Proctologie - Chirurgie

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SOMMAIRE
Organisateurs :
G. MEURETTE (Nantes)
1. Thrombose hémorroïdaire aiguë et autres douleurs anales aiguës :
quand (ne pas) opérer ?
C. BROCHARD (Rennes)
2. Abcès péri-anal : comment et jusqu’où rechercher l’orifice primaire ;
comment drainer de façon efficace ?
G. MEURETTE (Nantes)
3. Traumatisme ano-périneaux : prise en charge en urgence, les bons réflexes
L. MAGGIORI (Clichy)
4. Suppuration périnéale extensive : prise en charge en urgence et résultats à
long terme
E. DUCHALAIS (Nantes)
THROMBOSE HEMORROÏDAIRE AIGUË ET AUTRES DOULEURS ANALES
AIGUËS : QUAND (NE PAS) OPERER ?
Charlène BROCHARD
Les principales urgences proctologiques sont représentées par les pathologies
infectieuses (abcès, cellulite, rectite infectieuse), la fissure anale, les complications post
opératoires (saignement, fécalome), les corps étrangers ano-rectaux et la maladie
hémorroïdaire (thrombose).
Les urgences concernant la maladie hémorroïdaire sont représentées par les
thromboses, motif fréquent de consultation chez le proctologue, le gastroentérologue, le
médecin généraliste ou encore des urgences.
La thrombose hémorroïdaire externe est définie par l’existence d’un ou plusieurs
caillots dans le territoire des hémorroïdes externes, sous la ligne pectinée. Elle constitue une
urgence proctologique du fait de la douleur engendrée, plainte principale du patient. Le
patient peut également se plaindre de rectorragies ou de sensation de procidence anale. Le
diagnostic repose sur les données de l’interrogatoire et sur l’examen clinique. Aucun examen
complémentaire n’est utile au diagnostic.
Le traitement est d’abord et avant tout médical, associant des antalgiques, antiinflammatoires par voie orale ou locale (en l’absence de contre-indication) et un laxatif doux.
La thrombose guérit toujours spontanément en quelques jours ou parfois semaines.
L’incision ou excision de la thrombose est une alternative en cas de thrombose
hyperalgique, unique ou limitée, non ou peu œdémateuse. Ce geste thérapeutique est
réalisé en consultation. Il peut être précédé d’une anesthésie locale à la base ou au sommet
de la thrombose (par injection ou application de pommade anesthésique). L’incision consiste
en une ouverture de la tuméfaction, au bistouri à lame à usage unique, et un curetage de la
cavité pour s’assurer de l’évacuation totale du caillot. L’excision consiste en une exérèse
cutanée du sommet du caillot au bistouri ou aux ciseaux puis du retrait du caillot et du sac
thrombotique. L’incision ou un geste incomplet d’incision ou d’excision exposent au risque de
récidive, parfois précoce. Un geste complémentaire d’excision peut être proposé en cas de
rupture partielle de la thrombose.
L’excision peut être réalisée en cas de thrombose persistante non douloureuse afin
d’éviter la constitution d’une marisque.
Cas particuliers :
La femme enceinte : Cette situation est fréquente, en raison des troubles du transit
occasionnés par la grossesse et surtout en période du postpartum en raison des poussées
importantes. Les thromboses sont souvent très œdémateuses et le traitement médical (hors
AINS volontiers contre-indiqués au cours de la grossesse) suffit le plus souvent. Le recours à
l’excision lors de thrombus constitué soulage rapidement les patientes.
Les patients immunodéprimés, VIH ou porteurs d’une MICI : il n’existe pas de contreindication à un geste d’incision ou excision.
Les antiagrégants/anticoagulants : l’incision ou excision peut être réalisée sous
antiagrégants. En revanche, en cas de troubles de l’hémostase ou de prise d’anticoagulants,
le traitement médical doit être privilégié.
En cas de récidives fréquentes, une hémorroidectomie classique peut être proposée. Il
n’existe en effet pas de moyen de prévenir les récidives. Il est cependant déconseillé de
réaliser l’hémorroïdectomie en période de poussée, le risque hémorragique est important, le
geste opératoire probablement plus étendu et les repères anatomiques sont souvent plus
difficiles à individualiser (sphincter). On recommande donc d’effectuer ce geste curateur à
distance de la poussée aiguë.
La thrombose hémorroïdaire interne isolée en dehors de tout prolapsus est plus rare
et son traitement est uniquement médical. En effet, l’incision ou excision expose aux risques
de saignement et de fissure.
