P001-022-9782100544912.fm Page 2 Mercredi, 19. mai 2010 1:47 13 La diversité du vivant CHAPITRE 1 Introduction Plan 1.1 La phylogénie : concepts, outils et méthodes 1.2 La classification du vivant 1.1 La diversité du vivant est une expérience quotidienne qui s’observe à plusieurs échelles : celle des écosystèmes (depuis les pôles jusqu’à l’équateur et du cœur des continents aux océans), celle des espèces : on a décrit quelques 1,7 million d’espèces sur le globe mais l’inventaire est incomplet et les évaluations donnent des estimations de plusieurs millions (voire dizaine de millions). Enfin à l’intérieur même d’une espèce, la diversité des allèles est grande : il existe quelques 2 000 variétés de pommes par exemple ! Dans le programme de cours et de travaux pratiques de 1re et 2e année, divers exemples d’organismes ont été étudiés. L’objectif de ce chapitre d’étudier les parentés entre organismes vivants grâce à une classification phylogénétique c’est-à-dire une classification qui montre les liens de parenté entre les taxons (un taxon est un groupe d’êtres vivants qui possède un ancêtre commun exclusif donc un groupe qualifié de monophylétique). • Quels sont les critères de la classification phylogénétique du vivant ? Nous verrons d’abord les aspects théoriques de la classification phylogénétique, puis quels sont les critères utilisables en phylogénie et comment ils sont utilisés. Les connaissances acquises en cours et TP (BCPST1 et BCPST2) seront ensuite utilisées pour proposer un aperçu de la classification du vivant montrant ainsi les parentés à établir entre les êtres vivants. LA PHYLOGÉNIE : CONCEPTS, MÉTHODES ET OUTILS 1.1.1 La notion d’espèce, support de l’étude de la diversité a) Classer le vivant Dès le plus jeune âge, nous apprenons à distinguer un chat d’un chien ou d’un renard. Nous appelons chien, des individus très différents en taille, couleur de pelage alors même que nous donnons un autre nom, renard, à des individus proches. La notion d’espèce est donc, à l’origine, une notion intuitive. Depuis Carl von Linné (1707-1778), les scientifiques nomment les individus d’une même espèce par un nom de genre suivi d’un nom d’espèce : c’est la nomenclature binominale. Elle utilise le Latin, langue parlée au XVIe siècle dans les pays européens et qui représentait la langue commune pour les scientifiques. Ainsi le chien est désigné par Canis familiaris, le renard par Vulpes vulpes et le hêtre est nommé Fagus sylvatica. Les espèces ont été rangées depuis cette époque dans sept niveaux hiérarchiques : règne, embranchement, classe, ordre, famille, genre et espèce (figure 1.1) que l’on appelle rangs formels. Dans le programme, des exemples sont vus en TP : l’embranchement des mollusques avec les classes des lamellibranches (moule) et des gastéropodes (escargot), l’embranchement des arthropodes avec les classes des insectes (criquet) et des crustacés (écrevisse), embranchement des vertébrés avec les classes de mammifères (souris) et d’amphibiens (grenouille), l’embranchement des annélides, des plathelminthes et des némathelminthes. Chez les végétaux, on n’utilise pas le niveau de l’embranchement : en TP sont vues les classes des angiospermes, des pinophytes, des filicinées, des bryophytes. 2 P001-022-9782100544912.fm Page 3 Lundi, 31. mai 2010 9:30 09 CHAPITRE Règne Animal Embranchement Vertébrés Classe Mammifères Ordre Primates Famille Hominidés Genre et Espèce Homo sapiens 1 Figure 1.1 Les rangs formels. Ainsi L’espèce humaine fait partie du règne animal, de l’embranchement des vertébrés, de la classe des mammifères, de l’ordre des primates, de la famille des hominidés et est nommée Homo sapiens (genre et espèce). Depuis la mise au point de la classification phylogénétique (1950), cette hiérarchie est encore utilisée par tradition mais elle a perdu de son intérêt car elle est trop rigide. C’est la proximité dans l’arbre phylogénétique, comme on va le voir, qui indique l’apparentement et les nœuds renseignent sur la hiérarchie. © Dunod – La photocopie non autorisée est un délit. b) Reconnaître l’appartenance à une espèce Voir TP9, « Les filicophytes » Une espèce regroupe sous le même nom un ensemble monophylétique d’individus qui, dans leur milieu naturel non perturbé, se reconnaissent comme partenaires sexuels et donnent une descendance féconde (G. Lecointre). Pour que deux populations soient de la même espèce, il ne suffit pas qu’elles se ressemblent : les variations morphologiques peuvent être importantes au sein d’une même espèce (voir l’exemple du chien) et au contraire faible entre deux espèces. Les populations doivent en plus être capables de se reproduire entre elles pour donner une descendance fertile : c’est le critère d’interfécondité. Mais deux autres critères apparaissent dans la définition ci-dessus : • d’abord le milieu de vie car toute perturbation peut entraîner des changements d’habitudes, de comportements qui peuvent être à l’origine de croisements entre espèces ; • ensuite le temps : les individus de la même espèce ont un ancêtre commun (« ensemble monophylétique » de la définition) dont elles peuvent déjà légèrement différer. Si la notion d’espèce paraît intuitivement simple, on voit que dans l’application elle est plus délicate (encart 1.1), en particulier chez les végétaux. Ainsi, chez les filicophytes, il existe de nombreux exemples d’hybridations interspécifiques associées éventuellement à des polyploïdisations ; le blé cultivé est un hexaploïde issu d’hybridation entre des ancêtres diploïdes. 