L`Eglise et la recherche sur l`embryon : idéalisme ou réalisme ? (1) L

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Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité bioéthique
N°59 : Novembre 2004
L’Eglise et la recherche sur l’embryon : idéalisme ou réalisme ? (1)
Les idées et les faits...
A l'occasion de la nouvelle loi française de
bioéthique, votée en août dernier, qui
autorise, par dérogation et pour une
période limitée à cinq ans, la recherche sur
l’embryon et les cellules embryonnaires
Michel Kubler, dans le quotidien "La
Croix" du 5 octobre 2004, oppose le
pragmatisme des chercheurs à l’idéalisme
de l’Eglise.
A l'égard de la recherche sur l'embryon la
doctrine
catholique
rappelle
que
« l’évaluation morale de l’avortement est
aussi à appliquer aux formes récentes
d’interventions sur les embryons humains
qui, bien que poursuivant des buts en soi
légitimes, en comportent inévitablement le
meurtre » (Evangelium Vitae, n°63).
Mais Michel Kubler rappelle que les faits
sont là, cette recherche se pratique déjà.
Cet interdit se heurte aujourd'hui à la
réalité, au pragmatisme d'une nouvelle
morale qui met en avant le projet parental,
et à la difficulté de définir l'embryon
comme personne humaine.
Le moraliste doit voir la réalité en face,
"voir la souffrance des hommes et des
femmes pour qui, grâce à la science, la vie
peut recevoir à nouveau du sens".
Le réalisme de la morale chrétienne
Dans le courrier des lecteurs, le père
Brice de Malherbe répond : non la
position de l'Eglise n'est pas une position
idéaliste. On appelle idéaliste une "position
tellement porteuse d'idéal quelle est
irréaliste" ou "une position philosophique
tendant à réduire l'existence à une seule
pensée."
Or justement, la doctrine de l’Eglise part de
la réalité vivante de l’embryon, « nouvel
être humain qui se développe pour lui
même » dès la fécondation, « qui ne sera
jamais rendu humain s’il ne l’est dès lors »,
pour affirmer que le meurtre d’un embryon
est celui d’un être humain dans la phase
initiale de son existence (Congrégation
pour la doctrine de la foi, Déclaration sur
l’avortement provoqué, n°s 12-13).
L'Eglise reconnaît les faits biologiques, la
présence d'une vie humaine, quelque
soient les projets de la société à l'égard de
cette vie. Position réaliste donc.
Face à cette position réaliste, n’est-ce pas
la position utilitariste qui fait preuve d’un
idéalisme extrême, en donnant aux mêmes
embryons un statut à géométrie variable
en fonction du projet parental idéal ?
L’Eglise reconnaît la difficulté de trancher
le débat sur la qualification de l’embryon
comme personne humaine mais déclare
que « la seule probabilité de se trouver en
face d’une personne suffirait à justifier la
plus nette interdiction de toute intervention
conduisant à supprimer l’embryon
humain » (Evangelium Vitae, n°60). Si l’on
peut se permettre un doute théorique,
pragmatiquement
la seule attitude
moralement raisonnable est le respect de
l’embryon comme une personne.
(1) Idéalisme ou pragmatisme, Michel Kubler,
La Croix, 5 octobre 2004 et réponse du Père
Brice de Malherbe , La Croix, 20 octobre 2004.
L’Amérique et la protection de l'embryon
Les questions relatives à la vie ont
fortement marqué la récente campagne
électorale américaine ; lors de la seconde
rencontre télévisée entre George Bush et
John Kerry, les questions de l’avortement
et des cellules souches ont été au cœur
du débat, des sujets sur lesquels l’opinion
américaine
est
très
partagée,
certainement l’un des enjeux majeurs
de la campagne.
Les positions de George Bush ont
largement contribué à sa réélection,
comme elles inquiètent certains de ses
adversaires.
