curriculum Hypocalcémie après opération sur la thyroïde Management de l’hypoparathyroïdie postopératoire Fabian Meienberga, Judith Siegenthalerb, Marius Kränzlina, c Endokrinologie, Diabetologie und Metabolismus, Universitätsspital, Basel Medizinische Fakultät, Universität, Basel c Endokrinologische Praxis, Basel a b Quintessence P L’hypocalcémie est définie par la présence d’un calcium ionisé ou corrigé en fonction de l’albumine abaissé dans le sérum. Elle peut se présenter par les symptômes et signes cliniques suivants: paresthésies, crampes musculaires, main d’accoucheur, convulsions, obnubilation, dépression ou insuffisance cardiaque. P Les étiologies les plus importantes de l’hypocalcémie chez l’adulte sont l’hypoparathyroïdie postopératoire, un manque de vitamine D et de magnésium ou l’insuffisance rénale. P Les examens de laboratoire pour le diagnostic différentiel de l’hypocalcémie comprennent le dosage de la parathormone (PTH), de la créatinine, du magnésium et de la 25(OH)-vitamine D3. P Si ses symptômes sont graves, il faut sans délai injecter du calcium intraveineux. Sinon, le traitement est celui de la cause de l’hypocalcémie. En cas d’hypoparathyroïdie, le traitement consistera en une supplémentation de calcium et de calcitriol par voie orale. P Dans le traitement chronique de l’hypoparathyroïdie, il est important de prévenir la manifestation d’une hypercalcémie ou d’une hypercalciurie. La calcémie doit être maintenue autour de sa norme inférieure et la calciurie <300 mg (7,5 mmol)/24 heures. P Dans l’hypocalcémie réfractaire, il faut donner du magnésium en quantité du fait qu’une hypomagnésiémie latente peut provoquer une hyperparathyroïdie fonctionnelle. Fabian Meienberger Les auteurs n’ont déclaré obligation financière ni personnelle en rapport avec l’article soumis. Une patiente de 74 ans se présente en urgence avec des crampes des avant-bras et des paresthésies des mains et des pieds. Le laboratoire montre un calcium nettement abaissé à 1,50 mmol/l (normes 2,10–2,65) et des phosphates légèrement augmentés à 1,62 mmol/l (normes 0,80–1,50). L’albumine est à 38 g/l (normes 35–52), le calcium corrigé en fonction de l’albumine est à 1,55 mmol/l. Sodium et potassium sont dans les normes. L’hypocalcémie est définie par un calcium ionisé (ou libre) abaissé dans le sérum. Le laboratoire dose normalement la concentration de tout le calcium présent dans le sérum. Mais 45% env. seulement sont sous forme ionisée, biologiquement active, le reste étant en plus grande partie lié à l’albumine. Pour mieux pouvoir apprécier la concentration du calcium ionisé, il faut corriger le calcium total dosé en fonction de la concentration d’albumine selon la formule suivante: calcium corrigé = Ca total + 0,02 x (40 – albumine). La règle approximative est que la concentration de calcium total varie de 0,2 mmol/l si celle d’albumine dépasse de 10 g/l les 40 g/l normaux. Dans l’hypoalbuminémie, il y a donc souvent un calcium total abaissé sans qu’il s’agisse d’une réelle hypocalcémie. Il est possible de doser directement le calcium ionisé. Par ex. avec un appareil d’analyse des gaz sanguins. Ce qui exige alors un tube spécial pour la prise de sang et un dosage rapide au laboratoire (max. 1 à 2 heures). Normalement, le simple calcul du calcium corrigé en fonction de l’albumine est suffisant. Dans le doute, il faut cependant demander un dosage direct du calcium ionisé. Les patients en hypocalcémie peuvent être totalement asymptomatiques ou présenter plusieurs symptômes (tab. 1 p) en fonction de son importance et de la rapidité de son installation. Une hypocalcémie modérée mais aiguë peut ainsi déclencher des symptômes marqués et une hypocalcémie chronique marquée rester asymptomatique. Les symptômes classiques de l’hypocalcémie aiguë sont des paresthésies (périphériques et périorales) et la tétanie. La tétanie est l’expression d’une hyperexcitabilité neuromusculaire périphérique, son spectre clinique est très large et va des crampes musculaires à des présentations dramatiques (mains d’accoucheur, convulsions, laryngospasme). Chez