ESPACE NATUREL SENSIBLE : LE MARAIS DU RABUAIS ALEXIS BORGES & BRUNO MERIGUET Inventaire Entomologique : Coléoptères 2005 Résumé : L'objectif de cette étude était de mettre en évidence la présence de Coléoptères remarquables en relation avec le patrimoine naturel présent sur le site dénommé Le marais du Rabuais (95). L'étude a révélé la présence de 48 espèces. Parmi celles-ci, 5 sont des déterminantes au titre des ZNIEFF en Île-de-France et 2 d'entre elles sont également des espèces indicatrices de la qualité du milieu forestier (Référentiel BRUSTEL). Le site est un marais ancien en tête de bassin où la colonisation par les ligneux est très avancée. Des mesures de réouverture ont été conduites par le gestionnaire. Les recommandations établies en vue de maintenir et de favoriser la biodiversité locale concernent la préservation des échanges entre les populations d'insectes au niveau régional ; la surveillance de l'alimentation en eau du site tant au point de vue de sa qualité que de la quantité ; la conservation des milieux ouverts tout en permettant à certains arbres de vieillir pour pouvoir accueillir les espèces saproxyliques. Avant-Propos Le travail exposé dans ce rapport a été effectué au cours des mois de juin et juillet 2005 par l'Office pour les Insectes et leur Environnement, sur commande du Parc naturel régional du Vexin français. L'inventaire a été réalisé sous la responsabilité scientifique de Pierre Zagatti. Il nous est agréable de remercier ici tous ceux qui ont permis et facilité la réalisation de ce travail notamment Serge Gadoum, Catherine Balleux et le personnel présent à la maison du Parc de Théméricourt. 1 Sommaire 1) Présentation du site ..................................................................................................... 3 2) Présentation de l’étude et de ses objectifs ................................................................... 3 3 Pratiques entomologiques.............................................................................................. 6 A) Méthodes d’échantillonnage utilisées................................................................. 6 B) Identifications et nomenclature utilisée .............................................................. 8 4) Coléoptères d’intérêt patrimonial observés sur le site du Marais du Rabuais .............. 8 A) Espèces déterminantes de ZNIEFF ................................................................... 8 B) Coléoptères saproxyliques bio-indicateurs....................................................... 10 C) Espèces protégées au niveau régional ........................................................... 13 D) Autres espèces remarquables ........................................................................ 13 E) Liste des espèces observées sur le site du marais du Rabuais ...................... 15 F) Cortèges d’espèces ......................................................................................... 17 5) Propositions et mesures en faveur de la diversité entomologique ............................. 18 A) Considérations générales................................................................................. 18 B) Considérations particulières ............................................................................ 22 6) Conclusions................................................................................................................. 26 7) Bibliographie ............................................................................................................... 28 2 1) Présentation du site Le site « Marais du Rabuais » est situé sur les communes du Val d’Oise d’Arronville et de Berville limitrophes avec le département de l’Oise (commune d’Amblainville). Au nord ouest de Paris, à 7 km de la ville de Méru (60) et à 21 km de l’agglomération de Cergy-Pontoise (95), ce marais tourbeux est situé dans la vallée du Sausseron et occupe une vaste dépression de 63 hectares. Ce marais est déclaré Zone Naturelle d'Intérêt Écologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF) de type 1 Intitulé « marais du Rabuais » (n° DIREN 95023001). Il est enregistré comme Espace Naturel Sensible (E.N.S). Il s’agit d’un site prioritaire d'action du "Parc Naturel Régional du Vexin français", sur lequel il est indiqué au public qu’ont été recensées pas moins de 200 espèces végétales et de nombreuses espèces d'oiseaux nicheurs rares ou de passages (le nombre d’espèces d’insectes recensé n’étant pas indiqué). Cependant, ce site subit une fermeture spontanée due à l'avancée de la forêt et un assèchement suite à la modification de son système d’alimentation en eau et à l’abandon du pâturage. Ainsi, des travaux expérimentaux de débroussaillage et d’étrepage (mise à nu) de la tourbe ont eu lieu sur les secteurs communaux du marais afin de rajeunir le site et de retrouver sa diversité faunistique et floristique. 2) Présentation de l’étude et de ses objectifs : L'objectif de cette étude est de mettre en évidence la présence d'espèces de Coléoptères remarquables (légalement protégées, déterminantes de ZNIEFF, indicatrices de la qualité du milieu forestier (Référentiel BRUSTEL) et/ou rares) liées au patrimoine écologique du site. Cette étude tient d'avantage d'un relevé de faune, que d'un véritable inventaire; inventaire qui nécessiterait plusieurs années de prospections régulières, afin d'établir la liste quasi exhaustive des espèces liées au fonctionnement écologique du site. L'échantillonnage a été réalisé au moyen de pièges à interception et de pots pièges (Barber) ainsi que par une prospection (fauchage, battage, à vue) lors des visites, en complément des prélèvements. Les résultats des recensements font l’objet d’une analyse destinée à définir les enjeux patrimoniaux et à les hiérarchiser. Des préconisations de gestion et d’aménagements sont donc proposées au regard de ces enjeux. 