Management de la qualité et de la performance

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Avant-propos
Cet ouvrage est la réponse apportée par les auteurs à la question suivante : quels référentiels, méthodes et outils choisir,
faire accepter et déployer de façon pragmatique dans un
grand groupe de service et, qui plus est, dans un groupe aux
métiers nombreux et variés ?
Pour une entreprise de service, les référentiels, méthodes et
outils présents sur le « marché » sont issus, pour la grande
majorité d’entre eux, de la révolution industrielle. Inventés
à la fin du XIXe siècle, ils sont donc souvent mal adaptés et
doivent, en tout cas, être expliqués et mis en œuvre de façon
spécifique.
Dans une entreprise de service, les métiers sont souvent nombreux et variés et ils nécessitent des référentiels (normes,
modèles…), méthodes et outils spécifiques pour chaque
métier. Ceci va nécessiter l’établissement d’un cadre de cohérence au niveau du groupe de façon à apporter une logique
d’ensemble.
La question qui se pose alors à tout responsable corporate est
la suivante : quels référentiels, méthodes et outils conseiller
aux différents métiers de son groupe et comment les coordonner entre eux s’ils sont différents ?
Management de la qualité et de la performance
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Ce livre propose une sélection de référentiels (ISO 9001,
ISO 14001, ISO 31000, ISO 26000, EFQM, IiP, normes de service…), de méthodes et d’outils (diagramme des affinités, en
arbre, Pareto, 5S, Gantt, tableau de bord, Lean, Six Sigma…)
qui sont aujourd’hui au cœur des pratiques managériales.
Pour chacun d’entre eux, nous avons choisi de publier des avis
d’experts et de personnalités reconnues pour leurs compétences
particulières à utiliser ces référentiels, ces outils et ces méthodes
d’optimisation de la performance des organisations. Il s’agit
ainsi de vous les faire découvrir, ou redécouvrir, à travers le
regard expérimenté, technique, mais aussi parfois critique de
ceux qui, tous les jours, ont pour missions de les mettre en
œuvre et de les faire vivre dans des entreprises et des organisations très variées, tant en France que dans le monde.
Il ne fait aucun doute, le lecteur le constatera de lui-même,
que les réponses apportées par cet ouvrage sont transposables
à toute entreprise en général qui doit chaque jour établir un
équilibre entre toutes ses parties prenantes que sont ses clients,
bien évidemment, mais également son personnel, son ou ses
actionnaires et ses fournisseurs… en respectant, voire en dépassant, les contraintes issues de son environnement.
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CHAPITRE 1
La prise en compte
de tous les acteurs
de l’entreprise
La longue reconquête du message fondateur
à la fin du XIXe siècle et au XXe siècle
Certes, la qualité nécessite la conformité…
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Mais la qualité est également un problème
de management des processus
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Et le management des processus est un problème
de management des organismes…
Les acteurs du management d’une entreprise
Les parties prenantes
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Chapitre 1
La qualité-performance au sens des référentiels commence à
Sumer, dans le sud de l’actuel Irak, puisque l’écriture et le
document y sont nés et que dans l’énorme trésor des tablettes
cunéiformes on découvre les prémices des principes fondateurs de nos grands référentiels.
C’est en effet vers 1700 avant notre ère que fut composé le
texte d’Hammurabi(1), œuvre fameuse de la haute civilisation
babylonienne, et qui peut être considérée comme le premier
texte relatif à la qualité-performance. Ce texte, nous dit Jean
Bottéro(2), représente un ensemble de prescriptions et d’actions par rapport à une situation donnée. Il était destiné à
exercer une valeur de modèle dans la société, une référence
ou un système(3) permettant aux individus de prendre la
« bonne » décision au « bon » moment. En ce sens, ce texte
laisse libre cours à l’interprétation de l’individu et à sa capacité d’analyse. Le texte d’Hammurabi doit être envisagé
comme un système de bonnes « pratiques » au service de la
bonne gestion de la société et de sa pérennité. Ce fut donc les
bases de la qualité-performance au sens moderne du terme.
1. Hammurabi fut roi de Babylone de 1792 à 1750 environ avant J.-C.
2. Jean Bottéro (1914-2007) s’est imposé comme l’un des plus grands spécialistes
de la civilisation de Mésopotamie, née au tournant du IVe et IIe millénaire avant
J.-C. Mésopotamie : l’écriture, la raison, les dieux, Gallimard, 1987.
