Proposition CIN Vision Politique de Santé 2030

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[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Proposition CIN
Vision Politique de Santé
2030
Table des matières
Introduction............................................................................................................................................. 3
Constats positifs ...................................................................................................................................... 4
Constats interpellants ............................................................................................................................. 5
Tendances et défis................................................................................................................................... 8
Notre vision de long terme pour relever ces défis ................................................................................ 10
A. Définition d’une politique de santé publique dépassant le secteur des soins de santé............... 10
B. Une recherche permanente de qualité, orientée résultat ............................................................ 12
C. Reconfigurer l’organisation des soins pour adapter l’offre aux besoins ...................................... 13
D. Améliorer l’accès par la solidarité................................................................................................. 16
E.
Par l’efficience, dégager des moyens pour l’avenir ................................................................... 17
Nos priorités à court terme ................................................................................................................... 20
A.
Définition d’une politique de santé publique dépassant le secteur des soins de santé ........... 20
B.
Une recherche permanente de qualité, orientée résultat ........................................................ 20
C.
Reconfigurer l’Organisation des soins pour adapter l’offre aux besoins .................................. 21
D.
Améliorer l’accès par la Solidarité ............................................................................................. 21
E.
Par l’efficience, dégager des moyens pour l’avenir ................................................................... 22
ANNEXES................................................................................................................................................ 24
Annexe 1.1. Qualité des soins - Imagerie médicale et Biologie clinique ........................................... 24
Annexe 1.2. Santé publique et Qualité : Santé mentale ................................................................... 24
Annexe 1.3. Santé publique et Qualité : Hétérogénéité des pratiques médicales ........................... 25
Annexe 2.1. Accessibilité des soins : part à charge des patients ...................................................... 26
Annexe 2.2. Accessibilité : Inégalités en termes de mortalités et de déterminants sociaux ............ 27
Annexe 2.3. Accessibilité - Inégalités dans les indicateurs de soins préventifs ................................ 28
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Annexe 2.4. Accessibilité - Inégalité importantes dans les reports de soins par régions ................. 29
Annexe 2.5. Accessibilité - Dualisation des soins .............................................................................. 29
Annexe 3. Organisation des soins - Hôpitaux .................................................................................... 30
Annexe 4. Efficience : Dépenses pharmaceutiques conséquentes ................................................... 30
Annexe 5. Croissance des personnes âgées : urgence d’adaptation à l’enjeu du vieillissement...... 32
Annexe 6.Conventionnement : état des lieux ................................................................................... 33
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Introduction
Nos soins de santé rencontrent des défis majeurs. Des évolutions telles que le vieillissement de la
population, le développement des maladies chroniques, les innovations médicotechniques, le
manque de personnel et le changement des conditions de travail nous poussent à réformer en
profondeur notre système de soins de santé. Mais qu’est-ce que la santé ? Une bonne santé, c’est
davantage que l’absence de maladie. Cela signifie se sentir bien, ressentir un certain bien-être, et cela
sur le plan physique, mental et social1. Ajoutons-y aujourd’hui la nécessaire dimension
écologique et existentielle2 de la santé. Cette définition transversale, que nous appliquons en
tant qu’organisme assureur, demande un niveau d’investissement suffisant, pas seulement pour
la santé physique, mais également pour les différents aspects de la santé mentale, sans oublier
les déterminants sociaux, existentiels et écologiques de la santé.
Toute décision ou choix politique fondamental qui est fait en matière de santé doit être
déterminé par les besoins actuels et futurs de la population belge dans ce domaine. Ce n’est pas
l’offre de soins ou celle des prestataires de soins qui doit primer, mais bien les besoins du patient
(potentiel). La politique ne doit pas être déterminée par la logique unilatérale de la perspective
financière. Le patient (potentiel) d’aujourd’hui, mais aussi les générations futures doivent être
prises en compte : notre système de soins de santé doit être solide et durable (y compris sur le
plan financier), et s’adapter aux besoins nouveaux et à venir.
L’accessibilité de soins de qualité est une valeur fondamentale pour les organismes assureurs.
Ceci recouvre non seulement l’accessibilité financière, mais aussi l’accessibilité géographique
des soins, l’évitement et la limitation de délais injustifiés pour des soins de santé indispensables
et l’accessibilité en termes de « health literacy ».
Pour parvenir à un système de soins de santé axé sur le patient, une vision globale de la
politique de santé, avec des mesures d’accompagnement, s’impose. Outre les établissements
de soins et les professions de la santé, les réformes doivent également concerner les organismes
assureurs. Ceux-ci jouent un rôle crucial dans notre système, ils sont fortement orientés «
patient » en leur qualité de représentant et de défenseur de leurs membres, et ils veulent à
l’avenir servir encore mieux leurs membres et remplir leurs besoins (d’informations) de santé.
Non seulement comme mutualité (« ziekenfonds »), mais aussi comme partenaire « santé » («
gezondheidsfonds ») , à partir de notre vision globale de la santé.
À tout moment et indépendamment de la norme de croissance, l’efficacité est une mission
cruciale de notre politique de santé. Le manque d’efficacité ne peut jamais servir d’excuse pour
investir insuffisamment dans la santé. Une approche structurelle des défis actuels et futurs
s’avère nécessaire. Les moyens doivent correspondre aux besoins réels. La santé constitue l’un
1 L’OMS définit la santé comme suit : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne
consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité » : Préambule à la Constitution de l'Organisation
mondiale de la Santé, tel qu'adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946; signé le
22 juillet 1946 par les représentants de 61 États. 1946; (Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p.
100) et entré en vigueur le 7 avril 1948. La définition n’a pas changé depuis 1946.
2 La dimension existentielle de la santé consiste à trouver valeur et sens dans sa vie et en tant que membre de la
société. Selon l’OMS, la Belgique compte 14,2 suicides pour 100.000 habitants en 2012.
http://apps.who.int/gho/data/node.main.MHSUICIDE?lang=en . Voir aussi l’étude des Mutualités socialistes « Les
hospitalisations découlant d’une tentative de suicide », disponible sur :
http://www.bondmoyson.be/ovl/contact/Pers/onderzoek/Pages/zelfdoding_ziekenhuisopnames.aspx.
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des piliers d’une économie saine et chaque euro correctement investi dans la santé génère des
plus-values au sein de notre société.
Les organismes assureurs sont partisans d’un système solidaire via l’assurance maladie
obligatoire. Le sous-financement des soins de santé mine le système solidaire. Celui-ci risque
d’être remplacé par un modèle d’assurances à visées lucratives et de sélection des risques, ce qui
mène à la dualité des soins de santé.
Les organismes assureurs estiment qu’il est plus important que jamais de développer une vision
à long terme claire de notre modèle de santé, performant tant au niveau de la quantité que de la
qualité, en vue d’une meilleure santé globale de la population. Une telle vision à long terme doit
permettre de déterminer de manière transversale les priorités, les réformes et l’emploi des
moyens financiers, à l’opposé d’une vision annuelle associée à une pensée en silos.
Le décloisonnement des silos n’est pas seulement nécessaire au niveau des secteurs de
prestataires de soins, il l’est aussi au niveau des domaines politiques : la santé va au-delà des
soins de santé et est par exemple associée à l’incapacité de travail et l’invalidité, l’enseignement,
le logement et l’environnement (“Health in all policies”3). La prévention de la santé est d’une
grande importance, tant au sens large qu’au sens strict, et tant individuellement pour le citoyen
que collectivement pour le système de soins de santé. Enfin, une approche politique fragmentée
dans le cadre de la réforme de l’État et des transferts de compétences qui y est associés est à
éviter : les différents niveaux politiques, fédéraux et régionaux, doivent élaborer de manière
concertée une politique globale, complémentaire et coordonnée.
Une vision à long terme de nos soins de santé améliorera également l’efficacité du système et
permettra de casser le mythe de son insoutenabilité. L’efficacité ne peut toutefois jamais porter
atteinte à la qualité et à l'humanité des soins de santé.
La présente note part de différents constats, positifs ou plus interpellants, en matière de soins de
santé en Belgique. Quelques tendances et défis à venir seront ensuite commentés. La partie
suivante exposera notre vision à long terme des réformes nécessaires pour affronter ces défis.
Cette vision à long terme sera suivie d’une liste de mesures concrètes qui peuvent être prises à
court terme et qui concrétisent la vision à long terme.
Constats positifs
Nous ne partons pas de nulle part, notre système de santé a déjà de nombreuses forces. Il est de
qualité, accessible à tous et, financièrement, relativement abordable. Ces bons résultats ne sont
pas liés au hasard. Ils sont le fruit d’efforts conjoints et équilibrés pour un financement solidaire,
des moyens financiers suffisants, ainsi que d’une gestion paritaire et concertée de l’assurance
maladie et du système de soins de santé impliquant les prestataires de soins, les partenaires
sociaux, les autorités publiques et les mutualités.
Parmi les forces de notre système de soins, concernant l’appréciation globale subjective par la
population, le KCE rappelle que « du point de vue des patients, le bilan est plutôt positif : une
3 Déclaration d’Adelaïde relative à la santé dans tous les domaines politiques. Genève, Organisation mondiale de la
Santé, 2010.
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grande partie (78 %) de la population belge s’estime en bonne santé, soit plus que la moyenne UE154». Egalement, les Belges sont satisfaits de leurs contacts avec le système de santé, en