3 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Figure 1 : Situation en vue aérienne du site du marais du Rabuais OPIE - 4 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Figure 2 : Parcellaire du marais du Rabuais OPIE - 5 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 3) Pratiques entomologiques Les dispositifs d’échantillonnage ont été placés sur les secteurs qui nous ont paru les plus pertinents lors de la première visite. Les pièges au sol ont été disposés en transects dans les milieux les plus variés et les plus propices. Les relevés ont eu lieu tous les 15 jours après la première journée sur le site. Dans la plupart des cas, il est indispensable de sacrifier et de conserver des individus afin de les identifier correctement et surtout pour conserver une trace des échantillons observés, dont l'identification pourra toujours être vérifiée a posteriori par un spécialiste. L'identification est une étape parfois réalisable sur le terrain, mais nécessitant presque systématiquement l'utilisation d'une loupe binoculaire et les d’ouvrages de détermination spécifiques. La qualité des identifications assure la qualité de l'étude. Il est souvent indispensable de faire appel à des spécialistes pour des groupes particulièrement difficiles. Seules quelques grosses espèces de Coléoptères emblématiques (Carabes, Lucanides, Scarabéoides, Cerambycides) peuvent être identifiées directement sur le terrain et relâchées. A) Méthodes d’échantillonnage utilisées (Colas, 1974) Chasse à vue : Les insectes sont échantillonnés à vue, le long de transects sur des éléments linéaires du paysage au moyen d'un filet à papillons. Si le temps est ensoleillé, c'est la méthode efficace pour les Coléoptères floricoles, mais aussi pour beaucoup d'espèces héliophiles vivant au niveau du sol comme les Cicindèles. Fauchage : Le filet fauchoir est utilisé dans la végétation basse et permet de collecter une faune extrêmement abondante d'insectes. On essaiera dans la mesure du possible de faucher une espèce végétale à la fois. Parapluie japonais (nappe montée) : Une toile carrée de couleur claire de 120 x 120 cm est tendue sur un cadre pliant en bois. La nappe est maintenue d'une main sous le feuillage des arbres et arbustes pendant que l'on secoue brutalement les végétaux avec l'autre main (battage). Les insectes se laissent tomber sur la nappe où ils sont facilement collectés. Cette méthode capture tous OPIE - 6 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 les insectes présents sur les branches des arbres et des arbustes comme les Coléoptères Elateridae, Buprestidae, Chrysomelidae et Curculionidae Piège à interception : Deux pièges à interception ont été utilisés sur ce site. En partie boisée l'un sur un grand saule présentant un branche charpentière brisée, le second a été placé en milieu ouvert sur un trépied. Ces pièges d'utilisation récente sont constitués d'un croisillon en Plexiglas transparent placé au-dessus d'un entonnoir lui-même muni d'un flacon collecteur (liquide conservateur). Les insectes volants sur le site peuvent ainsi être prélevés. En milieu boisé cet ensemble est disposé en hauteur, dans les arbres, parmi les branches charpentières, éventuellement à proximité de branches mortes et/ou de cavités visibles. Ainsi disposé, il permet de capturer des espèces principalement des Coléoptères saproxyliques, mais également d'autres espèces qui se déplacement en vol lors des épisodes chauds. De cette façon on trouve des espèces qui pourraient rester cryptiques par d'autres méthodes. Ce piège lourd et coûteux est assez voyant et sujet au vandalisme comme aux fortes intempéries. Pièges Barber : Les pièges sont constitués de gobelets en polystyrène (20 cl) enterrés jusqu'au bord supérieur de façon à créer un puits dans lequel les insectes marcheurs vont choir. Une plaque (pierre, tuile ou écorce), disposée un centimètre au-dessus du bord supérieur du piège, protège de l'eau de pluie. Ces pièges ont été rendus attractifs par l'addition de 4 cl de vin additionné de sel (conservateur). Les pièges Barber ainsi appâtés sont très efficaces pour échantillonner la faune des Carabidae et des Silphidae. Ces pièges sont facilement localisés et détruits par les mammifères ongulés, sauvages et domestiques. Les pièges au sol ont été répartis de manière à couvrir les différents milieux présents : une zone ouverte, une zone très humide avec des touradons en bordure d'un ru, une zone de sous bois de saule et un secteur de phragmitaie ré ouvert récemment . Ils ont été placés par groupe de 5 pots. OPIE - 7 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 B) Identification et nomenclature utilisées La grande majorité des Coléoptères ont été conservés en couche. Les spécimens les plus remarquables ou ceux qui ont demandé une préparation avant identification ont été mis en collection pour vérifications éventuelles. Les insectes ont été observés et collectés par A. BORGES. & B. MERIGUET. Les Coléoptères ont été identifiés B. MERIGUET, P. ZAGATTI et A. BORGES. La liste des espèces présentée au chapitre suivant suit la nomenclature la plus récente qui nous soit accessible, en fonction des personnes-ressources qui ont pris la responsabilité des identifications. Les sources bibliographiques pour la nomenclature et les identifications, sont rassemblées en fin de document. L'inventaire de ce site a fait l’objet de 3 visites sur le site entre le 1er juin et le 11 juillet 2005 : -1 journée de reconnaissances du site, installation des pièges le 1er juin . -2 journées dédiées au relevé du contenu des pièges, les 21 juin et 11 juillet 2005. Parmi le matériel collecté, 224 spécimens ont été identifiés, parfois préparés et conservés ce qui correspond à 101 observations pour un total de 48 espèces différentes. 4) Coléoptères d’intérêt patrimonial observés sur le site du Marais du Rabuais. A) Espèces déterminantes de ZNIEFF Les ZNIEFF (Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique) sont des zones du territoire national où des éléments remarquables du patrimoine naturel ont été identifiés. Les ZNIEFF de type I sont de petites surfaces caractérisées par leur richesse écologique, celles de type II correspondent à de grands ensembles naturels homogènes. Ces ZNIEFF ont été établies sur la base de relevés naturalistes, en fonction de la présence d'espèces remarquables et caractéristiques de milieux remarquables : les espèces déterminantes de ZNIEFF. Les listes sont établies au niveau régional. Ces zones n'ont que très exceptionnellement été établies sur la base de données entomologiques, mais plutôt à partir de données botaniques ou ornithologiques. OPIE - 8 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Pour le site du marais du Rabuais, 5 espèces déterminantes de ZNIEFF ont été observées lors de notre inventaire entomologique Panagaeus cruxmajor Oeceoptoma thoracica Onthophagus coenobita Eucnemis capucina Lamia textor Ces espèces appartiennent à 5 groupes systématiques bien distinct tant par leur morphologie que par leur biologie ce qui nous indique une multiplicité des micro habitats favorables aux insectes ; Panagaeus cruxmajor : Carabidae ; Espèce déterminante de ZNIEFF, également inscrite sur la listes des espèces protégées au niveau régional. Elle montre une préférence pour les milieux humides et marécageux. Le régime alimentaire de l’adulte n’est pas bien connu. Il hiverne et se cache souvent sous les écorces des arbres. Il existe une autre espèce du genre Panagaeus, (P. bipustulatus) moins fréquente et que l’on peut rencontrer dans les mêmes