Vers une définition de la transparence perçue de relation client sur les canaux digitaux Audrey Portes* Montpellier Recherche en Management (MRM) IAE Montpellier, Université de Montpellier [email protected] Anne-Sophie Cases Montpellier Recherche en Management (MRM) IAE Montpellier, Université de Montpellier [email protected] Gilles N’Goala Montpellier Recherche en Management (MRM) UFR AES Richter, Université de Montpellier [email protected] *Auteur de correspondance : MRM - CC 028 - Place Eugène Bataillon - 34095 Montpellier, 06 43 59 34 92. Résumé : Cette recherche propose de définir le concept de transparence perçue des pratiques relationnelles sur les canaux digitaux. Un état de l'art sur le concept a été mené et complété par une étude qualitative exploratoire en deux temps afin de mieux comprendre la transparence transmise et applicable par les entreprises et la transparence perçue et attendue par les utilisateurs. Des entretiens ont été menés avec des managers et fondateurs d’entreprises, puis, des entretiens d’utilisateurs ont été réalisés. L’analyse de contenu a permis de spécifier les sous-dimensions de la transparence et d’en déduire les pratiques attendues par les utilisateurs et celles envisagées ou mises en place par les entreprises. Mots-clef : Transparence ; divulgation de l’information ; relation client ; digital ; parcours client Abstract : This research proposes to define the concept of perceived transparency in a digital customer relationship context. A literature review was carried out and completed by an exploratory qualitative study based on managers working in a digital field, and then based on users. The main goal was to understand better the transparency given by companies and the transparency expected by users. The content analysis specifies the sub-dimensions of transparency and helps to conclude on the practices expected by users and those considered or already implemented by companies. Keywords: Transparency ; information disclosure, customer relationship management ; digital ; customer journey Dans la sphère marketing, dans l’univers de la gestion ou à l’échelle de la société, il existe une asymétrie d’information grandissante entre les individus et les organisations : d’un côté, les clients, consommateurs, utilisateurs, citoyens sont de plus en plus transparents pour les organisations (entreprises, médias, associations, etc.), ceci d’autant plus qu’ils peuvent être aisément identifiés et « tracés » partout, tout le temps et sur de nombreux dispositifs (« anytime, anywhere, any device »); d’un autre côté, les outils, les pratiques et les technologies employées par les organisations sont généralement invisibles du point de vue des utilisateurs et brillent par leur opacité (data, algorithmes, retargeting, real-time bidding, etc.). La transformation numérique modifie ainsi en profondeur la nature et l’équilibre des rapports sociaux. Selon une étude AACC Customer Marketing et Toluna en 2012, 72.9% des utilisateurs trouvent dès lors que les marques ne sont pas transparentes dans leur relation avec les consommateurs1. Des institutions se sont emparées de ce sujet sensible, comme la CNIL qui s’oppose à des pratiques de relation client « méconnaissant les droits et intérêts fondamentaux des utilisateurs et portant atteinte au respect de leur vie privée ». Mais les entreprises, bien que conscientes du problème et de la nécessité de restaurer un rapport de confiance avec les clients, tardent à s’emparer du sujet et à mettre en œuvre une politique claire – et transparente - en la matière. Le point de vue des consommateurs mérite également de plus larges investigations : l’exigence de transparence est-elle si forte ? Sur quoi désirent-ils plus de transparence ? Les produits ? Les datas ? Les technologies ? Les tactiques d’influence ? Les prix ? Sont-ils vraiment des « victimes » ou des « complices » dans le développement de ces pratiques ? N’existe-t-il pas une forme de tolérance, de fatalité ou d’indifférence à cette question ? L’objectif de cette recherche est donc de s’interroger sur la transparence à partir des points de vue des managers et des consommateurs. Il s’agit d’identifier les pratiques mises en place par les entreprises en termes de transparence relationnelle sur les canaux digitaux, de découvrir les pratiques attendues par les utilisateurs, et enfin de savoir comment signaler la transparence aux différents utilisateurs. Cet enjeu est central car l’opacité de la relation peut altérer non seulement les usages des technologies (désinstallation de l’application mobile, installation de bloqueurs de publicités2, etc.) mais aussi entraîner une véritable perte de confiance des clients et une dégradation des relations. Kang et Hustvedt (2014) montrent notamment que la transparence a un impact sur la qualité de la relation, sur les intentions d’achat et le bouche-à-oreille. Pour Schultz (2014)3, la transparence est devenue aujourd'hui la nouvelle règle à respecter. Or, la pratique et la recherche en marketing n’ont pas encore apporté toutes les réponses. La transparence est une notion ancienne, cruciale dans la compréhension des rapports humains et a dès lors été largement débattue dans un grand nombre de disciplines en sciences humaines et sociales (psychologie, sociologie, économie, droit, sciences politiques, etc.). La littérature en marketing, et plus particulièrement celle en communication (publicité) et en marketing relationnel, a aussi fréquemment abordé cette question. Cependant, la recherche marketing n’a souvent retenu de la transparence qu’une vision globale et unidimensionnelle, voire binaire (transparence vs. opacité), alors même qu’elle recouvre des réalités nuancées et multiples et comporte différentes facettes (objectivité, exhaustivité, etc.). En outre, les quelques études empiriques réalisées sont relativement anciennes et n’ont pas véritablement 1 http://thinktank.aacc.fr/2012/ Un internaute sur trois en France installe un bloqueur de publicité (http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/pres-d-un-internaute-surtrois-en-france-a-installe-un-bloqueur-de-pub_1772147.html) 3 Schultz D.E. (2014), “Dead or Dying”, Marketing Insights, American Marketing Association. 