque, a mis en lumière les limites du système actuel des
agences. Payées par les sociétés qui veulent être notées, les agences seraient parfois tentées d'attribuer une meilleure note que
celle méritée réellement afin de remporter un contrat au détriment de ses deux autres concurrentes.
Un ancien analyste de l'agence Moody's, Mark Froeba, a lancé de virulentes attaques contre son ancien employeur devant la
Commission d'enquête sur la crise financière du Sénat américain. «Quand j'ai quitté Moody's (en 2008, NDLR), la pire crainte
d'un analyste était qu'il fasse quelque chose qui mettrait en danger la part de marché de Moody's, de causer du tort à son chiffre
d'affaires (…) et de perdre son travail en conséquence», a-t-il dénoncé. Or, un analyste devrait seulement craindre de
«contribuer à l'attribution d'une note qui serait fausse».
• Des agences très rentables. Avec la complexification des marchés financiers, les agences avancent qu'il devient de plus en
plus coûteux d'analyser le risque de faillite des acteurs économiques. C'est pourquoi, dans les années 70, elles ont commencé à
faire payer les entreprises qu'elles notaient.
Ce modèle économique assure une très haute rentabilité aux agences. Moody's table sur une marge opérationnelle (résultat
opérationnel rapporté au chiffre d'affaires) comprise entre 38% et 40% en 2011. Standard & Poor's de 43% sur le seul premier
trimestre 2011 et Fitch de 58% sur l'exercice décalé 2010/2011.
Le Figaro 07/07/2011
7. Grèce : chronologie d'une crise
•
2009
Octobre : A peine élu, le gouvernement socialiste grec découvre la réalité des finances publiques. Alors que la droite affichait
un déficit officiel à 6 % du PIB, le premier ministre Georges Papandréou révèle qu'il est en fait de 12,7 %. La Commission
européenne exige une "enquête approfondie" pour expliquer ce décalage. Malgré ces chiffres alarmants, les socialistes
maintiennent leur plan de relance de 2,5 milliards d'euros et renvoient à 2011 la lutte contre les déficits.
Décembre : Les agences de notation internationales baissent successivement leur note de la dette grecque, ce qui renchérit
automatiquement les intérêts auxquels Athènes peut emprunter. Déjà, une différence de 2,3 points sépare les taux d'emprunt de
la Grèce de ceux de l'Allemagne. Le 14 décembre, Georges Papandréou présente un plan de rigueur qui doit aboutir à un retour
sous les 3 % de déficit avant 2013. Il promet de baisser de 10 % les frais de fonctionnement de l'Etat, de geler les recrutements
et les salaires des fonctionnaires et d'augmenter la fiscalité. "Il faut prendre en trois mois des décisions qui n'ont pas été prises
depuis dix ans."
•
2010
Janvier : La Grèce demande au Fonds monétaire international (FMI) une "assistance technique pour évaluer les besoins en
matière d'administration fiscale et de budget", mais il n'est pas encore question d'une aide financière. L'euro baisse.
Février : Le 2, la Commission européenne valide le plan de rigueur et place la Grèce sous étroite surveillance. L'euro continue
sa chute, Athènes et Madrid dénoncent les spéculateurs financiers. Plusieurs experts confirment que certains fonds parient
massivement sur une dégradation des finances publiques grecques, faisant craindre une "prophétie autoréalisatrice". Lors d'un
sommet sur le sujet, le 11, les chefs d'Etat et de gouvernement européens assurent officiellement qu'ils aideront Athènes en cas
de besoin.
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25 mars : Après plusieurs jours d'âpres négociations, le président français, Nicolas Sarkozy, et la chancelière allemande,
Angela Merkel, se mettent d'accord sur un plan d'aide financière à la Grèce, appuyé par des prêts du FMI.
23 avril : Athènes se résout à demander l'aide de l'UE et du FMI. Cinq jours plus tard, elle annonce ne plus pouvoir emprunter
sur les marchés après que l'agence de notation Standard & Poor's a dégradé ses obligations au rang "des obligations pourries"
(junk bonds).
2 mai : L'UE donne son feu vert à un plan de sauvetage de 110 milliards d'euros en contrepartie d'un plan d'économies de 30
milliards d'euros, comprenant des coupes salariales de 10 % dans la fonction publique et une réforme de retraites. Trois jours
plus tard, lors d'une manifestation contre la rigueur, trois personnes meurent dans l'incendie d'une banque déclenché par un
cocktail Molotov.Comme l'aide à la Grèce n'a pas suffi à rassurer les marchés, les Vingt-Sept négocient, le 9 mai, un fonds de
sauvetage des pays menacés par une éventuelle extension de la crise financière grecque, d'un montant de 750 milliards d'euros.
•
2011
11 mars : Lors de la réunion des dirigeants de la zone euro, Athènes promet d'accélérer son programme de privatisations (50
milliards d'euros) et obtient en retour la baisse d'un point du taux d'intérêt versé à ses bailleurs européens (à 4,2 %). La durée
des prêts financés par les Etats de la zone euro est allongée, passant de 4,5 à 7,5 ans, ce qui évitera au pays de s'épuiser à les
rembourser trop tôt.
15 avril : Georges Papandréou présente un nouveau plan de rigueur pour économiser 26 milliards d'euros d'ici à 2015. Le pays
dément de nouvelles rumeurs selon lesquelles il envisage, en accord avec l'UE et le FMI, de restructurer sa dette, qui dépasse
désormais 150 % du PIB. Mais Athènes semble avoir perdu toute la confiance des investisseurs alors que les taux des
obligations grecques à dix ans dépasse les 14 %. Un record inédit.
11 mai : Le pays vit sa neuvième grève générale depuis le début de la crise. Voir notre portfolio sonore "En Grèce, les
manifestations contre l'austérité s'essoufflent".
25 mai : Alors que les manifestations contre l'austérité sont presque quotidiennes depuis plusieurs mois, un nouveau type de
rassemblement voit le jour : organisé via Internet et les réseaux sociaux en ligne, il se place sous la bannière des "Indignés", en
écho à la mobilisation de la Puerta del Sol, à Madrid. Il s'agit de la première protestation de ce type. Généralement, les défilés,
très organisés et encadrés par les centrales syndicales, sont annoncés longtemps à l'avance et rassemblent quasiment toujours
les mêmes personnes. Près de quinze mille personnes descendent dans la rue.
3 juin : La zone euro prévoit une nouvelle aide sous conditions et avec contribution volontaire des banques. L'UE et le FMI
donnent leur feu vert au versement début juillet de la cinquième tranche du prêt accordé en mai 2010, soit 12 milliards d'euros.
15 juin : Nouvelle grève générale.
17 juin : Tandis que les Grecs maintiennent la pression dans la rue, le premier ministre annonce un remaniement du
gouvernement. Le ministre de l'économie et des finances, Georges Papaconstantinou, est remplacé par l'ancien ministre de la
défense Evangelos Venizélos, qui devient l'un des hommes forts du gouvernement en étant également vice-premier ministre.
22 juin : Georges Papandréou, qui a sollicité la confiance du Parlement, l'obtient sans surprise, mais avec les seules voix du
Parti socialiste (Pasok), qui détient la majorité absolue. Le gouvernement boucle les modalités d'un nouveau plan d'austérité
réclamé par l'UE et le FMI, prévoyant d'ici 2015 des économies de 28,4 milliards d'euros et des privatisations de 50 milliards.
24 juin : après une réunion des chefs d'Etat européens à Bruxelles, la Grèce parvient à un accord avec le FMI et l'UE pour un
nouveau plan d'aide d'environ 110 milliards d'euros, conditionné à l'adoption du nouveau plan d'austérité.
28 et 29 juin : Pour la quatrième fois depuis le début de l'année, les syndicats appellent à deux jours de grève générale alors
que le Parlement examine le plan d'austérité. Celui-ci est adopté. L'UE et le FMI débloquent dans les jours suivants la
cinquième tranche d'aide promise, soit 12 milliards d'euros.
11 juillet. Les marchés boursiers baissent fortement. Une réunion des dirigeants de la zone euro ne permet pas d'aplanir leurs
divisions sur le prochain plain d'aide à Athènes. On craint une contagion de la crise grecque à l'Italie et à l'Espagne, membres
de l'UE lourdement endettés. Georges Papandréou écrit au président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, pour protester
contre la "cacophonie" européenne.
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13 juillet. L'agence de notation Fitch dégrade de trois crans la note de la Grèce, à CCC. Elle sanctionne ainsi l'absence d'un
nouveau plan d'aide "crédible et financé" de l'UE et du FMI. A cela s'ajoutent de "fortes incertitudes entourant le rôle des
créanciers privés" dans le plan et les perspectives macroéconomiques du pays.
18 juillet : La publication, juste avant le week-end, des tests de résistance des banques européennes n'a pas levé l'incertitude.
Ce lundi-là, les principales Bourses mondiales dévissent : Milan perd plus de 3 %, Paris est à son plus bas niveau depuis le
début de l'année. Une réunion extraordinaire des dirigeants de la zone euro est prévue le 21 juillet, afin de préciser l'aide à la
Grèce.
21 juillet : Lors d'une très attendue réunion extraordinaire, les dirigeants de la zone euro se mettent d'accord pour un nouveau
plan d'aide à la Grèce, de quelque 159 milliards d'euros.
25 juillet : L'agence Moody's dégrade fortement la note de la dette à long terme de la Grèce, la plaçant à un cran du défaut de
paiement. Elle estime ainsi que le pays ne sera pas en mesure de rembourser intégralement ses créanciers privés.