conditions. Oeceoptoma thoracica, Silphe à l'aspect très caractéristique, est classé parmi les espèces déterminantes pour l'Ile-de-France. Encore commun dans l'ouest de la région, il semble bien se raréfié en Seine et Marne. O. thoracica est nécrophage comme les autres Silphes. Onthophagus coenobita : Les Onthophages sont des coprophages qui se nourrissent et pondent leurs œufs dans les excréments des grands herbivores. Ils souffrent énormément des traitements vétérinaires administrés aux ongulés domestiques. Toutes les espèces du genre (sauf une) ont été classées en espèces déterminantes. Il est vraisemblable que les spécimens capturés dans le cadre de cette étude se sont développés grâce à la présence des sangliers sur le site. Eucnemis capucina : Cet Eucnémide est très rarement observé car, de part sa biologie,. il est lié aux vieux arbres. Habituellement connu des vieilles futaies de Fontainebleau et de Rambouillet, E. capucina a été observé dans des haies agricoles pourvues de vieux arbres. Elle est inscrite sur la liste des Coléoptères bio indicateurs de la qualité des milieux forestiers (liste BRUSTEL). Lamia textor : Contrairement aux informations rapportées dans le guide méthodologique pour la création des ZNIEFF en Ile-de-France, cette espèce a été observée récemment sur plusieurs sites OPIE - 9 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 en Ile-de-France (hormis les forêt de Fontainebleau et de Rambouillet). Elle a été observée dans les environ de Champigny sur Marne et à Nesles la Vallée (site très proche du marais du Rabuais). L textor est lié aux milieux marécageux sur lesquels sont implantés de vieux boisements de saules ou de peupliers. De part ses exigences, L textor est inscrite sur la liste des Coléoptères bio indicateurs de la qualité des milieux forestiers (liste BRUSTEL). L'insecte est actif de jour comme de nuit. L’adulte bien qu’ailé ne fait jamais usage de ses ailes et se déplace uniquement au sol. Les adultes se nourrissent de l’écorce de jeunes tiges de saule. Les œufs sont pondus de préférence dans des troncs de saule de gros diamètre. La femelle entame l’écorce. La micro-lésion ainsi crée est en forme de navette. Au centre de cette blessure elle dépose un seul œuf. Elle répétera l’opération plusieurs dizaines de fois. Au début de sa croissance la larve se développe entre l’écorce et l’aubier, mais elle pénètre ensuite dans le cœur du bois. La croissance se fait pendant près de 3 ans dans le même tronc avant d’atteindre l’état adulte. L’adulte est capable d’émerger de façon précoce dès les premiers jours du printemps et peut vivre au moins un an. Cette durée de vie compense en partie seulement sa faible capacité de dispersion. La liste de Coléoptères déterminants de ZNIEFF, ne compte que 245 espèces pour l'Île-deFrance, tous milieux confondus sur près de 6000 espèces recensées. Nous avons observé cinq espèces déterminantes de ZNIEFF, mais notre échantillonnage nous a permis de dresser une liste de 48 espèces des coléoptères. Pour affiner notre analyse, nous nous sommes penchés sur une autre référentiel : les espèces bio indicatrices de la qualité du milieu forestier. B) Espèces saproxyliques bio-indicatrices Déterminer la valeur patrimoniale des milieux naturels est un des objectifs prioritaires des gestionnaires d'espaces et des naturalistes. En fonction de la nature des milieux étudiés, certaines espèces animales ou végétales pourront être sélectionnées comme bio-indicatrices, dès lors que leurs exigences écologiques étroites (espèces sténoèces) les cantonnent à des milieux de qualités. La qualité recherchée dans un milieu peut être un faible état de pollution, un faible taux d'intensification des activités agricoles ou bien un fort taux de naturalité d'un espace peu anthropisé. Pour les milieux forestiers, la qualité du milieu s'exprime par l'hétérogénéité spécifique et paysagère des peuplements, la présence simultanée d'arbres appartenant à toutes les classes d'âge, l'abondance des "accidents sylvicoles" (arbres dépérissant, arbres à cavités, arbres attaqués OPIE - 10 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 par des champignons etc.…) et enfin par l'abondance de bois mort à terre (chablis) et sur pied (chandelles). Les coléoptères saproxyliques sont des espèces liées au cycle du bois, qu'il s'agisse de xylophages, de saprophages, de mycétophages ou de prédateurs des précédents. Certains de ces saproxyliques ont des exigences extrêmement strictes et ne se rencontrent que dans les rares secteurs forestiers européens qui n'ont pas connu d'interventions sylvicoles notables depuis des siècles. D'autres espèces, moins rares, peuvent se trouver dans des peuplements où est pratiquée une sylviculture de production respectueuse de la biodiversité. Ces insectes constituent donc d'excellents bio indicateurs de la qualité des milieux forestiers et BRUSTEL a proposé un référentiel de 300 espèces utilisables pour caractériser une forêt française (BRUSTEL 2001). Pour chaque espèce est défini un indice de patrimonialité (Ip) qui tient compte de la rareté de l'espèce dans les échantillonnages (en fonction de leur origine géographique), et un indice fonctionnel de saproxylation (If) qui exprime les exigences écologiques de l'espèce au stade larvaire, stade le moins mobile et donc le plus exigent.. Ipn = indice de patrimonialité pour les espèces de la moitié nord de la France. - “1” Espèces communes et largement distribuées (faciles à observer). - “2” Espèces peu abondantes ou localisées (difficiles à observer). - “3” Espèces jamais abondantes ou très localisées (demandant en général des efforts d’échantillonnage spécifiques). - “4” Espèces très rares, connues de moins de 5 localités actuelles ou contenues dans un seul département en France. If = indice fonctionnel de saproxylation (habitat larvaire) : - “1” Espèces pionnières dans la dégradation du bois, et/ou peu exigeantes en terme d’habitat. - “2” Espèces exigeantes en terme d’habitat : liées aux gros bois, à des essences peu abondantes, demandant une modification particulière et préalable du matériau par d’autres organismes et/ou prédatrices peu spécialisées. - “3” Espèces très exigeantes dépendantes le plus souvent des espèces précédentes (prédateurs de proies exclusives ou d’espèces elles-mêmes exigeantes) ou d’habitats étroits et rares (champignons lignicoles, cavités, très gros bois en fin de dégradation, gros bois d’essences rares …) Notre inventaire en 2005 a révélé la présence de seulement 2 espèces de Coléoptères de ce référentiel sur le marais du Rabuais. (commentaires CF supra) OPIE - 11 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Tableau 1 : liste des espèces observées, bio-indicatrices de la qualité du milieu forestier. genre Eucnemis Lamia espece capucina textor If 2 1 Ipn 3 2 biologie larvaire xylophile II xylophile I Pour synthétiser ce résultat sur le site nous avons observé : - en terme de rareté :Ipn 0 espèce commune et largement distribuée 1 espèce peu abondante et localisée 1 espèce jamais abondante ou très localisée 0 espèce très rare et très localisée - en terme d’habitat : If 1 espèce pionnière dans la dégradation du bois, et/ou peu exigeantes. 