les patients asymptomatiques, une tétanie latente peut être révélée par provocation (signes de Chvostek et Trousseau positifs). L’hypocalcémie peut également déclencher des symptômes cardiaques ou neuropsychiatriques. En raison de l’importance du calcium dans le couplage électromécanique, elle peut provoquer une dysfonction myocardique pouvant aller jusqu’à une grave insuffisance cardiaque. L’intervalle QT est caractéristiquement allongé mais les graves arythmies sont rares. Les symptômes neuropsychiatriques peuvent être instabilité émotionnelle, anxiété ou humeur dépressive; crises épileptiques, confusion, troubles psychotiques aigus sont rares, de même que pseudotumeur cérébrale en cas de grave hypocalcémie. Si en plus de l’hypocalcémie il y a d’autres troubles électrolytiques (par ex. hypokaliémie, hypomagnésiémie, alcalose) la symptomatologie peut être potentialisée en synergie. En cas d’alcalose par ex., il y a une baisse du calcium ionisé suite à sa liaison plus marquée à l’albumine. Ce qui explique l’apparition de paresthésies dans l’hyperventilation ou après vomissements excessifs. Quatre semaines avant la consultation actuelle, une thyroïdectomie totale a été effectuée chez cette patiente en raison d’un goitre multinodulaire plongeant derrière le sternum. Sa TSH actuelle sous substitution de L-thyroxine est dans les normes. Une semaine déjà Forum Med Suisse 2011;11(37):627–631 627 curriculum Tableau 1. Clinique de l’hypocalcémie. Paresthésies périorales et périphériques Hyperexcitabilité neuromusculaire Crampes Spasmes carpopédaux Tétanie Myasthénie Crampes abdominales Laryngospasme ou bronchospasme Troubles fonctionnels SNC Etat confusionnel Dépression Crises épileptiques Coma Œdème papillaire/pseudotumeur cérébrale Calcification des ganglions de la base (dans l’hypocalcémie chronique) Manifestations cardiaques Insuffisance cardiaque Allongement de l’intervalle QT Arythmies Fatigue générale Cataracte (dans l’hypocalcémie chronique) après l’opération, elle présente des fourmillements dans ses mains et pieds, de même que des crampes des mollets. Sa symptomatologie augmente en fréquence et intensité. En préopératoire, le calcium et les phosphates ont toujours été dans les normes. Une hypocalcémie peut avoir plusieurs étiologies (tab. 2 p). Elle résulte la plupart du temps d’un manque de PTH ou de vitamine D, ou alors d’un trouble fonctionnel ou métabolique de ces régulateurs. Dans certaines situations, elle est secondaire à une séquestration tissulaire de calcium, par ex. dans la rhabdomyolyse, la pancréatite ou les métastases ostéoblastiques. Du fait que le calcium et la PTH sont en interaction, il s’est avéré utile à titre didactique et dans la démarche diagnostique de distinguer l’hypocalcémie en formes avec PTH basse et celles avec PTH élevée. Dans une hypocalcémie avec PTH basse, la calcémie est abaissée suite à une sécrétion insuffisante de PTH (hypoparathyroïdie). Ce qui veut dire que la sécrétion de PTH ne suffit pas pour maintenir une calcémie normale sous l’effet de la PTH sur le rein, l’os et l’intestin (fig. 1 x). Dans l’hypocalcémie avec PTH haute, l’explication de la baisse du calcium est différente et la PTH est augmentée dans une contre-régulation réactive. Avec une hypocalcémie avec PTH haute chez un patient non gravement malade, il faut d’abord penser à une carence en vitamine D ou à une insuffisance rénale. L’hypocalcémie secondaire à une hypoparathyroïdie est la plupart du temps de nature postopératoire. Elle résulte d’une ablation ou lésion non intentionnelle des parathyroïdes ou de leurs artères lors d’interventions sur la thyroïde ou les parathyroïdes, ou lors d’une dissection cervicale radicale. Le diagnostic peut être confirmé par dosage d’une PTH basse et d’une hypocalcémie. Du fait qu’avec des parathyroïdes fonctionnellement intactes la PTH devrait être augmentée dans l’hy- pocalcémie dans le sens d’une contre-régulation, une PTH autour de sa norme inférieure avec une hypocalcémie est également l’expression d’une hypoparathyroïdie. Et comme avec une sécrétion insuffisante