Les défibrillateurs cardiaques implantables, ANAES

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LES DÉFIBRILLATEURS CARDIAQUES IMPLANTABLES
Juillet 1998
Cette étude a été réalisée, à la demande de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés
(CNAMTS), en juillet 1997, les conclusions ci-jointes
sont issues d’un argumentaire scientifique par ailleurs publié par l’ANAES.
L ’A N A E S
ASSUME LES POSITIONS ET LES RECOMMANDATIONS EXPRIMÉES DANS CE
D O C U M E N T , Q U I N ’E N G A G E N T A U C U N D E S E X P E R T S C O N S U L T É S , À T I T R E I N D I V I D U E L
Les défibrillateurs cardiaques implantables
L e rapport a été réalisé par Monsieur le Docteur Jean-Michel NGUYEN, sous la Direction
du Docteur Frédéric FLEURETTE, Responsable du Service Évaluation Technologique de
l’ANDEM.
L’évaluation économique a été réalisée par Mademoiselle Fabienne THORAL, sous la
Direction de Madame Suzanne CHARVET-PROTAT, Responsable du Service des Études
Économiques.
La recherche documentaire a été effectuée par Madame Hélène CORDIER, Responsable du
Service Documentation de l’ANAES, avec l’aide de Madame Laurence FRIGÈRE.
LE GROUPE DE TRAVAIL COMPRENAIT LES PERSONNALITÉS SUIVANTES QUE NOUS TENONS À REMERCIER :
• Monsieur le Professeur Étienne ALIOT, Hôpital Central, Nancy ;
• Monsieur le Professeur Jacques CLÉMENTY, Hôpitaux de Haut-l’Évêque, Pessac ;
• Monsieur le Professeur Philippe COUMEL, Hôpital Lariboisière, Paris ;
• Monsieur le Professeur Salem KACET, Hôpital Cardiologique, Lille ;
• Monsieur le Professeur Samuel LEVY, CHU - Hôpital Nord-Saint-Antoine, Marseille ;
• Monsieur le Docteur André PISAPIA, Fondation Hôpital Saint-Joseph, Marseille ;
• Monsieur le Professeur Paul TOUBOUL, Hôpital P. Wertheimer – Louis-Pradel, Lyon.
N OUS TENONS ÉGALEMENT À REMERCIER LES MEMBRES DU CONSEIL SCIENTIFIQUE DE L’ANDEM
RELIRE ET CRITIQUER CE DOCUMENT, EN PARTICULIER
PROFESSEUR DANIEL LAURENT.
MADAME
LE
QUI ONT BIEN VOULU
ET MONSIEUR LE
PROFESSEUR MICHÈLE FARDEAU
ANAES/Étude d’évaluation technologique/Juillet 1998
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Les défibrillateurs cardiaques implantables
I N T R O D U C T I O N
La fibrillation ventriculaire représente le principal mécanisme physiopathologique de la mort
subite d’origine rythmique. Elle correspond à l’aboutissement d’une série d’événements où
de multiples facteurs interviennent. Prévenir efficacement la survenue d’une fibrillation
ventriculaire correspond à maîtriser tous les facteurs ou à bloquer au moins l’une des étapes
clés de ce processus. Le défibrillateur automatique implantable ne cherche pas à prévenir la
survenue d’une tachyarythmie ventriculaire, mais à l’arrêter dès lors qu’elle devient
menaçante. Le premier prototype a été développé dès 1975 et le premier appareil a été
implanté chez l’homme en 1980. Plusieurs générations de défibrillateurs automatiques
implantables se sont déjà succédées et cette technologie connaît un fort potentiel de
développement.
S Y N T H È S E
L’évaluation présentée dans ce rapport a porté sur l’analyse des risques et de l’efficacité
clinique et économique des défibrillateurs cardiaques implantables.
L es risques liés à l’utilisation des défibrillateurs automatiques implantables posés par voie
veineuse sont de trois ordres : ceux liés à l’acte chirurgical, ceux liés à la fiabilité du matériel,
et la mortalité périopératoire.
En ce qui concerne les risques liés à l’acte chirurgical, l’analyse de la littérature a montré
:
•
Un taux d’échec de la pose d’un défibrillateur automatique implantable par voie
transveineuse variant de 2 % à 10 % si l’on exclut la période d’apprentissage des
opérateurs. Une partie de ces échecs peut être évitée par l’utilisation de matériels plus
adaptés et plus performants.
•
La
fréquence
des
déplacements
secondaires
des
sondes
varie
entre
1 % et 10 %. La principale conséquence est l’augmentation du seuil de défibrillation. Les
ANAES/Étude d’évaluation technologique/Juillet 1998
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Les défibrillateurs cardiaques implantables
causes dépendent de nombreux facteurs liés à la technique de la pose, au matériel utilisé
et à l’opérateur.