Le Monde.fr 26.07.11
8. Dossier : Pour comprendre la crise grecque
La Grèce a été la première à plonger dans la crise de la dette souveraine. Comment en est-elle arrivée à une telle situation ?
Quelles conséquences pour les banques créancières, la BCE, les contribuables français ? Quels sont les principaux pays
exposés et qu'en est-il des menaces de contagion ? Le point sur le dossier.
Les dirigeants de la zone euro ont approuvé le 22 juillet, un nouveau plan d'aide à Athènes de 109 milliards d'euros, assorti
d'une participation des banques et assureurs européens sous la forme d'un échange de dette. Malgré cela, l'agence Mood'ys a
une nouvelle fois dégradé la dette grecque lundi 25 septembre, plaçant la note du pays à un cran seulement du défaut de
paiement.
1. Comment la Grèce en est-elle arrivée à cette situation ?
La crise de la dette grecque était prévisible. Mais les gouvernements qui se sont succédé ont systématiquement fermé
les yeux.
L'un des pays à plus forte croissance au sein de la zone euro entre 2000, l'année qui précède l'introduction de la monnaie
unique, et 2007, l'année de l'éclatement de la crise dite des « subprimes », la Grèce a été la première à plonger dans la crise
de la dette souveraine. Une hausse annuelle moyenne du PIB de 4,2 % entre 2000 et 2007 a permis de faire oublier les
déficits structurels d'Athènes. Le modèle social adopté par la Grèce après la chute de la dictature des colonels, en 1974, a été
fondé sur des dépenses publiques généreuses et le maintien d'un secteur public surdimensionné. Celui-ci représente environ
40 % du PIB et la Grèce compte quelque 800.000 fonctionnaires civils sur une population active de 5 millions de personnes.
Depuis 1993, le ratio de la dette publique rapportée au PIB a systématiquement dépassé les 100 %. Les années fastes,
jusqu'en 2007, n'ont pas permis de résorber la dette publique et, surtout, n'ont pas empêché que l'économie souterraine
continue de prospérer, notamment dans les services et le tourisme. On estime entre 20 % et 30 % du PIB du pays le poids de
l'économie grise. Et qui dit économie grise dit corruption. Un phénomène profondément ancré dans l'activité économique
grecque. L'ONG Transparency International estime que les pots-de-vin généreusement distribués ont culminé à près de 88
millions d'euros en 2009. La fraude fiscale est l'autre conséquence de l'économie clandestine. Un fléau endémique qui se
traduit par un manque à gagner « de 10 à 15 milliards d'euros par an » pour l'Etat, selon le ministre des Finances, Georges
Papaconstantinou.
La crise économique globale a pointé son nez en 2009, avec des revers soudains dans le tourisme et le transport maritime,
deux secteurs d'activité essentiels. Pourtant, le gouvernement conservateur de l'époque n'a pas fait sienne l'exigence d'une
plus grande discipline budgétaire. Il a préféré maquiller les comptes publics, comme en 2004. En fait, depuis 2000, la Grèce
n'a eu de cesse de transgresser le Pacte européen de stabilité financière. La triche éclate une deuxième fois au grand jour en
novembre 2009, lorsque le nouveau gouvernement socialiste multiplie par deux l'estimation de déficit budgétaire pour la
porter à 12,7 % du PIB. La suite est connue...
2. Quels enjeux pour les banques créancières ?
Les banques françaises et allemandes seraient les premières touchées par une restructuration de la dette grecque,
mais cela resterait gérable, selon elles.
Si les banques européennes, et françaises en particulier, connaissent à nouveau des jours difficiles en Bourse, c'est d'abord
parce qu'elles sont parmi les plus importants créanciers de la Grèce. Leur exposition totale à ce pays s'élevait fin 2010 à 162
milliards d'euros, selon les chiffres de la Banque des règlements internationaux. Sur ce montant, la dette souveraine
représentait 52 milliards, les banques françaises et allemandes en portant l'essentiel, respectivement 15 et 22 milliards.
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Les banques françaises s'étaient engagées l'an dernier auprès du gouvernement français à conserver à échéance leurs titres
souverains grecs. Du coup, leur portefeuille diminue mais lentement. Cette situation a donc conduit mercredi l'agence
Moody's à annoncer une possible dégradation de leur notation, pour mieux prendre en compte cette exposition grecque, dans
l'éventualité d'une restructuration de la dette du pays. L'agence de notation a bien précisé que les banques françaises figurent
parmi « les mieux notées en Europe » et que, « même si une dégradation devait avoir lieu, elles resteraient parmi les
établissements les plus solides », selon Nick Hill, responsable de l'équipe institutions financières France et Benelux de
Moody's. Un abaissement de note leur coûterait quelques points de base supplémentaires pour se refinancer, mais elles sont
pour l'heure à l'aise sur leur programme de refinancement de l'année.
Quant aux banques allemandes et à leurs filiales étrangères, leurs engagements vis-à-vis des débiteurs grecs se montaient à
fin mars 2011 à 25,2 milliards, selon les dernières statistiques de la Bundesbank. La majeure partie de l'engagement concerne
le secteur public (18,3 milliards d'euros). L'établissement public KfW détient à lui seul 8,4 milliards d'euros de créances
grecques, le reste du secteur se désengage lentement et 3,3 milliards d'euros ont été transférés par WestLB et Hypo Real
Estate dans des « bad banks ».
Au pire, la plupart des banques estime globalement gérable un « haircut » (décote) de 30 % de la dette grecque. BNP Paribas
l'évalue ainsi à 1,2 milliard d'euros, soit moins de la moitié de ses bénéfices trimestriels.
3. Quels risques financiers pour la Banque centrale européenne ?
Dans le pire scénario, celui d'un défaut grec, la BCE risque d'enregistrer des dizaines de milliards d'euros de pertes.
Elle peut faire face.
En cas de défaut de la Grèce, ce n'est pas tant l'exposition de la Banque centrale européenne (BCE) qui importe que celle des
17 banques centrales de la zone euro, ce qu'on appelle « l'Eurosystème ». L'histoire le prouve : après la chute de Lehman
Brothers, 5 établissements financiers se sont trouvés en défaut vis-à-vis de l'Eurosystème et les pertes ont été partagées entre
toutes les banques centrales nationales en fonction de leur part au capital de la BCE.
D'après une étude de JP Morgan datant de mai 2011, « avec 81 milliards de capital et de réserves, l'Eurosystème a les
moyens de faire face à une décote de la dette grecque, même de 50 % (de la valeur nominale, NDLR) ». Dans ce scénario très
défavorable, les pertes pour l'Eurosystème s'élèveraient à 35 milliards d'euros, d'après les estimations de la banque d'affaires.
Tant que l'éventuelle décote ne dépasse pas 30 %, il n'y aurait pas de pertes.
Selon JP Morgan, l'Eurosystème aurait « prêté » plus de 130 milliards d'euros à la Grèce : dans le cadre du programme
d'achats lancé en mai 2010, la BCE aurait acquis 40 milliards d'euros de titres grecs et elle aurait fourni (à fin février) 90
milliards d'euros de liquidités à des établissements grecs en échange d'obligations helléniques. C'est sur ces montants que les
pertes seront calculées en cas de restructuration.
Si une restructuration entraînant des pertes se produisait, une recapitalisation de la BCE serait sans doute nécessaire. « Au
final, ce serait de toute façon aux contribuables de payer l'addition », souligne Open Europe, un cercle de réflexion
britannique. Le « think tank » estime d'ailleurs qu'il n'y a pas de mode d'emploi clair pour ce genre de situation. « Et si on ne
passe pas par une recapitalisation, la BCE sera obligée de faire tourner la planche à billets pour couvrir les pertes »,
poursuivent Raoul Ruparel et Mats Persson, d'Open Europe. « Cela causera une poussée d'inflation, ce qui est inacceptable
par l'Allemagne et les autres. » La Banque centrale européenne y perdrait surtout beaucoup de sa crédibilité, ce qui peut
durablement l'affaiblir.
4. Le contribuable français devra-t-il payer ?
Paris a déjà prêté 9 milliards à Athènes. Un rééchelonnement ne changerait rien, à la différence d'une
restructuration.
Pour l'heure, l'impact de la crise grecque sur les finances publiques françaises est faible. A court terme, l'Etat encaisse même
une marge sur les prêts accordés (la France emprunte à des taux inférieurs à ceux imposés à la Grèce), comme ce fut le cas
avec les banques ou les constructeurs automobiles. Les gains devraient représenter plus de 300 millions d'euros d'intérêts en
2011 (ils ont atteint 69 millions au premier trimestre). Mais tout pourrait changer en cas de restructuration de la dette. Et là,
l'exposition de la France serait importante, comme du reste celle des autres Etats membres, même si en théorie ce sont
d'abord les dettes privées qui seraient concernées (les prêts des Etats sont des prêts « seniors »).
A ce stade, Paris a décaissé 8,9 milliards d'euros de prêts bilatéraux (4,4 milliards en 2010, 4,5 milliards depuis le 1er
janvier), sur le premier plan d'aide décidé au printemps 2010, pour lequel la participation hexagonale représente 16,8
milliards d'euros sur trois ans. A mesure qu'ils sont décaissés, ces prêts augmentent la dette et les émissions obligataires, ainsi
que le déficit budgétaire. Mais pas le déficit public au sens de Maastricht, puisqu'il y a une créance en face.
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Il en irait différemment si le montant de cette créance était revu en baisse (« haircut »). En revanche, le rééchelonnement des
remboursements ou le renouvellement des prêts, à parité, ne changerait rien. « Rallonger les échéances tout en acceptant des
taux d'intérêt assez faibles pourrait être intéressant pour les Etats, qui dégagent aujourd'hui une marge », souligne Dominique
Barbet (BNP Paribas).