Conclusion : Le traitement médical est souvent suffisant pour traiter une thrombose
hémorroïdaire externe et doit être privilégié en première intention. L’incision ou excision peut
être proposée en cas de thrombose hyperalgique, non œdémateuse, unique ou limitée ou en
cas de thrombose persistante non douloureuse afin d’éviter la constitution d’une marisque.
Ce geste est simple, efficace et peu risqué.
Références :
1) Ole Gebbensleben1 York Hilger2 Henning Rohde3 Do we at all need surgery to
treat thrombosed external hemorrhoids? Results of a prospective cohort study
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2) Jongen J1, Bach S, Stübinger SH, Bock JU Excision of thrombosed external
hemorrhoid under local anesthesia: a retrospective evaluation of 340 patients
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3) Greenspon J1, Williams SB, Young HA, Orkin BA Thrombosed external
hemorrhoids: outcome after conservative or surgical management Dis Colon
Rectum. 2004 Sep;47(9):1493-8
4) Chan KK1, Arthur JD. External haemorrhoidal thrombosis: evidence for current
management Tech Coloproctol. 2013 Feb;17(1):21-5
5) Recommandations de Pratique Clinique du traitement de la maladie
hémorroïdaire : Recommandations de la société nationale française de coloproctologie. http : //www.snfcp.org
ABCES PERI-ANAL : COMMENT ET JUSQU’OU RECHERCHER L’ORIFICE
PRIMAIRE ; COMMENT DRAINER DE FACON EFFICACE ?
Guillaume MEURETTE
Clinique de chirurgie digestive et endocrinienne, CHU Hôtel-Dieu Nantes
[email protected]
Les abcès périnéaux et particulièrement situés au niveau de la marge anale sont une
situation fréquente en pratique d’urgence. Les études les plus récentes montrent que leur
prévalence est stable dans la population (chiffres). Selon les données publiées par l’ATIH, le
nombre d’interventions réalisées annuellement pour des abcès de la marge anale est
d’environ 15000 cas. L’origine proctologique est la plus fréquente, la fistule anale venant au
premier rang. L’origine cryptogénique de la fistule est la première cause ; les maladies
inflammatoires chroniques doivent néanmoins être évoquées principalement dans les
populations eurasiennes. Les autres diagnostiques sont la bartholinite chez la femme ; les
infections de glandes sous-cutanées (kystes sébacés et furoncles) par ailleurs.
Le diagnostic d’abcès péri-anal pose en général peu de problèmes. L’examen clinique
suffit dans la majorité des cas à identifier l’abcès. La présence d’une tuméfaction
douloureuse et de tonalité inflammatoire fait évoquer le diagnostic. Dans les cas d’abcès
intra-muraux du rectum, le diagnostic peut être plus difficile. En général, le cortège
inflammatoire est présent avec une douleur péri-anale insomniante et fébrile, mais on ne
retrouve en général pas de tuméfaction péri-anale. Dans cette situation, l’examen
proctologique est en général douloureux voire impossible à faire. Il faut alors évoquer le
diagnostic et avoir recours à l’examen sous anesthésie systématique : il existe peu de
diagnostics différentiels !
Quelque-soit l’origine de la suppuration péri-anale, l’urgence est au drainage et la mise
à plat de l’abcès. En effet, le risque évolutif vers une cellulite extensive et une gangrène
périnéale est toujours à craindre. Pourtant, cette complication est rare. C’est principalement
sa gravité et sa mortalité qui incite à la prudence. Parmi les facteurs favorisant la survenue
d’une cellulite extensive, l’immuno-dépression et les traitements anti-inflammatoires sont à
incriminer. Il existe par ailleurs un facteur de susceptibilité individuelle mis qui n’est pas
actuellement suffisamment individualisé pour que l’on puisse définir des facteurs prédicitifs.
La conduite à tenir doit donc être identique chez tous les patients pris en charge en urgence.
Une incision péri-anale en regard de la tuméfaction est alors la règle. Cette incision doit être
large pour un drainage efficace ; Elle doit éviter d’être radiaire pour ne pas léser le sphincter
(figure). Elle doit permettre une évacuation complète de la cavité d’abcès. Il n’est pas
nécessaire de faire de résection cutanée en dehors de la cellulite extensive. Le drainage par
une mèche est en général suffisant. Ces mèches ne doivent pas être tassées dans la cavité
abcédée, cela rend les soins douloureux et s’avère inutile. Plusieurs publications récentes
remettent en cause le méchage postopératoire. Dans les formes très volumineuses et
étendues, la mise en place d’un drainage par lame est possible ; Une contre-incision est en
général effectuée pour optimiser ce drainage. Dans ce cas, la lame est laissée en place 48h
à 72h, puis remplacée par des mèches. Dans ces situations particulières, les pansements
sous anesthésies sont plus confortables.
