Ecolo: «La politique monétaire doit servir la transition énergétique»

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Ecolo: «La politique monétaire doit servir
la transition énergétique»
http://www.lesoir.be/1146726/article/debats/cartes-blanches/2016-03-10/ecolo-politiquemonetaire-doit-servir-transition-energetique
Dans une lettre ouverte à la BCE, les verts appellent à un
changement radical des politiques économiques et monétaire…
Patrick Dupriez © Belga
La politique monétaire de la Banque Centrale Européenne (BCE) ? Ecolo n’y croit plus. Le plan de rachats
d’atifs et les baisses de taux sont restés sans effet sur la relance économique, estiment les Verts. Au moment où
la BCE vient d’annoncer un nouveau durcissement de sa politique monétaire (taux directeur à… 0 %, taux de
dépôt pour les banques à -0,4 %, et rachats d’actifs – dettes souveraines), Ecolo souhaite que l’on réfléchisse
différemment. Les Verts s’adressent ainsi directement à la Banque nationale (BNB), pour inciter la BCE à
injecter dans l’économie ces miliards rachetés, qui pourraient notamment servir à atteindre les objectifs de
préservation du climat. Et à stimuler l’emploi…
La Banque Centrale Européenne mène une politique monétaire inefficace économiquement alors que les
milliards d’euros qu’elle injecte mensuellement dans l’économie pourraient servir à atteindre nos objectifs de
préservation du climat. Pour la Belgique, ce ne sont pas moins de 1,5 milliard d’euros de dette qui sont rachetés
chaque mois par la BCE. Une formidable opportunité pour la Banque Nationale de Belgique qui devrait s’en
servir pour financer les investissements verts afin de respecter l’accord de Paris sur le climat.
C’est le sens de l’appel que Patrick Dupriez, co-président d’Ecolo, lance au Comité de Direction de la BNB.
La carte blanche ci-dessous
Lettre ouverte à l’attention du Comité de Direction de la Banque Nationale de
Belgique.
La politique monétaire actuelle ne marche pas. La Banque centrale européenne a baissé son taux directeur à un
niveau proche de zéro. Le but : rendre l’argent moins cher afin d’inciter les banques à prêter davantage aux
ménages et aux entreprises pour qu’ils investissent, consomment et relancent ainsi l’économie. Elle a également
baissé sont taux de rémunération des dépôts à 0 % en 2013 et même à -0,3 % fin 2015. L’objectif : pousser les
banques commerciales à utiliser leur argent pour investir dans les entreprises plutôt que de le placer sur un
compte auprès de la BCE.
La Banque centrale européenne se dit prête à faire « tout ce qui est nécessaire » et à agir « sans limites » pour
sauver la zone euro et relancer la dynamique économique. Sous-entendu : il y aura des taux bas et de l’argent
bon marché sur une longue période. Un message aux marchés afin qu’ils n’hésitent pas à financer l’économie et
les investissements.
En ce sens, la Banque centrale européenne a recours à l’assouplissement quantitatif (Quantitative easing) et
rachète des titres de dettes publiques et privées en finançant l’opération par de la création monétaire. La volonté
de la BCE est à la fois d’injecter de l’argent dans l’économie pour encourager l’investissement et d’autre part de
pousser les intérêts sur les dettes publiques à la baisse. Avec des taux très faibles sur les bons d’État, la BCE
espère rediriger les investissements financiers dans la zone euro vers les entreprises à travers l’achat d’actions et
d’obligations.
A l’évidence, ces mesures, conventionnelles et non conventionnelles, ne marchent plus. Dans ses dernières
prévisions, la Commission européenne prévoit pour 2016 une croissance d’à peine 1,7 % et une inflation de
0,5 % dans la zone euro alors que l’objectif de la BCE est de 2 %. Poursuivre dans cette direction (baisser encore
les taux, racheter encore plus de titres, injecter encore plus d’argent) nous mène droit dans l’impasse. De plus,
les risques de bulles, d’endettement démesuré et de volatilité croissante des marchés sont réels.
Si la politique monétaire actuelle n’a pas d’effet c’est pour une raison très simple : la baisse du coût du crédit ne
se traduit pas en hausse des investissements et de la consommation. Les pays européens mènent des politiques de
rigueur (baisse des dépenses et des investissements publics, compression des salaires et des allocations sociales)
et la consommation des ménages diminue. Les entreprises quant à elles ont des liquidités abondantes mais pas de
perspectives de vente et donc peu de raison d’investir. De plus, les règles européennes limitent de manière
importante les capacités d’investissements des pouvoirs publics et les empêchent ainsi de prendre le relais pour
relancer la machine alors même que Belgique emprunte aujourd’hui à des taux négatifs.
Aujourd’hui, l’Europe semble dépourvue d’instruments pour préserver l’emploi et relancer l’économie. Par
ailleurs, l’accord de Paris sur le climat nous impose de prendre des mesures fortes pour répondre à nos
engagements climatiques en réduisant drastiquement nos émissions de CO2. Impossible sans investir !
Depuis mars 2015, ce ne sont pas moins de 44 milliards d’euros de titres financiers qui sont rachetés chaque
mois par la BCE. Ce qui correspond à environ 1,5 milliard par mois pour la Belgique. Un « quantitative easing
vert » permettrait d’atteindre ces deux objectifs à condition d’utiliser l’argent de la Banque Centrale Européenne
pour financer des investissements spécifiques qui ont un impact écologique direct et important. A cet égard, la
Banque Nationale de Belgique, dans la mesure où elle fait partie de l’eurosystème et intervient comme acteur
majeur dans le quantitative easing de la BCE, peut faire la différence.
Nous souhaitons que l’argent de la Banque Centrale Européenne serve à financer les investissements permettant
de diminuer les émissions de CO2. Ainsi, plutôt que d’acheter « simplement » des titres de dettes publiques et
privées, les banques centrales achèteraient en quelque sorte des « dettes carbones », soit des dettes liées à des
investissements permettant de réduire les émissions carbones. La valeur de ces dettes carbones serait évaluées et
garanties par l’État et toute réduction avérée (contrôlée) des émissions de CO2 serait ainsi encouragée
financièrement. Cette politique influencerait immédiatement les décisions d’investissement des acteurs privés
avec un effet positif sur l’emploi, notre indépendance énergétique et l’environnement.
Les Banques centrales de la zone euro, dont la BNB, jouent un rôle crucial dans la conduite du Quantitative
easing en sélectionnant les titres financiers qu’elles veulent soutenir. Cette sélection peut-être un outil
fondamental de réorientation des investissements au service de la transition énergétique. La BNB, doit dès lors
renforcer le financement d’investissements dans les biens, services et technologies vertes comme le suggère le
« Rapport 2016 pour la Belgique » de la Commission qui contient un bilan approfondi sur la prévention et la
correction des déséquilibres macroéconomiques ou le récent rapport de l’Agence Européenne du Risque
Systémique qui porte sur la transition écologique et montre l’importance de se désengager des énergies fossiles.
Clairement, ce ne sont plus seulement les Verts qui appellent à un changement radical de nos politiques
économiques et monétaire mais la plupart des institutions sérieuses en la matière. Il s’agit pour nous tous de
relever conjointement le défi de la création d’emploi dans notre pays et celui de la sauvegarde de notre
environnement. Il est temps d’agir et la politique monétaire le permet.
Par la présente, et par le biais d’une note technique détaillée, Ecolo, souhaite ouvrir le débat à ce sujet avec le
Comité de Direction de la Banque Nationale. Nous nous tenons à sa disposition pour l’approfondir.
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