043_045_SOL 7/12/05 12:13 Page 43 Solutions ACQUISITION DE DONNÉES Trouver carte à son pied ▼ Lorsque l’on cherche une carte d’acquisition de données pour étudier et décortiquer un signal, il vaut mieux avoir une idée préalable des caractéristiques dudit signal pour choisir au mieux son matériel. Avec ces informations en tête, l’ingénieur doit ensuite s’atteler à la lecture des spécifications techniques des cartes disponibles. Nombre de voies et vitesse d’acquisitions, résolution des entrées, sans oublier les sorties et les options de déclenchement… T rouver LA carte d’acquisition de données qui convienne parfaitement à l’utilisation que l’on veut en faire n’est pas toujours facile. Si la méthode des petites annonces - « ch. carte d’acq.,E/S bien sous tous rapports,pour travail sur banc d’essai et + si affinités » - peut sourire aux plus fortunés, les autres devront se plonger dans la littérature des “datasheets”. Pour que ce fastidieux travail soit le plus efficace possible, autant bien saisir de quoi il retourne à la lecture des fiches techniques. Avant de finalement choisir la carte adéquate, en fonction de ses entrées et de ses sorties. Si les premières sont souvent au cœur des préoccupations, les dernières peuvent faire la différence. Les signaux analogiques devront être convertis au format numérique en vue de l’exploitation sur PC. Il y a deux modes de connexion : commun et différentiel. Dans le mode commun, “single-ended” en anglais, les voies seront référencées sur une masse commune et l’on pourra visionner autant de signaux qu’il y a de voies. Ce mode s’utilise surtout pour des signaux de grande amplitude, lorsque les fils sont courts et que les signaux possèdent la même masse. En mode différentiel, deux voies sont nécessaires pour chaque signal. Les capacités de la carte diminuent alors de moitié, mais cette configuration offre une meilleure immunité au bruit. Certaines cartes possèdent jusqu’à 80 voies. La connaissance préalable des signaux permet de savoir quel est le type de gamme d’entrée nécessaire. Si les valeurs peuvent varier autour de zéro, la configuration bipolaire symétrique autour du potentiel zéro s’impose. Si toutes les tensions sont positives, une configuration unipolaire avec une bor- PCI Express s’invite désormais dans les cartes d’acquisition,en leur faisant profiter de sa grande bande passante. ne au potentiel zéro et l’autre à un potentiel positif convient. Les cartes multifonctions présentent des gammes sélectionnables : il peut y en avoir jusqu’à 8, et même 15 pour les modules d’acquisition USB, comme par exemple les gammes ± 10 mV ou ± 10V. Du choix des bornes de la gamme d’entrée dépend la précision des mesures. Parmi les intervalles de mesure proposés, il faut choisir celui qui est immédiatement supérieur aux valeurs extrêmes que peut prendre le signal, pondéré du coefficient multiplicateur correspondant au gain d’amplification. Dans l’étage amplificateur Avant d’être convertis au format numérique, les signaux analogiques traversent un étage amplificateur.Typiquement, celui-ci propose des gains variant de 0,5 à 100. Un grand gain permet d’étirer les signaux faibles, afin qu’ils occupent la plus grande amplitude possible dans la fenêtre de mesure.Attention à ne pas appliquer un gain trop élevé, qui aurait pour conséquence de faire saturer le dispositif en faisant sortir le signal à mesurer de la fenêtre de mesure. Pour éviter que la mesure ne perturbe le signal, il est nécessaire que l’amplificateur, et donc la carte d’acquisition, soit le plus transparent possible vis-à-vis du circuit. Cela passe par une grande impédance d’entrée de l’amplificateur, idéalement une impédance infinie. Celles proposées chez National Instruments sont de l’ordre de 10 GΩ. Pour ne pas détériorer la carte, il faut s’assurer qu’on ne lui applique pas une tension supérieure à la valeur de surtension donnée dans la documentation. Le dépassement de cette valeur est potentiellement domma- MESURES 780 - DECEMBRE 2005 - www.mesures.com geable, que la carte soit elle-même sous tension ou non. L’acquisition de données vise à exploiter les informations remontées, il convient que l’on puisse en tirer les informations désirées. Cela passe par une précision adéquate des données, adaptée à chaque application. Cette précision est appelée résolution. Ce chiffre correspond au nombre de bits sur lesquels le convertisseur analogique-numérique (CAN) code le signal. Pour une carte à n bits, le convertisseur