particulier ambulatoire comme le rappelle la Commission Européenne5 et le KCE. Une des
raisons de cette haute satisfaction dans le système de santé est sans aucun doute l’importante
liberté de choix que notre système permet et qui est une de ses forces.
Concernant la qualité des soins, le KCE observe certaines évolutions positives comme pour la
coordination des soins aux patients cancéreux et diabétiques. Concernant l’ efficacité des soins,
le KCE pointe une série d’indicateurs notamment dans la gestion de certains cancers où la
Belgique se situe en bonne position par rapport à la moyenne de l’UE-15. Le KCE note également
que l’efficience du système de santé progresse sur certains égards comme le suggère le recours
croissant aux médicaments bon marché et à l’hospitalisation chirurgicale de jour, ainsi que la
diminution de la durée de séjour après accouchement normal.
La proximité des établissements de soins, la variété de l’offre de soins possédant des
technologies modernes, la bonne gestion globale des listes d’attente et l’engagement important
des divers prestataires de soins, aidants proches et bénévoles, font chaque jour la différence
pour le patient6.
Constats interpellants
Cependant, notre système de soins comporte également certains points faibles face auxquels il
faudra rester attentif et qui représentent autant d’enjeux pour le modèle de soins de santé
souhaité à long terme.
 Concernant les résultats en termes de santé publique et de qualité , certains points plus
interpellant doivent être signalés.
Premièrement, concernant la gouvernance, il n’existe pas au niveau de l’échelon fédéral
d’objectifs de santé publique permettant de guider la stratégie politique . Sur ce point, la
Belgique fait figure d’exception face à ses voisins. En amont de cela, il n’existe également pas de
système standardisé et global d’évaluation des besoins en santé et d’évaluation de la qualité qui
permettraient de fixer ces objectifs de santé et de les monitorer.
Egalement, la politique de santé est fortement marquée par un fonctionnement en silos, que ce
soit les silos entre prestataires axés sur la défense des intérêts par secteur dans le cadre de la
gestion de l’assurance maladie, la lecture fractionnée de la santé parcellisant les divers domaines
de vie la déterminant (logements, enseignement, environnement, système de soins), ou la
fragmentation décisionnelle caractérisant notre pays fédéral. A cet égard, la 6ème réforme de
l’Etat apporte un degré de complexité complémentaire et constitue actuellement un obstacle
pour mener des politiques efficaces et cohérentes dans le domaine de la dépendance, de la santé
mentale, de la revalidation ou de la prévention. Des moyens importants sont consacrés à la mise
4 Rapport Performance 2015, KCE.
5 Eurobaromètre, Commission européenne, 2010.
6 Tel qu’indiqué par la ministre De Block:
www.health.belgium.be/sites/default/files/uploads/fields/fpshealth_theme_file/2015_04_24_hervorming_van_het_zi
ekenhuislandschap_en_ziekenhuisfinanciering.pdf.
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en place des compétences régionalisées. Leur plus-value pour les citoyens et pour le système de
soins de santé de manière générale doit encore être prouvée.
Les méthodes et lieux de gouvernance permettant de recréer une vision transversale au-delà de
ces divers silos sont peu existants et souvent contraints à un horizon limité au cycle budgétaire.
Concernant la prévention et la promotion de la santé, le rapport KCE 2015 relève de mauvais
résultats. Les objectifs de prévention fixés à l’échelon international ne sont pas toujours
atteints7. Sans aucun doute ici, la complexité liée à la répartition des compétences entre échelons
fédéral et régionaux est une cause centrale de ces résultats interpellants. En ce sens, le rôle des
organismes assureurs pour optimiser le travail de prévention et de promotion de la santé est
crucial étant donné que ces acteurs sont, eux, présents à chaque échelon et peuvent faire des «
ponts » pour recréer une certaine cohérence. Les Organismes Assureurs ont différents atouts à
offrir dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé, tel que notre réseau local
fort, notre proximité avec les membres et notre longue expérience du domaine. Cependant, nous
constatons que nous ne sommes pas assez impliqué dans la détermination et la réalisation des
politique de prévention.
La plupart des résultats relatifs à la qualité des soins se situent dans la moyenne de l’UE-15, avec
quelques points plus positifs et quelques points noirs (p.ex. au niveau des indicateurs de la
pertinence des soins, e.a. prescription d’antibiotiques ou d’examens d’imagerie (Annexe 1.1), et
des infections nosocomiales). Au niveau de la qualité des soins dans les structures résidentielles
pour les personnes âgées et pour les soins en fin de vie, les résultats sont mitigé s8. Concernant la
santé mentale, les résultats des indicateurs dans ce domaine restent alarmants (Annexe 1.2), le
fruit des réformes passées n’est pas (encore) suffisamment visible et le suivi de la performance
reste délicat. En ce qui concerne les résultats des interventions médicales, il existe différentes
études qui, pour une intervention donnée, cartographient les effets, mais il y a encore beaucoup
d’interventions pour lesquelles ce n’est pas le cas9.
Par ailleurs, il existe une grande hétérogénéité inexpliquée des pratiques médicales, entre
prestataires, entre institutions, entre entités géographiques, et en fonction du gradient socioéconomique du patient10 (Annexe 1.3.). Nous voudrions nous assurer que ces différences de
pratiques sont basées sur les besoins objectivés des patients et non pas sur le manque de suivi
de guidelines.
Le KCE note également que les délais d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste
peuvent être un frein à l’accès aux soins en temps opportun. Cela peut également jouer sur
l’engorgement des urgences, autre faiblesse de notre système de soins.
7 La couverture vaccinale chez les jeunes enfants, par exemple, reste dans certains cas inférieure au seuil
d’immunisation recommandé, le dépistage du cancer du sein et du col de l’utérus sont sous-optimaux et ne
s’améliorent pas et la vaccination contre la grippe est même en recul chez les personnes âgées. Plusieurs indicateurs
touchant à la promotion de la santé et au mode de vie révèlent de piètres résultats: stagnation de l’obésité chez les
adultes, prévalence toujours élevée des fumeurs quotidiens, faible taux d’activité physique, consommation d’alcool
à risque (binge drinking) chez les hommes jeunes et connaissances de santé insuffisantes dans la population.
Rapport Performance 2015, KCE.
8 Rapport Performance 2015, KCE.
9Ainsi, l’étude de la hanche de la MC (2015) constitue une première initiative belge de cartographier les effets d'une
intervention médicale. L’IMA et le KCE font également maintenant de telles études.
10 Source : Inami rapport Meeus et Rapport Performance 2015, KCE.
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 Concernant l’accessibilité et l’équité de notre système de soins, le KCE souligne que
malgré l’existence d’une couverture universelle et de filets de sécurité sociaux (MàF,
intervention majorée, tiers-payant social), certaines préoccupations subsistent : la part du coût
assumée par le patient (22%11) est élevée par rapport à d’autres pays d’Europe (Annexe 2.1.).
C’est notamment pour les soins dentaires, les soins de santé mentale et les appareils auditifs que
les patients supportent une part importante des coûts par eux-mêmes. Quant aux médicaments,
ils représentent la part la plus élevée dans le budget santé du ménage moyen. De plus, la
concentration de ces coûts est grande (5% des patients = 53% du coût des soins remboursés 12):
ces coûts sont particulièrement élevés pour les malades chroniques et les personnes
dépendantes et âgées.
Autre constat interpellant en termes d’accessibilité, les personnes et le nombre de foyers qui
affirment reporter des contacts avec les services de santé pour des raisons financières reste
substantiel, surtout pour le groupe de revenus le plus bas et à Bruxelles13.
Egalement, il existe d’importantes inégalités socio-économiques dans l’état de santé et ses
déterminants sociaux14 (Annexe 2.2.). Des inégalités existent et ont tendances à s’accroître dans
de nombreux indicateurs touchant à l’état de santé et la morbidité, au mode de vie et aux
interventions préventives (Annexe 2.3.). En dépit des mesures prises pour améliorer
l’accessibilité financière des soins, l’indicateur « report du contact avec les services de santé
pour raisons financières » témoigne également d’inégalités importantes (Annexe 2.4.).
La part relativement importante des dépenses de soins de santé à charge du patient
s’accompagne du développement accéléré des assurances complémentaires, facultatives ou
privées, ce qui présente un risque de dualisation de la médecine15 (Annexe 2.5.). En 2005, le
montant des primes versées aux assureurs privés atteignait 610 millions d'euros, tandis qu'il
s’élève en 2015 à 1,4 milliard d’euros, dont 20% sont utilisés en frais d’administration et 10%
concernent des taxes diverses16.
Un autre point faible en termes d’accessibilité est la manque de transparence financière pour le
patient, que ce soit dans la tarification, le revenu du prestataire, la qualité, ou le prix que le
patient doit supporter par lui-même : Au-delà du fait que le montant à charge du patient reste
élevé, le patient peut difficilement estimer combien lui coûteront ses soins17.
 Concernant la structure et l’ organisation des soins, notre système se caractérise par un
financement principalement à l’acte et fortement inflationniste, se traduisant en un système de
soins piloté par l’offre plutôt qu’en un système de soins piloté par les besoins. Ce système est
également plus souvent basé sur un paiement plus intéressant pour le maintien du patient dans
son état de dépendance fonctionnel que pour son autonomisation vers une situation plus stable
(échelle d’évaluation Katz par exemple ).
11 OCDE.
12 IMA.
13 Rapport Performance 2015, KCE et Enquête santé des Belges, 2013.
14 ISSP; Statbel; SPF économie; Enquête de santé des belges, 2013; Rapport Performance KCE 2015, Données MC 2011.
15MC Baromètre 2015 de la facture hospitalière ; note d’évaluation des Mutualités socialistes sur les
suppléments hospitaliers 2011-2014.
16 Chiffres Assuralia.
17MC Baromètre 2015 de la facture hospitalière; Evaluatienota van de Socialistische Mutualiteiten over
de supplementen in ziekenhuizen 2011-2014.
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Egalement l’offre en soins hospitaliers aigus et soins hospitaliers psychiatriques est très
importante en comparaison aux pays voisins (Annexe 3.). Et les structures intermédiaires entre
les soins aigus et les soins à domicile, ainsi qu’entre le domicile et la maison de repos sont par
contre insuffisantes.
Le KCE note également un problème de ressources humaines et une pénurie concernant les
médecins généralistes et les infirmiers. Il questionne la capacité de la Belgique à gérer les
changements démographiques impliquant une population vieillissante et une prévalence accrue
de multi-pathologies chroniques.
 Concernant l’efficience de notre système de santé, il faut tout d’abord noter que les
dépenses totales en soins de santé sont élevées (10,2%), mais dans la moyenne européenne.
Elles connaissent une croissance continue et généralisée supérieure à la croissance du PIB
(respectivement 2,5% et 1,1% en termes réels ces 10 dernières années). Le Bureau du plan
prévoit une croissance future des dépenses de 2,2% en moyenne, alors que la norme de