La France est aussi engagée dans le cadre du Fonds européen de stabilité financière par un apport de garantie qui représente
110 milliards d'euros et qui doit être porté à 159 milliards dans le collectif budgétaire examiné au Parlement. Il n'y a cette
fois pas d'impact à court terme sur le déficit, ni sur le programme d'émission de dettes (c'est le FESF qui émet). La garantie
viendra néanmoins accroître la dette brute à mesure des émissions du FESF. Surtout, là encore, si un Etat auquel le fonds
apporte son secours venait à faire défaut (pas seulement la Grèce), il y aurait appel à cette garantie et impact sur le déficit. La
France doit enfin contribuer, à compter de 2013, à hauteur de 16 milliards en apport en capital au Mécanisme européen de
stabilité, le futur fonds d'aide permanent.
5. Qui sont les principaux pays exposés ?
Les principales économies mondiales ne devraient pas négliger le risque d'une banqueroute grecque tant elles sont
engagées dans ce pays.
Quelque 350 milliards d'euros de dette publique ; 110 milliards d'aide internationale sur trois ans octroyée il y a treize mois.
Le tout pour un PIB en 2010 de l'ordre de 230 milliards. Ces trois montants sont connus. Ceux qui le sont moins sont les
chiffres de l'exposition des principaux pays à l'économie grecque dans son ensemble. Se fondant sur les données collectées
par Barclays Capital sur l'engagement des banques étrangères en Grèce, on apprend qu'à la fin 2010 les prêts publics et privés
consentis ou promis par les dix principaux pays créanciers d'Athènes dépassait les 200 milliards d'euros. En excluant les prêts
bancaires de ces dix pays au secteur privé non financier, l'exposition ressort à plus de 160 milliards d'euros.
La France est en tête avec 62 milliards (35 milliards sans les crédits au secteur privé non financier). L'Allemagne suit avec
respectivement 50 et 44 milliards. Les Etats-Unis arrivent en troisième position avec 34 et 31 milliards d'euros. Viennent
ensuite l'Italie (19 et 18 milliards), le Royaume-Uni (14,6 et 9 milliards) et l'Espagne (11 et 10,5 milliards). Loin derrière, on
trouve les Pays-Bas et la Belgique avec des expositions cumulées dépassant chacune les 4 milliards. En queue, la Suisse (3,5
ou 2,3 milliards d'euros).
6. Restructuration de la dette : de quoi parle-t-on ?
Faire porter une part du fardeau aux investisseurs comporte des risques. Plusieurs idées sont débattues, aucune
solution idéale n'existe.
. Rouler la dette (« rollover ») ou « initiative de Vienne » .
Les créanciers privés réinvestissent volontairement dans des obligations grecques lorsque celles qu'ils détiennent arrivent à
maturité (ils obtiennent donc le remboursement). Le problème, c'est que cela renforce le caractère insoutenable de la dette. Il
faut dès lors que le pays se réendette à des taux moins punitifs. Mais alors, qui voudra acheter ses titres ? Des incitations
seront sans doute nécessaires, ce qui pose le problème de la sanction des agences de notation. Elles ne tolèrent pas que les
créanciers qui ne participent pas soient lésés, ni qu'on force les investisseurs à maintenir leur exposition.
. Echanger la dette en allongeant la maturité.
Les investisseurs cèdent certaines de leurs obligations contre de nouvelles ayant une maturité plus longue (mais en gardant
sans doute le même coupon). On ne passe pas formellement par la case « remboursement ». Les investisseurs y perdent, car
les nouvelles conditions sont à l'avantage de la Grèce. C'est assimilé à une forme de restructuration.
Rouler la dette tout en allongeant la maturité.
Il y a remboursement des obligations qui arrivent à maturité et réinvestissement dans de nouvelles obligations d'une durée de
vie plus longue. Ce schéma semble ne pas déclencher les « credit default swaps » (CDS) car il y a remboursement. Mais les
agences auront toujours autant de raisons de sévir.
7. Quelles menaces de contagion en cas de défaut ?
Si le rééchelonnement de la dette grecque est si problématique, c'est qu'il risque de déclencher des conséquences
dramatiques en rafale.
Depuis des semaines, la Banque centrale européenne (BCE) et de nombreux dirigeants européens ont mise en garde contre
un « effet Lehman Brothers » si la crise grecque s'aggravait. De même que le système financier américain s'est effondré après
la faillite de la banque américaine, en septembre 2008, provoquant peu à peu une crise de liquidité dans le monde entier, une
mise en défaut de la dette grecque risquerait de déclencher une crise de confiance dans la zone euro dont personne n'est
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capable de mesurer l'ampleur. La mise en défaut de la dette grecque par les agences de notation aurait pour effet premier de
priver, en partie, les banques du financement de la BCE, qui n'accepterait plus les obligations restructurées en garantie de ses
prêts. Cela provoquerait sans doute la faillite d'une bonne partie des banques grecques. La mise sous surveillance mercredi
par Moody's des trois principales banques françaises cotées donne une idée des pertes que les banques européennes
pourraient essuyer.
Le défaut grec risque aussi de susciter un mouvement de panique sur les autres pays fortement endettés, Portugal, Irlande,
Italie, Belgique, déclenchant de nouvelles dégradations des agences et une dangereuse spirale négative. Enfin, un défaut grec
pourrait provoquer le paiement des CDS (« credit defaut swaps »), ces assurances contre la défaillance de la Grèce, mettant
en danger les émetteurs de ces produits, des banques pour l'essentiel.
8. Quelles pistes privilégient la France, l'Allemagne et l'UE
Prêts à bâtir un nouveau plan d'aide pour la Grèce, les ministres des Finances européens sont d'accord sur la nécessité d'une
participation volontaire des créanciers privés.
. Le « clan allemand »
Wolfgang Schäuble, ministre des Finances d'Allemagne, a répété sa volonté d'un plan d'aide, qui implique une participation
du secteur privé « substantielle, quantifiable et volontaire ». L'Allemagne souhaite en outre que les détenteurs d'obligations
privées grecques qui arrivent à échéance entre 2011 et 2014, lesquelles correspondent à un montant de 85 milliards d'euros,
acceptent de les échanger contre des titres d'une maturité assez longue pour donner à la Grèce « le temps de se redresser ».
Wolfgang Schäuble a évoqué une durée de 7 ans, mais seulement à titre d' « exemple ». L'objectif serait de faire contribuer le
secteur privé à hauteur de 30 milliards d'euros. Berlin est soutenu par les pays du Nord (Pays-Bas, Finlande, Autriche,
Luxembourg) ainsi que par l'Irlande, la Slovaquie et la Slovénie. Selon Patrick Artus, chef économiste chez Natixis, les
banques allemandes ne détiennent plus que 10 milliards d'euros d'obligations d'Etat grecques, contre 25 en début d'année. Ils
auraient réduit leur exposition en apportant ces titres à la BCE. Les banques françaises, en revanche, n'auraient pas allégé
leurs positions qui restent à hauteur de 14 milliards d'euros.
. La BCE
L'institution de Francfort rejette toute solution qui pourrait aboutir à un quelconque accident de crédit, défaut total ou sélectif
de paiement de la dette souveraine grecque. Son président, Jean-Claude Trichet, et son successeur désigné Mario Draghi, ont
averti des risques de tout appel au secteur privé qui pourrait ressembler de près ou de loin à un rééchelonnement. JeanClaude Trichet a aussi prévenu que la BCE ne pourra accepter d'obligations grecques classées en défaut, en garantie de ses
apports de liquidités aux banques de la zone euro, et notamment au système bancaire grec. Pour autant, la participation privée
peut s'envisager si elle est « complètement volontaire », souligne Jürgen Stark. Jens Weidmann, l'ancien conseiller d'Angela
Merkel nommé en février à la tête de la Bundesbank, fait entendre une voix quelque peu différente de celle de Jean-Claude
Trichet en affirmant qu'« aucun argument ne plaide contre une extension volontaire des échéances ».
. Le « clan français »
Paris penche vers la position de la BCE, comme l'a souligné hier François Baroin, ministre du Budget. Au Trésor, les juristes
sont mobilisés pour éviter qu'un accident de crédit soit déclaré par l'Isda, l'association internationale des acteurs des marchés
de gré à gré. « Au pire, seul un défaut sélectif est envisageable à la condition qu'il ne débouche pas sur un accident de crédit
», résume-t-on. Le défaut sélectif implique qu'on n'honore pas les engagements sur une catégorie spécifique ou une maturité
donnée de la dette souveraine. L'Italie, l'Espagne et, bien sûr, la Grèce, sont de son côté.
. La Commission européenne
Bruxelles travaille depuis quelque temps sur une « initiative de Vienne » qui impliquerait volontairement les banques dans un
échange de titres de la dette grecque. La Commission juge que la solution allemande pourrait éviter la mise en place d'un
nouveau plan d'aide si l'échange de titres portait sur la totalité de la dette grecque détenue par les investisseurs privés.
Problème : cela mettrait en péril la solvabilité des banques grecques. Bruxelles cherche actuellement la bonne formule du
volontariat. Le camp allemand est prêt à prendre le maximum de risques, quitte à déplaire aux marchés financiers. Les autres
réclament la plus grande prudence, derrière la BCE. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel doivent en discuter ce vendredi avant
la réunion des ministres des Finances du 20 juin.