découpera la gamme d’entrée en 2n niveaux. Divisée par le gain, l’amplitude de chacune de ces “tranches” correspond à la plus petite valeur numérisable. Pour des applications peu exigeantes, on pourra coder sur 8 bits, tandis que certaines plus pointues pourront nécessiter jusqu’à 24 bits. Cette grande précision se fait souvent au détriment de la vitesse d’échantillonnage, à part dans certaines cartes très performantes, plus onéreuses. Le choix de la fréquence d’acquisition dépend de celles que l’on s’attend à mesurer. Les besoins ne sont pas les mêmes pour certaines applications de mesure de vibration ou de signaux RF qui peuvent L’essentiel demander une grande vitesse d’acquisition, et Le choix d’une carte d’acquisition implique une des applications de bonne compréhension mesure de température, des spécifications des moins exigeantes. La entrées/sorties. vitesse minimale d’ac- Nombre de voies, résoluquisition ne se choisit tion, vitesse d’acquisition, transfert des données… pas au hasard : d’après Ces critères sont détermile théorème de Shannants et doivent être choinon, la fréquence sis en fonction de l’applid’échantillonnage doit cation. être au moins deux fois 43 043_045_SOL 7/12/05 12:13 Page 44 Solutions Blocs fonctionnels à l’intérieur d’une carte d’acquisition Signaux analogiques Démultiplexeur Ampli CAN FIFO Transfert (PCI, Firewire) Multiplexeur Signaux faible courant CNA Ampli Une fois amplifiés,les signaux analogiques sont numérisés par le convertisseur analogique/numérique (CAN). Pour utiliser un seul amplificateur et un seul CAN,on a recours au multiplexage (en haut),plus économique que d’utiliser un CAN par voie (à droite). Ampli Ampli supérieure à la plus grande des fréquences à mesurer. Sinon la mesure est faussée. Donc pour une application dont l’une des fréquences à mesurer est de 100 kHz, il faudra tabler sur une carte échantillonnant à au moins 200 kHz. Pour des applications nécessitant de grandes vitesses (balistique, radar…), des vitesses d’échantillonnage de 10 Géch/s sont disponibles. D’autres cartes offrent des vitesses de l’ordre de la centaine de milliers d’échantillons par seconde. Multiplexage. Mais si ces performances sont toujours disponibles dans le cas d’un montage monocanal, cela n’est pas forcément vrai en mode multicanal. Encore faut-il savoir combien de convertisseurs analogiquenumérique possède la carte. Car la technique du multiplexage permet d’en utiliser un seul pour plusieurs voies. Celui-ci sélectionne alors une voie d’acquisition, travaille dessus pendant que les autres canaux sont inactifs. Une fois la numérisation finie, le multiplexeur sélectionne une autre voie et répète son opération. La vitesse d’échantillonnage est alors à diviser par le nombre de voies. Ainsi, une carte dont la fréquence d’échantillonnage est de 1 Méch/s sur 10 voies n’aura qu’une fréquence réelle de 100 Kéch/s par voie en mode multicanal. Le multiplexage a également un impact sur l’amplificateur, en y faisant passer tour à tour des signaux différents et auxquels le gain à appliquer est variable. Cette technique entraîne de grandes variations du signal de sortie : la différence de potentiel entre deux canaux lors de la com- 44 mutation du multiplexeur est encore à multiplier par le gain de l’amplificateur. Dès lors, pour que la sortie de l’amplificateur soit stable, il faut patienter quelques instants après la commutation. D’abord, le signal tend vers la valeur qu’il doit prendre, la dépasse et “rebondit” pour revenir osciller autour de la valeur finale. Le temps que met le signal à atteindre une certaine précision est le “settling time”. Ce temps d’établissement se mesure, il est de l’ordre de quelques microsecondes à quelques dizaines de microsecondes. Données en salle d’attente Buffer. La carte d’acquisition n’étant pas une fin en soi, les données doivent être transférées vers l’ordinateur qui fera le traitement logiciel. Parce que ce transfert ne peut se faire en flux tendu, la carte possède une salle d’attente pour les données. La mémoire FIFO (First In First Out) dans laquelle sont temporairement stockées les données se vide vers l’ordinateur au fur et à mesure qu’elle se remplit de données acquises. En pratique, cette mémoire est toujours dimensionnée de façon à ce qu’elle ne sature pas, en fonction des capacités du bus qui transfère les données vers le PC : PCI, ISA, FireWire, USB… Ou encore le standard PCI Express qui est récemment venu apporter ses capacités de transfert