ECOLE NATIONALE VETERINAIRE DE LYON Année 2005 - Thèse n° …… LES DYSFONCTIONNEMENTS DIASTOLIQUES DU CHIEN ET DU CHAT THESE Présentée à l’université CLAUDE-BERNARD - LYON I (Médecine - Pharmacie) Et soutenue publiquement le 14 Octobre 2005 Pour obtenir le grade de Docteur Vétérinaire par GALLAY Julie Née le 16 avril 1981 Au Chesnay (Yvelines) 1 2 A Monsieur le Professeur Gilbert Kirkorian, De la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Lyon, Qui nous a fait l’honneur d’accepter la présidence de notre jury de thèse, Hommages respectueux. A Monsieur le Professeur Jean-Luc Cadoré, De l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, Qui fut à l’origine de notre travail, Pour son aide, sa gentillesse et sa grande simplicité, Pour l’intérêt qu’il porte à chacun d’entre nous, En témoignage de notre plus profond respect, Sincères remerciements. A Madame le Docteur Jeanne-Marie Bonnet, De l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, Pour avoir accepté de participer à notre jury de thèse, Sincères remerciements. A Madame le Docteur Isabelle Bublot, De l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, Qui nous a conseillé et guidé tout au long de la réalisation de ce travail, Pour sa disponibilité et son extrême gentillesse, En témoignage de notre reconnaissance pour son aide précieuse, Sincères remerciements. 3 A ma maman chérie, Pour avoir fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui (du moins pour la meilleure partie…), Parce que tu étais notre repère, le ciment, le fondement de notre petite famille, et que tu laisses derrière toi un vide si grand qu’il ne se comblera jamais, J’aurais tellement aimé que tu sois là pour partager avec moi ces moments-là, et surtout d’autres, encore plus importants, qui viendront, Tu me manques, Je t’aime. A Ben, mon Chouchou, mon meilleur ami, Pour tout ce que tu m’apportes dans notre quotidien, Parce tu m’obliges chaque jour à me dépasser, à progresser… Et pas seulement en ski et en anglais… Pour m’avoir fait découvrir la Pologne et les Fiat Polski (je ne l’aurais jamais fait sans toi !!), Pour notre passé et notre possible (pas de panique !) avenir communs, Pour avoir été là… Pour m’aimer avec mes gros défauts et mes petites qualités, Tu me connais si bien que je n’ai pas besoin d’en dire plus… 4 A mon p’tit père, Pour ton soutien tout au long de ces longues, très (trop ?) longues études, que d’ailleurs je prolonge plus que de raison, Pour supporter, en patriarche, ta tribu de filles, Pour accepter d’héberger ma ménagerie quand le devoir (ou les vacances…) m’appelle ailleurs, Et en souvenir des jeux du samedi midi dans la cuisine de notre chère petite maison de la Boissière, qui nous ont fait découvrir la capitale du Turkménistan (que j’ai oubliée d’ailleurs), et surtout le plaisir d’apprendre… Mais pas pour le nez !! A Anne, ma grande grande sœur, trop longtemps perdue de vue, Pour avoir eu le courage de faire le premier pas, Pour avoir été là quand nous avons eu besoin de toi… Et pour tes deux petits bouts d’chou… Au bonheur de t’avoir retrouvée, et à notre avenir en famille… A Flo, ma grande sœur, Pour être passée avant moi, et m’avoir tracé le chemin tout au long de notre enfance, et même après d’ailleurs, quand tu me briefais sur les méandres de la prépa, au Pizza Del Arte du boulevard Saint-Michel… Bref, pour tous tes conseils avisés sur la vie… Et aussi pour avoir accepté de corriger l’orthographe de ce pavé sans même en comprendre le contenu, même si tu n’auras pas à le faire, car je n’aurai pas le temps de te l’envoyer !! A Céc, la petite, Pour nos Barbies du dimanche à 6h, ou nos jeux d’école le premier jour des vacances, puis nos disputes, parce que j’étais pas rapide dans la salle de bain et que toi, tu gargouillais le dentifrice de bon matin, pour tes pertes de téléphone, pour tes voyages pas toujours très bien organisés, pour t’être occupée de mon Babou quand il était pas propre… Pour toutes ces années de vie commune… Mais surtout pour ta force de caractère et ton franc parler qui te rendent parfois si chiante… mais si indispensable… A mon Grand-père et ma Grand-mère, Pour l’affection inconditionnelle que vous nous portez à toutes les trois, Pour votre douceur et votre gentillesse, Pour nous avoir donné une Maman si formidable, Malgré l’éloignement, et la rareté de mes appels téléphoniques, sachez combien vous comptez pour moi… 5 Pour ton énergie et ta bonne humeur à toute épreuve, A ma Mémé, Pour les reblochons, et autres victuailles, qui ont embaumé, embaument et continueront à embaumer nos valises, à nos départs de Menthon, Pour tous tes souvenirs, et tes conseils sur la vie, qui nous rapprochent de plus en plus, Parce que tu es, et que tu resteras encore longtemps j’espère, la joyeuse patronne de la famille Gallay ! A Danielle, Patrice, Guillaume et Steph, Virginie et Delphine, Pour m’avoir supportée et soutenue (presque) tous les week-ends de mes premières années à Lyon, malgré les allez-retours Cailloux-Marcy l’Etoile, les énormes sacs de linge et les déménagements sans carton… Aux plus grands chefs-d’oeuvre de la famille, A Tom-Tom et Juliette, Avec toute la tendresse de votre Tata Li. A Alain, Pour m’avoir mis le pied à l’étrier, Pour vos encouragements et vos conseils, et pour m’avoir fait partager votre longue expérience, Pour la confiance (aveugle ?) que vous m’avez accordée, En espérant que je saurai être à la hauteur de tout ce que vous m’avez transmis… A Mireille, Laetitia et Noémie, et toute ma grande « belle-famille », Pour votre gentillesse et votre accueil toujours si chaleureux, qui me font me sentir au milieu de vous comme dans ma propre famille. Et en souvenir de mon Pépé aussi… 6 A Yonyon, En souvenir de nos deux ans de vie commune au bord de la départementale CraponneGrézieu, où nous avons tant partagé (y compris la vie nocturne de notre cher voisin), Pour les rigolades autour d’un montage de table, les après-midi de révision pas toujours très productifs, tes amours tumultueuses, les soirées au resto en tête-à-tête, les blinis, le saumon et le champagne devant Urgences, et tout le reste, qui se vit mais ne se dit pas… Et puis aussi (et surtout) pour ta présence dans les moments moins drôles… Ta maman cui-cui veille sur toi, dis au bel hidalgo qu’il n’a qu’à bien se tenir !! A Margaux, Pour notre parcours commun, depuis ce cours de physique majaxueux, sous le ciel grisâtre de Paris, où tu m’as annoncé que pour toi aussi, ça serait Lyon, jusqu’aux soupentes surchauffées de Borély et aux angoisses téléphoniques de ces nuits de garde… Pour finalement en arriver là : à nouveau ensemble une année de plus, pour le meilleur et pour le pire ! Parce que tu es vraiment une fille formidable, qui a seulement besoin de prendre un peu confiance en elle… A Emilie, Pour nos soirées télé-confidences-bon vin-bonne bouffe, nos blanches nuits d’été et les lendemains au radar, Nostalgie à fond dans une 206 bleue qui flashe en chantant à tue-tête sur les routes varoises, … Pour tous ces moments si particuliers qu’on ne peut partager qu’entre morues (ou qu’entre amies peut être…) dignes de ce nom… A Nico, Pour ta joie de vivre à toute épreuve, ton courage, ta curiosité sur tout, et ce je-ne-sais-quoi qui fait toute ton originalité, Bref, pour tout ce qui fait de toi un de mes amis les plus chers… Surtout ne change rien (à part peut-être ton jean, quand il sera troué, et tes godasses, quand elles prendront l’eau) !! Pour les moments extraordinaires que j’ai vécu grâce à toi, A Eric, Parce que tu m’as fait découvrir qu’on pouvait faire d’excellentes pizzas à la maison, que les cigales ne vont pas me manger, et qu’il n’y a pas de serpents dans les plants de tomates (quoique, je ne suis pas encore convaincue…), Parce que, grâce à toi, je connais le moindre virage de l’autoroute entre Hyères et la Ciotat… Pour notre amitié si particulière… Parce que ça va pas faire mal (enfin là, à moi, peut-être un peu quand même)… A Kenny… Pour ton incroyable générosité, Si tu n’aimes pas trop te retrouver avec pleins de nouveaux gens, c’est très très dommage pour eux, car tu gagnes vraiment à être connue… 7 …et Soso, Pour ton sourire et cet accent qui sent bon la lavande… Ils enrobent une détermination et un caractère bien trempé, qui te permettront de vivre pleinement ta passion pour notre métier, sans jamais (s’il te plaît !) te laisser écraser par un air-bag… C’est un plaisir de partager cette année avec toi ! Et d’avance, à toutes les deux, toutes mes excuses pour les dégâts que causeront mes trois petits boulets dans notre jolie maison… A Amélie, Pour cette délicieuse ambiguité, toi qui allies si bien l’élégance citadine et la simplicité campagnarde… Pour le plaisir de discuter avec toi… de notre conception de la vie… et de l’amour ! Et pour le slip de Béton !!! A Laure, Parce que tu as été la seule personne capable de me faire courir une fois par semaine pendant plus d’une semaine, et aller à la gym to pendant plus de deux semaines… Pour m’avoir fait découvrir l’anecah et m’avoir offert mon Dadou (est-ce qu’il n’était pas prévu qu’ils le récupèrent après 18 mois, d’ailleurs ?...), Et parce que voici une excellente occasion de te dire toute mon affection. Parce que, même si t’as pas réclamé… tu m’fais bien marrer ! A Marc, Parce que les trois dernières années (et celles qui suivront) rattrapent largement les deux premières… Et puis bien sûr parce, comme tu le sais, je meurs d’envie de… A Jérôme, Parce que, là, je peux le dire : j’te kiffe, pour cet humour un peu décalé, et ce goût des choses raffinées, Pour tes jours sans, parfois, qui nous font apprécier d’autant plus les jours avec ! En espérant que l’avenir démentira mes tristes convictions sur l’amitié à distance… ou que je continuerai à te poursuivre dans tes aventures à travers la France ! A mon cavalier préféré (et non !, je suis pas la chouchoutte du prof !!), A Matthias, Pour ton incomparable gentillesse et pour avoir quand même essayé de réparer le robinet de la cuisine… Un-deux-troizéquatre-cinqésix ! 8 A tous les autres gens que j’apprécie beaucoup, à l’école, et en dehors, Mais je ne peux pas faire une thèse contenant uniquement des remerciements et il va quand même falloir passer à autre chose… Ne m’en veuillez pas ! : Virgine, Vanessa, Marylin, Rachel, Philippe, Moucham, Claire, Romain (mais seulement si tu es là ! ) & Isa, et puis tous ceux que j’oublie… A Néo, Ulys et Lulu, Parce que, même si tout le monde vous trouve pleins de défauts, je vous adore… Et pour finir, A tous les Bob qui ont croisé ma route et enchanté ma vie au cours de ces cinq années, les éponges, les bricoleurs,…et ceux qui sont myopes et qui n’aiment pas les chats !! 9 TABLE DES MATIERES LA FONCTION DIASTOLIQUE NORMALE ET SON EXPLORATION............................................. 18 1) a) b) 2) a) b) c) Physiologie de la diastole .............................................................................19 Définitions : diastole, fonction diastolique, relaxation et compliance.................................... 19 i) ii) Le déroulement normal de la diastole ................................................................. 19 La relaxation ventriculaire isovolumique .........................................................................................................20 Le remplissage du ventricule.........................................................................................................................20 Les méthodes d’exploration de la fonction diastolique ventriculaire .................................23 i) ii) iii) i) ii) i) ii) Les méthodes d’étude invasives ...................................................................... 23 Généralités .................................................................................................................................................23 L’exploration de la relaxation ventriculaire ......................................................................................................24 L’étude de la compliance ventriculaire............................................................................................................27 Les méthodes d’étude non invasives.................................................................. 29 L’angiocardiographie isotopique ....................................................................................................................29 L’intérêt de l’échocardiographie.....................................................................................................................31 Particularités et difficultés de l’exploration du ventricule droit .......................................... 58 Problématique liée a l’étude du ventricule droit ...............................................................................................58 Techniques utilisables..................................................................................................................................58 LA FONCTION DIASTOLIQUE PATHOLOGIQUE, LES CIBLES THERAPEUTIQUES .................... 60 1) a) b) c) d) e) Facteurs intrinsèques de la chambre ventriculaire déterminant la fonction diastolique .............62 i) ii) iii) i) ii) i) ii) iii) La qualité de la relaxation............................................................................. 62 Le déroulement de la relaxation à l’échelle moléculaire....................................................................................62 Conséquences physiopathologiques : les mécanismes altérant la relaxation à l’échelle moléculaire .....................67 Implications thérapeutiques ..........................................................................................................................71 Les propriétés élastiques passives du ventricule qui déterminent sa compliance....................... 72 Epaisseur de la paroi myocardique ................................................................................................................73 Composition du myocarde ............................................................................................................................73 Les propriétés visqueuses du ventricule............................................................... 80 L’aspiration diastolique ............................................................................... 81 Notion de forces de rappel élastique ..............................................................................................................82 Nouvelle approche : “le remplissage ventriculaire systolique” ...........................................................................83 Conséquences de l’altération de la fonction systolique sur le remplissage diastolique sur l’aspiration diastolique ...86 Le contrôle neuroendocrinien de la fonction diastolique ............................................... 86 i) L’intervention du système nerveux sympathique .............................................................................................86 ii) Le rôle du système rénine–angiotensine-aldostérone ......................................................................................89 iii) Les voies autocrine et paracrine de contrôle de la fonction diastolique : modulation du fonctionnement des cellules myocardiques par elles-mêmes et par les cellules endothéliales ..............................................................................................92 2) a) Facteurs extrinsèques au ventricule qui influencent la fonction diastolique.........................97 i) ii) Les conditions hémodynamiques ..................................................................... 97 Rôle de la précharge....................................................................................................................................97 Importance de la postcharge.........................................................................................................................98 10 b) c) d) e) 3) a) La compétence des valves cardiaques .............................................................. 100 i) ii) i) ii) Les propriétés du péricarde ......................................................................... 101 Propriétés structurales et fonctionnelles du péricarde normal .........................................................................101 Influence du péricarde sur la fonction diastolique ..........................................................................................103 L’interaction ventriculaire ........................................................................... 105 L’interaction directe entre les deux ventricules ..............................................................................................105 Interactions indirectes ................................................................................................................................107 Le rôle de l’atrium .................................................................................. 108 Les conséquences de l’altération de la fonction diastolique ....................................... 110 Installation d’une insuffisance cardiaque congestive................................................. 110 b) Notion d’insuffisance cardiaque diastolique ......................................................... 111 LES AFFECTIONS DU CHIEN ET DU CHAT DANS LESQUELLES LA FONCTION DIASTOLIQUE EST ALTEREE ......................................................................................................................... 113 1) a) b) c) 2) a) b) 3) a) b) Les affections myocardiques ........................................................................ 115 i) ii) i) ii) Les hypertrophies myocardiques.................................................................... 115 Myocardiopathie hypertrophique.................................................................................................................115 Les hypertrophies myocardiques secondaires à une surcharge barométrique ..................................................128 La myocardiopathie restrictive ...................................................................... 151 Les dilatations ventriculaires ........................................................................ 158 La myocardiopathie dilatée .........................................................................................................................159 Les dilatations ventriculaires lors de surcharge volumique..............................................................................169 Les affections péricardiques ........................................................................ 174 i) ii) iii) iv) v) vi) i) ii) iii) iv) v) vi) Les épanchements péricardiques ................................................................... 174 Définition, importance ................................................................................................................................174 Etiologie ...................................................................................................................................................174 Physiopathologie .......................................................................................................................................176 Expression clinique....................................................................................................................................177 Examens complémentaires.........................................................................................................................178 Traitement et pronostic...............................................................................................................................180 Les péricardites constrictives ....................................................................... 181 Définition, importance ................................................................................................................................181 Etiologie ...................................................................................................................................................181 Physiopathologie .......................................................................................................................................182 Manifestations cliniques .............................................................................................................................182 Examens complémentaires.........................................................................................................................183 Traitement et pronostic...............................................................................................................................184 Les affections valvulaires............................................................................ 185 i) ii) Sténoses atrio-ventriculaires ........................................................................ 185 La sténose mitrale .....................................................................................................................................185 La sténose tricuspidienne ...........................................................................................................................188 Insuffisances des valves artérielles ................................................................. 189 11 TABLE DES FIGURES Figure 1 : Variation de la pression et du volume ventriculaires gauches et des pressions atriale gauche et aortique au cours du cycle cardiaque. .......................................................22 Figure 2 : Variations de la pression aortique (PAO), de la pression ventriculaire gauche (PLV) et de la dérivée des variations de PLV (dP/dt) en fonction du temps. .........................................25 Figure 3 : Détermination de t1/2 ............................................................................................27 Figure 4 : courbe pression – volume du ventricule gauche. ..................................................28 Figure 5 : Détermination de la compliance (∆V/∆P) ou de l’élastance ventriculaire (∆P/∆V) à partir de la courbe pression-volume en diastole pour 2 ventricules présentant des caractéristiques différentes. .................................................................................................29 Figure 6 : Représentation schématique de l’aspect de la courbe des vitesses du flux sanguin transmitral............................................................................................................................32 Figure 7 : Enregistrement des vélocités du flux transmitral par Doppler pulsé. ....................32 Figure 8 : Détermination du temps de relaxation isovolumique............................................33 Figure 9 : Indices Doppler associés au remplissage ventriculaire protodiastolique et temps de relaxation isovolumique. ......................................................................................................34 Figure 10 : Diagramme récapitulatif des différents facteurs déterminants des indices associés à l’enregistrement Doppler du flux transmitral.......................................................36 Figure 11 : les différents « patterns » du flux transmitral rencontrés lors d’altération de la fonction diastolique..............................................................................................................41 Figure 12 : Différentes coupes échocardiographiques permettant de visualiser les veines pulmonaires caudales chez le chien. ....................................................................................42 Figure 13 : Représentation schématique des enregistrements Doppler normaux du flux transmitral et du flux veineux pulmonaire chez le chien. .....................................................44 Figure 14 : Patterns Doppler du flux transmitral et du flux veineux pulmonaire lors d’altération de la fonction diastolique. .................................................................................44 Figure 15 : Enregistrement des vitesses du flux transmitral par mode M couleur. ................47 Figure 16 : Mesure de la vitesse de propagation du flux Vp et du time delay (TD) sur l’enregistrement Doppler M-couleur du flux transmitral. .....................................................49 Figure 17 : Positionnement de l’axe de tir Doppler pour l’enregistrement du déplacement de la paroi libre du ventricule gauche selon son petit axe et pour l’enregistrement du déplacement longitudinal de l’anneau mitral latéral ou septal. .............................................51 Figure 18 : Enregistrement des vitesses de déplacement de l’anneau mitral en mode TDI....53 Figure 19 : Enregistrement simultané du flux sanguin transmitral par Doppler pulsé et du déplacement de l’anneau mitral par TDI. ..............................................................................54 Figure 20 : Enregistrements du flux transmitral par Doppler pulsé et du déplacement de l’anneau mitral au mode TDI lors d’altérations de la fonction diastolique. ...........................55 12 Figure 21 : Représentation schématique des étapes de l’interaction entre l’actine, la myosine et l’ATP au sein de la cellule musculaire. ..............................................................................63 Figure 22 : Les flux de calcium et leur régulation dans la cellule myocardique.....................65 Figure 23 : Représentation schématique de la pression en fonction du volume du ventricule gauche au cours du remplissage diastolique pour un cœur normal et un ventricule hypertrophié (LVH). ..............................................................................................................73 Figure 24 : Représentation schématique du sarcomère et des domaines des différents isoformes de la titine............................................................................................................75 Figure 25 : Représentation schématique de l’organisation de la matrice collagénique myocardique.........................................................................................................................77 Figure 26 : Représentation conceptuelle du muscle cardiaque. ............................................81 Figure 27 : Représentation schématique de la bande myocardique ventriculaire. .................83 Figure 28 : Fonctionnement de la boucle apicale de la bande myocardique avec ses deux segments, ascendant (as) et descendant (ds)........................................................................85 Figure 29 : Relation entre l’allongement et la tension appliquée sur du tissu péricardique isolé. ..................................................................................................................................101 Figure 30 : Relation pression - volume du péricarde chez un chien dans des conditions normales et après dilatation cardiaque chronique. .............................................................102 Figure 31 : Relation pression-volume du ventricule gauche en diastole pour différents niveaux de remplissage du ventricule droit chez le chien. ..................................................106 Figure 32 : Mode TM en coupe transventriculaire d’un chat atteint de MCH. ......................122 Figure 33 : Enregistrement Doppler du flux transmitral chez un chat atteint de MCH. .......124 Figure 34 : Coupe longitudinale obtenue par voie parasternale droite en mode 2D, chez un chien atteint de sténose sous-aortique. .............................................................................132 Figure 35 : Coupe 2D petit axe transventriculaire en diastole et en systole (chez un Boxer de 3 mois atteint de sténose sous-aortique. ...........................................................................132 Figure 36 : Coupe 2D petit axe transventriculaire et coupe TM transventriculaire chez un Labrador atteint de sténose pulmonaire. ............................................................................137 Figure 37 : Enregistrement Doppler du flux transmitral chez un chat atteint d’HTA avec décollement de rétine bilatéral. ..........................................................................................145 Figure 38 : Enregistrement Doppler du flux pulmonaire : aspect normal et lors d’élévation croissante de la pression artérielle pulmonaire...................................................................150 Figure 39 : Enregistrement Doppler du flux transmitral chez un chat atteint de MCR.........156 Figure 40 : Quelques modifications échocardiographiques en mode 2D et TM lors de MCD chez le chien. .....................................................................................................................164 Figure 41 : Enregistrement Doppler du flux mitral chez un chien atteint de MCD...............165 Figure 42 : Coupe 2D grand axe 4 cavités chez un chien atteint d’épanchement péricardique idiopathique. ......................................................................................................................179 Figure 43 : Coupe TM transventriculaire lors d’épanchement péricardique et de dilatation atriale gauche.....................................................................................................................179 13 TABLE DES TABLEAUX Tableau 1 : Quelques agents et interventions modulant la sensibilité de l'appareil contractile pour le calcium.....................................................................................................................70 Tableau 2 : Comparaison entre les approches classique et nouvelle de la séquence chronologique des évènements du cycle cardiaque. .............................................................85 Tableau 3 : Interprétation de la mesure de pression artérielle chez le chien et le chat et conduite à tenir. .................................................................................................................139 Tableau 4 : Principales causes et prévalence de l'HTA chez le chien et le chat....................140 Tableau 5 : Signes cliniques associés à l'HTA chez le chien et le chat.................................143 Tableau 6 : Examens complémentaires à mettre en place dans le cadre du diagnostic étiologique de l'HTA. ..........................................................................................................144 14 LISTE DES ABREVIATIONS 2D bidimensionnel IRC insuffisance rénale chronique acide désoxyribonucléique MCH myocardiopathie hypertrophique ADP adénosine diphosphate AG/Ao atrium gauche/aorte MCR myocardiopathie restrictive peptide natriurétique atrial NO monoxyde d’azote ADN AMPc ANP ARN ARNm ATP BNP CNP ECA ECAT adénosine monophosphate cyclique acide ribonucléique ARN messager adénosine triphosphate peptide natriurétique cérébral peptide natriurétique de type C enzyme de conversion de l’angiotensine enzyme de conversion de l’angiotensine tissulaire MCD MMP PA PAs myocardiopathie dilatée métalloprotéinases pression artérielle pression artérielle systolique PAd pression artérielle diastolique Pi phosphate inorganique PCR PIF PUPD polymerase chain reaction péritonite infectieuse féline polyuro-polydipsie électrocardiogramme SRAA système GMPc guanosine monophosphate cyclique TD time delay HTA hypertension artérielle systémique TEA ECG GTP HP IECA guanosine triphosphate hypertension artérielle pulmonaire inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine TDI aldostérone rénine-angiotensine- tissue doppler imaging thrombo-embolie aortique TIMPs inhibiteurs tissulaires TM mode temps-mouvement métalloprotéinases des 15 INTRODUCTION L’insuffisance cardiaque congestive et les signes cliniques qui la caractérisent ont d’abord été attribués essentiellement aux conséquences de l’altération de la contractilité du cœur. La fonction systolique a ainsi été largement explorée et les mécanismes à l’origine de dysfonctionnements systoliques sont bien caractérisés à l’heure actuelle. Les anomalies de la fonction diastolique ont donc longtemps été considérées comme secondaires et par conséquent peu étudiées, en cardiologie humaine comme en médecine vétérinaire, bien que la diastole représente plus de la moitié de la durée du cycle cardiaque. La reconnaissance de patients souffrant d’insuffisance cardiaque congestive en l’absence de troubles évidents de la contractilité myocardique et de la fonction systolique cardiaque, a cependant rendu nécessaire une remise en question de ces principes, obligeant à s’interroger sur le rôle des troubles du remplissage ventriculaire dans la pathogénie de l’insuffisance cardiaque. La diastole est un évènement complexe, qui fait intervenir un grand nombre de facteurs : les propriétés structurales et fonctionnelles intrinsèques du myocarde ventriculaire sont déterminantes, mais des éléments extrinsèques au ventricule, tels que les conditions hémodynamiques, le péricarde ou le fonctionnement de l’autre ventricule, jouent également un rôle essentiel dans cette phase de remplissage ventriculaire. La grande complexité de ce mécanisme est certainement l’une des raisons qui explique que l’on ne s’y soit intéressé que tardivement dans l’histoire de la cardiologie. Un autre facteur limitant dans le développement de la « diastologie » est représenté par les difficultés d’exploration de la fonction diastolique. L’évaluation de la diastole est en effet restée très contraignante jusqu’au développement relativement récent de l’échocardiographie Doppler. Cette technique, en fournissant un outil non invasif d’exploration du remplissage ventriculaire, a autorisé un essor considérable de l’étude de la diastole et de ses perturbations. L’importance des dysfonctionnements diastoliques lors d’insuffisance cardiaque chez l’homme est aujourd’hui reconnue, tant en terme de fréquence qu’en terme de morbidité ou de mortalité. En cardiologie vétérinaire, l’introduction de ces nouvelles techniques d’investigation a bien sûr été un peu plus tardive. L’intérêt porté aux dysfonctionnements diastoliques dans les cardiopathies du chien et du chat est par conséquent plus récent qu’en médecine humaine, et la littérature les concernant plus réduite. Ce nouvel aspect de la cardiologie se développe néanmoins et les cardiologues vétérinaires commencent aujourd’hui à prendre en compte les altérations de la fonction diastolique dans la physiopathologie de l’insuffisance cardiaque et dans la gestion thérapeutique des cardiopathies. Nous nous proposons, à travers ce travail, de réaliser une revue de la bibliographie concernant les dysfonctionnements diastoliques chez le chien et le chat, en la complétant 16 par quelques éléments concernant ces anomalies chez l’homme. Après un bref rappel du déroulement normal de la diastole, nous nous intéresserons aux méthodes d’exploration de la fonction diastolique. Nous exposerons ensuite les mécanismes physiopathologiques qui interviennent dans l’altération du remplissage ventriculaire, et leurs conséquences cliniques et thérapeutiques. Nous détaillerons enfin les diverses cardiopathies du chien et du chat dans lesquelles la fonction diastolique est anormale. 17 Première partie La fonction diastolique normale et son exploration 18 1) PHYSIOLOGIE DE LA DIASTOLE a) Définitions : diastole, fonction diastolique, relaxation et compliance La diastole (ou, plus précisément diastole ventriculaire, par opposition à la diastole atriale), est généralement définie comme la période du cycle cardiaque séparant deux systoles ventriculaires, au cours de laquelle le ventricule se relâche et se remplit. On considère ainsi qu’elle s’étend de la fermeture de la valve sigmoïde à la fermeture de la valve atrio-ventriculaire [73] (Figure 1). On peut donc définir la fonction diastolique comme la capacité du ventricule à assurer un remplissage adéquat afin que le fonctionnement de la pompe cardiaque permette une circulation sanguine correcte. Cette définition simple (ou simplifiée) de la phase de diastole est néanmoins controversée. Deux principales composantes interviennent en effet dans le phénomène complexe que représente la diastole : la relaxation d’une part, procédé actif où cours duquel le myocarde ventriculaire consomme de l’énergie pour se relâcher, et la compliance d’autre part, qui exprime la capacité du ventricule à se distendre sous l’effet du remplissage et qui est un phénomène passif. Or la relaxation myocardique, qui intervient principalement en début de diastole, commence en fait avant même la fermeture des valves sigmoïdes, ce qui est en contradiction avec la définition de la diastole citée plus haut, si bien que certains auteurs considèrent qu’elle ne fait pas partie de la diastole sensu stricto, et restreignent cette dernière aux seules propriétés passives du muscle cardiaque [45]. Nous avons néanmoins choisi dans ce travail, de définir la diastole comme l’association des phénomènes de relaxation et de compliance, et nous considèrerons donc qu’elle commence dès la fin de la systole ventriculaire, lors de l’initiation du phénomène de relaxation, et s’achève lors de la fermeture des valves atrio-ventriculaires. b) Le déroulement normal de la diastole Le déroulement de la diastole sera décrit pour le ventricule gauche (Figure 1) [124, 127, 131], mais les évènements sont tout à fait comparables au sein du cœur droit. 19 i) La relaxation ventriculaire isovolumique La relaxation ventriculaire isovolumique est, d’après la définition simplifiée citée plus haut, la phase initiale de la diastole. Conventionnellement, elle commence à la fermeture de la valve sigmoïde aortique (le terme « isovolumique » renvoie en effet à une période pendant laquelle le volume ventriculaire est constant, c’est à dire quand à la fois les valves sigmoïde et atrio-ventriculaire sont closes) ; cependant, comme nous l’avons précédemment souligné, le phénomène de relaxation en lui-même est initié avant la fermeture de la sigmoïde. Le myocarde ventriculaire se relâche activement, ce qui entraîne une diminution exponentielle de pression dans le ventricule gauche d’une valeur proche de la pression dans l’aorte (120 mmHg environ) jusqu’à une valeur proche de la pression atriale (entre 0 et 10 mmHg). La valve mitrale restant fermée tant que la pression ventriculaire reste supérieure à la pression atriale, aucun remplissage n’est possible au cours de cette première phase, puisque le ventricule est alors une cavité close. Cette phase est courte (60 à 80 ms). ii) Le remplissage du ventricule Le remplissage du ventricule débute avec l’ouverture de la valve mitrale, qui survient lorsque la pression dans le ventricule devient inférieure à la pression atriale. La cinétique du remplissage est sous la dépendance du gradient de pression atrio-ventriculaire, dont l’évolution détermine les variations de la vitesse du flux sanguin à travers l’orifice mitral. (1) Le remplissage rapide A l’ouverture de la valve mitrale, le gradient de pression atrio-ventriculaire est important : en effet, la pression intra-ventriculaire continue à diminuer malgré le remplissage car la relaxation active du ventricule se poursuit et les forces de rappel élastiques du myocarde emmagasinées durant la systole entrent en jeu. Ceci a pu être mis en évidence chez le chien en empêchant le remplissage ventriculaire par une occlusion de la valve mitrale [84, 153], la pression intra-ventriculaire atteint alors des valeurs négatives. Le gradient atrio-ventriculaire étant important, le flux transmitral est rapide, et cette phase de remplissage protodiastolique, qui dure environ 200 ms, assure dans des conditions normales 80 à 85 % du remplissage ventriculaire. (2) Le remplissage lent ou diastasis En milieu de diastole, les pressions ventriculaires et atriales sont presque à l’équilibre, ce qui conduit à un net ralentissement du flux transmitral et à une fermeture partielle de la valve atrio-ventriculaire. Seul un faible remplissage en provenance des veines pulmonaires persiste, l’atrium joue alors le rôle d’un conduit passif entre les veines pulmonaires et le ventricule gauche. C’est cette phase, qui assure moins de 5 % du 20 remplissage, qui est raccourcie lors de tachycardie, si bien que la tachycardie n’a que peu d’incidence sur le remplissage ventriculaire d’un cœur normal. (3) La systole atriale La contraction atriale est secondaire à une dépolarisation initiée dans le nœud sino- atrial. Elle est responsable d’une élévation de la pression dans l’atrium gauche et par conséquent d’une augmentation du gradient de pression atrio-ventriculaire. Forçant le passage du sang de l’atrium vers le ventricule, elle complète le remplissage de ce dernier, mais n’est responsable que de 10 à 15 % du remplissage total dans les conditions normales, dans la mesure où la quasi-totalité du remplissage se produit en phase protodiastolique. Elle s’accompagne d’un reflux sanguin vers les veines pulmonaires, mais celui-ci est minime, compte tenu de l’anatomie particulière de ces dernières et du caractère presque péristaltique de l’onde de contraction. Dès la fin de la systole atriale commence la relaxation active du myocarde atrial. Le ventricule se contracte ensuite, entraînant la fermeture de la valve mitrale, qui marque la fin de la phase de diastole. 21 Figure 1 : Variation de la pression et du volume ventriculaires gauches et des pressions atriale gauche et aortique au cours du cycle cardiaque. Les légendes concernant le déroulement du cycle cardiaque renvoient à la définition « simplifiée » de la diastole ventriculaire. Figure tirée de la page Internet http://www. site.ifrance.com/ CorpsHumain/Coeur.htm, consultée le 12/04/2005. 