La recherche du trajet fistuleux est une règle qu’il faut savoir observer, mais sans être
délétère. Dans 80% des cas, cette recherche est fructueuse et met en évidence le trajet
entre l’orifice primaire et la zone d’incision péri-anale. Classiquement, l’orifice primaire est
direct en regard de l’abcès sur l’hémi-circonférence antérieure de l’anus. Si l’abcès survient
sur l’hémi-circonférence postérieure de l’anus, l’orifice primaire est situé dans la majorité des
cas à 6h. L’exploration au stylet à bout mousse est le meilleur moyen d’explorer le trajet. En
cas d’orifice primaire visible au niveau des glandes cryptiques, il faut d’abord tenter de le
cathétériser de dedans en dehors en reprenant le trajet dans la direction de son apparition.
On limite alors au mieux le risque de faux trajet. Lorsque l’orifice interne n’est pas repéré,
une injection par l’orifice externe peut aider au repérage (bleu, bétadine, eau oxygénée). Si à
ce stade la recherche reste infructueuse, le stylet introduit par l’incision à la recherche de
l’orifice primaire peut être effectuée prudemment.
Lorsque l’orifice primaire est repéré, la règle est la mise en place d’une anse élastique
souple qui sera maintenue en place le temps de la cicatrisation de l’abcès. Une fois la fistule
filiforme autour de l’élastique, le traitement étiologique de la fistule peut être entrepris
(fistulotomie en cas de trajet sous sphinctérien ou trans-sphinctérien bas). La littérature
récente, en particulier la revue systématique de la Cochrane library évoque la possibilité de
réaliser dans le même temps le traitement de l’abcès et celui de la fistule. C’est
probablement une option satisfaisante qui permet de gagner du temps, mais chez des
patients bien sélectionnés : Trajet sous sphinctérien / trans-sphinctérien bas… Ce qui n’est
pas toujours facile à apprécier. Il ne peut toutefois jamais être reproché au chirurgien de
laisser dans le doute une anse élastique souple.
Cas particulier : L’abcès intra-mural du rectum : Lorsque la fistule ne traverse pas
l’appareil sphinctérien pour glisser et se développer dans l’espace périanal, il peut se
développer dans la paroi rectale, ce qui masque les signes cliniques à l’inspection. Dans ces
conditions, on considère que la survenue d’une douleur anale de tonalité inflammatoire,
insomniante, justifie d’une exploration sous anesthésie générale pour rechercher un abcès
intramural. Bien souvent, le toucher rectal est infaisable chez le patient vigile. Le traitement
de cette forme particulière d’abcès est la mise à plat par voie endo-canalaire. Elle est très
efficace.
A terme, la fistule anale est une pathologie fréquente peu pourvoyeuse de séquelles.
Le délai entre le diagnostic et la guérison définitive peut être long, le patient doit bien être
prévenu de ces séquences.
Références :
1. Quah HM, Tang CL, Eu KW et al. Meta-analysis of randomized clinical trials
comparing drainage alone vs primary sphincter-cutting procédures for anorectal
abscess-fistula. 2006. Int J Colorectal Dis. 21(6) :602-9
2. Langenbecks Arch Surg. 2014 Jul 23. [Epub ahead of print]
3. Perera AP1, Howell AM, Sodergren MH, Farne H, Darzi A, Purkayastha S, Paraskeva
P A pilot randomised controlled trial evaluating postoperative packing of the perianal
abscess Langenbecks Arch Surg. 2014 Jul 23.
4. Malik AI1, Nelson RL, Tou S Incision and drainage of perianal abscess with or without
treatment of anal fistula Cochrane Database Syst Rev. 2010 Jul 7 ;(7):CD006827. doi:
10.1002/14651858.CD006827
TRAUMATISME ANO-PERINEAUX : PRISE EN CHARGE EN URGENCE, LES
BONS REFLEXES
Léon MAGGIORI
Chirurgie Colorectale, Hôpital Beaujon – AP-HP – Université Paris 7
La traumatologie ano-rectale comprend en fait de multiples étiologies, incluant
les plaies de guerre, de prise en charge très spécifiques, et les traumatismes
« civils », qui feront l’objet de cette présentation.