à grande vitesse : sa bande passante est au moins deux fois supérieure à celle du bus PCI, et ce rapport peut monter jusqu’à trente. La vitesse du transfert est une donnée primordiale, c’est dans la plupart des cas le facteur limitant l’acquisition des données. Transfert des données. Le transfert peut se faire de manière différente : utilisé par défaut, le mode d’accès direct à la mémoire (DMA) se fait en arrière-plan des tâches réalisées par le PC, sans que le système d’exploitation n’intervienne. C’est le mode le plus rapide. Plus lent, le transfert en mode interruption implique que la carte d’acquisitions interrompe le processeur du PC pour lui demander de lancer l’échange des données. En bas de l’échelle des vitesses, le mode Programmed I/O laisse l’initiative au processeur du CAN CAN FIFO FIFO PC qui interroge la carte à intervalles réguliers. Hormis la FIFO, une autre zone de mémoire, non-volatile celle-là, autorise la sauvegarde de données de configuration de la carte : tel gain pour telle voie, l’ordre de scrutation… De quoi gagner lors d’acquisitions répétées et espacées dans le temps, en personnalisant sa carte d’acquisitions. Les critères INL et DNL concernent la linéarité de la carte. La précision relative (INL) garantit la précision des données. Elle compare la tension injectée à la tension renvoyée en code numérique par la carte d’acquisition. La valeur de l’INL est la plus grande différence détectée entre les deux, et ce sur toute la gamme d’entrée. Cet indicateur s’exprime en fonction du bit dont la variation a la plus faible incidence (Least Significant Bit, LSB), situé le plus à droite dans la trame binaire. La valeur du LSB correspond à l’amplitude de la gamme de mesure divisée par le nombre de valeurs que peut prendre la sortie, soit 2n, n étant la résolution. Pour une carte 14 bits, avec une gamme d’entrée de 0/10 V, le LSB vaut 0,61 mV. Si la plus grande différence mesurée entre les tensions fournie et renvoyée est de 1,2 mV, l’INL vaudra 2 LSB. Des valeurs d’INL de 0,5 ou 1 LSB sont largement acceptables. L’autre indicateur mesuré en fonction du LSB est le DNL, la non-linéarité différentielle. En MESURES 780 - DECEMBRE 2005 - www.mesures.com 043_045_SOL 7/12/05 12:13 Page 45 Solutions théorie, pour une configuration donnée, la carte d’acquisition renverra une sortie constante pour une plage de tension de la largeur d’un LSB (ici 0,61 mV). Parce qu’il existe des problèmes de linéarité, on utilise le DNL pour quantifier la dérive des plages d’entrée générant le même code binaire.Avec notre exemple d’un LSB à 0,61 mV, l’intervalle de tension d’entrée qui sera codé 1 devrait être [0,31; 0,92]. Si une tension de 1,1 mV est appliquée en entrée et qu’en sortie on obtient le code binaire 1, l’écart vaut alors 0,2 mV, soit 0,3 LSB. Le DNL est l’écart maximal observé sur la gamme d’entrée. Il peut prendre une valeur négative. Autre facteur de non-linéarité : l’amplificateur dont la pente n’est pas parfaite. Cette distorsion est définie par l’erreur de gain. Les sorties analogiques. Si elles ne sont pas au cœur des problèmes d’acquisition, les sorties analogiques peuvent faire la différence lors du choix d’une carte. La gamme de tension de sortie est évidemment primordiale : typiquement, elle est de 0 à 10 V. Si les intensités délivrées sont faibles, à savoir quelques milliampères, cela ne permet pas de fournir une puissance à un actionneur, mais suffit à envoyer un signal de commande vers un driver qui pilotera l’actionneur. Résolution. De même que pour les entrées, la résolution et la vitesse des sorties sont à considérer. Si le convertisseur numériqueanalogique transforme un signal 16 bits en une valeur analogique, la précision en tension de la sortie sera bien sûr supérieure que si l’on avait un codage 8 bits. Des applications ayant une large gamme dynamique avec des faibles variations de tension nécessitent des sorties haute résolution. Vitesse des sorties.Pour la vitesse, deux grandeurs entrent en jeu : le temps d’établissement (settling time) et le slew rate. Le temps d’établissement est la durée mise par le convertisseur numérique-analogique (CNA) à donner une tension de sortie stable. L’autre valeur importante,le slew-rate,est la différence d’amplitude de tension maximale que peut fournir le CNA en un temps donné. Pour générer des signaux radio par exemple, il faut un slewrate élevé et un temps d’établissement court. Ce qui est superflu pour piloter par exemple un appareil