Par J. Boutillier Thérapeute et coach Enseignant en coaching

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Par J. Boutillier
Thérapeute et coach Enseignant en coaching, hypnose ericksonienne et PNL
à l'Institut Normand de Coaching et de Thérapies Brèves
Auteur de Perdre du poids et de En terminer avec la boulimie
L'hyperphagie correspond a une prise importante et compulsive de nourriture (d'où le
terme d'"hyperphagie") sans comportements compensatoires (vomissement, laxatifs,
hyperactivité sportive...)
Définition
HYPERPHAGIE BOULIMIQUE ("Binge eating disorder", Spitzer et al., 1993; DSM-IV,
1996)
A. Épisodes récurrents de crises de boulimies (" binge eating "). Une crise de boulimie
répond aux 2 caractéristiques suivantes :
1) Absorption, en une courte période de temps (moins de 2 heures), d’une quantité de
nourriture dépassant notablement ce que la plupart des personnes mangent dans le
même temps et dans les mêmes circonstances.
2) Sentiment de perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise (par
exemple, sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir
contrôler ce qu’on mange ou la quantité de ce qu’on mange).
B. Durant les crises de boulimie, au moins trois des critères suivants d’absence de
contrôle sont présents :
1) Prise alimentaire nettement plus rapide que la normale.
2) L’individu mange jusqu’à l’apparition de sensations de distension abdominale
inconfortable.
3) Absorption de grandes quantités d’aliments sans sensation physique de faim.
4) Prises alimentaires solitaires afin de cacher aux autres les quantités ingérées.
5) Sensations de dégoût de soi, de dépression, ou de grande culpabilité après avoir
mangé.
C. Le comportement boulimique est source d’une souffrance marquée.
D. Le comportement boulimique survient en moyenne au moins 2 fois par semaine sur
une période de 6 mois.
E. Le comportement boulimique n’est pas associé à des comportements compensatoires
inappropriés (par exemple vomissements, prise de laxatifs, exercice physique intensif),
ne survient pas au cours d’une Anorexie mentale (Anorexia nervosa) ou d’une Boulimie
(Bulimia nervosa).
Article en cours de rédaction
Quelques éléments
- Une des particularités de l’hyperphagie est de concerner autant les hommes que les
femmes.
- L’hyperphagie est également appelée « boulimie sans vomissement » ou « compulsion
alimentaire
grave
».
- Selon diverses études, près de 50% des personnes souffrant d’obésité souffriraient
également d’hyperphagie. D’autres études concluent à un pourcentage encore supérieur
(dans l’obésité, à l’hyperphagie se mêlent fréquemment les grignotages).
- Les personnes souffrant d’hyperphagie consultent moins des psys que dans les autres
troubles alimentaires. Elles se tournent plutôt vers un généraliste ou un nutritionniste.
- Les personnes souffrant d’hyperphagie consultent en majorité pour des problèmes
physiques consécutifs au surpoids ou à l’obésité : maladies du cœur, hypertension
artérielle, taux élevé de cholestérol, diabète de type 2, apnée du sommeil, insuffisance
respiratoire…
Contrôle et perte de contrôle
Dans tout domaine psychologique et à fortiori dans celui des troubles, alimentaires ou
autres, il y a une règle élémentaire : « plus il aura contrôle, plus il aura perte de contrôle
». Le contrôle est illusoire (on appelle d’ailleurs cela « illusion de contrôle »).
L'hyperphagie est une pure représentation de ce principe. Dans de nombreux cas, le
trouble se continue et se développe simplement par cette alternance. Dans
l'hyperphagie, de longues périodes d'abstinence et de régimes draconiens laissent
immuablement la place à des périodes de transgression, de compulsions alimentaires.