22 2) LES METHODES D’EXPLORATION DE LA FONCTION DIASTOLIQUE VENTRICULAIRE Les méthodes d’étude de la diastole peuvent être divisées en deux grandes catégories. font Les méthodes invasives (ou sanglantes), qui représentent les techniques de référence, appel au cathétérisme intracardiaques diastoliques. cardiaque, afin d’accéder directement aux pressions Les méthodes non invasives, essentiellement l’échocardiographie et les techniques qui en dérivent, permettent une exploration indirecte du fonctionnement cardiaque. Par leur plus grande facilité d’utilisation, elles sont les techniques de choix dans l’exploration de la fonction diastolique pour le praticien. a) Les méthodes d’étude invasives i) Généralités Les méthodes invasives d’exploration de la fonction diastolique ventriculaire consistent en une mesure directe des pressions de remplissage en diastole, ce qui requiert l’utilisation de cathéters avec capteurs de pression de haute fidélité et un accès à une voie artérielle, nécessitant une anesthésie générale du patient. La mise en œuvre de telles techniques est donc lourde et délicate, ce qui limite leur utilisation en pratique courante, notamment sur des patients présentant une cardiopathie avancée, pour lesquels le risque anesthésique est majeur. Elles représentent cependant des marqueurs sensibles et spécifiques de la fonction diastolique ventriculaire, et sont utilisées comme méthodes de référence en expérimentation pour le développement de moyens d’études non-invasifs. [26] 23 ii) L’exploration de la relaxation ventriculaire (1) Le minimum de la dérivée de la pression ventriculaire par rapport au temps : dP/dtmin Cet indice peut également être appelé « dP/dtmax négatif », ou pic négatif de la dérivée de la pression ventriculaire par rapport au temps. [44] (a) Mesure de dP/dtmin Pour obtenir une mesure précise de dP/dtmin, un traitement digital ou électronique du signal émis par un capteur de pression haute fidélité de la pression ventriculaire gauche est nécessaire. dP/dtmin est ensuite calculé automatiquement grâce à des algorithmes tels que l’interpolation de Lagrange : f ‘(ti) = [ f(ti+1) – f(ti-1)] / 2h (h représente l’intervalle d’échantillonnage). [26] Cette formule permet de déterminer le nombre dérivé en un point donné d’une fonction. Son application à l’ensemble des points de la courbe de la pression ventriculaire permet de construire la courbe représentative des variations de la dérivée dP/dt (Figure 2 et Figure 3). La valeur minimale des variations de dP/dt en fonction du temps est dP /dtmin. (b) Intérêts et limites de dP/dtmin dP/dtmin est la valeur maximale de la dérivée dP/dt pendant la phase de décroissance de la pression. dP/dtmin représente ainsi le taux maximal de décroissance de la pression ventriculaire. Il s’agit donc d’un marqueur intéressant de la qualité de la phase initiale de la relaxation ventriculaire gauche isovolumique, par ailleurs simple à obtenir. [26, 44] Toutefois, il représente une mesure seulement ponctuelle du taux de diminution de la pression ventriculaire. De plus, il présente des variations techniques importantes, puisqu’il est influencé de façon importante par le bruit dans le système d’enregistrement de la pression et dépend de la fréquence de digitalisation : une fréquence d’enregistrement d’au moins 200 Hz est nécessaire pour obtenir des mesures précises, en particulier chez le chien et le chat, chez lesquels la fréquence cardiaque est élevée [26]. Enfin, il varie directement en fonction du pic de pression aortique et est significativement affecté par les modifications de la postcharge [26, 44]. Le taux de variation de la pression ventriculaire en fonction du temps atteint en effet sa valeur minimum juste après la fermeture de la valve sigmoïde aortique [26] (Figure 2). 24 dP/dTmin Figure 2 : Variations de la pression aortique (PAO), de la pression ventriculaire gauche (PLV) et de la dérivée des variations de PLV (dP/dt) en fonction du temps. dp/dtmin est atteint juste après la fermeture de la valve aortique (qui se produit quand PLV devient inférieure à PAO). D’après Constable [26]. (2) Constante de temps de relaxation τ (a) Définition et mesure de τ τ est un artifice mathématique obtenu à partir de l’indice précédent : il s’agit d’une constante de temps déterminée en modélisant la chute de pression au cours de la relaxation isovolumique par une relation exponentielle en fonction du temps. La relation entre la pression et le temps après le point dP/dtmin peut être modélisée par une relation exponentielle car le taux de diminution de la pression dP/dt est proportionnel à la pression. Cependant, ceci n’est plus vrai après l’ouverture de la valve mitrale. C’est pourquoi cette approximation est acceptable à condition de déterminer τ au cours de la relaxation isovolumique, d’autant plus que les effets des forces viscoélastiques associées au remplissage sont alors absents et n’interfèrent pas avec la relaxation proprement dite. [26] Différentes équations peuvent être utilisées pour modéliser la variation de pression en fonction du temps au cours de la relaxation ventriculaire. Il apparaît néanmoins que le modèle le plus satisfaisant soit le modèle de décroissance monoexponentielle à asymptote non nulle, en utilisant les données comprises entre le temps correspondant à dP/dtmin et celui où la pression ventriculaire atteint une valeur supérieure de 10 mmHg à la valeur télédiastolique, ce qui assure que seules les données correspondant à la relaxation isovolumique sont prises en compte. [26] τ peut donc être déterminé à partir de la relation suivante, qui exprime une décroissance monoexponentielle à asymptote non nulle [153] : P = (P0 - P∞). e- t/τ + P∞ ou à l’aide de la relation simplifiée, qui néglige P∞ par rapport à P0 [142]: P = P0 . e- t/τ + P∞ où P représente la pression ventriculaire, P0 la pression ventriculaire au point dP/dtmin, temps écoulé depuis dP/dtmin et P∞ la pression asymptotique en l’absence de remplissage. t le 25 (a) Facteurs techniques et physiologiques de variation de τ La valeur de τ varie bien sûr en fonction du modèle utilisé pour son calcul. La technique de mesure de la pression est également à prendre en compte dans l’évaluation de la constante de temps de relaxation : la méthode idéale est une mesure de la pression transmurale plutôt que intraluminale car les pressions pleurale et péricardique peuvent influencer la pression transmurale surtout au cours de la relaxation isovolumique, alors que la pression intraluminale est basse. Par ailleurs, afin de se placer dans des conditions reproductibles concernant la pression pleurale, il est recommandé de réaliser les enregistrements en fin d’expiration quand la glotte est ouverte. [26] τ est également affecté par la fréquence cardiaque mais de façon négligeable. En revanche, les conditions d’éjection affectent significativement cette constante de relaxation. Τ est néanmoins considéré à l’heure actuelle comme le meilleur reflet de la relaxation ventriculaire car il est plus spécifique et peut être mesuré de façon plus précise que les autres indices de la relaxation (dP/dtmin, demi-vie de relaxation ou temps de relaxation isovolumique) : une augmentation de τ traduit une altération de la relaxation. [26, 73, 153] (3) Demi-vie de relaxation t1/2 La demi-vie de relaxation se définit comme le temps nécessaire pour que la pression au début de la relaxation isovolumique (c’est-à-dire au point dP/dtmin) soit diminuée de moitié (Figure 3). Il s’agit donc d’un indice de la relaxation dont le principal intérêt réside dans sa simplicité. Par ailleurs, par la méthode de mesure de t1/2, on évite une erreur présente dans le modèle monoexponentiel de décroissance de la pression ventriculaire au cours de la relaxation isovolumique [47]. Il a en effet été montré que la chute de pression en fin de relaxation isovolumique est en réalité plus rapide que ne le prévoit ce modèle [153]. Cependant, puisqu’il dépend de dP/dtmin, il est soumis aux mêmes facteurs limitants. On relève par ailleurs certaines limites techniques : cette méthode ne repose que sur deux mesures, ce qui accroît le risque d’erreur, et sa précision est considérablement liée à la fréquence de digitalisation. On peut noter enfin que la valeur de t1/2 est affectée par la précharge. [47] 26 dP/dTmin Figure 3 : Détermination de t1/2, temps nécessaire pour que la pression ventriculaire gauche (LVP) au début de la relaxation isovolumique (c'est-à-dire au moment où dP/dt atteint sa valeur minimale) soit diminuée de moitié. D’après Golden [47]. Les mesures de pression par cathétérisme cardiaque mettent donc à notre disposition trois indices utilisables pour quantifier la qualité de la relaxation ventriculaire : dP/dtmin, t1/2 et τ. Parmi ceux-ci, le plus sensible et spécifique est la constante de temps de relaxation τ. C’est donc lui qui est généralement cité dans la littérature comme référence pour juger de la valeur de certains indices « non-invasifs » en tant que marqueur de la qualité de la relaxation, comme nous le verrons par la suite. iii) L’étude de la compliance ventriculaire La distensibilité du ventricule peut être appréciée par l’étude de l’allure de la relation pression-volume du ventricule gauche au cours du remplissage (Figure 4). (1) Obtention de la courbe P(V) La courbe pression-volume du ventricule gauche est obtenue en couplant aux mesures de pressions par cathétérisme des mesures simultanées du volume de la chambre ventriculaire (ces dernières seront détaillées par la suite). 27 Pression ventriculaire C D B A Volume ventriculaire Figure 4 : courbe pression – volume du ventricule gauche. A : fermeture de la valve mitrale, B : ouverture de la valve sigmoïde aortique ; C : fermeture de la valve sigmoïde aortique ; D : ouverture de la valve mitrale. AB : contraction isovolumique ; BC : éjection ventriculaire ; CD : relaxation isovolumique ; DA : remplissage ventriculaire. (2) Interprétation de la courbe P(V) : compliance et élastance La compliance se définit comme la capacité du ventricule à se dilater sous l’effet du remplissage, et représente donc la variation volumique du ventricule pour une certaine variation de pression. Elle s’exprime mathématiquement par la dérivée de la fonction V(P) : dV/dP. Son inverse, l’élastance, est défini comme la variation de pression dans la chambre ventriculaire entraînée par une variation de volume donnée et s’exprime par la relation dP/dV. Il s’agit donc de la pente de la tangente à la courbe pression – volume P(V) du ventricule (Figure 5). L’élastance représente la rigidité, ou l’élasticité, de la paroi ventriculaire. [44, 142] Ces indices ne sont pas constants (la compliance diminue à mesure que le ventricule se remplit (Figure 5)) et ne permettent pas la comparaison de ventricules de taille différente. On peut toutefois, en exprimant dP/dV (l’élastance) en fonction de P, obtenir une droite dont la pente est proportionnelle à l’élastance de la chambre ventriculaire. La pente de cette droite est une constante qui ne dépend alors plus de la taille du ventricule et permet la comparaison entre des cavités ventriculaires de géométrie différente. [44] Ces indices permettent une évaluation quantitative de la compliance ventriculaire. 28 Pression ventriculaire B A ∆P ∆V Volume ventriculaire Figure 5 : Détermination de la compliance (∆V/∆P) ou de l’élastance ventriculaire (∆P/∆V) à partir de la courbe pression-volume en diastole pour 2 ventricules présentant des caractéristiques différentes. Au cours du remplissage, la pression augmente plus rapidement dans le ventricule B que dans le ventricule A pour une même variation de volume, ce qui indique que A est plus compliant que B. Par ailleurs, pour un ventricule, la pente de la courbe augmente au cours de la diastole : la compliance ventriculaire diminue au cours du remplissage. Les méthodes d’exploration invasives par cathétérisme nous fournissent donc une très bonne approche de la fonction diastolique ventriculaire et sont choisies comme techniques de référence. Leur mise en œuvre est toutefois lourde et difficilement envisageable dans le cadre de la pratique quotidienne pour le cardiologue humain et a fortiori vétérinaire. C’est pourquoi le praticien leur préfère des méthodes d’étude indirectes mais non invasives, parmi lesquelles l’échocardiographie tient une place prépondérante. b) Les méthodes d’étude non invasives Les méthodes d’exploration non-invasives, par définition, ne font pas appel au cathétérisme cardiaque et ne nécessitent donc pas d’anesthésie de l’individu, ce qui représente un intérêt majeur en cardiologie. Parmi les différentes techniques disponibles, nous nous intéresserons d’abord à l’angiocardiographie isotopique. Cette méthode, plus ancienne, n’est que peu, voire pas, utilisée en médecine vétérinaire, compte tenu de son coût et des contraintes liées à l’utilisation d’isotopes radioactifs. Nous détaillerons ensuite plus largement les différentes techniques associées à l’échocardiographie, plus facilement applicables en cardiologie vétérinaire. Les autres techniques d’imagerie, plus sophistiquées, telles que l’IRM, ne seront pas abordées ici, car leur utilisation en cardiologie reste aujourd’hui limitée à la médecine humaine. i) L’angiocardiographie isotopique (1) Principe L'angiocardiographie isotopique repose sur l'injection intraveineuse périphérique d'une faible quantité de traceur radioactif et l'enregistrement de la radioactivité précordiale à 29 l'aide d'une caméra à scintillations couplée à un ordinateur. L’isotope le plus souvent employé est le technétium 99m, utilisé pour marquer les hématies ou l’albumine plasmatique. Sous sa forme la plus complète, l'examen comporte deux phases : une étude de premier transit pendant la première minute suivant l'injection et une étude à l'équilibre, quelques minutes plus tard, au moment où le traceur s'est dilué de manière homogène dans le compartiment sanguin. [32] (2) Intérêts et limites L’angiographie isotopique permet une mesure du volume ventriculaire au cours du temps (le volume ventriculaire est exprimé en pourcentage du volume télédiastolique). On peut alors obtenir un certain nombre d’indices du remplissage ventriculaire gauche après un traitement informatique des données : - le taux de remplissage maximal: c’est la valeur maximale de la pente de la courbe du volume ventriculaire en fonction du temps sur le segment correspondant au remplissage ventriculaire rapide ; - le temps entre la fin de la systole et ce pic de remplissage ; la contribution respective du remplissage ventriculaire rapide et de la systole atriale. La durée de la relaxation isovolumique peut également parfois être déterminée. On retrouve une bonne corrélation entre ces indices et ceux obtenus par les méthodes Doppler, que nous étudierons par la suite. Comme ceux-ci, ils fournissent des informations concernant le remplissage et ne donnent donc pas directement de renseignements sur les propriétés diastoliques ventriculaires : le remplissage ventriculaire, en effet, s’il est affecté par les propriétés intrinsèques du ventricule définissant la qualité de sa relaxation et sa compliance, dépend également de nombreux autres facteurs, parmi lesquels on reconnaît les conditions de charge, l’interaction entre les deux ventricules ou avec le péricarde. Les indices obtenus par angiographie sont par ailleurs sous l’influence de l’âge de l’individu, de la fréquence cardiaque et de la fraction d’éjection, paramètres qui seront donc à prendre en considération afin d’éviter une interprétation erronée d’une modification de ces indices du remplissage. Un des intérêts majeurs de l’angiographie réside dans la possibilité de la coupler à des mesures simultanées de pression par cathétérisme cardiaque, ce qui permet d’obtenir la courbe pression-volume ventriculaire, qui fournit elle-même des informations concernant la compliance ventriculaire. L’angiographie isotopique est cependant difficile à utiliser, particulièrement en cardiologie vétérinaire, où elle reste limitée au domaine de la recherche. Cette technique invasive et relativement coûteuse est aujourd’hui supplantée par le développement des méthodes d’échographie Doppler, plus simples à mettre en oeuvre et qui fournissent des informations comparables, voire plus riches concernant le remplissage ventriculaire. [139] 30 ii) L’intérêt de l’échocardiographie (1) Renseignements fournis par l’examen échocardiographique classique L’examen échographique bidimensionnel, s’il ne permet pas une évaluation quantitative de la fonction diastolique ventriculaire, fournit des renseignements sur la présence d’affections qui s’accompagnent d’une altération de la fonction diastolique. Il peut donc conduire à suspecter un dysfonctionnement diastolique éventuel. On peut ainsi mesurer l’épaisseur de la paroi ventriculaire gauche. L’hypertrophie du myocarde ventriculaire est en effet souvent responsable d’une altération des propriétés diastoliques du ventricule. Il est également possible de mettre en évidence une affection péricardique, qui peut s’accompagner de troubles du remplissage, ou de visualiser des anomalies valvulaires. Certaines anomalies valvulaires peuvent être à l’origine de dysfonctionnements diastoliques, en s’opposant directement au remplissage, ou en entraînant une hypertrophie secondaire du myocarde. [124, 131] Par ailleurs, l’échographie 2D offre une alternative à l’angiographie isotopique pour la mesure des volumes ventriculaires et la réalisation des courbes pression-volume du ventricule gauche [124], puisqu’elle permet une approche du volume ventriculaire, en donnant accès à l’aire de sa cavité interne. [44] (2) Le Doppler pulsé L’échocardiographie Doppler pulsé développée dans les années quatre-vingts représente une méthode d’exploration non invasive du remplissage ventriculaire, en permettant une mesure de la vitesse des flux sanguins à l’intérieur des cavités cardiaques. Deux types de tracé sont utilisés pour l’étude de la diastole : la mesure du flux transmitral et celle des flux veineux pulmonaires. (a) Flux transmitral (i) Abord technique L’enregistrement du flux transmitral s’obtient par abord gauche à partir de la coupe apicale quatre (ou cinq) cavités en plaçant l’échantillon à l’extrémité des feuillets valvulaires [15, 21]. L’utilisation de la coupe apicale deux cavités est également possible [105]. Ceci permet de mesurer la vitesse et d’examiner le profil du flux sanguin traversant la valve mitrale au cours de la diastole. La sonde doit être positionnée de manière à obtenir un alignement optimal de l’axe de tir Doppler avec le flux sanguin, afin de mesurer les vitesses les plus élevées. [21] 31 (ii) Aspect de la courbe des vitesses de remplissage ventriculaire Le tracé obtenu lors d’un remplissage ventriculaire normal présente 2 principales déflexions positives : les onde E et A (Figure 6 et Figure 7). L’onde E représente le remplissage ventriculaire protodiastolique, qui commence à l’ouverture de la valve mitrale. Ce remplissage rapide est suivi de la phase de diastasis avec un flux à faible vitesse. On peut parfois visualiser une onde secondaire, de petite taille, qui met en évidence le flux sanguin provenant des veines pulmonaires. Le second signal important est l’onde A qui représente le remplissage ventriculaire Vitesse du flux télédiastolique associé à la systole atriale. E diastasis A Figure 6 : Représentation schématique de l’aspect de la courbe des vitesses du flux sanguin transmitral, présentant 2 déflexions : l’onde E de remplissage protodiastolique et l’onde A associée à la systole atriale. Figure 7 : Enregistrement des vélocités du flux transmitral par Doppler pulsé. D’après Boon [15]. (iii) Indices étudiés, leur signification Plusieurs indices empiriques dérivés du tracé Doppler sont proposés comme marqueurs de la fonction diastolique. 1. Temps de relaxation isovolumique 32 Le temps de relaxation isovolumique (nommé IVRT, Isovolumic Relaxation Time), correspond au temps compris entre la disparition du flux aortique et l’apparition du flux mitral. Il peut être mesuré à partir de la coupe apicale quatre cavités parasternale gauche, en plaçant le signal Doppler dans la chambre de chasse du ventricule gauche, à proximité des feuillets mitraux, ce qui permet d’enregistrer parallèlement le flux aortique et le flux de remplissage ventriculaire gauche [15] (Figure 8). Il est normalement compris entre 25 et 95 millisecondes chez le chien [109], proche de 50 millisecondes chez le chat [73, 105]. Figure 8 : Détermination du temps de relaxation isovolumique. Le signal Doppler est positionné dans la chambre de chasse du ventricule gauche, à proximité des feuillets mitraux (photo de gauche), ce qui permet un enregistrement simultané du flux aortique, négatif, et du flux mitral, positif : le temps de relaxation isovolumique (IVRT) est l’intervalle de temps compris entre la fin du premier et l’apparition du second. D’après Boon [15]. Il est utilisé comme indice de la relaxation ventriculaire [112]. Cependant, une augmentation de la pression aortique ou une diminution de la pression atriale gauche peuvent le prolonger sans que la constante de relaxation soit affectée, ce qui indique que IRVT n’est pas aussi spécifique que τ dans l’étude de la qualité de la relaxation. [105, 132] On peut exprimer l’équation de modélisation de la relaxation que nous avons vue plus haut de la manière suivante : t = τ [ln P0 – ln P(t)] A la fermeture de la valve aortique, qui se produit juste avant le point dP/dtmin, la pression ventriculaire gauche P0 approche la pression aortique PAO. A l’ouverture de la valve mitrale, qui marque la fin de la relaxation isovolumique, la pression P dans le ventricule gauche est égale à la pression atriale gauche PAG. Ainsi, IRVT = τ (ln PAO – ln PAG) On comprend alors qu’un prolongement de IRVT peut provenir d’un retard à la relaxation (avec une augmentation de τ), mais aussi d’une élévation de PAO ou d’une diminution de PAG. C’est pourquoi le temps de relaxation isovolumique est un indice de la relaxation 33 ventriculaire certes intéressant, mais qu’il faut interpréter avec prudence en l’absence de données concernant la pression aortique ou la pression atriale gauche. [26] 2. Indices associés au remplissage ventriculaire protodiastolique Figure 9 : Indices Doppler associés au remplissage ventriculaire protodiastolique et temps de relaxation isovolumique. LA : pression atriale gauche ; LV : pression ventriculaire gauche ; IRVT : temps de relaxation isovolumique ; MV : vitesse du flux transmitral ; vm : vitesse maximale de E ; vi : intégrale de la vitesse de remplissage ventriculaire protodiastolique ; am : taux d’accélération maximal ; at : temps d’accélération ; dm : taux de décélération maximal ; dt : temps de décélération. D’après Thomas [133]. a. Accélération Le taux d’accélération (Figure 9) est primitivement déterminé par le ratio pression atriale/τ et dépend donc de la précharge et de la qualité de la relaxation : une augmentation de la précharge, puisqu’elle amplifie le gradient atrio-ventriculaire, augmente l’accélération du flux transmitral protodiastolique, alors que celle-ci diminue lors d’altération de la relaxation (qui s’accompagne d’une augmentation de τ). Par ailleurs, l’inertance de la valve mitrale est également un facteur déterminant de l’accélération. L’inertance se définit en effet comme l’élévation de pression nécessaire à l’accélération du flux sanguin à travers la valve. Cette propriété est reliée à la surface de la valve : quand celle-ci augmente, l’inertance augmente et le taux d’accélération diminue. [132] b. Décélération La décélération, quant à elle, est utilisée comme marqueur de la compliance du ventricule [105]. Néanmoins, les relations entre décélération et compliance ventriculaire sont en fait relativement complexes. Le taux de décélération (Figure 9) varie en effet d’une part avec la surface effective d’ouverture de la valve mitrale (plus la surface valvulaire sera importante, plus la décélération sera rapide) et d’autre part avec l’élastance atrioventriculaire nette. [132] L’élastance nette représente la variation du gradient de pression atrio-ventriculaire pour un certain volume de sang traversant la valve mitrale ; on peut la noter d∆P/dV. C’est en fait la somme de l’élastance de l’atrium et de l’élastance du ventricule à un instant donné. Elle dépend des propriétés passives du myocarde : la décélération sera effectivement plus 34 rapide si le myocarde ventriculaire est moins compliant [132]. En effet, si la compliance du myocarde est diminuée, la pression ventriculaire augmente plus rapidement et le gradient atrio-ventriculaire également se réduit plus vite, ce qui entraîne une augmentation du taux de décélération. Cependant, la pression atriale intervient également dans l’élastance nette puisque la rigidité globale de l’atrium est d’autant plus importante que celui-ci est rempli. Ainsi, une augmentation de la pression atriale entraînera une augmentation de l’élastance nette. De la même manière, une élévation du volume ventriculaire télésystolique secondaire à un dysfonctionnement systolique ventriculaire entraîne une augmentation de l’élastance du ventricule et donc de l’élastance nette. La décélération dépend donc également de la pression atriale et de la fonction systolique ventriculaire. [132] Cette modélisation est encore compliquée par les effets de la relaxation sur la décélération, dans la mesure où la relaxation peut, dans certaines conditions, se prolonger jusqu’à la période de décélération [133] : si la relaxation est incomplète (c'est-à-dire interrompue prématurément), la compliance du ventricule pendant la phase décroissante de E diminue et le taux de décélération est ainsi augmenté. Si la relaxation est ralentie et donc prolongée, le taux de décélération diminuera au contraire puisque la compliance du ventricule pendant la phase de décélération est alors augmentée [132]. Le taux de décélération dépend donc de façon complexe de la contribution relative de la compliance ventriculaire passive et de la relaxation myocardique active [105], ainsi que d’autres facteurs évoqués ci-dessus (Figure 10), ce qui en fait un indice difficilement interprétable isolément. Le temps de décélération (souvent noté DTE) est plus fréquemment utilisé comme marqueur de la phase de décroissance de E ; il varie inversement au taux de décélération : quand le taux de décélération est augmentée, DTE diminue. c. Vitesse maximale Le pic de l’onde E (Figure 9), ou vitesse maximale du remplissage ventriculaire protodiastolique (Emax), est la principale mesure Doppler du remplissage protodiastolique utilisée en pratique. Il dépend de façon complexe de la compétition entre les effets de l’accélération et de la décélération du flux sanguin [133] (Figure 10). Il est notamment affecté par la pression atriale au moment de l’ouverture de la valve mitrale et varie en fonction de la qualité de la relaxation et de la compliance ventriculaire [73]. On peut y associer la mesure de l’intégrale de la vitesse de remplissage protodiastolique (mesurée par l’aire sous la courbe de l’onde E (Figure 9)). 3. Indices associés au remplissage ventriculaire télédiastolique Concernant l’onde A, on s’intéresse essentiellement au pic de vitesse et à son intégrale (Amax et l’aire sous la courbe). Ces indices Doppler sont influencés par différents facteurs (Figure 10) : - la précharge, puisque la force de la contraction atriale est directement corrélée à la pression et au volume sanguin dans l’atrium au moment de son activation [73, 133] ; 35 - la postcharge atriale, déterminée en particulier par la compliance du ventricule : si le ventricule est extrêmement rigide, une faible quantité de sang sera donc éjectée de l’atrium au ventricule ; [133] - la fonction systolique atriale gauche semble être le facteur le plus important. Elle est malheureusement difficile à évaluer et ne peut par conséquent pas être prise en considération dans l’interprétation du tracé de flux transmitral [132, 133]. 4. Ratio E/A Le ratio E/A s’obtient en mesurant le rapport entre les pics de vitesse des ondes de remplissage proto- et télédiastolique ou entre leurs intégrales. C’est un indice de la contribution relative des phases proto- et télédiastolique dans le remplissage ventriculaire global. [73, 132, 145] On constate donc que le profil des vitesses du flux transmitral est déterminé de façon complexe par des facteurs multiples (Figure 10), parmi lesquels on compte la relaxation et la compliance du myocarde mais aussi la pression atriale gauche et la fonction systolique atriale et ventriculaire, ce qui rend difficile la mise en place de relations simples entre le paramètre Doppler étudié et un facteur hémodynamique unique [24]. Ces indices Doppler du remplissage ventriculaire doivent donc être utilisés avec prudence comme marqueurs de la fonction diastolique. Taux d‘accélération Emax Taux de décélération Ratio E/A d∆P/dt Relaxation (τ) Inertance mitrale Surface de la valve mitrale Surface mitrale effective Surface de la valve mitrale Elastance atrioventriculaire nette Amax Pression atriale gauche Pression atriale gauche Compliance myocardique Pression atriale gauche Volume ventriculaire télésystolique Elastance ventriculaire Fonction systolique atriale Figure 10 : Diagramme récapitulatif des différents facteurs déterminants des indices associés à l’enregistrement Doppler du flux transmitral. La couleur rouge indique que les éléments reliés par la flèche varient dans le même sens, la couleur noire indique une variation dans le sens inverse. d∆P/dt représente le taux de variation du gradient de pression atrio-ventriculaire à l’ouverture de la valve mitrale. Modifié d’après Thomas [132]. (iv)Variations techniques et physiologiques des indices Doppler : 36 1. Difficultés techniques Le choix de la coupe échographique du ventricule gauche ne modifie que peu l’enregistrement Doppler : les vitesses maximales des flux protodiastolique et télédiastolique sont légèrement augmentées (4 %) quand on les mesure à partir de la coupe apicale 4 cavités, comparativement à la coupe apicale 2 cavités. [105] L’obtention d’une coupe échographique satisfaisante peut néanmoins représenter une difficulté importante, dans l’espèce féline en particulier : chez certains chats, il est très difficile d’obtenir les coupes apicales quatre et cinq cavités. [15] La position de l’échantillon de sang analysé par Doppler peut influencer la mesure des vitesses du flux sanguins : l’enregistrement se fait en regard de l’extrémité des feuillets valvulaires mitraux. Si on déplace l’échantillon vers l’anneau mitral, on observe une diminution significative de la vitesse maximale et du temps de décélération de l’onde E, ainsi qu’une augmentation du ratio E/A. [105] 2. Variations en fonction des conditions physiologiques a. L’âge Comme chez l’homme [132, 145], le caractère déterminant de l’âge de l’individu dans l’aspect des courbes de flux transmitral a été mis en évidence chez le chien [111] et le chat [105]. Le processus normal de vieillissement du myocarde s’accompagne en effet de modifications de ses propriétés, avec notamment une altération du phénomène de relaxation. L’altération de la relaxation est à l’origine d’un déplacement du remplissage à prédominance protodiastolique vers un remplissage à prédominance télédiastolique, ce qui modifie l’aspect global de l’enregistrement Doppler, comme nous le verrons par la suite. On note en particulier que les temps de relaxation isovolumique et de décélération de l’onde E sont prolongés et le ratio E/A est diminué. Une inversion du ratio E/A (E/A<1) est rencontrée chez l’homme lorsque l’âge dépasse 60 ans ; chez le chien, on peut s’attendre à la rencontrer chez des individus de plus de 6 ans [111]. Chez le chat cependant, il apparaît que les indices associés au remplissage protodiastolique (Emax et DTE) ne soient pas affectés par l’âge de l’animal, contrairement à la vitesse maximale de remplissage télédiastolique (Amax) et au ratio E/A. Il apparaît donc que, dans cette espèce, la phase protodiastolique de la diastole n’est pas altérée par l’âge, alors que la contractilité atriale est augmentée [105]. Chez les jeunes chiens, il est possible d’observer un temps de relaxation isovolumique court associé à un ratio E/A supérieur à 2, ce qui mime, comme nous le verrons par la suite, un tracé de type restrictif observé chez certains individus cardiopathes. Ce phénomène, également rencontré chez les enfants ou les athlètes, s’explique par une relaxation rapide et vigoureuse, et par conséquent, un remplissage quasi-complet au cours de la phase protodiastolique de la diastole, avec une contribution très réduite de la systole atriale. [111] b. Le poids de l’individu Chez l’homme, les résultats concernant l’existence d’une relation significative entre la masse (ou la surface corporelle) et les indices Doppler du remplissage ventriculaire sont 37 contradictoires [111]. Chez le chat, le poids du corps ne semble pas influer sur ces variables [105]. Chez le chien en revanche, il apparaît comme un facteur déterminant : quand la masse corporelle augmente, le temps de décélération augmente également. Ceci est peut-être en partie expliqué par la corrélation entre le format et la fréquence cardiaque : les chiens de grande race ont en effet une fréquence cardiaque plus basse, d’où un temps de décélération plus long. [111] c. La phase de la respiration Il est possible de rencontrer des modifications des indices Doppler au cours du cycle respiratoire [111,105]. On décrit que, durant l’inspiration, la vitesse maximale ainsi que l’intégrale de la vitesse du flux transmitral protodiastolique peuvent diminuer de façon significative. Notons que la respiration influe de façon importante sur le remplissage ventriculaire droit et donc sur l’enregistrement du flux tricuspidien. On observe ainsi, lors de l’inspiration, une augmentation des vitesses maximales des ondes E et A du flux tricuspidien, car le retour veineux vers le cœur droit augmente, du fait de la diminution de la pression thoracique en inspiration. [105] d. La fréquence cardiaque La fréquence cardiaque et la durée du cycle affectent les vitesses du flux transmitral : chez l’homme, quand la fréquence cardiaque augmente, le pic de l’onde A et son intégrale augmentent, ainsi que le temps de relaxation isovolumique. Chez le chat, on observe de même une augmentation de l’onde A qui s’accompagne d’une diminution du ratio E/A [105]. Des résultats similaires ont été mis en évidence chez le chien [111]. Lors de tachycardie en effet, la phase de diastasis est écourtée, si bien que la contribution de la systole atriale doit augmenter afin de compléter le remplissage. Par ailleurs, lors de tachycardie marquée (plus de 200 battements par minute [23]), les ondes E et A fusionnent ; le ratio E/A ne peut donc pas être calculé [110]. Du fait de sa fréquence, cette fusion des ondes E et A pose particulièrement problème chez le chat, notamment chez le cardiopathe, chez qui des fréquences cardiaques supérieures à 200 battements par minute ne sont pas rares. L’enregistrement du flux transmitral est alors inexploitable. Il est donc essentiel, lors d’interprétation des tracés de vitesses du flux transmitral, de tenir compte de certains facteurs individuels, notamment l’âge, mais aussi le poids et la fréquence cardiaque du patient, en particulier lorsqu’on met en évidence des anomalies du remplissage ventriculaire chez des individus apparemment en bonne santé. 38 3. Variations en fonction de facteurs distincts des propriétés intrinsèques du ventricule gauche Il est important de souligner que les indices fournis par le Doppler pulsé sont des mesures issues des vitesses de remplissage ventriculaire : ils fournissent des informations indirectes sur la fonction diastolique ventriculaire. [132, 133] D’après certaines variations de ces marqueurs, on conclut à des modifications de la relaxation et/ou de la compliance du ventricule. Cependant, il est essentiel de garder à l’esprit que les spectres Doppler ne sont pas uniquement déterminés par les propriétés diastoliques intrinsèques du ventricule mais peuvent être modifiés par de nombreux autres facteurs influençant le remplissage ventriculaire, comme nous le verrons dans la deuxième partie de ce travail. C’est pourquoi les enregistrements des flux transmitraux doivent être interprétés en fonction des conditions de charge (ils sont notamment étroitement corrélés à la précharge [85]), des fonctions systoliques atriale et ventriculaire gauches, des caractéristiques du péricarde et des performances du ventricule droit. [105, 111, 112, 132] (v) Les tracés caractéristiques des flux transmitraux, leur interprétation clinique On a mis en évidence l’existence de quatre « patterns » transmitraux distincts chez l’homme [132, 133, 145], le chien [85] et le chat [73] (Figure 11). 1. Tracé normal Chez un individu jeune en bonne santé, l’onde E est plus grande que l’onde A, aussi bien pour sa valeur maximale que pour l’aire sous la courbe. Le ratio E/A est donc supérieur à 1, indiquant une prédominance du remplissage protodiastolique. 2. Tracé d’altération de la relaxation Parmi les différents tracés observés lors d’altération de la fonction diastolique, on rencontre le plus fréquemment un enregistrement caractérisé par une onde E d’amplitude réduite (avec une valeur maximale diminuée et un ralentissement de l’accélération et de la décélération) suivie d’une onde A augmentée ; le ration E/A s’inverse alors, devenant inférieur à 1. Le temps de relaxation isovolumique est prolongé. Ce type de tracé peut témoigner d’un ralentissement de la relaxation, qui se prolonge au-delà de l’ouverture de la mitrale, entraînant une diminution du flux transmitral protodiastolique, compensée par une augmentation de la contribution de la systole atriale au remplissage ventriculaire. Cliniquement, l’observation de ce « pattern » indique donc la présence d’une altération de la relaxation. Celle-ci est rencontrée de façon physiologique chez les individus âgés, et témoigne du processus de vieillissement normal du myocarde. La relaxation est également perturbée dans de nombreux processus pathologiques affectant les propriétés structurales et fonctionnelles du myocarde ventriculaire. L’interprétation isolée d’un tel type de tracé doit néanmoins se faire avec prudence : il peut également être associé à une diminution de la pression atriale. [133] 39 3. Tracé restrictif Dans certains contextes de dysfonctionnement diastolique, le type de tracé obtenu est très différent du précédent : le temps de relaxation isovolumique est réduit, l’onde E, haute et étroite, présente un pic anormalement élevé avec une accélération et une décélération très rapides, et l’onde A est très diminuée, voire inexistante. Le ratio E/A est souvent supérieur à 2. Ces modifications du tracé Doppler du flux sanguin transmitral indiquent que le remplissage protodiastolique est bref, du fait d’une augmentation de l’élastance du myocarde et donc d’une élévation rapide de la pression ventriculaire. Par ailleurs, la réduction de l’onde A, en l’absence de dysfonctionnement systolique atrial, met en évidence une élévation marquée de la post-charge atriale : ainsi, malgré une contraction atriale forte, le flux de sang traversant la valve mitrale sera réduit. L’observation d’un flux veineux pulmonaire rétrograde associé, témoignant de l’efficacité de la systole atriale, représente un argument en faveur de ce processus [132]. La diminution du temps de relaxation isovolumique s’explique quant à elle par l’élévation de la pression atriale, qui entraîne une ouverture précoce de la valve mitrale [15]. Sur le plan clinique, un tel type de tracé (qualifié de « restrictif » [73, 133, 145]) apparaît ainsi assez spécifique de l’association d’une diminution de la compliance et d’une élévation de la pression atriale. L’observation d’un « pattern » restrictif est un facteur pronostic important et défavorable [133]. Ce profil est en effet généralement décrit lors d’altération sévère de la fonction diastolique : on le rencontre dans les processus constrictifs [132] - le péricarde s’oppose alors à la distension ventriculaire en diastole -, dans les processus restrictifs [132], où la compliance du myocarde est diminuée de façon importante (myocardiopathie restrictive, myocardiopathies hypertrophique [73] et dilatée [136, 145] à des stades avancés), ainsi que lors de régurgitation aortique sévère [132]. Le flux de régurgitation diastolique en provenance de l’aorte est dans ce cas responsable d’une élévation rapide de la pression ventriculaire en diastole, ce qui réduit le gradient atrioventriculaire et écourte le remplissage. 