1 espèce exigeante. 0 espèce très exigeante. L'utilisation d'un référentiel comme celui-ci pour caractériser objectivement une forêt nécessite la prise en compte de protocoles d'échantillonnage standardisés pour pouvoir comparer des sites entre eux. De telles grilles d'évaluation n'existent pas encore (un groupe de travail coordonné par l'OPIE et le Ministère de l'Agriculture doit proposer prochainement des protocoles standardisés), aussi, la caractérisation des forêts françaises au moyen du référentiel de BRUSTEL, utilise beaucoup de données de la littérature, privilégiant les sites les plus fréquentés par les naturalistes. La découverte sur le site de seulement 2 espèces indicatrices de la qualité du milieu forestier est d’une part lié à la démarche de prospection (type et nombre de pièges qui ne sont pas entièrement dédié à cette faune) et d’autre part à la nature du peuplement ligneux, homogène par essence et relativement jeunes qui ne présente quasiment pas de spécimens âgés. Cela met en évidence l’existence d’un écosystème forestier digne d’intérêt mais qui n’en est qu’au début de son évolution. Notre inventaire révèle peu d’espèces liées au cycle de dégradation du bois mais ce sont des espèces remarquables qui laissent présager la présence d’espèces plus discrètes. Ces dernières pourraient être mises en évidence dans le cadre d’une prospection appropriée. OPIE - 12 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 C) Espèces protégées au niveau régional Les deux espèces observées sur le site et bénéficiant d’une protection au niveau régional sont L. textor et P. bipustulatus. Leur biologie et les informations concernant leur biologie sont présentées dans le paragraphe A). En dehors des espèces intégrées dans les différents référentiels que nous venons de passer en revue, il nous parait pertinent de passer en revue l'ensemble des espèces observées. D) Autres espèces remarquables Oodes helopioides Ce Carabidae est inféodé à un milieu marécageux, il est un très bon indicateur de la stabilité d’un tel milieu. Une autre espèce Oodes gracilis, protégée au niveau régional, serait à rechercher sur le marais du Rabuais (elle n’existe apparemment plus qu’en un seul site en Ile-de-France). Anogcodes ustulatus Cet Oedemeridae est caractéristique dans les zones marécageuses. La larve se développe dans le bois mort humide. Les adultes sont polyphages, ils fréquentent les fleurs. Ils sont actifs entre juin et août. Les mâles semblent plus précoces ou plus actifs que les femelles. Les autres éléments de sa biologie restent fort mal connus. OPIE - 13 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 1 Elaphrus riparius 2. Panageus cruxmajor 3. Oodes helopioides 4. Eucnemis capucina 5. Thanatophilus Sinuatus 6. Oeceoptoma thoracica 7. Onthophagus coenobita 8. Phyllobrotica quadrimaculata 9. Endomychus coccineus 10. Lamia textor 11. Xyltrotrechus rusticus 12. Anogcodes ustultatus OPIE 14 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Endomychus coccineus Ce petit coléoptère ressemble étrangement à une Coccinelle, mais sa biologie l’en éloigne particulièrement. Il vit au dépend de mycélium de champignons se développant principalement sur des souches ou des grumes de bois très dégradées. Parmi les 48 espèces observées, il y a 16 espèces de Carabidae et 7 de Silphidae: Le rapport particulièrement élevé de ces espèces par rapport à l’ensemble montre clairement la présence de nombreux micro habitats et la présence d’un potentiel important en terme de biodiversité des milieux humides. La méthode d'échantillonnage (piège à fosse) est particulièrement efficace pour cette faune. La démarche d'identification sur laquelle nous nous sommes concentrés, est celle portant sur les espèces dont l’interprétation de présence était simple et facilement lisible par le gestionnaire (cf. objectifs de l’étude). Cette démarche n’a pas été poussée en direction des espèces dont l’identification était délicate ou longue. E) Liste des espèces observées sur le site du marais du Rabuais Légende : PR : Protection Régionale DET : Espèce déterminante de ZNIEFF (Ile-de-France 2001) FOR : Coléoptère saproxylique bio indicateur (Brustel 2001) chapitre 5 B * Espèce faisant l’objet d’un commentaire particulier Toutes les données associées à cette liste ont été saisies dans une base de données. COLEOPTERES Carabidae Nebria brevicollis Fabricius Elaphrus riparius Linné Elaphrus cupreus Duftschmid Clivina fossor Linné Anisodactylus binotatus Fabricius Pseudoophonus rufipes Degeer Stomis pumicatus Panzer OPIE - 15 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Poecilus cupreus Linné Pterostichus strenuus Panzer Pterostichus minor Gyllenhal Pterostichus madidus Fabricius Abax parallelepipedus Piller et Mitterpacher Abax parallelus Duftschmid Oxypselaphus obscurus Herbst Oodes helopioides Fabricius Panagaeus cruxmajor Linné DET. * DET. PR.* Silphidae Nicrophorus humator Olivier Nicrophorus vespilloides Herbst Nicrophorus vespillo Linné Thanatophilus sinuatus Fabricius Oeceoptoma thoracica Linné Silpha granulata Thünberg Phosphuga atrata Linné DET. .* Lucanidae Dorcus parallelipipedus Linné Geotrupidae Onthophagus ovatus Linné Onthophagus coenobita Herbst DET. * Cetoniidae Valgus hemipterus Linné Hoplia farinosa Linné Lampyridae Phosphaenus hemipterus Geoffroy Tenebrionidae Gonodera luperus Herbst Oedemeridae Anogcodes ustulatus Scopoli * Elateridae Agrypnus murinus Linné Denticollis linearis Linné Eucnemidae Eucnemis capucina Ahrens DET. FOR.* Byrrhidae Byrrhus pilula Linné Nitidulidae OPIE - 16 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Glischrochilus quadriguttatus Fabricius Glischrochilus hortensis Fourcroy Endomychidae Endomychus coccineus Linné .* Cerambycidae Grammoptera ruficornis Fabricius Xylotrechus rusticus Linné Lamia textor Linné Leiopus femoratus Fairmaire Agapanthia villosoviridescens Degeer DET. FOR. PR* Chrysomelidae Clytra laeviuscula Ratzeburg Chrysolina polita Linné Phyllobrotica quadrimaculata Linné . .