3. Système : ensemble d’éléments corrélés ou interactifs, ISO 9000, 2005.
Management de la qualité et de la performance
PAGE DE GAUCHE :
Texte babylonien,
le Code d’Hammurabi
(vers 1750 av. J.-C.)
est l’un des plus
anciens textes
de loi qui nous soit
parvenu. Le Code est
conservé au musée
du Louvre à Paris.
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Cependant, des millénaires plus tard, à l’aube de l’ère industrielle, dans un contexte de production massive, le contrôle
qualité est devenu dominant. La notion de « qualité comme
contrôle » s’est imposée à toute l’époque du taylorisme, puis
cette image s’est imposée à certains tout au long du XXe siècle. Cette approche tronquée de la qualité donna de ce fait
une interprétation de « code » au texte d’Hammourabi, code
ayant dans cette optique un caractère répressif or ce n’était
pas du tout son propos initial. Le passé évolue avec le présent
nous dit Edgard Morin(4).
La qualité-performance n’est, bien évidemment, pas restreinte
à la « qualité contrôle ». Cela ne pouvait être vrai à l’aube de
l’ère industrielle. Cela est évidemment complètement absurde
à l’ère des services. Cela n’était pas non plus dans les intentions d’Hammurabi qui ne pouvait pas matériellement écrire
en cunéiforme(5) un « code » rassemblant l’ensemble des règles
et contrôles de conformité.
Notre ambition est de montrer la richesse actuelle d’un
modèle qualité-performance, comme peut l’être celui de
l’EFQM. Cette richesse vient de la redécouverte progressive
mais relativement récente (à partir de 1947 environ) des textes
fondamentaux de la qualité-performance qui est, à nos yeux,
4. Edgard Morin, La Méthode, 6 vol., 1977-2004.
5. Lire, par exemple, L’Aventure des écritures, Bibliothèque nationale de France, 1999,
pour comprendre et arriver à imaginer ce qu’aurait pu représenter une telle œuvre
gravée en écriture cunéiforme sur des blocs rocheux !
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Chapitre 1
associée à une volonté de progrès et donc bien au-delà du
contrôle. La volonté de redonner à l’homme toute sa place
dans la « qualité comme progrès », est une notion qui, nous le
verrons, est complémentaire mais très éloignée de la « qualité
comme contrôle ».
La longue reconquête du message
fondateur à la fin du XIXe siècle
et au XXe siècle
Certes, la qualité nécessite la conformité…
La révolution industrielle, à la fin du XIXe siècle, va permettre de sortir de l’économie de subsistance. Pour la première
fois de l’histoire de l’humanité, des surplus considérables sont
dégagés. Toutefois la demande demeure nettement supérieure à l’offre, la vente conclut l’échange. Dans ces conditions, la préoccupation des responsables des manufactures est
de produire en quantité suffisante un produit reconnu. Le produit qui sort de l’atelier de fabrication doit être conforme à
des critères relativement stables et celui qui ne l’est pas est
sorti du lot. D’un point de vue taylorien(6), la qualité est, dans
ce contexte, réduite à la notion de contrôle de conformité : le
contrôle du produit en fin de chaîne et le contrôle des ouvriers
dans l’atelier de fabrication.
6. Frédéric Winslow Taylor (1856-1915) est le fondateur de l’OST, l’organisation scientifique du travail.
Management de la qualité et de la performance
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La conformité du produit et/ou du service est nécessaire. C’est
la condition première de la satisfaction des clients. Mais la
qualité n’est pas que cela, elle va plus loin. La qualité, c’est un
cadre structurant, une approche analytique du contexte qui
ne substitue pas l’intelligence et la capacité d’interprétation
de l’homme par une série de consignes figées. La qualité,
selon ses fondateurs depuis au moins quatre mille ans, est un
outil qui accompagne l’évolution des sociétés humaines. Ceci
parce qu’elle aide, entre autres, à rendre explicites la communication et les comportements entre les individus, et ce, à
l’intérieur de codes propres à chaque société. Elle place
l’homme au cœur du système par la confiance qu’elle lui
accorde dans le choix de son comportement.
Fort heureusement pour nous, la qualité comme toute science
génère et/ou possède ses « gourous ». À la suite de la révolution industrielle, et dans la lignée ou en réaction aux dérives
des successeurs de Taylor, des grands « samouraïs » par leur
apport et leur vision, ont su répondre aux transformations de
leur temps et ainsi contribuer à la naissance des systèmes de
management de la qualité actuels. Ceci en grande partie
grâce à leur redécouverte des principes de base établis par les
antiques fondateurs babyloniens...