Financement limité de la recherche
sur les cellules embryonnaires
George Bush s'est toujours déclaré opposé à
l'utilisation
de
cellules
souches
embryonnaires. En août 2001, il a autorisé le
financement public de la recherche sur les
cellules souches embryonnaires, en le
limitant aux 64 lignées de cellules déjà
développées en laboratoires dans le monde.
G. Bush a justifié sa décision en affirmant à
propos de ces lignées existantes que « la
décision sur la vie ou la mort a déjà été prise
et que cela permet d’explorer les promesses
et les potentialités de la recherche sur les
cellules souches sans franchir une ligne
morale fondamentale ». Il a affirmé qu’en
aucun cas son autorisation ne serait
élargie à de nouveaux embryons, en
précisant qu’il s’opposerait par tous les
moyens, y compris un veto, à une loi qui
accorderait un financement fédéral à de
nouveaux travaux.
Interdiction de tout clonage humain
La Chambre des représentants, à majorité
républicaine, a adopté en juillet 2001, le
Human Cloning Prohibition Act, interdisant
toutes formes de clonage humain, à des
fins reproductives ou thérapeutiques.
Gènéthique - n°59 – novembre 2004
Interdiction de l’avortement tardif
En octobre 2003, George Bush a signé la
loi interdisant l’avortement tardif ou
avortement par naissance partielle,
pratiqué au deuxième trimestre de
grossesse et au delà, qualifiant ces
avortements par dilatation et extraction, de
« pratique barbare ». Cette loi fédérale est
la première à poser des limites à
l’interruption volontaire de grossesse,
légalisée par une décision de la Cour
suprême, « Roe contre Wade », en 1973.
Personnalité juridique du fœtus
La loi sur les victimes non nées (Unborn
Victims of Violence Act, Public Law n°108212 du 1er avril 2004) prévoit que si une
infraction est commise contre une femme
enceinte, le responsable sera poursuivi
pour un double délit ou homicide, contre la
femme et son fœtus ; elle définit l’enfant non
né comme « un membre de l’espèce Homo
sapiens, à quelque stade de développement
que ce soit, porté dans l’utérus ».
Planning familial : financements gelés
L’aide des Etats-Unis fixée à 34 millions de
dollars a été gelée en 2002, l’administration
Bush voulant s’assurer que le Fonds des
Nations unies pour la population (FNUAP) ne
finançait pas de campagne en faveur des
avortements et des stérilisations forcées,
notamment en Chine. Le 22 janvier 2001,
George Bush
avait déjà annoncé le
rétablissement de directives interdisant toute
aide financière à des programmes de
planning familial dans le monde, promouvant
les interruptions volontaires de grossesse
comme méthode de contrôle des
naissances.
Les craintes du planning familial...
« Le Monde » rappelle les trois principales
raisons d’inquiétude du Planning familial.
D’abord la nomination de nouveaux juges
à la Cour suprême ; George Bush n’a
jamais caché son opposition à
l’avortement ; le rapport de force pourrait
être inversé et une majorité républicaine
pourrait revenir sur l’arrêt « Roe contre
Wade » qui a autorisé l’avortement aux
Etats-Unis. La seconde inquiétude porte
sur l’interdiction faite par la Food and Drug
Administration
de
vendre
sans
ordonnance la pilule du lendemain. La
troisième concerne l’information sexuelle
auprès des adolescents pour lesquels
l’administration Bush a promu des
programmes d’éducation "à l’abstinence
seulement".