3 P001-022-9782100544912.fm Page 4 Mercredi, 19. mai 2010 1:47 13 Chapitre 1 • La diversité du vivant ENCART 1.1 Les critères d’appartenance à une espèce et l’évolution des idées Voir « Le brassage génétique », chapitre 8 Les espèces ont d’abord été traditionnellement identifiées par rapport à un type morphologique que l’on pouvait trouver dans les muséums : si l’individu ressemblait suffisamment à ce type, il était de l’espèce. Cette approche de l’espèce est trop imprécise. Ernst Mayr a précisé le concept d’espèce, au milieu du XXe siècle, de la manière suivante : « groupes de populations naturelles interfécondes, isolées du point de vue reproductif des autres groupes équivalents ». Cette définition fait intervenir le critère de la reproduction et non plus la ressemblance. Deux populations sont de la même espèce si elles peuvent donner une descendance fertile. Comme la reproduction sexuée entraîne un brassage génétique, l’espèce apparaît ainsi comme un pool génétique au sein duquel s’établissent des flux géniques. Des mécanismes d’isolement empêchent la procréation entre populations d’espèces distinctes. Il existe des exceptions comme la mule, issue du croisement entre un âne et une jument, mais elles sont stériles. Chez les végétaux, les barrières interspécifiques sont parfois plus fragiles et les hybrides ne sont pas rares. En 1963, Ernst Mayr a rajouté à sa définition « et occupant une même niche écologique ». La niche écologique correspond à la manière dont les individus occupent leur milieu de vie. Le critère de séparation par la reproduction ne tient vraiment que si les milieux ne sont pas perturbés. En effet, dans le cas d’espèces très proches entre elles, séparées depuis peu, des croisements peuvent encore se produire lorsque le milieu est perturbé. Par exemple, le rotengle (Scardinius erythrophthalmus), le gardon (Rutilus rutilus), le chevaine (Leuciscus cephalus) et le toxostome (Chondrostoma toxostoma) sont des cyprinidés européens appartenant à des genres différents qui ne se croisent pas en condition normale. Lorsque le milieu est perturbé, par exemple dans des cas de baisse exceptionnelle du niveau des eaux des rivières, ils sont obligés de frayer aux mêmes endroits et donnent une descendance hybride fertile. Ainsi, l’intégrité des milieux naturels participe de fait aux critères de reconnaissance de l’espèce. Pour englober plusieurs générations et donc passer d’une vision instantanée de l’espèce à une vision dans le temps, l’espèce peut être reconnue comme l’ensemble des organismes appartenant à une lignée phylogénétique définie par une combinaison unique d’états de caractères. Il s’agit donc d’un ensemble monophylétique. c) Évaluer la biodiversité Le terme de biodiversité est une contraction de diversité biologique. Il a été créé en 1986 et fait référence à la variété du monde vivant. Pour les mammifères et les oiseaux, l’inventaire est précis. Mais pour tous les autres groupes, il ne s’agit que d’évaluation. Les sytématiciens décrivent environ 15 000 espèces nouvelles par an (dont 62 % d’Insectes) (figure 1.2) mais dans le même temps de nombreuses espèces disparaissent. 1.1.2 Organiser la diversité du vivant La diversité constatée masque les relations de parentés entre les êtres vivants. Pour rechercher celles-ci, l’étude des êtres vivants de l’échelle anatomique à l’échelle moléculaire est nécessaire. a) Comparer les plans d’organisation Chez les Métazoaires, la disposition des principaux organes et appareils les uns par rapport aux autres constitue le plan d’organisation. L’étude comparative des plans fournit de nombreux critères pour la systématique. Par exemple, si l’on compare la souris et l’écrevisse, toutes les deux vues en travaux pratiques, les différences semblent importantes : • d’abord le squelette est interne (endosquelette) chez la souris alors qu’il est externe (exosquelette) chez l’écrevisse ; • la souris présente quatre membres chiridiens, l’écrevisse une paire d’appendices par métamères ; • cette métamérie est bien visible au niveau de l’abdomen de l’écrevisse ; chez la souris, la métamérie n’est décelable qu’au niveau de la colonne vertébrale (vertèbres et muscles associés) ; 4