* Curculionidae Barypeithes pellucidus Boheman Barypeithes araneiformis Schrank F) Cortèges d’espèces Au travers de la liste des espèces observées nous pouvons former des cohortes en fonction des milieux de prédilection de ces espèces. Coléoptères de milieux ouverts : Poecilus cupreus, Onthophagus ovatus, Onthophagus coenobita, Hoplia farinosa, Phosphaenus hemipterus, Gonodera luperus, Anogcodes ustulatus, Grammoptera ruficornis, Agapanthia villosoviridescens, Chrysolina polita, Phyllobrotica quadrimaculata. L'intérêt de cette cohorte réside dans la diversité écologique des espèces présentes. C'est un milieu complexe avec de nombreuses interactions avec les milieux limitrophes. L’entretient du milieu ouvert est inféodé à l’action de l’homme. Coléoptères de milieux humides : Elaphrus riparius, Elaphrus cupreus, Clivina fossor, Anisodactylus binotatus, Stomis pumicatus, Pterostichus strenuus, Pterostichus minor, Oxypselaphus obscurus, Oodes helopioides, Panagaeus crux-major, Anogcodes ustulatus, Lamia textor. OPIE - 17 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Cette cohorte est aussi importante et caractéristique du site que la précédente, mais elle est fragile et ne doit pas éclipser les cohortes liées aux autres milieux avec lesquels les relations sont vitales. Par exemple A. ustulatus (la larve se dévellope dans le bois humide, l’adulte est floricole). Coléoptères forestiers : Pterostichus madidus, Abax parallelepipedus, Abax parallelus, Oeceoptoma thoracica, Silpha granulata, Dorcus parallelipipedus, Valgus hemipterus, Anogcodes ustulatus, Agrypnus murinus, Denticollis linearis, Eucnemis capucina, Endomychus coccineus, Grammoptera ruficornis, Xylotrechus rusticus, Lamia textor, Leiopus femoratus, Clytra laeviuscula. Cette faune est aussi bien représentée par des espèces courantes que par des espèces plus exigeantes. Coléoptères ubiquistes : Nebria brevicollis, Pseudoophonus rufipes, Poecilus cupreus, Nicrophorus humator, Nicrophorus vespilloides, Nicrophorus vespillo, Thanatophilus sinuatus, Silpha granulata, Phosphuga atrata, Phosphaenus Glischrochilus hemipterus, Agrypnus quadriguttatus, Glischrochilus murinus, Denticollis hortensis, Barypeithes linearis, Byrrhus pilula, pellucidus, Barypeithes araneiformis. Ces espèces sont celles qui peuvent être rencontrée à priori en tout lieu. 5) Propositions et mesures en faveur de la diversité entomologique A) Considérations générales Le patrimoine observé résulte des gestions passées et des exigences écologiques de l’entomofaune. Il convient donc, dans un premier lieu, de préserver les milieux et les habitats déjà présents. Ensuite, il sera possible d’améliorer la diversité biologique en orientant l’évolution du site vers des habitats peu fréquents ou en régression, mais aussi en permettant des échanges entre les différentes populations présentes au niveau régional. Préserver les habitats existants : Les insectes peuvent réaliser leurs cycles de développement dans des environnements aux dimensions bien plus restreintes que les vertébrés. OPIE - 18 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Ces micro habitats entomologiques sont à peu près aussi variés qu’il y a d’espèces d’insectes, d'autant plus qu'un grand nombre d’espèces occupent à l’état larvaire et à l’état adulte des habitats différents, ce qui augmente les contraintes. Le maintien d’une espèce sur le site est soumis à la présence de micro habitats favorables en quantité suffisante et à la perpétuation de ceux ci. La brièveté des cycles de développement des insectes leur impose de se reproduire chaque année, et de trouver à chaque fois les conditions trophiques indispensables à la croissance de leurs larves. Dans la plupart des cas, la présence d'une population viable sur un site implique que les modes de gestion de l'espace, mis en œuvre dans un passé proche, étaient favorables au maintien de l'espèce. Tout changement de mode de gestion doit donc être abordé avec une grande prudence, et éventuellement n'impliquer qu'une fraction de la surface. En cas d'erreur stratégique, le temps nécessaire à la reconstitution du milieu peut être suffisamment long pour que les effectifs de certaines populations s’effondrent définitivement et qu'une ou plusieurs espèces disparaissent. Dans cette recommandation nous incluons également la protection de la faune contre les traitements phytosanitaires qui pourraient être appliqués sur les milieux agricoles environnants. La lutte contre la chrysomèle du maïs a amené les autorités de Picardie et d’Île-de-France à répandre un traitement sur les cultures de maïs. Cette année 2005 les champs de maïs des communes situées dans une « zone focus » (5 km autour de la commune de Monts (60), lieu où les insectes ont été piégés) et de « sécurité » (10 km) ont été traités contre un insecte déclaré de quarantaine sur le territoire, Diabrotica virgifera virgifera (Coléoptère). Ainsi, les champs de maïs des communes d’Arronville, de Berville et d’Amblainville, qui font partie de ces zones, ont subi, comme le stipule l’arrêté préfectoral du 22 août 2002, 2 traitements aériens insecticides obligatoires. Ces traitements, ont eu lieu dès la mi-septembre, puis à 15 jours d'intervalle. De plus, l’année suivante, dans ces mêmes zones, un larvicide sera appliqué. Le produit utilisé en 2005 est la deltaméthrine, insecticide généraliste (d’écotoxicité de classe A = toxique pour l’environnement), anti-adultes pour réduire au maximum les pontes. De ce fait, il conviendrait de surveiller très attentivement à ce que le marais n’ait pas subi les« débordements » dus aux traitements, que ce soit de façon directe (traitement des abords du marais limitrophes avec les champs cultivés) ou indirectement (dégradation de la qualité des cours d’eaux par accumulation des produits de traitements) (se reporter à l’arrêté du 25 février 1975 concernant les dispositions relatives à l’application des produits phytosanitaires à usages agricoles : « aucun entraînement de produits ne doit (notamment) avoir lieu vers les parcs et jardins, rivières, points d’eau…») OPIE - 19 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Il va sans dire que ces zones seront désormais fortement surveillées et que ce genre de traitement pourrait être renouvelé l’an prochain. Une concertation et une sensibilisation des intervenants nous paraît indispensable au moins pour prévenir et réduire les épandages mal contrôlés (conditions météorologiques défavorables : vent, méconnaissance de l’intérêt du site voisin). Il pourrait également être très judicieux d’essayer d’obtenir des agriculteurs limitrophes du site qu’ils ne plantent pas de maïs dans les prochaines années. Nonobstant l’impact du traitement réalisé dans des conditions normales, une fausse manœuvre dans le traitement pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur l’entomofaune du site. Toutes les mesures qui viseront à éloigner le traitement du site, à restreindre l’impact du traitement, à prévenir, et à sensibiliser