À vos soins Le traitement de la maladie de Ménière Présentation du cas E.P., une femme de 60 ans, vous explique qu’elle n’est pas soulagée par la prise de bétahistine à raison de 16 mg trois fois par jour que son médecin lui a prescrite pour soulager ses étourdissements et nausées associés à la maladie de Ménière. Par ailleurs, elle vous dit qu’elle a été soulagée par cet agent lors de sa dernière crise, quatre mois auparavant. Elle vous demande s’il y a une solution de rechange et ce qu’elle peut faire pour éviter d’autres épisodes. Discussion La maladie de Ménière affecte environ 1 % de la population et touche surtout les adultes caucasiens âgés de 40 à 50 ans1,2. La prévalence serait 1,3 fois plus élevée chez les femmes2. À ce jour, la physiopathologie demeure controversée. On associerait ce trouble à une surabondance d’endolymphe causée par une hyperproduction ou par une sous-absorption résultant en un œdème du labyrinthe3. L’étiologie de cette maladie est multifactorielle. Les facteurs de risque incluent une histoire familiale positive et une atteinte immunologique (allergie, maladie auto-immune), mais des facteurs environnementaux, infectieux et de stress, ainsi que les traumas à la tête ou aux oreilles peuvent aussi être impliqués1,4. Les symptômes typiques comprennent les vertiges d’une durée d’au moins 30 minutes pouvant causer nausées avec ou sans vomissement, diarrhées, sudation, acouphènes, sensation de plénitude, ainsi que fluctuation de la qualité de l’audition1,4. Il n’est pas rare qu’au début de la maladie il y ait une alternance entre les épisodes de crises aiguës et de rémission complète. Les crises vertigineuses aiguës peuvent être incapacitantes puisqu’elles surviennent de façon inattendue et peuvent durer quelques heures à 24 heures, puis elles se calment graduellement4. Avec les années, les rémissions tendent à s’allonger. Par contre, la perte auditive et les acouphènes perdurent et s’intensifient avec le temps1,4. Le diagnostic en est un d’exclusion principalement et est basé sur l’histoire symptomatologique, l’examen physique et l’audiométrie6. Il n’existe pas de traitement curatif. Les traitements reposent davantage sur l’expérience clinique que sur des données probantes robustes. Le traitement des crises aiguës vise le soulagement des symptômes présentés par le patient. Les mesures non pharmacologiques sont principalement le repos et la réhydratation au besoin. En cas de vertige, des agents agissant comme suppresseurs du système vestibulaire, tels que les benzodiazépines (diazépam 5 mg po q6 à 8 h ou lorazépam, 2 mg S/L q4 à 6 h) ou les antihistaminiques www.professionsante.ca (dimenhydrinate 50 mg po/IR q6h), semblent très utiles afin de maîtriser ou de réduire la durée des épisodes aigus1,7. Aussi, les agents tels que la prochlorpérazine 10 mg po/IR q6 à 8 h ainsi que la scopolamine en timbre semblent utiles pour la maîtrise des symptômes gastro-intestinaux médiés par le système vagal7. Aucune étude ne sous-tend l’utilisation de la bétahistine dans le traitement des vertiges associés à la maladie de Ménière8. Si le patient perçoit une perte de l’audition grave associée à des vertiges, un corticostéroïde peut être utilisé pour une courte période (p. ex., prednisone 60 mg DIE ou 1 mg/kg pour 7 à 14 jours). Un sevrage graduel est ensuite préférable2,5. Parfois, la voie intratympanique peut être utilisée si la détérioration de l’ouïe persiste (méthylprednisone ou dexaméthasone) 2,4. Le traitement chronique de la maladie prolonge la durée des rémissions et minimise le Texte rédigé par Claudia Dutil, B. Pharm., et Catherine Cellini, B. Pharm., M.Sc., Pharmacie Marc Champagne. Texte révisé par Sophie Grondin, B. Pharm., M.Sc. Texte original soumis le 28 novembre 2009. Texte final remis le 27 janvier 2010. SE.P. n’est pas soulagée de ses vertiges associés à la maladie de Ménière. OFemme de 60 ans, troisième crise. Prend de la bétahistine 16 mg tid depuis 24 heures. Aucun autre médicament ou problème de santé connu. Allergie à la pénicilline (rash). ALa prise de bétahistine n’est pas justifiée et, surtout, elle n’est pas efficace dans ce cas. Le dimenhydrinate diminuera le nombre et la durée des vertiges et la prochlorpérazine pourra soulager les nausées persistantes. Étant donné la récurrence des épisodes aigus, il semble également préférable que l’on instaure pour cette patiente un traitement chronique afin de prolonger la durée des rémissions et de minimiser le risque de perte auditive. Ainsi, l’association de triamtérène et d’hydrochlorothiazide s’avérerait un bon choix. P nCommuniquer avec le médecin traitant pour proposer dimenhydrinate 50 mg po/IR q6h avec prochlorpérazine 10 mg po/IR q6h prn et discuter de l’ajout du diurétique