TEP-TDM en Oncologie : Ce que les radiologues doivent savoir M. Benamor*, L. Ollivier*, G. Moulin-Romsee**, H. Brisse*, V. Servois* et S. Neuenschwander* Institut Curie* Paris - France UZ Gasthuisberg KU . Leuven **- Belgique Introduction • Les artefacts, les faux positifs et les faux négatifs sont fréquents en TEPTDM • Ces problèmes d’interprétation de ces images parfois trompeuses peuvent être générés par la technique elle-même • TEP-TDM : La partie TDM intéresse les radiologues • Il est utile de connaître les bases de l’imagerie TEP-TDM • Prescrire un TEP-TDM c’est aussi comprendre les contraintes de la technique • L’imagerie TEP-TDM est expliquée pour une utilisation harmonieuse entre médecine nucléaire et radiodiagnostic… Questions préliminaires • Le système d’archivage PACS montre des séries d’images TEP telles qu’elles ont été enregistrées par la machine • Il est important de savoir différencier les images non corrigées “nac” des images corrigées “ctac” Qu’est-ce qu’une image non corrigée ? • Nac = No attenuation correction • C’est une image d’émission des photons gamma produite par la détection en coïncidence de deux photons émis à 180 degrés l’un de l’autre Les photons les plus profonds sont très atténués : d’où une image de mauvaise qualité de l’intérieur du corps Les photons superficiels sont par contre “favorisés” du fait de leur moindre absorption Il en résulte une image bruitée, peu interprétable • • • Le TDM est utilisé pour corriger l’atténuation • Appliquer aux données brutes de la TEP une carte d’atténuation • C’est le TDM qui fournit cette carte : les unités Hounsfield sont converties en coefficients d’atténuation Image TEP corrigée de l’atténuation • Ctac = CT based attenuation correction • L’image est de meilleure qualité, plus précise et interprétable • Les données brutes nac sont “améliorées” par la correction d’atténuation En coupes frontales, l’opération est la suivante : = + CT nac ctac L’atténuation induit des artefacts Majoration par les mouvements respiratoires • Artefact “banane” majoré sur les images ctac • A : problème posé pour les lésions du dôme hépatique • B : revenir aux images nac pour éviter l’artefact respiratoire • Parfois se servir des deux sets d’images : corrigées ou non car rien n’est parfait ! ctac nac TDM a un double intérêt : • 1. Corriger l’atténuation • 2. Donner des localisations anatomiques précises Que sont les images de fusion ? • Image de fusion = TEP corrigée (ctac) + image TDM au même niveau de coupe • Système hybride • Grands avantages - TEP bonne qualité - TDM localise les lésions - Association d’imagerie morphologique (anatomique) et métabolique (fonctionnelle) Codage couleur des images TEP Gris inverse Echelle SUV “Hot iron”, thermale Codage couleur permet de superposer les séries • Gris sur gris manque de contraste ! • Echelle de couleur permet de différencier chaque modalité, mesurer les lésions et calculer les SUV Qualité du TDM réalisé pour la TEP • • TDM à basse dose « low dose » et grand champ • Sans contraste iodé (oral ou IV) • Les images pulmonaires sont dégradées : - respiration libre (acquisition TEP longue) - bras le long du corps (si impossibilité de positionner les bras au-dessus de la tête) - stase pulmonaire due au décubitus prolongé • Mais ce TDM est “suffisant” pour corriger l’atténuation et fournir des localisations anatomiques Artefact : images pulmonaires dégradées en raison de la stase due au décubitus prolongé Plusieurs protocoles peuvent être utilisés • TEP + TDM de la voûte du crâne jusqu’à mi-cuisse (protocole usuel) • Il est parfois nécessaire de réaliser un TDM de meilleure qualité (qualité diagnostique) Amélioration des paramètres TDM, administration de contraste iodé : TEP + TDM + TDM diagnostique • • • Alors pourquoi ne pas faire d’emblée un TDM diagnostique ? Ce n’est pas si simple… Est-il possible de substituer un TDM diagnostique à un TDM de base ? • Intérêt : gain de temps, gain en irradiation du patient, financièrement plus intéressant • Cependant, toutes les équipes s’interrogent sur : • Est-ce techniquement réalisable ? pour les machines pour le personnel pour le patient • Questions médico-légales : qui est responsable ? du patient de la rédaction du compte-rendu (radiologie/médecine nucléaire) Questions de financement : qu’est-ce qui est payé, remboursé ? etc. • Est-ce techniquement possible de réaliser un TDM diagnostique ? • Basse dose, grand champ TDM : 90 kV et 600 fov • TDM diagnostique : dose adéquate, petit champ, injection produit de contraste Cela est donc réalisable, les résultats sont-ils différents ? Les résultats sont-ils différents ? • L’atténuation peut être modifiée par l’injection de produit de contraste Lorsque des images TDM en phase artérielle sont utilisées pour la correction d’atténuation, une “surcorrection” peut créer des artefacts avec hyperfixation • La dose du TDM ne modifie pas la TEP • Dans