croissance légale du budget des soins de santé n’est que de 1,5%18. Lors de la fixation de cette
norme de croissance, il est insuffisamment tenu compte des besoins de soins de santé du patient.
À politique inchangée, les budgets des soins de santé futurs seront donc en dépassement.
Les dépenses pharmaceutiques sont élevées en Belgique, elles représentent 14,5% des dépenses
totales de santé, soit près de 6 milliards d’euros. La facture des médicaments représente
d’ailleurs le poids le plus lourd dans le coût à charge des patients (30%). Ce niveau de dépenses
par habitants classe la Belgique dans le peloton de tête des pays gros consommateurs de
médicaments (Annexe 4).
Tendances et défis
Un nombre important de tendances et d’évolutions sont à l’œuvre dans nos sociétés et peuvent
représenter autant de défis pour notre système de soins de santé. Une vision de long terme des
soins de santé devra donc également en tenir compte.
Financement du système
Une première tendance relevée par différentes enquêtes d’opinion est une certaine érosion du
soutien sociétal aux principes d’une organisation solidaire et universelle de l’assurance maladie
en particulier chez les générations les plus jeunes 19.
Les crises de sociétés multiples que nous vivons actuellement (qu’elles soient financières,
économiques, environnementales, alimentaires ou énergétiques) re-questionnent notre modèle
socio-économique actuel, fortement dépendant de la croissance. Cela représentera un réel défi
pour la soutenabilité et le financement de notre système de sécurité sociale et nos mécanismes
de solidarité collective.
18En réalité, cette norme est même de 1% lorsqu’on tient compte de la « sous-utilisation structurelle » exigée par le
Conclave budgétaire de juillet 2015. Cfr. Note CGSS 2016/ 035 de 18 mai 2016, Prévisions budgétaires de l'assurance
soins de santé - Exercice budgétaire 2016. Adaptations.
19 “Vos soins de santé, votre avis compte” – M. Elchardus janvier 2014.
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La tendance à la marchandisation de la santé, nous mettra au défi d’éviter la dualisation de la
médecine.
Nous sommes aussi confrontés à la question fondamentale de l’adéquation des innovations
médicales et de leurs prix aux besoins sociétaux, aussi connue comme la question des « besoins
non rencontrés » - « unmet medical needs »20. Les innovations en santé coûtent de plus en plus
cher. Pour un nombre croissant de pays, y compris au sein de l’Union Européenne, certains
médicaments sont, aujourd’hui, difficilement finançables par les systèmes sociaux de santé21.
La digitalisation et l’impact des TIC, au niveau technique, informationnel et organisationnel
représentent autant d’opportunités pour la qualité et l’efficience des soins mais aussi des défis
en termes d’équité, d’health litteracy et d’empowerment des patients. Nous devons veiller à
l’inclusion des personnes n’ayant pas accès aux innovations électroniques et les aider à franchir
le fossé numérique.
Organisation du système
Le principal défi consiste à organiser un système de santé qui soit au service du patient et qui
prenne le patient comme référence pour tous les autres aspects. Le patient (potentiel) sera
impliqué en tant que co-acteur responsable de sa santé, et sensibilisé et accompagné au mieux
en vue de limiter son empreinte économico-sanitaire, via son style de vie et l’observance
thérapeutique, au bénéfice des patients futurs.
Le maintien du modèle de concertation des soins de santé dans un contexte d’austérité
budgétaire sera un défi pour la sécurité tarifaire du patient. L’émergence des associations de
patients obligera également à redéfinir la gouvernance de notre système de soins.
La défédéralisation des soins de santé représentera également un défi pour notre système de
soins et pour développer une approche globale et transversale basée sur le patient et son
parcours de soin. De nouveaux mécanismes de concertation et de coordination entre les
différents niveaux de pouvoir devront voir le jour pour assurer la cohérence et l’efficience du
système.
Les défis sociaux et leur impact sur les soins de santé
Le vieillissement de la population (Annexe 5.), les changements culturels et comportementaux
(maladies de « sociétés » liées à l’alimentation, au stress, à l’activité physique) ainsi que dans les
attentes des patients et le développement des maladies chroniques et complexes impliquant un
besoin relatif de soins complémentaires, nous mettrons au défi d’opérer un réel virage
ambulatoire et nous obligerons à développer plus de multidisciplinarité dans les méthodes de
travail.
20Ce sujet est examiné tant par l’OMS, le Conseil de l’Union européenne que par la Commission Européenne. Cette
dernière relève que malgré des investissements croissants en R&D, les laboratoires de princeps semblent avoir de
plus en plus de mal à trouver de nouveaux produits.
21 Conclusions du Conseil sur le rôle de l’UE dans le domaine de la santé mondiale, 10 mai 2010.
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[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Le multiculturalisme, l’ internationalisation et les pressions migratoires peuvent représenter de
réels défis pour l’organisation et l’accessibilité de nos soins de santé. L’intégration de ces
nouveaux Belges dans le système actuel constitue un enjeu dont l’approche ne peut être
reportée.
Notre vision de long terme pour relever ces défis
À partir de ces constats et au vu de ces nombreux défis, nous formulons ci-dessous, en tant
qu’organismes assureurs, cogestionnaires de l’Assurance Maladie et représentants des affiliés,
une vision de long terme et des objectifs de réforme prioritaires, premiers jalons du système de
soins de demain.
Les organismes assureurs veulent réaliser cette vision globale à long terme avant l’année 2030,
avec les prestataires de soins, les organisations de soins et les politiques. Pour cela, nous partons
d’une vision globale à long terme pour ensuite proposer des étapes à court terme afin de réaliser
cette vision.
Notre vision à long terme s’articule autour de 5 axes :
A.
B.
C.
D.
E.
Définition d’une politique de santé publique dépassant le secteur des soins de santé
Une recherche permanente de qualité, orientée résultat
Reconfigurer l’organisation des soins pour adapter l’offre aux besoins
Améliorer l’accès par la solidarité
Par l’efficience, dégager des moyens pour l’avenir
A. Définition d’une politique de santé publique dépassant le secteur
des soins de santé
Nous demandons avant tout des réformes structurelles en matière de santé publique. Assurer le
droit à la santé exige en effet que la santé individuelle puisse évoluer dans un cadre social positif
envers la santé et les soins de santé, où il sera tenu compte de l’influence du cadre de vie et des
facteurs sociaux. En tant qu’organismes assureurs, nous soulignons une fois de plus l’importance
des déterminants sociaux des soins de santé et nous renvoyons au concept de l’OMS de « Santé
dans toutes les politiques » (Health in all policies22). Ce principe indique que nos objectifs
sociaux seront atteints au mieux lorsque tous les secteurs auront intégré la santé et le bien-être
en tant qu’aspect majeur de leur programme. Seule une approche transversale peut à terme
réduire les profondes inégalités présentes dans l’état de santé et ses déterminants et aura un
effet positif sur la santé individuelle et collective. Nous songeons ici à l’emploi, au logement, à
l’enseignement, aux mesures fiscales, à l’environnement, à la justice, à l’urbanisme et à de
nombreux autres domaines qui exercent une influence déterminante sur la santé de l’individu et
des groupes socio-économiquement vulnérables. Cela implique l’application systématique d’une
« Health impact assessment test » ou de ce que l’on appelle la « lentille santé » dans la prise de
décisions politiques, afin d’évaluer l’impact de la mesure prise sur la santé et le bien-être.
22 Déclaration d’Adelaïde relative à la santé dans tous les domaines politiques. Genève, Organisation mondiale de la
Santé, 2010. La déclaration de Rome relative à l’HiAP de 2007
10
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Pour mettre en place un tel cadre, les organismes assureurs demandent avant tout de définir et
de développer des objectifs de santé pour le système (de soins) de santé belge. Comme le
rappelle le KCE, la détermination d’objectifs de santé publique constitue au niveau international
et national une condition indispensable pour évaluer et ajuster la politique de santé,
responsabiliser les décideurs politiques de la santé et fixer les investissements prioritaires. Ces
objectifs de santé globaux doivent être à la fois généraux et affinés pour chaque secteur.
Des mesures et des actions préventives et curatives ciblées doivent ensuite découler de ces
objectifs de santé, afin de réaliser des avancées de manière organisée. Ces objectifs de santé
doivent être un élément essentiel du modèle de concertation et contribuer à une réflexion
décloisonnée. Ils doivent, autant que possible, faire partie des mesures politiques prises aux
différents niveaux. La détermination et l’élaboration de ces objectifs de santé doit se faire en
accord avec les communautés. Les organismes assureurs peuvent d’une part partager leur
expérience, afin de définir des objectifs de santé pertinents et efficients, et d’autre part optimiser
l’application de ces objectifs de santé en raison de leur proximité avec leurs membres. Il
appartient en effet à nos missions de base d’améliorer la santé publique et d’offrir à tous des
soins de santé abordables, accessibles et qualitatifs. Nous sommes favorables à des objectifs de
santé liés à la prévention et au style de vie, à la qualité des soins, à l’accessibilité financière, aux
soins de santé mentale, aux inégalités socio-économiques, aux ressources humaines du secteur
de la santé, aux soins chroniques et au vieillissement.
Pour faire entrer notre santé et nos soins de santé dans une nouvelle ère, les organismes
assureurs pointent deuxièmement la nécessité d’investir dans l’e-santé. La numérisation (des
soins) de santé signifie, outre leur modernisation, la simplification administrative, la promotion
de la disponibilité des données médicales pour le patient et son implication dans ce processus, et
l’assouplissement de la collaboration entre les organismes assureurs et les prestataires de soins
et entre les prestataires de soins eux-mêmes, au profit de la qualité et de l’efficacité des soins.
Les moyens dégagés grâce à ces investissements pourront ensuite être mieux employés, par le
secteur de la santé, dans l’intérêt du patient. Celui-ci doit aussi toujours rester en position
centrale dans les soins de santé électroniques. Le patient aura ainsi la possibilité de devenir un
partenaire actif de son processus de soin. Les organismes assureurs jouent un rôle majeur dans
l’information et l’accompagnement de leurs membres, afin de développer au mieux leur littératie
en santé (health literacy).
Troisièmement, nous voyons en tant qu’organisme assureur la possibilité de mieux gérer
l’ensemble des frais de santé, à travers l’efficacité des soins et en réduisant notamment la
surconsommation et la surproduction. Le comportement prescriptif des médecins doit être
calqué sur une evidence based medicine, afin que les dépenses liées aux médicaments, aux
examens et aux implants restent dans les limites d’une consommation sûre, utile, durable et
nécessaire. Nous songeons notamment ici aux prescriptions d’antibiotiques et d’antidépresseurs,
mais aussi à l’imagerie médicale et à la biologie clinique. Le coût des médicaments et du matériel