4. Tracé de pseudonormalisation Un dernier type de tracé peut être observé : on parle de « pseudonormalisation ». En effet, à l’image de ce qui est rencontré chez l’individu jeune et en bonne santé, le ratio E/A est supérieur à 1. Le tracé paraît ainsi semblable à un tracé normal malgré une fonction diastolique anormale. Il résulte d’une élévation de la pression dans l’atrium gauche qui compense le ralentissement de la relaxation ventriculaire et rétablit le gradient atrioventriculaire. Cependant, la réduction du temps de décélération protodiastolique [145] ou du temps de relaxation isovolumique [132] peut parfois permettre de le distinguer d’un tracé normal. Il apparaît en fait que ces différents tracés se rencontrent successivement chez un même individu, représentant l’évolution d’une fonction diastolique normale à une dysfonction sévère, avec une augmentation progressive de l’élastance du myocarde, de la pression atriale, et une diminution du temps de décélération : ainsi, le modèle de 40 pseudonormalisation est une étape intermédiaire entre le retard à la relaxation et le profil de remplissage de type restrictif. Figure 11 : les différents « patterns » du flux transmitral rencontrés lors d’altération de la fonction diastolique. De gauche à droite : tracé normal ou pseudonormal ; tracé d’altération de la relaxation ; tracé restrictif. D’après Schober [109]. L’enregistrement Doppler pulsé du flux transmitral représente sans doute le moyen le plus simple d’exploration de la fonction diastolique ventriculaire par échocardiographie Doppler, dans la mesure où il est techniquement assez facile à réaliser, et ne nécessite pas de recourir à un équipement extrêmement sophistiqué. De nombreux indices en dérivent, et fournissent des valeurs quantitatives concernant la fonction diastolique. Leur interprétation doit néanmoins se faire avec prudence, car de nombreux facteurs indépendants de la fonction diastolique ventriculaire sont susceptibles de faire varier ces valeurs. C’est donc surtout d’après l’aspect général du tracé, en se référant aux différents « patterns » décrits plus haut, que le praticien pourra tirer des conclusions concernant la présence d’un dysfonctionnement diastolique éventuel. (b) Flux veineux pulmonaire L’existence d’un tracé de pseudonormalisation représente une difficulté importante dans l’utilisation du flux transmitral pour explorer de façon non invasive la fonction diastolique ventriculaire gauche. La mesure des vitesses du flux sanguin dans les veines pulmonaires peut être utilisée en association avec la technique précédente pour tenter de pallier ces limites, en fournissant des informations complémentaires sur la compliance et les pressions de remplissage du ventricule gauche. (i) Considérations technique Chez l’homme, la technique de choix pour enregistrer le flux veineux pulmonaire est l’échographie transoesophagienne, mais il est également possible d’avoir recours à l’échographie transthoracique, avec cependant un tracé de moindre qualité et une analyse qualitative et quantitative par conséquent plus délicate [145]. En cardiologie vétérinaire, l’échographie transoesophagienne ne peut être utilisée sans anesthésie, ce qui limite son 41 intérêt clinique, et l’enregistrement Doppler du flux veineux pulmonaire se fera donc préférentiellement par échographie transthoracique. Chez le chien, la coupe apicale quatre cavités parasternale gauche permet de bien visualiser les veines pulmonaires caudales droite et gauche (Figure 12, schéma B). On obtient un bon alignement de l’axe de tir Doppler avec le flux veineux pulmonaire caudal droit. Pour la veine pulmonaire caudale gauche en revanche, l’angle formé par l’axe de tir et le flux sanguin est souvent supérieur à 20°, ce qui ne permet pas une mesure suffisamment précise des vitesses. Un alignement satisfaisant avec la veine pulmonaire caudale gauche est obtenu à partir de la coupe grand axe quatre cavités par voie parasternale droite (Figure 12, schéma D). [23] Pour mesurer les vitesses du flux sanguin dans les veines pulmonaires crâniales chez le chien, il est recommandé d’utiliser les coupes grand axe quatre cavités obtenue par voie parasternale à gauche ou à droite. [110] A D B E C F Figure 12 : Différentes coupes échocardiographiques permettant de visualiser les veines pulmonaires caudales chez le chien. A : coupe parasternale droite petit axe, B : coupe parasternale gauche apicale 4 cavités, C : coupe parasternale gauche grand axe 5 cavités, D : coupe parasternale droite grand axe 4 cavités, E : coupe parasternale gauche petit axe, F : coupe parasternale gauche grand axe 2 cavités. LPV : veine pulmonaire caudale gauche, RPV : veine pulmonaire caudale droite, RV : ventricule droit, LV : ventricule gauche, RA : atrium droit, LA : atrium gauche, LAA : auricule gauche, AO : aorte. D’après Chiang [23]. 42 (ii) Aspect du tracé des vitesses du flux veineux pulmonaire 1. Aspect du tracé chez l’homme et bases physiologiques Chez l’homme, le profil complet du flux veineux pulmonaire présente deux déflexions positives au cours de la systole ventriculaire, une déflexion positive en phase protodiastolique puis une déflexion négative associée à la contraction atriale. Au cours de la systole ventriculaire, la diminution de la pression dans l’atrium entraîne son remplissage à partir du contenu des veines pulmonaires. Cette chute de pression présente deux origines : une composante atriale résultant de la relaxation atriale, à l’origine d’un premier flux protosystolique SE, et une composante ventriculaire résultant du déplacement de l’anneau mitral vers l’apex qui augmente la taille de l’atrium, ce qui entraîne le second flux systolique SL. Les deux composantes atriale et ventriculaire sont cependant simultanées chez 70% des individus environ [5, 23], si bien qu’on ne visualise qu’une seule déflexion systolique S. Le remplissage rapide du ventricule en début de diastole entraîne une chute de pression dans l’atrium, autorisant un nouveau remplissage de l’atrium à partir des veines pulmonaires. L’atrium fonctionne alors comme un conduit passif entre les veines pulmonaires et le ventricule : c’est la phase de diastasis. Celle-ci se traduit sur l’enregistrement Doppler par une onde positive notée D, dont le pic est atteint en milieu de diastole, 50 millisecondes environ après le pic de l’onde E mitrale. La contraction atriale est ensuite à l’origine d’une augmentation de la pression dans l’atrium et génère un flux rétrograde dans les veines pulmonaires. Celui-ci est visualisé par une déflexion négative notée AR ou R. [110] Par ailleurs, il a été montré que le flux veineux pulmonaire n’est pas uniquement sous la dépendance des pressions atriales gauches : il apparaît en effet qu’en fin de systole ventriculaire, le système veines pulmonaires - atrium gauche se remplit à partir du volume d’éjection systolique du ventricule droit. Ainsi, l’onde SL est aussi dépendante du remplissage des veines pulmonaires et de l’atrium gauche par le sang issu du volume d’éjection du ventricule droit. [5] 2. Aspect du tracé chez le chien et le chat Comme chez l’homme, l’enregistrement Doppler complet du flux veineux pulmonaire chez le chien et le chat présente 4 déflexions (Figure 13), avec des variations individuelles, notamment lors de la systole ventriculaire (les 2 ondes systoliques sont souvent fusionnées, en particulier par échocardiographie transthoracique) [23, 105]. L’onde R n’est pas toujours observée chez le chien (un sur deux environ) [23]. Une seconde onde rétrograde R2 est par ailleurs décrite chez le chien, après la fin du flux systolique (Figure 13). Deux hypothèses sont proposées pour expliquer sa présence : ce flux rétrograde pourrait être créé par une brève élévation de pression dans l’atrium après la fin du remplissage atrial, créant un gradient de pression entre l’atrium et les veines pulmonaires. Il est également possible que la pression atriale augmente légèrement au cours de la relaxation ventriculaire isovolumique, car l’anneau mitral commence à s’éloigner de l’apex juste avant l’ouverture de la valve. Cette onde R2 peut être très utile en tant que 43 marqueur de la fin du flux systolique, en particulier chez les chiens présentant un flux veineux pulmonaire turbulent. [110] Figure 13 : Représentation schématique des enregistrements Doppler normaux du flux transmitral (en bas) et du flux veineux pulmonaire (en haut) chez le chien. MVO : ouverture de la valve mitrale ; MVC : fermeture de la valve mitrale. D’après Schober [110]. (iii) Apports de cet enregistrement dans l’étude de la fonction diastolique Figure 14 : Patterns Doppler du flux transmitral (en haut) et du flux veineux pulmonaire (en bas) lors d’altération de la fonction diastolique. De gauche à droite : tracé normal ; altération de la relaxation ; pseudonormalisation ; physiologie restrictive. D’après Luis-Fuentes [73]. 44 L’enregistrement du flux veineux pulmonaire est utilisé pour évaluer de façon indirecte la pression atriale gauche, et permet donc souvent de déterminer si l’enregistrement du flux transmitral est normal ou non. Lors de pseudonormalisation du flux transmitral en effet, l’amplitude de l’onde S est augmentée, du fait de l’élévation de la pression atriale (Figure 14). L’onde D est directement en relation avec l’onde transmitrale E et donc sous l’influence des mêmes facteurs [105]. Ses variations suivent donc celles de l’onde E (Figure 14): son amplitude diminue lors d’altération de la relaxation, et le ratio S/D augmente, puis elle redevient comparable à l’onde S lors de pseudonormalisation. Dans les physiologies restrictives, le pic de vitesse de D augmente et le ratio S/D devient très inférieur à 1. L’étude des vitesses de l’onde rétrograde AR présente quant à elle un intérêt à la fois dans l’évaluation de la fonction atriale et de la compliance ventriculaire : Chez un individu normal, l’onde AR est de faible amplitude et de courte durée, comparée à l’onde transmitrale A (Figure 14). En revanche, si la compliance ventriculaire est réduite, on notera une augmentation relative de l’amplitude et de la durée de l’onde AR par rapport à l’onde A, comme on l’observe lors de physiologie restrictive sur la Figure 14. Si c’est la fonction systolique atriale qui est altérée, on observera alors une réduction de l’amplitude des 2 ondes. On peut ainsi utiliser la somme des ondes A et AR comme indicateur de la fonction systolique atriale, alors que le ratio AR/A (en amplitude ou en durée) peut être mis en relation avec la compliance ventriculaire [23, 133]. Ainsi, on comprend l’intérêt d’associer l’étude du flux veineux pulmonaire à celui du flux transmitral, notamment pour différentier un profil normal d’un profil pseudonormal : lors de pseudonormalisation du flux transmitral, l’onde S et l’onde AR sont d’amplitude augmentées par rapport à un profil veineux pulmonaire normal (Figure 14). (iv)Variations physiologiques 1. Variations en fonction de la fréquence cardiaque On peut observer en cas de tachycardie importante une fusion des ondes S et D [23]. D’autres études rapportent une augmentation des vitesses maximales des ondes S et AR lorsque la fréquence cardiaque augmente. [111] 2. Variations en fonction du cycle respiratoire On peut s’attendre à ce que l’enregistrement du flux veineux pulmonaire soit affecté par la respiration. Les veines pulmonaires extraparenchymateuses sont en effet influencées par les changements de pression dans les espaces pleural et médiastinal, ainsi que par le débit d’éjection du ventricule droit, qui varie lui-même en fonction de la phase de la respiration [5, 110]. Il semblerait cependant que les effets de la respiration soient négligeables, chez l’homme comme chez le chien [23, 110]. D’autres auteurs rapportent au contraire des modifications significatives des indices Doppler avec une diminution des vitesses en inspiration et une augmentation en expiration. Ces variations en fonction du cycle respiratoire semblent surtout concerner l’onde AR [5]. 45 3. Variations reliées à l’âge Comme le flux transmitral, le flux veineux pulmonaire est affecté par le processus de vieillissement. Chez l’homme, comme chez le chien, le ratio S/D est inférieur à 1 chez les jeunes individus [23, 41]. L’onde S devient prédominante chez les hommes de plus de 50 ans. Il est probable qu’il en soit de même chez le chien à partir d’un certain âge [ 23, 110]. Chez le chien âgé, il est par ailleurs observé que la vitesse de l’onde AR augmente, suggérant une diminution de la compliance ventriculaire. Cependant, on peut noter que la vitesse maximale de l’onde AR reste inférieure à 0,35 m/s quel que soit l’âge de l’animal, seuil utilisé chez l’homme pour définir une augmentation significative de l’élastance ventriculaire [111]. Il convient néanmoins de tenir compte du facteur âge lors de l’interprétation de l’enregistrement du flux veineux pulmonaire. De même, chez le chat, une corrélation positive a été mise en évidence entre l’âge et le pic de l’onde S [105]. (v) Limites de cet enregistrement dans l’exploration de la fonction diastolique L’intérêt principal de l’enregistrement du flux veineux pulmonaire dans l’étude de la fonction diastolique est de permettre de différentier un profil transmitral pseudonormal d’un profil normal, notamment grâce à l’analyse de la vitesse et de la durée de l’onde rétrograde télédiastolique AR (Figure 14). Néanmoins, identifier un profil transmitral pseudonormal grâce à l’analyse du flux veineux pulmonaire n’est possible que dans 70 % à 80 % des cas [29], car certaines conditions peuvent conduire à une interprétation erronée de cet enregistrement. Par exemple, un profil « restrictif » peut être observé sévère, sans que la fonction diastolique soit affectée. [41] lors d’insuffisance mitrale Lors de défaillance systolique atriale également, comme par exemple lors de fibrillation atriale, l’onde AR sera d’amplitude très diminuée, même si la compliance ventriculaire est très altérée, et que l’on attend au contraire donc une onde AR proéminente. [41] L’écho-Doppler pulsé, à travers l’étude du flux transmitral et du flux veineux pulmonaire, représente donc une technique intéressante pour explorer la fonction diastolique, notamment car cette méthode est aujourd’hui largement répandue et sa mise en oeuvre bien maîtrisée en cardiologie vétérinaire. Elle n’est toutefois pas dénuée d’inconvénients, qui sont essentiellement liés au fait que l’on mesure alors le flux de remplissage ventriculaire, et que ce dernier est sous la dépendance de nombreux autres facteurs que la seule fonction diastolique ventriculaire. D’autres moyens d’investigation ont donc été développés plus récemment à partir des modes Doppler conventionnels, afin de fournir des marqueurs de la fonction diastolique ventriculaire plus performants : il s’agit du mode Doppler M couleur et surtout du Doppler tissulaire myocardique. 46 (3) Le mode Doppler M couleur (a) Principe et intérêt Le mode M couleur renseigne sur la distribution des vitesses du flux sanguin, codées en couleur, tout au long d’une ligne de tir Doppler et en fonction du temps. Une approche quantitative des vitesses peut par ailleurs être obtenue par traitement informatique des données enregistrées. Il fournit donc, par rapport au Doppler pulsé standard, des informations supplémentaires, à la fois spatiales et temporelles : l’enregistrement obtenu par mode M couleur, lorsqu’on place la ligne de tir dans l’axe passant au milieu de la valve mitral en direction de l’apex, correspondrait à de multiples tracés Doppler pulsé simultanés obtenus à différents niveaux en allant de la valve mitrale à l’apex du ventricule. [41] (b) Tracé obtenu Le tracé obtenu pendant la diastole chez des individus normaux présente une première onde E se propageant de l’atrium au ventricule gauche (elle correspond au remplissage protodiastolique) et une seconde (A) qui suit la contraction atriale (Figure 15). Comme le montrent les couleurs observées, la vitesse est maximale au niveau des feuillets valvulaires et diminue quand le flux s’approche de l’apex. L’endroit où la vitesse maximale est enregistrée est plus éloigné des feuillets valvulaires pour l’onde E qu’elle ne l’est pour l’onde A, ce qui suggère la présence d’une force d’aspiration générée par des gradients de pression intra-ventriculaire qui accélère le flux au-delà de l’orifice mitral au cours du remplissage protodiastolique. [41, 42, 130] Figure 15 : Enregistrement des vitesses du flux transmitral par mode M couleur. D’après Thomas [133]. 47 (c) Indices fournis par le mode M-couleur (i) Vitesse de propagation du flux de remplissage protodiastolique (Vp) 1. Définition La vitesse de propagation du flux sanguin Vp correspond à la pente de la droite qui joint les points de vitesse égale en allant des feuillets mitraux à la région apicale. En pratique, on peut l’obtenir en mesurant la pente de la ligne de transition de la zone noire à la zone colorée (Figure 16) [41]. Cependant, cette méthode manuelle autorise une certaine variabilité manipulateur-dépendante, c’est pourquoi d’autres méthodes ont été développées : Garcia et al. proposent par exemple une méthode semi-automatique, en mesurant la pente de la ligne joignant les points où la vitesse est égale à 50% de la vitesse maximale (cette valeur de vitesse est choisie arbitrairement). Cette méthode permet de s’affranchir de la variabilité liée au manipulateur puisque la ligne dont la machine calcule la pente est déterminée automatiquement par cette dernière [42]. 2. Application pratique de la vitesse de propagation du flux a. Intérêt de Vp comme indice de relaxation ventriculaire Il existe une corrélation négative forte entre Vp et la constante de temps de la relaxation isovolumique τ. Par ailleurs, à la différence des indices Doppler conventionnels, Vp est relativement indépendante de la précharge. La relaxation ventriculaire étant le principal déterminant physiologique de cet indice [42], Vp peut donc être considéré comme un marqueur non-invasif de la relaxation ventriculaire chez l’homme [41, 42] mais aussi chez le chien et le chat [42, 112] : Vp diminue quand la relaxation est altérée. b. Intérêt de Vp dans l’évaluation des pressions de remplissage ventriculaire Les indices Doppler conventionnel du remplissage ventriculaire sont peu performants dans l’estimation des pressions de remplissage car ils dépendent en même temps de la qualité de la relaxation. Il est donc intéressant de combiner la vitesse maximale du flux transmitral protodiastolique Emax, indice dépendant à la fois de la précharge et de la relaxation, avec Vp, qui ne dépend que de la relaxation ventriculaire. En effet, le ratio E/Vp est corrélé de façon significative avec la pression ventriculaire télédiastolique [112] et permet une estimation satisfaisante de la pression veineuse pulmonaire [40]. Ainsi, grâce à Vp, on corrige les effets de la relaxation sur Emax et ce ratio E/ Vp peut être utilisé en pratique comme indice des pressions de remplissage ventriculaire. (ii) Délai entre le point de vitesse maximale au niveau de l’anneau mitral et de l’apex (Time Delay, TD) Cet indice est décrit dans la littérature, mais son utilisation en pratique est plus limitée que celle de la vitesse de propagation du flux Vp. TD représente l’intervalle de temps 48 s’écoulant entre l’enregistrement de la vitesse maximale au niveau de l’orifice mitral et l’enregistrement de la vitesse maximale au niveau de l’apex du ventricule (Figure 16). Il est déterminé par analyse informatique. Il a été montré que TD présente une bonne corrélation avec les indices invasifs de la relaxation ventriculaire (τ et – dP/dtmax) [130] et est prolongé lors de retard à la relaxation. [41] Figure 16 : Mesure de la vitesse de propagation du flux Vp et du time delay (TD) sur l’enregistrement Doppler M couleur du flux transmitral. D’après Garcia [41]. (d) Variations physiologiques et pathologiques de Vp Chez le jeune individu, Vp est supérieur à 55 cm/s (45 cm/s chez l’adulte plus âgé) [41]. Lors d’altération de la relaxation, Vp est diminuée ; le Doppler pulsé standard montre par ailleurs que E diminue et le ratio E/A s’inverse [41]. Lorsqu’on assiste à une pseudonormalisation du flux transmitral dû à une élévation de la pression de remplissage, la vitesse de propagation du flux de remplissage est rapidement atténuée, en dépit de l’augmentation de la vitesse du flux transmitral protodiastolique. En effet, du fait de l’altération de la relaxation, le gradient de pression intra-ventriculaire diminue rapidement. [130] On constate donc l’intérêt à la fois diagnostique et pronostique de l’association entre l’échocardiographie Doppler pulsé conventionnelle et le mode M couleur, qui permet de surmonter les difficultés liées au fait que les indices Doppler standard sont dépendants de nombreuses variables et notamment la précharge. [41] (4) Le Doppler tissulaire myocardique ou TDI (a) Définition, intérêts Le Doppler tissulaire myocardique, ou mode TDI (Tissue Doppler Imaging), est une technique échocardiographique nouvelle, utilisable pour quantifier les vitesses non pas du flux sanguin à l’intérieur des cavités cardiaques, comme le permettent le Doppler pulsé ou le Doppler couleur standards, mais du tissu myocardique en lui-même. Comme nous avons pu le voir précédemment, les principales limites des paramètres Doppler conventionnels dans l’exploration de la fonction diastolique ventriculaire sont 49 représentées par leur dépendance vis-à-vis de la précharge ainsi que l’existence du tracé de pseudonormalisation. En effet, l’enregistrement du flux veineux pulmonaire ne peut permettre de distinguer notamment un profil normal d’un profil pseudonormal que dans 70 à 80% des cas [29]. Le Doppler tissulaire a donc été développé durant la deuxième moitié des années quatre-vingt-dix en médecine humaine dans le but de fournir des indices d’exploration non-invasifs de la fonction diastolique ventriculaire, indices qui s’affranchiraient des conditions de charge [29, 81, 146]. En médecine vétérinaire, il est aujourd’hui employé assez couramment dans les pays anglo-saxons, notamment dans les structures universitaires, et commence à être utilisé en France. (b) Considérations techniques (i) Principes physiques et paramètres d’enregistrement A la différence des techniques Doppler conventionnelles qui s’intéressent aux échos d’intensité basse et de vitesse élevée générés par les flux sanguins, le mode TDI mesure les échos de haute intensité et de vitesse basse renvoyés par le myocarde [29]. Ainsi, les filtres utilisés en mode Doppler standard pour éliminer les signaux de basse vitesse et haute amplitude des parois myocardiques, doivent être désactivés lors d’enregistrement en mode TDI. Le gain doit souvent être réduit pour permettre un enregistrement optimal des signaux provenant du myocarde. Comme les vitesse myocardiques sont faibles (inférieures à 25 cm/s), une échelle adaptée doit être mise en place afin d’obtenir des mesures précises [41, 146]. On retrouve les différents modes existants dans les techniques Doppler classiques (mode Doppler pulsé noir et blanc ou couleur et mode M-couleur), avec les mêmes avantages et inconvénients pour chacun qu’en Doppler conventionnel : le Doppler couleur bidimensionnel apporte une bonne résolution spatiale : on peut en effet visualiser les différences de vitesse entre les couches épi- et endocardiques [146]. Le Doppler pulsé noir et blanc permet d’obtenir une meilleure résolution temporelle et une plus grande précision pour la mesure des vitesses, en donnant accès aux pics de vitesse plutôt qu’aux vitesses moyennes. [41] (ii) Bases anatomo-physiologiques des signaux TDI et conséquences Le tissu myocardique est principalement constitué de cardiomyocytes interconnectés entre eux. L’architecture du myocarde ventriculaire gauche est complexe, les fibres myocardiques présentant une orientation particulière dans l’espace : les fibres des couches épicardiques et endocardiques s’insèrent sur l’anneau fibreux mitral et rejoignent l’apex du cœur en formant deux hélices de sens opposé (sens des aiguilles d’une montre pour les fibres épicardiques et sens inverse pour les fibres endocardiques). L’apex est relativement immobile et se compose d’une très fine couche de fibres myocardiques. Les fibres des couches sous-endocardiques et sous-épicardiques sont orientées longitudinalement. Enfin, dans la couche myocardique moyenne, les fibres sont agencées de manière circonférentielle. [146] 50 Lorsqu’on place un échantillon Doppler à l’intérieur de la paroi à laquelle on s’intéresse, on enregistre les mouvements parallèles à l’orientation de l’axe de tir [29]. Par conséquent, la mesure des vitesses myocardiques en coupe apicale gauche reflète le raccourcissement et la relaxation longitudinaux, dans le sens du grand axe du ventricule, alors qu’en coupe parasternale droite, les vitesses enregistrées correspondent au raccourcissement ou à la relaxation selon le petit axe du ventricule (Figure 17). [146] Figure 17 : Positionnement de l’axe de tir Doppler pour l’enregistrement du déplacement de la paroi libre du ventricule gauche selon son petit axe (à gauche) et pour l’enregistrement du déplacement longitudinal de l’anneau mitral latéral ou septal (à droite). La position de l’échantillon est représentée par le cercle rouge. D’après De Boeck [29]. Le mode TDI pulsé noir et blanc ne permet pas de distinguer les déplacements des fibres circonférentielles de ceux des fibres longitudinales, compte tenu du volume réduit de l’échantillon. Le mode couleur, en revanche, autorise une meilleure identification des anomalies de la couche moyenne ainsi qu’une distinction des vitesses des fibres endocardiques et épicardiques. [146] (c) Enregistrements TDI utilisés dans l’exploration de la fonction diastolique ventriculaire (i) Enregistrement TDI des vitesses de déplacement des parois myocardiques On observe un signal systolique Sm dirigé vers le centre du ventricule puis 2 signaux diastoliques distincts Em et Am s’éloignant du centre du ventricule (Figure 18). Concernant le choix du site d’enregistrement, on peut souligner que la paroi septale peut être affectée de manière plus importante que la paroi libre par les mouvements de l’ensemble du cœur et par les modifications hémodynamiques du ventricule droit. Par conséquent, le choix de la paroi libre du ventricule gauche (Figure 17) peut se révéler plus judicieux chez l’homme, d’autant plus que les indices obtenus présentent une meilleure corrélation avec les paramètres invasifs de la relaxation. [90] Pour interpréter les vitesses obtenues, il faut tenir compte du fait qu’elles ne représentent qu’une composante du déplacement d’un segment donné dans une direction parallèle à celle de l’axe de tir. Par ailleurs, ce déplacement n’est pas seulement dû au raccourcissement et à l’allongement du myocarde selon cet axe, mais aussi aux mouvements 51 de translation et de rotation des structures cardiaques. En effet, les mouvements du cœur dans le thorax sont limités mais non nuls, et du fait de l’agencement particulier des fibres myocardiques dans l’espace et de la contraction différée des différentes structures au cours du cycle, le cœur est soumis à des mouvements de translation et de rotation. Pour pallier ce problème, différentes approches peuvent être proposées : des algorithmes ont été développés pour éliminer l’effet de la translation cardiaque et corriger le mauvais alignement de l’axe de tir Doppler avec la direction du déplacement. On peut également – c’est la méthode souvent privilégiée en pratique – enregistrer plus particulièrement le déplacement de l’anneau mitral, comme nous le verrons dans le paragraphe suivant. [41] Ainsi, l’enregistrement des vitesses de déplacement des parois myocardiques permet d’étudier la fonction régionale du segment dans lequel est placé l’échantillon d’analyse plutôt que la qualité globale de la contraction ou de la relaxation du ventricule. [ 41] Par ailleurs, l’analyse du déplacement de la paroi ventriculaire libre présente un autre intérêt : on observe en effet des différences importantes entre les vitesses de déplacement de l’anneau mitral et de la paroi libre du ventricule gauche, avec un signal Am de plus faible amplitude au sein de la paroi ventriculaire qu’au niveau de l’anneau mitral et par conséquent un ratio Em/Am significativement plus élevé [99]. Compte tenu de la contiguïté spatiale de l’anneau mitral avec l’atrium, son déplacement est plus sensible à l’activité atriale. De plus, sa composition fibreuse le rend plus réactif aux forces extrinsèques exercées lors de la contraction atriale que la paroi musculaire myocardique. [43, 99] Ainsi, les vitesses enregistrées au niveau de la paroi libre du ventricule fournissent des données sur la relaxation ventriculaire indépendamment de l’activité systolique atriale. (ii) Enregistrement TDI des vitesses de déplacement de l’anneau mitral 1. Intérêt pratique L’enregistrement des vitesses de déplacement de l’anneau mitral, obtenu à partir de la coupe apicale quatre cavités, reflète les modifications de la dimension du ventricule gauche selon son grand axe, puisque l’apex du cœur est relativement fixe au cours du cycle cardiaque [125]. De plus, le déplacement de la base du cœur selon cet axe est presque parallèle à l’axe de tir Doppler, si bien qu’il n’est pas nécessaire de recourir à une correction angulaire [41]. L’intérêt de l’enregistrement du déplacement de l’anneau mitral réside dans le fait qu’il est peu influencé par les lésions focales du myocarde ventriculaire, puisque l’échantillon n’est pas placé au sein des parois, et correspond donc mieux au raccourcissement et à la relaxation globaux du ventricule. Néanmoins, il existe des différences régionales en fonction du site d’enregistrement : en effet, la part de fibres longitudinales est plus importante au sein des muscles papillaires et de la paroi ventriculaire libre que dans le septum, si bien que les vitesses enregistrées sur le bord latéral de l’anneau sont plus élevées que celles enregistrées sur le bord septal. [29] Par ailleurs, comme nous l’avons précédemment souligné, l’enregistrement du déplacement de l’anneau mitral, comparé au déplacement de la paroi ventriculaire, est un indicateur plus sensible de la contraction atriale, compte tenu des relations anatomiques intimes entre l’atrium gauche et l’anneau mitral [43]. 52 2. Choix du site d’enregistrement Il n’existe pas de consensus concernant un intérêt à utiliser préférentiellement le bord latéral ou le bord septal de l’anneau mitral (Figure 17) [29]. Les vitesses latérales sont légèrement plus élevées que les vitesses septales [81]. Certains auteurs recommandent l’utilisation du bord septal, car celui-ci se déplace dans une direction plus parallèle au faisceau d’ultrasons et est moins affecté par les mouvements du cœur dans le thorax au cours du cycle cardiaque [125]. D’autres préfèrent le bord latéral, ce site étant facile à obtenir en vue apicale. Son déplacement peut certes être influencé par des anomalies de la région adjacente ; cependant, chez l’homme, les lésions focales de type infarctus sont peu décrites dans cette région basale latérale du ventricule gauche [81]. Chez nos Carnivores domestiques, il serait difficile d’obtenir un alignement idéal de l’axe de tir avec l’anneau mitral latéral. L’utilisation de l’anneau mitral septal serait donc plus intéressante. [113] 3. Aspect du tracé TDI des vitesses de l’anneau mitral normal Comme l’enregistrement du déplacement des parois ventriculaires, l’enregistrement des vitesses de déplacement de l’anneau mitral présente 3 signaux principaux (Figure 18): un signal systolique unique (Sm) et deux signaux distincts en phases proto- (Em) et télédiastolique (Am). Sur un tracé normal, le signal Em est de plus grande amplitude que le signal Am [125]. De petits signaux biphasiques sont observés au cours des phases de contraction et de relaxation isovolumiques ; ils sont interprétés comme résultant de brèves modifications de la géométrie ventriculaire, induites notamment par un décalage dans les phénomènes de raccourcissement/allongement des fibres longitudinales et circonférentielles. [29, 41] Figure 18 : Enregistrement des vitesses de déplacement de l’anneau mitral en mode TDI. D’après De Boeck [29]. Si l’on examine parallèlement les enregistrements des vitesses du flux transmitral et du déplacement de l’anneau mitral obtenus respectivement en mode conventionnel et en mode TDI (Figure 19), on constate que le signal Em et l’onde E commencent simultanément, 53 le pic de Em précède le pic de E, puis le flux transmitral se prolonge au-delà du déplacement annulaire. Ceci suggère que d’une part que c’est l’aspiration ventriculaire qui initie le remplissage ventriculaire rapide (et non que le ventricule se dilate sous l’effet du remplissage en début de diastole) [39, 43] et d’autre part, que la distension ventriculaire circonférentielle continue au-delà de l’allongement du ventricule [125]. Figure 19 : Enregistrement simultané du flux sanguin transmitral par Doppler pulsé (en haut) et du déplacement de l’anneau mitral par TDI (en bas). L’onde E et l’onde Em (E’) commencent simultanément mais l’onde Em se termine avant la fin de l’onde E. D’après Sohn [125]. (iii) Indices TDI utilisés dans l’exploration de la fonction diastolique ventriculaire Les indices dérivés du mode TDI sont calqués sur ceux utilisés en mode Doppler pulsé standard : on s’intéresse aux pics de vitesse des ondes Em et Am, qui représentent les vitesses maximales de déplacement en début et en fin de diastole, ainsi qu’à leurs intégrales (aire sous la courbe), qui nous renseignent sur le déplacement total en phase protodiastolique et télédiastolique [29]. Le ratio Em/Am peut être calculé, il est normalement supérieur à 1 [146]. Le mode TDI permet également une mesure du temps de relaxation isovolumique, que l’on note IVRTm (Figure 18). 1. Signification et utilisation de la vitesse maximale de déplacement protodiastolique du myocarde a. Indice de la relaxation ventriculaire indépendant de la précharge Un certain nombre d’éléments ont conduit à penser que la vitesse maximale de déplacement protodiastolique (ou pic de vitesse de Em) est un indice de la relaxation ventriculaire. Plusieurs études ont en effet mis en évidence une diminution progressive du 54 pic avec l’âge, or on a vu que la relaxation ventriculaire s’altère avec l’âge. De plus, une relation significative entre Em et la vitesse du flux transmitral protodiastolique E ainsi qu’avec le ratio E/A a été mise en évidence [81]. Enfin et surtout, il a été démontré une corrélation assez forte entre Em et les indices invasifs de la relaxation ventriculaire : τ, constante de relaxation isovolumique du ventricule gauche, et dP/dtmin [90]. La vitesse maximale de déplacement protodiastolique Em est donc un marqueur de la relaxation ventriculaire : elle diminue quand la relaxation est altérée. Par ailleurs, des études ont montré que, si l’on modifie la précharge par une perfusion de solution saline (qui augmente la précharge) ou de nitroglycérine, qui est un puissant vasodilatateur et entraîne donc une diminution de la précharge, Em n’est pas modifié. Cet indice est donc relativement indépendant de la précharge, ce qui en fait un marqueur plus performant que les indices dérivés du Doppler conventionnel pour l’exploration de la relaxation ventriculaire. De plus, puisqu’il ne dépend pas de la pression atriale, Em permet de distinguer un profil normal d’un profil de pseudonormalisation : il montre une décroissance progressive d’une physiologie normale à une physiologie restrictive (Figure 20). [125] Figure 20 : Enregistrements du flux transmitral par Doppler pulsé (en haut) et du déplacement de l’anneau mitral au mode TDI (en bas) lors d’altérations de la fonction diastolique. De gauche à droite : aspect normal ; trouble de la relaxation ; pseudonormalisation ; physiologie restrictive. D’après Sohn [125]. Comme nous b. Estimation des pressions de remplissage du ventricule gauche l’avons vu précédemment, la vitesse du flux transmitral protodiastolique E est influencée à la fois par la pression atriale gauche et la qualité de la relaxation. Or relaxation anormale et hautes pressions de remplissage coexistent souvent chez le cardiopathe ; ainsi, il n’est pas étonnant que la vitesse de l’onde E ne soit que faiblement corrélée en elle-même à la pression dans l’atrium gauche. On peut néanmoins 55 penser qu’en corrigeant l’influence de la relaxation sur l’onde E par un indice dépendant uniquement de la relaxation, comme on l’a fait avec la vitesse de propagation du flux sanguin Vp obtenue en mode M couleur, on améliore sa relation avec la pression atriale gauche. On peut donc utiliser le ratio E/Em pour obtenir une estimation raisonnable des pressions de remplissage ; la forte corrélation de ce rapport avec la pression atriale moyenne a été mise en évidence chez l’homme [81], ainsi que chez le chien lors de régurgitation mitrale aiguë [93] : un ratio E/Em supérieur à 9,1 indique une pression atriale moyenne supérieure à 20 mmHg. 2. Limites de l’utilisation des vitesses de déplacement myocardique Dans certaines conditions, l’interprétation des vitesses de déplacement myocardique peut être difficile : - en cas de perturbations marquées de la conduction intra-ventriculaire [29] ; - lors d’asynergie régionale de déplacement des parois, que l’on rencontre lors d’infarctus myocardique ou d’hypertrophie ventriculaire asymétrique [90]. Pour évaluer la fonction diastolique ventriculaire globale, il faut alors éviter d’échantillonner des segments présentant des anomalies marquées. Si l’importance des anomalies locales oblige à échantillonner dans une zone anormale, il peut être intéressant de déterminer une moyenne de déplacement à partir de 4 segments basaux [29, 41] ; - les affections valvulaires sévères peuvent représenter une limite, du fait de leur influence sur le remplissage ventriculaire [29]. Chez le chat, l’analyse des vitesses de déplacement de l’anneau mitral peut être limitée par des problèmes spécifiques : l’orientation crânio-caudale du cœur et l’espace restreint disponible pour placer l’échantillon à analyser sur l’anneau mitral peuvent affecter la précision de cette méthode. Il pourrait donc être préférable de choisir plutôt l’analyse des vitesses des parois ventriculaires, plus facile à réaliser techniquement dans cette espèce. Par ailleurs, il serait souvent nécessaire de recourir à un angle de correction de 10 à 20° pour obtenir l’alignement optimal permettant l’évaluation des déplacements myocardiques. [43] (d) Méthodes dérivées du mode TDI (i) Analyse des gradients de vitesse myocardiques (GVM) 1. Définition et mesure des GVM Des différences entre les vitesses de déplacement des couches myocardiques sous- épicardique et sous-endocardique peuvent être mises en évidence en utilisant le mode TDI couleur bidimensionnel, ou le mode TDI M couleur. Ce dernier possède une meilleure résolution temporelle que le mode couleur bidimensionnel [146]. On constate ainsi que les vitesses de déplacement de la couche endocardique sont plus élevées que celles de l’épicarde, et cette différence peut être quantifiée en mesurant les gradients de vitesse épiendocardiques (ou radiaux) [22, 146]. 56 Les GVM sont donc déterminés à partir du mode TDI couleur bidimensionnel (la différence entre les vitesses de la couche sous-endocardique et celles de la couche sous- épicardique est alors déterminée automatiquement) [22] ou à l’aide du mode M couleur [67], grâce à une analyse off line des vitesses enregistrées à travers le myocarde le long de l’axe de tir Doppler, de l’endocarde à l’épicarde [94]. Ils reflètent les modifications de l’épaisseur de la paroi au cours du cycle cardiaque [67]. Par ailleurs, on constate que les vitesses de déplacement du myocarde diminuent également de la base vers l’apex, ce qui permet de définir des gradients de vitesse longitudinaux. [22] 2. Variation des GVM La différence de vitesse entre les couches myocardiques est plus importante lorsque les vitesses de déplacement sont maximales, si bien que, parallèlement à la courbe des vitesses de déplacement des parois ventriculaires, on observe trois pics de GVM (radiaux ou longitudinaux) : en systole, en phase protodiastolique, et en phase télédiastolique [ 22]. 3. Intérêts de cette méthode pour l’exploration de la fonction diastolique Les GVM sont indépendants de la précharge, et représentent un indice très sensible des fonctions ventriculaires systolique et diastolique. Ils sont en particulier fortement corrélés à τ, et peuvent donc être utilisés comme marqueurs de la relaxation. [67] L’utilisation de cette méthode présente notamment un intérêt dans l’exploration de la fonction diastolique lors d’hypertrophie myocardique, tant chez l’homme [94] que chez le chat [67]. Elle permet en effet de différentier la myocardiopathie hypertrophique des autres causes d’hypertrophie myocardique : une étude menée chez l’homme a mis en évidence une diminution des GVM chez les patients atteints de myocardiopathie hypertrophique par rapport aux athlètes chez lesquels l’hypertrophie myocardique est physiologique. Ceci peut être mis en relation avec les modifications structurales du myocarde lors de MCH, qui sont responsables de troubles de la relaxation, voire de la compliance ventriculaire. La mesure des GVM peut dans ce cadre se révéler très utile, en particulier chez les individus chez lesquels l’hypertrophie ventriculaire n’est pas caractéristique, en permettant une détection précoce des anomalies de fonctionnement myocardique [94]. L’intérêt de la mesure des GVM a également été étudié lors de myocardiopathie dilatée chez le chien [22] : on a montré une diminution des gradients radiaux due à une réduction des vitesses de la couche endocardique, ainsi qu’une diminution des gradients longitudinaux, en relation avec des vitesses plus basses de la région basale, chez des jeunes Golden Retrievers souffrant de myocardiopathie associée à la dystrophie musculaire. Ces modifications, essentiellement systoliques et protodiastoliques, ont pu être mises en évidence en l’absence d’anomalies à l’examen échographique bidimensionnel conventionnel, ce qui indique l’intérêt de cette mesure pour une mise en évidence précoce des dysfonctionnements ventriculaires associés à la myocardiopathie dilatée chez le chien. 