En une référence... E n une référence... Quand opérer une insuffisance mitrale dégénérative sévère asymptomatique ? Les recommandations ont du bon... RéFéRENCE Outcome of watchful waiting in asymptomatic severe mitral regurgitation. Rosenhek R, Rader F, Klaar U et al. ❏ Circulation 2006;113:2238-44. LE FOND Cent trente-deux patients ayant une fuite mitrale chronique sévère dégénérative (prolapsus valvulaire : 74 patients, ou valve flottante : 58 patients) asymptomatique, sans critères chirurgicaux selon les recommandations, ont été régulièrement suivis pendant 62 mois en moyenne. La surveillance clinique et échocardiographique, annuelle à trimestrielle selon le statut cardiaque des patients, aboutissait à une indication chirurgicale lorsque était authentifié au moins un des critères suivants, tenant compte des recommandations en vigueur lors de l’étude : apparition de symptômes, diamètre télésystolique ventriculaire gauche ≥ 45 mm (ou ≥ 26 mm2/m2), fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) < 60 %, pression artérielle pulmonaire systolique (PAPS) de repos > 50 mmHg, fibrillation auriculaire. La survie globale des patients n’a pas été statistiquement différente de celle d’une population contrôle, que ce soit pour l’ensemble des patients ou pour le sous-groupe de patients ayant une valve flottante. Huit décès ont été observés. Trente-huit patients ont développé au moins un critère chirurgical : 24 sont devenus symptomatiques, 10 ont atteint les seuils chirurgicaux concernant les mesures ventriculaires gauches, et 12 ont présenté une hypertension artérielle pulmonaire ou une fibrillation auriculaire. La survie indemne d’indication chirurgicale a été de 92 ± 2 % à 2 ans, de 78 ± 4 % à 4 ans, de 65 ± 5 % à 6 ans, et de 55 ± 6 % à 8 ans. Les patients ayant une valve flottante tendent à développer des critères chirurgicaux un peu plus précocement qu’en cas de prolapsus valvulaire, sans que la différence atteigne un seuil significatif. 34 Trente-cinq patients ont été opérés : une valvuloplastie mitrale a été réalisée pour 29 d’entre eux (83 %). Il n’y a pas eu de mortalité opératoire. Le devenir postopératoire a été satisfaisant en termes de survie, de statut fonctionnel, de fonction ventriculaire gauche. COMMENTAIRES Menée par un service de cardiologie autrichien (Vienne), cette étude prospective relative aux insuffisances mitrales (IM) chroniques sévères dégénératives asymptomatiques confirme le bien-fondé et la sécurité d’une stratégie thérapeutique tenant compte des recommandations internationales. En l’absence de symptôme, l’indication d’une chirurgie mitrale est proposée en classes I et IIa quand le diamètre télésystolique ventriculaire gauche excède 45 mm (seuil abaissé à 40 mm lors des toutes dernières recommandations américaines 2006), et/ou quand la FEVG s’abaisse en dessous de 60 %, quand la PAPS dépasse 50 mmHg au repos ou 60 mmHg à l’effort, quand survient une fibrillation auriculaire. Les résultats obtenus ici concernent une population incluse dans une étude et donc motivée pour une surveillance régulière (3 patients sur 132 ont été perdus de vue). Les critères échocardiographiques qui définissent une IM sévère pour l’étude viennoise sont un peu plus larges que ceux des recommandations de l’American Society of Echocardiography (ASE, 2003) : en particulier, pour les prolapsus mitraux, une vena contracta > 6 mm (contre 7 mm pour l’ASE) et un rayon de la zone de convergence > 7 mm pour une vitesse d’aliasing située entre 55 et 65 cm/s (contre une surface d’orifice régurgitant [SOR] ≥ 40 mm2 pour l’ASE). La publication récente de M. EnriquezSarano et al. (N Engl J Med 2005), incluant 456 patients porteurs d’une insuffisance mitrale organique – en majorité dégénérative – asymptomatique aboutissait à des conclusions différentes : les 198 patients ayant une IM sévère (SOR ≥ 40 mm2) pré- sentaient en effet une réduction de leur survie à 5 ans par rapport à une population de référence (58 ± 9 % contre 78 % ; p = 0,03), ce qui incitait les auteurs à discuter une intervention précocement, surtout si un geste de plastie mitrale était réalisable. Si les recommandations internationales sont ici validées et guident notre pratique, la discussion reste ouverte quant au moment idéal de la chirurgie, pour lequel importent l’adhésion du patient à une surveillance rapprochée et la faisabilité d’une plastie mitrale. BIBLIOGRAPHIE À compléter par la lecture des publications de la Mayo Clinic, dont le travail récent de M Enriquez-Sarano et al. (N Engl J Med 2005;352:875-83), des recommandations internationales pour la prise en charge des valvulopathies (Eur Heart J 2002;23:1253-66 ; Arch Mal Cœur 2005;98 n°2 (Suppl.):5-61) et des toutes dernières recommandations américaines copubliées en août 2006 dans Circulation (114:450527) et le Journal of the American College of Cardiology (48:598-675). À noter, un travail intéressant sur l’intéret de la réserve contractile à l’effort (Lee R et al. Heart 2005;91:1407-12). Un éditorial est associé à l’article (Griffin BP. Circulation 2006;113:2169-72). MOTS-CLÉS Insuffisance mitrale dégénérative asymptomatique - Échocardiographie - Plastie mitrale - Chirurgie cardiaque - Recommandations. TIRéS à PART Dr R. Rosenhek ou Dr H. Baumgartner, Department of Cardiology, Medical University of Vienna, Waehringer Gürtel 1820, A-1090, Vienne, Autriche. E-mail : [email protected] ou [email protected] C. Adams, service de cardiologie, CH Argenteuil La Lettre du Cardiologue - n° 400 - décembre 2006