Théories de la biodiversité M2R BEE, cours 4 2010 Théorie conceptualiser un problème, mettre ensemble des éléments comprendre (prendre ‘ensemble’) C’est absolument inévitable en sciences, mais peut être explicite ou implicite. Méthodologie en sciences Poser des questions, conceptualiser, résoudre Poser des questions : quelles questions ? Quelle importance ? Pour qui ? quelle sera la valeur du CAC40 la semaine prochaine ? quel temps fera‐t‐il demain ? combien y‐a‐il d’espèces sur notre planète ? comment les espèces se créent‐elles ? comment évaluer la stabilité d’un écosystème ? Méthodologie en sciences Poser des questions, conceptualiser, résoudre Réfléchir & simplifier Etablir explicitement un cadre de réflexion = une théorie Expliciter les présupposés (assumptions) de cette théorie Tester la théorie au moyen d’expériences (données) = valider ou infirmer la théorie. Méthodologie en sciences Poser des questions, conceptualiser, résoudre Résoudre : apporter un réponse à la question posée Une réponse peut être négative (rejet d’une théorie) Si elle est positive, elle doit faire avancer la connaissance : apporter des faits nouveaux La science doit être utile (dans un sens large, pas utilitariste) Quand une théorie est-elle vraie ? Karl Popper (1934) : « jamais » Toute théorie est falsifiable (falsificationnisme dogmatique) et doit être rejetée dès qu’elle est falsifiée Thomas Kuhn (1962) : « pendant une certaine période » La pensée dominante (science normale) peut ne pas être remise en cause pendant une certaine période. Elle est en suite suivie d’une « révolution » (vers une socialisation de la science). Paul Feyerabend (1975) : « toujours ». La validité d’une théorie est un choix subjectif. Tout est bon pour faire croître la connaissance. Imre Lakatos (1970) : « tant qu’elle n’est pas remplacée par une théorie meilleure » (falsificationnisme sophistiqué). « Il n’existe pas d’expériences cruciales, du moins si on désigne par là des expériences qui peuvent renverser de façon immédiate un programme de recherche. » La falsification, une question de temps « Les justificationistes voudraient que les théories scientifiques fussent prouvées avant même d’être publiées ; les probabilistes espéraient qu’une machine indiquerait en un éclair la valeur d’une théorie (son degré de confirmation) ; les tenants du falsificationnisme naïf espéraient que l’élimination était le résultat immédiat du verdict de l’expérience. [En fait, ] la rationalité opère beaucoup plus lentement que ne le pensent la plupart des gens et même ainsi elle est faillible. » I Lakatos, p 124 (trad française) 1960 « dans un environnement homogène avec n ressources, un maximum de n espèces peut se maintenir durablement (Gause 1934, Hardin 1960) » Un modèle général de la biodiversité dN dt Ki Ni i ri N ij N j j i K i Ni : abondance de l’espèce i ri : taux de croissance de l’espèce i Ki : capacité de charge de l’espèce i ij : interaction de compétition entre l’espèce i et l’espèce j La « tragédie des paramètres » dN dt Ki Ni i ri N i ij N j j Ki 100 espèces : sans interaction ‐> 200 paramètres Avec interaction simple ‐> 10200 paramètres Données pour estimer ces paramètres : dynamique sur moins de 30 ans de qq centaines d’individus Pourquoi tant d’espèces parviennent‐elles à coexister ? Probablement l’une des questions les plus importantes de l’écologie (au moins) quatre explications: Utilisation différentielle des ressources Dynamique de métacommunauté Perturbations Neutralité (stochasticité + sophistications) Théorie des ratios de ressources « dans un environnement homogène avec n ressources, un maximum de n espèces peut se maintenir durablement (Gause 1932, Hardin 1960) » •Pour les algues par exemple, chaque nutriment essentiel (N,P,K etc…), ainsi que la lumière, peut représenter une ressource limitante (Petersen 1975). •Si