2 1 appréhendé les conséquences de la transformation numérique des relations clients (big data, réseaux sociaux et communautés peer-to-peer, automatisation du CRM et reciblage, multiplication des points de contact et relation phygitale, etc). Dans notre monde connecté, la question de la transparence se pose aujourd’hui de manière encore plus prégnante, les risques de dérive et de manipulation des clients étant majeurs (N’Goala, 2015), mais elle se pose aussi de manière différente, tant les modes d’échange et de communication sont impactés par la révolution numérique. La question de la transparence ne renvoie plus seulement à la divulgation d’information par l’entreprise au travers d’une campagne de communication (publicité, relations publiques, etc.) ; dans notre ère numérique et connectée, la communication est multiforme, multidirectionnelle, instantanée et prend la forme de conversations entre des consommateurs, des marques et d’autres consommateurs, ce qui nécessite de repenser la place de la transparence dans le management de la relation client. L’objectif de cet article est donc de s’interroger sur la définition et la place de la transparence, à la fois du point de vue des consommateurs et des managers d’entreprises. Suite à une revue de littérature, 16 consommateurs et 12 managers / fondateurs d’entreprises dans le digital ont été interrogés. La façon dont ils appréhendent chacun la transparence a été étudiée à l’aide d’une analyse de contenu. En conclusion, une discussion viendra proposer des pistes de recherche concernant les effets de la transparence sur la relation client. 1. La transparence pour les acteurs du marché La transparence est abordée dans un premier temps dans une perspective de « marché », à l’aide d’une étude de la presse managériale. Puis, dans un second temps, un état de l’art sur le concept dans différents champs de littérature est proposé. 1.1. La transparence sous l’angle technologique et législatif La définition du concept de transparence est liée à l’étymologie même du terme qui renvoie au fait de rendre visibles des pratiques tout en gardant cachés les process et technologies, ceci afin de procurer une expérience fluide aux utilisateurs. Il existe un dilemme entre transparence/opacité des pratiques et visibilité/invisibilité des process/technologies. En d’autres termes, pour être transparent, il s’agit de divulguer des informations et donc d’être visible ; or le progrès technologique implique une invisibilité des dispositifs. Par exemple, dans le « customer journey » (parcours client), sont fusionnées des données de navigation mobile et d’achat en magasin mais aussi des données obtenues sur PC dans l’objectif de toucher précisément l’utilisateur via des messages ciblés du type « recommandation produit ». Ces dispositifs sont invisibles et non transparents car le consommateur ne sait pas exactement quand, comment et dans quel but ses données sont collectées. Il ne choisit pas non plus quelles vont être les pratiques relationnelles qui seront ensuite mises en place à son égard. Au-delà de l’aspect technologique, la définition de la transparence par les acteurs du marché reste difficile en raison d’une législation qui tarde à instaurer des normes. Du point de vue du consommateur, la transparence est le « droit d’avoir des informations permettant de faire des choix avisés » (CI, 2014). C’est un droit humain fondamental : « le droit de savoir » (Birkinshaw, 2006). Toutefois, sans cadre légal clair auquel se référer sur la récolte, l’utilisation et la diffusion des données personnelles, la 4 Consumer International (2010), http://www.consumersinternational.org 2 transparence reste un concept flou pour les entreprises et chacune applique ses propres règles, plus ou moins transparentes. Bien qu’en 2012 un groupe de travail « Ethique et Big Data »5 ait conçu « une charte visant à garantir la qualité, la traçabilité et la pérennité des données, tout en réduisant au maximum les risques juridiques liés à la diffusion et à leur réutilisation »6, cela reste insuffisant (charte auto-administrée). Récemment, différents acteurs juridiques du marché se sont investis afin de garantir une certaine transparence. Des efforts sont réalisés par la Commission Européenne7 via le nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles qui entrera en application en 2018. Il est signifié que « le règlement européen repose maintenant sur une logique de conformité, dont les acteurs sont responsables, sous le contrôle et avec l’accompagnement du régulateur et non plus sur une notion de « formalités préalables » (déclarations, autorisations) ». Cela implique entre autres « un renforcement de l’obligation d’informer le consommateur de la collecte et de l’utilisation de ses données », et surtout « l’obligation pour les entreprises d’obtenir l’accord explicite des utilisateurs pour tout nouvel usage de la donnée ». « La possibilité de contester la publicité ciblée générée par le recueil et le traitement de ses données est aussi envisagée » pour 2018. D’autres garants du marché comme l’EBG (Electronic Business Group), travaillent sur les fondamentaux éthiques de l’utilisation des données et la gestion du bon ratio « give-to-get ». L’IAB (Interactive Advertising Bureau) et l’UDA (Union Des Annonceurs) commencent aussi à s’intéresser à ces problématiques de transparence. Certaines démarches sectorielles sont à mentionner comme les syndicats du mobile ou de l’affiliation qui se sont emparés du sujet en tentant d’instaurer des pratiques de transparence homogènes pour leurs adhérents. Au niveau international, de récentes évolutions règlementaires sont à prendre en compte comme l’invalidation du « Safe Harbor » et le « Privacy shield »8 qui permettaient le transfert des données personnelles de citoyens européens vers les USA. 1.2. Etat de l’art sur la transparence Le cadre législatif tarde à mettre en place des normes homogènes pour les différents acteurs du marché, d’où l’importance de l’instauration d’une certaine proactivité et d’un consensus dans les pratiques marketing. En réponse à ce besoin de définition, la transparence est étudiée à travers divers champs de littérature. Dans un premier temps, sont analysés les différents objets dont il est question lorsque l’on parle de transparence. Ensuite, les définitions sont recensées et analysées. 