de PTH l’élimination rénale de phosphates est diminuée, il y a souvent en plus de l’hypocalcémie une hyperphosphatémie. Le risque d’hypoparathyroïdie postopératoire est fonction de l’habileté du chirurgien d’une part, mais aussi de la pathologie thyroïdienne à traiter et de la radicalité de l’opération. Après les interventions pour carcinomes thyroïdiens par ex., il y a jusqu’à 20% des cas qui auront une hypoparathyroïdie transitoire; ce risque est également accru pour le goitre rétrosternal ou la mal. de Basedow. Dans la plupart des cas, la fonction parathyroïdienne se rétablit entièrement avec le temps, qui peut aller de quelques jours à plusieurs mois. Rarement, elle ne se normalise pas et il en résulte une hypoparathyroïdie persistante. Mais même dans ces cas, il y a encore une sécrétion résiduelle de PTH. Le risque d’hypoparathyroïdie persistante après opérations sur la thyroïde est de 0,5 à 4%. La carence en magnésium peut être à l’origine d’une hypoparathyroïdie fonctionnelle. La sécrétion de PTH et l’activation de son récepteur dans les organes cibles sont perturbées. Après substitution de magnésium, ces deux anomalies se normalisent et l’hypocalcémie est elle aussi finalement corrigée. Certains patients hypocalcémiques répondent au magnésium malgré qu’ils n’aient pas d’hypomagnésiémie. C’est ici qu’un manque de magnésium intracellulaire est postulé. Il vaut la peine de mentionner qu’une hypermagnésiémie peut aussi provoquer une hypocalcémie si la PTH est trop basse. Dans l’hypermagnésiémie, le calciumsensing receptor parathyroïdien est activé et la sécrétion de PTH est donc supprimée. Les autres formes d’hypoparathyroïdie sont extrêmement rares. En plus des formes génétiques ou congénitales, il y a de rares étiologies acquises, par ex. destruction des parathyroïdes par réactions auto-immunes, irradiation ou hémochromatose. Dans le cas présent, le diagnostic d’hypoparathyroïdie postopératoire semble évident en fonction de la relation dans le temps avec la thyroïdectomie. En règle générale, les symptômes d’hypocalcémie se manifestent au cours des premiers jours suivant l’opération et pas comme ici après une semaine seulement. Dans ce cas, nous avons renoncé à doser la PTH. Il est important de réaliser que ce dosage n’est utile au diagnostic différentiel que s’il y a aussi une hypocalcémie. Si la calcémie est normale sous supplémentation (v. plus loin) une PTH basse peut être parfaitement adéquate et pas forcément l’expression d’une hypoparathyroïdie. Cette patiente a été traitée en ambulatoire par 0,25 µg Rocaltrol® 2 x/jour et 500 mg/400 UI de Calcimagon® D3 2 x/jour. Malgré une dose de calcium relativement faible, sa symptomatologie a rapidement régressé. Le traitement a été complété par la suite par 1000 mg Calcium Sandoz® ff 2 x/jour. Le calcium corrigé en fonction de l’albumine est remonté dans les normes à 2,24– 2,44 mmol/l. 4 mois après l’opération, nous avons tenté de stopper le Rocaltrol®; les paresthésies et crampes Forum Med Suisse 2011;11(37):627–631 628 curriculum Tableau 2. Etiologies de l’hypocalcémie. Production inadéquate de parathormone (hypoparathyroïdie) Mutations du gène de la parathormone (autosomale récessive, autosomale dominante) Hypoparathyroïdie liée au chromosome X Agénésie des parathyroïdes Syndromes rares (par ex. de Di George) Postopératoire Après radiothérapie de la région cervicale Auto-immune Isolée ou polyglandulaire Anticorps contre le calcium-sensing receptor Secondaire dans des processus infiltratifs Hémochromatose Mal. de Wilson Carence ou excès de magnésium Carence en vitamine D ou inactivation inadéquate de la vitamine D Exposition solaire insuffisante Nutritionnelle (par ex. dans la malabsorption) Hépatopathies Insuffisance rénale chronique Traitement antiépileptique Résistance à la parathormone Pseudohypoparathyroïdie Carence en magnésium Résistance à la vitamine D Pseudocarence en vitamine D, rachitisme (VDDR type 1) Rachitisme résistant à la vitamine D (VDDR type 2) Autres étiologies Pancréatite aiguë Rhabdomyolyse, lyse tumorale Hyperphosphatémie (par