l’ensemble des acteurs ne pourront que participer à la limitation du risque. s Favoriser les déplacements de la faune par des corridors naturels : La gestion du patrimoine naturel doit s’envisager au niveau global. Le site et sa faune s'intègrent dans un ensemble au moins aussi vaste que celui que constitue Parc naturel régional. La création d'espaces naturels protégés se fait bien trop souvent au détriment des zones interstitielles, sacrifiées sur l'autel de l'urbanisation. Dès lors, les habitats favorables aux espèces sont de plus en plus fragmentés et les noyaux de populations de plus en plus isolés. Pour les insectes, qui ont des potentialités de déplacement et de colonisation généralement bien plus faibles que celles des vertébrés, cette situation aboutit à un isolement génétique complet des populations, et bien souvent à leur disparition à plus ou moins brève échéance. Cette fragmentation des habitats est probablement aujourd'hui un des facteurs principaux de la diminution des populations d'insectes constatée en Ile-de-France. Elle n’est pas irrémédiable dans le cas du marais du Rabuais. Le potentiel en zone humide, en particulier en aval en direction de Nesle la vallée, le long du Sausseron, parait important. La vallée de l’Esche entre Méru et Chambly présente des zones de fort ralentissement et donc de milieux d’intérêt, Il faut également aller chercher à l’ouest pour trouver des sites favorables entre Hénonville et Chaumont en Vexin. Le marais de Lavilletertre (Oise) qui ne se situe qu’à une dizaine de kilomètres de là, pourrait constituer un autre élément de l’ensemble des zones forestières humides. Il existe un nombre non négligeable de secteurs qui doivent pouvoir constituer un maillage de sites permettant la conservation des espèces et de leur patrimoine génétique. OPIE - 20 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Figure 4 : Localisation du marais du Rabuais et les milieux susceptibles de former un continuum écologique au niveau local OPIE - 21 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Les responsables régionaux devraient assurer par la constitution et la reconstitution de corridors, de haies et de bosquets, la continuité entre ces différents éléments forestiers. Les haies sont des refuges de première importance pour la faune. Elles sont susceptibles d’héberger une faune remarquable si elles sont inscrites dans une politique de gestion cohérente. Prise en compte des milieux à contraintes multiples : les milieux les plus remarquables sont ceux qui allient sur un même espace plusieurs formations écologiques elles-mêmes peu fréquentes et donc prioritaires du point de vue de la conservation. La gestion doit donc se faire en prenant en compte cette multiple spécificité. B) Considérations particulières Les milieux prioritaires pour la conservation de la biodiversité en Ile-de-France sont les zones humides, les milieux ouverts : landes et pelouses, et les zones forestières. Le marais du Rabuais présente ces différentes formations sous la forme d’un marais, où les ligneux occupent la plus grande surface, à l’exception de plusieurs parcelles qui ont été ré ouvertes avant 1999. Les milieux marécageux Les milieux ouverts et leur association avec d’autres formations. D’une dynamique très différente de celle des milieux boisés, les milieux ouverts réagissent et se modifient d’année en année. Cet état est transitoire et ne se maintient naturellement que dans des conditions très particulières. La gestion est d’autant plus difficile que ces milieux sont très variés. Ils se caractérisent par la disparition de la strate des végétaux arborescents et sont occupés par une flore basse ou buissonnante, ou même des sols nus. Sur le site du Rabuais, tous les milieux ouverts résultent directement de l’activité humaine. Sans un entretien régulier, ces milieux retourneraient vers un peuplement de type forestier. Le choix de la méthode pour maintenir le milieu ouvert est déterminant pour les populations d'insectes. Le maintient de l’ouverture de grandes parcelles est un élément indispensable, il permet d’une part à une faune de milieu ouvert de s’implanter, et d’autre part il est indispensable à la création des zones intermédiaires : les écotones. OPIE 22 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Dans la mesure où il s’agit de lutter contre le développement des ligneux, l’évolution des parcelles ré ouvertes doit faire l’objet d’une évaluation qui définira les outils les plus adaptés en fonction de la tâche et de la nature du sol. Du point de vue théorique, la mise en pâturage de moutons ou de vaches pourrait être très favorable à la biodiversité comme c’est le cas sur le site du marais de Frocourt. L’implantation devrait cependant être menée avec beaucoup de soins, pour veiller à ne pas dégrader des formations végétales remarquables comme les touradons, et de ne pas entraîner de détérioration du sol ni de la qualité de l’eau. Lisières et ourlets, les écotones : L’entretien des milieux ouverts doit se faire en relation avec les milieux limitrophes. Les zones de transition entre les milieux ouverts et les parcelles à dominance ligneuses sont le lieu de prédilection de nombreuses plantes buissonnantes (aubépines, prunelliers …) dont la floraison est mise à profit par de nombreuses espèces d’insectes pour s'abriter ou s'alimenter. Ces transitions doivent être progressives, tant au niveau de la couverture du sol que de la hauteur des buissons. L’enjeu majeur du point de vue des espaces ouverts est la gestion de la dynamique végétale Gestion de l’irrigation de la circulation des eaux et de l’approvisionnement Le Marais du Rabuais est situé en tête de bassin versant. Deux ruisseaux : le Sausseron et la Soissonne, deux rus : le ru du Provendier et le ru du Rabuais, parcourent le site. Des sources sont présentes mais le débit global du site était particulièrement faible cette année. Les affleurements sont présents sous de nombreuses formes, mares, fossés. L’eau est l’élément clef du site. La connaissance du fonctionnement du réseau hydrographique semble indispensable pour mettre le site à l’abri d’interventions humaines qui pourraient conduire à l’assèchement du site. Le choix des cultures sur les parcelles limitrophes n’est probablement pas sans conséquence sur le débit et la qualité de l’eau du marais. La zone forestière, Le potentiel entomologique en terme d’espèces forestières peut être maintenu et enrichi par un certain nombre de dispositions. Diversité spécifique des essences : Les insectes saproxyliques présentent une sélectivité quant à l’essence qu’ils peuvent exploiter. Les peuplements de résineux sont des écosystèmes OPIE 23 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 importés