chaque espèce a besoin d’un ratio propre en nutriments et lumière, autant d’espèces que de nutriments essentiels + la lumière peuvent coexister durablement (Petersen 1975) •Ceci n ’est pas une condition suffisante: Pour que n espèces coexistent, il importe que certaines conditions soient respectées (Leon et Tumpson 1975) (Tilman 1982) Ratios de nutriments pour des espèces d’algues Ratios N/P de 29 espèces d’algues (d’après Klausmeier et al. 2004) Modèle de Tilman (1982) Loi de Liebig Taux de croissance d’une pop G(N,P) = Min [u(N)/qN ; u(P)/qP ] u ( N ) umax N KN u ( P ) u max P KP aN IN qNGA N A IP P qPGA aP mA dA umax N umax P [ Min( , ) m] A q N ( N K ) qP ( P K ) dt umax N umax P dN I N aN q N Min( , )A dt q N ( N K ) qP ( P K ) umax N umax P dP I P aP qP Min( , )A dt q N ( N K ) qP ( P K ) Equilibre N _ N* = mK/(umax-m) ou P* = mK/(umax-m) et A* = (IN-aN*)/m si N est limitant + No N* + _ P* Po ZNGI P Deux espèces en compétition N N B A A P P N N B P B N B A P A B P A Si P Confirmation par des travaux expérimentaux sur algues unicellulaires (Tilman (1977) Ecology 58(2): 338-348) La structure de la diversité des niches est primordiale N exclusion P N exclusion P N coexistence ? P Compromis (tradeoffs) R2 R1 ? Structure généralement postulée (Tilman 1982, Schade et al. 2004) compromis (“tradeoff”) de compétitivité pour chaque ressource Tilman 1982 4 Arguments de niches fonctionnelles Variation locale des types d’habitats (Ashton 1969) Variation de la composition du sol pour les plantes (Ashton, 1981, Newbery et al. 1984) Structuration spatiale (Grubb 1977) Peter Ashton Peter Grubb stabilisant 2. Dynamique de métacommunauté Succès d’établissement = Capacité de disperser dans l’habitat + Capacité de se reproduire dans cet habitat SOURCE PUITS Migration Population stable Population instable alimentée par dispersion depuis la population stable Qu’est‐ce qu’une métacommunauté ? Local Régional Local Régional Local Un ensemble de communautés reliées par la dispersion Local Saracenia purpurea M P R B F Saracenia purpurea Saracenia purpurea 4 La diversité locale dépend de la diversité régionale Les communautés écologiques les plus riches correspondent aux réservoirs régionaux les plus riches Poissons Compromis compétition‐colonisation B Compétition : A > B A Colonisation : B > A Coexistence locale transitoire Coexistence régionale à l’équilibre « Assortissement d’espèces » Compétition locale déterministe (niche écologique) Conditions environnementales varient entre communautés Métacommunautés permet un meilleur « assortiment » des espèces avec leur environnement local A, B, C A B B, C C C D E (MacArthur 1972; Leibold 1998) 3. Effet régulateur des prédateurs Daniel Janzen (1939‐) Test Nature (2000) George Weiblen, Rebecca Montgomery, Kyle Harms 4. Rôle des perturbations La diversité est due aux perturbations « intermédiaires » qui vont à l’encontre de l’exclusion compétitive Des espèces inadaptées localement peuvent donc persister dans l’environnement Joe Connell Connell (1978) Test Pourcentage de plantes pionnières Molino & Sabatier (2001) Coda : tropiques et biodiversité La biodiversité est sous les tropiques Naissance de l’écologie tropicale Diversité des arbres Davis & Richards, Guyana (1934) Records de biodiversité Projetô Reserva Ducke, Manaus (Brésil) 1987: 780 espèces recensées 1993 : 1100 espèces estimées 1999 : 2175 espèces recensées 200?: sans doute beaucoup plus (nouvelle campagne d’échantillonnage) Comment mesurer et modéliser la diversité si on n’en voit que quelques pourcents ? Théorie neutre de la biodiversité Que se passerait-il si on supposait que toutes les espèces d’un même niveau trophique ont la même niche ? La dynamique locale d’un assemblage d’espèces serait due à la stochasticité démographique et à la capacité de immigration limitée des organismes Steve Hubbell