57 (ii) Mesure de l’accélération myocardique dérivée du Doppler tissulaire Par définition, l’accélération est la dérivée de la variation de la vitesse en fonction du temps. L’accélération myocardique est donc une variable particulière, obtenue par dérivation des vitesses tissulaires fournies par l’enregistrement TDI. Elle présente deux principales applications dans l’étude de la fonction diastolique : - le pic d’accélération (pACC) de la paroi septale au cours de la relaxation isovolumique montre une excellente corrélation avec τ et – dP/dtmin, ce qui en fait un marqueur sensible de la relaxation ventriculaire ; - de plus, la mesure de pACC au cours de la phase de remplissage ventriculaire est indicatrice de la pression moyenne dans l’atrium gauche. [56] c) Particularités et difficultés de l’exploration du ventricule droit i) Problématique liée a l’étude du ventricule droit Alors que l’exploration de la fonction diastolique ventriculaire gauche est aujourd’hui connue et développée, tant en médecine humaine qu’en médecine vétérinaire, très peu d’informations sont disponibles concernant le ventricule droit, alors qu’il a été démontré que le cœur droit n’est pas simplement un conduit passif pour l’écoulement du sang, comme on a pu le considérer dans le passé, mais qu’il joue bien un rôle important dans le maintien du débit cardiaque et de l’homéostasie circulatoire. [8] En dépit de l’évidence de l’importance de la fonction ventriculaire droite, le ventricule droit reste difficile à étudier, notamment du fait de sa géométrie complexe. ii) Techniques utilisables La ventriculographie isotopique est décrite chez l’homme comme l’outil de choix pour l’exploration non-invasive du ventricule droit. Son intérêt a été démontré chez le chien dans l’étude de la fonction systolique ventriculaire droite [8], mais aucune donnée n’est disponible concernant la fonction diastolique. On peut toutefois supposer que l’angiographie du ventricule droit, comme c’est le cas pour le ventricule gauche, pourrait être riche en informations sur la fonction diastolique droite. L’échographie bidimensionnelle peut être utilisée pour mesurer l’épaisseur de la paroi et la taille de cavité, mais il est difficile de visualiser les images nécessaires aux mesures Doppler conventionnelles (le flux tricuspidien notamment), en particulier chez l’animal, chez qui il est très difficile d’obtenir une réelle coupe apicale 4 cavités [8]. Pour enregistrer le flux tricuspidien, Boon recommande d’utiliser l’abord parasternal gauche, en 58 se plaçant entre la coupe apicale quatre cavités et la coupe petit axe, ou à partir des coupes petit axe de la base du cœur ou grand axe avec l’atrium et l’auricule droits [15]. Le flux tricuspidien dépend de façon significative de la respiration, ce qui rend délicate l’analyse des vitesses par Doppler pulsé : l’inspiration s’accompagne d’une augmentation des pics de vitesses du flux sanguin, en particulier de E. Par conséquent, le ratio E/A augmente à l’inspiration et diminue à l’expiration [15]. Il apparaît toutefois que la moyenne des valeurs en fin d’inspiration et d’expiration peut fournir des informations intéressantes [145]. Le Doppler tissulaire myocardique apparaît comme une nouvelle technique particulièrement informative pour l’exploration du ventricule droit [25]. Ainsi, l’analyse des vitesses de déplacement de l’anneau tricuspide ou des parois ventriculaires droites a permis de mettre en évidence l’existence de réelles anomalies des propriétés diastoliques, avec, comme on l’a noté à gauche, une prolongation de IVRTm et des modifications du ratio Em/Am, associés à une altération de la relaxation du ventricule droit. 59 Deuxième partie La fonction diastolique pathologique, les cibles thérapeutiques 60 La fonction diastolique ventriculaire est sous la dépendance de divers facteurs, dont les modifications, dans certaines conditions pathologiques, peuvent être à l’origine d’une altération du remplissage ventriculaire. Une partie de ces facteurs dépend directement des caractéristiques des parois ventriculaires, déterminant la relaxation et la compliance du ventricule, mais d’autres éléments externes au ventricule interviennent également dans la qualité du remplissage et l’apparition de dysfonctionnements diastoliques. 61 1) FACTEURS INTRINSEQUES DE LA CHAMBRE VENTRICULAIRE DETERMINANT LA FONCTION DIASTOLIQUE a) La qualité de la relaxation La relaxation est un processus actif grâce auquel la pression intra-ventriculaire chute de façon exponentielle. Elle débute un peu avant la fermeture des valves sigmoïdes, en fin de systole, puis s’étend pendant la première partie de la diastole. Elle peut se prolonger plus ou moins longtemps pendant la phase de remplissage ventriculaire. Elle joue un rôle prépondérant dans le remplissage ventriculaire protodiastolique. En cas d’altération de la relaxation, le remplissage protodiastolique est moins efficace puisque les pressions de remplissage ventriculaire en début de diastole sont plus élevées. Par conséquent, la contribution de la systole atriale au remplissage, normalement faible, augmente, ce qui se traduit, nous l’avons évoqué plus haut, par une inversion du ratio E/A du spectre Doppler pulsé transmitral. La relaxation est donc déterminante dans la qualité du remplissage ventriculaire diastolique et les modifications pathologiques de ce processus sont impliquées dans la physiopathologie des dysfonctionnements diastoliques : en effet, si la relaxation myocardique n’est pas complète à la fin de la diastole, la fonction diastolique sera altérée. i) Le déroulement de la relaxation à l’échelle moléculaire A l’échelle moléculaire, la contraction et la relaxation myocardiques reposent sur le fonctionnement de l’unité contractile du myocyte : le sarcomère. Le sarcomère est un complexe protéique qui se compose des myofilaments d’actine et de myosine associés à des protéines régulatrices, troponines et tropomyosine. Le fonctionnement du complexe actine – myosine est cyclique et fait intervenir deux acteurs principaux : le calcium ionisé et l’adénosine triphosphate (ou ATP). 62 (1) Le cycle de glissement de l’actine sur la myosine L’interaction cyclique entre les filaments d’actine et de myosine et l’ATP est à l’origine des phénomènes de raccourcissement et d’allongement du sarcomère. La fixation de l’ATP aux têtes de myosine diminue fortement l’affinité de celles-ci pour l’actine et entraîne donc une dissociation des filaments d’actine et de myosine. Les têtes de myosine présentent une activité ATPasique marquée, si bien que l’ATP est rapidement hydrolysé. Cette réaction enzymatique modifie la conformation spatiale des têtes de myosine qui présentent alors une forte affinité pour leurs sites de fixation sur l’actine et qui s’accrochent donc sur le site le plus proche pour former le complexe d’actomyosine. Les produits de l’hydrolyse, l’adénosine diphosphate (ADP) et le phosphate inorganique (Pi) restent fixés à la myosine. La formation des ponts actine – myosine provoque un changement allostérique de la myosine, ce qui permet le relargage des produits de l’hydrolyse, le phosphate inorganique d’abord, puis l’ADP. L’énergie libérée permet une flexion des têtes de myosine fixées à l’actine et donc un glissement des filaments d’actine sur les filaments de myosine. La mise sous tension du filament d’actine est responsable de la contraction du myocarde à l’échelle organique. Le complexe d’actomyosine ainsi formé reste stable (on parle de complexe de rigidité) : seule la fixation d’une nouvelle molécule d’ATP sur le site laissé libre par l’ADP et le Pi permet la rupture de la liaison entre actine et myosine et le redressement des têtes de myosine, et donc un retour à un état relâché. [58] Figure 21 : Représentation schématique des étapes de l’interaction entre l’actine, la myosine et l’ATP au sein de la cellule musculaire. Etape A : lorsque l’ATP est lié à la tête de myosine, celle-ci présente une faible affinité pour l’actine ; étape B : l’hydrolyse de l’ATP permet la liaison entre actine et myosine ; étape C : la libération de l’ADP et du Pi provoque une flexion de la tête de myosine et donc le glissement du filament d’actine par rapport au filament de myosine ; étape D : la fixation d’une nouvelle molécule d’ATP entraîne le redressement de la tête de myosine et la dissociation du complexe d’actomyosine. D’après Heidemann [58]. La relaxation est donc bien un phénomène actif, puisqu’il s’agit d’une étape du cycle d’interaction entre actine et myosine qui nécessite la présence d’énergie métabolisable sous forme d’ATP, qui permet la dissociation du complexe « contracté » d’actomyosine. 63 (2) Le rôle déterminant du calcium (a) Le rôle central du calcium dans le cycle contraction relaxation L’interaction actine - myosine est régulée par un complexe protéique lié à l’actine, formé par la tropomyosine et les troponines. Or le fonctionnement de ce complexe est luimême contrôlé par la concentration cytosolique en calcium. La tropomyosine cache les sites de fixation des têtes de la myosine sur l’actine, si bien que la liaison entre les têtes de myosine et l’actine n’est possible que si la tropomyosine libère ces sites spécifiques de fixation. Ceci est permis par une modification de la conformation du complexe tropomyosine – troponines, suite à la fixation du calcium ionisé sur la troponine C. Tant que la concentration en calcium ionisé est suffisante, le cycle se reproduit ; ce n’est que lorsque la concentration en calcium intracellulaire est inférieure à 1 mol/L et que les sites de fixation calciques sur la troponine C sont libres que le mécanisme prend fin : la tropomyosine empêche l’interaction entre l’actine et la myosine. On comprend dès lors que la concentration en calcium dans la cellule myocardique joue un rôle prépondérant dans le contrôle d’une part de la contraction, mais aussi de la relaxation, puisque celle-ci n’est possible que quand la concentration en calcium est suffisamment basse. [7] (b) Le contrôle de l’activité calcique dans le cytosol du myocyte On peut distinguer trois niveaux de régulation du calcium dans le cadre du contrôle du cycle contraction – relaxation, qui s’articulent autour du pivot constitué par le récepteur protéique du calcium au niveau de l’appareil contractile : la troponine C. (i) Le contrôle de la disponibilité du calcium La disponibilité en calcium dans le cytosol du myocyte est contrôlée par les échanges avec le réticulum sarcoplasmique, principal réservoir de calcium dans le cœur des Mammifères, et dans une moindre mesure, au niveau de la membrane cellulaire, par l’intermédiaire de nombreux transporteurs (Figure 22). Les principaux mécanismes sont les suivants : - une pompe à calcium est présente sur la membrane cellulaire et permet l’entrée du calcium dans la cellule ; son activité est augmentée lorsqu’elle est phosphorylée par une protéine kinase. - le réticulum sarcoplasmique possède également des pompes à calcium, responsables du relargage du calcium lors de la contraction ou de sa séquestration au moment de la relaxation. La pompe permettant l’entrée du calcium dans le réticulum est couplée au phospholamban, protéine dont la phosphorylation améliore le recaptage du calcium et donc la relaxation myocardique. - l’existence d’un transporteur permettant la sortie de calcium en l’échange de l’entrée de sodium fait du niveau de sodium intracellulaire un déterminant important de la 64 concentration en calcium intracytosolique. On comprend alors que la pompes Na+/K+ et l’échangeur Na+/H+ interviennent également dans l’homéostasie calcique. [7] Pompe Ca2+ ATPase Ca2+ ATPase Na+/K+ H+ Cytosol du cardiomyocyte Réticulum sarcoplasmique Echangeur Na+/H+ Ca2+ Echangeur Na+/Ca2+ Na+ Na+ Ca2+ K+ Phospholamban ATP Potentiel d’action Adénycyclase Ca 2+ + + Ca2+ Protéine kinase AMPC Na+ + Récepteur β Figure 22 : Les flux de calcium et leur régulation dans la cellule myocardique. (ii) Le contrôle de la fixation du calcium sur la troponine C Le deuxième niveau de régulation est le site de fixation du calcium sur la troponine C : la contraction et le relaxation peuvent être affectées si l’affinité de celle-ci pour son substrat est modifiée. [7] (iii) Le contrôle de la réponse des myofilaments au calcium En aval de la troponine C, l’activité du calcium peut varier en fonction de la capacité des myofilaments à répondre à un niveau donné d’occupation des sites de fixation du calcium sur son récepteur. C’est donc ici la sensibilité des myofilaments au calcium qui représente la cible de la régulation. [7] La troponine I fait partie du complexe régulateur des éléments contractiles et inhibe l’hydrolyse de l’ATP par la myosine. Sa phosphorylation améliore la relaxation [61] : si l’on remplace génétiquement la troponine I myocardique par son isoforme squelettique, dont la phosphorylation est impossible, la relaxation est retardée [66]. L’activité du calcium peut également être modulée par la phosphorylation de la chaîne légère de myosine ou des protéines C des filaments épais de myosine. L’alcalose augmente la sensibilité des myofilaments au calcium alors que l’acidose la diminue. [7] 65 (iv)Le rôle régulateur de l’AMPc On constate que l’activité du calcium au niveau de la cellule myocardique est modulée à différents niveaux par des phénomènes de phosphorylation (pompe Ca2+-ATPase membranaire, phospholamban, troponine I). Ces phosphorylations sont sous la dépendance d’enzymes particulières, les protéines kinases, qui sont elles-mêmes activées par un important second messager cellulaire, l’AMP cyclique (AMPc). Ce nucléotide est libéré par l’adénylcyclase sous l’effet d’une stimulation β-adrénergique puis est dégradé sous l’action de la phosphodiestérase (Figure 22). Il a un effet mixte puisque d’une part il favorise l’entrée de calcium dans la cellule au niveau de la pompe Ca2+-ATPase membranaire et d’autre part il améliore la relaxation par son action sur le phospholamban et la troponine I. [7] Le calcium est donc un élément déterminant pour la qualité de la relaxation puisque sa concentration dans le cytosol de la cellule myocardique est le principal facteur de régulation de l’interaction cyclique entre les filaments d’actine et de myosine. La dissociation des complexes d’actomyosine, qui permet la relaxation du myocarde, n’est possible qu’en présence d’une concentration en calcium très faible. La régulation de l’activité calcique dans le cardiomyocyte est complexe, faisant intervenir de nombreux systèmes de contrôle, notamment à travers des mécanismes de phosphorylations utilisant le second messager AMPc. (3) Le rôle de l’ATP L’ATP intervient dans le processus de relaxation à différents niveaux : la relaxation est un phénomène actif qui nécessite la consommation d’énergie métabolisable (sous forme d’ATP). L’ATP joue tout d’abord un rôle direct au niveau du cycle de glissement de l’actine sur la myosine puisque sa fixation sur les têtes de myosine est nécessaire à la dissociation du complexe de rigidité d’actomyosine et donc un retour à un état relâché. Cette action relaxante est due à un effet allostérique de la chaîne d’anions polyphosphates de l’ATP. On parle d’effet de « plastification » ; c’est par lui que l’ATP diminue l’interaction entre les filaments fins et les filaments épais. La concentration en ATP requise pour cet effet de plastification est plus élevée (de l’ordre du millimolaire) que celle nécessaire à la saturation des sites présents sur les têtes de myosine (de l’ordre du micromolaire), qui présentent une forte affinité pour l’ATP (la fixation de l’ATP sur ces sites permet l’activation des têtes de myosine dans le cadre du processus de contraction). L’ATP intervient également au niveau des différents transporteurs du calcium qui permettent la diminution de la concentration calcique cytosolique : les pompes à calcium du réticulum sarcoplasmique sont ATP - dépendantes, de même que la pompe Na+/K+ (Figure 22). [7] 66 (4) L’intervention de l’ADP L’adénosine diphosphate (ADP) intervient également et indépendamment de l’ATP dans la régulation du cycle de liaison de l’actine à la myosine : la libération de l’ADP issu de l’hydrolyse de l’ATP au niveau des têtes de myosine représente une étape qui conditionne la dissociation du complexe d’actomyosine. Une augmentation de la concentration cytosolique en ADP exercerait un rétrocontrôle négatif sur la libération de l’ADP fixé sur la tête de myosine, ce qui altèrerait la relaxation des myofibrilles. On a en effet pu mettre en évidence une corrélation étroite entre une augmentation du niveau d’ADP dans le myocyte et une élévation de la pression télédiastolique du ventricule gauche dans des cœurs normaux, correctement oxygénés avec une glycolyse intacte et un taux de Pi constant, ce qui montre l’implication spécifique de l’ADP dans la genèse du dysfonctionnement diastolique. Le taux d’ADP dans la cellule musculaire est donc maintenu à un niveau bas grâce à plusieurs mécanismes, parmi lesquels la réaction catalysée par la créatine kinase est primordiale. La créatine kinase transfère un groupement phosphoryle entre la créatinephosphate et l’ATP. Cette réaction est très rapide et l’enzyme est présente en grande quantité, ce qui explique le rôle important qu’elle joue dans le maintien d’un ratio ATP/ADP très élevé. [135, 155] ii) Conséquences physiopathologiques : les mécanismes altérant la relaxation à l’échelle moléculaire (1) Les modifications des protéines du sarcomère Les interactions entre les protéines du sarcomère sont à l’origine des phénomènes de contraction/relaxation dans les cellules musculaires. Des modifications de leurs propriétés peuvent donc être responsables d’une altération de ces évènements et donc en particulier d’une perturbation de la relaxation myocardique. Les propriétés des protéines reposent sur la séquence de leurs acides aminés ; ces propriétés sont donc altérées si cette séquence ou, en amont, la séquence nucléotidique sur l’ADN, est modifiée. On a ainsi pu mettre en évidence l’existence de mutations sur plusieurs gènes lors de myocardiopathie hypertrophique chez l’homme : cette affection a en effet été mise en relation avec des mutations des gènes codant pour la chaîne lourde de la myosine, les troponine T, I et la tropomyosine. Des mutations de la séquence codant pour l’actine ont été rapportées lors de myocardiopathie dilatée. Le gène de la troponine I, élément inhibiteur de l’interaction entre actine et myosine, présente une mutation dans certains cas de myocardiopathies restrictives, et l’altération de la troponine I est étroitement corrélée avec les dysfonctionnements diastoliques présents dans cette affection. [61] 67 Des déficits en protéines sarcomériques peuvent également être associés à des troubles de la contraction et de la relaxation. On rapporte par exemple une déplétion en troponine I au sein du myocarde ischémique. Chez un modèle de souris présentant un knock-out du gène codant pour la troponine I, on observe une myocardiopathie sévère, caractérisée par une dégradation de la fonction cardiaque diastolique. [61] On constate donc le rôle potentiel des caractéristiques intrinsèques (qualitatives ou quantitatives) des protéines de l’unité contractile de la cellule myocardique dans la genèse d’une altération de la relaxation. (2) L’implication du calcium Compte tenu du rôle déterminant du calcium dans les phénomènes de contraction et de relaxation, des anomalies du contrôle du calcium intracellulaire ont été suspectées dans les mécanismes qui sous-tendent les dysfonctionnements systoliques et diastoliques lors l’insuffisance cardiaque. On comprend aisément qu’une augmentation de la disponibilité du calcium cytosolique, notamment, représente un frein au bon déroulement de la relaxation. (a) Perturbations des flux calciques Dans un modèle d’hypertrophie myocardique chez le furet, on a montré une bonne corrélation entre un allongement de la durée de la relaxation et un prolongement des flux calciques intracellulaires, indiquant une diminution du recaptage du calcium par le réservoir cellulaire que constitue le réticulum sarcoplasmique [51]. De même, des anomalies des flux calciques ont été mises en évidence au sein de tissu myocardique humain, lors de myocardiopathies dilatée et hypertrophique. La capacité du muscle cardiaque à restaurer des concentrations cytosoliques basses en calcium au cours de la diastole, notamment, est diminuée dans ces myocardiopathies et cette anomalie est corrélée avec la présence de troubles de la relaxation [52, 53]. Les mécanismes responsables de cette surcharge calcique diastolique dans la cellule myocardique peuvent être étudiés grâce à des agents inhibant spécifiquement tel ou tel transporteur. Ainsi, les digitaliques, qui agissent au niveau de l’échangeur Na+/Ca2+ et augmentent de la concentration intracellulaire en calcium, exacerbent ces anomalies, de même que la caféine, qui possède une action inhibitrice sur la pompe calcium-ATPase du réticulum sarcoplasmique. Les agents qui sont en revanche responsables d’une diminution de la concentration en calcium, comme le vérapamil, améliorent la relaxation [7, 53]. Ces données suggèrent l’existence de modifications du fonctionnement des transporteurs, causant une altération de la relaxation. Parmi les processus à l’origine de cette perturbation du transport du calcium, on reconnaît l’existence d’une régulation de l’expression de certains gènes lors d’insuffisance cardiaque [7, 34]. L’utilisation de l’amplification génique par PCR a permis de montrer par exemple une diminution significative du niveau d’ARNm codant pour le phospholamban, protéine régulatrice de la pompe à calcium du réticulum sarcoplasmique, qui augmente le recaptage du calcium et améliore donc la relaxation. Parallèlement, le niveau d’ARNm codant pour d’autres protéines cellulaires n’est pas modifié voire est augmenté, ce qui indique l’existence d’une expression sélective des gènes lors d’insuffisance cardiaque [34]. Par 68 ailleurs, on a montré, d’abord chez le rat et le lapin, puis l’homme insuffisants cardiaques, une réduction de l’expression du gène codant pour la pompe Ca2+-ATPase du réticulum sarcoplasmique, associée à une diminution de la concentration en protéine et donc de la densité du transporteur au niveau du réticulum [76]. Ainsi, comme la diminution de l’expression du gène codant pour le phospholamban, ce mécanisme peut être à l’origine d’une altération du recaptage du calcium par le réticulum sarcoplasmique, qui a pour conséquence un retard à la relaxation. D’autre part, par les échanges Na+/Ca2+ à travers la membrane cellulaire, la concentration intracellulaire en sodium est un déterminant important de la concentration en calcium. Or les cardiopathies peuvent être associées à des niveaux élevés de sodium intracellulaire, lesquels peuvent entraîner, dans les cas extrêmes, une surcharge en calcium et une dysfonction diastolique [7]. Soulignons néanmoins que les modifications de l’activité du calcium lors d’insuffisance cardiaque n’ont pas pu systématiquement être mises en relation avec une altération du recaptage du calcium au niveau du réticulum sarcoplasmique, comme l’a montré une étude menée sur des préparations microsomales de réticulum issues de tissu myocardique de patients souffrant de myocardiopathie dilatée en fin d’évolution [80]. Ceci suggère l’intervention d’autres facteurs, intrinsèques ou extrinsèques au réticulum, mais absents des préparations microsomales, et qui affectent l’action du calcium dans la cellule myocardique. (b) Modulation de la réponse au calcium de l’appareil contractile C Comme nous l’avons évoqué précédemment, la variation de l’affinité de la troponine pour le calcium ou d’autres modifications au niveau des myofilaments (des phosphorylations notamment) sont susceptibles de moduler la sensibilité de l’appareil contractile au calcium. Des interventions affectant cette sensibilité chez l’animal sont listées dans le Tableau 1. On remarque, par exemple, que la caféine augmente la réponse au calcium des myofilaments, ce qui agit de façon synergique avec son action inhibitrice sur la pompe Ca2+-ATPase du réticulum sarcoplasmique pour produire un retard à la relaxation [7, 53]. Plusieurs études rapportent cependant que l’insuffisance cardiaque chez l’homme n’est pas associée à des variations de la sensibilité au calcium des myofibrilles. Toutefois, des changements des effets de certains agents pharmacologiques sur la réceptivité de l’appareil contractile au calcium ionisé ont été mis en évidence lors du développement de cardiopathie [7]. Des anomalies du métabolisme du calcium au sein de la cellule myocardique peuvent donc parfois être en cause lors d’altération de la relaxation ventriculaire. Des perturbations du transport du calcium dans la cellule semblent notamment jouer un rôle important, qu’il peut être intéressant de prendre en compte pour envisager la gestion thérapeutique de ces troubles, comme nous l’évoquerons par la suite. 69 Augmentation de la sensibilité Pas de modifications sensibilité Alcalose Digitaliques Etirement Inhibiteurs / canaux Ca2+ Sulmazole de agonistes Agonistes des canaux Na+ Isomazole la des Diminution de la sensibilité Acidose Augmentation du Pi Agents augmentant l’AMPc Ionophores du Ca2+ Caféine Théophylline α1 - agonistes Tableau 1 : Quelques agents et interventions modulant la sensibilité de l'appareil contractile pour le calcium. D'après Apstein [7]. (3) Le déficit en ATP La relaxation est un processus actif, nécessitant de l’énergie métabolisable sous forme d’ATP. Nous l’avons vu, l’ATP intervient à différents niveaux dans les phénomènes moléculaires responsables de la relaxation. La diminution de la disponibilité de l’ATP lors d’ischémie ou d’hypoxie myocardiques a donc été suspectée d’être responsable des dysfonctionnements diastoliques rencontrés lors de ces affections : une réduction du niveau d’ATP cause en effet potentiellement une élévation de la concentration en sodium et en calcium intracellulaires. Par ailleurs, elle est susceptible d’agir directement sur la dissociation des ponts actine–myosine, puisqu’un certain degré de déplétion en ATP entraîne la perte de l’effet de plastification, sans empêcher la formation des complexes de rigidité, qui nécessite des concentrations moindres en ATP. Ce rôle de l’ATP dans l’altération de la relaxation a pu être démontré expérimentalement : l’apport de substrat glycolytique permettant la synthèse d’ATP améliore significativement la relaxation de tissu myocardique hypoxique ou ischémique alors que l’inhibition de la glycolyse accélère la dégradation de la fonction diastolique [7]. Il peut être intéressant de retenir que la glycolyse semble être, comparativement à la voie des phosphorylations oxydatives, la voie préférentielle de formation d’ATP pour le myocarde dans le cadre de la prévention des dysfonctionnements diastoliques associés à l’ischémie et l’hypoxie [7, 135]. (4) Le rôle de l’ADP Nous l’avons vu, la concentration intracellulaire en ADP exerce un contrôle sur le cycle contraction/relaxation. Dans un myocarde normal, elle est maintenue strictement à un niveau bas, grâce notamment à l’action d’une enzyme abondante au sein du myocyte, la créatine kinase. Or on a pu montrer que lors d’hypertrophie myocardique, le tissu cardiaque présente une diminution de cette aptitude à maintenir de faibles concentrations en ADP dans le 70 cytosol. Ce phénomène est associé à une réduction de l’efficacité de la réaction de la créatine kinase. Ces modifications du système de la créatine kinase semblent apparaître assez tôt dans l’évolution d’une cardiopathie (notamment avant toute variation de la concentration en ATP) et la réduction de la capacité à maintenir un niveau bas d’ADP est une caractéristique précoce du myocarde hypertrophié. [135] (5) L’insuffisance en AMP cyclique Un déficit en AMP cyclique sera responsable d’un défaut de phosphorylation du phospholamban et de la troponine I, qui pourra s’accompagner d’une perturbation de la relaxation. L’origine de ce déficit en second messager peut se situer à plusieurs niveaux. Il peut provenir d’un défaut de stimulation β-adrénergique, dont on développera les circonstances ultérieurement. On peut également assister à une altération de la régulation de l’enzyme permettant la formation de l’AMP cyclique, l’adénylcyclase, en particulier lors d’expression anormale des protéines G. Les protéines G permettent le couplage entre le récepteur β et l’adénylcyclase et peuvent avoir une action inhibitrice ou activatrice sur l’enzyme. Une augmentation de la proportion en composant inhibiteur, la protéine Gi, a été mise en évidence au sein du myocarde lors d’insuffisance cardiaque chez l’homme. [49, 143]. iii) Implications thérapeutiques Compte tenu du rôle important de la concentration cytosolique en calcium dans la physiopathologie de l’altération de la relaxation, l’intérêt des agents susceptibles de diminuer le niveau de calcium en diastole est évident. Les inhibiteurs des canaux calcium (diltiazem, nifédipine et vérapamil) représentent donc une famille thérapeutique de choix dans la gestion des dysfonctionnements diastoliques [14, 53]. Il est néanmoins essentiel de les utiliser à la dose la plus faible possible, pour limiter leur effet inotrope négatif, surtout si une dysfonction systolique est également présente, comme c’est souvent le cas chez le patient insuffisant cardiaque [7]. On peut d’autre part évoquer le risque potentiel que représente l’utilisation des digitaliques chez l’insuffisant cardiaque : les digitaliques (tels que l’ouabaïne) agissent sur la pompe Na+/K+ et sont donc responsables d’une surcharge calcique, d’où leur action inotrope positive. Celle-ci peut induire ou aggraver une dysfonction diastolique notamment si l’on intervient sur un myocarde ischémique ou hypoxique. [7, 155] L’importance de la disponibilité en ATP dans le processus de relaxation présente également des applications dans le cadre de la gestion des dysfonctionnements diastoliques. En pratique, éviter l’ischémie myocardique et minimiser toute augmentation de la demande en oxygène sont deux principes importants, en particulier sur des cœurs hypertrophiés. Par ailleurs, l’hypoglycémie doit être évitée, puisque toute déplétion en substrat glycolytique peut affecter la fonction diastolique, en particulier lors de stress, d’ischémie ou d’hypoxie. Un apport important en glucose et en insuline a montré des effets bénéfiques et pourrait 71 représenter un traitement d’avenir pour améliorer le lusitropisme cardiaque, de même que toute autre approche métabolique qui augmenterait la synthèse d’ATP par glycolyse. [7] Enfin, les agents qui augmentent la concentration en AMP cyclique dans la cellule myocardique améliorent la fonction diastolique. Ainsi, des études expérimentales et cliniques ont démontré l’intérêt de la forskoline [52], qui est un activateur de l’adénylcyclase, et des inhibiteurs de la phosphodiestérase, tels que l’amrinone, la milrinone ou le pimobendan, dans le traitement de l’insuffisance cardiaque diastolique [49]. La relaxation myocardique est donc un phénomène complexe, qui peut être altéré par de multiples facteurs, dans de nombreuses circonstances pathologiques. Les troubles du transport du calcium sont une cause importante de perturbation de la relaxation et sont décrits dans de nombreuses affections myocardiques, par exemple lors d’hypertrophie du myocarde. L’insuffisance en énergie métabolisable, dont peut souffrir un myocarde hypoxique ou ischémique, est également un mécanisme d’altération de la relaxation à ne pas négliger, particulièrement lorsqu’on aborde la gestion thérapeutique de ces troubles. b) Les propriétés élastiques passives du ventricule qui déterminent sa compliance La compliance se définit comme l’aptitude d'une cavité organique à changer de volume sous l'influence d'une variation de pression. Il s’agit donc de la capacité du ventricule à se dilater sous l’effet du remplissage diastolique. Elle est représentée par la dérivée de la variation du volume en fonction de la pression (dV/dP) sur la courbe pression - volume du ventricule. Si la compliance du ventricule diminue, la pression intra-ventriculaire au cours de la diastole s’élève plus rapidement sous l’effet du remplissage. La courbe pression – volume du ventricule est alors décalée vers la gauche et vers le haut (Figure 23). Par conséquent, le gradient de pression atrio-ventriculaire diminue rapidement, ce qui est à l’origine d’une altération du remplissage et donc de la fonction diastolique. Nous allons donc nous intéresser aux caractéristiques de la paroi ventriculaire qui déterminent sa compliance et à leurs modifications dans les processus pathologiques. 72 Figure 23 : Représentation schématique de la pression en fonction du volume du ventricule gauche au cours du remplissage diastolique pour un cœur normal et un ventricule hypertrophié (LVH). La courbe correspondant au ventricule hypertrophié est décalée vers la gauche et vers le haut, et sa pente est plus importante que celle du ventricule normal, ce qui met en évidence une perte de compliance. D’après Bonow [14]. i) Epaisseur de la paroi myocardique L’augmentation de l’élastance de la chambre ventriculaire peut résulter d’un épaississement de la paroi sans aucune modification qualitative de l’élastance du muscle cardiaque lui-même [124]. En effet, on a pu mettre en évidence une corrélation nette entre le degré d’épaississement de la paroi et l’élastance de la chambre ventriculaire, ce qui suggère le rôle que joue l’épaisseur de la paroi dans la détermination de l’élastance. Ce mécanisme, même s’il n’est pas le seul en jeu, est donc important pour comprendre l’origine des dysfonctionnements diastoliques rencontrés lors d’hypertrophie myocardique primitive ou secondaire. ii) Composition du myocarde (1) Les modifications morphologiques du cardiomyocyte Lors d’hypertrophie myocardique concentrique, l’hypertrophie est en premier lieu due à une croissance des cellules musculaires myocardiques avec notamment un accroissement de leur diamètre, ce qui crée une augmentation du poids et de l’épaisseur du myocarde [ 49]. 73 Cette augmentation de la taille des cardiomyocytes est le dénominateur commun à tous les types d’hypertrophies, qu’elles soient physiologiques (chez le sportif notamment) ou pathologiques, s’accompagnant d’une diminution de la compliance. D’autres modifications des caractéristiques du myocarde entrent donc en jeu dans les processus pathologiques pour perturber les propriétés élastiques passives du ventricule. (2) Le cytosquelette du cardiomyocyte et ses modifications lors d’insuffisance cardiaque Le cytosquelette du myocyte est un important réseau structural qui constitue une interface entre la cellule et l’environnement extracellulaire. Des modifications de la distribution et de la quantité des éléments qui le composent sont rencontrées au sein du myocarde hypertrophié. Les principales perturbations concernent les microtubules et le réseau des filaments intermédiaires, mais des anomalies de la distribution de la vinculine, qui appartient à la famille des protéines de liaison à l’actine, sont également décrites. [63] Ainsi, l’augmentation de l’expression de certaines sous-unités des microtubules a été mise en évidence chez le chat, lors d’hypertrophie myocardique secondaire à une surcharge barométrique. L’augmentation de la densité des microtubules qui y est associée semble être responsable d’une augmentation de l’élastance en renforçant la rigidité du réseau microtubulaire. Le rôle déterminant de la densification des microtubules dans l’hypertrophie myocardique est conforté par le fait que le dysfonctionnement diastolique est réversible quand on inhibe expérimentalement la polymérisation des microtubules par la colchicine. [63] La desmine, protéine constitutive des cellules musculaires, appartient à la famille des filaments intermédiaires. Elle intervient dans la coordination de l’activité contractile des myofibrilles et dans la liaison de ces dernières avec la membrane cellulaire et l’enveloppe nucléaire. Chez le rat, l’hypertrophie myocardique secondaire à la sténose aortique est associée à des perturbations de la distribution des filaments de desmine. Chez l’homme souffrant de myocardiopathie hypertrophique, les cardiomyocytes contiennent des zones d’accumulation focale de filaments intermédiaires. [63] La titine, qui fait partie des éléments endosarcomériques du cytosquelette du cardiomyocyte, semble également être un facteur déterminant des propriétés passives du ventricule [66, 155]. Il s’agit d’une protéine filamenteuse géante qui s’étend des stries Z aux stries M du sarcomère (Figure 24) [10]. Un petit segment très replié de cette protéine possède des propriétés élastiques et agit comme un ressort moléculaire. Il développe, en réponse à l’étirement du sarcomère, une force passive en deux temps : lorsque les sarcomères sont étirés, le domaine élastique de la titine commence par se redresser puis, dans un deuxième temps, les sous-domaines se déplient, permettant un allongement supplémentaire [59]. Grâce aux forces qui se développent au cours de ces deux étapes, l’extension diastolique de la titine est limitée, ce qui préserve le myocarde d’une élongation excessive [155]. La phosphorylation de la titine par une kinase améliore la compliance myocardique [66]. 74 La titine influence également les propriétés élastiques passives du ventricule par son interaction avec l’actine ; cette interaction est inhibée en présence de calcium [66]. La titine existe chez les grands Mammifères sous 2 formes dont les propriétés mécaniques diffèrent : l’isoforme N2B est plus petit, avec un segment élastique plus court, et donc plus rigide que l’isoforme N2BA (Figure 24) [10, 66]. Dans les processus pathologiques, on décrit des modifications des isotypes de la titine, associées à une perturbation de l’élastance ventriculaire. Lors de myocardiopathie dilatée en fin d’évolution notamment, les changements des isoformes de la titine (avec une augmentation de l’expression du type N2B) et de leur distribution, ainsi que d’autres perturbations du cytosquelette (en particulier la vinculine [63]), augmentent l’élastance du ventricule [155]. Cependant, d’autres études, menées chez le rat lors d’infarctus du myocarde ou chez l’homme souffrant de myocardiopathie ischémique en fin d’évolution, décrivent au contraire une prédominance de l’expression de l’isoforme N2BA de la titine, qui irait plutôt dans le sens d’une diminution de l’élastance [66]. Les protéines du cytosquelette du cardiomyocyte jouent donc un rôle essentiel dans le fonctionnement et le maintien de l’intégrité du myocarde. Dans les processus pathologiques qui affectent le muscle cardiaque, elles sont soumises à des perturbations, qui peuvent contribuer à altérer les propriétés passives du myocarde. Ces modifications, qualitatives ou quantitatives, sont variées, et certaines sont susceptibles d’entraîner une diminution de la compliance ventriculaire. Elles peuvent alors participer à la genèse de troubles du remplissage. Figure 24 : Représentation schématique du sarcomère et des domaines des différents isoformes de la titine. La bande A correspond à la région rigide de la protéine et la bande I à sa région élastique. Ce sont les domaines Ig-like (pour des tensions basses) et le domaine PEVK (pour des tensions élevées) qui confèrent son extensibilité à la bande I [151]. 75 (3) Les modifications des caractéristiques de la matrice extracellulaire et leurs conséquences pour la fonction diastolique La matrice extracellulaire est un réseau de fibres protéiques qui entoure et supporte les cellules constitutives du myocarde. Parmi ses principaux composants, on reconnaît des protéines structurales (collagène fibrillaire, élastine), des protéines d’adhésion qui constituent la membrane basale (laminine, fibronectine, collagène de type I et IV) ou encore des protéoglycans. (a) Le rôle prédominant du collagène (i) Structure et propriétés mécaniques du collagène myocardique Le collagène est la principale protéine de structure de la matrice extracellulaire. On reconnaît cinq types de collagène au sein du tissu myocardique. La répartition de chaque type varie en fonction des espèces, mais le collagène fibrillaire de type I est nettement prédominant, représentant plus de 80 % du collagène total. Le collagène de type III est également présent dans des proportions importantes (environ 10 % du collagène total). [64] 1. Synthèse et dégradation du collagène La synthèse du collagène est réalisée par les fibroblastes du tissu conjonctif cardiaque qui produisent également les métalloprotéinases de la matrice (MMPs), enzymes zinc-dépendantes, qui dégradent le collagène. La collagénase (MMP-1) assure le clivage de la fibre de collagène en polypeptides qui sont ensuite dégradés par d’autres enzymes moins spécifiques. L’activité des métalloprotéinases est régulée par une famille protéique appelée inhibiteurs tissulaires des métalloprotéinases (TIMPs). [63] 2. Organisation structurale de la matrice collagénique La matrice collagénique du tissu myocardique est organisée en trois niveaux principaux, qu’on appelle, par analogie avec le tissu musculaire strié squelettique, épimysium, périmysium et endomysium [149] (Figure 25) : - L’épimysium est une gaine conjonctive qui entoure l’ensemble du muscle. Il est constitué - Le périmysium forme un treillis collagénique autour d’un groupe de myocytes ; des fibres de fibres de collagène de plusieurs micromètres de diamètre. de collagène forment des brins qui joignent les treillis périmysiaux adjacents. Il existe aussi des fibres périmysiales spiralées qui sont orientées parallèlement aux myocytes et à la gaine épimysiale. - L’endomysium représente le réseau de collagène à l’échelle du myocyte : il constitue un maillage qui entoure chaque cellule musculaire, avec des fibres qui connectent le myocyte aux cellules voisines et aux capillaires. Ces fibres s’insèrent dans la lame basale jusqu’aux stries Z du sarcomère et jouent un rôle dans la transmission de la force générée par le sarcomère à la chambre ventriculaire [27, 64]. 