Restriction cognitive
Notre société est rationaliste, scientifique et trouve assez fréquemment sa satisfaction
dans le contrôle de la réalité qui l’entoure. Il en est de même dans le domaine
alimentaire. Face à des problèmes de poids, la stratégie n°1 consiste en la mise en place
d’un contrôle de l’alimentation, à base de règles, de stéréotypes… Ainsi, les personnes
que je côtoie dans des consultations portant sur les troubles alimentaires sont de
véritables encyclopédies de diététique ambulantes, affirmant à tout vent et avec
véhémence leurs règles alimentaires (discutables ou non) et présentant des croyances
inébranlables dans ce domaine. Il est intéressant de noter que paradoxalement, plus il y
a de certitudes et de règles, plus il y a trouble alimentaire. Cet aspect nourrit un principe
assez général dans le domaine des troubles psychologiques (et donc également
alimentaires) : plus il y a de contrôle, plus il y aura perte de contrôle. Cet aspect trouve
une explication assez simple et nette : le naturel ne se contrôle pas. Et l’alimentation fait
partie du naturel.
Il y a d'ailleurs un conte ancien qui relate comment la fourmi demanda au mille-pattes :
« Pouvez-vous me dire comment vous arrivez si bien à marcher avec mille pattes ?
Pouvez-vous m’expliquer comment vous pouvez les contrôler toutes en même temps ? »
Le mille-pattes se mit à y réfléchir et ne put alors plus marcher.
Comment obtient-on un résultat opposé au résultat désiré? Les problèmes de poids (pour
l’hyperphagie), ou la peur de prendre du poids (boulimie et anorexie), conduisent à la
mise en place de croyances sur l’alimentation, croyances qui génèreront des
comportement inadaptés. Sous contrôle, les choix alimentaires se fondent sur la
régularité et la quantité au détriment de la nature de l’alimentation qui elle se fonde sur
l’adaptabilité aux besoins du moment donc à la variabilité, au goût, à l’appétit et la
notion de rassasiement ou de satiété.
Sous contrôle, l’alimentation ne se construit plus sur des informations internes mais sur
des critères externes.
Alors, quel est le problème si on suit un régime et que l’on maigrit ?
Le problème essentiel est que, selon l’expression consacrée : « chassez le naturel, il
revient au galop ». Le contrôle ou le régime s’inscrivent dans une première étape, phase
volontariste ou le sujet fait abstraction de ses signaux internes du type goût, faim et
satiété pour se conformer aux règles prescrites : il faut manger équilibré, il faut manger
trois fois par jour, il faut manger ceci à midi et ceci le soir, … Pour supporter cet effort
surhumain, le sujet met en place des rituels, évitements, interdictions absolues… Le
système se rigidifie au détriment des rythmes naturels, des goûts, … L’extrémité de cet
hyper-contrôle se révèle à travers l’anorexie, sorte de régime perpétuel.
A part les personnes se tournant vers l’anorexie, l’être humain n’apprécie guère les « il
faut » ou « je dois », opérateurs modaux détestables. Un tabou est fait pour être
transgressé.
Le premier tabou transgressé est celui de la quantité : la personne craque en mangeant
en grande quantité des aliments autorisés. Mais la satisfaction n’est guère au rendezvous (d’où les importantes quantités absorbées).
Le deuxième tabou transgressé est celui du goût (et de la charge calorique qui en général
l’accompagne) : le sujet craque pour un aliment interdit, par goût. Et comme elle compte
bien continuer le régime après cet accident, elle en consomme une grosse quantité.
Chaque « craquage » comme disent les adolescents, est considéré et vécu comme le
dernier c’est-à-dire avec une intensité comparable à l’enterrement d’une vie de garçon.
Ces aspects sont renforcés par le fait que des personnes ayant eu à subir les affres du
contrôle ou du régime pendant un certain temps, n’ont plus ou peu de sensation de
satiété. Ayant anesthésié ses sensations, le sujet ne sent donc plus (ou peu) si il a faim
ou non, ce qui pose rapidement problème dans le cadre des troubles alimentaires. Cet
aspect débouchera sur l’hyperphagie et la prise de poids ou la mise en place de
stratégies d’élimination dans la boulimie ou l’anorexie-boulimie.
D’un point de vue psychologique, la présence des règles entraîne deux processus qui
vont venir amplifier les phénomènes : frustration et culpabilité. Frustration face aux
interdits, aux arbitraires du régime (draconien ou non) et puis culpabilité après la perte
de contrôle. Il est d’ailleurs à noter que dans les troubles alimentaires, les émotions que
sont frustration et culpabilité sont anesthésiées et calmées d’une manière précise et
particulière : par la prise importante de nourriture. Nous avons là un beau cercle vicieux.