•
La fréquence des problèmes hémorragiques nécessitant une réintervention varie
entre 0,4 % et 7 %. Dans la plupart des cas, les hémorragies ont été favorisées par une
anticoagulation préventive.
•
La fréquence des infections varie entre 0,26 % et 2,7% . Ce risque dépend aussi de
nombreux facteurs dont les conditions et les techniques de la pose, la vulnérabilité du
patient, le nombre et la virulence des germes. Dans la majorité des cas, une explantation
du matériel sera nécessaire.
•
La fréquence des perforations myocardiques est inférieure à 0,6 % si l’on exclut
l’utilisation de certaines sondes. Le risque de tamponnade est réel, une thoracotomie en
urgence peut s’avérer nécessaire. La fréquence des perforations du poumon est inférieure à
2,3 %. Ces risques dépendent de nombreux facteurs, propres au patient, au matériel utilisé et
à l’opérateur.
•
La fréquence de la rotation du boîtier est inférieure à 0,7 %. Là aussi, de nombreux
facteurs interviennent, liés au patient et à la technique de la pose.
En ce qui concerne la fiabilité du défibrillateur automatique implantable, seules les
complications d’ordre mécanique ont pu être quantitativement évaluées. Les cassures,
plicatures, dommages sur les gaines d’isolation, déconnexion du boîtier représentent une
fréquence variant entre 0,4 % et 5,1 %. En revanche, les dysfonctionnements et effets
arythmogènes des défibrillateurs automatiques implantables n’ont pas pu être évalués
quantitativement à travers la littérature.
En ce qui concerne la mortalité péri-opératoire des défibrillateurs automatiques implantables
posés par voie veineuse, elle varie entre 0,8 % et 1,8 % selon les études publiées. Cependant,
ces données ne tiennent pas compte de l’évolution technique des nouvelles sondes et ont
inclus la période d’apprentissage des opérateurs.
L ’évaluation de l’efficacité clinique a été réalisée à partir d’études concernant des
patients rescapés d’une mort subite d’une part et, d’autre part, de travaux concernant des
patients à haut risque de tachyarythmie ventriculaire.
En ce qui concerne les patients rescapés d’une mort subite, deux études randomisées ont un
niveau de preuve suffisant. Dans la première étude (Wever, 1995), la population cible était
exclusivement constituée d’arrêts cardiaques récupérés. Dans la seconde étude (Mac Carthy,
1997), les critères d’inclusion étaient étendus aux tachyarythmies ventriculaires syncopales
ANAES/Étude d’évaluation technologique/Juillet 1998
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Les défibrillateurs cardiaques implantables
ou présyncopales. Les conclusions de ces deux études sont favorables au défibrillateur
automatique implantable. Cependant, la première étude peut être critiquée quant à la validité
externe de ses résultats. La seconde étude apparaît, au vu de son protocole, comme étant la
plus informative. Les taux de survie à 12, 24 et 36 mois étaient respectivement de 89,3 %, 81
% et 75 % pour la stratégie défibrillateur automatique implantable et de 82 %, 75 % et 64 %
pour la stratégie pharmacologique incluant amiodarone et sotalol.
En
ce
qui
concerne
les
patients
à
haut
risque
de
tachyarythmie
ventriculaire maligne, une seule étude mérite d’être retenue (Moss, 1996). Dans cette étude,
la population cible était constituée de tachycardies ventriculaires non soutenues et de
tachyarythmies ventriculaires inductibles et réfractaires aux médicaments de la classe IA. Les
conclusions de cette étude sont favorables aux défibrillateurs automatiques implantables.
Cependant, des critiques peuvent être émises sur cette étude quant aux critères d’inclusion et
au déroulement du recrutement des patients.
Un cas particulier est celui des morts subites sur myocarde sain. Il s’agit de cas très rares et
aucune étude comparative n’a été publiée sur ce sujet.
Malgré les difficultés méthodologiques auxquelles se heurtent ces études (absence de
stratégie pharmacologique stable, problèmes éthiques liés à la randomisation et évolution
rapide des techniques), il est indiscutable que les défibrillateurs automatiques implantables
augmentent la probabilité de survie globale de certains patients ayant eu un arrêt
cardiaque récupéré par rapport aux stratégies pharmacologiques actuelles. Il serait cependant
souhaitable que les études puissent exprimer le gain potentiel de temps de survie lorsque le
défibrillateur
automatique
implantable
est
utilisé
par
rapport
à
une
stratégie
pharmacologique.