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Chapitre 1
Mais la qualité est également un problème
de management des processus
Après la seconde guerre mondiale, les appareils productifs
permettent à l’offre de dépasser la demande. Se répandent
alors des nouvelles techniques de vente et, en particulier,
« l’écoute client », par les études de marché. Vendre un produit conforme et standard ne suffit plus, il faut améliorer le
produit. Le client ne souhaite plus seulement un produit standard. Si toutes les entreprises sur un même segment de marché ont la même production, comment pourraient-elles
capter les clients ? Dès lors, on comprend aisément l’émergence du besoin de différenciation. Pour Edwards Deming(7)
(1900-1993), cette amélioration est technique et prend forme
dans l’atelier. À partir de là, le contrôle n’est plus un aboutissement mais une étape nécessaire et transitoire en vue d’amélioration continue. Le contrôle n’a ainsi de sens que parce
qu’il introduit l’amélioration des processus dans l’atelier.
L’intégration de ces changements de comportement a permis
aux entreprises de s’adapter aux évolutions du marché et de
s’assurer ainsi une certaine pérennité.
Joseph Juran(8) (1904-2008), en s’appuyant sur l’apport de
E. Deming, va aller un peu plus loin en utilisant les données
issues des autres services de l’entreprise, comme « l’après-
7. W. Edwards Deming, Qualité, la révolution du management, Économica, 1988.
8. J. M. Juran, Gestion de la qualité, AFNOR, 1983.
Management de la qualité et de la performance
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vente », pour améliorer le produit. La production n’est plus la
seule fonction responsable de la qualité du produit, désormais
toutes les fonctions doivent y contribuer. C’est l’entreprise
dans son ensemble qui est impliquée dans la qualité du produit final. L’amélioration de l’atelier implique ainsi la
prise en compte et donc l’amélioration de toutes les fonctions de la chaîne d’approvisionnement en amont de la
chaîne de montage de l’atelier et de l’après-vente en aval.
Et le management des processus est un problème
de management des organismes…
Depuis les années 1970, les marchés sont marqués par de fortes
instabilités des attentes et des comportements de consommation. Aussi la préoccupation des entreprises porte-t-elle sur
leurs capacités à répondre aux transformations toujours plus
rapides du marché, tout en préservant une certaine cohérence
interne. Autrement dit, comment un appareil productif cohérent peut-il être pensé en fonction d’une demande fortement
variable ? C’est Kaoru Ishikawa(9), né à Tokyo d’une famille de
la haute bourgeoisie japonaise (1915-1989), qui le théorisa au
travers de son diagramme et, ainsi, introduisit la notion de système d’amélioration continue applicable quels que soient le
produit et l’entreprise. Après Deming, cet apport est l’un des
plus importants dans l’histoire de la qualité, car Ishikawa permet ainsi aux entreprises d’augmenter leur vitesse d’adapta9. Kaoru Ishikawa, Le TQC ou la qualité à la japonaise, AFNOR, 1981.
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Chapitre 1
bilité au marché, voire de l’anticiper, tout en conservant la
cohérence interne. La qualité est ainsi un principe d’amélioration qui doit être formalisé dans un système au
niveau du management de l’organisation de l’entreprise.
Par ailleurs, la vitesse de diffusion de l’information a conduit
à réduire les disparités d’intégration des technologies d’une
entreprise à l’autre. Les avantages concurrentiels basés sur
l’innovation technologique sont de courte durée. Les éléments
différenciant, outre la capacité d’adaptation et d’anticipation,
vont aussi résider dans le capital humain de l’entreprise. Philip B. Crosby(10) (1923-2001) achève le travail de reconquête du
message fondateur de la qualité en (ré)introduisant la responsabilité du management des hommes dans le fonctionnement global de la qualité-performance de l’entreprise. La
gestion des hommes devient alors le critère important dans
le management de la qualité. La qualité devient un principe
d’action-réaction des hommes dans l’entreprise vue comme
un organisme et non plus seulement comme une organisation. Et les entreprises qui ont su intégrer cette nouvelle
dimension de la qualité se sont dotées d’un appareil productif des plus performants sur leurs marchés.
