ARTÉRIOPATHIE PÉRIPHÉRIQUE DU DIABÉTIQUE

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RTÉRIOPATHIE PÉRIPHÉRIQUE DU DIABÉTIQUE
Dr Bertrand Saint-Lèbes, Pr Jean-Pierre Bossavy
Service de Chirurgie Vasculaire - CHU Toulouse Rangueil
Le risque de développer une artériopathie
(AOMI) est 4 fois plus élevé chez le diabétique
que dans la population générale [1]. L’artériopathie y est un marqueur de sur-risque cardiovasculaire : le taux d’amputation est 5 fois
plus élevé et la mortalité supérieure et plus
précoce que chez le non diabétique [2].
La macro-angiopathie du diabétique comporte quelques particularités : médiacalcose
extensive, distribution sous-poplitée des lésions en respectant le plus souvent les artères
du pied, lésions pluri-étagées et mauvaise
collatéralité. Cela explique sa gravité évolutive souvent insidieuse vers l’ischémie critique : douleurs de décubitus et/ou troubles
trophiques. Or, le diagnostic d’ischémie critique est délicat chez le diabétique alors qu’il
est essentiel d’établir le lien entre trouble trophique et artériopathie.
Le traitement endovasculaire est devenu une
solution de premier choix en raison de son
caractère moins invasif et plus facilement
répétitif pour une pathologie chronique qui
évolue au sein d’une population fragile. L’explosion démographique du diabète va encore
renforcer l’importance de cette pathologie et
l’extension de sa prise en charge.
Diagnostic
Le diagnostic de l’AOMI peut se poser au
stade de claudication (situation rare et non
spécifique au diabétique) mais l’important est
de le poser au stade d’ischémie critique.
Or ce diagnostic, qui associe des paramètres
cliniques et hémodynamiques, est souvent
difficile chez le diabétique. La clinique peut
être trompeuse. La douleur est souvent absente du fait de la neuropathie, le pied peut
être chaud en raison de la sympatholyse ou
d’une infection, l’ulcère ou le mal perforant
peuvent être d’origine neuropathique. Le
diagnostic clinique est donc souvent fait au
stade IV de Leriche et Fontaine avec gangrène
avancée.
Sur le plan hémodynamique, l’ischémie critique est définie dans les dernières recommandations de la TASCII [3] : une pression de
cheville < 50-70 mmHg, une pression au gros
orteil (PGO) < 30-50 mmHg et une TcPO2 <
30-50 mmHg, associées aux critères cliniques
[4]. Mais là aussi le diagnostic est difficile. La
pression de cheville est souvent surestimée
par la médiacalcose voire impossible à obtenir
(35% des patients diabétiques), la PGO, plus
fiable, est parfois impossible à mesurer (16%)
du fait d’une amputation ou d’une nécrose
d’orteil [4]. La TcPO2 a un intérêt pronostique
important mais peut être également faussée
par un œdème ou une infection.
Session 3
Introduction
Cependant, tout patient diabétique suspect
d’artériopathie doit avoir une évaluation
de son état artériel. L’évaluation sera basée,
outre la recherche manuelle de la pulsatilité
artérielle, sur la mesure des critères hémodynamiques précédemment cités et sur les données de l’écho-doppler qui permet une étude
anatomique de l’arbre artériel.
Lorsque l’indication de revascularisation,
décision pluridisciplinaire, est retenue, les
exploration par imagerie sont nécessaires :
angioscanner, angioIRM, artériographie, qui
nécessitent les précautions d’usage chez
ces patients dont la fonction rénale est le
plus souvent altérée. L’artériographie n’est, à
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l’heure actuelle, pratiquée qu’au bloc opératoire comme premier temps d’une thérapeutique endovasculaire.
L’indication de revascularisation peut être
discutée devant un trouble trophique, car
beaucoup de patients peuvent spontanément guérir. Cependant les revascularisations
tardives, après échec de cicatrisation, auraient
de moins bons résultats [5].
