Le bouddhisme est-il un humanisme

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tion pertinente : ce bonheur ainsi
trouvé et obtenu est-il durable?
N’oublions pas qu’il avait commencé sa quête à la recherche de
ce qu’il appelait le “vrai bonheur”,
c'est-à-dire un bonheur qui durera
pour toujours, même au-delà du
monde matériel. car ce bonheur,
une fois obtenu sur la terre, doit
nécessairement continuer son évolution dans le monde spirituel
“manayha”, au niveau de la conscience “daena”, qui est éternelle.
en effet pour Zarathoustra, “le
vrai bonheur” ne dépend ni d’un
acte de volonté, ni d’un raisonnement intellectuel. il provient d’un
regard spécifique sur la vie, construit au fil du temps, dans un système culturel spécifique et à travers
lequel nous comprenons et interprétons les événements auxquels
nous sommes confrontés.
Pour construire un tel système,
Zarathoustra pose près de cent
questions à Ahura mazda au travers des Gathas. le neuvième
chant est constitué presque uniquement de questions.
le système que Zarathoustra
construit à cette fin est extrêmement sophistiqué. g
1- Pour une meilleure compréhension
de cet article voir :
Khosro Khazai Pardis ; Les Gathas, Le
livre sublime de Zarathoustra, Albin
michel 2011
2- l’Avesta est composé de textes
écrits lors de l’oubli de la langue des
Gathas, par des personnes dont nous
ne connaissons ni les noms ni la fonction.
Le bouddhisme est-il
un humanisme ?
Jacques HUYNEN, DEA Histoire des Religions
A l'époque des lumières, le
bouddhisme n'est pas encore étudié scientifiquement. c'est seulement dans la deuxième partie du
19e siècle que ses textes principaux furent traduits. les postromantiques - Renan, Taine,
comte, Proudhon, Jules Ferry renouant avec le rationalisme des
lumières et l'idée de progrès,
virent dans le bouddhisme un allié
contre l'obscurantisme. Frédéric
lenoir1 citant Raymond Schwab2
mentionne michelet pour qui la
découverte de l'inde et du bouddhisme "favorise... l'élargissement
de l'horizon culturel européen à un
humanisme plus universel que
l'humanisme judéo-chrétien" et
Auguste comte (Ibid. p. 112) qui
"vante le 'rationalisme' bouddhique... et intègre le Bouddha
dans son calendrier positiviste".
la doctrine du Bouddha
répond sans difficulté à la définition que F.c.S Schiller (Oxford),
cité par le Vocabulaire philosophique de lalande, donne de
“humanisme”. elle se résumerait
pour lui à l'acceptation que "le problème philosophique concerne des
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Reliures 31 Automne-Hiver 2013
êtres humains s'efforçant de comprendre un monde d'expérience
humaine avec les ressources de
l'esprit humain".
le bouddhisme le plus ancien
(theravada) avait beaucoup en
commun avec les philosophies
grecques contemporaines telles
que l'épicurisme, le stoïcisme, le
scepticisme et le cynisme. Plus
tard, il prit des formes idéalistes.
Dans le mahayana, apparaît une
qualité, ou état potentiel éternel et
omniprésent, la bouddhéité, dont
le Bouddha historique était éminemment doté. mais le concept de
bouddhéité ressemble plutôt à
celui de l' “idée” platonicienne
qu'à celui d'un Dieu unique créateur de l'Univers.
le Sage des Sakyas déclare en
effet non-pertinente la croyance en
une entité suprême (Brahman/Âtman). il assigne comme but à sa
méthode la délivrance de la souffrance des “êtres doués de sensation” par le contrôle du désir, et de
ses fruits, l'envie, la peur, la colère,
la haine. c'est par la raison associée à l'expérience que la voie (la
méthode) est reconnue et comprise. la raison coupée de l'expérience n'est que "rationalisme", vain
jeu de mots, et intoxication verbale3.
Pour l'humanisme actuel,
découlant de la Déclaration des
Droits de l'Homme, le but de l'action des individus et des sociétés
devrait être la poursuite du bien
commun de l'espèce sans distinction de race, de nation, d'appartenance religieuse, ou de caste.
Si on accepte cette définition,
tant les bouddhismes traditionnels
qu'un bouddhisme occidental
encore en gestation, ou le néobouddhisme indien issu du
Docteur Ambedkar, permettant
aux intouchables d'échapper au
système des castes, y répondent
certainement.
Au niveau moral, le concept
apparenté de “humanité” a aussi le
sens de “capacité d'empathie et de
compassion”. la compassion
bouddhiste – à la différence de la
charité chrétienne – englobe “tous
les êtres dotés de sensation”, y
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