En thérapie stratégique, on nomme ce type de phénomène tentatives de solutions qui
rendent le problème encore plus complexe. Ou bien à la manière d’Erickson, on peut
mettre en valeur cette faculté déroutante qu’a l’être humain, face à une difficulté, de
mettre en place une stratégie et, si d’aventure elle n’apporte pas satisfaction, à
reproduire inexorablement : faire «encore plus de la même chose». Si il n’y a pas de
règle, il n’y a pas formation de ce cercle vicieux. Il n’est pas rare dans l’approche
thérapeutique des troubles alimentaires de trouver la remise en cause de la restriction
cognitive au centre de la résolution de la problématique, et que la moitié du travail soit
constituée par cette déprogrammation du sujet qui peut dans certains cas suffire à
résoudre le problème : "Vous voulez maigrir?... Et bien mangez ce que vous voulez, dans
les quantités que vous voulez et au moment où vous le voulez!" Le problème est juste de
se réinitialiser, de reformater le disque dur pour le débarrasser de ces programmes
dysfonctionnels et inadaptés au bien-être.
 Intention positive, parties et recadrage.
Une étape importante dans la résolution d’un trouble du type hyperphagie est la
mutation cognitive qui concerne le symptôme. Tout comportement a une fonction en luimême et est orienté vers une intention positive. On met en place un comportement ou
une compulsion à un moment où, pour s’adapter à la réalité de ce que l’on vit, on n’a pas
de meilleure solution à disposition. L'hyperphagie par exemple fait généralement horreur
à la personne qui en souffre. Elle est donc souvent assez loin de considérer un fondement
positif au phénomène.
On peut considérer l'être humain comme une boule aux multiples facettes. Ces facettes,
parties existent et évoluent en inter-relation pour construire et développer une
personnalité. Comme expliqué plus haut, le trouble alimentaire s'accompagne de
phénomènes dissociatifs. La partie "hyperphage" est dissociée des autres parties de la
personnalité. C'est pour cela qu'on entend souvent, dans le cadre des comportements
alimentaires, des réflexions du type : "C'est comme si une partie de moi...", "je deviens
quelqu'un d'autre"... La partie est dissociée, donc incontrôlable et inaccessible.
Reconnaître une intention positive à la partie qui met en place la boulimie, c’est
l’accepter, l’intégrer c’est-à-dire la réassocier. Si il n’y a plus mise à l’écart, dissociation,
un dialogue devient possible. On peut alors réintroduire ou construire un dialogue interne
entre les différentes parties et la construction de nouvelles solutions.
Dans de nombreux cas, la dissociation pérennise, entretient le trouble et crée la difficulté
thérapeutique : on ne communique pas ou peu avec la partie concernée, possédant les
solutions. Rétablir le contact avec la «partie incontrôlable et compulsive» suffit souvent à
résoudre le trouble. « Reconstruite », en contact avec sa totale intégrité, la personne
trouve en elle les moyens et ressources de remettre en cause le trouble, de générer de
nouvelles solutions respectant l’intention positive de départ mais adaptées au bien-être
(ce que l'on nomme recadrage). L’hypnose ericksonienne est un outil privilégié de cette
reconstruction et de ce changement. Le conscient en recul, on a accès à ces parties
inconscientes, on peut les mobiliser et les guider en leur offrant les outils de cette
restructuration interne.
Anesthésie et/ou engourdissement des émotions
Tout thérapeute qui se respecte ayant travaillé sur des structures obsessionnelles sait ne
pas « tomber dans le panneau » de l’obsession. La focalisation sur un sujet a pour
vocation principale de neutraliser d’autres problèmes qui seraient plus déstabilisants. Il
ne s’agit pas ici de dire que la personne fait « exprès », mais qu’elle a mis en place une
stratégie inconsciente de défense. La compulsion et d’un point de vue général, le trouble
alimentaire constituent souvent un anesthésiant d’affects négatifs. Plutôt que de se
laisser déborder par tristesse, anxiété, colère, ennui, angoisse de séparation … une partie
de la personne préfère se focaliser sur l’alimentaire (on aborde ici les phénomènes
dissociatifs évoqués dans un autre paragraphe). Le moment de la crise est d’ailleurs
présenté comme un moment de calme, d’engourdissement… Les émotions négatives et
plus particulièrement la peur qu’elles viennent à déborder sont fréquemment un
déclencheur de la crise et du trouble alimentaire.