1.2.1. Les objets de la transparence Dans la littérature, de multiples objets de la transparence sont étudiés. Le tableau 1 synthétise ceux sur lesquels une entreprise peut choisir d’être transparente en fonction du contexte et des besoins des utilisateurs. Tableau 1 - Objets de la transparence en sciences de gestion Objets de la transparence Définition des objets de la transparence Collaborateurs, RSE, éthique, engagements Transparence sociale responsables Auteur (Date) Vaccaro and Madsen (2007, 2009) 5 Groupe de travail constitué de l’Association francophone de la communication parlée (AFCP), l’Association des professionnels pour l’économie numérique (Aproged), l’Association pour le traitement automatique des langues (ATALA) et Cap Digital, en collaboration avec le CNRS 6 https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-01026105/document 7 https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-sur-la-protection-des-donnees-ce-qui-change-pour-les-professionnels 8 http://www.iabfrance.com/presse/communiques-de-presse/liab-france-propose-un-dialogue-dans-la-duree-avec-la-cnilpour 3 Transparence financière Chiffre d’affaires, investissements, fiscalité Transparence produit Origine, conception, composition, supply chain, traçabilité et suivi, qualité, stocks Transparence de l’entreprise Siège social, historique, évolution, management Transparence du prix Transparence des data Transparence de la relation client Marges, fixation du prix, marges des intermédiaires, coûts de production et de distribution Récolte, utilisation et diffusion des données, protection et sécurisation des données Livraison, prises de contact, service client, parcours client, bénéfices obtenus, programme de fidélité Nielsen et Madsen (2009) Hofstede (2003), Van Dijk, Duysters et Beulens (2003) Dapko (2012), Christensen (2002), Murphy et al (2007), Pirson et Maholtra (2007, 2008), Granados et al. (2005) Natter et Spann (2009), Zhu (2004) Vaccaro (2006), Awad et Krishnan (2006) Tapscott et Ticoll (2003), Eggert et Helm (2003), Thompson (2007), Vaccaro et Madsen (2009) Sept grands objets de la transparence sont identifiés. Il est question de transparence de l’entreprise, de ses produits et de sa politique de prix, mais aussi de transparence sociale et de transparence des datas ou de relation client. L’intérêt pour les objets de la transparence a évolué. La transparence concernant l’entreprise et sa politique de vente n’est plus l’objet central en comparaison à l’importance de la transparence sociale suite à l’ampleur de scandales éthiques comme par exemple celui du Rana Plaza, usine de travailleurs exploités des magasins H&M. Avec l’évolution des technologies et des process devenus invisibles, la transparence liée aux datas est un objet de recherche de plus en plus fréquent, souvent traité dans le domaine de la Privacy. Enfin, même si la transparence de la relation client est abordée par quelques auteurs, elle reste peu étudiée en ce qui concerne les pratiques relationnelles sur les canaux digitaux, or c’est une notion revendiquée par les utilisateurs qui souhaitent reprendre le contrôle de la relation. Nous proposons dans un premier temps de répertorier les définitions de la transparence données dans les différents champs de littérature en sciences de gestion, de discuter du bien-fondé de ces dernières et de comprendre les facettes identifiées par les auteurs. 1.2.2. Définitions de la transparence en sciences de gestion Bien que tous les champs de littérature étudiés apportent des précisions considérables à la définition de la transparence, c’est l’angle psychologique qui permet de mieux comprendre l’origine de la transparence. En effet, le besoin de transparence est déterminé par la propension à accepter une relative utilisation de ses données personnelles en fonction des bénéfices obtenus. Cette évaluation est très subjective et dépend des individus. Divers travaux sur la Privacy (vie privée) étudient la propension à accepter une utilisation de ses données privées en contrepartie d’avantages. En ce sens, Hérault et Belvaux (2014) se demandent si certains bénéfices (utilitaires ou hédoniques) peuvent compenser l’absence de contrôle des utilisateurs sur leurs informations personnelles dans le cadre de la géolocalisation mobile. Une revue de littérature approfondie a été réalisée afin d’identifier les facettes de la transparence abordées dans les différents domaines (cf. le tableau 2). 4 Tableau 2 – Revue de littérature sur la transparence (adapté et complété de Dapko, 2012) Source Définition Facette identifiée de la transparence Sens commun Dictionnaire MiriamWebster Larsson (1998) Florini (2007) Cotterrell (2000) Rawlins (2009) « Libre de prétexte ou de tromperie » « Facilement détectée ou voir à travers » « Caractérisée par la visibilité et l'accessibilité de l'information» En sciences politiques La transparence est le fait que l'information disponible soit « simple » Permettre aux citoyens de recueillir des informations sur les politiques et leurs gouvernements En communication / relations publiques Un processus qui implique non seulement la disponibilité de l’information, mais aussi la participation active dans l’acquisition, la distribution et la création de connaissances La tentative délibérée de mettre à disposition toutes les informations légalement diffusables - qu'elle soit positive ou négative- d'une manière qui est exacte, opportune, équilibrée, et sans équivoque, dans le but d'accroître la capacité de raisonnement des consommateurs En système d’information Ne pas manipuler Rendre visible Rendre accessible Faciliter la compréhension Rendre accessible Rendre visible Permettre la participation Être neutre Diffuser de l’information Faciliter la compréhension Tapscott et Ticoll (2003) L’accessibilité de l’information Rendre accessible Turilli et Floridi (2009) Rrendre explicite et disponible des informations qui pourront être utilisées pour un processus de décision Rendre visible Faciliter la compréhension Vaccaro (2006) Vaccaro et Madsen (2006; 2009a) Degré d’exhaustivité des informations fournies par chaque entreprise sur le marché Rendre visible Grimmelikhuijsen (2011) La transparence implique que l'information soit divulguée en temps opportun et présentée dans un format compréhensible Contextualiser l’information Faciliter la compréhension Nielsen et Madsen (2009) GRI (2009) En comptabilité et finance Les informations fournies aux parties prenantes doivent être comparables La transparence c’est la divulgation complète d’informations sur les sujets et indicateurs permettant de prendre une décision En management Faciliter la comparaison Rendre visible Clarté de la divulgation de l’information Faciliter la compréhension Assumer ses erreurs Drew et Nyerges (2004) Clarté de l'information Pirson et Malhotra (2007, 2008) Mesure dans laquelle une entreprise explique ses décisions