et présentent un intérêt limité pour la faune de notre Région. Les essences feuillues, qui permettent le développement de très nombreuses espèces doivent être favorisées. La diversité des essences doit être maintenue en fonction des possibilités de croissance et de la qualité géologique des sols. Le peuplement du marais du Rabuais est relativement homogène et résulte de la transformation d’une zone pâturée laissée d’une part à l’abandon et d’autre part convertie en peupleraie. Cette évolution et la nature du sol limite la diversité d’essences. Certaines comme le frêne et les saules présentent un fort potentiel entomologique mais ils ne sauraient à eux seuls générer la diversité des espèces observées. L'entretient du site devra prendre en compte cet élément pour éviter l'évolution vers un peuplement mono spécifique. Hétérogénéité des classes d’âge et discontinuités paysagères : Les micro habitats spécifiques aux insectes n'apparaissent que progressivement et souvent sur des arbres âgés qui atteignent ou dépassent l'âge optimal de rentabilité sylvicole. A l'inverse, toute une cohorte d'insectes se développe préférentiellement sur des sujets jeunes, comme certains xylophages (Buprestes) et surtout les phyllophages frondicoles. Dans certains cas, l'adulte ne pondra ses œufs que dans des gros bois cariés mais ne s'alimentera que sur des arbres jeunes, ou sur les fleurs des clairières (Longicornes). Pour une gestion raisonnée de la diversité entomologique il est donc indispensable de préserver des arbres de toutes les classes d'âges dans un peuplement, de même il est indispensable de ménager des discontinuités et des ouvertures dans le paysage forestier. Les espèces d'insectes les plus remarquables sont liées à un ou plusieurs stades bien précis de l'évolution de l'arbre, l'absence de ce stade dans un peuplement en évolution se traduira immanquablement par la disparition de l'insecte. A ce titre l’abandon de la sylviculture à des fins de production semble indispensable. Au cas où les terres viendraient à être rachetées par le Conseil Général au moment où le propriétaire envisage d’exploiter ses peupliers, il serait bon d’obtenir la préservation d’un îlot de peupliers en bon état, ainsi que la conservation sur pied de tous les arbres de moindre intérêt économique. Le bois mort : Ce qui est valable pour les arbres vivants est également valable pour le bois mort. La tempête de 1999 a eu un effet pervers même chez les gestionnaires soucieux de préserver la biodiversité. La quantité importante de bois mort à terre a pu donner l'illusion que toute une faune de décomposeurs allait s'installer durablement. Or la très grande majorité de la nécromasse OPIE 24 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 disponible a été "figée" dans le temps le 26 décembre 1999, les organismes impliqués dans les processus initiaux de la décomposition du bois n'ont plus de matériel frais pour s'installer et il faut s'attendre à une diminution importante des populations d'insectes saproxyliques dans les prochaines années. Pour préserver le potentiel de recyclage il faut donc que les peuplements forestiers présentent des bois morts d’âges différents, mais il faut également prêter une attention particulière aux bois morts sur pied (chandelles). Pour des raisons évidentes de sécurité les gestionnaires préfèrent le bois mort à terre (chablis) à celui resté sur pied. Il s'agit cependant de deux systèmes très distincts, les gradients de température et d'hygrométrie sont différents et les espèces qui les habitent ne sont pas les mêmes, qu'il s'agisse des vertébrés (oiseaux et chiroptères contre amphibiens et reptiles) des champignons ou des insectes saproxyliques. Au cours de l’entretien, les arbres qui viendraient à être abattus doivent être laissés sur place et non brûlés. Il est même préférable que ces mêmes arbres soient étêtés plutôt qu’abattus afin de laisser en place une chandelle à défaut d’un arbre mort sur pied. Ces habitats seront rapidement colonisés par des insectes qui réalisent leur cycle en un ou deux ans. Préserver les arbres remarquables : Cette proposition s’applique non seulement aux arbres remarquables par leur aspect ou leur âge, mais aussi aux arbres vieillissants qui présentent un état avancé d’évolution. Ces arbres sont remarquables par la fonge et la faune qu'ils abritent et doivent être préservés en priorité, au détriment des chemins existant et des lieux de passage du grand public. Ces arbres sont les seuls dans lesquels se forment des cavités à même d’accueillir une avifaune (pics et rapaces nocturnes) et une entomofaune particulière (grandes Cétoines, grands Buprestes et grands Capricornes, Trogidae…) qui leur confèrent une très forte valeur patrimoniale. L'abattage systématique des vieux arbres sans valeur sylvicole ne peut avoir notre assentiment. Les trognes et têtards sont des arbres remarquable du point de vue de leur histoire et de l’entomofaune les accompagnants. Bien qu’absent sur le site, la constitution d’un ensemble de cette nature pourrait apporter un complément indéniable tant du point de vue paysager que de la biodiversité. Il doit être possible pour cela de démarrer à partir d’arbres existant sur le site, le long des rus ou des chemins. Les Ilots de sénescence : Les îlots de sénescence sont des ensembles d’arbres d’une classe d’âge souvent homogène, répartis sur une surface suffisamment restreinte pour être entretenue de façon raisonnable par le gestionnaire mais suffisamment importante pour constituer OPIE 25 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 une réserve de micro habitats conséquente pour la faune. Ces îlots peuvent être créés à partir des peuplements déjà existants. Dans le cadre d’une gestion logique, une fois mis en place, ces îlots ne devraient pas pouvoir être réintégrés dans un mode de gestion conventionnelle avant la disparition des derniers arbres. Ces mesures de gestion et en particulier celles qui seront retenues dans la gestion de la zone patrimoniale du site du marais du Rabuais, pourront faire l’objet d’une politique d’information destinée aux chasseurs et au public amené à fréquenter le site. Ce site présente une valeur écologique indéniable tant dans le rôle de tête de bassin que par la faune qui y réside. 