76 De plus, les composants du réseau collagénique forment un échafaudage qui maintient l’alignement des myocytes entre eux ; ils sont donc responsables de l’architecture du myocarde [149]. Le collagène 3. Collagène et propriétés passives du myocarde est un matériau relativement rigide. Son influence sur les caractéristiques passives du myocarde dépend cependant de nombreux facteurs parmi lesquels on reconnaît sa concentration, le diamètre des fibres, l’alignement spatial, le type collagénique et le degré de liaison entre les fibres. Les fibres orientées dans la direction de la tension exercée sur un tissu contribuent notamment de façon importante à son élasticité. On peut modéliser la relation mécanique passive entre le muscle et les fibres spiralées du périmysium par deux ressorts présentant des propriétés mécaniques différentes. Le ressort représentant les fibres de collagène a un comportement élastique non linéaire : pour des tensions basses, il contribue peu à l’élastance totale du système, qui reflète alors essentiellement les propriétés du « ressort musculaire ». A des tensions plus importantes, le ressort collagénique devient plus rigide et contribue alors de façon importante à l’élastance globale du système. [64] Treillis périmysial Brins périmysiaux Fibres endomysiales Figure 25 : Représentation schématique de l’organisation de la matrice collagénique myocardique. D’après Janicki [64]. (ii) Perturbations du collagène myocardique et modifications de la compliance 1. Fibrose myocardique On a pu mettre en évidence, lors d’hypertrophie myocardique secondaire à une surcharge barométrique, une augmentation de la proportion de collagène par rapport au muscle [63, 64]. Ceci traduit un phénomène de fibrose, avec une corrélation entre le taux d’augmentation de la matrice collagénique et le degré d’hypertrophie [27]. L’augmentation du contenu et de la concentration en collagène du tissu est associée à une augmentation de 77 l’élastance (soit une diminution de la compliance) du myocarde [27, 64, 66]. L’augmentation de l’élastance est dans un premier temps visible surtout pour des tensions élevées puis, parallèlement à l’aggravation de la fibrose, l’élastance devient anormale pour des tensions normales, ce qui s’accompagne d’une dysfonction diastolique au repos. A ce stade, on peut noter que la fonction systolique, qui était jusque là préservée, est également altérée [149]. Par ailleurs, on n’assiste pas seulement à une augmentation de la quantité de collagène lors phénomènes de fibrose, mais également à un véritable remodelage de la matrice collagénique : la proportion de collagène de type III augmente en début d’évolution, puis le ratio type I / type III se normalise dans des stades plus avancés [27, 64]. Par ailleurs, le degré de liaison entre les fibres est également augmenté [27]. Ces modifications qualitatives de la matrice collagénique pourraient être plus déterminantes pour l’élastance du ventricule que l’augmentation de la quantité de collagène [66]. Le collagène s’accumule d’abord au sein de l’adventice des vaisseaux coronaires intra-myocardiques, on parle alors de fibrose périvasculaire. Dans un second temps, le collagène envahit le milieu interstitiel et apparaît dans des espaces intermusculaires précédemment dépourvus de collagène : c’est la fibrose interstitielle [149]. Des phénomènes de fibrose sont également rencontrés lors de nécrose myocardique : c’est alors le processus de cicatrisation qui est mis en jeu. Le muscle est donc remplacé par du collagène dans la région de la cicatrice, ce qui engendre une augmentation considérable de la concentration locale en collagène. L’élastance du myocarde et de la chambre ventriculaire est donc également augmentée. [64] Enfin, une élévation du collagène interstitiel est également observée lors des processus de vieillissement. 2. Désorganisation de la matrice collagénique Lors de myocardiopathie dilatée, la concentration en collagène dans le tissu myocardique augmente considérablement mais la liaison entre les fibres normalement rencontrée dans la matrice collagénique mature est diminuée. Ainsi, le collagène serait dégradé par les MMPs et remplacé par des dépôts interstitiels de collagène faiblement lié, et ceci contribuerait à l’affaiblissement et à la dilatation du ventricule [63]. Par ailleurs, on note une raréfaction des fibres spiralées et l’apparition d’espaces interstitiels vides. Ces phénomènes, secondaires à la dégradation du collagène myocardique, sont également décrits lors des dilatations cardiaques qui surviennent en fin d’évolution d’insuffisance cardiaque. Ils conduisent à une augmentation de la compliance et de la distensibilité du ventricule. Les modifications du réseau collagénique sont néanmoins favorables à l’installation d’un œdème interstitiel qui contribue, quant à lui, à diminuer la compliance du myocarde [64]. L’augmentation du contenu collagénique lors de dilatation cardiaque n’est cependant pas constamment rapportée [82] : une étude réalisée sur un modèle de dilatation cardiaque chez le chien n’a pas mis en évidence de telles modifications. En revanche, une importante désorganisation qualitative du réseau de collagène est observée : l’orientation des fibres de collagène n’est plus uniforme et ce phénomène semble corrélé à une augmentation de l’élastance du ventricule. De plus, ces perturbations du réseau collagénique pourraient être en cause dans la désorganisation du tissu musculaire. 78 Le réseau collagénique de la matrice extracellulaire est donc un élément déterminant de l’architecture du myocarde. Ses propriétés particulières déterminent en partie la compliance ventriculaire. Les modifications subies par le collagène lors affections myocardiques, s’accompagnent par conséquent de modifications des caractéristiques passives du ventricule. Lors d’hypertrophie myocardique pathologique, ou dans les processus de nécrose, on observe une accumulation de collagène anormal, qui correspond à un phénomène de fibrose, et entraîne une diminution de la distensibilité du myocarde ventriculaire. Dans les dilatations myocardiques, la dégradation de la matrice collagénique semble plutôt aller dans le sens d’une augmentation de la compliance, mais la désorganisation spatiale du réseau fibrillaire pourrait au contraire diminuer cette dernière. (b) Les modifications des autres composants de la matrice extracellulaire (i) Fibronectine Cette glycoprotéine est sécrétée par les fibroblastes et existe sous différentes formes. Certaines isoformes ne sont normalement plus présentes chez l’adulte mais elles sont réexprimées lors d’hypertrophie cardiaque secondaire à une hypertension chez le rat. Chez l’homme, on a mis en évidence lors d’insuffisance cardiaque une élévation du niveau d’ARN messagers codant pour la fibronectine associée à une accumulation de l’isoforme EDA. [63] (ii) Eléments de la lame basale La laminine et les collagènes de type I et de type IV sont des constituants de la lame basale des cardiomyocytes. L’expression des collagènes I et IV est augmentée dans le myocarde de rat soumis une surcharge barométrique, phénomène qui pourrait être mis en cause dans l’altération des interactions entre la cellule et la matrice extracellulaire lors d’insuffisance cardiaque. Par ailleurs, une déplétion en laminine accompagne la dilatation myocardique. Or la laminine intervient dans la liaison entre le milieu extracellulaire d’une part et le cytosquelette et les myofibrilles d’autre part. Ainsi, le déséquilibre entre l’augmentation de la taille des myocytes et la diminution du niveau de laminine peut contribuer à l’altération des propriétés du sarcolemme dans l’insuffisance cardiaque. [63] (c) L’accumulation de composants anormaux dans le tissu myocardique Des composant normalement absents du tissu myocardique peuvent se déposer dans l’espace interstitiel dans certaines conditions pathologiques et donc modifier les propriétés élastiques de la paroi : c’est le cas lors d’amyloïdose myocardique par exemple, affection au cours de la laquelle le dépôt de substance amyloïde dans les tissus engendre une augmentation de l’élastance, à l’origine d’une altération marquée du remplissage ventriculaire. On parle alors de myocardiopathie restrictive. [155] 79 La compliance ventriculaire, qui correspond à la capacité du ventricule à se dilater passivement sous l’effet du remplissage diastolique, est donc sous la dépendance de facteurs cellulaires (taille des cellules, caractéristiques du cytosquelette) et extracellulaires (en particulier la matrice collagénique). Or, comme nous l’avons développé, les affections myocardiques s’accompagnent de perturbations de ces facteurs. Ces modifications nous permettent donc de comprendre, au moins en partie, par quels physiopathologiques la compliance myocardique est altérée dans ces affections. mécanismes c) Les propriétés visqueuses du ventricule La viscosité mesure le frottement interne qui s’exerce entre les couches adjacentes d’un fluide en mouvement. C’est donc une force qui s’oppose à la déformation du fluide visqueux. Elle est proportionnelle au gradient de vitesse entre les couches du fluide. Il est possible de modéliser le muscle cardiaque sous la forme d’une combinaison d’éléments élastiques et visqueux (Figure 26). Les éléments élastiques peuvent être représentés par des ressorts et les éléments visqueux par des amortisseurs, qui sont des cylindres remplis d’une huile visqueuse et qui contiennent un piston mobile. Les éléments visqueux au sein de la paroi ventriculaire génèrent une force de frottement qui s’oppose à la déformation du ventricule. Cette force et l’élévation de la pression dans la chambre ventriculaire sont proportionnelles à la vitesse du flux de remplissage diastolique : elles seront plus importantes lorsqu’un volume diastolique donné est transféré rapidement dans le ventricule que si ce même volume entre lentement dans la cavité ventriculaire. Plusieurs études ont démontré la contribution des propriétés visqueuses de la paroi dans l’élastance globale du ventricule. Par ailleurs, le modèle viscoélastique peut être utilisé pour définir deux autres propriétés du muscle cardiaque : la stress - relaxation et la déformation retardée. La stress-relaxation correspond à la décroissance de la force de tension qui survient au cours du temps lorsqu’on exerce un étirement constant. Si l’on soumet le muscle modélisé par la Figure 26 à un étirement brutal, on aura une augmentation immédiate de la tension, résultant de l’étirement des ressorts (éléments élastiques). Si l’étirement est maintenu, les pistons des amortisseurs seront lentement tirés. Ainsi, pour un étirement musculaire constant, l’extension temps-dépendante des éléments visqueux permet un réarrangement interne avec un raccourcissement des éléments élastiques; il en résulte une diminution de la tension qui s’exerce sur le muscle. La déformation retardée est une augmentation de la déformation qui se produit au cours du temps sous l’effet d’un étirement constant. Si on suspend au modèle de muscle représenté sur la Figure 26 une masse de x grammes, on observe un premier allongement qui traduit la réponse des éléments élastiques à la force exercée par la masse puis un allongement plus lent sera visible, résultant de l’étirement lent des éléments visqueux. [48] 80 Figure 26 : Représentation conceptuelle du muscle cardiaque. Le myocarde est représenté comme une combinaison entre des éléments contractiles (CE), des éléments élastiques (PE et SE), modélisés par des ressorts, et des éléments visqueux (VE1 et VE2), symbolisés par des cylindres remplis d’un fluide visqueux et contenant un piston. Les éléments visqueux exercent une force retardée qui s’oppose à l’extension de façon proportionnelle à la vitesse d’application de cette force. D’après Grossman [48]. L’existence de la stress–relaxation a été démontrée au sein du muscle cardiaque isolé, de même que la déformation retardée. En particulier, on a pu établir l’existence d’un phénomène d’hystérèse (c'est-à-dire l’impossibilité d’un système à suivre un schéma de réponse identique à l’application et au retrait d’une contrainte), ce qui permet de différencier un système viscoélastique d’un système purement élastique. Cependant, certaines études n’ont pu mettre en évidence de telles propriétés, ce qui suggère que les éléments visqueux n’agissent pas aux pressions et volumes ventriculaires physiologiques. On peut donc considérer que les propriétés visqueuses joueraient un rôle dans l’adaptation à des augmentations brutales de la pression systolique (avec une stress–relaxation) ou du volume diastolique (qui résulteraient en une déformation retardée), et permettraient, en modifiant la compliance ventriculaire, de minimiser les variations de pression diastolique. Leur importance in vivo n’a cependant jamais été démontrée et reste par conséquent théorique. [48] d) L’aspiration diastolique De nombreuses études ont montré que le coeur aspire le sang des gros tronc veineux vers ses cavités : on a pu montrer que le ventricule est en effet capable de générer des pressions négatives en début de diastole, ce qui facilite le remplissage par un mécanisme d’aspiration diastolique [84, 153]. 81 Cette contribution ventriculaire au remplissage est essentiellement due au phénomène actif de relaxation du myocarde. Cependant, il est apparu que l’aspiration diastolique est plus marquée lorsque le ventricule est petit suite à des contractions vigoureuses [48], ce qui indique que la fonction systolique est mise en jeu dans ce phénomène et représente une deuxième composante dans la contribution ventriculaire au remplissage. i) Notion de forces de rappel élastique Pour expliquer ce phénomène d’aspiration diastolique, l’hypothèse de l’existence de forces de rappel élastiques a été proposée : la contraction du ventricule jusqu’à un volume inférieur au volume d’équilibre élastique entraîne un « rebond » par rappel élastique qui engendre des pressions négatives et l’aspiration du sang dans le ventricule [48, 66, 124] (le volume d’équilibre est le volume pour lequel la pression transmurale dans un état pleinement relâché est nulle [10]). Ce type de réponse est bien décrit sur du muscle papillaire isolé [84]. On a également, lors d’études expérimentales chez le chien, démontré que le volume télésystolique peut être inférieur au volume d’équilibre [10]. A l’échelle cellulaire, il apparaît que le rappel élastique repose essentiellement sur le fonctionnement d’une protéine du sarcomère, la titine [10, 155]. En effet, il a été démontré expérimentalement que la dégradation de la titine par la trypsine ou par d’autres protéases endogènes s’accompagne, en fonction de l’intensité de l’activité protéolytique, d’une diminution voire d’une abolition du rappel élastique au sein du myocyte [59]. La titine, nous l’avons vu précédemment, intervient dans la réponse passive du myocarde à l’étirement ; de la même façon, la protéine se comprime quand la cellule est soumise à un raccourcissement lors de la systole et cette compression de la titine permet une accumulation d’énergie potentielle. Au cours de la diastole, la titine se comporte comme un ressort en libérant l’énergie potentielle stockée ; les forces de rappel qui en résultent restaurent la longueur de repos du myocarde. La matrice extracellulaire du myocarde joue peut-être aussi un rôle dans la genèse de ces forces de rappel élastique [10]. Ces forces de rappel pourraient également être dues à des changements dans la forme du ventricule se produisant après le raccourcissement des sarcomères. Ceci est facilement mis en évidence pour le ventricule droit, que l’on peut voir s’invaginer en fin de systole. Il n’est pas déraisonnable de penser que, compte tenu d’une certaine inertie dans le flux aortique, le sang continue à quitter le ventricule après la fin du raccourcissement des sarcomères, conduisant à une déformation qui peut stocker de l’énergie en l’absence de contraction du ventricule au-delà du volume d’équilibre [84]. Il est intéressant de noter que la dobutamine augmente le rappel élastique, en permettant une diminution du volume télésystolique et une augmentation du volume d’équilibre (le différentiel entre les deux est donc augmenté) [10]. Ces observations indiquent que l’aspiration diastolique joue probablement un rôle important dans le remplissage ventriculaire lors de stress physiologique, tel que l’exercice. 82 ii) Nouvelle approche : “le remplissage ventriculaire systolique” Pour certains, le fait que les forces de rappel élastiques, issues par la libération de l’énergie potentielle stockée par la compression des fibres myocardiques en systole, soient en mesure de générer une aspiration si puissante en diastole, est difficilement acceptable et d’autres mécanismes doivent être mis en jeu. Grâce au développement récent des moyens d’étude du fonctionnement cardiaque et notamment de l’imagerie, on a pu montrer que l’augmentation du volume des cavités ventriculaires et l’allongement de leur grand axe commencent en réalité dès la fin de la systole et se poursuit tout au long du premier tiers de la diastole, ce qui suggère que ces deux actions cruciales dans le phénomène d’aspiration résulteraient au moins en partie de la contraction myocardique. Cette approche surprenante repose sur la découverte de l’architecture particulière du muscle ventriculaire : on parle de bande myocardique ventriculaire [138]. (1) Structure de la bande myocardique ventriculaire Figure 27 : Représentation schématique de la bande myocardique ventriculaire. Ao : aorte ; PA : tronc pulmonaire ; RS : segment droit ; LS : segment gauche ; DS : segment descendant ; AS : segment ascendant. D’après Torrent-Guasp [138]. Les fibres myocardiques ventriculaires s’organisent selon une bande musculaire unique (Figure 27) qui décrit deux spirales dans l’espace au cours de son trajet du tronc pulmonaire vers l’aorte, définissant une hélice qui délimite deux cavités : les ventricules 83 droit et gauche. La première spirale est la boucle basale, on peut y distinguer deux segments : le segment droit qui constitue la paroi libre du ventricule droit, et le segment gauche, qui forme celle du ventricule gauche. La deuxième spirale est la boucle apicale, au sein de laquelle on distingue le segment descendant dont les fibres vont de la base vers l’apex, et le segment ascendant, dont les fibres cheminent de l’apex vers la base. [138] (2) Fonctionnement de la bande myocardique ventriculaire et ses conséquences sur la description du cycle cardiaque Les différents segments de la bande myocardique se contractent successivement au cours de la systole ventriculaire. La contraction de la boucle basale, dont les fibres transversales entourent la boucle apicale, enserre cette dernière ce qui entraîne une élévation de pression dans la cavité ventriculaire lors de la contraction isovolumique. La contraction du segment descendant (Figure 28) produit trois actions simultanées en relation avec l’orientation de ses fibres : un raccourcissement du grand axe du ventricule, une rotation dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et des modifications de la taille et de la forme du ventricule (du fait de l’orientation principalement verticale des fibres, de leur obliquité et de leur conicité respectivement). Ces actions permettent une éjection efficace du sang dans les gros troncs artériels. Le segment ascendant est le dernier de la bande myocardique à se contracter. Deux éléments anatomiques sont à retenir : d’une part la longueur et d’autre part l’obliquité du segment ascendant sont plus importantes que celles du segment descendant. C’est pourquoi, quand ce dernier se contracte, il soumet le segment ascendant à une élongation et à une augmentation de l’obliquité de ses fibres, du fait du déplacement de la base vers l’apex lors du raccourcissement du ventricule. Le segment ascendant commence alors sa propre contraction (Figure 28), produisant une efficacité maximale du mécanisme du levier puisque ses fibres sont distendues et se contractent sur un volume de sang résiduel minimal. Ainsi, on assiste à un allongement brutal du ventricule selon son grand axe, une rotation selon le sens des aiguilles d’une montre et une augmentation de la taille du ventricule accompagnant des modifications de sa forme. Ces actions résultent en une augmentation rapide du volume des ventricules, alors que les valves sont closes, ce qui génère une puissante force d’aspiration du sang atrial. C’est donc la contraction de ce segment descendant qui est responsable de ce « remplissage systolique » du ventricule. 84 Figure 28 : Fonctionnement de la boucle apicale de la bande myocardique avec ses deux segments, ascendant (as) et descendant (ds). La contraction du segment descendant (B) entraîne un raccourcissement du ventricule selon son grand axe, une rotation dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et une réduction du diamètre ventriculaire. La contraction du segment ascendant (B) provoque les effets inverses (allongement et augmentation du diamètre ventriculaire, rotation dans le sens des aiguilles d’une montre). D’après TorrentGuasp [138]. L’incorporation de ces nouvelles données anatomiques et fonctionnelles, liées à la mise en évidence de l’architecture en bande du myocarde ventriculaire, conduit à proposer une nouvelle approche du cycle cardiaque (Tableau 2). PHASES MOUVEMENT CYCLE CARDIAQUE : NOUVELLE CONCEPTION SYSTOLE Compression Contraction de la boucle basale : rétrécissement VOLUME VOLUME ACTIVITE Ejection Contraction du segment descendant : raccourcissement et torsion Décompression DIASTASIS Aspiration Drainage Contraction du segment descendant : allongement et détorsion Elargissement Augmentation Pas de changement notable Diminution ACTIVITE PHASES DIASTOLE Contraction Repos CYCLE CARDIAQUE : CONCEPTION CLASSIQUE Contraction isovolumique Constant SYSTOLE Ejection rapide Diminution Contraction Ejection lente Relaxation isovolumique Constant DIASTOLE Remplissage rapide Diastasis Augmentation Contraction atriale Repos Tableau 2 : Comparaison entre les approches classique et nouvelle de la séquence chronologique des évènements du cycle cardiaque. D’après Torrent-Guasp [138]. 85 iii) Conséquences de l’altération de la fonction systolique sur le remplissage diastolique sur l’aspiration diastolique Quelle que soit l’approche choisie pour l’expliquer (l’existence de forces de rappel élastiques ou la contraction du segment ascendant de la bande myocardique), le phénomène d’aspiration diastolique est à mettre en relation avec la qualité de la systole ventriculaire. Il contribue, en synergie avec la relaxation active du myocarde, à générer des pressions basses au sein du ventricule et donc à créer un gradient de pression atrio-ventriculaire de grande amplitude en début de diastole. Par conséquent, la fonction systolique ventriculaire intervient sur l’efficacité du remplissage, en particulier protodiastolique. On comprend donc que l’altération de cette fonction systolique puisse être à l’origine d’un dysfonctionnement diastolique. Plusieurs études expérimentales ont montré que, si l’on induit un dysfonctionnement systolique chez des chiens, en imposant pendant plusieurs semaines une tachycardie par la mise en place d’un pacemaker, malgré une éventuelle augmentation du volume d’équilibre (qui n’a cependant pas été retrouvée dans toutes les études), le ventricule gauche devient incapable d’atteindre un volume télésystolique inférieur au volume d’équilibre, ce qui altère l’aspiration diastolique de façon conséquente. Ces modifications s’accompagnent de perturbations du ratio entre les différents isoformes de la titine : en particulier, on observe une augmentation du type N2BA dans les couches internes de la paroi ventriculaire qui pourrait contribuer à réduire les forces de rappel puisque cet isoforme est plus extensible [10]. Par ailleurs, chez ces animaux, une réduction du phénomène de torsion /détorsion qui se produit lors de la contraction du ventricule est rapportée, et pourrait participer à l’altération de l’aspiration diastolique. e) Le contrôle neuroendocrinien de la fonction diastolique i) L’intervention du système nerveux sympathique (1) L’action des catécholamines sur la relaxation de la cellule myocardique La stimulation des récepteurs β-adrénergiques présents au niveau de la membrane du myocyte est à l’origine d’une activation de l’adénylcyclase, enzyme qui catalyse la formation d’un second messager, l’AMP cyclique. 86 Ainsi, la stimulation des récepteurs β est suivie de la phosphorylation de la pompe à calcium sur la membrane cellulaire, ce qui augmente l’entrée de calcium dans le myocyte, d’où un effet inotrope positif. Parallèlement, l’activation par phosphorylation du phospholamban et de la troponine I améliore la reséquestration du calcium et donc la relaxation myocardique. On a donc un effet mixte, à la fois inotrope positif et lusitrope positif [7]. Cet effet lusitrope est mis en évidence par l’utilisation d’un agoniste β, l’isoprotérénol : il améliore la séquestration du calcium par le réticulum et abrège le flux calcique dans le cytosol [52]. Il est intéressant de noter d’autre part que les récepteurs β existent sous 2 formes d’affinité différente pour leurs agonistes. C’est la forme présentant une affinité élevée pour les agonistes β qui est couplée à la protéine G activatrice (elle-même couplée à l’adénylcyclase) et qui est donc considérée comme la forme fonctionnelle et physiologique du récepteur [143]. (2) L’action des catécholamines à l’échelle de l’organe Les catécholamines (adrénaline et noradrénaline) sont d’une part libérées au niveau des synapses du système orthosympathique qui innerve le muscle cardiaque et d’autre part relarguées par la médullosurrénale dans le torrent circulatoire lorsque cette dernière est elle-même soumise à une stimulation sympathique. Ce sont donc à la fois des neuromédiateurs et des hormones de la réponse au stress. - Leur fixation sur les récepteurs β du coeur produit différents effets, notamment : un effet chronotrope positif : la fréquence cardiaque s’accélère ; un effet inotrope positif : la contraction du myocarde est plus puissante, ce qui augmente le volume d’éjection systolique; Ces effets conduisent à une augmentation du débit cardiaque, qui, combinée à l’augmentation des résistances vasculaires périphériques due à l’action des catécholamines sur les vaisseaux, entraîne une élévation de la pression artérielle. Concernant la fonction diastolique, comme nous l’avons évoqué dans le paragraphe précédent, les catécholamines ont une action lusitrope positive (elles améliorent la qualité de la relaxation). Rappelons par ailleurs que la dobutamine augmente le phénomène de rappel élastique, ce qui suggère que les catécholamines, en renforçant l’efficacité de la fonction systolique, augmentent les forces de rappel, ce qui améliore le phénomène d’aspiration diastolique. Les catécholamines n’exercent cependant pas une action uniquement favorable à la fonction diastolique. En effet, l’effet chronotrope positif, en raccourcissant la phase de remplissage du ventricule, présente des effets préjudiciables pour la fonction diastolique, d’autant plus que c’est durant la diastole que la circulation coronaire a lieu. Par conséquent, en réduisant la durée de la diastole, l’augmentation de la fréquence cardiaque potentialise les risques d’ischémie myocardique. Quant à l’effet inotrope positif, en augmentant la demande en oxygène du myocarde, il peut contribuer à une hypoxie. Or nous avons déjà souligné les effets délétères de l’ischémie et de l’hypoxie sur la fonction diastolique 87 ventriculaire. Enfin, nous verrons par la suite les conséquences néfastes de l’augmentation de la post-charge lors d’augmentation de la pression artérielle, qui peut être secondaire à une stimulation adrénergique. (3) Les modifications de l’activité β-adrénergique dans les conditions pathologiques et leurs conséquences thérapeutiques Vatner et al. [143] ont mis en évidence une augmentation du nombre de récepteurs β-adrénergiques lors d’hypertrophie myocardique chez le chien (la densité des autres protéines membranaires est stable, ce qui indique qu’il s’agit bien d’un processus spécifique, intervenant sur la régulation de l’expression d’une protéine particulière). Cependant, ceci s’accompagne d’une réduction de la quantité de la forme active du récepteur, c’est-à-dire celle qui présente une forte affinité pour les catécholamines et qui est couplée à la protéine G. L’augmentation de la densité des récepteurs, qui est observée en début d’évolution, alors que l’hypertrophie myocardique n’a pas entraîné de décompensation, serait alors un mécanisme de régulation post-synaptique, secondaire à la diminution du nombre de récepteurs actifs. D’autres études menées notamment sur le myocarde de patients souffrant de myocardiopathie dilatée à un stade avancé [80] montrent en revanche une diminution de la densité en récepteurs β-adrénergiques par rapport à un myocarde normal. Il apparaît ainsi que, lors d’insuffisance cardiaque, la concentration plasmatique en catécholamines, notamment la noradrénaline, est augmentée et que cela s’accompagne d’un rétrocontrôle négatif sur les récepteurs β1, ainsi que d’une diminution de la réponse aux agonistes, d’un effet toxique pour le cardiomyocyte, et d’une altération des fonctions systolique et diastolique [17]. Compte tenu des effets des catécholamines sur le fonctionnement de la cellule myocardique, on comprendrait l’intérêt de l’utilisation des agonistes β dans le traitement des dysfonctionnements diastoliques. L’intérêt notamment de l’association entre l’isoprotérénol et le diltiazem, qui bloque les canaux calcium, a été mise en évidence expérimentalement sur des cœurs hypertrophiés de rats : en apportant la dose précise de diltiazem annulant les effets inotropes positifs du β agoniste, on obtient un effet lusitrope net qui augmente à la fois le taux et l’étendue de la relaxation [7]. Cependant, compte tenu des effets délétères de la tachycardie (qui diminue la longueur de la diastole et augmente la demande en oxygène du myocarde) et de l’hypertension artérielle (qui en augmentant la post-charge, peut aggraver l’hypertrophie myocardique) sur la fonction diastolique, l’utilisation de β bloquants est paradoxalement plus communément recommandée dans la gestion de l’insuffisance cardiaque diastolique, afin de lutter contre les effets β chronotrope et inotrope positifs [14, 155]. De plus, l’utilisation de béta-bloquants permet de lutter contre le rétrocontrôle négatif qui est exercé sur les β-récepteurs et le retour à une densité normale de récepteurs pourrait participer à une réponse myocardique adaptée lors d’élévation ponctuelle du niveau de catécholamines, 88 lors de l’exercice par exemple. Par ailleurs, les béta-bloquants amélioreraient le couplage entre les récepteurs et la protéine G stimulatrice [17]. ii) Le rôle du système rénine–angiotensinealdostérone Le système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) intervient dans la régulation du débit sanguin rénal et de la pression artérielle. Il peut être activé par trois stimuli différents : - la stimulation par les cellules de la macula densa de l’appareil juxta-glomérulaire, qui - la stimulation directe par le système nerveux orthosympathique ; - sont sensibles à la baisse du débit sanguin rénal ; la stimulation par une baisse importante de la concentration en sodium maculaire. En réponse à ces divers stimuli, les cellules juxta-glomérulaires de l'artériole afférente libèrent de la rénine. Celle-ci catalyse la transformation de l'angiotensinogène en angiotensine I, elle-même convertie en angiotensine II par l'enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA). L'angiotensine II issue de cette cascade enzymatique présente deux principales actions : - elle a un puissant rôle vasoconstricteur au niveau des muscles lisses vasculaires, ce qui - elle engendre une élévation de la pression artérielle ; stimule la corticosurrénale, produisant alors l'aldostérone, minéralocorticoïde et qui provoque la réabsorption de sodium et d'eau. qui est un (1) L’intervention du SRAA dans les phénomènes de remodelage structural du myocarde (a) Preuves expérimentales du rôle du SRAA Des rats chez lesquels on induit chirurgicalement une ischémie rénale unilatérale, qui s’accompagne d’une augmentation du niveau d’angiotensine II et d’aldostérone plasmatiques, présentent une hypertrophie ventriculaire gauche secondaire à l’installation d’une hypertension artérielle systémique. Cette hypertrophie s’accompagne de modifications qualitatives du myocarde puisqu’on assiste à une fibrose. Cependant, ces modifications ne concernent pas uniquement le ventricule hypertrophié et soumis à une hypertension ; le ventricule droit est également affecté par l’accumulation de collagène. Ceci suggère l’intervention d’hormones circulantes dans ce mécanisme. Or on observe par ailleurs que l’administration de captopril, qui est un inhibiteur de l’ECA (IECA), prévient l’apparition de ce processus de remodelage myocardique, ce qui indique que le SRAA est mis en jeu dans les phénomènes de fibrose myocardique. [149, 150] Et en effet, l’administration d’angiotensine II (à des doses non hypertensives) s’accompagne rapidement de signes de souffrance des cardiomyocytes. En deux semaines, on voit apparaître une fibrose périvasculaire et des micro-cicatrices dans les 2 ventricules 89 puis en 4 à 6 semaines, la fibrose s’étend dans le tissu interstitiel myocardique. L’administration d’aldostérone est également suivie de phénomènes de fibrose. [150] De plus, l’hypertrophie ventriculaire ne s’accompagne pas d’accumulation pathologique de tissu fibreux lorsqu’elle est secondaire à une surcharge volumique ou à une surcharge barométrique induite par une ligature infra-rénale de l’aorte, qui sont des conditions dans lesquelles le SRAA n’est pas activé. Ces observations confirment que la fibrose myocardique serait associée à une élévation chronique des hormones effectrices du SRAA plutôt qu’à l’effet direct de l’élévation de la post-charge. [149, 150] (b) Mode d’action des effecteurs du SRAA (i) L’angiotensine II L’élévation de l’angiotensine II circulante pourrait contribuer à la fibrose en induisant une nécrose des myocytes et un phénomène de réparation secondaire, car elle semble présenter un effet cardiotoxique. Une action directe sur la prolifération fibroblastique est également possible puisque l’angiotensine II a montré des propriétés mitogéniques sur des cultures cellulaires de fibroblastes [149]. Elle agit également indirectement via la synthèse de facteurs de croissance tels que le TGF-β. De plus, on a montré que l’angiotensine II, en se fixant sur les récepteurs AT-1, augmente la synthèse de collagène par les fibroblastes et réduit également l’activité collagénolytique dans des cultures de fibroblastes [63]. Les récepteurs AT-2 ont en revanche un effet inhibiteur sur la synthèse de protéines de la matrice extracellulaire [75]. (ii) L’aldostérone L’aldostérone a également une action sur la synthèse de collagène, mais, en revanche, elle ne modifie pas l’activité collagénolytique : en effet, on rapporte une élévation de la synthèse de collagène de type I et de l’expression de l’ARNm correspondant dans des fibroblastes incubés en présence d’aldostérone. Il est par ailleurs intéressant de noter que la spironolactone et l’amiloride, qui ont pour effet commun d’épargner le potassium, de même qu’une supplémentation en potassium dans la ration, préviennent, chez des rats traités avec de l’aldostérone pendant plusieurs semaines, l’apparition de micro-cicatrices. Ces données suggèrent que la déplétion potassique qui accompagne l’excès de minéralocorticoïdes est impliquée dans les phénomènes de fibrose myocardique. [150] L’angiotensine et l’aldostérone influencent également l’organisation structurale des fibres de collagène [63]. (2) Le rôle de l’angiotensine II dans la relaxation myocardique Une étude menée chez des chiens présentant une hypertrophie ventriculaire secondaire à une hypertension artérielle d’origine rénale a montré que la fonction diastolique est améliorée par l’administration aiguë d’énalaprilate (IECA) ou d’un inhibiteur du récepteur AT-1. Ceci indique qu’en plus d’une action chronique sur les propriétés 90 élastiques passives du ventricule, l’angiotensine II pourrait affecter directement la relaxation active du myocarde. [57] On a en effet mis en évidence une action directe de l’angiotensine II sur le métabolisme du calcium à l’échelle du cardiomyocyte : cette action fait intervenir le récepteur AT-1 qui est couplé à un second messager, l’inositol triphosphate. Ainsi, la fixation de l’angiotensine II sur son récepteur AT-1 entraîne une augmentation du flux calcique entrant et du relargage de calcium à partir du stock du réticulum sarcoplasmique. Elle serait également susceptible de ralentir le recaptage du calcium par les organelles intracellulaires. Ces différents effets vont dans le sens d’une augmentation de la disponibilité du calcium. De plus, elle stimule l’échange Na+/H+ et induit donc une alcalose intracellulaire, qui, nous l’avons vu, augmente la sensibilité des myofilaments au calcium. [57, 114] Par ces effets sur le métabolisme calcique du myocyte, l’angiotensine II présente donc, sur le myocarde normal, des effets inotrope et chronotrope positifs. Cependant, il semble qu’au sein d’un myocarde hypertrophié, les modifications de la réponse au calcium induites par l’angiotensine peuvent contribuer à altérer la relaxation du myocarde au cours de la diastole. (3) Les supports de l’activité du SRAA au sein du coeur (a) Les récepteurs à l’angiotensine II et l’aldostérone On a pu mettre en évidence une large distribution des récepteurs à l’angiotensine II et à l’aldostérone au sein du cœur. Les petits vaisseaux et le tissu de conduction semblent notamment en être des cibles préférentielles. [114, 150] (b) La production locale d’angiotensine II Une enzyme de conversion de l’angiotensine tissulaire (ECAT), non endothéliale, a été identifiée dans les tissus riches en fibroblastes et en collagène fibrillaire [17, 150]. Elle est responsable d’une activation locale de l’angiotensine I en angiotensine II. D’autres enzymes pourraient également intervenir puisque l’énalaprilate n’inhibe pas la totalité (70%) de la conversion de l’angiotensine I dans le cœur de rats normaux [114]. Contrairement à son homologue endothélial, l’ECAT n’est pas soumise à un rétrocontrôle négatif par l’angiotensine II [150]. Quand le ventricule gauche est soumis à une surcharge barométrique, on observe une augmentation significative de l’activité enzymatique de l’ECAT au sein du myocarde. Ceci est accompagné d’une considérable augmentation de l’expression de l’ARNm codant pour l’ECAT dans ce tissu (elle est multipliée par 4 par rapport aux contrôles). Par ailleurs, cette activation de l’ECAT ne concerne pas le ventricule droit, qui n’est pas soumis à l’hypertension artérielle et ne présente pas d’hypertrophie, ce qui montre que l’induction de cette enzyme est directement associée à l’hypertrophie locale secondaire à l’élévation de la post-charge, et non à un facteur systémique ou circulant. [114] 91 L’existence d’une production locale d’angiotensine, particulièrement au sein d’un myocarde hypertrophié, introduit la notion de régulation paracrine/autocrine, dans laquelle interviennent de nombreux autres facteurs que nous étudierons par la suite. Le SRAA intervient donc dans les mécanismes à l’origine des modifications structurales et fonctionnelles que subit le myocarde lors d’hypertension artérielle systémique. Son activation est notamment responsable des phénomènes de fibrose tissulaire observés lors d’hypertrophie ventriculaire secondaire. Il apparaît également que le SRAA pourrait contribuer à perturber la relaxation myocardique, par un mécanisme faisant intervenir les récepteurs AT-1à l’angiotensine II. Soulignons enfin que le SRAA peut être activé au niveau systémique (dans les conditions décrites plus haut) mais qu’il existe par ailleurs une voie de synthèse locale d’angiotensine, mise en jeu en réponse à une élévation de la post-charge ventriculaire. (4) Implications thérapeutiques Compte tenu des effets délétères des effecteurs du système rénine-angiotensine- aldostérone pour la fonction diastolique, tant sur la relaxation que sur les propriétés passives du myocarde ventriculaire, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) sont des dysfonctionnements diastoliques. molécules de choix dans le traitement des Leur utilisation est donc recommandée [14, 57, 63, 131] : elle serait associée à une amélioration rapide de la relaxation ainsi qu’à une régression de l’hypertrophie myocardique et de la fibrose interstitielle et vasculaire sur le long terme. Les IECA, par leur action vasodilatatrice mixte, présentent également un intérêt pour lutter contre l’hypertension et la congestion. De la même façon, l’utilisation d’inhibiteurs de l’aldostérone (spironolactone) est envisageable, pour leur action anti-fibrotique d’une part et d’autre part pour leur effet diurétique qui lutte contre la rétention de fluides et la surcharge volumique rencontrée lors d’insuffisance cardiaque congestive [155]. Enfin, on peut évoquer l’intérêt particulier des inhibiteurs spécifiques des récepteurs AT-1, qui ont pour effet de promouvoir la fixation de l’angiotensine II sur ses récepteurs AT-2. Celle-ci atténue en effet le remodelage tissulaire [75]. iii) Les voies autocrine et paracrine