ce cas, il est recommandé de visualiser les images NON corrigées (nac) • D’où l’intérêt de suivre les patients en utilisant le mêmes protocoles d’acquisition en TEP et en TDM • La taille du champ d’acquisition peut modifier les SUV Est-ce techniquement réalisable pour le personnel et pour les patients Contraintes liées à l’injection d’iode • • • • • • Allergie, vomissements, choc anaphylactique, etc. Risque pour les patients : les mêmes qu’en TDM standard, mais toute intervention sur le patient est compliquée du fait que ce patient est IRRADIANT Risque pour le personnel : règles de radioprotection à respecter impérativement Un TDM sans injection est toujours moins risqué et permet à coup sûr de réaliser le TEP-TDM prescrit Si un examen ne se passe pas correctement, les suivants seront possiblement en retard avec le risque de décroissance du FDG On injecte seulement si aucun risque n’est prévisible, et de préférence après avoir une TEP-TDM déjà réalisée avec un TDM de base (principe de précaution) Contraintes liées à la radioprotection du FDG • • • • • • Le principal problème est dû au fait que les patients sont très radioactifs pendant les 2 premières heures Des protocoles précis sont nécessaires pour minimiser les risques d’irradiation Notamment, dans le labo chaud, dans la salle d’injection et au contact des patients Rester à distance des patients (loi du carré inverse de la distance) Les patients doivent donc être autonomes, capables de marcher vers l’appareil ou d’aller uriner seuls En pédiatrie, les parents peuvent aider en restant proche de l’enfant Contraintes liées à la radiprotection du FDG • Notion de dose totale maximale admissible • Fixée par des instances réglementaires internationales : International Commission on Radiological Protection (ICRP) : Recommande une moyenne de 20 milliSieverts par an • • • • Cette dose n’est jamais dépassée en Médecine nucléaire Mais elle peut limiter le nombre de TEP réalisée et l’exposition des techniciens par nombre d’examens réalisés et temps dédié à cette activité Du personnel entraîné et expérimenté est nécessaire pour ces activités L’ingestion de produit de contraste par voie orale : peu ou pas d’artefacts • L’administration de produit de contraste oral est optionnelle, les produits dilués ne créent normalement pas d’artefacts • 3 doses de 100 ml sont données avant l’injection de FDG, puis 2 doses après injection • Des examens barytés antérieurs peuvent créer des hyperfixations artéfactuelles • Les tumeurs colo-rectales sont difficiles à visualiser, le contraste oral peut également masquer une vraie lésion hypermétabolique Contraintes liées à la glycémie • La glycémie doit être inférieure à 7 mmoles/l • • Risque de faux négatifs si elle est elevée Patient à jeun depuis au moins 4 heures • Possibilité d’administrer de l’insuline pour faire baisser la glycémie • Mais ceci doit être prévu en amont afin de ne pas ralentir le flux des examens Les patients diabétiques doivent être convoqués au moins 2 heures à l’avance • Contraintes liés au statut urinaire • • • • • Une contamination urinaire est visible car il s’agit d’une fixation très superficielle Il s’agit essentiellement d’une question de radioprotection, car l’urine est très radioactive (voie d’élimination principale du FDG) Il est difficile de nettoyer l’urine radioactive Il existe des toilettes spéciales (en cuves de décroissance) pour l’urine radioactive Il est très important de connaître le statut urinaire du patient : cathéter, continence, poches, etc. Présentation des images physiologiques Images de fusion •Image ctac (corrigée de l’atténuation) en couleur thermale Constamment présentes • Cerveau • Myocarde • Appareil digestif • Appareil urinaire • Foie, rate Inconstamment présents Tête et cou Hiles pulmonaires Médiastin Muscles-graisse brune Régions péri- articulaires Testicules, utérus, mamelons Vaisseaux Thyroïde Thymus Graisse brune : fixations physiologiques Graisse brune visible surtout chez les patients jeunes Possibilité de masquer des ganglions dans ces régions hyperfixantes Fixations musculaires • Ostéosarcome de l’humérus gauche • Fixations musculaires liées au stress • Habituellement symétriques et bilatérales • Majorées par le froid, ou une activité sportive intense avant l’examen, ou l’hyperventilation (fixation du diaphragme) Fixations musculaires • Examen long (2 heures), administration si besoin d’anxiolytiques (pouvoir myorelaxant) • Médicaments usuels pris par le patient avant injection • Patient au repos (une heure dans le calme, le chaud, lumière tamisée) : sans stress, sans froid, sans parler, ni lire, ni mâcher Fixations costo-vertébrales liées au stress Fixations thymique et métaphysaires chez le jeune Thymus : chez l’enfant et le sujet jeune, ainsi que le adultes après chimiothérapie (rebond thymique) Fixations physiologiques : tête et cou Amygdales Cavum Cordes vocales (notamment