6) Conclusions Le site du marais du Rabuais est un « vieux marais » en cours de fermeture. L’absence d’entretient va le conduire vers un milieu de plus en plus forestier, ce qui est très favorable à une catégorie de faune : les insectes saproxyliques. Cependant cette fermeture condamnera à court terme tout un pan important de l’entomofaune liée aux milieux ouverts. Une fois cette faune disparue, il faudra plusieurs dizaines d’années pour la reconstituer si les populations sont présentes au niveau régional. Si l'absence de vieilles écorces est un manque notable sur le site, il faut trouver un juste milieu avec les différentes formations végétales. Le maillage des milieux humides autour du marais du Rabuais permet d’envisager un ensemble écologique de nature similaire qui assurerait aux espèces présentes sur ces sites un havre de tout premier ordre. Ces milieux ne présentent pas encore tout l’intérêt d’un site comme celui du marais du Rabuais mais ils doivent être inclus dans une gestion à long terme, (10, 20 ou 50 ans) dans la préservation des milieux humides du nord de l’Île-de-France. La préservation de la biodiversité ne peut se satisfaire d’une vision à court terme. A ce titre, la sensibilisation des autorités, des communes et de la région Picardie proche du site pourrait éviter la prise de décisions qui pourrait remettre en cause le patrimoine entomologique du site. OPIE 26 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Le cortège entomologique mis en évidence sur le marais du Rabuais justifie l'intérêt du site, sa protection et celle des domaines afférents. L'OPIE lutte depuis des années contre les idées reçues et le désintérêt envers les insectes. Il nous paraît particulièrement judicieux à travers les infrastructures en cours de réalisation, de renforcer cette démarche pédagogique. Seule une prise de conscience et une évolution profonde de la mentalité du citoyen peut assurer un avenir au patrimoine biologique de notre nature francilienne. OPIE 27 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 7) Bibliographie Source d’information générale sur le site : Notes d’informations du Service régional de la protection des végétaux de Picardie et de la préfecture de la région de Picardie. Sources Internet : http://www.ile-de-france.ecologie.gouv.fr/add/donnees/znieff2G_liste.htm http://www.cg95.fr/ www.inra.fr/content/download/5214/51262/file/Questions+reponses+Diabrotica.pdf http://draf.ile-de-france.agriculture.gouv.fr/phytopropre/phytopropres_agriculteur.htm http://www.parc-naturel-vexin.fr/uploadfile/Carnet.doc Sources cartographie : IGN RANDO® : Île-de-France 2002 CD-ROM, IGN Loxane BD ORTHO®IGN-2003 1M_25_05; 1M_26_05. Sources bibliographiques : Bense U., 1995. – Longhorn beetles, illustrated key to the Cerambycidae and Vesperidae of Europe., 512 p., Margraf Verlag, Weikersheim, Allemagne. Bordat P. et Inglebert H., 1997 – Catalogue des Coléoptères de l'Ile-de-France: VI Lucanoidea et Scarabaeoidea, 65 p., ACOREP, Paris. Brustel H., 2001 – Coléoptères saproxyliques et valeur biologique des forêt françaises, perspectives pour la conservation du patrimoine naturel, 327 p., Thèse de l’Institut National Polytechnique de Toulouse, Toulouse. Cantonnet, F., Casset L. et Toda G., 1997 – Coléoptères du massif de Fontainebleau et de ses environs, 308 p., Association des Naturalistes de la Vallée du Loing et du massif de Fontainebleau, Fontainebleau. Colas G., 1974. – Guide de l'entomologiste. 323 p., Boubée, Paris. Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN îdF) et Direction de l’Envionnement d’Île-de-France (DIREN ÎdF), 2002, – Guide méthodologique pour la création de Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) en Île-de-France, Cachan, éditions Direction Régionale de l’Environnement d’Île-de-France. Freude, H., Harde, K.W. & Lohse, G.A. (Eds.), 1964-1983. – Die Käfer Mitteleuropas. Tomes 2 à 11. Goecke & Evers Verlag, Krefeld, Allemagne. OPIE 28 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Hoffmann A., 1950, 1954 et 1958. – Faune de France, Coléoptères Curculionides. T. 52, 59 et 62, 1839 p., Librairie de la faculté des sciences, Paris. Hurka K., 1996. – Carabidae of the Czech and Slovak Republics. 565 p., Kabourek, Zlin. Jeannel R., 1941 et 1942. – Faune de France, Coléoptères carabiques. T. 39 et 40, 1173 p., Librairie de la faculté des sciences, Paris. Laibner S., 2000. – Elateridae of the Czech and Slovak Republics. 292 p., Kabourek, Zlin. Leseigneur L., 1972. – Coléoptères Elateridae de la faune de France continentale et de Corse. 379 p., Bulletin mensuel de la Société Linnéenne de Lyon, supplément. Liskenne G. et Moncoutier B., 1991 – Catalogue des Coléoptères de l'Ile-de-France: II Buprestidae, Elateridae, Throscidae, Cerophytidae et Eucnemidae, 52 p., ACOREP, Paris. Perrier R., 1927. – La faune de la France illustrée, Tome V, Coléoptères 1ère partie, 192 p., Delagrave, Paris. Perrier R., 1932. – La faune de la France illustrée, Tome VI, Coléoptères 2ème partie, 230 p., Delagrave, Paris. Portevin G., 1929. – Histoire Naturelle des Coléoptères de France, Tome I, Adephaga, Polyphaga : Staphylinoidea. Encyclopédie Entomologique, XII, 650 p. Lechevalier, Paris. Portevin G., 1931. – Histoire Naturelle des Coléoptères de France, Tome II, Polyphaga : Lamellicornia, Palpicornia, Diversicornia. Encyclopédie Entomologique, XIII, 542 p. Lechevalier, Paris. Portevin G., 1934. – Histoire Naturelle des Coléoptères de France, Tome III, Polyphaga : Heteromera, Phytophaga. Encyclopédie Entomologique, XVII, 374 p. Lechevalier, Paris. Portevin G., 1935. – Histoire Naturelle des Coléoptères de France, Tome IV, Polyphaga : Rhynchophora. Encyclopédie Entomologique, XVIII, 500 p. Lechevalier, Paris. Sainte-Claire-Deville J., 1935-1938 – Catalogue raisonné des Coléoptères de France, 466 p., l'Abeille, Journal d'Entomologie, Paris. Schaefer L., 1949. – Buprestides de France, 511 p., E. Le Moult, Paris. Tempère G. et Péricart J., 1989. – Coléoptères Curculionidae, quatrième partie : compléments, Faune de France 74, 534 p., Fédération Française des Sociétés de Sciences Naturelles, Paris Trautner J. et Geigenmüller K., 1987. – Tiger beetles, ground beetles, illustrated key to the Cicindelidae and Carabidae of Europe., 488 p., J. Margraf, Aichtal, Allemagne. Villiers A., 1978. – Faune des Coléoptères de France. I Cerambycidae, Encyclopédie Entomologique, XLII, 611 p. Lechevalier, Paris. OPIE 29 Inventaire Entomologique – Marais du Rabuais – 2005 Vincent R., 1998 – Catalogue des Coléoptères de l'Ile-de-France: VII Cerambycidae, 108 p., ACOREP, Paris. Voisin J.-F., 1994 – Catalogue des Coléoptères de l'Ile-de-France: IV Curculionoidea, 146 p., ACOREP, Paris. OPIE 30 SYNDICAT MIXTE D'AMENAGEMENT ET DE GESTION DU PARC NATUREL REGIONAL DU VEXIN FRANÇAIS Maison du Parc naturel régional du Vexin français 95450 Théméricourt. Tél. : 01 53 85 67 57 – fax : 0153 85 67 29 http://www.pnr-vexin-francais.fr/ OFFICE POUR LES INSECTES ET LEUR ENVIRONNEMENT Domaine de la Minière 78 041 Guyancourt cedex Tél. : 01 30 44 51 31 – fax : 01 30 43 64 59 http://www.insectes.org/ - [email protected] En couverture : Lamia textor Coleoptère Cerambycidae photo : Bruno Mériguet