Dans l'hyperphagie, la crise ou compulsion alimentaire est donc un moyen d'adaptation à
une réalité qui est perçue comme insurmontable.
1) Une bonne partie des personnes souffrant d'hyperphagie ont conscience de cette
anesthésie et de ces stratégies de protection. ce sont des personnes-artichaud, coeur
tendre protégé par une enveloppe plus volumineuse, sorte de carapace. Elles ont connu
une perte de contrôle (ou perçue comme telle) et n’ont pas envie que cela se reproduise.
2) D’autres personnes n’ont pas conscience de l’aspect protecteur de ce trouble,
considérant la compulsion comme une partie noire d’elle-même, quasi démoniaque qui
les posséde. Ces personnes n’établissent pas de lien entre prise alimentaire et difficulté à
contrôler leur vie émotionnelle. Plus rigoureuses, sévères avec elles-mêmes, elles ne
s’autorisent que peu de plaisir, d’où la perte de contrôle alimentaire, recherche d’un
moment anesthésiant et… agréable.
3) On trouve également des cas d’hyperphagie chez des mères de famille de 45, 50 ans
dont les enfants ont quitté le giron familial. La mari est absent, elles vivent peu en tant
que femme : ayant perdu leur unique statut, celui de mère dans lequel elles s’étaient
fortement investies, elles comblent le vide avec un plaisir personnel, alimentaire.
Contrôle, anesthésie, plaisir, compensation, le trouble alimentaire trouve donc sa place
en apportant une stratégie d’adaptation à un système et un mode de vie émotionnels
inadaptés au bien-être.
Petit panorama psychologique
Contrairement aux personnes souffrant de boulimie et a fortiori à celles souffrant
d’anorexie, les personnes qui consultent pour hyperphagie sont assez souvent disponibles
et souriantes. Elles maintiennent une distance relationnelle assez importante. Cette
distance de sécurité, révélatrice d’une insécurité relationnelle est importante. On peut
d’ailleurs se demander si le poids ne constitue pas, spatialement, une sorte d’ »air bag »
relationnel. Le yoyo effectué lors des tentatives de régime témoigne d’ailleurs de cette
zone de sécurité subjective, en rapport avec le poids : la personne ne peut perdre de
poids au-delà ce seuil sous peine d’être fragilisée, en danger. On voit là la difficulté de
traitement de ce type de difficulté : le problème (être en surpoids) est également une
solution (se protéger, se faire plaisir…).
Là où il y avait « acorporalité » dans l’anorexie, on peut parler ici plutôt d’atténuation :
les vètements sont souvent amples, asexués, sans recherche particulière sauf d’être
dissimulé. Cette atténuation, sorte d’auto-censure, est également présente dans les
échanges ou tout est modéré, positif comme négatif, agréable ou désagréable.
Un contexte familial de dévalorisation (personnelle ou en comparaison vec un autre
membre de la famille), climat douloureux, est fréquemment à l’origine de ces
mécanismes. Si elles ont vécu des brimades, vexations, entre autres au sujet du poids,
ces personnes dégagent plutôt de la tristesse de ce sentiment d’injustice, non de la
colère. Un état dépressif est d’ailleurs assez souvent concomitant.
C’est un peu ici le cas du bouc émissaire, qui développe une énergie considérable pour
obtenir la reconnaissance et en faisant cela s’oublie, s’efface complètement en tant
qu’individu : loyauté, hyperempathie, docilité voire compromission... Mais rien n’apporte
ce qui est attendu. Ceci crée une atmosphère chronique d’insatisfaction, d’autodévalorisation et de tristesse.
La personne hyperphage est souvent le « paratonnerre » de la famille, endossant les
insatisfactions parentales, établissant fréquemment un lien très fort avec la maman.
Cette relation la rend dépendante d’une reconnaissance qui n’arrive pas.
Ces éléments génèrent une basse estime de soi, sentiment de ne pas être capable, de ne
pas être à la hauteur. Alors à quoi bon ? Autant manger.
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