Médecine & enfance Les pathologies ophtalmologiques des vacances C. Orssaud, consultation d‘ophtalmologie, hôpital Européen Georges-Pompidou, Paris, et service d’ophtalmologie, hôpital Necker-Enfants Malades, Paris Il a bien été démontré que la période des vacances est propice à une augmentation des « pathologies » ophtalmologiques de tout ordre. Certaines sont graves et nécessitent une prise en charge ophtalmologique en urgence ; tel est le cas des traumatismes, avec ou sans plaie du globe, qui peuvent mettre en jeu le pronostic fonctionnel de l’œil. D’autres peuvent être prises en charge par le pédiatre dans un premier temps, la poursuite de la symptomatologie ou son aggravation devant faire passer la main à l’ophtalmologiste. C’est le cas des conjonctivites allergiques ou des irritations liées au sable au bord de la mer, mais aussi des conjonctivites bactériennes ou virales simples, volontiers transmises dans les piscines. Enfin, il existe quelques pathologies particulières qu’il faut savoir évoquer (kératite à poils de chenille, poux et lentes…). PROTECTION SOLAIRE Il est impossible de parler des vacances sans évoquer la nécessité du port d’une protection solaire adaptée à l’enfant. Il existe trois sortes d’UV, les UVA, les UVB et les UVC. L’atmosphère, et plus particulièrement la couche d’ozone, joue un rôle protecteur contre les UV en arrêtant la totalité des rayons de très courte longueur d’onde, dont les UVC, et en filtrant les UVB. Les effets du rayonnement direct sont majorés par le rayonnement réfléchi, qui est de l’ordre de 10 à 30 % sur l’eau et de 25 % sur le sable. Les effets délétères des UV sur l’œil ne sont plus à démontrer. Les UV peuvent avoir des conséquences néfastes au niveau de la cornée, du cristallin et de la rétine. A ce niveau, ces effets délétères seraient plus importants chez l’enfant que chez l’adulte, du fait d’une meilleu- re transparence des milieux oculaires. Par ailleurs, le danger des UV est plus important chez l’enfant en raison de la faible pigmentation de leur iris. C’est la raison pour laquelle il est essentiel de rappeler la nécessité de porter des verres solaires adaptés dès le plus jeune âge, ainsi que de larges visières. De même, toutes les protections limitant l’exposition de l’enfant au soleil sont à préconiser. Enfin, il est préférable de ne pas faire sortir un enfant lors des heures les plus chaudes et les plus ensoleillées. TRAUMATISMES Une étude récente sur les traumatismes oculaires notait que ceux-ci sont plus fréquents en dehors des périodes scolaires. Il existe donc un risque théorique accru au cours des vacances. Si couteaux et ciseaux étaient au premier rang juin 2007 page 279 des objets responsables de plaies, les végétaux tenaient une place non négligeable, constituant la seconde cause de traumatismes dans l’étude citée. Mais les causes peuvent être multiples, en particulier lors des jeux entre frères et sœurs. Tout objet envoyé (fléchette, pierre, balle de tennis ou de ping-pong, crayon, etc.) peut être une cause de traumatisme. Ces traumatismes oculaires peuvent entraîner, outre des plaies du globe plus ou moins évidentes, des hyphémas, des désinsertions de l’iris, sources de glaucome, et des lésions rétiniennes : trous maculaires et décollements de rétine. Tout traumatisme oculaire impose de prendre un avis ophtalmologique : les plaies du globe peuvent être peu apparentes ; de plus, les lésions traumatiques nécessitent une prise en charge rapide pour éviter qu’elles ne se compli- Médecine & enfance quent, prise en charge qui diffère selon les lésions en cause. CONJONCTIVITES CONJONCTIVITES ALLERGIQUES L’été est volontiers la saison des allergies en raison de la grande concentration en pollens et de leur grande variété. Certains enfants ne vont développer une allergie que pendant les vacances, car ils sont alors en contact avec des végétaux inhabituels pour eux. Ces allergies peuvent avoir une traduction oculaire. Le tableau est extrêmement variable, allant d’un simple larmoiement sans sécrétion associé à une rougeur conjonctivale minime à une forme intense associant en plus du larmoiement, un chémosis et une kératite. L’existence de signes allergiques de la sphère ORL (rhume des foins, éternuement, écoulement nasal, etc.) renforce le diagnostic. Néanmoins, il faut toujours craindre la présence un corps étranger conjonctival si les signes ne s’amendent pas avec le traitement. Celui-ci doit associer un traitement par voie générale en plus d’un traitement local. Les traitements locaux reposent en premier lieu sur le lavage oculaire. Celuici, réalisé à l’aide de mono-dosettes stériles de collyre mouillant, permet d’éliminer un grand nombre de polluants et de poussières. Il faut y associer un collyre anti-allergique, dont l’effet sur les manifestations cliniques est le plus souvent très rapide. Ce traitement doit être maintenu pendant toute la période de pollinisation, éventuellement en cures discontinues (20 jours par mois). Il faut, dans la mesure du possible, éviter les traitements topiques par corticoïdes. Ceux-ci peuvent néanmoins trouver leur place dans la prise en charge de certaines formes graves avec atteinte cornéenne. CONJONCTIVITES BACTÉRIENNES ET VIRALES Elles n’ont pas réellement de particularité. Néanmoins, les kérato-conjonctivites à poxvirus sont plus fréquentes au printemps et en été, et elles se trans- mettent volontiers dans les