Anne Bauer (à Bruxelles) et Massimo Prandi Les Echos 28/08/2011
9. 2008,
2011 : ressemblances et dissemblances des crises
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Si les tensions interbancaires sont bien moindres, les Etats ont aussi nettement moins de capacités pour intervenir
Des marchés boursiers au bord du krach, irrationnels, guidés par la peur et les rumeurs les plus insensées... Ces dernières
semaines, à Paris, Londres et New York, les opérateurs ont eu un étrange sentiment de « déjà-vu ». L'Europe et les Etats-Unis
sont-ils en train de vivre une redite de la crise de 2008 ?
La tempête financière qui avait suivi la faillite de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers reste dans les esprits. Mais si
les similitudes sont troublantes, la situation et les réponses sont, de l'avis des experts, bien différentes.
Une perte de confiance Comme en 2008, les turbulences financières de cet été sont nées d'une certitude ébranlée. Il y a trois ans,
personne n'imaginait qu'une banque puisse faire faillite. Mais à partir de l'été 2007, la dangerosité des crédits hypothécaires
américains - les subprimes - nichés dans les bilans des établissements bancaires du monde entier, avait commencé à faire redouter
le pire.
Aujourd'hui, les investisseurs se mettent à douter des Etats. Pas moins. Le surendettement des pays de la zone euro fait en effet
craindre un défaut souverain. Cette peur auto-entretenue provoque de grands désordres sur le marché des emprunts publics. Les
taux de ces dettes s'envolent et deviennent vite ingérables.
En Bourse, cet environnement anxiogène contribue, comme en 2008, à rendre inaudibles les bonnes nouvelles comme les
démentis de fausses rumeurs. Depuis le 1er juillet, l'indice CAC 40 a cédé 19,8 %, malgré un gain de 4,02 % vendredi 12 août à
la suite de la suspension temporaire de la vente à découvert (short selling) sur les valeurs financières en France, en Italie, en
Espagne et en Belgique.
La grande peur des marchés se cristallise aussi sur la capacité des Etats-Unis à continuer à jouer leur rôle de leader mondial.
Pourront-ils faire redémarrer leur économie comme les investisseurs l'espéraient ? La perte de leur note de crédit AAA par
l'agence Standard & Poor's, le 5 août, a créé un choc et amplifié les craintes, sans toutefois donner lieu à un séisme comparable à
la chute de Lehman Brothers.
Un secteur bancaire dans la tourmente Actions qui plongent en Bourse, craintes de faillite... Les banques inquiètent à nouveau.
Comme en 2008, les interrogations sur leur capacité à faire face à des chocs importants et à prendre en compte le risque réel se
posent. La défiance s'installe et les établissements n'osent plus se prêter entre eux...
Aux yeux de la plupart des observateurs, ce schéma n'est pas sans rappeler la période « post-Lehman ». A une nuance près : les
subprimes d'alors ont désormais été « remplacés » par des crédits souverains européens qui ne revêtent pas la même toxicité.
En outre, les niveaux de tension observés sur le marché interbancaire - celui où les banques se prêtent entre elles - sont bien
moindres. D'autant que la Banque centrale européenne (BCE) a lancé un programme de prêts illimités à l'attention des
établissements bancaires qui rend quasiment impossible un blocage total.
Mais, tout comme en 2008, les marchés remettent en question la capitalisation des banques. Détiennent-elles assez de fonds
propres pour faire face à d'importantes pertes ? Même si un vaste mouvement de recapitalisation a été lancé à travers l'Europe, «
les marchés n'ont pas l'air de le juger suffisant », note Gilles Moëc, économiste chez Deutsche Bank. Notamment en France, et
surtout dans le nouvel environnement réglementaire, plus exigeant en capital.
La question du surendettement Aujourd'hui comme hier, la dette est le problème numéro un. Mais en 2008, le surendettement
minait la sphère privée. Les ménages, les entreprises, les fonds d'investissement et les banques d'affaires avaient usé et abusé du
crédit pas cher. Les créances de faible qualité s'étaient ainsi développées et répandues dans tout le système financier international
via le mécanisme de titrisation. Cette méthode permettait de transformer un crédit en un produit financier à l'exemple des
subprimes. A l'origine, ces crédits immobiliers subprimes représentaient l'équivalent de 1 200 milliards de dollars (850 milliards
d'euros), mais en fait bien plus par le biais de la titrisation.
Pour débarrasser le secteur privé de ses mauvaises dettes, on a alors surendetté... le secteur public. « C'était la seule chose à faire
mais on a déplacé le problème », commente Jean-Paul Pollin, professeur à l'université d'Orléans.
A fin 2010, l'endettement public des pays développés représentait 92 % de leur produit intérieur brut (PIB), contre 78 % avant la
crise, explique-t-il. Aujourd'hui il faut désendetter les Etats mais sans la croissance, l'équation est difficile à résoudre.
Des autorités réactives mais... Le 8 octobre 2008, après le choc de la faillite de Lehman Brothers, sept banques centrales dont la
Réserve fédérale américaine (Fed) et la BCE s'étaient unies face à la crise, en réduisant de concert le coût de l'argent pour relancer
la machine économique. Dans la foulée un G7 avait été organisé en urgence. Il fut suivi d'une kyrielle de G20 et de plans massifs
de sauvetage du secteur financier en Europe et aux Etats-Unis. Et pour redresser l'économie des plans de relance comparables au
New Deal de Franklin Roosevelt de 1933 furent également déployés.
En 2011, les discours des autorités monétaires et politiques sont restés sur la même ligne : la mobilisation extrême. Mais les
actions, pourtant innovantes, semblent plus laborieuses. En Europe le Fonds de stabilité financière (FESF) lancé en 201 0
représentait un espoir. Mais les dissensions entre les capitales freinent l'extension de ses outils et toute solution pérenne, capable
de rassurer les marchés sur la solidité de la zone euro. Quant aux Etats-Unis, le blocage politique complique aussi la tâche : entre
keynésianisme et rigueur, démocrates et républicains s'opposent sur les remèdes à adopter.
Enfin, et surtout, de part et d'autre de l'Atlantique, les autorités monétaires et politiques ont épuisé leurs cartouches. Les taux
d'intérêts directeurs sont au plus bas et les caisses des Etats sont vides. « La grande différence avec 2008, c'est qu'il n'y a plus de
marge de manoeuvre », conclut Philippe Waechter, économiste chez Natixis AM.
Cécile de Corbière et Claire Gatinois
Le Monde 14.08.11
10. Crise de la dette : le président de la BCE appelle les Etats à prendre leurs responsabilités
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Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, estime dans un entretien publié jeudi par le
Financial Times que son institution ne peut résoudre la crise de la dette publique dans la zone euro à la place des Etats.
"La BCE a fait tout ce qu'elle pouvait pour être à la hauteur de ses responsabilités dans des circonstances
extraordinaires", déclare M. Trichet au journal.
"La garantie ultime, bien sûr, ce sont les Etats. Si l'on fait quoi que ce soit pour décharger les Etats de leur
responsabilité, alors on court à l'échec", ajoute-t-il dans cet entretien.
Estimant que le temps est compté, M. Trichet a appelé mardi les gouvernements européens à "prendre des décisions
claires au regard de la gravité de la situation" dans la zone euro. "Depuis trois semaines, les choses se sont
détériorées, la crise est devenue systémique", a ajouté M. Trichet, pour qui, sans retour à une "crédibilité de la
signature souveraine", c'est-à-dire à la capacité des Etats à rassurer sur leur aptitude à rembourser leurs emprunts, "il
n'y a pas de filet de sécurité à la crise".
La Slovaquie a approuvé jeudi le renforcement du Fonds européen de stabilité financière (FESF), permettant ainsi
l'entrée en vigueur de cet instrument approuvé par les seize autres Etats de la zone euro. Doté de 440 milliards d'euros,
ce fonds de secours doit, aux yeux de M. Trichet, être utilisé en dernier recours. Pour lui, c'est en effet d'abord aux
banques d'agir d'elles-mêmes, puis à leurs gouvernements. S'il souhaite que le FESF soit mieux doté et plus flexible, M.
Trichet a exclu a plusieurs reprises que la BCE contribue à son renforcement. "Nous considérons que les
gouvernements ont toute capacité de le démultiplier", avait-il dit mardi.
Les ministres des finances et les présidents des banques centrales des pays riches rassemblés au sein du Groupe de
Vingt (G20) doivent se retrouver vendredi et samedi à Paris. Cette réunion doit précéder un Conseil européen prévu
pour le 23 octobre et destiné à augmenter la puissance de feu du FESF et à poser les jalons d'une recapitalisation de
banques européennes afin de leur permettre d'effacer une part plus importante que prévu de la dette grecque.
11. Crise de l'euro : un nouveau bricolage à l'horizon
Cela s'appelle jouer à se faire peur. Une fois de plus, les dirigeants européens – mais que dirigent-ils vraiment ? – doivent se
retrouver ce jeudi pour un sommet dit de crise ou de la dernière chance, c'est selon, afin d'éviter une crise de l'euro.
Autrement dit : un défaut de paiement de la Grèce, qui conduirait inéluctablement à l'éclatement de la zone euro, ce dont
personne, ni les gouvernants, ni les banques, ni les « marchés » ne veut.
A l'automne 2008 (subprimes, Lehman Brothers…) et pour éviter le pire disait-on, la plupart des Etats ont renfloué les banques
qui avaient en portefeuille des créances « pourries ».
Les banques financent des déficits créés à cause d'elles
Pour faire face aux menaces de récession généralisée, ces mêmes Etats ont soutenu la croissance à coups de déficit budgétaire.