thermique, peu sensible aux variations rapides. Lorsque la carte est mise en marche, la valeur de la tension automatiquement retournée en sortie est appelée Power-on-state. Si elle n’est pas prise en considération, elle peut éventuellement endommager les appareils connectés en sortie. Les entrées/sorties numériques. Les choses Temps d’établissement en sortie de l’amplificateur Tension ts Fenêtre de précision V Temps Puisque la sortie de l’amplificateur n’est pas immédiatement stable quand le signal en entrée varie, il faut attendre un certain temps avant qu’elle ne se stabilise à l’intérieur d’une fenêtre de précision : c’est le temps d’établissement (ts ). sont plus normalisées en ce qui concerne ces signaux,qui rentrent dans des calibres figés.Les capteurs fonctionnent souvent avec des niveaux TTL, CMOS, 5 ou 24 V. Pour les actionneurs et capteurs branchés sur les sorties, les gammes classiques sont de 5,30,60 et 240Vcc.La multiplicité des possibilités d’entrées/sorties risque de faire cohabiter des niveaux de tension différents. Il faut donc prendre en compte les modes d’isolation des voies. Décompte et déclenchement En sortie, les actionneurs vont consommer du courant. Les cartes délivrent seulement un courant de type commande, de quelques milliampères. En intercalant entre la carte et l’actionneur un amplificateur, on peut obtenir des courants plus grands pour connecter et piloter des actionneurs. Pour des questions de sécurité, des fonctions de surveillance existent.Appelées watchdog en anglais, elles détectent les défaillances de l’application et mettent automatiquement les sorties à un niveau sécurisé défini par l’utilisateur et qui ne risque pas d’endommager les actionneurs ni de leur donner une consigne dangereuse pour l’environnement. De même, il est possible de choisir, par programmation, le niveau des sorties lors du démarrage de l’ordinateur : c’est la définition du power-on-state, comme pour les signaux analogiques. Les triggers. La gestion du déclenchement de l’acquisition des données est particulièrement importante dans une application. Elle se fait en programmant des triggers, c’est-àdire en déterminant sur certaines voies des seuils au-dessus ou au-dessous desquels l’acquisition doit débuter. Le trigger peut être analogique ou numérique. Dans le premier cas, il faut voir quelle broche est concernée MESURES 780 - DECEMBRE 2005 - www.mesures.com par le déclenchement. Le niveau de déclenchement est codé sur 8 bits. Il y a donc 256 niveaux possibles, répartis à l’intérieur de la gamme de déclenchement, définie comme le “level” du trigger. Il est également possible de ne faire l’acquisition de données que lorsque le signal de déclenchement est compris entre deux valeurs choisies par l’utilisateur. Cela nécessite l’utilisation du mode hystérésis. Dans le cas d’un trigger numérique, le trigger doit être compatible TTL ou CMOS ou les deux. Le déclenchement peut se faire sur le front montant, ou bien sur le front descendant de ce signal. Les compteurs. Les compteurs qui sont présents sur les cartes d’acquisition peuvent servir de diviseurs de fréquence auxquels est associé une résolution n. Le compteur peut diviser la fréquence par 2n, par exemple par 16 lorsque n vaut 4. Ils peuvent aussi servir à faire de l’horodatage, à compter des événements. En sortie, ils sont utilisés pour générer un train de données Pulse Width Modulation (PWM) par exemple. Synchroniser les cartes.Lorsqu’une carte d’acquisition ne suffit plus, lorsqu’il y a de nombreux signaux à analyser, il est possible de juxtaposer plusieurs cartes. La difficulté consiste à ce que ces différentes cartes réagissent comme une seule entité. Il faut alors les synchroniser : cela peut se faire grâce au bus Real Time System Integration (RTIS) pour les cartes PCI ou avec le bus integré pour les modules PXI. Une fois que l’on a trouvé la ou les cartes qui semblent correspondre aux besoins de son application, il faut s’assurer de la compatibilité logicielle avec le système d’exploitation, et ce selon le type d’interface utilisée. PCI et USB s’accommodent sans problèmes de Windows, Mac OS ou Linux. Mais Mac OS n’accepte pas les formats PXI ou CompactPCI, tandis que le dernier venu, PCI Express, ne fonctionne qu’avec Windows. En ce qui concerne les conditions d’utilisation, les cartes NI sont équipées de circuits régulateurs qui compensent les effets de la température, les rendant aptes à fonctionner de 0 à 55 °C. National Instruments 45