médical doit par ailleurs être mis en adéquation avec le coût réel, ce qui ne deviendra possible
qu’en améliorant la transparence des coûts. De même, la révision de la nomenclature reste
prioritaire, de manière à corriger les sur/sous-financements et d’inciter les prestataires à
privilégier davantage la qualité plutôt que le volume. Un tel exercice tarifaire doit tenir compte
du pouvoir financier tant du patient que de l'assurance maladie obligatoire.
11
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Quatrièmement, les organismes assureurs souhaitent investir ensemble dans des mesures et des
mécanismes evidence based, qui aident à développer la prévention primaire, secondaire, tertiaire
et quaternaire à tous les niveaux et pour l’ensemble de la population. En ce qui concerne la
prévention quaternaire23, nous déconseillons les enquêtes de population lorsqu’il est question
de sensibilité diagnostique insuffisante, de sorte que trop de faux positifs sont identifiés. Comme
indiqué ci-dessus, les OA disposent de multiples atouts en matière de prévention. Nous
demandons dès lors d’être impliqués comme un partenaire à part entière de la politique de
prévention. Cette tâche de base de la mutualité requiert un soutien financier pour répondre aux
besoins de terrain. De plus, la politique de prévention doit être suffisamment coordonnée avec
les entités fédérées, afin de développer une vision cohérente de l’information et de l’éducation à
la santé, laissant une marge aux intonations locales.
B. Une recherche permanente de qualité, orientée résultat
Un deuxième axe de réforme structurel concerne la qualité, ou encore « la mesure dans laquelle
les services de santé offerts aux individus et populations augmentent la probabilité d’obtenir les
résultats de santé souhaités et rejoignent les connaissances professionnelles du moment » et le
suivi systématique de procédures evidence-based (ex. check-lists avant opération, se laver les
mains, etc.)24. Les organismes assureurs demandent de passer à un système évalué à partir du
résultat et de l’application de procédures standardisées, associées à des systèmes
d’accréditation. Le KCE indique en effet que la mesure de l’efficience des soins en Belgique est
limitée, essentiellement en raison de l’absence de mesures de résultats rapportés par les
patients (PROMs). Nous devons développer ici les indicateurs de résultats adaptés, pour amener
à un niveau supérieur la qualité du système belge de (soins de) santé. Nous pouvons par
exemple encore faire de gros progrès en matière de prévalence des infections hospitalières, de
réduction de la prescription d’antibiotiques, de suivi du patient à travers les organisations de
soins, les cabinets médicaux et les autres prestataires de soins. Plusieurs études mutualistes ont
également pointé l’importance de la concentration des volumes pour certaines opérations
complexes, comme la chirurgie du cancer de l’œsophage, du pancréas ou du poumon25. Ce
mouvement de qualité doit impliquer l’ensemble de la 1ère, la 2e et la 3e ligne. L’importance de la
formation continue et de l’engagement des formateurs, disposant d’une formation reconnue et
d’une accréditation, doit par ailleurs être soulignée. La valeur ajoutée de cette formation doit
être quantifiable et exercer une influence positive sur le résultat, en favorisant les pratiques
qualitatives.
Un tel système doit également être disponible auprès des plates-formes et des interlocuteurs
qualifiés, afin de répertorier et de corriger les problèmes.
Pour favoriser la qualité, il est également important de continuer à développer l’efficience des
soins et de l’e-santé. L’e-santé jour un rôle majeur dans l’amélioration de la continuité des soins
23
La prévention quaternaire consiste à éviter les interventions inutiles ; éviter les faux positifs ; identifier un
individu ou un groupe de patients risquant une surmédicalisation afin de le protéger contre de nouveaux examens
médicaux et proposer des interventions éthiquement acceptables. Source : Domus Medica
www.domusmedica.be/documentatie/huisartsnu/archief/2013-jg-42/nr-42-5/4941-quaternaire-preventie-c-estquoi-ca.html.
24 Rapport KCE performances 2015.
25
Études AIM concernant le lien entre volume et qualité des interventions médicales (cancer du poumon,
cancer de l’œsophage et cancer du pancréas). Disponible sur www.aim-ima.be/?lang=nl.
12
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
en Belgique et la coordination des initiatives de qualité. Elle pourra réduire le nombre de
doubles examens, améliorer la transparence des connaissances et de l’information, et simplifiera
le respect des guidelines en matière de soins.
Pour garantir la qualité, il faut veiller à ce que les prestataires atteignent un seuil minimum
d’activité et ne dépassent pas un seuil maximum, au-delà duquel la qualité ne peut pas être
assurée.
La qualité de vie et les objectifs de soins du patient doivent figurer en position centrale. Les
priorités thérapeutiques doivent être définies en accord avec le patient, qui doit pouvoir faire un
choix correctement informé, sur la base des informations concernant la plus-value et l’impact
sur la qualité de vie de certains actes médicaux.
C. Reconfigurer l’organisation des soins pour adapter l’offre aux besoins
La transition démographique nécessite de reconfigurer notre offre de soins. L’objectif principal
des organismes assureurs concernant l’organisation des soins est de faire émerger une approche
globale orientée autour des besoins du patient et non de l’offre de soins, au-delà des frontières
entre les lignes et entre les silos.
Dans cette optique, les organismes assureurs soulignent l’importance d’évoluer vers une
organisation plus intégrée de la politique de santé et identifient différents axes structurels
prioritaires pour atteindre cet objectif.
Premièrement, une politique de santé plus intégrée nécessitera de redéfinir et clarifier la
répartition des tâches entre les différentes professions et les différentes lignes de soins afin que
les patients puissent mieux s’orienter et que leur besoins soient pris en charge de manière
globale mais rationnelle26. Cette dynamique va de pair avec la délégation des tâches entre les
différents acteurs qui sera à encourager27. Une réponse forte devra également être donnée à la
pénurie de personnels soignants dans certains domaines clefs. Ces divers enjeux impliquent
simultanément l’adaptation de la Loi coordonnée de 10 mai 2015 relative à l'exercice des
professions des soins de santé28 afin de faciliter le développement de nouvelles professions
permettant la délégation des taches sous supervision.
Une politique intégrée demande également le soutien aux formes de collaboration entre les
acteurs et entre les lignes de soins.
Le développement optimal de l’interdisciplinarité et de la multidisciplinarité autour du patient
sera aussi à encourager. La question du mode de financement le plus optimal favorisant cette
multidisciplinarité et cette prise en charge globale du patient, sans délaisser la qualité, devra
également être abordée. En ce sens, les organismes assureurs souhaitent évoluer vers des
financements davantage forfaitaires, adaptés à la lourdeur des besoins en soins du patient et
favorisant la qualité.
26Par exemple éclaircissement de la répartition des tâches entre gynécologues versus sages-femmes, répartition des
tâches entre ophtalmologues versus opticiens, etc.
27Par exemple délégation du spécialiste vers le médecin généraliste, délégation du médecin généraliste vers le
personnel infirmiers, délégation du personnel infirmiers vers les aides-soignantes, délégation des dentistes vers les
hygiénistes dentaires, etc.
28 Ancienne référence: l’AR nr. 78 du 10 novembre 1967.
13
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Afin d’inciter à un usage rationnel du système de soins et d’en améliorer la qualité, les mesures
incitatives à l’échelonnement des soins seront également des ingrédients essentiels, tenant
compte aussi de l’évolution de ehealth et des potentialités des échanges d’information entre
prestataires de soins.
Dans ce contexte, une priorité est donc de renforcer la qualité et l’échange électronique de
l’information entre le patient, les prestataires de soins, les médecins du travail et les médecins
conseils. Cela doit également avoir pour conséquence d’éviter les doubles examens, de prévenir
les traitements obsolètes, d’éviter les problèmes liés à la poly médication et aux interactions
entre médicaments et de limiter le travail administratif. La mise en place d’un dossier patient
partagé- électronique et multidisciplinaire- afin de renforcer la qualité et l’échange
d’information entre les prestataires de soins (médecins, pharmaciens,…), mais également avec le
patient est donc également un axe de travail prioritaire.
L’engorgement des urgences est une faiblesse de notre système de soins. Une bonne
coordination avec les postes de gardes de médecine générale au sein d’accords-cadres clairs
s’impose.
L’implication de tous les acteurs pertinents, dont les patients et les organisations de patients,
favorise la qualité et l’efficacité de l’organisation de soins. La création de plates-formes de
concertation rassemblant les partenaires impliqués dans les soins d’un patient devra être
favorisée, ce qui réduira également les gaspillages (doubles examens, décalages dans les
prescriptions de médicaments, …).29
Deuxièmement, ce modèle doit être articulé autour d’une première ligne solide, régulatrice de
l’utilisation adéquate de ses soins et de ceux des autres lignes. Ici, un changement de paradigme
sera nécessaire. Nous devrons évoluer vers un système où la première ligne est la porte d’entrée
privilégiée dans le système de soins, en opposition au paradigme actuel fort orienté « de la
deuxième ligne vers la première ligne ». Le rôle centralisateur du médecin généraliste et les
mesures stimulants la fidélisation chez le médecin généraliste seront essentiels.
Au sein de cette première ligne, le développement de pratiques intégrées capables de garantir
une prise en charge multidisciplinaire de patients rencontrant des besoins aussi nombreux que
variés doit être vus comme une priorité30.
Egalement, afin de permettre une approche médico-sociale intégrée et continue des maladies
chroniques, le développement de trajets de soins génériques pour les patients complexes et/ou à
multi morbidité, financé de manière forfaitaire en fonction des besoins du patient sera un outil
essentiel pour faire face aux enjeux de demain. Le Plan Maladie Chronique du Ministre De Block
devra être suivi attentivement afin que le changement visé soit réalisé sur le terrain. Dans ce
contexte les mutuelles doivent être impliquées.
Le développement de normes minimales et de contrôle de la qualité des soins en première ligne
est également nécessaire.
29
D’après l’exemple des projets pilotes ‘Stakeholderoverleg’ côté flamand
http://vd3439.prod1.novation.be/themas/hospitalgovernance/pilootprojecten/pilootprojecten-stakeholdersoverleg-gaan-van-start.html.
L’évaluation de ces projets est disponible sur http://vd3439.prod1.novation.be/themas/hospitalgovernance/pilootprojecten/studiedag-stakeholdersoverleg-12-juni-2015-pxlhasselt.html.
30 Cfr. Accord de Gouvernement pg 63.
14
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Troisièmement, le système de soins de demain devra avoir développé des structures ou des
modalités de soins intermédiaires entre l’hôpital, les MRS/MRPA et le domicile, dans des
collaborations entre ces divers niveaux qui doivent s’inscrire dans un continuum de prise en
charge des patients.