1eres Journées Internationales Jérôme Lejeune, les 8 et 9 novembre : guérir
200 chercheurs, venus du monde entier
pour la première édition des Journées
Internationales Jérôme Lejeune sur les
maladies génétiques de l'intelligence
(trisomie 21, X fragile, Williams Beuren,
syndromes rares...) ont confronté leurs
points de vue pendant deux jours. 30
orateurs parmi les meilleurs spécialistes
mondiaux ont donné le résultat de travaux
sur les apports de la génétique
fondamentale, les études expérimentales et
la clinique dans la recherche d'un traitement
pour ces maladies. Une des particularités de
ce congrès était de permettre la rencontre et
l'échange entre scientifiques travaillant en
génétique fondamentale et ceux au contact
des patients. Ces journées étaient présidées
par le Pr Stylianos Antonarakis, directeur de
la division de génétique médicale de
l’université de Genève, coordinateur du
consortium sur le séquençage du
chromosome 21 et vice-présidées par le Pr
Rethoré, directeur médical de l'Institut
Jérôme Lejeune, membre de l'Académie de
médecine, et le Pr Vekemans, chef du
service de cytogénétique à l'Hôpital Necker.
Connaître la trisomie 21
Aujourd’hui, si l’on connaît les pathologies
associées à la trisomie 21 (cardiopathies,
vieillissement précoce ...), on ne comprend
pas les mécanismes qui en sont la cause.
C’est pourquoi l’Institut Jérôme Lejeune a
lancé une vaste étude épidémiologique afin
de trouver des corrélations entre les
caractéristiques génétiques des patients et
la manière dont la maladie s’exprime chez
certains d’eux. Baptisé Intrepid, ce
protocole devrait inclure jusqu’à 800
patients.
Une voie d’approche thérapeutique
Une autre piste de recherche concerne
l’enzyme cystathionine bêta-syntase,
produite en excès chez les personnes
trisomiques 21, à l’origine d’une partie des
particularités physiques des malades et
sûrement aussi impliquée dans la
déficience mentale. Un programme de
recherche a été lancé sur cet enzyme.
Surnommé CibleS 21, il vise à identifier
une molécule capable d’inhiber la CBS.
D'autres pistes de recherche
Le Pr Antonarakis explique que dans la
trisomie 21, «seuls 5 % de la séquence du
chromosome ont une fonction importante.
Il faut maintenant identifier cette fonction,
puis trouver les séquences en trois copies
qui sont liées à la maladie et, enfin,
proposer une thérapie». Le chromosome
21 porte plus de 300 gènes et on peut
espérer, sinon parvenir à l’inactiver en
totalité un jour, du moins moduler l’action
de certains de ces gènes. Une voie
d’approche thérapeutique serait donc de
contrôler la surexpression de ces gènes en
recourant à des inhibiteurs.
D’autres chercheurs comme le Pr. Michel
Vekemans, travaillent sur la non
disjonction des chromosomes, la cause
première de la trisomie 21.
Soigner : la vocation du médecin
Le Prix scientifique international Jérôme
Lejeune d'un montant de 30.000 euros a
été remis au Pr Stylianos Antonarakis par
Jean-François Mattei, ancien ministre de
la Santé. Il récompense la contribution
exceptionnelle du Pr Antonarakis au
progrès dans la découverte de pistes
nouvelles pour la compréhension et le
traitement des MGI. Le jury présidé par le
Professeur Michel Vekemans associait
10 scientifiques et un représentant des
donateurs de la Fondation Jérôme
Lejeune.
Dans son discours, Jean-François Mattei
confiait "je veux dire mon admiration et
ma gratitude pour un maître auquel je
dois tant ... c'est un honneur pour moi
d'avoir été élève de Jérôme Lejeune" ...
"Jérôme Lejeune était un visionnaire. (...)
Avec l'arrivée et la banalisation du
diagnostic prénatal, il avait senti qu'une
course allait commencer" entre la
recherche pour la guérison des patients
trisomiques et leur élimination. J.-F Mattei
a rappelé que "la vocation du médecin
reste de soigner."
Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune – 31 rue Galande 75005 Paris.
Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné ; Rédacteur en chef : Aude Dugast
Contact : Aude Dugast - [email protected] - Tel : 01.55.42.55.14 Imprimerie PRD S.A. – N° ISSN 1627 – 49 89
Gènéthique - n°59 – novembre 2004
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