86 | MM8, 20.2.2017 | AU QUOTIDIEN Education La concentration, ça s’apprend De moins en moins capables de rester attentifs, les enfants? Entre écran de jeu et smartphone, le cerveau zappe plus souvent qu’à son tour. Petit quiz pour mieux comprendre comment les neurones fonctionnent. Texte: Patricia Brambilla D ans un monde de distractions multiples et incessantes, pas toujours facile de garder son attention rivée sur une tâche ardue. Trop souvent, le moment des devoirs tourne à la foire d’empoigne. Mais tout n’est pas perdu: on peut aider l’enfant à acquérir une meilleure concentration, pour autant que l’on comprenne le fonctionnement du corps et surtout du cerveau. Les neurones n’ont pas tous la même fonction. Vrai Le cerveau est un organe complexe, doté de quelque cent milliards de neurones, répartis essentiellement dans le cortex. On s’en doute: ces nombreux neurones n’ont pas tous la même fonction, mais sont assignés à des tâches spécifiques: actionner des muscles, identifier ce qui est perçu, apprendre un air de musique, etc. Dans les moments de concentration, ce sont essentiellement les «neurones-chefs» qui sont mobilisés, comme les désigne Jean-Philippe Lachaux, neuroscientifique et auteur des Petites bulles de l’attention (paru aux Ed. Odile Jacob, 2016 et disponible chez Ex Libris). Ces neurones permettent «de percevoir ce qui est le plus important pour ce que l’on a Illustration: François Maret l’intention de faire et d’y réagir de la bonne manière.» Autrement dit, de rester concentré. Mais le hic: ces neurones-chefs se fatiguent vite, laissant le champ libre aux neurones du circuit de la récompense. Ceux-ci ont la mémoire de ce qui est plaisant ou non, adorent ce qui est excitant, ce qui bouge et ce qui change… et ont vite fait d’amener la personne à se laisser distraire: console de jeu, télévision, regard qui s’envole par la fenêtre... Garder le contrôle sur les neurones adéquats est un effort qui se travaille sur la durée. Mais qui devient vite gratifiant. La concentration, c’est inné. Faux Non, la concentration n’est pas livrée comme un paquet cadeau à la naissance, elle fait partie de l’éducation et se développe en grandissant. «On aide l’enfant à apprivoiser son esprit, à lui faire prendre conscience de ce qui se passe avec ses sens. Comme on apprend les différents goûts, amer, salé, sucré, on apprend son corps, et la pensée qui va avec la concentration», affirme Florence Vertanessian de Boissoudy, sophrologue auteure de plusieurs ouvrages sur la concentration des petits et des grands (par exemple Je booste ma concentration, Ed. Jouvence, disponible chez Ex Libris). Elle conseille aux parents d’inviter les enfants, dès le plus jeune âge, à poser leur esprit sur leur environnement: nommer les aliments, identifier les émotions, mettre des mots sur chaque perception. «Un enfant qui est capable de sentir, de regarder vraiment ce qu’il mange, sera capable de faire ses exercices de grammaire», poursuit la sophrologue. Autrement dit, prendre conscience du monde permet d’affûter son attention. Et donc sa concentration. Pour le neurologue, le cerveau, même s’il n’est pas un muscle, doit s’entraîner de la même façon. La preuve par les grands sportifs: «Les champions qui font des gestes précis et compliqués ont besoin d’entraîner leur cerveau pendant des années pour qu’il devienne rapide et efficace comme leurs muscles.» Se concentrer sur plusieurs tâches en même temps, c’est possible. Vrai et faux Bien sûr, on peut chanter en faisant du vélo ou répondre au téléphone tout en arrosant les plantes vertes. Mais il est plus difficile, voire impossible de lire une phrase tout en comptant les mots qui la composent. «On ne peut pas faire en même temps deux choses qui demandent de l’attention, de la même façon qu’on ne peut pas regarder à deux endroits AU QUOTIDIEN | MM8, 20.2.2017 | 87 à la fois. L’attention est sélective», rappelle le neuroscientifique. Etre multitâche a ses limites. S’il est envisageable de faire ses devoirs en écoutant de la musique, il semble plus improbable de réviser ses déclinaisons latines devant la télé. Pourquoi? Parce qu’on ne peut pas utiliser les mêmes neurones (les fameux chefs) pour faire deux activités différentes, à moins de zapper continuellement de l’une à l’autre. Pas sans conséquences: «A force de passer son temps à se connecter et à se déconnecter, on peut perdre la capacité de réveiller ses neurones-chefs longtemps et ils s’affaiblissent.» Un enfant ne peut pas se concentrer aussi longtemps qu’un adulte. Vrai et faux Si la plupart des régions du cerveau fonctionnent aussi bien chez les petits que chez les grands – vue, ouïe, toucher… – en revanche, le cortex préfrontal, où se situent les neurones-chefs, continue de grandir et de s’améliorer jusqu’à l’âge adulte. Un enfant peut passer des heures devant un écran de jeu, mais fatiguer parfois après vingt minutes de cours. Normal, les deux activités ne mobilisant pas les mêmes neurones. Il vaut donc mieux découper une tâche d’apprentissage nécessitant une réelle attention en petites missions ludiques: pour réviser une longue dictée, invitez l’enfant à être un chercheur d’or qui traque les pépites: les fautes d’orthographe! Avec les plus petits, on peut encore subdiviser le travail en cherchant d’abord les fautes d’accord, puis celles de conjugaison, etc. On peut aussi se munir d’un minuteur pour encadrer l’effort. Et après chaque victoire, offrir une petite pause en récompense! La méditation permet de réveiller ses neurones. Vrai Il existe différents exercices de visualisation qui aident à stimuler ses neurones. «La méditation, c’est poser son attention sur un objet précis, pour apprendre à diriger son esprit.» Ainsi Florence Vertanessian de Boissoudy propose des exercices simples, comme fermer les yeux et décrire en détail les objets d’une pièce, faire mentalement le chemin de l’école, imaginer dans sa tête le vol d’un papillon ou suivre le trajet de l’air qui circule dans ses narines. «Le problème des enfants d’aujourd’hui est qu’ils sont moins dans la conscience de leur corps qui, du coup, s’agite et leur échappe.» Mais en s’entraînant à garder des images sur son écran mental, on se déstresse, on se calme et on parvient ensuite mieux à focaliser son attention. MM