En particulier, en matière d’accompagnement de la personne âgée, il faut mener une
politique innovante qui diversifie l’offre en fonction des besoins. Il faut réfléchir à
d’autres formes d’aides qui permettent aux personnes âgées fragilisées de vivre là où
elles se sentent bien, entourées de soins et de services formels et informels qui
répondent à leurs besoins et où elles occupent une place à part entière (les centres
d’accueil et de soins de jour, les courts séjours en maison de repos, des maisons
communautaires ou centres de services communs doivent être développés,…).
Parallèlement, après une phase de soins aigus, des alternatives à l’hospitalisation doivent
être proposées : centre de convalescence, lits de revalidation, hospitalisation à domicile.
Ces initiatives extra-muros devront rester accessibles à tous31. Ici, les initiatives dans le
cadre des projets pilotes forment une importante impulsion, mais cela doit rester
cohérent avec le cadre de réforme plus large et mener à des améliorations effectives du
système de soins. Il est à noter que la 6ème réforme de l’Etat risque de complexifier le
développement de ces structures intermédiaires étant donné les incertitudes sur les
responsabilités respectives des différents niveaux de pouvoir dans ce domaine.
Egalement, dans ce cadre, les organismes assureurs rappellent l’attention particulière
qui doit être mise à l’avenir sur la prise en charge de la fin de vie encore trop peu
optimale dans notre pays.
Le soutien au développement de la télémédecine sera également essentiel à l’avenir. Celle-ci sera
un soutien important pour les professionnels de la santé mais aussi pour le patient et ses aidants
proches.
Les aidants proches jouent un rôle important en tant que premier soutien du patient et dans le
lien entre le patient et le prestataire de soins. Notre société doit donc soutenir les aidants
proches dans ce rôle, notamment grâce à la centralisation des informations pertinentes, au
soutien psychologique et aux soins de répit.
Quatrièmement, une réduction de l’offre en soins hospitaliers aigus et soins hospitaliers
psychiatriques devra s’opérer. Cela d’une part, parallèlement à une centralisation de l’expertise
spécifique au niveau de la ligne hospitalière et une concentration des soins complexes et rares.
Et d’autre part, en soutenant le développement de la prise en charge des soins de santé mentale
en première ligne et la mesure visant à la conversion de lits psychiatriques en soins dans la
communauté initiée par la réforme 107. La restructuration des hôpitaux en « réseaux », doit être
sous-tendue autant par une logique d’amélioration de la qualité que par une logique de
rationalisation. De plus, cette restructuration doit se faire en tenant compte de l’accessibilité
géographique des soins et en veillant à une juste répartition des centres de soins.
31 Socialistische Mutualiteiten, Rusthuisbarometer 2016, beschikbaar op:
http://www.bondmoyson.be/SiteCollectionDocuments/Pers%20en%20studiedienst/300/Rusthuisbarometer_2016. pdf.
15
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
D. Améliorer l’accès par la solidarité
L’accessibilité des soins et la réduction des inégalités de santé est une valeur centrale pour les
organismes assureurs. Afin que cette valeur soit réalité dans le système de soins de demain, les
organismes assureurs identifient différents objectifs structurels.
Premièrement, le coût des soins à charge des patients doit diminuer, prioritairement via une
couverture de besoins essentiels insuffisamment couverts aujourd’hui (notamment dans les
soins dentaires, les soins de santé mentale, les lunettes et les appareils auditifs, le transport
urgent et non urgent, la bandagisterie et l’orthopédie, …), et l’accès de tous aux nouveaux
traitements ayant démontré une plus-value doit être défendue.
De plus, cet objectif doit être rencontré par un financement efficient d’une part, mais surtout
stable et solidaire. Augmenter le ticket modérateur, mettre à charge du patient ou privatiser
certains frais de maladie ne sont pas l’expression d’une bonne gestion, mais plutôt des solutions
de facilité aux dépens du patient. Les organismes assureurs s’engagent pour la santé et le bienêtre de tous (personnes malades ou en bonne santé, jeunes ou âgées, riches ou pauvres). Des
initiatives basées sur la solidarité et le contrôle de l’utilisation correcte des moyens sont le plus
solide fondement pour atteindre cet objectif. De plus, une couverture solidaire est plus efficience
qu’une couverture par des assurances privées en termes de frais d’administration, de marge de
profit, de contrôle de facturation. Le choix de la solidarité n’est donc pas seulement éthique, c’est
aussi le choix le plus optimal en terme d’efficacité pour couvrir le risque « Santé » de la
population. C’est pourquoi les organismes assureurs considèrent dès lors prioritaire d’investir
dans l’assurance maladie invalidité obligatoire afin que celle-ci reste le pilier central de nos soins
de santé.
Dans cette optique, un encadrement des suppléments d’honoraires et une limitation de ceux-ci
doit constituer un objectif prioritaire. La situation actuelle comporte en effet les germes d’une
dualisation des soins de santé. Ainsi, l’absence de régulation pousse les suppléments à la hausse,
ce qui se traduit par des augmentations parfois substantielles des primes d’assurances, génère
une surenchère (néfaste à la qualité des soins) entre hôpitaux pour attirer les médecins, et - en
l’absence totale de prévisibilité - plonge le patient dans l’incertitude financière. L’augmentation
de la proportion de chambres particulières - qui devient progressivement la norme dans les
hôpitaux – va encore accentuer ce mouvement. Cette augmentation des suppléments d’honoraire
trouve notamment son origine dans le sous-financement structurel des hôpitaux combiné au
mécanisme de financement dual et peu transparent de l’activité hospitalière. Les organismes
assureurs plaident dès lors pour une réforme en trois piliers : une rémunération juste des
prestations médicales qui distingue aussi la partie professionnelle et la partie frais de
fonctionnement, un financement hospitalier couvrant les coûts réels justifiés et une limitation
des suppléments d’honoraires hospitaliers au fur et à mesure du réétalonnage de la
nomenclature et du financement adéquat des hôpitaux. Il s’agit d’arriver à un financement
transparent et juste de l’activité hospitalière et de veiller parallèlement à ce que l’argent investi
par la collectivité serve les intérêts de la collectivité à savoir l’accessibilité à des soins de qualité.
A court terme, les organismes assureurs proposent un plafonnement des suppléments
d’honoraires à l’hôpital, plus de transparence dans la facture « patient » et la garantie de pouvoir
16
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
être soigné sans suppléments d’honoraires pour une même qualité de soins dans chaque hôpital
du pays.
Actuellement, la question de l’accessibilité financière des soins de santé renvoie aussi au faible
taux de conventionnement de certaines spécialités médicales et d’autres prestataires (Annexe
6.). L’horizon auquel nous aspirons est un conventionnement complet. A court et moyen termes,
des mesures doivent être prises afin d’améliorer le taux de conventionnement et garantir la
sécurité tarifaire des patients. En ce sens une plus grande différenciation des avantages voir des
remboursements entre conventionnés et non-conventionnés doit être introduite. En particulier,
lorsque des moyens supplémentaires sont octroyés pour combler un sous-financement objectivé
par rapport au coût et/ou à l’investissement nécessité par l’intervention, ces revalorisations
devraient être conditionnées au conventionnement du prestataire.
Egalement dans une optique d’amélioration de l’accessibilité, une régulation des prix et des
tarifs et une amélioration de la transparence financière est nécessaire tant pour le patient
qu’envers les mutualités chargées de les informer et de les accompagner. L’information du statut
du prestataire (conventionnés ou pas) et du montant des suppléments potentiels doit être
mentionnés activement (par exemple sur les sites internet ou lors de la prise de rendez-vous).
Plus de transparence des coûts et des remboursements est nécessaire. Les efforts déjà entamés
dans plusieurs secteurs (tels les implants ou les appareils auditifs), à savoir une distinction entre