Si l’organisation traditionnelle fordo–taylorienne a été bénéfique à une période où il fallait produire en quantité pour
10. Philip B. Crosby, La Qualité, c’est gratuit : l’art et la manière d’obtenir la qualité,
Économica, 1986.
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s’adapter à la demande, cela n’est plus vrai aujourd’hui dans
un contexte où la tendance s’est inversée, à savoir une offre
devenue supérieure à la demande. Avoir le produit qui correspond le mieux aux attentes des clients n’est plus suffisant
à une organisation pour être la meilleure sur son marché. En
effet, si le client sanctionne la valeur du produit ou du service, il sanctionne également la valeur perçue. Manager par
la valeur perçue, c’est introduire le client dans l’entreprise,
mais c’est aussi étendre le concept de valeur ajoutée aux
actionnaires, au personnel, aux partenaires, etc. Ainsi tout
comme il a fallu apprendre à vendre des produits, il faut
aujourd’hui apprendre à « vendre » une entreprise, et ceci,
pour attirer en permanence les meilleures recrues, les meilleurs investisseurs, les meilleurs partenaires et toujours les
satisfaire pour ne pas les perdre, et tout cela, dans le seul but
de rester le meilleur sur son marché.
L’environnement dans lequel évoluent les entreprises
modernes a été « retrouvé » avec la redécouverte de la notion
de complexité si longtemps confondue avec la notion de complication, qui elle, pouvait être approchée par une vision
fordo-taylorienne. Dans un environnement complexe et de
plus, en période de crise, fortement turbulent, d’autres variables, en sus de la satisfaction du client, sont donc à prendre
en compte dans la performance de l’entreprise moderne.
Aujourd’hui, se focaliser uniquement sur la satisfaction des
besoins exprimés des clients est une erreur car l’objectif
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Chapitre 1
recherché, en particulier dans les services, est nécessairement
la satisfaction des besoins et des attentes de toutes les parties
prenantes.
À RETENIR
• La qualité nécessite d’abord la conformité des produits et/ou
des services à des standards…
• mais aussi un système de management des processus pour
garantir l’obtention de ces résultats conformes au travers
notamment d’un système de processus…
• et enfin un management de l’entreprise pour définir la vision,
les missions et les valeurs, rédiger la stratégie et choisir les
partenaires.
Les acteurs du management d’une entreprise
Cette complexité « retrouvée », induite par la recherche de
satisfactions, parfois contradictoires, de plusieurs acteurs, a
une forte incidence sur les éléments structurants de l’entreprise. Ces éléments rendent d’une certaine façon l’entreprise
plus ou moins attractive par rapport à d’autres sur son marché. Ces éléments peuvent être très nombreux, aussi allonsnous les regrouper (les « modéliser »), par acteurs, au service
des clients, avec pour objectif d’être à leur écoute pour leur
proposer des produits et services qui correspondent à leurs
besoins et attentes pour toujours plus les satisfaire et si possible les « enchanter ».
Management de la qualité et de la performance
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Les parties prenantes
Les acteurs du management de l’entreprise sont les suivants.
• Les leaders : ce « top management » a la lourde responsabilité
de donner une identité à l’organisation et d’y créer des relations de confiance, de définir la vision, la mission et les valeurs.
• Les managers : ils définissent et mettent en œuvre la stratégie. Celle-ci permet de donner les grandes directives et les
axes de travail communs à toute l’organisation.
• Le personnel : les femmes et les hommes sont les principaux
acteurs de l’entreprise. Ils font la différence. Le DRH a la
lourde charge de recruter et garder les meilleurs profils pour
réaliser les meilleurs produits et services.
• Les partenaires : l’entreprise se doit d’obtenir leur confiance
pour s’appuyer sur leur expertise et leur performance reconnue.
➜ Ces acteurs réalisent les produits et/ou services au moyen
des processus.
➜ Ils obtiennent ainsi des résultats conformes aux besoins.
Une entreprise doit chercher à obtenir un équilibre entre tous
les acteurs. La réussite de cet équilibre permet la mise sous
tension, pour le service des clients, des leaders, des managers,
des femmes et hommes qui travaillent dans l’entreprise en
parfaite harmonie avec tous les partenaires.
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Chapitre 1
À RETENIR
• Les principaux acteurs (parties prenantes) permettant
la qualité des produits et/ou des services sont : le top management, les managers, le personnel et les partenaires.
• Ils agissent tous et sans exception au travers d’un système
de processus.
• Ils sont tous partie prenante des résultats.
Management de la qualité et de la performance
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