Le keynésianisme – la célébration de la dépense publique pour relancer l'économie – est redevenu à la mode.
Cela n'a eu qu'un temps. Les banques sont redevenues… des banques, leurs profits – et les rémunérations farfelues de leurs
dirigeants et autres traders – sont réapparues comme par magie. « Business as usual » (« les affaires reprennent »), a-t-on
commenté sobrement.
Mais c'était loin d'être la fin de l'histoire. Ce sont ces mêmes banques qui, sorties de l'ornière, sont maintenant appelées – sans
grand succès jusque là – à combler les déficits publics que leurs vicissitudes passées ont engendré.
Soyons juste, les déficits budgétaires grec, portugais, espagnol, italien, voire français ne tiennent pas uniquement aux politiques
de relance de 2008-2009. Mais sans l'impéritie passée de la sphère financière on n'en serait évidemment pas là.
Une dette à rembourser alors que la croissance est en berne
Cela dit, prenons garde, les banques, et les détenteurs de capitaux qu'elles représentent, ne font pas du bénévolat. Si elles
acceptent de prêter aux Etats endettés, il faut d'abord des garanties (d'où le rôle des agences de notation et des plans d'austérité
draconiens imposés) et il faut également une rémunération, d'où les taux d'intérêt qu'elles perçoivent sur les prêts.
Ces mêmes banques peuvent, dans la zone euro, se refinancer auprès de la banque centrale européenne à des taux d'intérêt bien
inférieurs à ceux qu'elles consentent à des Etats comme la Grèce ou le Portugal.
Par un mécanisme bizarroïde de cessions de créances sur les pays endettés, les fonds spéculatifs, ces « hedge funds » tant
décriés voici trois ans, peuvent empocher des profits considérables.
Et pourtant, certains Etats européens, membres de la zone euro, les plus fragiles, doivent emprunter pour pouvoir faire face à
leurs dépenses publiques courantes.
L'ennui c'est qu'ils doivent également faire face au remboursement des prêts consentis antérieurement, et cet ennui est d'autant
plus ennuyeux que, sous la contrainte des plans d'austérité dictés par le FMI et la Communauté européenne, leur croissance est
en panne quasiment sèche, ce qui réduit leurs rentrées fiscales et aggrave en définitive leurs déficits. Un mécanisme infernal !
Un sommet européen à ambitions limitées
Que vont décider ce jeudi Sarkozy, Merkel et consorts ? Le plus probable est que les chefs d'Etat et de gouvernements
européens limitent leurs ambitions à complaire une fois de plus aux marchés financiers. En inventant une nouvelle formule
alambiquée d'aide à la Grèce qui ne coûte pas grand chose de plus, mais qui évite un défaut de paiement formel.
Donc, on va remettre au pot quelques milliards d'euros, suffisamment pour éviter la panique, mais pas trop pour ne pas irriter
l'électeur du Bade-Wurtemberg et on obtiendra des banques, notamment françaises et allemandes qui détiennent d'importantes
créances sur la Grèce, qu'elles contribuent un peu au renflouement de ce pays.
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Les marchés vont probablement s'en satisfaire… provisoirement. Les cotations boursières vont connaître une embellie de 24 ou
48 heures. Et puis Moody's, Standard and Poor's ou Fitch, ces désormais célèbres autant que perverses agences de notation,
vont recommencer leur petit jeu en dégradant qui la note de la Grèce, qui celle du Portugal…
Ainsi va l'Europe, les gouvernants se livrent périodiquement, et chaque fois à retardement, à la danse du ventre pour séduire et
rassurer ces fameux marchés dont la seule règle est d'en vouloir toujours plus, autrement dit d'accroître leurs profits en prêtant
aux Etats endettés à des taux en hausse perpétuelle.
Aucune raison sérieuse que ce petit jeu s'arrête. Du moins tant que les gouvernants européens continueront de bricoler en
ménageant leurs égoïsme nationaux.
Sans volonté de vraiment réguler la planète financière, sans vision stratégique à moyen terme, en oubliant le bien-être de leurs
peuples au bord de l'indignation et l'impératif démocratique… Comme un chien crevé au fil de l'eau.
Rue89 Par Sylvain Gouz 17/07/2011
12. Les Vingt-Sept s'accordent sur la réforme du Pacte de stabilité
BRUXELLES (Reuters) - Les Etats membres de l'UE se sont entendus mardi sur la réforme du Pacte de stabilité et de croissance,
qui contrôlera de manière plus étroite l'évolution de la dette et dont les sanctions seront plus automatiques mais aussi soumises à
un contrôle politique plus fort.
L'accord trouvé à 27 devra désormais être négocié avec le Parlement européen, qui co-décide sur ce dossier et dont la position ne
sera arrêtée que courant avril. Un accord final est attendu pour le mois de juin.
Parmi les principales caractéristiques du texte agréé par les Etats membres, qui sera inclus à la réponse "globale" à la crise
préparée en vue du sommet européen des 24 et 25 mars, figurent notamment :
- UNE SURVEILLANCE DES DÉPENSES
Afin d'encourager à la réalisation des Objectifs de moyens terme (OMT), une valeur de référence en matière de dépenses sera
introduite et la hausse des dépenses annuelles ne pourra pas excéder la hausse du PIB à moyen terme. Ceci doit notamment servir
à ce que des revenus extraordinaires soient alloués à la réduction de la dette et non à des dépenses supplémentaires.
Une déviation significative par rapport à la valeur de référence pourrait conduire à des sanctions.
- UNE ATTENTION ACCRUE PORTÉE À LA DETTE
Le critère d'une dette publique n'excédant pas 60% du PIB, déjà présent dans le Pacte de stabilité et de croissance, sera surveillé
de manière beaucoup plus étroite.
Les Etats membres devront prendre des mesures de correction si cette dette est excédentaire et ce même si leur déficit est en
dessous de la limite de 3% du PIB fixée par le Pacte.
Par ailleurs, cette dette devra être réduite à un rythme annuel de 5% sur trois années glissantes.
La décision sur des sanctions en la matière se basera sur d'autres "facteurs pertinents", comme les éventuelles conséquences
pour la dette publique de dettes privées trop importantes, les coûts du vieillissement d'un pays ou encore le coût de mise en
oeuvre d'une réforme des retraites.
- DES SANCTIONS FINANCIÈRES PLUS LOURDES
Un nouveau régime de sanctions financières sera introduit pour les Etats membres de la zone euro. Ces sanctions interviendront
plus tôt dans la procédure de déficit excessif et s'appliqueront de manière graduelle.
Un dépôt financier non rémunéré de 0,2% du PIB pourra être imposé à un Etat membre, suivi d'une amende si des mesures de
correction ne sont pas mises en place.
- DES SANCTIONS PLUS AUTOMATIQUES
Le déclenchement des sanctions sera plus automatique que dans le Pacte actuel. Une règle de la majorité inversée sera
introduite impliquant qu'un Etat souhaitant éviter une procédure de déficit excessif proposée par la Commission européenne
devra réunir une majorité qualifiée à cet effet.
- UNE COORDINATION RENFORCÉE
Les Etats membres s'engagent également à renforcer leur coordination budgétaire, notamment via une planification budgétaire
multi-annuelle.
Les pratiques en matière de comptabilité publique de statistiques et de prévisions devront être en conformité avec les standards
européens.
- UNE SURVEILLANCE MACRO-ÉCONOMIQUE RENFORCÉE
En parallèle du nouveau cadre budgétaire, les Etats membres souhaitent mettre en oeuvre un nouveau mécanisme de prévention
et de correction des déséquilibres macro-économiques, via l'instauration d'une "procédure de déséquilibre excessif".
Un Etat membre pourrait se voir imposer des sanctions si des déséquilibres sont constatés et qu'il ne tient pas compte de
manière répétée de recommandations qui lui sont faites.
Une amende annuelle de 0,1% du PIB, adoptée avec la règle de la majorité inversée pourrait être décidée.
Un tableau de bord des déséquilibres macro-économiques sera également installé avec un mécanisme de détection précoce.
- AMENDES TRANSFÉRÉES AU FESF ET MES
Les Etats membres se sont enfin mis d'accord pour que les amendes collectées dans le cadre des procédures de déficit ou de
déséquilibre excessif soient abondées au Fonds européen de stabilité financière (FESF) ou à son successeur à partir de 2013, le
Mécanisme européen de stabilité financière (MES)
Julien Toyer,
le 15-03-11 Nouvel Observateur
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13. Les Vingt-Sept mettent la Grèce à l'abri cet été et planchent sur une nouvelle aide
En donnant leur feu vert au versement d'un nouveau prêt en juillet, les pays européens sauvent la Grèce momentanément de
la faillite. Mais, à long terme, rien n'est encore joué.
Samedi soir, les ministres des Finances de la zone euro ont donné leur feu vert au versement d'une nouvelle tranche d'aide à
la Grèce, tout en la félicitant d'avoir adopté un sévère plan d'austérité pour les quatre années à venir. « Les ministres ont noté
avec satisfaction l'adoption par le Parlement grec de lois clefs en matière de stratégie fiscale et de privatisations »,
déclarent-ils dans un communiqué. Les pays de la zone euro promettent de débourser 8,7 milliards d'euros avant le 15 juillet
après l'approbation du conseil d'administration du FMI - le premier dirigé par Christine Lagarde, qui prend ses fonctions
aujourd'hui -qui doit verser de son côté 3,3 milliards. Au total, ce sont donc 12 milliards d'euros que touchera Athènes, ce qui
correspond à la cinquième tranche de l'aide de 110 milliards d'euros sur trois ans décidée en mai 2010.