de contrôle de la fonction diastolique : modulation du fonctionnement des cellules myocardiques par elles-mêmes et par les cellules endothéliales De nombreuses données expérimentales témoignent de l’existence d’une voie paracrine de régulation de la fonction myocardique par les cellules endothéliales cardiaques. Celles-ci libèrent en effet des substances cardio-actives parmi lesquelles on reconnaît 92 notamment le monoxyde d’azote (NO), l’endothéline-1et les peptides natriurétiques. Elles possèdent également des activités enzymatiques qui interviennent dans le fonctionnement des cellules du myocarde. C’est le cas de l’enzyme de conversion de l’angiotensine tissulaire (ECAT), qui permet la production régionale d’angiotensine II, nous l’avons vu précédemment, mais qui modifie également le niveau local de bradykinine. Il apparaît que certains de ces facteurs « endothéliaux » peuvent être produits par les cardiomyocytes eux-mêmes, souvent dans des conditions pathologiques, ce qui suggère l’existence d’une voie autocrine parallèle. [116] Ces médiateurs agissent en modifiant le comportement contractile des myocytes : ils perturbent les propriétés des myofilaments ou les flux calciques intracellulaires. (1) Le monoxyde d’azote Le NO est un gaz formé à partir d'un atome d'azote apporté par la L-arginine et d'une molécule d'oxygène. Cette réaction est catalysée par une famille d'enzymes, les NO synthases (NOS). Au sein de cette famille enzymatique, il existe un isoforme inductible, dont l’activité est stimulée par l’inflammation et la productivité nettement plus importante que celle des formes constitutives. Dans les conditions physiologiques, le monoxyde d’azote est libéré en petite quantité par les cellules endothéliales et par les cardiomyocytes : on a à la fois une action paracrine et autocrine. En présence de cytokines de l’inflammation, l’activation de l’isoforme inductible induit la production de NO en grande quantité et l’expression de ses effets sur la cellule myocardique. Le NO agit sur la contractilité du myocarde et interagit avec les catécholamines. Il active une guanylate cyclase soluble qui synthétise de la GMPc (guanosine monophosphate cyclique) à partir de la GTP (guanosine triphosphate). La GMPc possède plusieurs propriétés: - - La GMPc peut activer la phosphodiestérase de type II qui est responsable de la dégradation de l'AMPc. Elle bloque donc la voie des catécholamines, ce qui agit à la fois sur la contractilité et la relaxation du myocarde. Elle est également responsable, par l’intermédiaire de la protéine kinase G, d’une phosphorylation de la troponine I, et favorise donc la relaxation en empêchant l’hydrolyse de l’ATP par les têtes de myosine, ce qui limite la formation des ponts actine - – myosine. De même, la protéine kinase G peut phosphoryler la Ca2+-ATPase du réticulum sarcoplasmique, ce qui favorise le recaptage du calcium cytosolique et la relaxation. Le NO a également d'autres propriétés, qui sont variables en fonction de la quantité de NO produite. Il est capable d'altérer la chaîne respiratoire des mitochondries, ce qui réduit la production d'ATP. Par ailleurs, à des concentrations physiologiques, il peut réduire le stress oxydatif. En revanche, lorsque le NO est produit en quantité importante, il se combine à des radicaux libres pour créer des peroxynitrites et inhibe la glutathion transférase (puissante enzyme anti-oxydant). Le monoxyde d’azote intervient donc de façon complexe dans la régulation du fonctionnement des cardiomyocytes mais semblerait avoir une action plutôt favorable sur la fonction diastolique puisqu’il améliore la relaxation. [68] 93 (2) L’endothéline-1 L’endothéline-1 est un petit peptide sécrété au pôle basal des cellules endothéliales, qui exerce une action locale sur les cellules adjacentes : c’est donc un médiateur paracrine. Sa synthèse est augmentée par de nombreux facteurs, notamment l’angiotensine II, et inhibée par d’autres tels que les peptides natriurétiques ou le monoxyde d’azote. Ce dernier, du fait de son action inhibitrice sur la synthèse mais également sur l'effet biologique de l'endothéline-1, est donc un puissant modulateur du système de l'endothéline-1. [28] L'endothéline-1 participe au développement embryonnaire et fœtal du cœur et des vaisseaux. Elle intervient chez l’adulte dans le maintien du tonus vasculaire basal et la régulation de la pression artérielle, puisqu’elle possède un effet vasoconstricteur direct et indirect par augmentation du tonus sympathique. [28] La concentration plasmatique d'endothéline-1 est augmentée dans de nombreux processus pathologiques, en particulier lors d’insuffisance cardiaque. Or l’endothéline-1 possède un effet mitogénique, en augmentant la prolifération cellulaire [28]. Elle intervient donc dans la genèse de l’hypertrophie myocardique. Elle est de plus associée au remodelage du coeur et semble détenir un rôle pivot dans la fibrose du myocarde en stimulant directement l’accumulation de collagène [97]. En effet, on a montré que l’endothéline-1 augmente l’expression des ARNm des collagènes de type I et III et réduit l’activité collagénolytique [150]. Il apparaît également que l’élévation du niveau d’endothéline rencontré lors d’insuffisance cardiaque est responsable d’une altération de la relaxation [91]. (3) La bradykinine La bradykinine, peptide connu surtout pour son action vasodilatatrice, possède également des effets inhibiteurs de la fibrose. Au niveau myocardique, la bradykinine peut être d’origine exogène ; cependant, sa durée de vie très courte suggère plutôt un mécanisme d’action paracrine. On a montré en effet que les cellules endothéliales possèdent l’équipement enzymatique nécessaire à la production locale de bradykinine [116]. Elle est métabolisée par une famille enzymatique particulière, celle des kininases. Or la kininase II n’est autre que l’enzyme de conversion de l’angiotensine. Ainsi, l’ECA endothéliale est susceptible de dégrader la bradykinine, et son affinité pour ce substrat est très marquée. Par ailleurs, l’isoforme tissulaire de cette enzyme présente également cette activité : on a en effet pu mettre en évidence une association entre la présence de récepteurs à la bradykinine et celle de l’ECAT dans les zones de fibrose myocardique, ce qui suggère que l’ECAT régule les concentrations locales de bradykinine au sein du myocarde. Ainsi, la forte densité de l’ECAT dans les zones de fibrose myocardique participe à la dégradation de la bradykinine, ce qui favorise l’accumulation de collagène dans le myocarde [150]. 94 Par ailleurs, la bradykinine induit, en se fixant sur ses récepteurs B2, la libération de plusieurs médiateurs endothéliaux, tels que le monoxyde d’azote ou les prostaglandines. Elle représente donc un facteur promoteur de la relaxation à travers le relargage de NO [116]. (4) Les peptides natriurétiques Il existe trois types de peptides natriurétiques ; on sait que deux d’entre eux sont exprimés dans le cœur : le peptide natriurétique atrial (ANP), produit par le myocarde atrial, et le peptide natriurétique cérébral (BNP, Brain Natriuretic Peptide), libéré par le tissu ventriculaire [17]. La présence du peptide natriurétique de type C (CNP) n’est pas certaine. Ils sont sécrétés par les cardiomyocytes eux-mêmes et probablement également par les cellules endothéliales myocardiques. L’ANP est relargué lors d’augmentation de l’étirement des atria et le BNP lors de dilatation et de dysfonctionnement ventriculaire [17] Leur libération par les cellules myocardiques est contrôlée par les cellules endothéliales, par l’intermédiaire de l’endothéline. Réciproquement, les peptides natriurétiques influencent le relargage de médiateurs endothéliaux : l’ANP, par d’endothéline par les cellules endothéliales in vitro. [116] exemple, inhibe la libération On reconnaît trois variétés de récepteurs (A, B et C). Le récepteur ANPR-A fixe à la fois ANP et BNP ; il est présent sur les cellules endothéliales. Le récepteur ANPR-B est spécifique du CNP. Le récepteur ANPR-C fixe les trois types de peptides ; il serait à l’origine de l’élimination des peptides de la circulation. Les récepteurs ANPR-A et ANPR-B sont couplés à la guanylate cyclase et sont donc associés à la production de GMPc, de la même façon que NO. Il est également possible que ces récepteurs agissent par une inhibition de l’adénylcyclase, abaissant ainsi le niveau cytosolique d’AMPc. Les peptides natriurétiques auraient donc un effet promoteur de la relaxation. On a ainsi observé que l’ANP induit une installation plus précoce de la relaxation sur les muscles papillaires isolés de chat et de furet : un tel effet, s’il est présent in vivo, faciliterait le remplissage ventriculaire, en particulier lors de surcharge volumique, lorsque la distension atriale induit la libération d’ANP. [116] Par ailleurs, les peptides natriurétiques possèdent une action inhibitrice de l’ADH (hormone anti-diurétique), l’angiotensine et l’aldostérone [17]. (5) Les prostaglandines Les cellules endothéliales endocardiques et coronaires en culture libèrent des prostaglandines, notamment PGI2 (prostacycline) et PGE2. Les cardiomyocytes relarguent également ces substances dans certaines conditions comme lors d’hypoxie/reperfusion. Les prostaglandines pourraient avoir un effet indirect sur le fonctionnement myocardique, par leurs actions vasodilatatrice et cytoprotectrice. L’existence d’effets directs restent en revanche incertaine : en effet, la présence de récepteurs aux prostaglandines, couplés à l’adénylcyclase et à la voie de l’inositol triphosphate à la surface des myocytes, 95 est probable, mais les effets inotropes rapportés sont inconstants, parfois positifs, parfois négatifs, ou absents. On pense aujourd’hui que les prostaglandines interviendraient en modulant la réponse à d’autres agonistes. [116] (6) Substances modifiant les propriétés des myofilaments De nombreuses observations expérimentales suggèrent l’existence de médiateurs endothéliaux encore non identifiés qui agissent directement sur les propriétés des myofilaments et donc sur le fonctionnement des cardiomyocytes. On a montré par exemple que les cellules endothéliales endocardiques et vasculaires en culture relarguent en même temps que l’endothéline, une substance inotrope négative appelée « agent de désensibilisation des myofilaments ». Cette substance agit sur des cardiomyocytes isolés de rat en réduisant l’amplitude de la contraction et en favorisant l’installation plus précoce de la relaxation, ainsi qu’en augmentant la longueur diastolique de la cellule. Ces effets ne s’accompagnant pas de modification des flux calciques, ils résultent donc d’une réduction de la sensibilité des myofilaments au calcium. L’existence d’un autre facteur de faible poids moléculaire produit par les cellules endothéliales a été mise en évidence. Il est libéré lors d’hypoxie et provoque une inhibition réversible de la contraction du myocyte ainsi qu’un retard marqué de la relaxation et une réduction de la longueur diastolique des cellules. Il inhibe directement la liaison actine – myosine et supprime l’activité ATPase du complexe d’actomyosine. Son action est interprétée comme une adaptation à l’hypoxie puisqu’il semble permettre une réduction de la demande du myocarde en O2. [116] Les données expérimentales évoquées ici soulignent donc le rôle potentiellement essentiel de mécanismes de régulation locale par des voies auto et paracrines dans le fonctionnement du myocarde. Ces mécanismes sont extrêmement complexes car ils mettent en jeu des interactions entre les différents médiateurs présentés. Ils représentent à l’heure actuelle une voie de recherche prometteuse et l’on peut espérer qu’une meilleure compréhension des rôles physiologiques et physiopathologiques de ces médiateurs donne accès à de nouvelles stratégies thérapeutiques. Après avoir étudié les différentes caractéristiques ventriculaires qui déterminent la fonction diastolique, ainsi que leur régulation, nous allons maintenant nous intéresser aux facteurs externes au ventricule, mais qui peuvent également influencer la qualité du remplissage ventriculaire. 96 2) FACTEURS EXTRINSEQUES AU VENTRICULE QUI INFLUENCENT LA FONCTION DIASTOLIQUE a) Les conditions hémodynamiques i) Rôle de la précharge (1) Action directe de la précharge (a) Variations de la précharge et remplissage ventriculaire La précharge conditionne évidemment la qualité du remplissage ventriculaire : en effet, le remplissage du ventricule au cours de la diastole est déterminé par le gradient de pression atrio-ventriculaire. Ainsi, lorsque la précharge cardiaque augmente, comme c’est le cas lors d’insuffisance cardiaque congestive, puisque la pression atriale augmente, la vitesse de remplissage est augmentée. C’est d’ailleurs ce phénomène qui est responsable de la pseudonormalisation du tracé Doppler du flux transmitral : l’élévation des pressions de remplissage ventriculaire causée par la détérioration des qualités diastoliques du ventricule entraîne une normalisation des vitesses du flux transmitral, si bien que le tracé Doppler masque l’altération de la fonction diastolique ventriculaire. A contrario, si la précharge diminue, par exemple en cas d’hypovolémie, la diminution de la pression atriale diminue l’amplitude du gradient de pression atrioventriculaire et donc la vitesse de remplissage ventriculaire diastolique. (b) Variations de la précharge et relaxation La précharge est susceptible d’influencer directement la qualité de la relaxation. La précharge agirait notamment sur la réponse myocardique à la stimulation neuro- hormonale : en effet, on a montré que, chez des patients ayant subi une transplantation cardiaque, les effets lusitropes positifs de la stimulation sympathique au cours de l’exercice sont atténués lorsque la précharge augmente. De la même façon, lorsqu’on soumet un fragment de muscle papillaire isolé à un étirement de précharge croissant, on supprime l’amélioration de la qualité de la relaxation que produit normalement la stimulation β 97 adrénergique. Par ailleurs, l’influence de la précharge sur la relaxation semble être augmentée chez l’homme lors d’insuffisance cardiaque. Il semblerait donc que l’élévation de la précharge entraîne une diminution de l’action lusitrope positive des agonistes β, particulièrement chez l’insuffisant cardiaque. Cependant, ces observations dépendraient en grande partie du modèle mathématique utilisé pour représenter la relaxation et les études les plus récentes indiqueraient que la précharge a finalement peu d’impact direct sur la qualité de la relaxation, y compris lors d’insuffisance cardiaque. [66] (2) Effet indirect de la précharge Lors d’augmentation très importante de la précharge, le ventricule est soumis à une surcharge volumique à laquelle il réagit dans un premier temps en augmentant la taille de la cavité, ce qui permet de faire face à un volume télédiastolique augmenté. En effet, l’allongement des sarcomères jusqu’à une longueur optimale à laquelle les myofilaments se chevauchent entraîne une amélioration de la contractilité du myocarde. Néanmoins, cette dilatation ventriculaire conduit également à une augmentation de la tension pariétale : Tension pariétale = pression ventriculaire gauche x rayon du ventricule gauche / épaisseur de la paroi [30] D’après cette formule, afin de normaliser la tension qui s’exerce sur les parois ventriculaires, le ventricule réagit en augmentant l’épaisseur de ces parois. Cette hypertrophie, lors de surcharge volumique, est excentrique et modérée, car la pression à laquelle doit faire face le ventricule est peu élevée [30]. Elle s’accompagne de perturbations de la relaxation et des propriétés passives du ventricule, mais qui sont moins marquées que lors de surcharge barométrique [49]. ii) Importance de la postcharge (1) Action directe de la postcharge sur les propriétés diastoliques ventriculaires (a) Conséquences des variations de la postcharge sur la relaxation La postcharge apparaît comme un déterminant important de la myocardique. [66, 69] relaxation Ainsi, il apparaît que le moment où commence la relaxation est sensible à des élévations expérimentales de la pression aortique avant la fermeture de la valve sigmoïde, ainsi qu’au moment où l’augmentation de pression est imposée. Si la pression aortique augmente au cours du premier tiers de l’éjection, celle-ci est prolongée et la relaxation est donc retardée. Si la pression aortique est augmentée durant le dernier tiers de l’éjection, la relaxation commence prématurément. [19] 98 Par ailleurs, nous avons précédemment évoqué le fait que τ, la constante de temps de relaxation, qui caractérise la relaxation au cours de la phase de relaxation isovolumique, après la fermeture des sigmoïdes, peut être modifiée par des perturbations aiguës de l’impédance artérielle d’éjection (c'est-à-dire la postcharge). [19] De plus, il semble que l’action de la postcharge sur la relaxation dépende du niveau d’augmentation de la postcharge : une étude menée chez le chien et le lapin a montré que, jusqu’à un certain niveau, l’augmentation de la postcharge accélère la chute de pression ventriculaire gauche, puis, au-delà d’un seuil, la relaxation est ralentie. Cette altération de la relaxation n’a de conséquence sur la fonction diastolique globale que lors d’importante élévation de la postcharge : quand cette dernière excède 80% du pic de pression isovolumique, les pressions diastoliques sont augmentées et la courbe pression-volume du ventricule est décalée vers le haut, ce qui traduit l’existence d’un dysfonctionnement diastolique franc. [69] Par ailleurs, l’hypertension artérielle systémique, qui représente une élévation de la postcharge ventriculaire gauche, est susceptible de s’accompagner non seulement d’anomalies à gauche, mais on a montré qu’elle était également associée à une prolongation de la relaxation du ventricule droit. [25] La phosphorylation de la troponine I par la protéine kinase A pourrait jouer un rôle dans cette interaction entre la relaxation et la postcharge : on a effet mis en évidence que, chez des souris surexprimant une troponine I mutante se comportant comme si elle était phosphorylée de manière constitutive, le retard à la relaxation postcharge – dépendant était moins marqué. Le même résultat est observé chez des souris sauvages lors de perfusion d’isoprotérénol qui stimule la protéine kinase A. Or la phosphorylation de la troponine I par cette enzyme diminue lors d’insuffisance cardiaque ; ainsi, la sensibilité de la relaxation aux effets de la postcharge serait augmentée dans ces conditions. [66] (b) Conséquences des variations de la postcharge sur la compliance ventriculaire La postcharge peut influencer les caractéristiques passives du ventricule à travers la circulation coronaire : en effet, on a montré que, chez l’homme, lorsque les vaisseaux coronaires sont engorgés de sang, ce qui se produit durant la diastole, l’épaisseur de la paroi ventriculaire augmente d’environ 10%. Chez le chien, l’épaisseur télédiastolique des parois ventriculaire pourrait varier de 25% entre une occlusion complète des artères coronaires et une hyperémie. [19] Cependant, l’augmentation de l’élastance du ventricule lors d’élévation de la pression coronaire (associée à une augmentation de la postcharge) est inconstante. Les effets de la pression de perfusion coronaire sur les propriétés passives du ventricule semblent donc modestes [69], mais plus marqués sur des cœurs en souffrance [19]. 99 (2) Action indirecte de la postcharge sur la fonction diastolique Comme nous l’avons évoqué dans le cas de surcharge volumique, l’élévation de la postcharge (lors d’hypertension artérielle ou de sténose aortique par exemple) s’accompagne d’une dilatation discrète puis d’une hypertrophie secondaire du myocarde, puisque ce dernier doit faire face à une augmentation des résistances à l’éjection du sang. Cette hypertrophie est alors concentrique. Lorsqu’elle est très importante, elle perturbe la qualité de la relaxation ainsi que la compliance du myocarde, d’autant qu’elle s’accompagne d’une fibrose marquée. [30] En effet, dans les hypertrophies de surcharge (qu’il s’agisse d’une surcharge barométrique ou de volume), l’hypertrophie des cardiomyocytes est due à une stimulation de la synthèse protéique qui conduit à une augmentation de la proportion cellulaire occupée par les sarcomères. Le ratio myofibrilles / mitochondries augmente et ceci peut contribuer à un déficit énergétique au sein de la cellule myocardique, d’autant que l’augmentation de la masse cardiaque n’est pas accompagnée d’une augmentation proportionnelle de la vascularisation coronaire. Cet état d’hypoxie et d’ischémie potentielles participe aux perturbations de la relaxation ainsi qu’à la diminution de la compliance du myocarde du fait de la fibrose qu’il induit. [30] Par ailleurs, les variations de la volémie et de la pression artérielle, qui affectent la postcharge comme la précharge, sont susceptibles de provoquer des réponses neuro- humorales qui peuvent elles-mêmes modifier les propriétés diastoliques ventriculaires, notamment la relaxation myocardique. b) La compétence des valves cardiaques Des anomalies d’ouverture et de fermeture des valves cardiaques peuvent être à l’origine de perturbations mécaniques du remplissage ventriculaire diastolique : En effet, le flux diastolique transmitral, par exemple, est proportionnel à la surface d’ouverture de la valve mitrale [133]. Par conséquent, en cas de sténose mitrale, puisque la surface d’ouverture est réduite, le débit de remplissage ventriculaire gauche sera réduit. Il en est de même à droite lors de sténose tricuspide. Par ailleurs, en cas d’insuffisance aortique (ou pulmonaire), puisque la fermeture de la sigmoïde durant la diastole n’est pas totale, on peut assister à une régurgitation diastolique à l‘origine d’une élévation plus rapide des pressions ventriculaires, ce qui perturbera le remplissage. Certaines anomalies valvulaires peuvent également agir indirectement sur la fonction diastolique : Lors de sténose aortique ou pulmonaire, la fonction diastolique sera également altérée, par un mécanisme d’élévation de la postcharge. 100 sont Les régurgitations systoliques mitrales ou tricuspides sont à l’origine, lorsqu’elles importantes, de surcharge volumique marquée du ventricule ; l’hypertrophie compensatrice du myocarde cause alors des perturbations de la fonction diastolique. c) Les propriétés du péricarde Le péricarde est constitué de deux feuillets, le feuillet viscéral enveloppant le cœur et qui se confond avec l’épicarde, et le feuillet pariétal. Ces deux feuillets délimitent la cavité péricardique. Le péricarde entoure l’ensemble du cœur et exerce donc sur les parois libres de ce dernier des contraintes externes qui peuvent modifier le fonctionnement cardiaque et notamment le remplissage ventriculaire. Il est attaché à l’adventice des gros troncs artériels et au diaphragme par le ligament phréno-péricardique, si bien qu’il assure la fixation anatomique du cœur et limite les mouvements de ce dernier quand la position du corps change. Les autres fonctions qu’on lui attribue sont la réduction des frictions entre le cœur et les structures environnantes, grâce aux phospholipides présents dans le liquide péricardique, ainsi qu’un rôle de prévention d’extension de phénomènes infectieux ou tumoraux de voisinage. [79] i) Propriétés structurales et fonctionnelles du péricarde normal (1) Etude du tissu péricardique isolé Le péricarde est un tissu fibreux qui est essentiellement composé de collagène. Les fibres de collagène péricardiques sont ondulées et présentent une organisation complexe, en plusieurs couches. Elles déterminent les propriétés mécaniques du péricarde : celui-ci est facilement extensible jusqu’à ce que la tension qui s’exerce sur lui raidisse les fibres ondulées ; au-delà de ce point, le tissu péricardique devient relativement inextensible (Figure 29). [70] Tension Allongement Figure 29 : Relation entre l’allongement et la tension appliquée sur du tissu péricardique isolé. D’après LeWinter [70]. 101 Il apparaît par ailleurs que, suite à un étirement rapide, le péricarde exprime des propriétés de stress – relaxation, comme nous l’avons vu précédemment pour le myocarde, c'est-à-dire une diminution graduelle des tensions à longueur constante. Ce phénomène serait néanmoins assez peu marqué. Quant au processus inverse de déformation retardée, il semble être négligeable pour le péricarde. Ces effets, qui font références aux qualités visqueuses du péricarde, seraient donc susceptibles de moduler l’action constrictive qu’exercerait sur le cœur un péricarde rendu inextensible par une certaine augmentation de volume. [70] (2) Comportement du sac péricardique in vivo Le comportement du péricarde intact correspond à ce que laissaient prédire les études menées sur du tissu péricardique isolé. La relation entre le volume et la pression régnant dans le sac péricardique (Figure 30) est en effet plus ou moins superposable à ce qu’on a décrit précédemment concernant la relation entre la tension et l’allongement du tissu isolé : pour des volumes réduits, la courbe est presque horizontale puis la pente devient beaucoup plus marquée pour des volumes plus importants, et la transition d’un péricarde de compliance importante à un sac péricardique relativement inextensible est rapide. Cette transition se produit in vivo pour des volumes cardiaques peu augmentés, ce qui signifie que la réserve volumique péricardique est assez réduite. [148] Par ailleurs, il apparaît que le péricarde est capable de s’adapter à des modifications chroniques du volume du cœur : ainsi, si on induit une dilatation cardiaque chronique chez le chien, on observe que la courbe pression – volume du péricarde se déplace vers la droite, ce qui indique un volume de repos augmenté, et sa pente décroît, ce qui traduit une augmentation de la compliance (Figure 30). Cette capacité d’adaptation fait probablement intervenir les propriétés visqueuses du tissu péricardique, mais surtout des phénomènes de croissance du péricarde. [70] Pression Chien normal Dilatation chronique cardiaque Volume Figure 30 : Relation pression - volume du péricarde chez un chien dans des conditions normales et après dilatation cardiaque chronique. D’après LeWinter [70]. 102 (3) Nature des forces exercées par le péricarde sur le cœur et pressions intra-péricardiques Si l’on considère que le sac péricardique est rempli de liquide, les forces entre les surfaces viscérale et pariétale du péricarde relèvent donc d’une pression hydrostatique. Or, les premières études mesurant la pression dans le sac péricardique à l’aide de cathéters remplis de fluide ont révélé une pression proche de zéro, variant peu en fonction des variations de volume du cœur. On en a donc conclu que l’influence du péricarde sur le remplissage était négligeable. Cependant, il apparaît maintenant que les forces qui s’exercent entre les deux feuillets sont à considérer en terme de forces de contact (et non de pression hydrostatique), dans la mesure où l’on peut considérer que le tissu péricardique forme un réseau. La mesure de la pression péricardique à l’aide de ballonnets aplatis a ainsi permis de montrer que la pression dans la cavité péricardique est comparable ou légèrement inférieure à celle qui règne dans les cavités cardiaques droites. [70, 148] ii) Influence du péricarde sur la fonction diastolique L’étude de l’influence du péricarde sur la fonction diastolique ventriculaire repose sur la comparaison des courbes pression-volume ventriculaires avant et après péricardectomie. (1) Dans les conditions physiologiques De nombreuses études expérimentales, menées notamment chez le chien après thoracotomie, ont cherché à déterminer l’influence du péricarde sur le fonctionnement cardiaque dans des conditions normales. Les résultats de ces travaux sont contradictoires, certains rapportant un effet notable, d’autres mettant en évidence des conséquences négligeables de la péricardectomie sur la courbe pression – volume ventriculaire. Cependant, les études dont la méthodologie reflète le mieux les conditions physiologiques semblent montrer que l’action du péricarde sur le remplissage ventriculaire droit et gauche pour des volumes cardiaques physiologiques reste très modeste. Il est néanmoins important de souligner que cette influence est d’importance très différente pour les ventricules droit et gauche. En effet, le ventricule droit étant beaucoup plus distensible que le gauche, le péricarde exerce un effet nettement plus marqué à droite. Ainsi, dans certaines conditions expérimentales où l’action du péricarde sur les courbes pression – volume ventriculaires n’est pas négligeable, le péricarde serait responsable de plus des deux tiers de la pression ventriculaire droite, mais de seulement 30 à 40 % de la pression à gauche. [70, 148] Le péricarde ne doit donc pas être considéré comme un facteur constrictif important pour le remplissage d’un cœur normal. 103 (2) Lors de dysfonctionnement ventriculaire Dans une situation où le volume du cœur augmente, on comprend que le péricarde est alors susceptible d’exercer un effet sur le remplissage ventriculaire diastolique. La réserve volumique péricardique est en effet réduite et par conséquent, la capacité du péricarde à s’adapter à une augmentation de volume cardiaque est rapidement dépassée. Par ailleurs, pour un volume cardiaque donné, l’influence péricardique sera plus marquée si l’augmentation de volume a été rapide que si elle s’est installée lentement. Par exemple, le tracé Doppler transmitral chez des chiens chez lesquels on a induit un dysfonctionnement ventriculaire gauche aigu est modifié par la péricardectomie [152] : on observe, après la péricardectomie, une augmentation des vélocités à la fois des flux proto- et télédiastolique, associée sur le plan hémodynamique à une diminution de la pression ventriculaire minimale et une augmentation de la compliance du ventricule mais aussi de l’atrium. Ces observations expérimentales démontrent l’action constrictive que peut exercer le péricarde sur le cœur dans certaines conditions, ce qui cause une altération du remplissage. En effet, il est responsable d’une élévation de la pression ventriculaire minimale et d’une diminution de la compliance atriale (qui entraîne une chute plus rapide de la pression lorsque le sang quitte l’atrium), qui contribuent à diminuer le gradient de pression atrioventriculaire protodiastolique. La diminution de la compliance ventriculaire due à la constriction péricardique entraîne par ailleurs une élévation plus rapide de la pression au fur et à mesure que le ventricule se remplit et contribue donc également à réduire l’amplitude du gradient atrio-ventriculaire. [152] De plus, pour cette dernière raison, le remplissage télédiastolique est également affecté, d’autant plus que la contrainte externe imposée par le sac péricardique sur l’atrium restreint également le remplissage atrial. Or si le volume de l’atrium juste avant sa contraction est diminué, d’après la loi de Starling, le volume d’éjection systolique atrial est réduit et la fonction systolique atriale est altérée. Sa contribution au remplissage ventriculaire télédiastolique est donc diminuée. [100] Chez l’homme, on observe typiquement l’effet constrictif du péricarde sur le cœur de volume augmenté lors d’infarctus du myocarde ventriculaire droit. En effet, suite à l’infarctus, le cœur droit se dilate de façon marquée et rapide, la réserve péricardique est donc dépassée, et l’on observe des signes cliniques et hémodynamiques similaires à ceux rencontrés lors de péricardite constrictive. Il est intéressant de noter que ceci n’est pas observé lorsque l’infarctus concerne le myocarde gauche, qui est plus épais et rigide et ne se dilate pas aussi rapidement que le myocarde ventriculaire droit. [70] Il est donc indéniable que le péricarde intervient comme un facteur constrictif significatif sur des cœurs souffrant d’un dysfonctionnement ventriculaire sous-jacent, responsable d’une augmentation du volume cardiaque. Il joue ainsi un rôle protecteur en luttant contre la dilatation cardiaque aiguë lors de surcharge volumique brutale. La constriction péricardique est alors responsable d’une perturbation du remplissage ventriculaire diastolique. 104 (3) Lors d’affection péricardique Si la compliance du tissu péricardique est diminuée, l’action constrictive du péricarde sur le remplissage ventriculaire peut s’exercer pour des volumes cardiaques normaux. C’est ce qui se produit lors de péricardite constrictive : le tissu péricardique s’épaissit et se fibrose, avec souvent une fusion partielle des deux feuillets, et devient par conséquent rigide. D’autre part, le péricarde peut également influencer le fonctionnement du cœur de volume normal si la pression hydrostatique au sein de la cavité péricardique, normalement proche de zéro, augmente, comme c’est le cas lors d’épanchement péricardique. En effet, puisque le volume de la cavité péricardique augmente, on se déplace alors vers la portion de la courbe pression – volume du péricarde où la compliance est faible. Dans ces deux affections, la contrainte externe qui est appliquée sur les parois cardiaques au cours de la diastole augmente et s’oppose à la déformation des ventricules lors du remplissage. Par conséquent, la pression ventriculaire s’élève plus rapidement sous l’effet du remplissage, ce qui diminue l’amplitude du gradient atrio-ventriculaire. Le remplissage ventriculaire est donc altéré. De plus, comme lors d’augmentation du volume du cœur, le péricarde empêche également un remplissage atrial adéquat. Par conséquent, la contraction de l’atrium est moins efficace, ce qui contribue à limiter le remplissage télédiastolique. Cette contrainte s’exerce en premier lieu sur le ventricule droit, puisqu’il est plus compliant et que les pressions de remplissage sont moindres. Lorsque le péricarde exerce sur le cœur une action constrictive, cela se traduit sur l’enregistrement Doppler du flux transmitral par l’apparition d’un tracé de type restrictif. Le péricarde peut donc, dans certaines conditions, être un facteur déterminant de la fonction diastolique ventriculaire, du fait des forces qu’il exerce sur les parois libres des ventricules. Par ailleurs, les ventricules partagent une paroi commune, le septum interventriculaire, par laquelle chacun peut par conséquent exercer une contrainte sur l’autre, d’où la notion d’interaction ventriculaire. d) L’interaction ventriculaire i) L’interaction directe entre les deux ventricules (1) Origine anatomo-physiologique de cette interaction L’existence d’une interaction directe entre les deux ventricules repose sur l’existence d’une paroi commune aux deux ventricules, le septum interventriculaire, qui représente une surface importante pour chacun d’eux. La force extérieure appliquée sur cette portion d’un 105 ventricule au cours de la diastole est donc égale à la pression qui règne au sein du ventricule controlatéral. De plus, il existe des groupes de fibres qui connectent le septum aux parois libres des deux ventricules et ces parois entre elles. L’interaction ventriculaire est donc également liée à l’étirement et la déformation de ses fibres communes. [70] (2) Mise en évidence expérimentale L’existence de cette interaction ventriculaire a pu être mise en évidence expérimentalement chez le chien, en étudiant la relation pression–volume diastoliques d’un ventricule (gauche) pour un volume fixé de l’autre ventricule (droit). Quand le volume du ventricule droit augmente, la courbe pression–volume du ventricule gauche est décalée vers le haut et la gauche, ce qui caractérise une diminution de sa compliance (Figure 31). ventriculaire Volume droit : V0 V1 V0<V1<V2 Pression gauche V2 ventriculaire Volume ventriculaire gauche Figure 31 : Relation pression-volume du ventricule gauche en diastole pour différents niveaux de remplissage du ventricule droit chez le chien. D’après LeWinter [70] D’autre part, il apparaît que l’interaction entre les ventricules existant en systole a également des répercussions sur la fonction diastolique. En effet, si on augmente brutalement la postcharge ventriculaire droite, on observe, d’une part, une légère augmentation de la performance du ventricule gauche, manifestant l’interaction ventriculaire systolique, et d’autre part, une prolongation de la constante de relaxation, τ, qui exprime un ralentissement de la relaxation. [70] (3) Influence de l’interaction ventriculaire sur le remplissage dans des conditions pathologiques L’hypertrophie myocardique s’accompagne de modifications structurales importantes qui peuvent perturber l’interaction ventriculaire. Ainsi, des études menées sur des modèles expérimentaux de surcharge barométrique ou de volume ont montré une modification de l’interaction ventriculaire. Ces altérations de l’interaction ventriculaire diastolique pourraient contribuer à l’insuffisance cardiaque, comme par exemple dans le cas du syndrome de Bernheim, 106 caractérisé par une hypertrophie ventriculaire gauche associée à une insuffisance cardiaque droite, laquelle pourrait être en relation avec une dégradation du remplissage du ventricule droit due à l’hypertrophie du septum. On décrit par ailleurs des altérations des pressions de remplissage du ventricule gauche en relation avec une élévation de la postcharge ventriculaire droite lors d’affection pulmonaire. D’autre part, on a mis en évidence un décalage vers le bas de la courbe pression–volume ventriculaire gauche chez des patients auxquels on administrait de la nitroglycérine, alors que cet effet n’était pas observé avec un autre vasodilatateur, l’amylnitrate [119]. Ces substances diminuent toutes deux la pression artérielle systémique, mais seule la nitroglycérine agit sur le retour veineux et diminue donc le remplissage ventriculaire droit. La diminution du volume du cœur droit a donc participé à déplacer la courbe pression – volume du ventricule gauche, ce qui indique le rôle de l’interaction ventriculaire dans l’amélioration de la compliance du ventricule gauche. [70] (4) Modification de l’interaction ventriculaire par le péricarde Il est important de souligner que, même si nous les avons présentées séparément, l’influence de l’interaction ventriculaire et celle du péricarde sur la fonction diastolique sont en fait indissociables. En effet, le volume diastolique d’un ventricule, qui détermine dans quelle mesure ce ventricule va influencer la fonction diastolique du ventricule controlatéral, est également un composant du volume cardiaque total et participe donc à la déformation du péricarde. Réciproquement, le péricarde, qui enveloppe le cœur entier, renforce l’interaction ventriculaire. Ainsi, lorsque le péricarde exerce une contrainte externe sur le cœur, il renforce l’intensité de l’interaction ventriculaire. C’est par exemple ce phénomène qui est responsable du pouls paradoxal lors d’épanchement péricardique. Il s’agit d’une variation du pouls avec la respiration : en effet, pendant l’inspiration, la diminution des pressions intra- thoraciques facilitent le remplissage du ventricule droit. L’augmentation du volume ventriculaire droit comprime le ventricule gauche, ce qui diminue son volume d’éjection et entraîne une chute de l’amplitude du pouls artériel. Ce pouls paradoxal est inexistant dans les conditions normales : c’est bien l’action constrictive du péricarde qui en est responsable. [70] ii) Interactions indirectes Par analogie avec un circuit électrique, on peut considérer qu’au sein de l’appareil cardiovasculaire, les deux ventricules sont placés en série, dans la circulation systémique comme dans la circulation pulmonaire. Ainsi, des modifications du débit d’un des ventricules peuvent influencer le remplissage de l’autre. [70] En particulier, nous avons déjà évoqué le fait que les veines pulmonaires et l’atrium gauche à la fin de la systole ventriculaire se remplissent à partir du volume d’éjection systolique du ventricule droit. Ceci signifie qu’une partie du remplissage de l’atrium gauche dépend directement de la fonction systolique ventriculaire droite. Par conséquent, si celle-ci 107 est défaillante, le remplissage de l’atrium gauche sera potentiellement incomplet, ce qui pourra nuire au remplissage du ventricule gauche puisque d’une part, le gradient atrioventriculaire protodiastolique sera diminué et d’autre part, la contraction atriale sera moins puissante. Les ventricules peuvent également indirectement interagir entre eux à travers la circulation coronaire, qui influence la compliance ventriculaire. De nombreuses études ont en effet montré que la congestion coronaire peut augmenter significativement l’élastance des parois ventriculaires en diastole : l’augmentation du volume du compartiment vasculaire intramyocardique augmente l’épaisseur des parois et la turgescence vasculaire en augmente la rigidité. Ainsi, on a montré par exemple que lors d’insuffisance cardiaque droite, la congestion coronaire peut être responsable d’une diminution de la compliance des parois ventriculaires gauches, ce qui peut perturber le remplissage du ventricule gauche. [6] e) Le rôle de l’atrium L’atrium intervient activement dans le remplissage ventriculaire lors de la systole atriale, en permettant le remplissage télédiastolique. Cependant, comme nous l’avons vu, son rôle est peu important dans les conditions normales puisque la quasi-totalité du remplissage a lieu en début de diastole et la contraction atriale n’est normalement responsable que de 15 % du remplissage total. Néanmoins, lorsque le remplissage protodiastolique est moins efficace, la part du remplissage télédiastolique augmente. Ce phénomène est aisément visualisable sur le tracé Doppler du flux transmitral : l’amplitude de l’onde A augmente alors que celle de l’onde E diminue, si bien que le ratio E/A peut s’inverser (Figure 11). On peut observer une telle augmentation de la contribution atriale au remplissage lorsque les propriétés diastoliques actives du ventricule sont défaillantes (c'est-à-dire lors d’altération de la relaxation) ou lors de tachycardie [131] : la contraction atriale survient alors prématurément ; elle peut même être synchrone de l’ouverture des valves mitrales pour des fréquences cardiaques supérieures à 2OO battements par minute [11]. Le principal déterminant du remplissage télédiastolique étant la fonction systolique atriale [124, 132, 133], le remplissage en fin de diastole sera perturbé si cette dernière est défaillante. Dans des conditions normales, les conséquences pour la fonction diastolique ventriculaire seront peu marquées. En revanche, lors de tachycardie ou d’altération de la relaxation, des anomalies de la fonction systolique atriale peuvent contribuer au dysfonctionnement diastolique. La fonction systolique atriale peut être anormale d’abord lors de diminution de sa contractilité, comme c’est le cas lors de dilatation importante (rencontrée par exemple dans les régurgitations mitrales sévères) ou de fibrillation atriale : cette arryhtmie fréquente est décrite dans les myocardiopathies dilatées et les régurgitations mitrales sévères chez le chien ; elle peut également être idiopathique dans certaines races géantes. Chez le chat, elle peut accompagner les myocardiopathies restrictives. Il incoordonnée, anarchique, et donc inefficace du myocarde atrial. s’agit d’une contraction 108 Par ailleurs, d’après la loi de Starling, d’après laquelle l’efficacité de la contraction est directement en relation avec le volume de la cavité à l’initiation de la contraction, l’efficacité de la contraction atriale est corrélée avec la qualité de son remplissage. Ainsi, les obstacles au remplissage atrial peuvent contribuer à altérer la fonction systolique atriale. C’est le cas par exemple lorsque le péricarde exerce une constriction sur le cœur : les contraintes externes exercées par le péricarde sur l’atrium diminuent sa distensibilité, ce qui est à l’origine d’une altération du remplissage atrial. Celle-ci est en partie responsable de la diminution du remplissage télédiastolique secondaire à l’action constrictive péricardique lors d’augmentation du volume cardiaque. Les circonstances dans lesquelles la fonction diastolique ventriculaire est susceptible d’être perturbée sont donc nombreuses et variées, ce qui explique la complexité de la physiopathologie et de l’exploration des dysfonctionnements diastoliques. Ces anomalies peuvent toutes être à l’origine d’une altération du remplissage ventriculaire. Celle-ci peut- elle perturber le fonctionnement cardiaque global et être à l’origine d’une expression clinique d’insuffisance cardiaque ? 