piscines. Leurs signes cliniques sont généralement très intenses, avec une hyperhémie conjonctivale importante et un larmoiement qui en fait toute la contagiosité. En cas de kératite associée, le patient présente une photophobie et une gêne visuelle. Ces conjonctivites virales sont souvent traînantes, durant une quinzaine de jours, alors que celles d’origine bactérienne évoluent favorablement en une huitaine de jour. La présentation des conjonctivites bactériennes est différente, avec des sécrétions abondantes agglutinant les cils. Les conjonctivites infectieuses simples, sans kératite associée, peuvent être traitées par le pédiatre. Le lavage oculaire, deux à trois fois par jour, est un temps essentiel dans le traitement de toutes les conjonctivites infectieuses. Il doit être associé à un traitement par collyre antiseptique dans les formes bactériennes avec des sécrétions importantes. Les collyres antibiotiques vrais sont à réserver aux formes graves, sur des terrains particuliers. En cas de signes de kératite, il est préférable de conseiller de prendre un avis ophtalmologique. KÉRATITES Nous ne ferons que citer sans les développer les kératites traumatiques, car elles font partie des petits tracas de la période des vacances sans en être spécifiques. Si elles surviennent après un traumatisme vrai, il faut prendre l’avis d’un ophtalmologiste pour éliminer des lésions traumatiques du globe lui-même. Si elles sont secondaires à la présence d’un petit corps étranger (poussière, sable…), un simple rinçage oculaire peut permettre de l’éliminer : la prescription de collyres mouillants et antiseptiques est suffisante. Mais si le corps étranger ne se détache pas de la cornée ou de la conjonctive tarsale, on consultera un ophtalmologiste ; de même si les signes fonctionnels de kératite (douleurs, photophobie, gêne visuelle) persistent, car, normalement, l’épithélium cornéen se répare rapidement. Kératite par végétaux. La sève de certains végétaux est particulièrement toxique juin 2007 page 280 pour la cornée. Autant les kératites dues à des corps étrangers cèdent rapidement après que ceux-ci soient enlevés, autant les kératites liées aux végétaux sont chroniques et nécessitent un traitement prolongé, lequel associe un collyre antibiotique à un collyre cicatrisant de cornée et/ou un collyre mouillant. Kératites par poils de chenille. Certaines chenilles possèdent un système de défense très efficace constitué de poils urticariants qu’elles projettent dans l’atmosphère. Tel est le cas de la chenille processionnaire du pin, qui se rencontre dans le sud de la France. Mais de nombreuses autres espèces de chenilles disposent de ce moyen de protection. Lorsqu’ils entrent en contact avec la peau, ces poils provoquent un prurit important associé à une hyperhémie localisée. Mais ces poils peuvent aussi pénétrer dans la conjonctive et surtout dans la cornée, où ils s’incrustent. Ils sont alors difficiles à extraire, car ils ont une forme semblable à celle d’un harpon. Ces poils sont responsables d’une inflammation oculaire plus ou moins sévère, parfois très intense, qui associe une hyperhémie conjonctivale, une photophobie et, dans certains cas, une vive douleur oculaire. Le devenir de ces poils intracornéens est variable et justifie une surveillance ophtalmologique. Généralement, ils vont progressivement et spontanément se détacher de la cornée en ne laissant aucune cicatrice visible. Mais ils peuvent aussi rester dans le stroma cornéen alors que l’inflammation oculaire diminue. Enfin, dans des cas rares mais graves, les poils vont progresser en chambre antérieure où ils seront responsables d’uvéites chroniques, de nodules iriens, de cataracte, d’hyalite ou de choriorétinite. Le diagnostic repose sur la notion de contact avec ces chenilles, parfois au cours d’une simple promenade en forêt ou dans des lieux à risque, et sur l’examen à la lampe à fente. Le traitement est difficile et ne peut être réalisé que par l’ophtalmologiste. Il est illusoire de vouloir « épiler » les cornées en raison de la très petite taille de ces poils et de leur nombre. Par contre, un lavage ré- Médecine & enfance gulier est préconisé pour éliminer les poils se détachant. Il faut prescrire un collyre anti-inflammatoire non stéroïdien et un collyre antibiotique. IRRITATIONS OCULAIRES Une cause habituelle d’irritation oculaire pendant les mois d’été est la présence de sable au niveau des culs de sac conjonctivaux. Ce sable entraîne une inflammation de la conjonctive et parfois une minime kératite. Le traitement repose sur le lavage oculaire avec du sérum physiologique ou un autre collyre mouillant. Il est du reste nettement conseillé de pratiquer ce lavage oculaire avec des dosettes stériles après chaque bain de mer ou passage à la plage. Il faut rappeler que la persistance des signes fonctionnels doit amener à consulter pour éliminer la présence d’un corps étranger d’autre nature ou une autre pathologie. juin 2007 page 281 La présence de poux et de lentes dans les cils est fréquente en collectivité et/ou à la campagne. Lorsque ces parasites se déplacent sur l’œil, ils sont à l’origine d’une irritation conjonctivale. La seule méthode pour s’en débarrasser consiste à couper les cils au ras des paupières. Il faut bien entendu associer à ce geste un traitement contre les poux se développant au niveau des autres phanères et une désinfection générale des locaux…