Une fois de plus, l'Europe gagne du temps et souhaite profiter de ce répit rudement négocié côté grec pour mettre sur pied un
second plan d'aide de quelque 120 milliards d'euros, afin de consolider la situation financière du pays jusqu'en 2015 et audelà. Mais cette fois-ci en coordonnant l'action des créanciers publics et privés, afin de réduire les besoins de financement
annuel du pays et de construire un schéma de soutien solide et de long terme. Les consultations avec le secteur privé
s'accélèrent : vendredi, l'Institut de la finance internationale (IIF), lobby de quelque 400 banques mondiales, s'est déclaré prêt
à s'engager dans un effort « volontaire, coopératif, transparent et large ».
La France a mis sur la table un schéma de refinancement à trente ans, inspiré des techniques de refinancement des pays
d'Amérique latine dans les années 1980. L'Allemagne, de son côté, a annoncé que ses banques seraient prêtes à rouler leur
dette sur un montant de 3,2 milliards d'euros, mais les négociations restent très complexes, si bien que hier, l'entourage des
ministres estimait que le deuxième plan de soutien ne pourra pas être finalisé le 11 juillet prochain lors de la prochaine
réunion programmée des ministres européens des Finances. Selon le nouveau ministre grec des Finances, Evangelos
Venizélos, les modalités exactes de la participation du secteur privé seront arrêtées « au cours des prochaines semaines »
avant la mi-septembre, date à laquelle la sixième tranche du premier plan d'aide de 8 milliards d'euros doit être versée. Un
calendrier partagé par son collègue allemand, Wolfgang Schäuble.
Les autorités de la zone euro espèrent que ces initiatives du secteur privé permettront de dégager entre 30 et 45 milliards
d'euros, qui viendront s'ajouter à de nouveaux prêts de l'Union européenne et du FMI pour un montant estimé à 55 milliards
d'euros et à environ 25 milliards d'euros que la Grèce espère tirer d'ici à 2014 d'un vaste programme de privatisation. En
ajoutant à cela une enveloppe de 45 milliards d'euros encore non déboursée dans le cadre du premier plan de 110 milliards
décidé en mai 2010, le nouveau plan de soutien devrait ainsi s'établir à une somme comprise entre 155 et 170 milliards
d'euros.
Reste à trouver la voie qui soit à la fois intéressante pour les banques mais pas trop coûteuse pour la Grèce. Le schéma
français, qui propose aux détenteurs d'obligations grecques arrivées à échéance avant la fin 2014, de les transformer à 70 %
par de nouveaux prêts à trente ans, est certes astucieux mais fort coûteux. Principales intéressées, les banques grecques
réclament le temps de faire tourner leurs ordinateurs et de comparer les diverses solutions possibles, en incluant aussi le
rachat d'obligations par le pays avec une décote.
Anne Bauer
Les Echos 4/07/2011
14. Dette et croissance : la quadrature du cercle
On ne reprochera pas aux ministres des finances du groupe des sept vieilles puissances industrielles (le G7), réunis le
week-end dernier à Marseille, d'avoir été francs : ils ne comprennent pas les marchés. Ils ne s'expliquent pas les
paniques qui saisissent les investisseurs et les conduisent, en dehors de toute rationalité, à faire plonger les Bourses.
La question sera pourtant à nouveau au cœur des réflexions de l'Ecofin, l'assemblée des 27 grands argentiers européens,
vendredi 16 septembre en Pologne, à laquelle participera Timothy Geithner, le secrétaire américain au Trésor.
Quel discours pourrait bien redonner un minimum de confiance aux agents économiques - investisseurs et
consommateurs ? Quel est le cocktail de politique conjoncturelle de nature à nous éviter de retomber dans la récession
? Personne ne semble avoir de joker dans la manche.
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Le moral quelque peu en berne en cette rentrée déprimante, on se consolera en disant du mal des professionnels. Ceux
qui devraient nous éclairer, les économistes, ne nous aident guère.
Il y a quelques mois, la priorité était à l'austérité budgétaire. Ce qui plombe la croissance, nous disaient les
économistes, c'est la dette. La montagne de dettes souveraines accumulées au Nord (Etats-Unis et Europe, pour ne pas
parler du Japon), voilà l'ennemi.
D'où les programmes draconiens d'assainissement des finances publiques adoptés de part et d'autre de l'Atlantique. A
juste titre. Car, dans bien des cas, le coût du financement de ces dettes publiques était en passe d'étouffer les économies
concernées.
Mais la majorité des économistes - les néo-keynésiens comme les libéraux les plus orthodoxes - tient aujourd'hui un
autre discours : on est allé trop loin dans l'austérité. Face aux pressions récessionnistes, il faut faire de la relance.
Les taux d'intérêt étant déjà très bas, l'arme monétaire est passablement émoussée. Reste la dépense publique. Mais là,
comme devant la mort ou la maladie, nous ne sommes pas à égalité : les Etats-Unis ont des marges que l'Europe n'a
pas.
Pour lancer un programme de soutien à l'emploi, comme vient de le faire Barack Obama, l'Etat fédéral peut emprunter
à bon prix. La confiance dans le dollar est telle qu'il place ses bons du Trésor plus facilement que jamais - moins de 2
% de taux d'intérêt sur des obligations publiques à 10 ans.
Tout se passe comme si les marchés se fichaient éperdument de la dégradation cet été de la note de la dette américaine.
Banques centrales et investisseurs privés veulent du dollar. C'est peut-être irrationnel, injuste, mais c'est ainsi.
En Europe, seul le Trésor allemand emprunte à si bon compte. Ailleurs, le poids de la dette rend l'emprunt onéreux,
donc l'investissement public hors de prix. C'est notamment le cas en France : ne peut être keynésien qui veut...
Pourtant, l'Ecofin devra s'efforcer d'esquisser ce qui manque tant - et pour cause - dans le paysage économique
d'aujourd'hui : une stratégie de réduction de la dette à long terme qui laisse des marges de relance à court terme. Et là,
toutes les bonnes idées sont bienvenues.
Le Monde éditorial du 14/09/2011
15. Paris et Berlin misent sur la discipline budgétaire et l'intégration européenne
Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont repoussé hier l'option des euro-obligations. Inadaptées pour l'instant, selon eux. Pour
ramener la confiance, ils misent sur une discipline budgétaire accrue dans la zone euro.
Pas de baguette magique mais de la sueur, du sang et des larmes. Hier, à l'issue de leur réunion à l'Elysée, le président français
et la chancelière allemande ont ainsi envoyé une fin de non-recevoir à tous les promoteurs des euro-obligations en jugeant cette
solution inadaptée à la situation de crise actuelle. « J'ai l'impression qu'on cherche la panacée universelle pour sortir
rapidement de la crise actuelle, a déclaré Angela Merkel. Je ne pense pas que les euro-obligations nous aideraient
aujourd'hui. » Même fermeté du côté français : « En quoi consisteraient des eurobonds ?, s'est interrogé le chef de l'Etat. A
garantir le triple A à la dette de tous les pays de la zone euro sans avoir la maîtrise des dépenses ni de la dette de ces pays. »
Pour lui, les eurobonds doivent être « l'aboutissement du processus d'intégration européenne, et non pas son préalable ».
De même, l'hypothèse d'un relèvement du plafond du Fonds européen de stabilité financière (FESF) de 400 milliards d'euros,
jugé insuffisant par de nombreux économistes dès lors qu'il doit désormais soutenir des pays comme l'Italie ou l'Espagne, a été
écartée fermement par les deux dirigeants. « On a créé un fonds de 500 milliards d'euros. C'est considérable [...], a justifié
Nicolas Sarkozy. On essaie d'avoir une gestion sérieuse et raisonnable. »
La solution choisie par le couple franco-allemand pour ramener la confiance passe donc par des recettes déjà en partie
décidées : une coordination économique et budgétaire accrue, accompagnée d'une sévère discipline, la poursuite des efforts de
réduction des déficits publics, une intégration fiscale renforcée et une gouvernance économique rehaussée au niveau non plus
des ministres des Finances, mais des chefs d'Etat et de gouvernement. « Nous avons décidé d'instaurer un véritable
gouvernement économique, constitué du Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement. Il se réunira deux fois par an, et plus si
nécessaire », a indiqué Nicolas Sarkozy, qui réclamait cette réforme depuis des mois. Pour ôter tout espoir à Jean-Claude
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Juncker, actuel président de l'Eurogroupe des ministres des Finances, Nicolas Sarkozy a dès hier évoqué la candidature
d'Herman Van Rompuy pour présider - pour deux ans et demi -cet Eurogroupe nouvelle manière.
Les mesures évoquées hier à l'issue du sommet franco-allemand (lire ci-dessous), et qui feront l'objet d'une lettre commune
envoyée aux instances européennes, visent à rendre plus crédible auprès des investisseurs - et des agences de notation -la
marche des pays de la zone euro vers davantage de rigueur budgétaire et le retour à la compétitivité.Chacun des dix-sept Etats
membres de l'Eurogroupe est ainsi invité à inscrire avant l'été 2012 dans sa Constitution ou ses lois internes des « règles d'or »
ou « freins à l'endettement ».