109 3) LES CONSEQUENCES DE L’ALTERATION DE LA FONCTION DIASTOLIQUE a) Installation d’une insuffisance cardiaque congestive Les modifications des déterminants de la fonction diastolique ventriculaire ne sont pas systématiquement à l’origine de manifestations cliniques. Par exemple, il est rare que des altérations de la relaxation seule soient suffisamment intenses pour être responsables d’une élévation de la pression ventriculaire télédiastolique [69] ; même si la relaxation est ralentie, elle est généralement complète en fin de diastole, et le ralentissement du remplissage associé à la prolongation de la relaxation est compensé par l’augmentation de la contribution systolique atriale, si bien que le remplissage ventriculaire est total à l’initiation d’une nouvelle contraction ventriculaire. Néanmoins, lorsque plusieurs facteurs interviennent en même temps pour perturber la fonction diastolique (par exemple une fibrillation atriale s’associant à un ralentissement de la relaxation et éventuellement une compliance myocardique diminuée), ou lors de tachycardie (induite par l’effort), le ventricule n’est alors plus capable de se remplir de façon adéquate [131]. Ceci résulte en une réduction du volume du ventricule, puisque celui-ci ne se distend pas correctement sous l’effet du remplissage, et une élévation de la pression ventriculaire télédiastoliques. Par conséquent, on assiste d’une part à une diminution du volume d’éjection systolique. En effet, d’après la loi de Starling, l’énergie générée par la contraction ventriculaire et le volume éjecté sont corrélés au volume télédiastolique. Ainsi, la diminution du volume ventriculaire télédiastolique due à l’altération du remplissage cause potentiellement, sans dysfonctionnement systolique direct, une diminution du débit cardiaque et ceci peut s’accompagner d’une expression clinique. D’autre part, l’élévation des pressions de remplissage conduit à une dilatation atriale et une augmentation de la pression veineuse en amont, d’où l’apparition de signes de congestion. Si c’est le ventricule gauche qui est concerné, la congestion veineuse en amont conduira à l’apparition d’œdème pulmonaire. Si c’est la fonction diastolique droite qui est altérée, la congestion intéressera le territoire veineux systémique, ce qui se traduira plutôt 110 par une éventuelle turgescence jugulaire, des épanchements dans les grandes cavités, de l’ascite notamment, et des oedèmes déclives. [14] Le dysfonctionnement diastolique est donc susceptible d’induire des signes cliniques d’insuffisance cardiaque congestive, isolément ou en association avec une altération de la fonction systolique. b) Notion d’insuffisance cardiaque diastolique La reconnaissance de l’existence de signes d’insuffisance cardiaque associés à un dysfonctionnement seul de la fonction diastolique a conduit à définir une entité clinique à part entière en cardiologie humaine : l’insuffisance cardiaque diastolique. Il s’agit d’un syndrome clinique caractérisé par des symptômes et des signes d’insuffisance cardiaque congestive (dyspnée, orthopnée, distension jugulaire, oedèmes, signes radiographiques de cardiomégalie et d’œdème pulmonaire,…) associés à une fraction d’éjection conservée (supérieure à 50 %) indiquant que la fonction systolique est normale, dans les 72 heures suivant l’installation de l’insuffisance cardiaque, et une fonction diastolique anormale. [50] Le diagnostic définitif d’insuffisance cardiaque diastolique, puisqu’il nécessite des indices objectifs de dysfonctionnement diastolique, est délicat à établir, compte tenu des difficultés d’exploration de la fonction diastolique ventriculaire. On a donc proposé des critères de définition d’insuffisance cardiaque diastolique probable, qui associent des signes cliniques d’insuffisance cardiaque congestive et la mise en évidence d’une fonction systolique conservée, sans exiger d’informations définitives concernant la fonction diastolique. Enfin, on parle d’insuffisance cardiaque diastolique possible quand, de plus, on ne dispose pas de mesure de la fraction d’éjection dans les 72 heures suivant l’accident cardiaque. [50] Cependant, il est intéressant de noter qu’une étude réalisée chez des patients qui remplissaient les critères d’insuffisance cardiaque diastolique probable (symptômes et signes d’insuffisance cardiaque congestive et fraction d’éjection supérieure à 50 %) a montré que 100 % de ces patients présentaient au moins une anomalie parmi les mesures de pressions diastoliques ou les mesures Doppler. Si bien qu’on peut raisonnablement considérer que l’exploration objective de la fonction diastolique permet une confirmation plutôt qu’un diagnostic d’insuffisance cardiaque diastolique et que ce dernier peut être établi sans mesures de la fonction diastolique lorsque les critères cliniques d’insuffisance cardiaque sont associés à une fraction d’éjection du ventricule gauche supérieure à 50 %. [154] D’autre part, il semble que la majorité des patients souffrant de ce qu’on appelle communément « insuffisance cardiaque systolique » présentent généralement des modifications de la portion diastolique de la courbe pression–volume ventriculaire, ce qui montre qu’ils ont également des altérations de la fonction diastolique. [50, 154] 111 Il apparaît donc que des anomalies de la fonction diastolique peuvent être mises en évidence chez presque tous les patients souffrant d’insuffisance cardiaque et qu’elles contribuent de façon non négligeable à l’installation des signes cliniques observés, d’où leur importance pour le praticien. Nous avons détaillé dans cette partie les différents mécanismes physiopathologiques susceptibles de contribuer à la mise en place d’un dysfonctionnement diastolique. Nous retiendrons notamment que les modifications structurales ou fonctionnelles des propriétés intrinsèques du myocarde peuvent être à l’origine d’une altération de la relaxation et/ou de la compliance ventriculaires. Par ailleurs, d’autres éléments interviennent dans la qualité du remplissage des ventricules, en particulier le fonctionnement des valves cardiaques ou la fonction péricardique. Les facteurs participant à la genèse d’un dysfonctionnement diastolique chez un individu sont donc souvent multiples et interdépendants, ce qui rend très complexe la compréhension des mécanismes mis en jeu. Nous allons maintenant nous intéresser aux principales cardiopathies rencontrées chez le chien et le chat, dans lesquelles la fonction diastolique est altérée. 112 Troisième partie Les affections du chien et du chat dans lesquelles la fonction diastolique est altérée 113 Nous allons nous intéresser, dans cette dernière partie, aux principales cardiopathies rencontrées chez le chien et le chat dans lesquelles la fonction diastolique est affectée. Nous envisagerons les affections myocardiques, valvulaires, puis péricardiques : nous en exposerons les principales caractéristiques épidémiologiques et cliniques, puis nous aborderons leur gestion thérapeutique en développant plus particulièrement la gestion des dysfonctionnements diastoliques rencontrés. 114 1) LES AFFECTIONS MYOCARDIQUES a) Les hypertrophies myocardiques Lors d’hypertrophie myocardique, de nombreuses composantes de la diastole sont perturbées et plusieurs facteurs agissent conjointement pour altérer le remplissage ventriculaire, ce qui fait de l’hypertrophie ventriculaire une des principales causes de dysfonctionnement diastolique [49, 131]. La relaxation et la compliance myocardique sont en effet affectées respectivement à travers d’une part, des perturbations du métabolisme calcique du cardiomyocyte et une susceptibilité à l’ischémie accrue, et d’autre part un épaississement des parois et des phénomènes de fibrose. On s’intéressera dans cette partie aux hypertrophies myocardiques ne s’accompagnant pas de dilatation de la cavité ventriculaire (ce cas de figure sera abordé par la suite). i) Myocardiopathie hypertrophique (1) Définition La myocardiopathie hypertrophique (MCH) est une affection myocardique primitive caractérisée par un ventricule gauche hypertrophié et non dilaté. Cette hypertrophie survient en l’absence d’affections cardiaques ou extracardiaques (sténose sous-aortique, hypertension artérielle, hyperthyroïdie) pouvant expliquer l’apparition d’une hypertrophie myocardique. [9, 36] (2) Données épidémiologiques Cette affection est la myocardiopathie la plus commune chez le chat. On rapporte une prévalence allant de 1 (d’après une étude rétrospective menée en milieu hospitalier par échographie) à 5 % si l’on considère les découvertes d’autopsie. L’âge d’apparition est variable (avec des valeurs s’étalant de 3 mois à 17 ans) mais la moyenne se situe plutôt chez des chats d’âge moyen (5-7 ans). [36] Les chats domestiques à poil court semblent plus fréquemment concernés. Un caractère héréditaire est suspecté dans les races Maine Coon (l’affection apparaît alors plus précocement dans la vie de l’animal [1]), American Short-Hair et Persan. On rapporte par ailleurs une nette prédisposition de sexe puisque les mâles représentent jusqu’à 85 % des individus atteints. [36] 115 (3) Etiologie Chez l’homme, la MCH est une affection héréditaire présentant un mode de transmission autosomal dominant, causée par des mutations des gènes codant pour des protéines du sarcomère (notamment la chaîne β de la myosine, la troponine T et la tropomyosine α) [103]. Chez le chat, il est indéniable qu’une certaine proportion des MCH est familiale puisqu’on a pu mettre en évidence une héritabilité de type Mendélienne dans plusieurs pedigrees : une transmission de type autosomale dominante serait notamment observée dans les races Maine Coon, American Short-Hair et Persan [36, 103]. On n’a cependant pas encore pu identifier la ou les mutations en cause dans la genèse de l’affection [9]. Il est par ailleurs probable que d’autres facteurs interviennent dans l’apparition de MCH chez le chat : certaines modifications structurelles (anomalies de l’anneau mitral, de la vascularisation coronaire et de la matrice collagénique) ne sont pas expliquées par l’origine génétique de l’affection [1]. L’augmentation du taux de GH (Growth Hormon) lors d’acromégalie a parfois été mise en cause [1]. Par ailleurs, connaissant l’association entre carence en taurine et myocardiopathie dilatée dans l’espèce féline, on peut suspecter l’existence de troubles nutritionnels comparables à l’origine de myocardiopathie hypertrophique chez le chat [9]. De plus, il est probable que l’expression phénotypique de la mutation soit influencée par l’environnement [103] ou nécessite la présence d’un gène facilitateur [1]. (4) Aspects lésionnels (a) Données anatomopathologiques La MCH est caractérisée par une hypertrophie concentrique, sans dilatation, du ventricule gauche et du septum interventriculaire, avec une augmentation du ratio poids du cœur/poids du corps. L’hypertrophie est parfois asymétrique, intéressant soit le septum, soit la paroi libre du ventricule, en partie ou dans leur totalité. Les muscles papillaires sont également hypertrophiés. Le ventricule droit est souvent soumis à une hypertrophie modérée. Les deux atria sont généralement dilatés. Des lésions d’infarctus myocardique sont fréquemment visibles, en particulier au sein de la paroi libre ou à l’apex du ventricule gauche. La paroi libre du ventricule droit est occasionnellement concernée. Enfin, des lésions non spécifiques associées à l’insuffisance cardiaque congestive sont observées (congestion ou œdème pulmonaire, hépatomégalie, épanchement pleural, péricardique ou abdominal). On rencontre communément des lésions de thrombo-embolie. [36, 103] 116 (b) Données histopathologiques D’un point de vue histologique, la lésion typique de la MCH est une désorganisation des myofibrilles myocardiques, caractérisée par une désorientation cellulaire. Un remodelage des vaisseaux coronaires intramyocardiques y est associé, avec notamment la présence d’artériosclérose. La lumière des artères coronaires est souvent réduite. Des lésions de nécrose des cardiomyocytes sont également présentes, ainsi qu’une fibrose des tissus de conduction. [36, 103] (5) Physiopathologie (a) Ralentissement de la relaxation et diminution de la distensibilité du myocarde Les mécanismes à l’origine de l’installation d’une insuffisance cardiaque congestive lors de MCH sont principalement associés à une altération de la fonction diastolique, du fait d’une part d’un ralentissement de la relaxation (dû à des perturbations du métabolisme du calcium et des anomalies des protéines du sarcomère [1, 73]) et d’autre part d’une augmentation de l’élastance du ventricule gauche (liée à l’épaississement pariétal, et aux anomalies de la matrice collagénique) [36]. Par ailleurs, l’hypertrophie pariétale sans dilatation ventriculaire conduit à une réduction de la dimension interne de la cavité ventriculaire, ce qui participe à l’altération du remplissage [103]. (b) Ischémie myocardique Comme chez l’homme, l’hypertrophie myocardique lors de MCH chez le chat s’accompagne d’un remodelage coronaire responsable d’une diminution du diamètre de la lumière vasculaire. De plus, l’augmentation des pressions de remplissage et de la rigidité des parois myocardiques conduit à une augmentation de la tension au sein de la paroi, ce qui contribue également à l’installation d’une ischémie [36]. Celle-ci est un facteur supplémentaire de perturbation de la relaxation, phénomène actif qui nécessite la consommation d’énergie métabolisable [73]. (c) Troubles du rythme ventriculaires et supraventriculaires Plusieurs types d’arythmies sont rencontrés lors de MCH chez le chat : on rapporte l’existence d’extrasystoles supraventriculaires, de d’extrasystoles ou tachycardie ventriculaires, d’hémi-bloc de branche antérieur gauche ou rarement de fibrillation atriale [103]. La fibrose du myocarde, notamment des tissus de conduction, pourrait contribuer à la genèse de ces arythmies en favorisant l’apparition de courants de réentrée au sein d’un tissu myocardique ischémique [36]. La tachycardie résultant de ces troubles représente un facteur d’altération supplémentaire pour la fonction diastolique puisque d’une part, elle raccourcit la durée de la diastole, ce qui compromet le remplissage d’un ventricule dont la relaxation est altérée, et d’autre part, elle augmente la demande en oxygène du myocarde et participe ainsi aux phénomènes d’ischémie/hypoxie [36]. Ainsi, l’apparition de tachycardie chez un individu 117 présentant une MCH compensée peut être un stimulus suffisant pour induire une décompensation et l’installation d’une insuffisance cardiaque congestive [103]. Par ailleurs, la fibrillation atriale qui peut s’installer suite à la dilatation atriale gauche contribue à perturber le remplissage d’un ventricule dont les propriétés diastoliques sont défaillantes [1]. L’apparition d’une fibrillation atriale reste néanmoins très rare. (d) Obstruction dynamique de la chambre de chasse du ventricule gauche On décrit une entité particulière de MCH chez le chat : la myocardiopathie hypertrophique obstructive, caractérisées par plusieurs anomalies [36] : - la chambre de chasse ventriculaire est rétrécie ; - un gradient de pression est produit au sein de la chambre de chasse. - on observe un mouvement systolique antérieur du feuillet septal de la valve mitrale ; Cette obstruction dynamique de la chambre de chasse ventriculaire gauche serait observée chez 42 % des chats souffrant de MCH [36]. La chambre de chasse du ventricule gauche est formée crânialement par le septum interventriculaire hypertrophié et caudalement par le feuillet septal de la valve mitrale. Lors d’obstruction dynamique, on assiste à une apposition de ce dernier et du septum durant la systole. Le mouvement systolique antérieur d’un feuillet mitral peut être responsable d’une régurgitation mitrale dynamique qui participe à l’insuffisance cardiaque congestive. Par ailleurs, du fait de l’obstruction de la chambre de chasse, le ventricule gauche doit générer des pressions plus élevées pour éjecter le sang dans l’aorte, ce qui aggrave à terme l’hypertrophie pariétale [103]. Par conséquent, si cette anomalie représente surtout un dysfonctionnement systolique, sa présence est également délétère pour la fonction diastolique ventriculaire. Des obstructions dynamiques avec un gradient de pression dans la chambre de chasse sont également décrites dans le ventricule droit, mais elles ne semblent pas présenter de conséquences graves. Leur origine est indéterminée. [36] (e) Thrombo-embolie aortique La thrombo-embolie aortique (TEA) est une complication fréquente de MCH puisqu’elle se produit chez 20 à 40 % des chats affectés. Lors de MCH, la stase sanguine au sein de l’atrium gauche dilaté est un facteur favorisant le développement de thrombus, notamment dans l’auricule. De plus, les tensions s’exerçant sur les parois atriales sont susceptibles d’occasionner des lésions de l’endothélium. Enfin, l’espèce féline semble prédisposée à l’hypercoagulabilité, du fait de caractéristiques particulières de ses plaquettes. La MCH chez le chat rassemble donc toutes les conditions nécessaires à la formation de thrombi (triade de Virchow) : les perturbations du flux sanguin, les lésions vasculaires et l’hypercoagulabilité. Ces thrombi s’arrêtent préférentiellement au sein de la quadrifurcation aortique (90 %), mais d’autres localisations sont également possibles (membre thoracique, tractus 118 digestif, reins, système nerveux central). En cas d’atteinte significative du cœur droit, on peut observer des cas de thrombo-embolie pulmonaire. [103] (f) Défaillance myocardique terminale Du fait de phénomènes de souffrance myocardique et de fibrose massive, la MCH évolue parfois jusqu’au stade de dilatation ventriculaire avec dysfonctionnement systolique, qui est souvent associée à une insuffisance cardiaque réfractaire et de pronostic sombre. [36] (6) Manifestations cliniques Dans beaucoup de cas, les chats atteints de MCH restent asymptomatiques, jusqu’au développement d’une insuffisance cardiaque congestive d’évolution suraiguë ou de thrombo-embolie qui se traduisent par une dégradation brutale de l’état général de l’animal. (a) Signes précurseurs chez l’animal asymptomatique Chez le chat asymptomatique, seul un examen clinique attentif permet de suspecter l’existence d’une cardiopathie, même si l’anamnèse peut révéler des signes non spécifiques, tels que de l’anorexie ou de l’apathie. Le choc précordial est normal à augmenté. A l’auscultation, un souffle systolique discret (au maximum de grade III sur VI) est audible, avec un punctum optimum souvent localisé en regard des aires de projection des valves mitrale et/ou tricuspide. Le souffle peut toutefois être sternal basal gauche ou droit. Un bruit de galop peut être présent en diastole (il s’agit le plus souvent de B4). Par ailleurs, on peut observer des signes de thrombo-embolie : parésie brutale d’un ou des deux membres pelviens avec diminution, voire absence, du pouls fémoral (les membres thoraciques sont plus rarement concernés : le membre thoracique droit est parfois affecté, mais l’atteinte du membre thoracique gauche est plus exceptionnelle), cyanose cutanée des postérieurs associée à une boiterie inexpliquée ou à un abdomen aigu. L’observation de tels signes doit conduire le praticien à rechercher une éventuelle cardiopathie. [1, 36] (b) Manifestations de l’insuffisance cardiaque aiguë L’épisode d’insuffisance cardiaque suraiguë qui s’installe lors de décompensation brutale peut être précédé d’anorexie et de vomissements. Ces signes apparaissent un à deux jours avant les symptômes respiratoires. Ces derniers, dus à de l’œdème pulmonaire et/ou de l’épanchement pleural, consistent quasi-exclusivement en de la dyspnée et une détresse respiratoire (celle-ci s’exprime par une respiration bouche ouverte). Lors d’insuffisance cardiaque, la toux est en effet un symptôme plus rare chez le chat que chez le chien. Des épisodes de syncope sont rencontrés occasionnellement : ils sont alors dus à l’hypotension secondaire à la tachyarythmie ou à l’obstruction dynamique de la chambre de chasse du ventricule gauche. 119 L’auscultation thoracique met en évidence des crépitations en cas d’œdème pulmonaire ; les bruits cardiaques et pulmonaires seront en revanche assourdis en présence d’épanchement pleural et/ou péricardique. Des arythmies peuvent être audibles. Un pouls jugulaire rétrograde peut être visualisé en cas d’insuffisance cardiaque congestive droite. De l’ascite peut être rencontrée, mais plutôt lorsque l’insuffisance cardiaque évolue de façon chronique ; l’ascite est alors souvent associée à de la cachexie. [1, 36] (7) Diagnostic (a) Diagnostic différentiel Le diagnostic de myocardiopathie hypertrophique nécessite d’exclure les causes d’hypertrophie myocardique secondaire. Les deux principales affections à explorer sont l’hyperthyroïdie (à rechercher chez les animaux de plus de 6 ans) et l’hypertension artérielle, qui est elle-même souvent secondaire à une insuffisance rénale chronique ou à une hyperthyroïdie. La sténose aortique ou sous-aortique est plus rare, mais peut être évoquée chez des animaux jeunes. Par ailleurs, les autres causes d’épanchement sont à rechercher, de même que celles de parésie brutale des postérieurs. (b) Examens complémentaires (i) Biologie clinique Son intérêt principal réside dans le diagnostic différentiel de la MCH : dosage des hormones thyroïdiennes circulantes, de l’urée et de la créatinine plasmatiques, recherche de protéinurie... Une analyse des liquides d’épanchement sera systématiquement réalisée : lors d’épanchement d’origine cardiaque, elle mettra en évidence un transsudat modifié ou un chylothorax. [36] (ii) Mesure de la pression artérielle Les aspects techniques de la mesure de la pression artérielle et son interprétation seront abordés plus bas. Ici encore, il s’agit de réaliser le diagnostic différentiel de la MCH. Les (iii) Electrocardiogramme anomalies électrocardiographiques inconstantes et non spécifiques. lors de MCH féline sont variables, Une tachycardie sinusale est fréquemment décrite, bien qu’il soit possible de rencontrer une bradycardie sinusale chez des individus en état de choc [103]. La présence d’une onde P de durée supérieure à 40 ms et d’amplitude supérieure à 0,3 mV permet de confirmer l’existence d’une dilatation de l’atrium gauche [1]. L’augmentation de la taille du ventricule gauche peut être mise en évidence lorsque l’onde R est d’amplitude supérieure à 0,9 mV et d’une durée supérieure à 40 ms [1]. 120 Une déviation de l’axe cardiaque vers la gauche compatible avec un hémi-bloc du faisceau antérieur gauche semble être une modification relativement fréquente de l’ECG lors de MCH (de 10 à 30 % des individus selon les études), alors qu’elle est plus rare lors d’hyperthyroïdie et d’autres affections myocardiques [36]. De nombreuses visualisées [36, 103]. arythmies ventriculaires et supraventriculaires peuvent être (iv)Imagerie 1. Examen radiographique du thorax Les clichés du thorax sont souvent normaux chez les animaux asymptomatiques [1]. L’image typique du cœur de Saint-Valentin sur la vue de face, qui met en évidence une augmentation de la taille des deux atria, n’est observée que très tardivement dans l’évolution de l’affection [1]. Ceci s’accompagne généralement d’une opacification pulmonaire de type vasculaire, avec une augmentation de la taille des veines pulmonaires et parfois des artères [103]. La présentation radiographique de l’œdème pulmonaire chez le chat est variable : on observe dans un premier temps une opacification de type interstitielle qui peut être localisée en région péri-hilaire, mais qui se développe plus souvent ventralement ou de façon multifocale au sein du parenchyme pulmonaire (on parle alors d’œdème miliaire). Lorsque l’œdème s’aggrave, on observe plutôt une opacification de type alvéolaire. De l’épanchement pleural est fréquemment visualisé, généralement associé à une insuffisance cardiaque droite ou globale. La veine cave caudale peut alors être élargie. Cependant, chez le chat, l’épanchement d’insuffisance cardiaque gauche. [1, 103] pleural représente également un signe 2. Echocardiographie a. Examen échocardiographique bidimensionnel et TM L’examen échographique bidimensionnel lors de MCH permet de mettre en évidence un épaississement caractéristique de la paroi postérieure du ventricule gauche et/ou du septum interventriculaire. Il est objectivé en mode TM sur la coupe transventriculaire (Figure 32) par une valeur diastolique supérieure à 6 mm [9, 21, 103]. De plus, l’épaisseur de ces parois en systole excède généralement 9 mm [103]. Moins fréquemment, l’hypertrophie ventriculaire se présente sous la forme d’épaississements localisés à la base ou à l’apex du septum, ou au milieu de la paroi postérieure du ventricule gauche [21, 36]. La mesure de l’épaisseur de la paroi devra dans ce cas être réalisée en mode bidimensionnel. La première modification généralement visualisable à l’échographie lors de MCH est une hypertrophie des muscles papillaires [103]. 121 Figure 32 : Mode TM en coupe transventriculaire d’un chat atteint de MCH. On observe une hypertrophie symétrique sévère des parois ventriculaires gauches. RV : ventricule droit ; VS : septum interventriculaire ; LV : ventricule gauche ; LVW : paroi libre du ventricule gauche. D’après Boon [15]. Les myocardiopathies obstructives s’accompagnent souvent d’un mouvement anormal antérieur de la valve mitrale durant la systole [21], qui peut être observé en mode 2D, en mode TM [103], ou en mode couleur. Lorsque l‘obstruction est due à une hypertrophie du septum, elle est plus facilement identifiable sur la coupe grand axe 5 cavités obtenue par voie parasternale droite [103] : on visualise la protrusion du tissu septal épaissi dans la chambre de chasse. - D’autres modifications échographiques peuvent être rencontrées lors de MCH [21] : dans les stades avancés, une dilatation significative de l’atrium gauche peut être observée. Elle se traduit par une élévation progressive du ratio atrium gauche / aorte, normalement d’environ 1,2 cm pour 1,0 cm (le ratio AG/Ao se mesure en mode TM). - Quand ce ratio devient supérieur à 2/1, le risque de thrombo-embolie devient très important [103] l’atrium droit peut également être dilaté la taille de la cavité ventriculaire gauche est réduite ; la fraction de raccourcissement est normale ou augmentée, mais elle peut diminuer en fin d’évolution ; un épaississement des parois ventriculaires droites est décrit dans 32 à 50 % des cas. L’examen échocardiographique permet également de mettre en évidence d’éventuelles complications telles que la formation de thrombus au sein de l’atrium gauche (en particulier dans l’auricule) ou des épanchements pleuraux ou péricardiques. 122 b. Examen Doppler L’enregistrement Doppler permet souvent de mettre en évidence une insuffisance mitrale fonctionnelle : l’utilisation du Doppler couleur chez les individus présentant un mouvement systolique antérieur de la valve mitrale montre généralement un jet de régurgitation mitrale en direction de la paroi postéro-latérale de l’atrium gauche [36, 103]. La régurgitation tricuspide est plus rare [36]. Par ailleurs, lors d’obstruction dynamique de la chambre de chasse, la vitesse maximale du flux systolique dans la chambre de chasse est augmentée et l’enveloppe Doppler présente un aspect caractéristique, en lame de sabre, qui traduit l’accélération du flux en milieu de systole [36]. L’augmentation de la vitesse du flux sanguin met en évidence la présence d’un important gradient de pression de part et d’autre de l’obstruction de la chambre de chasse [103]. Puisque la physiopathologie de la MCH repose avant tout sur une altération de la fonction diastolique, l’utilisation des techniques Doppler conventionnelles et plus récentes pour l’exploration non-invasive de la fonction diastolique, que nous avons étudiées dans la première partie de ce travail, présente un intérêt tout particulier dans cette affection. L’exploration de la fonction diastolique lors de MCH chez le chat consiste d’abord à étudier l’enregistrement Doppler du flux transmitral [74]: la plupart des individus souffrant de MCH présentent un spectre anormal avec un temps de relaxation isovolumique prolongé, une diminution de l’amplitude de l’onde E et un ralentissement de sa décélération, une onde A d’amplitude augmentée et donc un ratio E/A diminué (Figure 33). Ceci est caractéristique d’une prolongation de la relaxation associée à une augmentation de la contribution atriale au remplissage. Par ailleurs, certains chats ont un enregistrement Doppler d’aspect normal, ce qui peut être dû à la mise en place d’un traitement qui permet une amélioration de la relaxation. Il est également probable qu’on observe en fait chez une partie de ces individus un spectre de pseudonormalisation, du fait d’une diminution de la compliance ventriculaire qui entraîne une élévation des pressions de remplissage. Enfin, certains individus présentent un tracé Doppler de type restrictif (correspondant à une onde E haute et fine et une onde A émoussée), qui traduit une augmentation très importante de l’élastance et des pressions de remplissage du ventricule. La symptomatologie est souvent marquée chez ces animaux. Pour différencier un tracé normal d’un tracé de pseudonormalisation, on peut avoir recours à différentes techniques Doppler, plus ou moins sophistiquées : l’étude Doppler pulsé du flux veineux pulmonaire, le mode M-couleur avec détermination de la vitesse de propagation du flux Vp, ou encore le mode Doppler tissulaire [74, 112]. Le mode TDI montre par exemple une diminution de la vitesse maximale, des taux d’accélération et de décélération du déplacement diastolique de la paroi libre du ventricule gauche (ou de l’anneau mitral) chez les chats souffrant de MCH par rapport aux individus normaux [43]. Le mode TDI représente une technique particulièrement intéressante chez le chat, et pas uniquement pour mettre en évidence une pseudonormalisation du flux transmitral. En effet, l’interprétation du tracé Doppler du flux mitral n’est pas toujours facile chez le chat, notamment en raison des fréquences cardiaques souvent importantes qui conduisent à une fusion des ondes de remplissage proto- et télédiastolique. L’excellente résolution temporelle du mode TDI (5 ms) en fait donc un outil de choix pour l’exploration des myocardiopathies félines [43]. 123 Figure 33 : Enregistrement Doppler du flux transmitral chez un chat atteint de MCH. On observe une diminution marquée de l’amplitude de l’onde E, un ralentissement de sa décélération, ainsi qu’une inversion du ratio E/A. Ces anomalies sont évocatrices d’une altération marquée de la relaxation ventriculaire. D’après Boon [15]. (8) Pronostic Le pronostic varie en fonction du mode de présentation de la MCH. Toutes populations confondues, la médiane de survie est de deux ans environ. Selon les études, elle varie de 2 à 6 mois pour les chats présentant une TAE, de 3 à 18 mois lors d’insuffisance cardiaque congestive et de 3 à plus de 5 ans chez les animaux asymptomatiques. [9] D’autres éléments plus spécifiques ont été identifiés comme des facteurs assombrissant le pronostic. L’âge, les signes cliniques, la taille de l’atrium gauche, le mouvement systolique antérieur de la valve mitrale, la fréquence cardiaque, l’obstruction de la chambre de chasse, l’épaisseur de la paroi ventriculaire, ont été proposés comme indicateurs pronostiques, mais leur signification diffère selon les études. Chez l’homme, l’obstruction dynamique de la chambre de chasse semble être un facteur de risque important lors de MCH ; chez le chat cependant, cette donnée reste à déterminer. [9] (9) Traitement Le traitement de la MCH chez le chat présente plusieurs aspects. D’une part, puisque la physiopathologie de cette affection repose avant tout sur des dysfonctionnements diastoliques, on utilisera des agents susceptibles d’améliorer la relaxation et d’augmenter la compliance ventriculaires. D’autre part, lorsque l’insuffisance cardiaque s’installe, il est nécessaire de mettre en place un traitement symptomatique pour lutter contre les signes de congestion et d’œdème. Enfin, la gestion des complications de la MCH, c’est-à-dire de la 124 TEA, représente un troisième axe thérapeutique à mettre en place dans cette affection, qui ne sera pas développé dans ce travail. (a) Amélioration de la fonction diastolique (i) Les inhibiteurs des canaux calciques 1. Mécanisme d’action théorique Comme nous l’avons vu dans la deuxième partie de ce travail, les inhibiteurs des canaux calciques agissent sur la fonction diastolique par plusieurs mécanismes : - - en diminuant la biodisponibilité du calcium, ils agissent directement sur la relaxation ; ils provoquent une vasodilatation coronaire qui améliore la perfusion du myocarde, et donc la relaxation, et qui augmente la compliance du myocarde ; ils ont également un effet chronotrope négatif, ce qui permet de lutter contre la tachycardie et d’améliorer le remplissage ventriculaire. 2. Molécules disponibles Les inhibiteurs des canaux calciques utilisables chez le chat sont au nombre de deux : le diltiazem et le vérapamil. Le diltiazem est la molécule la plus communément utilisée. Il présente des effets chronotrope négatif marqué et inotrope négatif modéré ; ses effets vasculaires sont limités [73]. Il ne permet cependant peu ou pas de réduire le gradient de pression dans la chambre de chasse ventriculaire en cas d’obstruction dynamique [73]. Il est recommandé d’utiliser les formes à libération prolongée qui permettent une administration à 10 mg/kg une fois par jour [1, 103], mais aucune spécialité vétérinaire n’est actuellement disponible en France. (ii) Les béta-bloquants 1. Mécanisme d’action Les béta-bloquants présentent des effets chronotrope et inotrope négatifs qui permettent de lutter contre la tachycardie et réduisent la demande en oxygène du myocarde, ce qui limite l’hypoxie. De plus, ils réduisent le gradient de pression dans la chambre de chasse. Ils présentent également un intérêt dans la lutte contre les arythmies ventriculaires et supraventriculaires [73, 103]. 2. Agents utilisables Le propranolol est un inhibiteur non sélectif. Sa demi-vie chez le chat est courte, ce qui oblige à une administration au moins trois fois par jour et limite donc son utilisation dans l’espèce féline. [103] L’aténolol est un inhibiteur spécifique des récepteurs β1, qui est intéressant pour le traitement des MCH félines, dans la mesure où il peut être administré en 1 à 2 prises quotidienne (certains recommandent une administration biquotidienne car l’effet 125 chronotrope négatif semble durer 12 heures). On recommande généralement une dose initiale de 6,25 mg par animal toutes les 24 heures, puis la dose est adaptée jusqu’à obtention d’une réponse thérapeutique satisfaisante (on peut aller jusqu’à 12,5 mg par animal toutes les 12 heures). [103] 3. Association entre diltiazem et aténolol L’association d’un béta-bloquant et d’un inhibiteur des canaux calciques peut sembler intéressante mais doit cependant être utilisée avec prudence. En effet, ils ralentissent tous deux la fréquence de décharge au sein du nœud sinusal et la conduction au niveau du nœud atrio-ventriculaire, et peuvent donc être à l’origine d’une bradycardie sinusale et de blocs atrio-ventriculaires. Par ailleurs, la combinaison de leurs effets inotropes négatifs (bien que celui du diltiazem soit négligeable) peut précipiter la décompensation en réduisant le débit cardiaque et induire une hypotension. [103] Il semble donc plus raisonnable de choisir entre le diltiazem et l’aténolol dans la gestion des dysfonctionnements diastoliques lors de MCH chez le chat (notamment en fonction de la présence ou l’absence d’une obstruction de la chambre de chasse) [ 73, 103]. (iii) Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine Chez l’homme et dans de nombreux modèles animaux, l’intérêt des IECA dans le traitement des dysfonctionnements diastoliques a été largement mis en évidence puisqu’il a été démontré qu’ils agissaient favorablement sur la fibrose et l’hypertrophie myocardiques [57]. L’action bénéfique directe des IECA sur le remodelage myocardique reste à prouver lors de MCH chez le chat [103]. Malgré l’intérêt théorique de ces molécules (inhibiteurs des canaux calciques, béta- bloquants et IECA) dans le traitement spécifique de l’insuffisance cardiaque diastolique, il est important de noter que leur utilisation lors de myocardiopathie hypertrophique féline est aujourd’hui très controversée, dans la mesure où l’on ne dispose pas de données expérimentales prouvant leur efficacité pratique. Ainsi, une étude menée par le Multicenter Feline Chronic Heart Failure Study Group sur 118 chats ayant présenté un épisode d’insuffisance cardiaque diastolique, dont 57 atteint de MCH, n’a pas permis de mettre en évidence un bénéfice à associer au furosémide l’aténolol, le diltiazem ou l’énalapril, par rapport au furosémide seul [38]. Ces résultats sont bien sûr à considérer avec prudence dans la mesure où le nombre d’individus dans chaque groupe est réduit, et qu’il ne s’agit que de résultats intermédiaires [9], mais ils soulignent le fait que ces molécules doivent être utilisées avec précaution, puisque leur intérêt réel n’est pas démontré et qu’elles ne sont pas dépourvues d’effets secondaires. (b) Lutte contre les signes d’insuffisance cardiaque congestive (i) Aspects généraux Lors d’épanchement pleural important, une thoracocentèse doit être pratiquée. 126 La mise en place d’un régime à teneur réduite en sodium peut être conseillée lorsque les signes d’insuffisance cardiaque apparaissent ; chez les animaux asymptomatiques, on peut recommander d’éviter les aliments trop riches en sodium [103]. Il est important d’éviter tout stress à l’animal : lors des épisodes aigus notamment, les manipulations doivent être limitées et le placement du chat en cage à oxygène permet de lutter contre l’hypoxie sans générer un stress supplémentaire pour l’animal. La sédation peut être envisagée afin de réduire l’anxiété, ainsi que la douleur lors de thrombo-embolie [1]. (ii) Les diurétiques Les diurétiques permettent de lutter contre la congestion. Le furosémide est le plus communément utilisé. Lors d’épisode aigu avec détresse respiratoire, on l’administre par voie intraveineuse à la dose de 1 à 2 mg/kg [1, 36] (jusqu’à 4 mg/kg selon certains auteurs [103]), répétée toutes les heures jusqu’à amélioration de la courbe respiratoire. Dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique, la dose doit être bien moindre afin d’éviter l’hypovolémie, la déshydratation, l’azotémie et la déplétion potassique : on administre initialement 6,25 mg par animal une à deux fois par jour puis on recherche la dose minimale efficace pour contrôler les signes de congestion [36, 103]. En cas d’épanchement pleural cependant, la dose requise peut être plus élevée. Quand le furosémide est associé à un IECA, il doit être utilisé à une dose plus faible [103]. (iii) Les vasodilatateurs 1. Les vasodilatateurs nitrés La trinitrine est un vasodilatateur mixte : son action vasodilatatrice veineuse permet de lutter contre la congestion et son action sur les artères coronaires améliore la perfusion myocardique. Elle est utilisée lors d’œdème pulmonaire aigu. Elle est intéressante car elle peut s’administrer par voie percutanée, les manipulations de l’animal sont donc limitées [1]. En France, la seule présentation galénique désormais disponible est le spray. 