En urgence, la stratégie de prise en charge doit s’inscrire dans le contexte
étiologique. En cas de polytraumatisé grave, elle passe bien sûr après la réalisation
d’un geste chirurgical hémostatique ou d’un drainage d’un pneumothorax, pouvant
compromettre la survie à court terme. La première étape consiste à rechercher
systématiquement des lésions associées, en particulier fracture osseuse du bassin et
lésions uréthro-génitales.
Le bilan complet des lésions ano-recto-périnéales ne se conçoit qu’au cours
d’une exploration sous anesthésie générale. En pré-opératoire, le patient doit être
prévenu de la possibilité de réalisation d’une stomie de dérivation. Le premier temps
de cette exploration va comporter un toucher rectal, qui va permettre d’évaluer
l’intégrité du sphincter anal et d’extraire d’éventuels corps étrangers. La rectoscopie
per-opératoire doit être d’indication très large et va permettre de rechercher une
plaire rectale dont le diagnostic peut être délicat au simple toucher rectal. Le bilan
des lésions rectales est idéalement décrit à l’aide du Rectal Injury Scaling System
(RISS), score prenant en compte le niveau de pénétration de la plaie et la qualité de
la vascularisation rectale 1.
Les auteurs anglo-saxons proposent une stratégie de prise en charge des
plaies ano-rectales selon un protocole des « 4D » : suture immédiate (Direct repair),
lavage rectal (Distal washout), drainage pré-sacré (Drainage), et colostomie de
dérivation (Divertion) 1. Ainsi, la prise en charge va comporter une réparation
immédiate des plaies observées, y compris des lésions sphinctériennes, puisqu’une
telle réparation augmente les chances de récupération de la fonction ano-rectale à
long terme 2, 3. La plupart des équipes y associent le plus souvent la confection d’une
colostomie latérale de dérivation, qui peut être réalisée par voie laparoscopique 4, en
particulier en cas de plaie rectale transfixiante (stade RISS 2 à 4). Par contre, la
réalisation systématique d’un drainage de l’espace pré-sacré 5 et/ou d’un lavage
rectal
6
reste très controversée dans la littérature récente. En cas de perte de
substance et de délabrement importante, la mise en place d’un système de
pansement aspiratif type VAC peut être proposée, mais peu de résultats factuels ont
été rapportés dans la littérature. Enfin, la plupart des séries s’accordent sur l’intérêt
d’une antibiothérapie large spectre en postopératoire 7.
REFERENCES:
1.
Cleary RK, Pomerantz RA, Lampman RM. Colon and rectal injuries. Dis
Colon Rectum 2006; 49: 1203-1222.
2.
Marti MC, Morel P, Rohner A. Traumatic lesions of the rectum. Int J
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3.
Steele SR, Maykel JA, Johnson EK. Traumatic injury of the colon and
rectum: the evidence vs dogma. Dis Colon Rectum 2011; 54: 1184-1201.
4.
Navsaria PH, Shaw JM, Zellweger R, Nicol AJ, Kahn D. Diagnostic
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extraperitoneal rectal gunshot injuries. Br J Surg 2004; 91: 460-464.
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Navsaria PH, Edu S, Nicol AJ. Civilian extraperitoneal rectal gunshot
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6.
Gonzalez RP, Falimirski ME, Holevar MR. The role of presacral
drainage in the management of penetrating rectal injuries. J Trauma 1998; 45: 656661.
7.
Luchette FA, Borzotta AP, Croce MA, O'Neill PA, Whittmann DH,
Mullins CD, et al. Practice management guidelines for prophylactic antibiotic use in
penetrating abdominal trauma: the EAST Practice Management Guidelines Work
Group. J Trauma 2000; 48: 508-518.
SUPPURATION PERINEALE EXTENSIVE : PRISE EN CHARGE EN URGENCE
ET RESULTATS A LONG TERME
La cellulite pelvi-périnéale ou gangrène de Fournier
Emilie DUCHALAIS
Clinique de chirurgie digestive et endocrinienne, CHU Hôtel-Dieu
[email protected]
La cellulite pelvi-périnéale (CPP), également connue sous le nom de gangrène de
Fournier, est définie comme une infection nécrosante du tissu sous-cutanée de la région
pelvi-périnéale évoluant rapidement vers la fasciite nécrosante. En l’absence de traitement,
l’extension rapide de l’infection le long des fascias périnéaux conduit rapidement à un état de
défaillance multiviscérale. Ainsi, le pronostic vital de la CPP est particulièrement péjoratif
dans les premiers jours d’évolution de la maladie avec un taux de mortalité de l’ordre de 1520%. L’enjeu de la prise en charge des CPP est donc de diagnostiquer et d’instaurer les
mesures thérapeutiques le plus rapidement possible. Le traitement initial repose sur la
combinaison d’une antibiothérapie probabiliste et de l’excision de la totalité des zones
nécrotiques, le plus souvent associés à des soins de réanimation. Lorsque l’évolution initiale
est favorable, la cicatrisation+/-reconstruction périnéale nécessite le plus souvent des
interventions chirurgicales itératives et une hospitalisation prolongée.