ex. dans l’insuffisance rénale) Traitement intraveineux de bisphosphonate «Hungry bone syndrome» après parathyroïdectomie Métastases osseuses ostéoblastiques Intoxication au citrate après transfusion sanguine massive musculaires sont réapparues et ce traitement a été repris. Le laboratoire a montré une hypomagnésiémie à 0,50 mmol/l (normes 0,70–1,00). La patiente a alors reçu en plus du Magnesium-Diasporal® 300 2 x/jour. En présence d’une hypocalcémie aiguë, la première question qui se pose est si une supplémentation de calcium intraveineux est indiquée. Si les symptômes sont marqués (par ex. convulsion, laryngospasme, insuffisance cardiaque, obnubilation) il faut toujours le faire. Certains auteurs recommandent en outre une supplémentation intraveineuse avec une hypocalcémie <1,75 mmol/l, quel que soit le tableau clinique. Ce traitement intraveineux impose un monitoring ECG. Après un bolus initial d’une solution de gluconate de calcium 10% de 10 à 20 ml sur 10 à 20 minutes (équivalent à 90 à 180 mg de calcium élémentaire), le calcium doit être administré en perfusion continue (par ex. 15 mg [0,37 mmol] de Ca2+/kg PC dans 500 ml de solution saline physiologique pendant 5 à 10 heures [10 ml de solution de gluconate de calcium 10% = 90 mg de Ca2+ = 2,25 mmol de Ca2+]). Il faut en outre commencer en parallèle une supplémentation orale. Par la suite, le traitement de l’hypocalcémie sera celui de son étiologie. Ce qui suit se rapporte exclusivement au management de l’hypoparathyroïdie. Il s’agit d’une part de contrôler les symptômes de l’hypercalcémie et de l’autre d’en prévenir les complications (v. plus loin). Avec une symptomatologie discrète et une hypocalcémie légère, les patients peuvent généralement être traités par une supplémentation orale. Pour le traitement de l’hypocalcémie secondaire à une hyperparathyroïdie, il faut donner un métabolite actif (ou un analogue) de la vitamine D en plus du calcium. Ces substances en augmentent la résorption intestinale de 2 à 4 fois et permettent ainsi de réduire nettement la quantité nécessaire par voie orale. En règle générale, nous commençons par 500–1000 mg de calcium élémentaire 2–3 x/jour sous forme de carbonate ou de citrate. Le carbonate de calcium a besoin d’un milieu gastrique acide pour être bien résorbé et doit donc se prendre avec les repas. En cas d’achlorhydrie ou de traitement par un inhibiteur de la pompe à protons, c’est si possible le citrate de calcium qui est recommandé. En Suisse, le métabolite de la vitamine D admis est le calcitriol (1,25-dihydroxyvitamine D {1,25[OH]2D}, Rocaltrol®); son analogue est le dihydrotachystérol (A.T. 10® gouttes). Le calcitriol est le métabolite le plus actif de la vitamine D. Son effet se manifeste après quelques heures déjà, sa demi-vie biologique est de 6 à 8 heures. Sa dose Forum Med Suisse 2011;11(37):627–631 629 curriculum Figure 1 Régulation du calcium et des phosphates par la parathormone. Les variations de concentration du calcium ionisé (Ca2+) sont détectées par les calcium-sensing receptors (CaSR) exprimés sur les cellules parathyroïdiennes. Si le Ca2+ baisse plus de PTH est sécrétée. A l’inverse, la sécrétion de PTH est freinée si le Ca2+ monte. L’effet de la PTH peut se subdiviser en 3 parties: (1) la PTH stimule la résorption osseuse, ce qui libère du calcium et des phosphates dans le sérum. (2) La PTH stimule la réabsorption tubulaire rénale de calcium et l’excrétion de phosphates. (3) La PTH augmente la conversion de la vitamine D en son métabolite actif, la 1,25-dihydroxyvitamine D (1,25[OH]2D). Cette dernière stimule à son tour la résorption de calcium et de phosphates dans l’intestin. Ces trois effets assurent la normalisation du calcium et des phosphates dans le sérum. Si la PTH est en quantité insuffisante ou si son effet est réduit, la contre-régulation en cas de baisse du Ca2+ ne sera qu’insuffisante. Il en résulte alors une hypocalcémie, une hyperphosphatémie et une hypercalciurie. (De: Shoback D. Hypoparathyroidism. NEJM. 2008;359:391–403. Reproduction avec aimable autorisation; © Massachusetts Medical Society.) initiale est de 0,25 à 0,5 µg 2 x/jour. Le dihydrotachystérol est fonctionnellement équivalent à la 1-hydroxyvitamine D, c.