Jan Tuerlinckx dans TRENDS/TENDANCES

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Ils sont grands et je suis petit
À l’international, la pression sur la concurrence fiscale dommageable est exercée à une allure effrénée.
L’Europe a préparé une proposition de directive, la directive anti-BEPS, qui encourage les pays à modifier
leur législation, afin de faire en sorte que les entreprises paient la part équitable d’impôt des sociétés.
L’Europe a des critiques sur les régimes fiscaux locaux. En Belgique, par exemple, la déduction d’intérêt
notionnel, les excess profit rulings et le système de brevets sont sous pression. Faisons en sorte qu’ils
soient les chevaux de parade fiscaux avec lesquels notre pays se positionne sur la carte des investisseurs.
Vous rappelez-vous encore de la campagne promotionnelle Invest in Belgium - increase your profits
organisée à cet effet ? Ceux qui se distinguent des autres se démarquent. C’est ainsi que chaque pays a un
argument de vente qui lui est propre.
L’Europe semble de moins en moins favorable à cette idée. Elle ne pense qu’à la lutte entre les entreprises
qui pratiquent le country shopping pour échapper à leurs obligations fiscales. Bien que ce soit
généralement fait en toute légalité, ce type de management ne peut pas compter sur une grande
compréhension en période de crise économique. C’est la raison pour laquelle l’Europe souhaite que tous
les pays aillent dans le même sens. Elle plaide pour une assiette commune consolidée pour l’impôt des
sociétés, dans laquelle il n’y a plus de place pour les régimes préférentiels locaux, comme une déduction
d’intérêt notionnel.
La question se pose de savoir si cela ne porte pas le coup de grâce aux plus petites économies dans
lesquelles les régimes fiscaux préférentiels font partie de la politique économique. Ne vous méprenez pas.
La coordination internationale est nécessaire dans le combat justifié contre la fraude fiscale internationale.
À cet égard, des efforts sont attendus tant des pouvoirs publics que des entreprises. Mais le zèle pour la
transparence fiscale et l’échange international de données n’a rien à voir avec le zèle pour une fiscalité
européenne des revenus. Cette idée est un poison insidieux capable d’affecter lourdement les économies
locales des petits pays.
Les mesures fiscales que l’Europe dénonce ont, en leur temps, été prises de manière mûrement réfléchie.
Certains parlent des concepts de fiscalité de lobbies et de piraterie fiscale. C’est faux. On peut invoquer que
les autorités ont misé sur la force de l’économie locale. La taxe sur le carat en est un bon exemple. Aucun
autre pays européen ne compte autant de diamantaires que le nôtre. Contrairement aux pays du bloc de
l’est, la Belgique n’a pas de main-d’œuvre bon marché, il convient donc de chercher d’autres moyens pour
stimuler la création d’emploi ou tout au moins maintenir le niveau d’emploi.
« Si l’Europe se mêle de la fiscalité, il ne restera pas grand-chose de la politique économique locale »
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Si l’Europe vise l’uniformité dans l’assiette imposable, les pays ne peuvent que se profiler de manière plus
attrayante en se tournant vers une baisse de l’impôt des sociétés. Le ministre des Finances a déjà indiqué
vouloir passer à un système dual dans l’impôt des sociétés, avec un tarif de 33,99 pour cent et des
déductions correspondantes, et une espèce d’impôt forfaitaire de 20 à 22 pour cent. Le nivellement par le
bas a débuté.
Il convient toutefois de prendre de telles propositions avec précaution. One size doesn’t fit all. La Belgique
doit se battre pour le maintien de son régime fiscal et son économie. Comme le disait Calimero : « Ils sont
grands et je suis petit, c’est vraiment trop injuste ! ». C’est pourquoi il faut cultiver ce que l’Europe
reproche à la Belgique : sa particularité. Nous avons déjà perdu la politique monétaire, confiée à la Banque
centrale européenne. Si l’Europe se mêle à présent de la fiscalité, il ne restera pas grand-chose de la
politique économique locale. Non, la proposition du ministre peut tout au plus être un bon plan B.
L’Europe ferait mieux de se plonger dans les livres de John Nash, mathématicien et lauréat du Prix Nobel. Il
a écrit sur le jeu à somme nulle, un jeu qui se joue à deux ou plus, où le nombre de points que le gagnant
obtient est égal au nombre de points que les autres joueurs perdent. Un tel scénario est idéal dans bien des
cas, mais par exemple pas lorsqu’il s’agit de croissance économique. John Nash estimait que l’on peut
éliminer cet effet dans l’économie parce que chaque personne agit selon ses propres intérêts, mais aussi
selon l’intérêt du groupe. Cela devrait donner plus de gagnants et moins de perdants. Alors, réfléchissons
de manière critique à la manière dont un compromis peut être atteint à l’international, sans que la Belgique
ne doive trop céder sur son régime fiscal. Car plus on est soi-même, moins on est comme les autres. Et cela
profite à tout le monde.
Jan Tuerlinckx
L’auteur est avocat associé chez Tuerlinckx Avocats Fiscalistes.
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