Techniques chirurgicales
de revascularisation
Deux possibilités s’offrent au chirurgien, la
chirurgie conventionnelle dont les résultats
sont bien connus et l’angioplastie transluminale (ATL) plus récente mais en plein développement. Les critères de choix sont multiples
et les recommandations (TASC II) [3] reposent
sur des groupes hétérogènes. L’objectif n’est
pas la perméabilité à long terme mais la
cicatrisation, la diminution des douleurs et
l’amélioration de la qualité de vie. Le risque
anesthésique et l’espérance de vie sont des
facteurs importants sur le choix. Les autres critères sont anatomiques, tel que la localisation
et la longueur des lésions (classification TASC
II) et la disponibilité ou non d’un greffon veineux.
Concernant les traitements endovasculaires :
chez le diabétique, le risque d’échec technique est augmenté et les taux de perméabilité (ainsi que les chances de cicatrisation) sont
diminués par rapport aux non diabétiques [6].
Le diabète augmente le taux de resténose.
Ainsi, l’obtention de la cicatrisation nécessitera souvent des angioplasties itératives, d’où
la nécessité d’un suivi rapproché [7]. Le succès
technique dépend du stade TASC : pour les
lésions les plus sévères, seuls 14% des patients
seront indemnes de resténose ou d’amputation à un an [7]. Pour l’ensemble des patients,
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ce taux est de 39% (très proche des résultats
de la chirurgie : 45%).
La cicatrisation est obtenue malgré une perméabilité primaire limitée. Le taux de sauvetage de membre à 1 an est comparable pour
les 2 techniques, autour de 85%[8].
L’ATL a pour avantage de traiter plusieurs
artères dans le même temps. Vis à vis des
troubles trophiques, le concept des angiosomes (zone anatomiques correspondant aux
territoires de chaque tronc artériel jambier)
est important : il faut s’efforcer de rendre perméable jusqu’en distalité l’artère en lien avec
le territoire cutané touché [9]. Si les lésions
sont pluri-étagées (60% des patients), l’ATL
permet de traiter l’ensemble, soit par voie endovasculaire percutanée seule soit par procédures hybrides (ATL + pontage). Ces dernières
permettent de réduire la longueur des pontages ce qui augmente leur perméabilité tout
en préservant le capital veineux du patient.
Le dernier avantage de l’endovasculaire est la
réduction de la morbi-mortalité péri-opératoire (5%) du fait que la majorité des gestes
est réalisable sous anesthésie locale.
La chirurgie, souvent réalisée dans un second
temps, conserve certaines indications, posées
sur des critères anatomiques [10] ( atteinte
principale du trépied fémoral, occlusions
artérielles très longues). Lorsqu’il est nécessaire de revasculariser l’étage jambier, il faut
souvent réaliser des pontages distaux (artère
pédieuse). Ces pontages doivent être les plus
courts possibles (poplitéo-distaux) et il faut
privilégier les greffons veineux (grande ou petite veine saphène, homo ou controlatérale,
veine du bras) assurant ainsi une excellente
perméabilité [11]. Le greffon veineux doit
avoir au moins un diamètre de 3mm pour être
utilisable.
Artériopathie périphérique du diabétique
Il n’y a pas d’études randomisées comparant
les deux techniques dans une population
entièrement diabétique. La seule étude randomisée BASIL [12] ne montre pas de différence en terme de sauvetage de membre à
court terme, mais la chirurgie est associée à
une meilleure survie globale et sans amputation, chez les patients ayant une durée de vie
supérieure à 2 ans [12].
Conclusion
Session 3
L’artériopathie diabétique représente
toujours un défi dans ses formes les plus
graves que sont les troubles trophiques
liés à l’ischémie critique. Les meilleurs
résultats de sa prise en charge, aussi bien
en terme de conservation de membre
que de survie, sont obtenus lorsque le
diagnostic a été porté tôt, ce qui implique
de réaliser au moindre doute des explorations écho-doppler hémodynamiques et
échographiques.
La revascularisation ne doit pas être différée. La prise en charge endovasculaire
a la faveur actuelle des chirurgiens du fait
de ses bons résultats précoces associés à
une moindre invasivité et mortalité, mais
ses résultats semblent moins pérennes
que le traitement chirurgical qui, du fait
d’un risque opératoire supérieur, est souvent réservé aux patients les moins fragiles, mais assure une meilleure qualité
de survie.
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J.P. Bossavy
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