si a parlé) Glandes salivaires Gencives Muscles de la tête et du cou Fixations physiologiques : -Homogènes -Symétriques et bilatérales -Localisées sur TDM Artefact dentaire • Les artefacts métalliques dentaires sont plus souvent asymétriques, mais ils génèrent sur le TDM également des artefacts ce qui modifie les coefficients d’atténuation locaux : images d’hyperfixation artéfactuelle en TEP Faux-positif de fixation hypermétabolique de la langue Carcinome ORL déjà opéré, recherche de récidive Fixation hypermétabolique localisée de la langue due à un stress localisé sur les muscles hyo-génio-glosses simulant une récidive linguale non retrouvée sur le TDM ni sur l’IRM Faux positif du TEP-TDM Curage inguinal de métastases ganglionnaires d’un mélanome Fixations non spécifiques du TEP-TDM dans la région opératoire L’IRM montre une région d’épiploplastie, sans adénopathie pathologique résiduelle Fixations digestives • • • • Foyer fixant avec ou sans contraste oral On suit la continuité digestive Fixations diffuses plus intenses dans le caecum et le colon droit Normalement sans foyer particulier Fixations oesophagiennes Oesophage, physiologique or oesophagite Artefact sonde oesophagienne Vaisseaux • La stase peut créer un foyer hyperfixant • Le TDM montre le lieu de stagnation du produit de contraste Faux-positifs de fixations hypermétaboliques • Biopsie, cathéter • Modifications post-thérapeutiques – Chirurgie : cicatrices, clips, prothèses, sondes – Chimiothérapie (respecter 5 jours pour un TEP-TDM) – Radiothérapie (respecter 5-6 semaines pour un TEP –TDM) • Maladies inflammatoires (tuberculose, sarcoïdose, plaque d’athérome), tumeurs bénignes (grandes cellules, polypes, dysplasies, etc.) Biopsie médullaire / métastase osseuse Foyer hypermétabolique de la crête iliaque Antérieure = biopsie médullaire Métastase osseuse Cathéter • Fixation hypermétabolique du F18-FDG sur le point d’entrée du cathéter de chimiothérapie (doute sur un nodule levé par le TDM) Cicatrice de laparotomie Cicatrice de laparotomie montrant 3 nodules hypermétaboliques d’interprétation équivoque : récidive tumorale chez cette patiente opérée d’un carcinome ovarien OU simples nodules inflammatoires ? L’étude échographique de l’abdomen montre qu’il s’agit de nodules probablement cicatriciels et/ou inflammatoires avec du matériel en place (fils ou calcifications) Fixations post-radiques Fixation prostatique intense après traitement par grains d’iode Carcinome mammaire à 2 mois après radiothérapie : fixation pulmonaire tangentielle au champ de radiothérapie Fixation médullaire après facteurs hématopoiétiques • Fixation hypermétabolique intense diffuse de l’ensemble du squelette après chimiothérapie et administration de facteurs de croissance médullaires : activation médullaire probable, mais on ne peut éliminer une infiltration lymphomateuse de la moelle chez ce patient atteint d’un lymphome médiastinal Faux-négatifs de fixations • Tumeurs ne fixant pas le FDG : taille infracentimétrique (< 5-7 mm), paucicellulaire, nécrosée, mucoïde, liposarcomes • Post-chimiothérapie (sidération cellulaire immédiate : le TEP-TDM doit être fait au moins 5 jours après la dernière cure) • Hyperglycémie et diabète • Obésité pathologique Tumeur ne fixant pas le FDG • • Liposarcome de la cuisse droite : non hypermétabolique Masse rétro-péritonéale : non hypermétabolique également Faux négatif du TEP-TDM Tumeur stromale gastro-intestinale (GIST) de risque élevé Ne fixant pas le FDG Pièce opératoire montrant une vascularisation tumorale Pièges de décalage et de taille des lésions •Décalage lésions hépatiques • • taille des lésions : petits ganglions très hypermétaboliques ne paraissant pas pathologiques en TDM shift pitfall Adapter la technique en cas de détermination des champs de radiothérapie sur TEP/TDM Conclusions • Les radiologues prennent connaissance des résultats du TEP-TDM avant d’interpréter leurs propres examens • Les médecins nucléaires ont besoin des informations contenues dans le TDM, que ce soit un TDM de base, ou un TDM de qualité diagnostique • Les radiologues sont donc impliqués dans l’imagerie TEP-TDM, ils est intéressant d’apprécier les contraintes liées à la TEP • Les médecins nucléaires adaptent leur technique au meilleur résultat possible • Les patients ont tous besoin de tous nos savoirs ! Conclusions • Le TEP-TDM est une modalité multidisciplinaire • D’autres techniques encore plus complexes comme le TEP-IRM sont prévues, il est nécessaire de nous adapter à l’ensemble des contraintes et de travailler ensemble • Dans le futur, il sera légitime de se demander : • Quelle formation faudra-t-il aux futurs “imageurs” pour interpréter un TEP-TDM, notamment si le TDM injecté a valeur diagnostique ? • Ne sommes-nous pas à l’aube d’une nouvelle donne de l’imagerie médicale, intégrant toutes les modalités et triant leur potentialités en fonction des indications ?