SOCIÉTÉ CANADIENNE D`ANTHROPOLOGIE CANADIAN

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 SOCIÉTÉ CANADIENNE D’ANTHROPOLOGIE CANADIAN ANTHROPOLOGY SOCIETY Le 6 octobre 2015 RE: Appui au rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada La Société canadienne d'anthropologie accueille favorablement le sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada « Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir ». Après avoir réalisé une analyse exhaustive des récits et des données recueillis à travers le pays, la Commission fournit un compte rendu révélateur de l’étendue des ravages causés par les politiques de l'État canadien. Ces politiques étaient fermement ancrées dans des croyances assimilatrices profondément ethnocentriques. Selon les définitions anthropologiques, l’ethnocentrisme consiste à juger les autres cultures selon ses propres valeurs. Pour citer le sommaire du rapport final : Le système des pensionnats était fondé sur l’hypothèse voulant que la civilisation européenne et les religions chrétiennes étaient supérieures à la culture autochtone, qui était considérée comme sauvage et brutale. Les représentants du gouvernement insistaient également pour que les enfants soient dissuadés — et souvent empêchés — de parler leur propre langue. Les missionnaires qui dirigeaient les écoles ont joué un rôle de premier plan dans les campagnes menées par les Églises pour bannir les pratiques spirituelles autochtones comme le potlatch et la danse du Soleil (appelée plus correctement « danse de la Soif »), et mettre fin aux mariages traditionnels autochtones. Bien que dans la plupart de leurs prises de position officielles, les représentants du gouvernement et de l’Église considéraient que les peuples autochtones pouvaient être civilisés, il est clair que de nombreuses personnes croyaient que la culture autochtone était par nature inférieure. (Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir, page 5) Sur la base de cette vision du monde ethnocentrique qui a cherché à éradiquer les cultures autochtones, des politiques ont été mises en place afin d’utiliser les pensionnats comme un moyen d'éliminer précisément la langue et la culture des peuples autochtones. Le rapport qualifie cette pratique d’acte de génocide culturel qui visait à éliminer les appartenances culturelles et sociales, rendant ainsi caduques les obligations juridiques garanties par les traités ainsi que la souveraineté autochtone longtemps niée par l'État canadien. La Commission et le rapport soulignent le rôle des survivants des pensionnats à inviter à la réconciliation et à veiller à ce que la Commission documente avec exactitude les évènements du passé. Cependant, comme les auteurs du rapport le soulignent, ceci n’est qu’une toute première étape et non le résultat final souhaité. Pour citer le rapport, la réconciliation est un processus continu par lequel « nous rétablissons ce qui doit être rétabli, nous réparons ce qui doit être réparé et nous remettons ce qui doit être remis » (Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir, page 7). En fait, le vrai travail de réconciliation ne fait que commencer. Rassemblant anthropologues et Canadiens, la Société canadienne d'anthropologie soutient sans réserve l'objectif de la réconciliation, et accepte la définition proposée par la Commission : Pour la Commission, la réconciliation consiste à établir et à maintenir une relation de respect réciproque entre les peuples autochtones et non autochtones dans ce pays. Pour y arriver, il faut prendre conscience du passé, reconnaître les torts qui ont été causés, expier les causes et agir pour changer les comportements. (Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir, page 7) Les travaux menés par de nombreux anthropologues canadiens mettent en évidence les conséquences de la colonisation et des pensionnats institué par l'État dans les domaines de la santé (physique et mentale), du bien-­‐être social, de la perte des langues autochtones et des tentatives de revitalisation des langues menacées précisément à cause des politiques historiques d'assimilation. Une foule d'autres défis peuvent être liés aux politiques du passé et aux préjudices subis par les communautés autochtones. L'anthropologie, une discipline holistique qui supporte l’idée que tout aspect de la culture et de la vie sociale est lié à tous les autres aspects culturels, reconnaît que les effets des pensionnats imprègnent toujours la vie des survivants et de leurs communautés. Pour que les communautés puissent guérir, il est nécessaire, comme la Commission note, de changer fondamentalement les bases même de la relation du Canada avec les peuples autochtones. La CASCA souscrit donc à l'objectif fixé par la Commission : Le processus de réconciliation doit soutenir les Autochtones pendant la longue guérison qui leur permettra de panser les blessures directement associées à l’héritage de colonisation destructeur qui a complètement ravagé leurs vies. Ce processus de réconciliation doit cependant permettre d’en faire beaucoup plus puisqu’il doit inspirer tant les Autochtones que les non-­‐
Autochtones de partout au pays à transformer la société canadienne afin que nos enfants et nos petits-­‐enfants puissent vivre ensemble dans la paix, la dignité et la prospérité sur ces terres que nous partageons. (Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir, page 8) Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de prendre des mesures concrètes et d'agir en suivant les recommandations. Pour cette raison, la CASCA encourage tous les partis politiques et les gouvernements municipaux, provinciaux et fédéraux à intégrer les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation du Canada dans leurs plates-­‐
formes et leurs politiques et ainsi favoriser une meilleure compréhension du passé pour orienter les actions futures. De même, nous encourageons toutes les institutions publiques canadiennes à promouvoir, par les voies de l'éducation, les connaissances quant au système des pensionnats indiens du Canada, et ceci afin que tous les Canadiens puissent mieux comprendre le passé et soutenir un véritable dialogue sur les questions autochtones, respectueux et faisant la promotion d'un État décolonisé. Il est essentiel que les points de vue des survivants des pensionnats indiens et des communautés autochtones soient intégrés dans un dialogue local, provincial et national pour promouvoir la sensibilisation et la justice, et ainsi atteindre les objectifs du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Pour toutes ces raisons, nous encourageons tous les Canadiens à devenir des citoyens actifs et conscients de la nécessité d’avoir un œil critique. Comme l'indique le rapport dans ses remarques de conclusion: «La réconciliation exigera beaucoup de travail. Des gens de tous les horizons et de toutes les strates de la société devront y participer avec détermination.» (Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir, page 346) Le sommaire du rapport final est maintenant disponible en ligne : (http://www.trc.ca/websites/trcinstitution/File/French_Exec_Summary_web_revised.pdf) et une pétition circule afin d’appuyer le rapport final (http://www.thepetitionsite.com/takeaction/498/604/856/?taf_id=13896970&cid=fb_na). Nous croyons à une population informée et nous espérons que les recommandations du rapport ne vont pas rester lettre morte. Pour cette raison, la CASCA encourage tous les Canadiens à lire le rapport, à acquérir une connaissance plus aigüe du passé, et à devenir des citoyens engagés. Je vous prie d’agréer mes sincères salutations, Michel Bouchard Président Société canadienne d’anthropologie 
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