aux parties prenantes, admet ses erreurs, et partage ouvertement toutes les informations pertinentes Thompson (2007) En sciences sociales La transparence sera rapidement liée à la capacité des entreprises à utiliser des technologies basées sur Internet, telles que les blogs et les sites collaboratifs En marketing (managérial) Permettre la participation CI report (2006) La transparence est liée à la franchise et l’ouverture Dire la vérité Avoir un esprit d’ouverture 5 McKay (2008) Laisser le consommateur savoir ce qui est en train de se dérouler en prodiguant des informations pertinentes qui soient facilement accessibles Blackshaw (2008) Être ouvert et visible, « laisser entrer la lumière », rendre les éléments faciles à comprendre et ne pas avoir de secrets Association Américaine de Marketing (2010) Accepter les feedbacks utilisateurs AACC Customer 9 Marketing (2012) L’interactivité et la création d’un dialogue direct et continu avec la marque. Szwajkowski (2000) Hofstede (2003) En marketing (académique) Ne pas cacher les bonnes actions, ni les « mauvaises actions ». C’est « briller » dans n’importe quelle situation et agir « proprement » La perception de la transparence dépend la qualité des données (pertinence, précision, quantité, fiabilité, diffusion au moment opportun et le fait que les données soient factuelles), de la qualité du format (lisibilité) et de la qualité du sens des informations (logique de l’information) Mesure dans laquelle tous les acteurs ont une compréhension commune et un accès à l'information relative au produit qui les intéresse ; cela sans perte, sans « bruit », sans retard et sans distorsion Prahalad et Ramaswamy (2004) Dialogue avec les parties prenantes Lazarus et McManus (2006) L’ouverture, la franchise, la libre circulation de l'information et le dialogue avec les parties prenantes Murphy, Lazniak et Wood (2007) L’ouverture et c’est la clarté de la communication Dapko (2012) « Être ouvert » avec les différentes parties prenantes : ouvert aux commentaires, être franc et sincère, ne pas cacher des informations pertinentes, être honnête, fournir un accès à l'information et communiquer clairement, dans un format et un langage appropriés pour le public Liu, Eisingerich, Auh et al. (2015) L’accessibilité et l’objectivité des informations Pertinence de la divulgation de l’information Rendre accessible Avoir un esprit d’ouverture Rendre visible Faciliter la compréhension Accepter les feedbacks Permettre la participation Permettre un contact direct Dire la vérité Être neutre Pertinence de la divulgation de l’information Contextualisation Rendre accessible Rendre accessible Ne pas manipuler Contextualisation Permettre le dialogue Avoir un esprit d’ouverture Dire la vérité Permettre le dialogue Clarté de la divulgation de l’information Avoir un esprit d’ouverture Avoir un esprit d’ouverture Permettre le dialogue Rendre accessible Clarté de la divulgation de l’information Rendre accessible Être neutre Le concept de transparence est mobilisé dans de nombreux domaines, pas seulement en marketing. Le sens global et commun du concept reste consistant en fonction des domaines de recherche, toutefois les facettes sur lesquelles les définitions s’appuient diffèrent. En communication et sciences politiques, les définitions sont focalisées sur la divulgation de l’information et sa clarté. Toujours en communication, la facette qui 9 http://thinktank.aacc.fr/2012/ 6 semble particulièrement importante est l’objectivité de l’entreprise. En systèmes d’information, il est plutôt question d’accessibilité de l’information et de compréhension de l’information. En comptabilité / finances et en sciences politiques, un focus est réalisé sur le fait de faciliter la compréhension des informations en permettant la comparaison par exemple. En marketing, Liu et al. (2015) donnent une définition récente de la transparence en parlant d’accessibilité et d’objectivité des informations. Ces deux éléments, limpidité et objectivité, sont caractéristiques de l’ensemble des définitions données jusque-là au concept (Szwajkowski, 2000 ; Hofstede, 2003 ; Eggert et Helm, 2003). Toutefois, les auteurs ne donnent aucune importance à l’utilisateur dans cette définition, ce qui semble très réducteur à l’heure où la communication est dynamique, réciproque et où la voix des utilisateurs se fait largement entendre via les réseaux sociaux. L’apport des sciences sociales et de certaines recherches en communication est alors central puisqu’elles abordent la transparence via la participation des utilisateurs. Dans le domaine du marketing, Prahalad et Ramaswamy (2004) ont commencé à intégrer l’utilisateur dans la définition en mentionnant que la transparence était liée à un dialogue entre les parties prenantes. Certains auteurs se sont ensuite attachés à définir la transparence sous l’angle de la réciprocité en exposant une facette nommée « ouverture » (Murphy, Lazniak et Wood, 2007 ; Dapko, 2012). La revue de littérature permet d’affiner la définition du concept en fonction de facettes identifiées dans les divers domaines étudiés. Toutefois, les points de vue ne convergent pas vers une définition globale et unique. Jusqu’ici, aucune définition n’inclut à la fois les notions de limpidité de l’information, d’objectivité et d’"ouverture" de la part d’une entreprise. Par ailleurs, d’autres concepts sont parfois assimilés à la transparence comme la manipulation. Hofstede (2003), s’est intéressé au lien entre transparence et manipulation en indiquant que la transparence pouvait être un moyen de manipuler les individus. La transparence peut alors être vue comme un moyen ou une fin en soi : « le fait d’être transparent signifie-t-il qu’on l’est vraiment » ? Derrière ces pratiques transparentes et visibles, ne se cache-t-il pas un désir sous-jacent de manipuler l’esprit des utilisateurs ? La transparence est assimilée par certains auteurs à « un leurre, une fausse vision » (Pingeot, 2016, p.32). La transparence serait alors une image de ce que l’on souhaite montrer et la réalité en serait alors modifiée. Or, nous avons identifié dans la littérature que la transparence n’est pas seulement le fait de divulguer de l’information, deux autres facettes viennent appuyer cette première dimension et permettent donc de distinguer la transparence de la manipulation. La divulgation d’informations doit être appuyée par un caractère objectif et une disposition à l’ouverture. De la même façon, le fait de définir la transparence