-à-d. que la substance biologiquement active n’est donnée qu’après sa 25-hydroxylation hépatique. Sa dose initiale est de 0,2 mg (5 gouttes) 1 x/jour. Sa demi-vie biologique est nettement plus longue que celle du calcitriol et son effet après arrêt du traitement est donc prolongé proportionnellement (7– 21 jours contre 2–3 pour le calcitriol). Après surdosage, le dihydrotachystérol peut par conséquent provoquer une hypercalcémie prolongée et difficilement contrôlable. C’est pour cette raison que la préférence est la plupart du temps donnée au calcitriol. Théoriquement, le traitement peut aussi se faire avec la vitamine D3 «normale» (cholécalciférol). Mais il en faut généralement 25 000–100 000 UI par jour (à titre comparatif: dose journalière recommandée dans l’ostéoporose 800–1000 UI). Avec son entrée en action lente et son contrôle difficile, ce type de traitement n’est cependant pas recommandé. Pour l’adaptation de la dose de supplémentation, il faut faire initialement une prise de sang toutes les 1 ou 2 semaines, plus tard chaque mois pour le contrôle du calcium, des phosphates et de la créatinine. Du fait que la carence en magnésium provoque une hypoparathyroïdie fonctionnelle, il faut la rechercher et la traiter le cas échéant. Comme il peut également y avoir un manque de magnésium intracellulaire sans hypomagnésiémie, les patients ayant tendance à manquer de magnésium (par ex. malabsorption, alcoolisme, traitement de cisplatine) ou une hypocalcémie réfractaire au traitement doivent recevoir en plus du magnésium (intraveineux en situation aiguë, autrement oral). Dans le cas présent, nous sommes frappés par une hypomagnésiémie sans étiologie évidente. Une petite étude et nos expériences font penser qu’une hypoparathyroïdie pourrait favoriser une hypomagnésiémie; le mécanisme en cause n’est pas connu. Comme cela a déjà été mentionné, le traitement de l’hypoparathyroïdie vise d’une part à en contrôler les symptômes et de l’autre à en prévenir les complications. Les recommandations que nous donnons ici sont des avis d’experts. Il n’y a aucune étude clinique ayant examiné si les complications peuvent véritablement être prévenues par un traitement strict. L’hypoparathyroïdie non traitée avec hypocalcémie chronique peut provoquer des lésions d’organes par calcifications paradoxales. Dont une cataracte prématurée et des calcifications des ganglions de la base avec symptômes extrapyramidaux. Ces complications sont réversibles, en partie tout au moins, sous traitement adéquat. Si l’hypoparathyroïdie est traitée il se peut qu’une supplémentation excessive donne une hypercalcémie ou une hypercalciurie. Comme même avec des évolutions supposées stables il est possible qu’il y ait une toxicité de la vitamine D avec hypercalcémie, les patients traités doivent faire un contrôle de laboratoire 2 fois par an au moins. Une hypercalciurie sous supplémentation se produit de la manière suivante: l’hypocalcémie dans l’hypoparathyroïdie est corrigée sous supplémentation par une résorption accrue de calcium par l’intestin. L’effet stimulant de la PTH sur la réabsorption tubulaire de calcium dans le rein reste nul. Ce qui fait que déjà avec des calcémies normales, il y a une hypercalciurie qui peut être à l’origine d’une néphrolithiase, d’une néphrocalcinose et finalement d’une insuffisance rénale. Pour prévenir ces complications, il faut viser une excrétion de calcium dans les urines de 24 heures <300 mg (7,5 mmol). En règle générale, il est nécessaire d’avoir une calcémie corrigée en fonction de l’albumine proche de sa norme inférieure (2,0–2,1 mmol/l). Si l’excrétion de calcium dans les urines de 24 heures est supérieure à la valeur cible il faut d’abord essayer de diminuer la supplémentation. Si ce n’est pas possible il faut penser à ajouter un diurétique thiazidique. Les thiazides augmentent la réabsorption rénale de calcium et son excrétion dans l’urine diminue de 50 à 150 mg par