« Dur labeur quotidien »
Angela Merkel a insisté sur l'urgence pour l'Union européenne d'avoir adopté dès septembre les nouvelles règles du Pacte de
stabilité, plus sévères mais aussi plus complètes que les précédentes. « Nos propositions écartent les solutions de facilité, a-telle répété, et se concentrent sur le dur labeur quotidien de réduction de la dette. C'est ainsi, par ces actions courageuses, que
nous parviendrons à reconquérir la confiance des marchés. »
Pour montrer l'exemple, la France et l'Allemagne ont annoncé deux mesures supplémentaires. La première consiste à mettre en
place, au 1 er janvier 2013, un impôt « commun dans son assiette et dans son taux », petite révolution fiscale qui marquera un
rapprochement inédit des deux économies. L'autre porte sur une proposition commune dès septembre de taxe sur les
transactions financières. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a salué des décisions
« importantes ». La Commission travaille de son côté à des propositions dans ce domaine mais Paris et Berlin souhaitent
manifestement maintenir l'impulsion sur ce dossier.
CATHERINE CHATIGNOUX, Les Echos
Les Echos 17/08/2011
16. La solution, c'est plus d'Europe, pas moins
Par Antonio Borges, Directeur du Département Europe du FMI
Il est difficile de maintenir le cap en pleine tempête, mais les dirigeants européens doivent le faire s'ils veulent que l'intégration
européenne soit couronnée de succès. La crise de la dette souveraine constitue une menace sérieuse : toutes les parties
prenantes doivent déployer un effort vigoureux et coordonné pour enfin la résoudre.
Surmonter la tempête n'aura guère de sens si la zone euro se retrouve perpétuellement avec une croissance faible. La croissance
allemande atteint peut-être un niveau record aujourd'hui, mais il n'y a pas si longtemps, elle était bien plus lente — seulement
1,5 % par an entre 1995 et 2007, contre 3 % en Suède et 2 % aux États-Unis.
Bon nombre d'experts craignent que, faute de réformes, la croissance allemande tombe encore plus bas au cours des cinq à dix
prochaines années et au-delà, lorsque le commerce mondial fléchira de nouveau. La situation est pire dans les pays qui se
trouvent aujourd'hui au cœur de la tempête.
Une croissance élevée, qui repose à la fois sur des exportations dynamiques et une demande intérieure saine, est indispensable
pour préserver la stabilité et la résistance de l'Union économique et monétaire européenne.
Améliorer la gouvernance économique
L'accélération de la croissance passe par des réformes structurelles et une intégration économique plus poussée. Tout cela est
plus facile à dire qu'à faire, bien entendu.
Il peut être extrêmement éprouvant de réformer la gouvernance de manière à approfondir l'intégration. Toutefois, étant donné
les problèmes récurrents en matière de dette souveraine, il sera crucial d'améliorer la discipline budgétaire collective. À cet
effet, il faudra que :
• le pacte de stabilité et de croissance soit plus solide
• les institutions budgétaires nationales aient plus de pouvoir
• le dispositif de stabilité financière européen soit parachevé
Une meilleure gouvernance économique renforcera la confiance dans la zone euro et contribuera à atténuer la volatilité sur les
marchés qui menace de décourager l'investissement et de ralentir la croissance.
Comment accélérer la croissance
Toutefois, il est plus encore à craindre que la zone euro ne puisse rehausser la croissance. Il est crucial d'accélérer la croissance,
non seulement parce que l'union monétaire en sortirait plus forte, mais aussi parce que le potentiel de hausse est élevé. Selon
des études menées par le FMI dans le cadre de sa surveillance régulière de la zone euro, les réformes appropriées pourraient
rehausser la croissance annuelle d'environ ½ -1¼ point de pourcentage selon la situation de départ du pays concerné — ce n'est
pas rien.
Il sera primordial d'accroître la productivité du travail et du capital grâce à de meilleurs progrès technologiques, en s'appuyant
sur la déréglementation et l'investissement dans les qualifications des travailleurs. En outre, la croissance est généralement bien
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plus élevée lorsque les marchés sont plus intégrés, probablement en raison de l'effet bénéfique de la concurrence sur
l'investissement et l'innovation.
Saisir l'occasion
Tout cela porte à croire qu'une accélération de la croissance est non seulement possible, mais aussi liée à des réformes bien
spécifiques, notamment un assouplissement du fonctionnement des marchés de produits et de services au niveau national et
l'achèvement du marché européen unique. La mobilité des capitaux est particulièrement importante, en particulier dans le
secteur financier où la volonté de protéger les « champions nationaux » a limité les prises de contrôle internationales dans le
passé. Il sera primordial de saisir ces occasions tandis que subsiste le souvenir de la crise.
L'Europe a fait face à des temps difficiles par le passé. Comme l'a noté récemment John Lipsky, du FMI, l'intégration
européenne depuis la Deuxième Guerre mondiale constitue un succès incroyable, en particulier parce que les dirigeants qui ont
mis en place l'Union européenne et la zone euro ont porté leur regard au-delà des crises de leur époque.
Si les dirigeants d'aujourd'hui veulent maintenir le cap, ils devront opérer des réformes structurelles et approfondir l'intégration
économique. De nombreuses initiatives opportunes sont en cours — des améliorations qu'il est prévu d'apporter au pacte de
stabilité et de croissance aux mesures promises dans le cadre du pacte pour l'euro afin d'améliorer la compétitivité et de
renforcer la discipline budgétaire. Mais les réformes ne sont pas encore suffisamment solides pour garantir le succès, et les
politiciens et le grand public restent réticents à renouveler leur adhésion au projet européen. Des mesures supplémentaires sont
nécessaires pour que ces réformes soient fructueuses.
Pour tourner la page de la crise, nous avons besoin de plus d'Europe, pas de moins d'Europe. Et nous en avons besoin
maintenant.
Affiché le 19 juillet 2011 par le blog du FMI -
17.
Le Conseil européen - Une institution officielle de l'UE
Le Conseil européen définit les orientations et les priorités politiques générales de l'Union européenne. Avec l'entrée en
vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, il est devenu une institution à part entière. Il est présidé par
Herman Van Rompuy.
Voici quelques questions sur ce qu'est et ce que fait le Conseil européen, ainsi que des réponses tirées de l'article 15 du
traité sur l'Union européenne (première partie du traité de Lisbonne).
Que fait le Conseil européen ?
Le Conseil européen donne à l'Union les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations et
les priorités politiques générales. Il n'exerce pas de fonction législative.
Qui le compose ?
Le Conseil européen est composé des chefs d'État ou de gouvernement des États membres, ainsi que de son président et
du président de la Commission. Le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
participe à ses travaux.
Lorsque l'ordre du jour l'exige, les membres du Conseil européen peuvent décider d'être assistés chacun par un ministre
et, en ce qui concerne le président de la Commission, par un membre de la Commission.
Avec quelle fréquence se réunit-il ?
Le Conseil européen se réunit deux fois par semestre sur convocation de son président.
Si la situation l'exige, le président convoquera une réunion extraordinaire du Conseil européen.
Comment prend-il ses décisions ?
Le Conseil européen se prononce normalement par consensus. Dans certains cas, il adopte ses décisions à l'unanimité
ou à la majorité qualifiée, selon ce que prévoit le traité.
Comment choisit-il son président ? Quelle est la durée du mandat du président ?
Le Conseil européen élit son président à la majorité qualifiée. Le mandat de ce dernier a une durée de deux ans et demi
et est renouvelable une seule fois.
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Le Conseil européen se réunit d'ordinaire à Bruxelles, dans les locaux du bâtiment Justus Lipsius. Il est assisté par le
Secrétariat général du Conseil.
Coup d'œil à l'histoire du Conseil européen
Le Conseil européen a été créé en 1974 avec l'intention d'établir une enceinte informelle de discussion entre chefs
d'État ou de gouvernement. Il s'est rapidement mué en un organe fixant les objectifs de l'Union et traçant la voie pour
les réaliser, dans tout les domaines d'action de l'UE. Il a acquis un statut officiel avec le traité de Maastricht de 1992
qui lui attribuait pour fonction de donner les impulsions et de définir les orientations politiques générales nécessaires au
développement de l'Union. Depuis le 1er décembre 2009, avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il est devenu
une des sept institutions de l'Union.
18. Recapitalisation des banques: Bruxelles propose une action coordonnée
Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a confirmé jeudi qu'il proposait "une action
coordonnée" en Europe pour recapitaliser les banques, afin de les débarrasser de leurs actifs toxiques.
"Nous proposons désormais aux Etats membres (de l'UE) de mener une action coordonnée pour recapitaliser les
banques, et se débarrasser des actifs toxiques qu'elles peuvent détenir", a-t-il déclaré dans un entretien à la chaîne
Euronews.
Le commissaire aux Affaires économiques Olli Rehn avait déjà estimé que le capital des banques européennes devait
"être renforcé afin de leur donner une marge de sécurité et ainsi de réduire l'incertitude" sur les marchés.
Le Fonds monétaire international a, lui, concrètement suggéré mercredi d'injecter entre 100 et 200 milliards d'euros
dans les plus grandes banques européennes pour stabiliser le secteur. Elles sont fragilisées par la dette publique d'Etats
européens considérés comme fragiles qu'elles détiennent.
La volonté affichée de l'UE de soutenir ses banques a rassuré les marchés boursiers européens, qui ont tous terminé
mercredi soir en nette hausse après plusieurs séances de glissade.
Mercredi à Bruxelles, la chancelière allemande Angela Merkel avait elle aussi exhorté l'Europe à accélérer la
manoeuvre pour recapitaliser les banques qui en ont besoin et stopper la contagion de la crise de la dette, alors que le
FMI s'inquiète de la lenteur de la réponse de la zone euro.
"Il est justifié, s'il y a un constat commun que les banques ne sont pas assez capitalisées, que l'on y procède, compte
tenu de la situation actuelle sur les marchés financiers", a déclaré lors d'une visite à Bruxelles la chancelière allemande,
à propos de la nécessité de recapitaliser le secteur bancaire.