seulement par le terme « clarté », comme il apparaît souvent dans la littérature, n’est pas représentatif de ce qu’est réellement la transparence. Comme énoncé plus tôt, d’autres éléments de définitions sont indissociables. Enfin, la transparence est souvent assimilée à l’honnêteté. Toutefois, d’après Dapko (2012), l’honnêteté est une conséquence de la transparence. L’honnêteté reflète la véritable opinion de l'expéditeur du message (Pechmann, 1992). Les deux concepts sont différents puisque d’après Plaisance (2007), il est possible d’être transparent sans forcément dire toute la vérité. De la même façon, la transparence est parfois assimilée à l’intégrité de l’entreprise. Palanski et Yammarino (2007) définissent l’intégrité comme la cohérence entre les promesses faites et les promesses réellement tenues. Ce qui n’est pas un élément de définition intrinsèque au concept de transparence. Cet état de l’art a permis de s’interroger sur la définition du concept de transparence. Celui-ci n’a jamais bénéficié d’une définition claire et applicable au marketing. 7 MacKenzie (2003) indique que les définitions de la transparence publiées jusque-là ne sont pas « concrètes et rigoureuses ». Différents points de vue s’affrontent, ce qui enlève de la clarté aux définitions. L’étude qualitative va permettre de mieux clarifier les facettes de ce concept aux contours mal définis. 2. Méthodologie et résultats 2.1. Méthodologie Afin d’explorer le concept de transparence et de caractériser ses facettes, une étude qualitative qui appréhende à la fois les perceptions des utilisateurs et des professionnels a été réalisée. La première phase de l’étude a été réalisée avec 12 professionnels : fondateurs de start-ups, directeurs expérience client ou cross-canal, ... La seconde partie de l’étude a été menée auprès de 16 utilisateurs. Tableau 3 - Profils des professionnels interrogés pour l’étude qualitative Entreprise Fonction Durée Média 1 Agence Cibleweb CEO 38 min Face à face 2 Mobi-Rider CEO et Co-fondateur 40 min Téléphone 3 Publicis ETO Directeur Général 30 min Téléphone 4 Amazon Responsable expérience client 1h15 Téléphone 5 Célio Directeur cross-canal 59 min Téléphone 6 L'oréal Luxe Responsable Digital Europe 35 min Téléphone 7 Weblib Fondateur et CEO 1h18 Face à face 8 Orange Business Services Vice-Président Big Data 53 min Téléphone 9 Synox Group Président Directeur Général 1h01 Téléphone 10 SNCF - TER Chef de projet digital et mobile 1h02 Face à face 11 Cogmetrix (USA) Fondateur et CEO 47 min Face à face 12 Royal Canin Global CRM Manager 42 min Téléphone Tableau 4 – Profils des utilisateurs interrogés pour l’étude qualitative Prénom Âge Fonction Niveau d’étude Durée Media 1 Fabien 24 Jeune diplômé Master Bac +5 59 min Face à face 2 Sophie 53 Mère au foyer Bac +2 1h06 Face à face 3 Paul 73 Retraité <Bac 54 min Face à face 4 Louise 24 Responsable Service Client Bac +5 54 min Téléphone 5 Philippe 48 Chauffeur de Bus <Bac 40 min Face à face 6 Nicolas 29 Commercial Bac +5 1h02 Face à face 7 Karine 36 Doctorante Bac +8 1h Face à face 8 Quentin 21 Etudiant Bac +3 52 min Face à face 9 Claire 29 Assistante de direction Bac +5 44 min Téléphone 10 Daniel 62 Retraité gendarmerie Bac 36 min Face à face 11 Philippe 44 Policier Municipal <Bac 55 min Face à face 12 Max 78 Retraité <Bac 32 min Face à face 13 Eliane 58 Agent de service <Bac 36 min Téléphone 14 Véronique 47 Secrétaire commerciale Bac +2 41 min Face à face 15 Sylvie 56 Responsable de formation Bac +5 29 min Téléphone 8 16 Laure 47 Auto-entrepreneur Bac 37 min Face à face Ces entretiens ont été intégralement retranscrits. Après une lecture flottante des données recueillies, une analyse à la fois horizontale et verticale des entretiens a été menée grâce à une analyse de contenu. Une première lecture, a permis d’identifier des catégories de verbatims composées de plusieurs thèmes et sous-thèmes en rapport avec l’objet exploratoire de la recherche. Parmi toutes les catégories et souscatégories identifiées, une réduction a ensuite été faite en se redirigeant vers des éléments de littérature. Les entretiens ont permis de vérifier l’existence des dimensions identifiées dans la littérature puis de préciser les sous-dimensions de la transparence. 2.2. Résultats La phase qualitative permet de confronter les dimensions issues de l’état de l’art préalablement présenté dans l’article avec la réalité du terrain, et de les affiner dans le contexte de la relation client abordée sous l’angle des canaux digitaux. Trois principaux résultats sont issus de notre étude qualitative. Le premier résultat fait état des pratiques de relation client qui manquent de transparence du point de vue utilisateur. Il s’agit de répondre à la question « dans quelles situations se pose le problème de la transparence ? ». Le second résultat nous permet de déduire les perceptions que peuvent engendrer ces pratiques non-transparentes. Nous répondons à la question « pourquoi se pose la question de la transparence de la relation client dans un contexte digital ? ». Enfin, le troisième résultat de notre étude qualitative répond à la question « qu’est-ce que cela signifie quand on parle de transparence ? » 2.2.1. Pratiques non-transparentes et perceptions négatives chez les utilisateurs Un manque de transparence est perçu par les utilisateurs, cela en raison de la complexité du marché puisque les devices et les moyens de contacter les utilisateurs sont nombreux, variés et invisibles. Certaines pratiques de relation client, plus que d’autres, sont sources de perceptions négatives pour les utilisateurs. Ces situations rémanentes ont été identifiées dans le discours des utilisateurs. Les perceptions négatives qui en découlent ont été ajoutées dans un même tableau, ceci afin de comprendre quand et pourquoi se pose la question de la transparence. Il s’agit de s’intéresser aux perceptions négatives pouvant être engendrées dans telle ou telle situation de relation client afin de savoir comment y répondre. Tableau 5. Pratiques de relation client digitales manquant de transparence et impact sur les perceptions utilisateurs Pratiques de relation client manquant de transparence Utilisation des données « Pour moi, sous couvert d’aider, de ne pas déranger client, il y a quand même un objectif de rentabilité, chiffre d’affaires, c’est une entreprise […] C’est marchandisation de nos données, de qui on est aussi coup. C’est ça le problème ». (Karine, n°7, p3) un de la du Fusion des données du « customer journey » « Maintenant c’est rentré dans les mœurs. C’est normal Perceptions négatives face à un manque de transparence Suspicion « Clairement c’est suspicieux. Car moi je sais que les données sont récupérées mais je ne sais pas ce que les entreprises en font derrière » (Quentin, 21 ans) Perception de non bienveillance « L’entreprise récolte des données et donc forcément elle va pouvoir les vendre au plus offrant où chercher à déduire d’autres informations qui sont plus personnelles. On peut faire une utilisation des données pas forcément bienveillante ». (Fabien, 24 ans) Résignation « N’importe comment, que je dise oui ou que je dise 9 qu’on rentre et puis qu’on vous juge, enfin pas qu’on vous juge mais qu’on vous identifie d’entrée : qui vous êtes, homme ou femme. C’est normal qu’on regarde où vous allez sur internet, qu’on sache où vous allez ». (Sophie, n°2, p3) Segmentation et ciblage « Le consommateur peut se sentir entre guillemets fiché et suivi. Et donc à partir de là, fiché, casé dans une case spéciale ». (Sylvie, n°15, p4) Géolocalisation « Si j’utilise une application, c’est pour faire des recherches rapides sur des produits qu’il y a en magasin. Ce n’est pas pour être spammé de pub dès que je rentre dans le magasin ». (Quentin, n°8, p13) Retargeting « Moi je sens quand on recherche sur internet qu’on est quand même suivi. Je prends l’exemple des voyages. Je fais une recherche une fois et après je reçois plein de promotions et pourtant je n’ai pas demandé à d’autres opérateurs. Déjà je sens que je suis espionnée ». (Véronique, n°14, p4) Recommandation produits « Franchement je n’accepte pas ces pratiques où on nous étudie et on nous envoie des offres. Car on est tous dans des cases et hop « vous avez besoin de ça aujourd’hui ». C’est affreux, ce n’est pas du tout ce qui me fait rêver ». (Karine, n°7, p4) Mise en avant des avis clients « Quand on va voir les conseils des gens, la moitié ou même les trois quarts sont mis par les entreprises ou par des sites qui sont payés pour ça, pour faire de la publicité pour faire croire que c’est de la bonne qualité, c’est tout. Ça ne me sert à rien, je ne regarde pas ». (Paul, n°3, p7) Prise de contact initiative entreprise « Le programme rêvé ça serait que l’on puisse décider lors de l’achat, lorsque l’on passe la commande, j’aimerais savoir par quel biais je vais être recontacté, qu’est-ce qui va se passer ensuite […] J’aimerais plus savoir et décider quel est le programme de l’entreprise avec mes données. (Nicolas, n°6, p9) non, mes données ils les ont […] Et après ça fait le tour du monde ». (Paul, 73 ans) Dévalorisation « On peut être catalogué, classé comme des objets par catégorie. Moi en tant qu’être humain je n’ai pas envie d’être répertoriée ». (Laure, 47 ans) Perception d’intrusion dans la vie privée « Déjà que ça m’énerve quand un employé du magasin vient me voir pour me vendre des produits alors si c’est pour recevoir de la pub sur mon téléphone quand je rentre dans un magasin ça va du tout » (Quentin, n°8, p13) Perte de liberté « On a l’impression d’être suivi partout, d’être fliqué […] c’est pas vraiment agréable de savoir qu’on est suivi partout ». (Philippe, n°11, p4) Perception de manipulation « Ce qui me dérange c’est surtout le fait de me sentir surveillée, contrôlée et de sentir qu’on veut influencer mes choix ou me pousser à avoir des besoins que je n’ai pas ». (Laure, 47 ans) Perte de confiance « Pour moi c’est du blabla, Ils peuvent dire ce qu’ils veulent, faire ce qu’ils veulent, c’est comme le gouvernement ». (Philippe, 44 ans) Perte de contrôle « Actuellement je supprime tous les messages car ce n’est pas moi qui l’ai demandé. Je ne suis pas à l’origine de tous ces messages […] Au départ je suis allée sur ce site c’est pour savoir des choses, après ce n’est pas pour être sollicité en permanence par téléphone. Faut que ça vienne de moi sinon je n’aime pas ». (Véronique, n°14, p10) Le discours des consommateurs démontre qu’il existe un réel besoin de transparence en grande partie car ils ont une impression globale de perte de contrôle dans diverses situations de relation client sur les canaux digitaux. L’ensemble de ces perceptions négatives sont liées à un manque de transparence des entreprises. L’intensité de ces perceptions varie en fonction des pratiques managériales et l’intention de comportement sous-jacente peut être plus ou moins forte. Par exemple, une personne résignée n’agira pas de la même façon qu’une personne qui perçoit une tentative de manipulation de la part de l’entreprise. En cherchant à identifier les situations qui posent problème pour le consommateur et qui engendre des perceptions négatives, les pratiques transparentes à mettre en place par les entreprises apparaissent comme plus évidentes. Nous les identifions dans les entretiens de managers et d’utilisateurs et nous les catégorisons en fonction de résultats d’ores et déjà obtenus dans la revue de littérature. 10 2.2.2. Trois dimensions de la transparence En réponse aux perceptions négatives relevées dans les entretiens des utilisateurs, des pratiques jugées transparentes ont été analysées. L’étude qualitative a permis de vérifier l’existence des trois dimensions du concept de transparence, d’identifier les sous-dimensions ainsi que les pratiques attendues par les utilisateurs et envisagées par les entreprises (tableau 6). Tableau 6 – Dimensions de la transparence perçue de la relation client sur les canaux digitaux Dimension Caractérisation Caractéristiques de l’information Clarté et concision de la présentation Pratiques attendues par les utilisateurs « Expliciter, sans lire 40 000 lignes et cacher les conditions d’utilisation dans des conditions d’utilisation car personne ne les lie. Il faut synthétiser. Par exemple, dans le cas du Play Store, quand on télécharge une application, en trois points il est dit : on récupère votre localisation, on utilise le wifi, on utilise vos contacts puis ça s’arrête là. On pourrait très bien faire la même chose pour un site internet » (Quentin, 21 ans) Limpidité Accessibilité de l’information Navigation Contextualisation de l’information Moment de la divulgation (temps réel) Objectivité Objectivité des avis Assumer ses erreurs Objectivité des éléments d’information « Souvent je vais en pied de page sur un site car il y a des rubriques concernant la livraison, concernant la garantie, concernant toutes ces informations » (Nicolas, 29 ans) « Quand on fait un achat ou une manipulation