l’honoraire du prestataire et le prix du matériel, doivent s’intensifier et se généraliser à
l’ensemble des secteurs. Cela afin d’éviter des marges bénéficiaires non justifiées d’une part, et
de permettre un remboursement adéquat pour des indications dignes d’intérêt d’autre part.
Notre système de soins de santé est encore insuffisamment adapté à la prise en charge des
patients chroniques alors que ces derniers cumulent des problèmes de santé et, par conséquent,
des coûts importants. Lever les obstacles financiers qui subsistent à l’accès aux soins des
patients chroniques est nécessaire ainsi que, comme déjà abordé ci-dessus, privilégier une prise
en charge des maladies chroniques centrée sur le patient et son “trajet de soins”.
Finalement, dans le but améliorer le soutien sociétal à notre système de sécurité sociale, il sera
nécessaire d’investir dans l’éducation et une information pédagogique pour renforcer la
disposition à la solidarité de la population. Les principes de base et les enjeux d’un système
solidaire devront être mieux expliqués, surtout aux plus jeunes générations qui n’ont pas assisté
à la construction du système. Il faudra également communiquer de manière plus claire sur les
critères techniques et éthiques des décisions prises en matière de remboursement, et entrer en
dialogue avec la population, en multipliant les espaces de discussions et de confrontation
démocratique à tous les niveaux pour ouvrir et mener le débat sociétal sur les enjeux de
l’assurance maladie et les questions de solidarité en soins de santé. Les Mutualités qui ont une
mission d’information et d’accompagnement de leurs affiliés ont ici un rôle essentiel à jouer.
E. Par l’efficience, dégager des moyens pour l’avenir
Pour réaliser les adaptations nécessaires citées plus haut dans un cadre budgétaire limité, nous
sommes convaincus qu’une partie importante des moyens peuvent être obtenus en améliorant
la transparence, la qualité mais aussi l’efficience du système de soins. Cela nécessite des mesures
structurelles apportant des améliorations durables de la gestion du système de soins de
17
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
santé, à l’inverse de mesures linéaires purement budgétaires qui se répercutent en fin de compte
sur les patients et sur la qualité des soins.
Les organismes assureurs pointent un certain nombre de chantiers prioritaires pour renforcer
d’avantage l’efficience du système de soins.
Premièrement, il faut remédier à l’obsolescence de la nomenclature et en effectuer un
réétalonnage. Dans chaque secteur un travail préalable de transparence financière doit être fait
pour mettre en lumière la part de la nomenclature destinée aux actes professionnels (combien l’
acte médical coûte en soi), et la part destinée aux frais de pratiques (infrastructure, matériel, et
dans les hôpitaux, la part rétrocédée). Sur base de cette plus grande transparence et
compréhension de chaque secteur, il importera alors de poursuivre ou d’entamer le
réétalonnage de la nomenclature sur base de la durée, de la complexité et du risque des
prestations, de manière à corriger les sur-/sous-financements, d’inciter les prestataires à
privilégier la qualité plutôt que le volume, et d’atteindre une nomenclature d’avantage en phase
avec les besoins et la charge de travail réelle.
Cette révision de la nomenclature doit également permettre de tendre vers une révision du
système de rémunération des prestataires, autre axe de travail essentiel. En effet, à travers ce
travail de révision de la nomenclature, la notion de rémunération correcte/juste pour les
médecins spécialistes et des autres prestataires doit être abordée, et la question de la
transparence et l’adéquation des revenus doit être ouverte.
Une révision des sous-quotas des spécialités afin qu’ils soient plus adaptés aux besoins en soins
est nécessaire. On demande d’une part l’amélioration de l’attractivité de certaines professions en
pénurie, tout en contrôlant d’autre part celles de professions où l’offre est trop conséquente ou
bien où une pénurie artificielle a été créée.
Il est également nécessaire d’adapter la Loi coordonnée du 10 mai 2005 concernant l’exercice
des professions de santé, afin de pouvoir mettre en place de nouvelles professions permettant la
délégation des tâches sous surveillance. Certaines prestations ne requièrent en effet pas le degré
de spécialisation des prestataires de soins qui les réalisent actuellement et elles peuvent être
réalisées par d’autres prestataires de soins avec un niveau de qualité identique. De ce fait, le
prestataire de soins spécialisé pourra se concentrer sur les tâches fondamentales et les
prestations déléguées pourront être réalisées de manière plus efficace financièrement.
L’amélioration de l’efficience suppose également un modèle de financement adéquat des soins
hospitaliers. En effet, le système de financement actuel possède un caractère fortement
inflationniste et pousse les hôpitaux dans une course à la croissance qui résulte en un jeu à
somme nulle pour ces derniers, mais qui coûte très cher à la collectivité. Egalement, par rapport
aux autres pays européens, on observe en Belgique une densité de lits aigus particulièrement
élevée et souvent des durées de séjour plus longues. Ce paradigme doit être substantiellement
réadapté, les « cadrans » et « indicateurs » utilisés par les gestionnaires d’hôpitaux doivent
évoluer. Sans cela, les mécanismes financiers poussant à un mode de financement inflationniste,
au dépens de la santé publique, n’évolueront pas en profondeur. Dans ce contexte, un
remodelage en profondeur du paysage hospitalier et de son financement est nécessaire afin
d’inciter à une utilisation rationnelle des ressources disponibles et à la collaboration
18
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
multidisciplinaire. Il convient aussi de lever les freins aux collaborations entre hôpitaux, sans
que cela mène à une augmentation des coûts pour le patient.
Egalement, afin de renforcer la viabilité financière et la qualité des soins, un travail devra être
fait pour diminuer la surconsommation et inciter au bon usage des procédures diagnostiques et
thérapeutiques. Dans ce cadre, les organismes assureurs visent trois axes de travail prioritaires.
Premièrement, la part de la biologie clinique et la radiologie dans le total des dépenses de santé
et la réalisation de certains examens et implants doit être diminuée.
Deuxièmement, il sera nécessaire d’instaurer une politique sociale du médicament visant à
diminuer le prix et le volume des médicaments consommés et à permettre à chacun d’avoir accès
aux médicaments à valeur thérapeutique ajoutée répondant à ses besoins. En effet, les
médicaments et techniques médicales essentielles à la santé sont des « biens communs», en ce
sens c’est la responsabilité de la collectivité et des instances publiques de faire en sorte que ces
médicaments soient développés, produits et mis à disposition des patients qui en ont besoin à un
prix démocratique et dans des délais raisonnables. Ceci suppose des innovations
pharmaceutiques davantage en concordance avec les besoins sociétaux et des prix reflétant
l’efficacité réelle du médicament ainsi qu’une prescription et une délivrance rationnelles.
Egalement, la simplification des procédures et un suivi adéquat des « outliers » et des fraudes
auront un effet naturel d’économie et d’assainissement. L’objectif ici n’est pas de punir la
majorité vertueuse des prestataires, en créant un système « anti-fraude » très bureaucratique et
lourd administrativement. Cependant, dans un nombre conséquent de secteurs les mesures pour
éviter les surconsommations et les pratiques frauduleuses ciblant la minorité d’ « outliers »
doivent encore être renforcées et rendues plus efficaces. La mise en place d’un comité antifraude INAMI –OA va dans ce sens. Ces mesures doivent avoir des bases juridiques solides et
s’accompagner d’une volonté politique forte de mise en exécution pour mettre un terme définitif
à de tels agissements qui pénalisent l’ensemble des acteurs du secteur lorsque des diminutions
linéaires de budget sont proposées pour endiguer des dérapages.
19
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Nos priorités à court terme
Pour réaliser notre vision de long terme, nous, les organismes assureurs belges, proposons les
actions à court terme suivantes:
A. Définition d’une politique de santé publique dépassant le secteur des soins de
santé