hydrochlorothiazide-triamtérène 50-25 mg die. nFournir les conseils sur les nouveaux médicaments. nSuggérer les mesures non pharmacologiques restriction sodée, éviter les déclencheurs, repos et réhydratation). nAppeler la patiente dans 24 h afin de vérifier le soulagement des vertiges et des nausées, ainsi que la présence d’effets indésirables, tels que bouche sèche, somnolence et constipation. nDemander un suivi des électrolytes et de la créatinine dans 1 et 3 mois, puis chaque année si ajout du diurétique. avril – mai 2010 vol. 57 n° 2 Québec Pharmacie 7 À vos soins risque de perte auditive. Les mesures non pharmacologiques consistent à éviter certains déclencheurs, tels que le chocolat, la caféine, l’alcool et le tabac. De plus, la restriction sodée à moins de 2 g par jour aurait un rôle préventif important2,5,7. Enfin, les allergies alimentaires ou saisonnières pourraient aussi être des facteurs déclenchants, tout comme la fatigue et le stress2,7. La thérapie de réhabilitation, qui consiste en une série d’exercices, peut être utilisée chez les patients souffrant de vertiges résiduels entre les crises7. Les diurétiques sont le traitement pharmacologique de première intention. L’association de triamtérène et d’hydrochlorotiazide (DyazideMD) à raison d’un à deux comprimés par jour, selon la réponse du patient, est la plus utilisée3,5. Pour les patients allergiques aux sulfas, l’acétazolamide ou la chlorthalidone peuvent être tentés5. Un essai d’au moins trois mois est proposé et un sevrage est envisagé lorsque les rémissions atteignent une durée de 6 à 12 mois5,7. Enfin, on peut effectuer plusieurs types d’intervention chirurgicale, mais chacun possède un risque de perte auditive variable3. Acte pharmaceutique facturable Opinion pharmaceutique : Substituer un médicament par un autre, car inefficacité (DIN : 009990140). Opinion pharmaceutique Bonjour Docteur, Vous avez prescrit à Mme E.P. de la bétahistine à raison de 16 mg tid pour soulager des vertiges associés à la maladie de Ménière. Puisqu’il n’y a aucune amélioration de ses symptômes, nous avons convenu de la remplacer par du dimenhydrinate 50 mg po/IR q6h et de la prochlorpérazine 10 mg po/IR q6h prn. Comme il s’agit de son troisième épisode, nous avons aussi discuté de l’ajout de l’association hydrochlorothiazide-triamtérère 50-25 mg die à long terme afin de réduire la fréquence des épisodes aigus et de minimiser les risques de perte auditive. Un suivi des électrolytes et de la créatinine est suggéré dans 1 et 3 mois, puis chaque année, à la suite de l’introduction du diurétique. Vous réévaluerez notre suggestion lors de votre prochaine rencontre avec la patiente. Je veillerai à assurer le suivi de l’efficacité et de la tolérance au traitement auprès de la patiente. En toute collaboration, La pharmacienne n Références 1.Hamid MA. Ménière’s disease. Pract Neurol 2009; 9(3) : 157-62. 2. Sajjadi H, Paparella MM. Ménière’s disease. Lancet. 2008; 372 : 406-14. 3.Meyer TA, Lambert PR. 2008. Ménière’s disease. Dans : Rakel RF & Bope : Conn’s Current Therapy 2009. Chapitre 58. 1re édition. Philadelphia : Elsevier Saunders. www.mdconsult.com [consulté le 4 novembre 2009]. 4.Beers, MH, Berkow, R. Manuel Merck de diagnostic et thérapeutique. 3e édition française. Paris : Éditions d’Après; 2000. 2793 pages. 5. Sajjadi H. Medical management of Ménière’s disease. Otolaryngol Clin N Am. 2002; 35 : 581-9. 6.Committee on Hearing and Equilibrium. Guidelines for the diagnosis and evaluation of therapy in Ménière’s disease. Otolaryngology-Head and Neck Surgery 1995; 113 : 181-57. Coelho DH, Lalwani AK. Medical management of Ménière’s disease. Laryngoscope 2008; 118 : 1099-108. 7.Coelho DH, Lalwani AK. Medical management of Ménière’s disease. Laryngoscope 2008; 118: 1099-108. 8. James A, Burton MJ. Betahistine for Ménière’s disease or syndrome (Review). Cochrane Database of Systematic Reviews 2001, Issue 1.Art. No. : CD001873. DOI: 10.1002/14651858.CD001873. Question de formation continue 1) Parmi les affirmations suivantes, laquelle est fausse ? A.La maladie de Ménière touche surtout les femmes adultes. B.La bétahistine représente la meilleure option de traitement des vertiges associés à la maladie. C. Dans le traitement chronique, les mesures non pharmacologiques, telles que la restriction sodée et les diurétiques, sont les traitements de premier choix. D.En période aiguë, la prednisone à raison de 60 mg die peut être utilisée si une perte de l’audition est présente. E.L’étiologie et les facteurs de risque associés à la maladie sont multiples, mais la physiopathologie de la maladie de Ménière demeure controversée. Veuillez reporter votre réponse dans le formulaire de la page 66 8 Québec Pharmacie vol. 57 n° 2 avril – mai 2010