sur un ordinateur ou un téléphone il faudrait un message « attention, souhaitezvous conserver l’anonymat ou vos coordonnées risquent d’être utilisées, cochez oui ou non», une mise en garde claire et évidente. Il ne faut pas que ce soit dans un tout petit coin minuscule » (Laure, 47 ans ) « Il n’y a pas très longtemps, je suis allée sur une plateforme et il y avait des avis pas super positifs et publics. J’ai trouvé que c’était bien parce-que l’entreprise elle assume. Elle est comme un être humain, elle n’est pas parfaite. Il y a des erreurs qui sont faites. Mais en même temps je trouve que c’est bien d’assumer » (Karine, 36 ans) Pratiques envisagées par les entreprises « Il y a toujours moyen de faire des notices de 500 pages pour expliquer ce qui se passe mais il y a toujours moyen aussi de résumer ça en quelques points pour que ce soit très clair. L’exemple simple qui me vient à l’esprit c’est quand vous choisissez un antivirus. Si vous regardez, vous avez une matrice avec dix points ou cinq points avec des cases qui sont cochées avec soit des croix soit des checkbox. Donc je pense qu’il y a toujours une façon sommaire de résumer de façon simple et non pas simpliste » (Entreprise Cogmetrix) « L’idée c’est d’afficher les informations dont il a besoin et de lui laisser la possibilité d’en consulter d’autres facilement en termes de navigation » (Entreprise Amazon) « Ce qui est important c’est que l’information soit contextualisée et cohérente par rapport à l’endroit où se trouve le client dans son parcours d’achat. En fonction de son avancée dans son achat, à la fin il faut qu’il ait pu être exposé à toutes les informations importantes » (Entreprise Célio) « Pour moi être objectif en diffusant des avis positifs et négatifs c’est être transparent sous réserve que les avis soient fiables sinon cela fausse tout » (Entreprise Mobirider) « Target et les autres enseignes ont préféré ne pas mettre de wi-fi car ils avaient peur du 11 Faciliter la comparaison Objectivité de la mise en relation Faciliter le partage d’informations Ecoute utilisateur à 360° Ouverture « Le fait de mettre en relation des clients entre eux. J’aurais une meilleure image car je me dirais « tiens cette entreprise elle n’a pas peur de mettre en relation ses clients entre eux ». Si elle ne le fait pas ça veut dire qu’elle a peur que le client soit au courant de choses dont il aurait pas été satisfait » (Laure, 47 ans) « Pour moi la transparence c’est aussi avoir un contact. Souvent, et j’évite ce genre de boîtes, quand on va voir dans les « nous connaitre », les contacts ne peuvent se faire que par courriel. La transparence c’est plus de proximité, c’est un contact, pouvoir contacter l’entreprise quand on veut et comme on veut » (Daniel, 62 ans) Réponse en temps réel / Réactivité « La marque doit s’engager pour répondre. Par exemple des fois, on voit que quelqu’un se plaint sur un aspect et trois mois après il y a une plainte sur la même chose. L’entreprise n’a pas pris en compte la remarque, n’a pas écouté. Il faut écouter et répondre. Dans un délai imparti, il faut régler les problèmes » (Quentin, 21 ans) Education du client « Je trouve que les gens demandent beaucoup plus de transparence dans leurs achats, dans ce qu’ils achètent. Je pense que si toutes les entreprises jouaient le jeu, si elles étaient beaucoup plus transparentes, si elles expliquaient tout ça serait mieux, car là on ne les comprend pas, on ne comprend même pas les étiquettes parfois» (Véronique, 47 ans) showrooming. C’était complètement contraire au besoin du consommateur qui voulait comparer les prix. Ils étaient frustrés et donc ils n’achetaient pas mais en plus ils disaient du mal sur Twitter» (Entreprise Weblib) « On a un outil qui s’appelle talkie-walkie qui permet aux internautes de chatter entre eux. Quand vous êtes sur le site et qu’il y a des problèmes, ça nous permet d’agir et de réagir plus vite si notre promesse de service est rompue. […] Ça évite aussi que l’entreprise soit au milieu de tout ça et qu’on lui reproche qu’elle ait un avis orienté. Ça nous permet en tout cas de monitorer et de ne pas briser la promesse » (Entreprise Célio) « En fait, je pense qu’il faut mettre de plus en plus de solutions disponibles quasi en temps réel, 24h/24 si on peut avec les consommateurs. Où que l’on soit, un consommateur doit pouvoir joindre la marque. Dès qu’il a un problème il doit pouvoir communiquer avec le community manager de la marque pour qu’il l’aide à résoudre ce problème. Quel que soit le canal, les clients devraient pouvoir toucher les entreprises » (Entreprise Mobirider) « Je dirais que la plus grande transparence c’est la bonne prise en compte du besoin client et la réponse. Ça a été un peu le prisme des médias sociaux. Aujourd’hui quand je ne suis pas content d’une entreprise je le dis plus vite sur les médias sociaux pour faire réagir l’entreprise que quand j’appelle son service consommateur » (Entreprise Cibleweb) « Il va falloir éduquer nos clients et leur dire « grâce à l’application Célio, vous pourrez bénéficier d’un certain nombre de services supplémentaires» (Entreprise Célio) 12 Ces trois dimensions identifiées dans l’étude qualitative regroupent l’ensemble des facettes issues de la revue de littérature. Toutefois, l’étude qualitative a permis de préciser un certain nombre d’éléments. Tout d’abord, la contextualisation de l’information, qui est une sous-dimension de la limpidité, est particulièrement importante pour les utilisateurs, ce qui n’est pas abordé dans la littérature. L’objectivité est axée non pas seulement sur le fait que l’entreprise diffuse de l’information neutre mais c’est aussi le fait que l’entreprise permette la mise en relation entre utilisateurs, qu’elle n’ait pas « peur » des discussions. Enfin, l’étude qualitative a permis de préciser la dimension « ouverture » qui était caractérisée par la littérature comme une disposition de l’entreprise. L’ouverture, c’est plus précisément avoir une écoute totale de l’utilisateur sur les canaux qu’il préfère. C’est aussi lui répondre en temps réel et aller à sa rencontre afin de le guider pas à pas, c’est-à-dire avoir une démarche proactive et surtout très pédagogique dans l’explication des programmes de fidélité en ligne par exemple. D’autres part, en confrontant les points de vue des utilisateurs et des entreprises, nous constatons que les utilisateurs désirent une transparence totale que les entreprises ne peuvent leur donner. Par exemple, en ce qui