Les mutualités soutiennent la mise en place en 2017, avec toutes les parties prenantes,
d’une plate-forme interfédérale pour le développement d’une vision et d’une stratégie de
long terme de la santé et des soins de santé.

Créer et publier un « Health impact assessment » ou « stress-test santé » afin que
l’impact sur la santé de toute nouvelle politique soit évalué en amont, dans l’ensemble
des domaines pouvant avoir un impact sur la santé.

Développer et utiliser des indicateurs de santé macro et micro, en particulier sur les
thématiques
suivantes: consommation
d’antibiotiques,
consommation
d’antidépresseurs, polymédication chez les personnes âgées, exposition aux
rayonnements, EBM screening, vaccination, burn-out, suivi multidisciplinaire des
patients chroniques.

Améliorer de la prévention bucco-dentaire notamment dans le cadre du « trajet de soins
bucco-dentaire » (augmentation de 10% d’ici 2017).

Renforcer la politique de prévention en matière de burn-out.






B. Une recherche permanente de qualité, orientée résultat


Accentuer la réalisation de profils pour les médecins et les lier à l’obtention de
l’accréditation, cela, en parallèle avec la révision du système en cours de discussion entre
la médico-mut et le CNPQ.

Définir des seuils minimaux et des seuils maximaux d’activité au-delà desquels la qualité
ne peut être assurée. Ces seuils reposent notamment sur le principe de durée moyenne
par prestation de nomenclature.
Investir dans la multidisciplinarité avec l’objectif que la moitié des patients chroniques
puissent bénéficier d’une prise en charge intégrée à l’horizon 2019.







Réduction de l’exposition inutile au rayonnement:


via l’ extension de l’offre de scanners NMR et la diminution des
honoraires pour
CT, avec application obligatoire des directives de prescription.
via l’établissement d’un financement forfaitaire fermé de l’imagerie médicale
pour couvrir les frais
 fixes, par hôpital, en fonction des besoins en ambulatoire et
en hospitalisation.
20
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016






via l’utilisation d’un formulaire de demande
standard, sous format électronique,
couplée à la substitution par le radiologue.
Généraliser le dossier électronique partagé pour chaque patient, en augmentant la
disponibilité et son accessibilité par le patient via en autre l’ accès électronique direct du
patient à ses données médicales (e.a. Sumehr), afin qu’il puisse devenir un partenaire
actif du processus de soins (cf. self-management et patient empowerment): mise en
œuvre : 2017
Soutenir le déploiement du dossier pharmaceutique partagé et du schéma de médication
et son intégration dans e-health.
C. Reconfigurer l’Organisation des soins pour adapter l’offre aux besoins















Poursuivre l’intégration dans le DMG des aspects de prévention, de gestion complexe et
pluridisciplinaire pour des publics cibles spécifiques.
Développer le principe des trajets de soins pour des groupes spécifiques et des soins
spécialisés/chers, par exemple grossesse, douleur chroniques (neurostimulateurs, …)
Déterminer en 2017 les tâches de l’hygiéniste dentaire.
Établir un modèle de convention de collaboration type entre les médecins et les
infirmiers pour la délégation de tâches, dans la visée de développer la fonction
d’assistant de pratique.
Réviser en profondeur le financement des soins à domicile avec pour objectif que le
personnel infirmier se concentre plus sur la prise en charge des malades chroniques
(coaching, empowerment, éducation) , en augmentant la délégation des tâches vers du
personnels soignants.
Avancer vers l’obligation de concentration des soins pour les pathologies lourdes, avec
un premier pas en 2017 pour les cancers rares (pancréas, œsophage, …).
Sur base de la prochaine étude du KCE évaluant l’offre de soins, conditionner le
financement de nouvelles constructions d’hôpitaux à la réduction du nombre de lits en
adéquation avec les besoins.
Réduire la capacité des hôpitaux psychiatriques de 30% d’ici 2022. Parallèlement,
mettre en place le remboursement de la psychothérapie en première ligne.
D. Améliorer l’accès par la Solidarité

Investir dans l’accessibilité des soins en améliorant la couverture et en intervenant dans
les soins non remboursés pour les soins dentaires (via de nouvelles formes de
financement et l’organisation des soins dentaires pour les personnes précarisés socio-
21
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
économiquement et les jeunes de 18 à 30 ans, ainsi que la couverture de soins non
remboursés), la santé mentale (via le remboursement des psychothérapies en 1ère ligne
pour 5 sessions (cf. étude KCE)), les soins optiques (via la réduction progressive du seuil
de dioptrie pour les adultes), et les appareils auditifs (via la suppression ou la réduction
de la quote-part personnelle pour les assurés de plus de 18 ans).







Etendre le maximum à facturer pour mieux garantir l’accessibilité des soins pour les
malades chroniques.
Entamer dès 2017 la réflexion concernant la transparence des rémunérations des
prestataires et la question de la rémunération correcte.
Mise en œuvre des mesures visant la transparence et la maîtrise de la facture du patient :











dans le cadre de la loi sur la transparence,
 évaluer sur base d’enquête du respect des
tarifs par les médecins conventionnés.
augmenter le taux de conventionnement en introduisant une plus grande
différenciation des avantages,
voir des remboursements entre conventionnés et

non-conventionnés.
introduire un plafonnement des suppléments d’honoraire à l’hôpital.

améliorer la transparence tarifaire pour le patient : le patient doit recevoir une
facture claire qui ventile le prix de reviens pour le médecin et le coût pour
l’hôpital. Ils doivent également recevoir à l’avance une évaluation
 de coût qui
fait office d’engagement tant pour le médecin que pour l’hôpital.
assurer la garantie de pouvoir être soigné sans suppléments d’honoraires pour
une même qualité de soins dans chaque hôpital du pays. En effet, chaque
patient a droit à la même qualité de soinssans considération pour sa situation
financière ou sa couverture assurantielle.
Augmenter la transparence financière via une fixation correcte des prix via la ventilation
des honoraires (prestations intellectuelles et techniques), du coût de l'infrastructure et
du coût du matériel. Ce travail doit être fait dans des secteurs tels que les prothèses
auditives, les bandagistes et othopédistes (où le groupe de travail « transparence » doit
être réactivé d’urgence), les opticiens, les implants, mais aussi dans la nomenclature de
manière globale, en particulier le réétalonnage de la nomenclature des honoraires
médicaux
E. Par l’efficience, dégager des moyens pour l’avenir