jour. Les diurétiques de l’anse doivent être évités chez les patients ayant une hyperparathyroïdie car ils augmentent l’excrétion urinaire de calcium. Une hyperphosphatémie est extrêmement rare avec une hypoparathyroïdie traitée. En règle générale, elle se norForum Med Suisse 2011;11(37):627–631 630 curriculum malise après correction de l’hypocalcémie. Si elle persiste elle peut être traitée par modification du régime ou un complexant des phosphates. Il est recommandé de viser un produit phospho-calcique <4,44 mmol2/l2. L’hypoparathyroïdie est l’une des rares endocrinopathies pour lesquelles aucune hormonothérapie substitutive n’est officiellement admise. Mais la PTH humaine recombinante est utilisée dans le traitement de l’ostéoporose. Selon quelques très petites études, elle semble être très prometteuse dans le traitement de l’hypoparathyroïdie. Les patients traités par PTH ont montré une calciurie moins marquée que ceux sous traitement standard, à calcémie comparable. Il n’y a encore pas de données à long terme. Dans le traitement de l’hypoparathyroïdie, le principe est: «Autant que nécessaire, aussi peu que possible!» Il Métabolisme de la vitamine D La vitamine D est fournie par l’alimentation et résorbée dans l’intestin grêle. Elle est également synthétisée par la peau sous l’effet des rayons UV, ce qui n’est pas le cas d’autres vitamines. Dans le foie, la vitamine D est métabolisée en 25-hydroxyvitamine D (25[OH]D). La 1a-hydroxylation rénale donne la 1,25-dihydroxyvitamine D (1,25[OH]2D), la forme biologiquement active de la vitamine D. La 1a-hydroxylation est stimulée par la PTH et l’hypophosphatémie. Cette réaction est inhibée par une ascension de la concentration sérique de calcium et par la 1,25[OH]2D dans le sens d’une rétroaction. s’agit de prévenir à la fois l’hypercalcémie et l’hypercalciurie avec leurs complications. Dans l’hypoparathyroïdie postopératoire, il faut bien savoir que la plupart des cas récupéreront entièrement et que cela peut prendre plusieurs mois. Il faut donc tenter sporadiquement à long terme (au moins 18 mois postopératoires) de diminuer progressivement la dose de supplémentation et de l’interrompre dès que la calcémie se maintient dans ses normes. Correspondance: Dr Fabian Meienberg Oberarzt Endokrinologie, Diabetologie und Metabolismus Universitätsspital Basel Petersgraben 4 CH-4031 Basel [email protected] Références recommandées – UpToDate®, Goltzman D. Clinical manifestations of hypocalcemia, etiology of hypocalcemia in adults, diagnostic approach to hypocalcemia, treatment of hypocalcemia. Available from: www.uptodate.com. – Cooper M, Gittoes N. Diagnosis and management of hypocalcaemia. BMJ. 2008;336(7656):1298–302. – Shoback D. Clinical practice. Hypoparathyroidism. N Engl J Med. 2008;359(4):391–403. – Walker Harris V, Jan De Beur S. Postoperative hypoparathyroidism: medical and surgical therapeutic options. Thyroid. 2009;19(9): 967–73. – Khan M, Waguespack S, Hu M. Medical management of postsurgical hypoparathyroidism. Endocr Pract. 2011;17 (Suppl. 1):18–25. CME www.smf-cme.ch 1. Quelle affirmation sur l’hypoparathyroïdie postopératoire est fausse? A L’hypoparathyroïdie postopératoire est la plupart du temps de nature transitoire. B Elle est fréquente après interventions pour carcinomes thyroïdiens. C Ses symptômes cliniques les plus fréquents sont paresthésies périphériques et crampes musculaires. D Une carence en magnésium peut accentuer une hypocalcémie. E Elle se manifeste toujours dans les 3 jours suivant l’opération. 2. Pour la supplémentation de l’hypoparathyroïdie postopératoire, quelle affirmation est fausse? A Elle consiste classiquement en calcium et calcitriol. B Tant qu’il n’y a pas d’hypercalcémie il n’y a aucun risque de néphrolithiase. C Même plusieurs mois après l’opération, il faut essayer sporadiquement de réduire la dose de supplémentation ou l’interrompre. D Le calcitriol augmente la résorption intestinale de calcium. E Sous supplémentation de calcitriol, il faut contrôler la calcémie tous les 6 mois au moins. Forum Med Suisse 2011;11(37):627–631 631