concerne l’objectivité, le fait « d’assumer » est très important pour les utilisateurs. D’après eux, cela prouve que l’entreprise n’a rien à cacher. Pour les entreprises, proposer la mise en avant d’avis et faciliter la comparaison ainsi que le partage d’informations permet surtout de monitorer et de garder un contrôle sur ce qui se dit sur elle. Cela permet aussi de réduire les frais de service client puisque ces derniers se répondent mutuellement sans intervention du community manager. Les entreprises auraient donc tendance à utiliser ces pratiques afin de servir leurs propres intérêts au lieu de servir en premier lieux les intérêts des utilisateurs. Concernant la dimension « ouverture », pour les utilisateurs, c’est le fait de pouvoir toucher l’entreprise rapidement, quand ils le veulent et par le canal désiré. C’est la liberté qu’ils peuvent obtenir afin de contacter une entreprise. C’est aussi le fait que l’entreprise soit disposée à toujours répondre aux demandes rapidement et disposée à être pédagogue dans ses explications. Du point de vue des entreprises, l’ouverture c’est entre autres « éduquer » les utilisateurs afin de leur montrer quels sont les bénéfices qui peuvent être obtenus sans que ces derniers n’aient de la suspicion à cet égard. L’approche est axée sur une intention sous-jacente d’éviter d’éveiller des soupçons sur les pratiques de relation client instaurées. L’apport de notre recherche réside dans le fait que nous étayons le discours sur la transparence et que nous l’envisageons très précisément sur les pratiques digitales de relation client. Nous interrogeons deux types de population : des utilisateurs pour obtenir des perceptions liées à leur expérience, et des entreprises afin de recueillir des pratiques transparentes applicables. Cela nous permet de percevoir des convergences et des divergences dans les points de vue. Il apparaît clairement que les entreprises mettent en place des pratiques si et seulement si cela va dans leur propre intérêt à court terme. La réflexion à plus long terme concernant l’impact de la transparence perçue sur l’engagement des utilisateurs à son égard n’est clairement pas prise en compte. Dans notre définition de la transparence, nous intégrons particulièrement le point de vue utilisateur ce qui n’a jamais été fait jusque-là : « Pour un acteur du marché, être transparent c’est divulguer au bon moment des informations claires et concises, facilement accessibles et objectives en facilitant les contacts entre utilisateurs. C’est être ouvert à la discussion en permettant aux utilisateurs de contacter simplement, par n’importe quel canal, l’entreprise. C’est faire sentir aux utilisateurs qu’ils sont écoutés et qu’ils vont obtenir des réponses satisfaisantes rapidement ». 13 Conclusion La transparence est parfois présentée comme un impératif absolu, une injonction indépassable, une exigence universelle. Chacun peut toutefois en identifier les excès et les limites, une « dictature de la transparence »10 n’étant pas souhaitable ni sur un plan sociétal, ni, plus prosaïquement, sur un plan managérial. Cette recherche donne de la transparence une vision plus relative, chacune des parties, entreprises et consommateurs, devant établir une nouvelle forme de contrat social. A l’heure de l’ATAWAD11, une entreprise qui se veut transparente dans sa relation avec les utilisateurs et qui souhaite favoriser le développement de comportements positifs doit appuyer sa stratégie marketing sur les trois dimensions définies dans cette recherche : limpidité, objectivité, ouverture. L’apport de notre travail réside dans le croisement de deux points de vue, entreprises et utilisateurs. L’étude qualitative a permis de confirmer l’existence des dimensions de la transparence découvertes dans la littérature et de mieux spécifier les sous-dimensions qui sont apparues chez nos deux populations. Au-delà de la "valeur morale" de la transparence exposée dans la littérature, il nous semble crucial d’aider les entreprises à limiter les comportements de désengagement et de résistance des utilisateurs. L’identification des leviers d’actions sur lesquels l’entreprise peut jouer afin de piloter la transparence est un objectif particulièrement porteur. Sur le plan théorique, bien que quelques échelles de mesure du concept existent, comme par exemple celle de Dapko (2012), aucune d’entre elles n’intègre les trois dimensions que nous identifions dans la revue de littérature et que nous spécifions via l’étude qualitative. Les pratiques transparentes du tableau 6 peuvent constituer une base de réflexion pour la construction d’une échelle de mesure de la transparence perçue. Ce qui permettrait par la suite de comprendre comment chaque facette influence la perception d’une transparence globale. Une des limites de cette étude repose sur le fait que nous nous focalisons uniquement sur la transparence de la relation client bien que dans les entretiens, d’autres objets de la transparence soient apparus : transparences des prix, des coûts, transparence fiscale, sur l’origine des produits, de l’entreprise, etc. Il serait pertinent de poursuivre cette recherche en élargissant le sujet, en s’intéressant aux définitions et perceptions des autres objets de la transparence et en étudiant l’impact des différents objets de la transparence sur la relation client. Enfin, cette recherche soulève des questions qui sont autant de potentielles pistes pour de futurs travaux. Divers chercheurs ont travaillé sur le contrôle perçu en Privacy. Une question peut alors se poser : le contrôle perçu de l’utilisateur sur la relation a-t-il un rôle sur la perception de transparence ? Un utilisateur qui se sent en contrôle a-t-il nécessairement besoin de transparence de la part de l’entreprise ? Par ailleurs le rôle modérateur de la confiance a été étudié en marketing. Dans le contexte digital, un utilisateur qui a d’ores et déjà confiance dans l’entreprise a-t-il besoin d’autant de transparence et des mêmes signaux de transparence que les autres utilisateurs ? Bibliographie AWAD N. et KRISHNAN M. (2006), “The personalization privacy paradox: an empirical evaluation of information transparency and the willingness to be profiled online for personalization”, MIS Quarterly, Vol. 30, No. 1, p. 13-28. 10 11 “La dictature de la transparence” par Mazarine Pingeot (2016), Ed Robert Laffont, 208p. Any Where, Any Time, Any Device (Xavier Dalloz) 14 BIRKINSHAW P. 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