Entamer la rationalisation de l’offre en logopédie et ouvrir le débat sur la place de la
logopédie dans l’enseignement.
Éviter la surconsommation, via :





une prescription plus EBM pour la biologie clinique, l’imagerie médicale, les
médicaments (tant en termes de volume
 qu’en termes de prescription bon
marché pour les médicaments), et la kiné.
détection plus précoce des maladies et meilleure efficience
de la thérapie via le

développement des biomarqueurs et des tests génétiques
limiter les
tests génétiques délicats et onéreux aux 8 centres reconnus de génétique
humaine.
22
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016








Permettre un test à plus court terme d’un nouveau modèle de financement, plus global,
avec des hôpitaux pilotes.
Permettre pour de nouvelles prestations la substitution de l’hospitalisation classique par
l’hôpital de jour, via une actualisation des listes de prestations relevant désormais de
l’hôpital de jour (annexes A et B du BMF, forfaits 1 à 7, …).
Dans le secteur du médicament :





















introduire un honoraire pour la réalisation d’une “medication
review” des pharmaciens,

soutenue par un schéma de médication up-to-date.
appliquer le modèle d’appel d’offres de l’écluse ou un remboursement de
référence par
classe pour les classes entièrement génériquées comme les SSRI’s
et les IPP’s .

exiger le démarrage des traitements en DCI
exiger la révision du remboursement en fonction de l’EBM (par exemple pour les
inhibiteurs TNF, Facteur VIII (et autres facteurs coagulants), Gliptines et
glifozines, Rosuvastatine,
Méthylphénidate en cas d’ADHD, Néobacitracine,

Omalizumab.
améliorer la politique de prix des médicaments orphelins, via une réévaluation
de la rentabilité des médicaments orphelins par les affaires économiques dès
qu’il y a une extension d’indication ou de patients. Un nouveau prix maximum
doit alors être fixé. Egalement, le calcul du coût incrémental (ICER) doit être un
prérequis obligatoire aux dossiers soumis à la CRM pour les médicaments
orphelins. Pour les médicaments orphelins qui perdent
 ou renoncent à leur statut
orphelin, une réévaluation serait également utile.

élargir la forfaitarisation à l’hôpital de jour.
instaurer un même niveau de remboursement pour certaines classes de
médicaments avec une même valeur thérapeutique (même
niveau de

remboursement par DDD pour certaines classes ATC niveau 4).
fixer un prix identique par comprimé, indépendamment de la taille du
conditionnement. Actuellement, la détermination du médicament le moins cher
ne concerne qu’un cluster déterminé, de sorte qu’un même
comprimé peut être
plus cher dans un grand conditionnement que dans un petit.
réévaluer régulièrement une classe de médicaments. En effet,
la présence de nouvelles
molécules peut par exemple influencer la valeur thérapeutique.
Permettre la communication des données diagnostiques aux OA.
Renforcer la lutte contre la fraude et le mauvaise usage de la nomenclature, tels les
prestations non effectuées, le sur-scorage et l’usage inapproprié de la nomenclature.
Implémenter l’application d’un « test de fraude » lors de l’introduction d’une nouvelle
prestation de nomenclature ou enrichissement de la nomenclature, pour prévenir les
mauvais usages de la nomenclature.
23
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
ANNEXES
Annexe 1.1. Qualité des soins - Imagerie médicale et Biologie clinique
Nos dépenses dans ces deux secteurs sont importantes.
Examens par CT scans et IRM par 1000 habitants (OCDE 2013)
Annexe 1.2. Santé publique et Qualité : Santé mentale
L’état de santé mentale de la population est interpellant. Par exemple, l’ invalidité pour cause de
troubles mentaux représente 34,8% de l’effectif total en 2013.
24
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Annexe 1.3. Santé publique et Qualité : Hétérogénéité des pratiques
médicales
L’hétérogénéité des pratiques médicales est forte en Belgique.
Aandeel chinolonen in antibioticumconsumptie – verpakkingen 2013
Rapport de la consommation standardisée de méthylphénidate (en DDD) par
arrondissement et du nombre attendu en 2008 avec la moyenne nationale pour les
enfants et jeunes entre 6 et 17 ans
25
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Annexe 2.1. Accessibilité des soins : part à charge des patients
La part à charge des patients est importante en Belgique.
Dépenses totales et publiques de santé au sein de l’OCDE et espérance de vie (Eco santé
2015, données 2013)
Versements nets des ménages et assurance privée en % des dépenses totales de santé
(Eco santé 2015, données 2013)
50
45
40
35
30
Assurances privées
25
20
15
10
4,1
Versements nets
des ménages
17,9
5
0
26
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Annexe 2.2. Accessibilité : Inégalités en termes de mortalités et de
déterminants sociaux
Les inégalités en santé sont importantes en Belgique.
Inégalité des espérances de vie par communes (SPF économie)
État de santé – Morbidité : maladie cardio-vasculaire
27
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Annexe 2.3. Accessibilité - Inégalités dans les indicateurs de soins
préventifs
Taux de bénéficiaires avec minimum 1 contact préventif chez le dentiste au cours de 2
années civiles différentes sur une période de 3 années civiles
Les publics à risque sont les jeunes de 18 à 30 ans, les BIM et les personnes âgées.
28
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Annexe 2.4. Accessibilité - Inégalité importantes dans les reports de soins
par régions
Pourcentage des ménages reportant leur soins, par régions
Annexe 2.5. Accessibilité - Dualisation des soins
Montant moyen total à charge du patient pour l’accouchement naturel, par hôpital,
données 2014
29
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Annexe 3. Organisation des soins - Hôpitaux
Le nombre de lit d’hôpitaux aigus est très haut en Belgique.
Lits aigus par 1000 habitants (Ecosanté 2015)
Lits aigus par 1000 habitants (Ecosanté 2015)
1985
1990
1995
2000
Finlande
3
2,4
Suède
4,6
4,1
3
2,4
Turquie
1,9
Norvège
4,7
3,8
3,3
3,1
Etats-Unis*
4,2
3,7
3,4
2,9
Royaume-Uni
3,1
Portugal
3,1
3,2
3,2
3,1
Pays-Bas
4
3,5
3,2
Danemark
3,5
Italie (2012)
7
6,2
5,6
4,1
Suisse
4,1
France
4,1
Belgique
5,9
5,2
5
4,7
République Tchèque (2012)
8,2
8,1
6,9
5,7
Allemagne
6,9
6,4
2005
2,2
2,2
2,1
2,9
2,7
3
2,9
3,1
3,2
3,3
3,6
3,7
4,4
5,3
5,9
2010
1,8
2,0
2,4
2,4
2,7
2,4
2,8
3,0
2,9
2,8
3,1
3,5
4,1
4,9
5,7
2013
2,8
2
2,6
2,3
2,3
2,8
3,3
2,7
2,9
3,3
4
4,6
5,3
*Chiffre 2007
Annexe 4. Efficience : Dépenses pharmaceutiques conséquentes
La part des médicaments dans les dépenses de santé est importante en Belgique. Egalement, les
médicaments représentent une part importante dans les coûts à charge du patient. Ces dépenses
élevées proviennent à la fois de prix élevés et d’une consommation par habitant plus élevée que
la moyenne des pays voisins.
Ventes pharmaceutiques totales par rapport aux dépenses totales de santé (Eco santé
2014, données 2012)
18,4%
Portugal
14,6%
Belgique
14,5%
12,0%
11,9%
11,7%
11,0%
11,0%
10,6%
10,5%
Finlande
Royaume-Uni
Danemark
Suisse
8,8%
8,2%
7,3%
6,7%
6,5%
Norvège
Pays-Bas
0,0%
16,6%
5,0%
10,0%
15,0%
20,0%
30
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Dépenses totales médicaments par habitant (Rapport OCDE panorama de la santé 2015 –
en Euros/ parité de pouvoir d’achat, données 2013 ou dernière année disponible)
31
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Annexe 5. Croissance des personnes âgées : urgence d’adaptation à l’enjeu
du vieillissement
Evolution de la population de plus de 85 ans (2015-2060, Bureau du Plan)
800000
700000
600000
500000
Bruxelles
400000
Wallonie
Flandres
300000
Belgique
200000
100000
0
2015
2020
2030
2040
2050
2060
32
[PROPOSITION DE VISION- CIN] 20 juin 2016
Annexe 6.Conventionnement : état des lieux
Taux d’adhésion par spécialité à l’accord médico-mutualiste 2016-2017 (dernière
colonne)
Specialiteit
Geconventioneerd
Partieel
geconventioneerd
Deconventionering
Plastische
heelkunde
37,5%
4,17%
58,33%
Oftalmologie
36,18%
6,14%
57,68%
Dermatovenereologie
22,83%
8,16%
69,01%
Gynaecologie en
verloskunde
41,90%
8,86%
49,24%
Orthopedie
47,45%
11,84%
40,71%
Stomatologie
55,04%
4,32%
40,63%
Totaal
specialisten
72,79%
4,69%
22,52%
Tandarts
62,64%
/
37,36%
Erkend Huisarts
85,35%
0,77%
13,88%
33
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