Accès à l`information budgétaire

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Accès à l’information budgétaire
L’opacité prime toujours
· Cinq documents sur 8
indisponibles ou non
publiés
· Le citoyen peu informé
· Encore un score
médiocre en 2010
Transparency Maroc a
bien calculé son coup!
Surtout qu’il s’agit de
rendre public, le 20
octobre, à Rabat, l’Indice
du budget ouvert de 2010
(IBO). Un indice qui cible
94 pays et dont la finalité
est de «mesurer le degré
de transparence et
l’accessibilité des citoyens à l’information budgétaire pertinente». Bon timing pour l’ONG
puisqu’en ce 20 octobre à la même heure (16h) l’argentier du Royaume, Salaheddine
Mezouar, présentait son projet de loi de Finances 2011 au Parlement. Exercice qu’il a réitéré
jeudi 21 octobre en son ministère mais devant les journalistes cette fois-ci. Bien avant, le
projet de loi de Finances a été adopté le 16 octobre par le Conseil des ministres que préside le
Souverain. La publication de l’Indice du budget ouvert se veut donc aussi un message
politique. Les nouvelles ne sont pas bonnes: «Le Maroc offre une information minima et
obtient un score de 28 sur 100.
Pas de changement par rapport à 2008». Notre pays se classe 69e sur 94. Tel est le résultat de
l’enquête internationale du budget ouvert publié tous les deux ans. Sa première édition date de
2006. Le Maroc s’était classé dans les avants derniers rangs 53e, puis 59e en 2008. En six ans,
16 places de perdues?
Pas vraiment. Depuis le lancement de l’indice, 35 nouveaux pays ont rejoint le classement.
Mais peu importe. Car le Maroc persiste à rester avec les cancres. En témoigne son score
médiocre (28 sur 100) et qui le classe aux côtés d’autres pays -comme l’Algérie, la Bulgarie,
l’Afghanistan ou le Sénégal (voir p. 13)- dans le groupe des faibles. La démocratie, c’est
informer le plus grand nombre. Encore faut-il que l’information soit actuelle, accessible,
significative et exploitable par les citoyens. D’aucuns dénonceront «l’acharnement contre la
patrie». Sauf que Transparency Maroc et Partenariat budgétaire international(1) s’appuient
dans leur évaluation sur la mise à disposition des 8 documents budgétaires clés qui doivent
être publiés lors de l’année budgétaire. Le gouvernement El Fassi en a publié 3 uniquement,
dont la loi de Finances. Dans certains cas, le document est produit mais non publié. Dans
d’autres, il n’est pas du tout réalisé (voir infographie). Azzedine Akesbi, membre de
Transparency Maroc ayant collaboré à l’enquête, est catégorique: «la collecte, le traitement et
la production de l’information reste finalement une question de volonté politique. Il y a là un
problème d’opacité». L’enquête IBO 2010 met ainsi en avant de «grands vides
informationnels». Qui laissent la porte ouverte «aux abus et à une utilisation inappropriée et
inefficace des fonds publics», prévient le Partenariat budgétaire international. Un Etat, c’est
un foyer où le chef de famille doit informer, discuter et donner finalement une visibilité sur
ses projets… Pour recevoir en contrepartie un appui éclairé.
C’est que l’information est un carburant pour les démocraties balbutiantes. Ce qui est le cas
du Maroc. Or il y a un manque d’information permettant d’expliquer la relation entre les
prévisions de revenus et les dépenses du gouvernement. L’accessibilité de l’information,
budgétaire dans ce cas-ci, favorise le débat. Le gouvernement ne publie pas par exemple le
rapport dit du «milieu» qui évalue sa performance budgétaire par rapport à ses prévisions
initiales.
La langue elle est un outil d’intelligibilité de l’information. «A quoi sert de publier des
documents difficilement compréhensibles? Les parlementaires eux-mêmes n’y arrivent pas
alors qu’ils sont censés parcourir 1.000 pages pour discuter le budget», témoigne le doyen
Mohammed Boussetta. Ce spécialiste des finances publiques ayant travaillé sur l’IBO 2010
reconnaît trouver des difficultés à pénétrer parfois un document budgétaire. Si des initiés
parlent de textes hermétiques, qu’en est-il de nos concitoyens à moitié analphabètes ou
majoritairement démotivés? Avec en prime la dépolitisation du «peuple» et ses conséquences:
abstentionnisme, perte de confiance, déchéance de la gestion publique… L’idéal voudrait
pourtant que le gouvernement publie notamment le budget des citoyens. Sorte de présentation
budgétaire non technique. Une situation caricaturale au moment où le chantier egouvernement numérique (déclaration TVA, état civil…) bat son plein.
Que fait le Parlement? Lui qui vote la loi de Finances. Son contrôle reste faible: il ne dispose
pas d’assez de pouvoir pour modifier les propositions budgétaires de l’Exécutif et ne tient pas
de débats budgétaires ouverts au public… Sur 325 parlementaires, ils étaient près d’une
quarantaine à voter la loi de Finances 2010. Et ça ne risque pas de changer cette année.
Faiçal FAQUIHI
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