Introduction

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Introduction
L’usage quotidien en psychiatrie des médicaments antipsychotiques est
justifié par leur puissance d’action alliée à une efficacité sur de nombreuses
manifestations pathologiques, en particulier les hallucinations, le délire,
l’angoisse et l’agitation. Ces caractéristiques en font un outil pharmacologique majeur. Toutefois, à côté de ces effets thérapeutiques, ces médicaments
ont de nombreux effets indésirables. Mieux connaître leurs propriétés,
leurs mécanismes d’action, leur efficacité et leurs limites dans différentes
situations contribue à mieux les utiliser et à limiter l’expression de leurs
nombreuses conséquences iatrogènes.
Les effets thérapeutiques des antipsychotiques reposent principalement
sur leur action sur le système dopaminergique. Ce dernier joue un rôle dans
la régulation de la vie émotionnelle et le contrôle de la motivation, dans la
modulation de la perception, ainsi que dans l’organisation des comportements adaptatifs. Or ces domaines sont perturbés dans les psychoses et, en
particulier, dans la schizophrénie. Pour cette raison, ces pathologies constituent la principale indication des antipsychotiques. Le système dopaminergique joue également un rôle dans le contrôle de la motricité et dans l’inhibition de la sécrétion de prolactine, à l’origine des effets secondaires de
certains antipsychotiques. Les antipsychotiques peuvent exercer des effets
non seulement sur les hallucinations et le délire (effets antipsychotiques ou
incisifs), sur l’agitation (effets sédatifs), mais aussi, de façon plus modeste,
sur les symptômes négatifs ou déficitaires de la schizophrénie (effets désinhibiteurs et/ou antidéficitaires). Il existe une dizaine de classes pharmacologiques d’antipsychotiques, du point de vue de la structure biochimique
de ces molécules. Si l’on considère les effets indésirables de ces substances,
on distingue des antipsychotiques de première génération, associés à de
fréquents effets extrapyramidaux, et des antipsychotiques de seconde génération, qui sont beaucoup mieux tolérés sur le plan neurologique.
La découverte empirique de la chlorpromazine (Laborit et al., 1952) puis son
utilisation en psychiatrie par Delay et Deniker (1952) ont rapidement eu pour
conséquence de bouleverser la prise en charge de tous les patients souffrant
de troubles psychotiques et ont considérablement modifié le pronostic évolutif
de ces pathologies. D’autres molécules ont rapidement été développées venant
ainsi enrichir la classe des neuroleptiques ou antipsychotiques. L’hypothèse
proposée en 1963 par Arvid Carlsson et Margit Lindqvist que les antipsychotiques pourraient bloquer les récepteurs à la noradrénaline, à la dopamine et
à la sérotonine a ouvert la voie à l’hypothèse dopaminergique de la schizophrénie, les antipsychotiques demeurant un instrument d’investigation privilégié des hypothèses physiopathologiques de ce trouble. Les antipsychotiques
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Généralités
constituent le traitement pharmacologique de référence de la schizophrénie et
du trouble délirant. Ils sont également indiqués dans le trouble bipolaire
et le trouble schizo-affectif. Il faut par contre réduire au minimum, en tenant
compte de certaines précautions et pendant une durée limitée, leur utilisation
dans les troubles psychocomportementaux associés aux démences.
Ultérieurement, la commercialisation des antipsychotiques dits de
seconde génération, à partir des années 1990, a permis aux cliniciens
de disposer de molécules mieux tolérées sur le plan neurologique, mettant
ainsi en question l’utilisation pour les désigner du mot neuroleptique, signifiant littéralement « qui prend le nerf », au profit d’un recours exclusif au
terme antipsychotique. Les molécules de seconde génération sont, de fait,
des neuroleptiques atypiques, qu’on désigne également par les expressions
antipsychotiques atypiques ou antipsychotiques de seconde génération. C’est
cette dernière appellation que nous privilégierons dans cet ouvrage.
Les antipsychotiques de seconde génération commercialisés en France
en ce début d’année 2015 sont la clozapine (Leponex®), l’olanzapine
(Zyprexa®), l’amisulpride (Solian®), la rispéridone (Risperdal®), la palipéridone (Xeplion®, métabolite actif de la rispéridone) l’aripiprazole (Abilify®) et
la quétiapine (Xeroquel®). L’asénapine (Sycrest®), n’a pas reçu d’AMM pour
le traitement de la schizophrénie, mais en a une pour l’épisode maniaque
du trouble bipolaire de type I de l’adulte. La lurasidone (Latuda®) a reçu
l’AMM pour la schizophrénie en 2014 et la ziprasidone (Zeldox®) bénéficie
d’une autorisation temporaire d’utilisation nominative (ATUn). Les antipsychotiques de seconde génération sont les plus utilisés en pratique courante,
non seulement dans les troubles psychotiques, mais également dans la plupart des autres indications cliniques. Ils sont en effet généralement utilisés
en première intention, du fait de leur meilleure tolérance neurologique par
rapport à celle des antipsychotiques de première génération. Alors que les
antipsychotiques de seconde génération ne diffèrent pas significativement
entre eux en termes d’efficacité, leur profil d’effets secondaires varie considérablement d’une molécule à l’autre (en particulier en termes de risque
métabolique et de prise de poids, plus élevé avec les dibenzodiazépines).
Ce livre reprend et élargit le contenu de trois articles des mêmes auteurs récemment parus dans l’EMC-Psychiatrie (Franck et al, 2015). Il envisage successivement les propriétés pharmacologiques, le mode d’action, l’efficacité, les modalités d’utilisation, les indications et les effets indésirables des antipsychotiques.
Références
Carlsson A, Lindqvist M. Effect of chlorpromazine or haloperidol on formation of
3-methoxytyramine in mouse brain. Acta Pharmacol Toxicol 1963;20:140-4.
Delay J, Deniker P, Harl JM. Utilisation en thérapeutique psychiatrique d’une phénothiazine d’action centrale élective (4560RP). Annales médico-psychologiques
1952;110(2):112-7.
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Franck N, Fromager F, Thibaut F. Pharmacologie et mode d’action des antipsychotiques. EMC-Psychiatrie 2015; 37-860-B-10.
Franck N, Fromager F, Thibaut F. Efficacité des antipsychotiques et recommandations
thérapeutiques. EMC-Psychiatrie 2015; 37-860-B-15.
Franck N, Fromager F, Thibaut F. Surveillance d’un traitement par antipsychotique.
EMC-Psychiatrie 2015; 37-860-B-20.
Laborit H, Huguenard P, Alluaume R. Un stabilisateur neurovégétatif, le 4560RP.
Presse Médicale 1952;60:206-8.
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