En ce qui concerne les autres indications, il sera nécessaire, d’une part de sélectionner les
patients à haut risque de tachyarythmie ventriculaire maligne et d’autre part de déterminer la
meilleure période d’implantation du défibrillateur automatique implantable. En d’autres
termes, il s’agira d’évaluer la probabilité de survenue d’une tachyarythmie fatale pour chaque
patient par rapport à l’histoire naturelle de sa maladie et de définir les facteurs
prédictifs de cet événement afin de sélectionner la population candidate à
l’implantation d’un défibrillateur automatique implantable.
Au-delà de l’efficacité clinique constatée à travers la littérature, les défibrillateurs
automatiques
implantables
constituent
un
enjeu
essentiel
dans
la
connaissance
physiopathologique des arythmies ventriculaires grâce à leur capacité de stocker
ANAES/Étude d’évaluation technologique/Juillet 1998
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Les défibrillateurs cardiaques implantables
l’information précédant la survenue de l’arythmie. De l’enregistrement de ces informations
dépendra la mise au point des futurs algorithmes, plus performants et mieux adaptés aux
multiples situations électrophysiopathologiques.
En ce qui concerne l’évaluation économique, on constate que les études disponibles sont
principalement des modélisations. Ces modèles se fondent sur des résultats cliniques issus de
séries de patients. Deux études prospectives ont également été identifiées (Wever, 1996 ;
Mushlin, 1998).
Ainsi,
les
cinq
études
rétrospectives
identifiées
(Kuppermann,
1990
;
Larsen, 1992 ; O’Brien, 1992 ; Kupersmith, 1995 ; Owens, 1997) et l’étude prospective de
Mushlin (Mushlin, 1998) ont observé un coût supérieur pour la stratégie défibrillateur
automatique implantable par rapport à la stratégie antiarythmique. L’étude prospective de
Wever (Wever, 1996) a montré que le coût de la stratégie défibrillateur était moins élevé que
le coût de l’alternative médicamenteuse. Cette étude était fondée sur un petit nombre de
patients qui ne sont sans doute pas représentatifs de l’ensemble de la population répondant
aux critères de sélection.
En ce qui concerne le ratio coût-efficacité marginal de la stratégie défibrillateur, les
auteurs le qualifient de favorable, quelle que soit l’étude. On remarquera cependant que,
plus l’étude est récente, plus les ratios calculés ont tendance à s’élever, ceci malgré
certaines évolutions (mode d’implantation par voie veineuse, augmentation de la durée
de fonctionnement du défibrillateur automatique implantable) susceptibles d’orienter à la
baisse le coût de la stratégie.
Au total, les études économiques retenues concluent au fait que le ratio coût-efficacité
de la stratégie défibrillateur automatique implantable peut être considéré, malgré le
surcoût engendré, comme favorable, ceci principalement pour des patients ayant survécu
à un arrêt cardiaque mais aussi pour des patients sujets à des tachyarythmies
ventriculaires.
Au terme de cette analyse, le défibrillateur automatique implantable apparaît comme pouvant
s’incrire dans les moyens de prévention de la mort subite d’origine rythmique.
RÉFÉRENCES
Kupersmith J, Hogan A, Guerrero P, Gardiner J, Mellits ED, Baumgardner R, et al.
Evaluating and improving the cost-effectiveness of the implantable cardioverter-defibrillator.
Am Heart J 1995; 130: 507-15.
ANAES/Étude d’évaluation technologique/Juillet 1998
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Les défibrillateurs cardiaques implantables
Kuppermann M, Luce BR, McGovern B, Podrid PJ, Bigger JT, Ruskin JN.
An analysis of the cost effectiveness of the implantable defibrillator. Circulation 1990; 81:
91-100.
Larsen GC, Manolis AS, Sonnenberg FA, Beshansky JR, Estes NAM, Pauker SG.
Cost-effectiveness of the implantable cardioverter-defibrillator : effect of improved battery
life and comparison with amiodarone therapy. J Am Coll Cardiol 1992; 19: 1323-34.
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Owens DK, Sanders GD, Harris RA, McDonald KM, Heidenreich PA, Dembitzer AD,
Hlatky MA.
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Wever EFD, Hauer RNW, Van Capelle FJL, Tijssen JGP, Crijns HJGM, Algra A, et
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Randomized study of implantable defibrillator as first-choice therapy versus conventional
strategy
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postinfarct
sudden
death
survivors.
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Wever EFD, Hauer RNW, Schrijvers G, Van Capelle FJL, Tijssen JGP, Crijns
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Cost-effectiveness of implantable defibrillator as first-choice therapy versus
electrophysiologically guided, tiered strategy in postinfarct sudden death survivors. A
randomized study. Circulation 1996; 93: 489-96.
NOTE (juillet 1998) : le rapport a été préparé à partir d’une analyse de la littérature
terminée en février 1997. Il n’a pas pris en compte deux publications
du New England Journal of Medicine de novembre 1997.
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