Un terrain de survenue particulier
La gangrène périnéale telle que l’avait décrite Fournier en 1883 était de début brutal
chez des hommes jeunes en bonne santé et sans étiologie identifiée. Aujourd’hui, une
origine cutanée digestive ou urogénitale est retrouvée dans 24%, 21% et 19%
respectivement (1). Les femmes sont également concernées par la CPP dans 10-20% des
cas (1-3). De plus, l’éthylisme chronique, le diabète et l’obésité sont des comorbidités
significativement plus fréquentes chez les patients atteints de CPP que dans la population
générale (4).
Un délai au diagnostic le plus court possible
Le diagnostic de CPP est purement clinique. L’inspection du périnée permet d’observer
des lésions de nécrose cutanée douloureuses plus ou moins associées à un écoulement
purulent. L’interrogatoire permet le plus souvent de retrouver une porte d’entrée infectieuse
locale. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire au diagnostic de CPP. En cas de
doute sur une origine intra-abdominale, une tomodensitométrie abdomino-pelvienne pourra
néanmoins être réalisée sans retarder la prise en charge thérapeutique. L’évaluation initiale
doit impérativement prendre en compte le retentissement général de la CPP. La présence
d’un sepsis sévère et de signes de défaillance viscérale conditionne les soins de réanimation
à mettre en œuvre.
Une prise en charge thérapeutique initiale sans délai
Le taux de mortalité initial de la CPP est élevé de l’ordre de 15 à 20% (1-3) dans les
études la plus récentes. Un retard dans la prise en charge thérapeutique initiale a clairement
été démontré comme facteur de risque de mortalité dans la CPP (2). Ainsi, les soins de
réanimation, le début de l’antibiothérapie et le traitement chirurgical doivent être mis en
œuvre le plus précocement possible après l’admission du patient. L’antibiothérapie est
débutée dès le diagnostic posé et parallèlement aux mesures de réanimation. Attendre les
prélèvements bactériologiques per-opératoires pour débuter l’antibiothérapie augmente le
risque de mortalité. L’infection étant polymicrobienne dans 80% des cas et incluant des
germes anaérobies dans 15% des cas, l’antibiothérapie doit être initialement à large spectre
puis
secondairement
adapté
aux
résultats
des
prélèvements
(Hémocultures, ECBU et prélèvements peropératoires) (3).
bactériologiques
Une trithérapie de type
céphalosporine de 3ème génération + métronidazole + aminoside ou une bithérapie de
type fluoroquinolone + aminoside en cas d’allergie à la pénicilline est le plus souvent
proposée (5).
La prise en charge chirurgicale vise dans un premier temps à faire le bilan des lésions
et à réaliser des prélèvements bactériologiques (collections purulentes, nécrose cutanée). Le
toucher rectal et l’anuscopie recherchent une porte d’entrée ano-rectale. Des incisions larges
permettent ensuite d’évacuer les débris tissulaires puis de débrider et exciser la totalité du
tissu cutané, sous-cutané et des fascias nécrosés jusqu’à obtenir des berges saines. A la fin
de la résection, des photos des plaies sont très utiles pour apprécier
l’évolution de la
maladie et de la cicatrisation dans la suite de la prise en charge. Les plaies sont ensuite
recouvertes de pansements à base d’alginate de calcium (6).
Une colostomie de décharge par voie laparoscopique chez des patients
sélectionnés
La réalisation d’une colostomie de décharge ne doit pas être systématique. Elle n’a pas
démontré de bénéfice en termes de mortalité (7) et comporte une morbidité propre, en
particulier chez des patients plus souvent obèses. Elle doit donc être réservée à des patients
sélectionnés à risque de diffusion septique rapide par la contamination des plaies par les
selles (étiologie ano-rectale ou nécrose étendue à proximité de la marge anale). L’indication
de la colostomie est un point critique de la discussion avec les réanimateurs ; en cas de
doute sur la nécessité d’une colostomie, sa réalisation différée à 48h lors du premier
pansement est une option rapportée. Cette attitude se justifie par le fait que l’état général du
patient est souvent plus stabilisé, que la régression de l’œdème local permet de mieux
évaluer les lésions et que les premières selles surviennent après les 48 premières heures
d’hospitalisation en soins intensifs chez 90% des patients (7).