Les difficultés de la banque franco-belge Dexia, premier établissement victime de la crise de la dette en Europe, ont
sonné l'alarme. Privée des liquidités dont elle a besoin pour assurer son activité, elle est en voie de démantèlement avec
le soutien de la France et de la Belgique, actionnaires à hauteur de 5,7% chacune. De manière générale, les banques
européennes sont de plus en plus réticentes à se prêter de l'argent entre elles. Et leurs concurrentes américaines fuient la
zone euro.
Le Nouvel Observateur 06/10/2011
19. Les "égoïstes" de la zone euro : pourquoi ils renâclent à aider les "maillons faibles"
On les appelle les "égoïstes" de la zone euro. Ces pays, qui, comme la Slovaquie, rechignent à payer pour sauver
la Grèce et les dérapages budgétaires des autres "maillons faibles" du sud de l'Europe.
Après avoir voté contre, le Parlement de Bratislava a finalement approuvé, jeudi 13 octobre, l'élargissement du Fonds
européen de stabilité financière (FESF) nécessaire au sauvetage d'Athènes. Mais en hésitant, le pays a effrayé les
dirigeants européens et mis au jour la rigidité de la gouvernance de la zone et l'exaspération de certains membres : la
Slovaquie mais aussi les Pays-Bas, la Finlande et, dans une moindre mesure, l'Allemagne. Point sur ces "égoïsmes".
La Slovaquie : ne pas payer pour plus riches qu'eux. Le blocage du vote sur l'élargissement du FESF au Parlement
slovaque a d'abord répondu à un calcul purement politique. Il a permis à l'opposition de précipiter la chute du
gouvernement de centre-droit.
Mais il a aussi fait écho à un ressentiment, "compréhensible" de la population, reconnaît Sylvain Broyer, économiste
chez Natixis. La Slovaquie, entrée dans la zone euro en 2009, reste un pays pauvre. Plus pauvre que la Grèce et les
autres nations que le pays est censé secourir. La retraite des fonctionnaires slovaques s'élève en moyenne à 600 euros
par mois, contre 850 euros en Grèce. Même si le coût de la vie est moins cher en Slovaquie, le pays a le sentiment de
payer pour assurer les retraites des fonctionnaires grecs.
Le soutien au FESF pourrait coûter au pays jusqu'à 7,7 milliards d'euros en garanties, soit 13 % du produit intérieur
brut (PIB), souligne M. Broyer, qui rappelle que le pays bénéficie des fonds structurels européens, soit 1,6 milliard
d'euros par an.
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Les Pays-Bas : l'éthique protestante et l'esprit du capitalisme. Membre du club fermé des pays notés AAA par les
agences de crédit, la Hollande est un exemple de rigueur et de discipline budgétaire. Selon les calculs de Natixis,
compte tenu des recettes courantes, le pays ne mettrait qu'1,7 an à rembourser sa dette contre 2,02 ans pour la France et
2,3 pour le Royaume-Uni. Selon le Fonds monétaire international (FMI), son déficit budgétaire représentera 3,8 % du
PIB en 2011 et 2,8 % en 2012. En dessous de la ligne jaune du traité de Maastricht (3 %).
"Cette discipline exemplaire est le résultat d'une fiscalité sévère qui trouve son fondement dans une forme d'éthique
protestante", estime Shahin Vallée, économiste au centre Bruegel. Au Pays-Bas, on comprend donc mal de devoir aider
encore et encore un pays comme la Grèce, "qui n'a pas présenté un budget à l'équilibre depuis cinquante ans", pointe
Charles Wyplosz, professeur d'économie internationale au Graduate Institute de Genève.
La Finlande : le refus de l'aléa moral. Le pays peut mettre en avant des finances saines malgré la crise. Selon le FMI, la
Finlande sera en excédent budgétaire en 2012. Le pays rappelle aussi s'être sorti seul d'une crise bancaire dans les
années 1990. Pourquoi aujourd'hui soutenir ceux qui, comme la Grèce, n'ont pas respecté les règles du jeu ?
La Finlande incarne aussi le réflexe de repli sur soi. Après sa percée aux dernières élections législatives (19 % des
voix), le parti nationaliste les Vrais Finlandais a pu exiger et obtenir des garanties contre les prêts à la Grèce. De tous
les "égoïstes", le pays est ainsi, selon M. Vallée, "le seul à présenter un véritable euroscepticisme".
L'Allemagne : échaudée par la réunification. Angela Merkel affiche depuis quelques semaines une grande fermeté pour
sauver la Grèce et éviter la contagion de la crise. Mais jeudi, la chancelière s'est encore fait rattraper par l'opinion
publique.
Huit instituts d'économistes ont lancé un appel aux gouvernements pour arrêter d'investir leur énergie dans le sauvetage
de la Grèce. "Les sommes engagées peuvent augmenter à l'infini", alertent-ils.
Ces experts savent de quoi ils parlent. Les transferts financiers entre l'ex-RFA et l'ex-RDA après la réunification ont
coûté 1 300 milliards d'euros en vingt ans à l'Allemagne de l'Ouest. Et les Allemands considèrent avoir souffert pour
redresser leurs finances publiques. Avec succès : le déficit budgétaire devrait atteindre 0,9 % du PIB cette année.
Si l'Allemagne, l'un des principaux contributeurs de l'euro, ne peut être considérée au sens strict du terme comme
"égoïste", elle appartient au clan des durs, adeptes de la discipline budgétaire, et veut s'assurer que toute aide sera
assortie d'engagements fermes.
Claire Gatinois
Article paru dans l'édition du 15.10.11
20. Gouvernement
économique, taxe financière, impôt sur les sociétés : les
mesures
Angela Merkel et Nicolas Sarkozy proposent la création d'un gouvernement économique au sommet de la zone euro et
l'inscription d'une « règle d'or » chez les 17 Etats membres.
Les mesures annoncées hier par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel doivent être proposées à leurs partenaires européens
dans une lettre qui leur sera adressée ce matin.
La création d'un gouvernement économique de la zone euro
Paris et Berlin proposent la création d'un « véritable gouvernement économique de la zone euro » constitué par les
chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres -et non plus par les ministres des Finances. Il se réunira deux fois
par an et plus si nécessaire. « Nous allons vers une intégration économique renforcée de la zone euro », s'est félicité
Nicolas Sarkozy. Ce gouvernement serait présidé pour deux ans et demi par l'actuel président du Conseil européen,
Herman Van Rompuy.
L'inscription de la « règle d'or » dans les Constitutions des Dix-Sept
Une « règle d'or » de retour à l'équilibre des finances publiques devra être inscrite dans les Constitutions des 17 Etats
membres de la zone euro d'ici à l'été 2012.
Une règle de ce type a déjà été adoptée en Allemagne en 2009. Elle prévoit une trajectoire de retour à l'équilibre des
comptes publics, sauf circonstances exceptionnelles. Elle plafonne les nouvelles dettes de l'Etat fédéral à 0,35 % du
PIB par an à partir de 2016. Le déficit des Länder (régions) sera prohibé à partir de 2020.
En France, cette « règle d'or » prévoit le principe du vote de « lois-cadres d'équilibre des finances publiques »
planifiant sur au moins trois ans « le rythme du retour à l'équilibre budgétaire ». S'agissant d'un amendement
constitutionnel, il devrait être voté à la majorité des trois cinquièmes des parlementaires réunis en Congrès. L'Etat
français n'a plus exécuté un budget en équilibre depuis 1973.
Une taxe sur les transactions financières
Les ministres des Finances allemand et français déposeront sur la table des instances européennes une proposition
commune, dès le mois de septembre prochain, de taxe sur les transactions financières. « C'est une priorité pour nous »,
a martelé le président français.
Cette idée de taxe sur les transactions financières, censée assurer des ressources, selon ses promoteurs, pour l'aide au
développement ou l'aide à l'innovation, est évoquée depuis plusieurs années en Europe et ailleurs. Une proposition
présentée par la Commission européenne en juin dernier préconisait une telle taxe au niveau européen, en l'absence de
progrès au niveau du G20. Le président de la Commission, José Manuel Barroso, privilégie une taxe qui, si elle était
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fixée entre 0,001 % et 0,01 % de la valeur des transactions, rapporterait entre 30 et 50 milliards d'euros par an. Il la
verrait bien financer le budget européen pour alléger les contributions des Etats membres.
Un impôt sur les sociétés commun
Paris et Berlin ont décidé de mettre en place un « impôt sur les sociétés commun » à la France et à l'Allemagne, dont
l'assiette et les taux seront harmonisés et qui entrerait en vigueur en janvier 2013. La France et l'Allemagne entendent
« donner l'exemple » sur ce point, a souligné la chancelière allemande tandis que Nicolas Sarkozy a parlé d'un
« exemple de convergence ». Il a précisé que les ministres de l'Economie et des Finances des deux pays devaient
« préparer des positions » communes qui seront soumises début 2012 à un Conseil des ministres franco-allemand.
L'objectif, a-t-il précisé, est « qu'à partir de 2013, année du cinquantième anniversaire du traité de l'Elysée, nous
puissions, Allemands et Français, avoir un impôt sur les sociétés commun dans son assiette comme dans son taux ».
Une coordination budgétaire accrue
Une directive européenne prévoit déjà que les Etats de la zone euro coordonnent leurs budgets en amont et se
soumettent mutuellement leurs objectifs et leurs politiques. Paris et Berlin ont décidé hier que dans ce cadre, ils
prépareraient et valideraient ensemble leurs hypothèses économiques.
YVES BOURDILLON
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