La voie d’abord laparoscopique permet de réduire la morbidité propre de la colostomie
de décharge.
Pas d’indication à une oxygénothérapie hyperbare
Les données de la littérature récente ne permettent pas aujourd’hui de considérer
l’oxygénothérapie hyperbare comme un traitement efficace dans la CPP. En effet, elle n’a
pas démontré de bénéfice en termes de mortalité mais présente un surcoût non négligeable
de l’ordre de 20% (8).
Après la prise en charge initiale, une hospitalisation longue et une qualité de vie
altérée
Après la première étape chirurgicale, si l’évolution est favorable, des pansements
itératifs sont réalisés toutes les 48 heures à 72 heures au bloc opératoire initialement puis au
lit du patient. Lorsque les lésions sont stables, les plaies propres, des pansements aspiratifs
peuvent être mis en place, accélérant le bourgeonnement des plaies (9). Des gestes de
reconstruction sont souvent nécessaires incluant des greffes cutanées ou des mobilisations
de lambeaux musculo-cutanés réalisés par des chirurgiens plasticiens. Le nombre
d’interventions chirurgicales après CPP varie entre 4 et 8 selon les études. La durée
d’hospitalisation varie de 28 à 300 jours dans les études où elle est rapportée.
Les différentes interventions chirurgicales pratiquées au cours du traitement de la CPP
ont un taux de morbidité élevé à long terme. Les patients rapportent notamment des
difficultés à s’assoir ou à marcher, un inconfort périnéal, des douleurs pendant les rapports
sexuels et une altération de l’image corporelle. Une détérioration des fonctions sexuelles
étaient également rapportées par 65% des patients dans une étude rétrospective récente
(3). Globalement la qualité de vie des patients atteints de CPP étaient significativement
inférieure à la population générale à long terme.
Conclusion
La CPP est une pathologie rare dont le pronostic vital est engagé dans les premiers
jours d’évolution. La précocité du traitement est le seul facteur pronostique sur lequel
l’équipe soignante peut avoir une influence. En cas d’évolution favorable, les interventions
chirurgicales itératives, l’hospitalisation de longue durée et les séquelles physiques à long
terme peuvent altérer la qualité de vie des patients à long terme. Le suivi médical et
psychologique doit donc être poursuivi après l’hospitalisation initiale.
Rérérences
1- Eke N. Fournier's gangrene: a review of 1726 cases. Br J Surg. 2000;87(6):718-28.
2- Sugihara T, Yasunaga H, Horiguchi H et al. Impact of surgical intervention timing
on the case fatality rate for Fournier's gangrene: an analysis of 379 cases. BJU Int 2012;
110(11 Pt C):E1096-100.
3- Czymek R, Kujath P, Bruch HP et al. Treatment, outcome and quality of life after
Fournier's gangrene: a multicentre study. Colorectal Dis 2013; 15(12):1529-36.
4- Sorensen MD, Krieger JN, Rivara FP et al. Fournier's Gangrene: population based
epidemiology and outcomes. J Urol 2009; 181(5):2120-6.
5- Veber B, Martin C, Montravers P, et al. Antibiothérapie probabiliste des états
septiques graves. Conférence d’expert SFAR 2004 modifiée 2013.
http://www.sfar.org/article/87/antibiotherapie-probabiliste-des-etats-septiques-graves-ce2004.
6- Arvieux C et Reche F. Traitement chirurgical des gangrènes du périnée. EMC
(Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Appareil digestif, 40-695,2011.
7- Ozturk E, Sonmez Y, Yilmazlar T. What are the indications for a stoma in
Fournier's gangrene? Colorectal Dis 2011; 13(9):1044-7.
8- Mindrup SR, Kealey GP, Fallon B. Hyperbaric oxygen for the treatment of fournier's
gangrene. J Urol 2005; 173(6):1975-7.
9- Czymek R, Schmidt A, Eckmann C et al. Fournier's gangrene: vacuum-assisted
closure versus conventional dressings. Am J Surg 2009; 197(2):168-76.
NOTES
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