2. Les IECA Parallèlement à leur action potentielle sur la fibrose myocardique, les IECA sont des molécules de choix lors d’insuffisance cardiaque congestive puisqu’ils ont à la fois une action vasodilatatrice mixte par leur effet anti-angiotensine II et une action diurétique par leur effet anti-aldostérone. L’énalapril [103] et le bénazépril [9] peuvent être utilisés à la dose de 0,5 mg/kg/j en une prise [1]. Une hypotension peut apparaître, notamment quand les IECA sont utilisés en même temps que le vérapamil ou l’aténolol. Un autre effet secondaire reconnu des IECA est l’azotémie qui peut survenir chez des animaux déshydratés, d’où la nécessité de réduire les doses de furosémide quand on y associe un IECA. [103] 127 (10) La myocardiopathie hypertrophique chez le chien Contrairement à ce qui est observé chez le chat, la MCH est rare chez le chien. Les mâles sembleraient plus touchés. Quant aux races concernées, le Berger Allemand, le Rottweiler et le Dalmatien seraient plus fréquemment affectés. Il est cependant difficile de conclure à de réelles prédispositions sexuelles et raciales, compte tenu du nombre réduit de cas rapportés dans la littérature. [122] Les descriptions anatomo- et physiopathologique de l’affection comme sa présentation clinique sont proches de ce qu’on a précédemment vus dans l’espèce féline, si ce n’est que le les thrombo-embolies ne sont pas rencontrées chez le chien. L’approche thérapeutique est également semblable à celle utilisée chez le chat ; on utilisera plutôt le vérapamil (plus efficace que le diltiazem pour lutter contre le gradient de pression dans la chambre de chasse car plus inotrope négatif) et le propranolol. [122] La MCH est donc une cardiopathie typiquement associée à une insuffisance cardiaque diastolique. L’altération du remplissage ventriculaire est secondaire aux changements morphologiques et structuraux du myocarde qui caractérisent cette hypertrophie ventriculaire primitive. L’hypertrophie ventriculaire peut également être secondaire : lors de surcharge barométrique, les modifications du myocarde rappellent celles décrites dans la MCH et conduisent donc de la même façon à une altération de la fonction diastolique du ventricule affecté. ii) Les hypertrophies myocardiques secondaires à une surcharge barométrique Lors de surcharge barométrique, le ventricule subit une hypertrophie concentrique qui s’accompagne d’une fibrose marquée, particulièrement lorsque l’élévation de la postcharge est liée à une stimulation du système rénine–angiotensine [149]. Les deux circonstances majeures d’apparition d’une surcharge barométrique chez le chien et le chat sont la sténose sous-aortique et l’hypertension artérielle systémique. L’élévation de la postcharge peut en effet résulter d’une obstruction mécanique à l’éjection du sang, qu’on rencontre dans certaines malformations congénitales, en particulier les sténoses sousaortiques. Elle peut également être observée dans des affections acquises, lors d’élévation de la pression artérielle systémique ou pulmonaire. (1) Sténose des valves sigmoïdes La sténose de la valve sigmoïde ou de la chambre de chasse ventriculaire crée un obstacle à l’éjection sanguine ventriculaire. La sténose sous-aortique et la sténose pulmonaire sont donc deux affections congénitales à l’origine d’une élévation de la 128 postcharge (soit d’une surcharge barométrique) pour les ventricules respectivement gauche et droit. (a) Sténose sous-aortique La sténose sous-aortique est l’une des malformations cardiaques congénitales les plus fréquentes chez le chien. La lésion est généralement localisée en position sous- valvulaire ; la sténose valvulaire est rare et la localisation supra-valvulaire est exceptionnelle [13, 88]. Dans l’espèce féline, chez qui cette anomalie congénitale est au contraire très rare, la sténose serait principalement supra-valvulaire [88]. Chez le chien, la sténose sous-aortique est rencontrée plus fréquemment dans certaines races : Terre-Neuve, Golden Retriever, Boxer et Berger Allemand. D’autres races prédisposées sont citées de façon inconstante dans la littérature : Bull-terrier, Rottweiler, Bouvier, Samoyède ou encore Dogue Allemand. [13, 88] (i) Etiologie La transmission familiale de l’anomalie suggère une origine génétique. Chez le Terre- Neuve, un mode de transmission autosomal dominant, dans lequel interviennent des gènes modificateurs ou un déterminisme polygénique, a été mis en évidence. La pénétrance variable du caractère explique les différents degrés lésionnels rencontrés et la possibilité que des individus apparemment sains soient en mesure de transmettre la malformation à leur descendance. [13] Compte tenu de l’origine vraisemblablement génétique de cette anomalie, les animaux touchés doivent être écartés de la reproduction. (ii) Aspects lésionnels Il est intéressant de noter que la lésion est généralement absente à la naissance, puis apparaît au cours des 3 à 8 premières semaines de vie [88]. La sténose est une lésion évolutive, qui progresse relativement rapidement chez le jeune. Cette progression ralentit considérablement chez l’adulte [13]. 1. Lésion de sténose On définit trois grades lésionnels, en fonction de la sévérité de l’atteinte : - Le grade I correspond à de petits nodules blanchâtres sur l’endocarde septal, - On parle de grade II quand on observe un fin bourrelet endocardique entourant la - immédiatement sous la valve aortique. chambre de chasse du ventricule. Le grade III est la forme la plus sévère : la chambre de chasse est complètement encerclée par un anneau fibreux juste en dessous de la valve aortique. La base de cette dernière peut être concernée, de même que le feuillet mitral septal. [88] 2. Lésions associées 129 On observe une hypertrophie concentrique du ventricule gauche, associée à une fibrose myocardique. Les vaisseaux coronaires sont anormaux. L’atrium gauche est souvent dilaté et l’aorte ascendante peut présenter une dilatation post-sténotique. Une obstruction dynamique peut se surajouter. Les malformations associées de la valve mitrale ne sont pas rares. [88] (iii) Pathogénie La sténose entraîne une hypertrophie concentrique du ventricule gauche qui résulte en une diminution de la taille de la cavité et de la compliance des parois. Par ailleurs, l’hypertrophie et les anomalies des vaisseaux coronaires engendrent une ischémie à l’origine d’arythmies ventriculaires. [13] L’obstruction à l’éjection crée un gradient de pression ventriculo-aortique à l’origine d’une diminution du débit cardiaque, en particulier du débit coronaire, ce qui favorise l’hypoxie myocardique et les arythmies. Les turbulences dans le flux sanguin en aval de l’obstruction génèrent l’apparition d’un souffle d’éjection. [88] Par ailleurs, l’altération de la fonction diastolique entraîne une augmentation des pressions de remplissage et une dilatation atriale secondaire. Néanmoins, l’installation d’une insuffisance cardiaque congestive est rare en l’absence d’insuffisance mitrale associée. [13] La présence d’une régurgitation aortique est fréquemment rapportée. Elle serait due à une extension des lésions de sténose jusqu’aux feuillets valvulaires, à des jet-lésions entraînant l’épaississement des valvules, à une dilatation de l’aorte descendante ou encore à une endocardite bactérienne secondaire [88] (la sténose sous-aortique représente en effet un facteur de risque pour le développement d’endocardite [13]). (iv)Manifestations cliniques Cette affection est, dans une grande majorité des cas, asymptomatique. Dans les cas de sténose sévère, le signe d’appel peut être la mort subite, notamment suite à l’installation d’une fibrillation ventriculaire. On observe également de la faiblesse, de l’intolérance à l’effort ou des syncopes, signes qui expriment l’incapacité du cœur à adapter son débit en réponse à des besoins physiologiques. Les signes d’insuffisance cardiaque gauche (toux, dyspnée) sont rares. [13] Dans la majorité des cas, la mise en évidence d’un souffle sera donc une découverte fortuite, par exemple lors de la consultation vaccinale annuelle, parfois chez des animaux d’âge relativement avancé. Le souffle typique de sténose aortique est un souffle systolique audible surtout à la base du cœur ou en région moyenne à gauche. On peut également le détecter à droite ainsi que le long des carotides. Il est uniquement protosystolique dans les atteintes très modérées puis devient holosystolique dans les atteintes plus sévères. Son intensité également est corrélée à la gravité de la lésion. [13] Lorsqu’une insuffisance aortique coexiste avec la sténose, on peut parfois mettre en évidence un souffle diastolique basal [88]. Cependant, sa faible intensité le rend souvent inaudible. On peut cependant fortement suspecter la présence d’une incompétence aortique lorsque le souffle systolique de sténose se prolonge jusqu’à masquer le second bruit cardiaque [13]. 130 88]. On rencontre également parfois un souffle apexien gauche d’insuffisance mitrale [13, Les autres signes pouvant être mis en évidence à l’examen clinique sont un pouls fémoral faible lors de sténose modérée à sévère, des signes d’œdème pulmonaire à l’auscultation, en cas d’insuffisance mitrale associée, ou un thrill, lorsque le souffle est intense. [13] (v) Examens complémentaires 1. Electrocardiographie L’ECG est normal dans la plupart des cas de sténose aortique. On peut néanmoins mettre en évidence des signes d’hypertrophie ventriculaire, comme un élargissement des QRS, une déviation vers la gauche de l’axe cardiaque ou une augmentation de l’amplitude de l’onde R en dérivation II. Une sous-dénivellation du segment ST signe l’existence d’ischémie myocardique. Des arythmies ventriculaires peuvent être mises en évidence ; l’examen Holter (enregistrement ECG sur 24 heures) peut notamment permettre de visualiser des extrasystoles ventriculaires. [88] 2. Radiographie thoracique L’aspect du cœur peut être normal ou montrer une cardiomégalie gauche avec une dilatation atriale. Quand cette dernière est marquée, une insuffisance mitrale doit être suspectée. Des signes de congestion ou d’œdème pulmonaire peuvent être observés. La dilatation de l’aorte ascendante entraîne un élargissement du médiastin crânial. [88] 3. Echocardiographie Une coupe a. Mode bidimensionnel et TM longitudinale obtenue par voie parasternale droite en mode bidimensionnel permet de visualiser l’anneau sténotique, sous la forme d’une fine membrane ou d’un bourrelet fibro-musculaire juste en arrière des sigmoïdes (Figure 34). Dans les cas sévères, un tunnel formé par le feuillet septal de la valve mitrale et le septum peut également être visualisé. 131 Figure 34 : Coupe longitudinale obtenue par voie parasternale droite en mode 2D, chez un chien atteint de sténose sous-aortique. Un bourrelet fibreux (flèche) est visible sous les sigmoïdes aortiques. RV : ventricule droit ; LV : ventricule gauche ; AO : aorte ; LA : atrium gauche. D’après Boon [15]. La dilatation post-sténotique de l’aorte peut être mise en évidence. Les modifications secondaires à la sténose sont également visibles à l’examen bidimensionnel (Figure 35) : on observe une hypertrophie concentrique du ventricule gauche, qui peut être objectivée sur la coupe TM transventriculaire. Les piliers sont hypertrophiés et hyperéchogènes. La fibrose et l’ischémie entraînent une hétérogénéité de l’échogénicité du myocarde. Figure 35 : Coupe 2D petit axe transventriculaire en diastole (à gauche) et en systole (à droite) chez un Boxer de 3 mois atteint de sténose sous-aortique. On note une hypertrophie concentrique du ventricule gauche (VG), réduisant nettement la cavité ventriculaire, associée à une déformation des piliers (P) et une hyperéchogénicité du myocarde. D’après Chetboul [21]. La fraction de raccourcissement est généralement normale, ce qui signifie que la fonction systolique est conservée. 132 La dilatation atriale éventuellement secondaire au dysfonctionnement diastolique ou à l’insuffisance mitrale est objectivée sur la coupe petit axe transaortique. Un mouvement systolique antérieur de la valve mitrale, comparable à celui rencontré lors de MCH, peut être observé. [21] b. Mode Doppler i. Evaluation de la sévérité de la sténose L’exploration Doppler du flux aortique se fait idéalement par voie sous-costale, ou à défaut à partir d’une coupe parasternale gauche 3 ou 5 cavités. On localise d’abord la sténose grâce au Doppler couleur, puis la vitesse du flux est mesurée par Doppler continu. Le flux aortique est turbulent et sa vitesse est anormalement élevée. L’intérêt de cet enregistrement réside dans le fait que celui-ci permet une estimation non-invasive du gradient de pression entre le ventricule et l’aorte qui définit la sévérité de la sténose, grâce à l’équation de Bernoulli modifiée : ∆P = 4 v2 où ∆P représente le gradient de pression et v la vitesse maximale du flux systolique aortique. La sténose est peu marquée pour des gradients inférieurs à 50 mmHg, elle est modérée jusqu’à 70 mmHg (voire 80 mmHg selon les auteurs [15]), importante entre 70 et 100 mmHg, et sévère au-delà de 100 mmHg (certains considèrent que la sténose est sévère à partir de 80 mmHg [15]). L’examen Doppler permet également de mettre en évidence une éventuelle insuffisance aortique associée, ou la présence d’une régurgitation mitrale. [21] ii. Exploration des dysfonctionnements diastoliques associés Le mode Doppler est également intéressant dans le cadre de l’exploration de la fonction diastolique ventriculaire : chez les chiens souffrant de sténose aortique associée à une hypertrophie ventriculaire gauche, une augmentation de la contribution atriale au remplissage a pu être mise en évidence ainsi qu’une élévation de la vitesse et de la durée de l’onde AR du flux veineux pulmonaire, traduisant une augmentation des pressions de remplissage [109]. Chez l’homme, une étude menée sur 31 patients souffrant de sténose aortique a permis de retrouver des anomalies associées à une altération de la fonction diastolique [33]: chez 22 individus, le ratio E/A était inférieur à 1, avec une prolongation de la décélération de l’onde protodiastolique E. Par ailleurs, l’étude du flux veineux pulmonaire montrait un ratio S/D augmenté. Ces données sont à mettre en relation avec l’existence d’une anomalie de la relaxation. Par ailleurs, chez sept de ces patients, l’onde AR était plus longue que l’onde A, ce qui suggère une diminution de la compliance ventriculaire. Chez les neuf autres individus, le profil Doppler était de type restrictif (ratio E/A>1, avec une onde AR nettement plus longue que l’onde A), et sa présence était associée à des signes cliniques importants d’insuffisance cardiaque congestive. Une autre étude en médecine humaine a mis en évidence des modifications du déplacement de l’anneau mitral mesuré en mode TDI lors de sténose aortique modérée à sévère [18], avec notamment une réduction significative de la vitesse de l’onde Em et une 133 élévation du ratio E/Em qui, rappelons-le, met en évidence une augmentation de la pression télédiastolique ventriculaire. (vi)Pronostic Le pronostic dépend de la sévérité de la sténose : si celle-ci est peu importante, l’animal peut ne jamais exprimer de signes cliniques. Lors de sténose sévère, le risque de mort subite ou d’apparition de signes d’intolérance à l’effort ou de syncopes est élevé. Néanmoins, les symptômes, même en cas de sténose sévère, apparaissent en général chez des animaux soumis à un exercice relativement intense. [13] L’âge de l’animal doit également être pris en compte puisque la lésion évolue de façon marquée chez le jeune, mais cette progression est nettement ralentie chez l’adulte. Un certain nombre de facteurs cliniques et paracliniques peuvent être utilisés pour nuancer le pronostic. L’amplitude du gradient de pression mesuré au Doppler est par exemple un indice important : lorsqu’il devient supérieur à 100-125 mmHg, le risque de voir se développer des complications ou une mort subite sont importants [88]. Cependant, ceci est à nuancer en fonction de la race, puisque la mort brutale est possible chez le Boxer dès des gradients peu élevés [21]. La régurgitation mitrale, l’insuffisance aortique, l’endocardite bactérienne et la fibrillation atriale sont autant de complications qui augmentent la morbidité et la mortalité [88]. Par ailleurs, l’exploration de la fonction diastolique ventriculaire, puisque cette dernière peut être responsable de l’installation d’une insuffisance cardiaque congestive, pourrait fournir un indice pronostique supplémentaire pour définir la sévérité des dysfonctionnements cardiaques secondaires lors de sténose aortique. (vii) Traitement a. Traitement spécifique de la sténose aortique La restriction de l’exercice est un aspect important, en particulier pour les animaux présentant une sténose modérée à sévère [88]. Le traitement étiologique repose sur une dilatation de la sténose, qui peut être réalisée à travers une exérèse chirurgicale de la lésion. Cependant, de tels traitements chirurgicaux sont lourds et risqués, et donc peu développés en médecine vétérinaire [13, 88]. La réduction de l’obstruction à l’aide d’un ballonnet est une technique intéressante [ 13], car les taux de morbidité et de mortalité qui lui sont associés sont faibles. Elle permettrait de réduire le gradient de pression d’environ 50 %. Toutefois, chez certains individus, le bénéfice s’atténue avec le temps [88]. Le recours aux béta-bloquants (propranolol ou aténolol) est recommandé chez les individus : - avec des antécédents de syncope ; - lors de modifications importantes du segment ST ou d’extrasystoles ventriculaires fréquentes. [88] - lorsque le gradient est supérieur à 125 mmHg ; 134 b. Traitement des complications Lors d’insuffisance cardiaque congestive, on met en place un traitement associant digoxine, furosémide, vasodilatateurs nitrés, IECA (à faible dose, car leur utilisation présente un risque d’augmenter le gradient de pression ventriculo-aortique) et restriction hydrosodée dans la ration. [88] On peut suggérer que la mise en évidence d’altérations importantes de la fonction diastolique devrait conduire à la mise en œuvre d’un traitement spécifique, mais l’on ne dispose pas à l’heure actuelle de données expérimentales à ce propos chez le chien. (b) Sténose pulmonaire La sténose pulmonaire est une malformation cardiaque congénitale également fréquente chez le chien, puisqu’elle arrive en troisième position des anomalies congénitales diagnostiquées dans cette espèce, après la sténose aortique et la persistance du canal artériel. Elle peut être une composante de la tétralogie de Fallot. [62] La lésion est généralement valvulaire : il s’agit d’une dysplasie de la sigmoïde pulmonaire. Les localisations sous-valvulaire et infundibulaire sont plus rares, et l’atteinte supra-valvulaire est exceptionnelle. L’atrésie pulmonaire, forme d’obstruction extrême, est très rare et associée à une mortalité rapide. [88] Il existe une prédisposition raciale nette à cette affection : les races les plus représentées en France sont le Bulldog anglais, le Fox terrier à poil dur, le Beagle et le Boxer. L’origine génétique de l’anomalie a été démontrée chez le Beagle, chez qui le déterminisme est polygénique. Elle est suspectée dans d’autres races. Les individus atteints doivent donc être écartés de la reproduction. [62] La sténose pulmonaire est plus occasionnelle dans l’espèce féline [88]. (i) Aspects lésionnels Lorsque la dysplasie pulmonaire consiste en un épaississement discret des feuillets valvulaires, en l’absence de fusion ou d’hypoplasie, on parle de lésion de grade I ; l’obstruction est alors minimale, voire inexistante. Le grade II correspond à un épaississement modéré à sévère des feuillets, associé à une fusion et/ou une hypoplasie valvulaires. Par ailleurs, un épaississement fibreux des bases des valvules est souvent présent. [88] Des anomalies coronaires sont parfois observées, notamment chez les Boxers [88] ou les Bulldogs anglais [62, 88]: il s’agit d’une malposition de l’artère coronaire gauche [62]. Une malformation tricuspide concomitante peut être présente, dans les grandes races notamment. Il est cependant difficile de déterminer son origine primitive ou secondaire, en particulier à l’hypertrophie ventriculaire [88]. Le ventricule droit est hypertrophié et fibrosé [62]. L’atrium droit peut être dilaté. (ii) Pathogénie La pathogénie de l’affection est proche de ce qui se produit au sein du cœur gauche lors de sténose sous-aortique. 135 L’installation d’une insuffisance cardiaque congestive droite est due : - à l’obstruction ; - à la régurgitation tricuspidienne secondaire à l’augmentation de la pression systolique et - au dysfonctionnement diastolique secondaire à l’hypertrophie ventriculaire droite ; aux modifications de la forme du ventricule. Le débit cardiaque droit, voire gauche, peut être affecté lors de sténose serrée. [88] (iii) Manifestations cliniques L’expression clinique lors de sténose pulmonaire est généralement associée à des lésions de grade II [88]. On peut observer des signes associés à la baisse de débit cardiaque : syncope, fatigabilité, ou des symptômes d’insuffisance cardiaque droite : distension jugulaire, pouls jugulaire rétrograde, épanchements cavitaires [62]. Un souffle systolique d’éjection est audible, en région basale, à droite mais surtout à gauche. Il irradie vers l’entrée de la poitrine. Sa tonalité est rugueuse, son intensité moyenne (grade III à IV sur VI) mais parfois importante, avec un thrill associé (grade V). Ce souffle est généralement mésosystolique [62]. Il n’est pas rare qu’un souffle systolique apexien droit, traduisant la présence d’une insuffisance tricuspide, puisse être mis en évidence [88]. (iv)Examens complémentaires 1. Electrocardiographie Des signes de cardiomégalie droite peuvent être visibles, avec une onde P pulmonaire, d’amplitude supérieure à 0,4 mV, un ventriculogramme du type qrS parfois un bloc de branche droit, et une déviation à droite de l’axe électrique du cœur [62]. Lors de sténose modérée à sévère, des arythmies peuvent être observées, notamment une fibrillation atriale [88]. 2. Radiographie thoracique Une cardiomégalie droite est généralement présente. Une dilatation post-sténotique de l’artère pulmonaire peut être observée, de même qu’une hypoperfusion pulmonaire. [62, 88] 3. Echocardiographie L’échocardiographie constitue le moyen le plus simple et le plus sûr pour établir le diagnostic de sténose pulmonaire. Les signes dus aux complications de la sténose sont plus facilement mis en évidence que les signes directs. a. Signes directs de sténose pulmonaire Ces signes sont visibles en coupe transaortique. Les sigmoïdes sont épaisses, peu mobiles et souvent fusionnées distalement, ce qui leur confère une forme caractéristique en dôme en systole. On observe également une dilatation post-sténotique du tronc pulmonaire. [21] 136 b. Modifications myocardiques secondaires Une hypertrophie concentrique du ventricule droit est présente (Figure 36), avec des piliers proéminents au sein de la cavité. Elle peut concerner la chambre de chasse et contribue alors à l’obstruction [88]. Une hétérogénéité du myocarde peut être observée lors de fibrose et d’ischémie marquées associées à une hypertrophie importante. L’augmentation de la taille du ventricule droit peut causer un aplatissement du septum, qui est souvent animé de mouvements paradoxaux (le septum se rapproche de la paroi libre du ventricule gauche en diastole). La forme du ventricule gauche est donc modifiée (Figure 36). [ 21] Une dilatation c. Autres modifications indirectes de l’atrium droit peut être rencontrée lors d’insuffisance tricuspidienne. Dans les stades très avancés, une dilatation de la cavité ventriculaire droite apparaît. Sa présence signe généralement l’existence d’une insuffisance tricuspidienne et/ou pulmonaire associée, voire d’un shunt gauche-droit. [21] Figure 36 : Coupe 2D petit axe transventriculaire (à gauche) et coupe TM transventriculaire (à droite) chez un Labrador atteint de sténose pulmonaire. Une hypertrophie concentrique importante du ventricule droit (VD) est visible et déforme la cavité ventriculaire gauche (VG). D’après Chetboul [21]. d. Etude Doppler iii. Diagnostic et détermination de la gravité de la sténose L’hypertrophie ventriculaire est parfois peu significative et les modifications valvulaires peuvent être discrètes. Le Doppler représente alors la méthode de choix pour le diagnostic. [62] Les incidences utilisées pour l’étude du flux pulmonaire sont les coupes petit axe crâniale gauche et petit axe transaortique droite que l’on modifie par rotation et déplacement crânial de la sonde. Le calcul du gradient de pression grâce à l’équation de Bernoulli modifiée permet de définir la sévérité de la sténose. [21] Un gradient de pression supérieur à 15 mmHg est pathologique. Lorsqu’il est inférieur à 50 mmHg, la sténose est considérée comme légère. Entre 50 et 80 (ou 100) mmHg, elle est modérée. Lorsque le gradient dépasse le seuil de 80 mmHg (ou 100 mmHg pour certains auteurs [88]), la lésion est sévère. [62] 137 iv. Etude de la fonction diastolique ventriculaire droite Comme lors de sténose aortique, compte tenu de l’hypertrophie ventriculaire parfois marquée du ventricule droit, secondaire à la surcharge barométrique, on s’attend à mettre en évidence des signes d’altération du remplissage diastolique. Cependant, compte tenu des difficultés de l’exploration du ventricule droit, en particulier chez l’animal, peu de données sont actuellement disponible en cardiologie vétérinaire concernant les anomalies de la fonction diastolique ventriculaire droite observées au Doppler lors de sténose pulmonaire. Néanmoins, chez l’enfant atteint de cette malformation avant la réalisation d’une valvuloplastie, les indices Doppler du flux transmitral présentent des modifications caractéristiques d’une perturbation du remplissage ventriculaire droit, puisque l’amplitude de l’onde A est augmentée, avec un ratio E/A diminué : le remplissage protodiastolique est donc diminué au profit du remplissage télédiastolique, ce qui est typique d’une altération de la relaxation [144]. (v) Pronostic Comme lors de sténose aortique, le pronostic est corrélé à la sévérité des lésions : lorsque la sténose est modérée à sévère, des symptômes peuvent être présents et des complications peuvent apparaître : syncope d’effort, arythmies, régurgitation tricuspide secondaire, fibrillation atriale, insuffisance cardiaque congestive. La mort subite est possible. Le gradient de pression est généralement un facteur prédictif fiable de la gravité et on rapporte une bonne corrélation entre ce gradient et le taux de survie. [88] (vi)Traitement Le traitement repose essentiellement sur la réduction de la sténose, chirurgicalement (valvulotomie par ventriculotomie ou artériotomie) ou à l’aide d’un cathéter à ballonnet (valvuloplastie) [62]. La valvuloplastie est intéressante quand les valvules sont fines et fusionnées et que l’anneau n’est pas hypoplasique [88]. Ce traitement doit être envisagé lors de sténose sévère (gradient supérieur à 80-100 mmHg). Lors de sténose modérée, la mise en place du traitement dépend de l’expression clinique, de l’âge et du mode de vie de l’animal, et peut être repoussée [62]. Cependant, une hypertrophie infundibulaire progressive peut aggraver l’obstruction ; l’augmentation de la régurgitation tricuspide et l’installation d’un dysfonctionnement diastolique sont responsables d’une insuffisance cardiaque droite. Un contrôle régulier est donc à mettre en place. [88] (2) Hypertension artérielle (a) Hypertension artérielle systémique L’hypertension artérielle systémique concerne la circulation générale et c’est donc le ventricule gauche qui est concerné par l’hypertrophie. Cependant, les propriétés diastoliques du ventricule droit peuvent également être modifiées par les phénomènes de fibrose secondaires à la stimulation du SRAA, qui touchent alors les deux ventricules [149]. 138 (i) Définition L’hypertension artérielle (HTA) se définit comme une augmentation persistante de la pression artérielle systémique systolique (PAs) et/ou diastolique (PAd). [20, 106] Il semble que la valeur seuil optimale pour le diagnostic d’hypertension artérielle est une PAs/PAd de 160/95 mmHg [128]. L’interprétation des mesures de pression artérielle en terme de risque pour les organes cibles, et la conduite à tenir en pratique sont présentées dans le Tableau 3. Valeur de PAs/PAd (mmHg) Niveau de risque de lésion organique 150/95 – 160/100 Bas 160/100 – 180/120 Modéré < 150/95 > 180/120 Minimal Elevé Conduite à tenir Suivi de PA en présence d’une affection susceptible d’entraîner une HTA Recherche d’affection susceptible d’entraîner une HTA et, le cas échéant, mise en place d’un traitement adapté + suivi de PA. En l’absence d’une telle affection, contrôles occasionnels de PA. En présence de signes cliniques d’HTA, mise en place d’une thérapeutique anti-hypertensive puis recherche d’une affection sousjacente. En l’absence de signes cliniques, recherche d’une affection sousjacente. Mise en place d’un traitement antihypertensif si l’affection primitive ne peut être contrôlée de façon durable. En présence de signes oculaires et/ou neurologiques, mise en place d’un traitement antihypertensif d’urgence puis recherche d’une affection sous-jacente. En l’absence de signes cliniques évidents, mais avec une forte probabilité d’affection sous-jacente, mise en place d’une thérapeutique antihypertensive. Sur un animal apparemment sain, contrôles de PA. Si PA> 180/120 mmHg persiste, mise en place d’une thérapeutique anti-hypertensive. Tableau 3 : Interprétation de la mesure de pression artérielle chez le chien et le chat et conduite à tenir. D’après Stepien [128]. (ii) Etiologie et pathogénie de l’hypertension artérielle L’HTA peut être primitive, ou secondaire à un autre processus pathologique. L’HTA essentielle familiale semble peu fréquente, chez le chien [106], comme chez le chat [20]. Toutefois, malgré la mise en œuvre d’examens complémentaires exhaustifs, la cause de l’HTA ne peut parfois pas être établie : c’est le cas chez 55 % des chats atteints de rétinopathie hypertensive [106], des cas sont également décrits chez le chien [4]. On parle alors d’HTA idiopathique. Chez nos animaux, l’HTA est donc plus souvent la manifestation d’une affection sous-jacente. Parmi les affections qui peuvent s’accompagner d’une HTA, on reconnaît deux catégories principales : les affections rénales et les dysendocrinies (Tableau 4) [106]. 139 Affection Prévalence de l’HTA pour l’affection associée Chien Chat Néphropathies et insuffisance rénale chronique 50 – 93 % 61 – 65 % Glomérulopathies 80 % - Hypercorticisme 60 – 86 % - Hyperthyroïdie - 23 – 87 % Diabète sucré 50 % Pas de données Phéochromocytome 43 – 68 % Pas de données Hyperaldostéronisme Pas de données Pas de données Hypothyroïdie ( ?) Pas de données - Tableau 4 : Principales causes et prévalence de l'HTA chez le chien et le chat. D’après Savary – Bataille [106]. 1. HTA et affections rénales Les modifications du fonctionnement rénal sont à l’origine de perturbation de nombreux mécanismes de régulation de la pression artérielle. Les mécanismes de régulation rapide sont modifiés du fait d’une altération du système noradrénergique : le taux de noradrénaline circulante est augmenté et la sensibilité des vaisseaux aux catécholamines est accrue [106]. Or les catécholamines, par leurs effets cardiaques (augmentation du débit cardiaque) et vasculaires (vasoconstriction d’où une augmentation des résistances vasculaires périphériques), sont à l’origine d’une élévation de la pression artérielle. Par ailleurs, les affections rénales s’accompagnent d’une activation du SRAA, du fait d’une hypersécrétion de rénine par l’appareil juxta-glomérulaire [20]. Les effecteurs du SRAA ont eux aussi une action hypertensive : l’angiotensine II est un puissant vasoconstricteur et l’aldostérone provoque une rétention hydrosodée à l’origine d’une augmentation de la volémie. L’anémie secondaire à la diminution de la production d’érythropoïétine par le rein entraîne une augmentation du débit cardiaque [20, 106]. Enfin, l’hyperparathyroïdie secondaire peut également participer à l’installation de l’HTA [106]. 2. HTA et dysendocrinies a. Hypercorticisme Les glucocorticoïdes sont responsables d’une augmentation de la synthèse hépatique d’angiotensinogène. Les récepteurs β adrénergiques cardio-vasculaires sont rendus plus sensibles aux catécholamines. Par ailleurs, l’activité minéralocorticoïdes est à l’origine d’une rétention hydrosodée. [106] 140 b. Hyperthyroïdie Les hormones thyroïdiennes possèdent une action inotrope et chronotrope positive directe médiée par des récepteurs couplés à l’adénylcyclase et donc due à une augmentation du niveau d’AMPc dans la cellule myocardique. De plus, elles augmentent la densité et la sensibilité des récepteurs β, ce qui potentialise l’action des catécholamines sur le myocarde. L’hyperthyroïdie féline s’accompagne donc d’une élévation du débit cardiaque. Par ailleurs, la stimulation des récepteurs β de l’appareil juxta-glomérulaire active le SRAA. [20] c. Autres dysendocrinies L’HTA associée au diabète sucré, bien connue chez l’homme, pourrait être due à l’installation de lésions rénales (glomérulopathie diabétique) ou à une diminution de la compliance vasculaire. Lors de phéochromocytome (tumeur de la médullosurrénale), c’est la production excessive de catécholamines qui est responsable de l’HTA. L’hyperaldostéronisme, dû à une tumeur rare du cortex surrénalien, s’accompagne quant à lui d’une rétention hydrosodée à l’origine d’une hypervolémie. L’HTA secondaire à l’hypothyroïdie est bien décrite chez l’homme mais son existence chez le chien est discutée. Elle résulterait d’une diminution de la compliance vasculaire. [106] 3. Autres causes d’HTA On décrit certains facteurs de risque: l’obésité chez le chien peut prédisposer à l’HTA dans la mesure où ces individus présentent une PA plus élevée que la normale, la sensibilité des barorécepteurs est augmentée et la réponse aux peptides natriurétiques est altérée. Les traitements aux glucocorticoïdes ou à l’aide de stéroïdes sexuels et les régimes hypersodés sont également cités [20, 106]. Les affections modifiant la viscosité sanguine peuvent également être à l’origine du développement d’HTA, par exemple lors de polycythémie ou d’hypergammaglobulinémie (myélome multiple) [71]. (iii) Conséquences physiopathologiques de l’HTA Les organes cibles de l’HTA sont les organes richement vascularisés : le rein, l’œil, le cerveau et le cœur. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux conséquences cardiaques de l’hypertension. 1. Modifications rénales, oculaires et cérébrales L’HTA est responsable de l’installation de lésions de néphroangiosclérose et de glomérulosclérose au sein du parenchyme rénal. Au niveau de l’œil, des lésions dégénératives et ischémiques de la rétine apparaissent, alors que la choroïde est le siège de phénomènes de transsudation, qui peuvent conduire à des hémorragies rétiniennes, voire vitréennes ou de la chambre antérieure. Des décollements rétiniens, secondaires à l’accumulation de fluide entre la rétine et l’épithélium pigmenté, peuvent survenir. [20, 106] 141 Sur le cerveau enfin, la dégénérescence vasculaire due à l’hypertension artérielle entraîne le développement d’œdème et d’hémorragies, associées à des lésions d’ischémie et d’hypoxie. [106] 2. Modifications cardiaques Le remodelage myocardique secondaire à l’HTA a des conséquences importantes, puisque, chez l’homme hypertendu, on considère que la présence d’une hypertrophie ventriculaire gauche multiplie par deux le risque de mortalité cardiovasculaire. Par ailleurs, plus la masse ventriculaire gauche est augmentée, plus le risque de complications extracardiaques est important. [21] a. Modifications morphologiques et histologiques du coeur Chez le chien comme chez le chat [106], l’hypertrophie ventriculaire gauche se développe précocement lors d’HTA, en réponse à l’élévation de la post-charge et aux modifications neuro-endocriniennes associées. Sur un plan histologique, cette hypertrophie correspond à la fois à une augmentation du volume des cardiomyocytes et une augmentation du contenu en collagène [20]. Elle est généralement symétrique et concentrique. Cependant, des cas d’hypertrophie excentrique sont décrits [83]. L’hypertrophie peut par ailleurs être asymétrique ou ne concerner que certaines régions du myocarde, notamment le septum interventriculaire en région sous-valvulaire [20]. Elle peut se compliquer d’insuffisance valvulaire, se traduisant par la présence d’un souffle systolique apexien [106]. b. Conséquences de l’HTA pour la fonction diastolique L’altération de la fonction diastolique ventriculaire gauche est précoce chez l’homme, pouvant même précéder l’hypertrophie macroscopique. Elle concerne 80 % des individus hypertendus [21]. L’HTA modifie la fonction diastolique ventriculaire par plusieurs mécanismes. La postcharge est en effet un facteur déterminant de la relaxation, comme nous l’avons vu précédemment : une élévation marquée de la postcharge s’accompagne d’un retard à la relaxation qui concerne le ventricule gauche mais aussi le ventricule droit. La modification des conditions de charge lors d’hypertension artérielle serait un facteur important dans le développement de dysfonctionnement diastolique [60]. Les modifications de la fonction diastolique sont également en relation avec les changements associés à l’hypertrophie ventriculaire dans la structure et le fonctionnement du myocarde, que nous avons évoqués dans la deuxième partie de ce travail et que nous rappellerons brièvement : anomalies du métabolisme du calcium, de l’ADP, ischémie/hypoxie myocardiques, perturbations du cytosquelette du cardiomyocyte, fibrose, modifications de la réponse béta-adrénergique et activation du SRAA. L’HTA représente donc dysfonctionnement diastolique. un état qui prédispose à l’installation d’un 142 (iv)Manifestations de l’HTA Les signes de l’HTA sont la conséquence des mécanismes physiopathologiques décrits ci-dessus. Ils sont listés dans le Tableau 5. Aux symptômes dus à l’hypertension artérielle s’accompagnent ceux de l’affection sous-jacente. SIGNES CLINIQUES ESPECE Non spécifiques Abattement, faiblesse Chien, chat Oculaires Lésions de rétinopathie hypertensive débutante : Chien, chat (bilatérales dans 88 % des cas) Tortuosité des vaisseaux rétiniens, hémorragies ou oedèmes focaux, spots de détachements rétiniens Lésions de rétinopathie hypertensive avancée : Cécité d’apparition brutale ou progressive (décollements rétiniens, hémorragies, glaucome secondaire ou atrophie rétinienne) Neurologiques Désorientation, confusion, convulsions, syncopes, ataxie, tourner en rond, coma Chat Rénaux Signes cliniques de l’IRC : PUPD, anorexie, amaigrissement, vomissements Chien, chat Chien ? (peu décrit mais peut être sous-évalué : altération de la vigilance attribuée au vieillissement) Modifications biochimiques : Elévation urée et créatinine, isosthénurie, protéinurie (lors de glomérulopathie) Vasculaires Epistaxis [20] Cardiaques Signes cliniques de cardiopathie : Souffle systolique apexien gauche (controversé), bruit de galop, tachycardie, insuffisance cardiaque congestive et dyspnée (rare) Chien, chat Radiographie du thorax : cardiomégalie Echocardiographie : hypertrophie ventriculaire gauche Tableau 5 : Signes cliniques associés à l'HTA chez le chien et le chat. Les signes les plus fréquents sont en caractères gras. D’après Savary – Bataille [106]. 143 (v) Diagnostic 1. Mise en évidence de l’HTA La mesure de la PA chez nos animaux se fait préférentiellement de façon non- invasive, grâce à une méthode oscillométrique (chez le chien) ou une méthode Doppler (chez le chien ou le chat). Elle doit être réalisée en limitant au maximum le stress de l’animal, afin d’éviter les faux positifs. [107] Le diagnostic d’HTA sera établi lorsque les mesures de PAd et/ou PAs seront supérieures respectivement à 95 et 160 mmHg (Tableau 3). Il est recommandé de renouveler les mesures afin d’éviter d’interpréter une élévation ponctuelle de la PA comme une HTA. [107] 2. Diagnostic étiologique Puisque l’HTA chez le chien et le chat est souvent secondaire à une affection sous- jacente, sa mise en évidence doit conduire à rechercher l’affection associée. Afin de déterminer la cause de l’HTA, on recherchera d’abord des signes ou des éléments anamnestiques évoquant une éventuelle affection primitive (atteinte dermatologique, nodule thyroïdien, …). Les examens complémentaires à réaliser dans un second temps sont des examens biochimiques, hématologiques. L’échographie abdominale peut également être informative (Tableau 6). EXAMENS COMPLEMENTAIRES AFFECTIONS ASSOCIEES Exploration de la fonction rénale : Affections rénales primitives Glycémie Diabète sucré Test de stimulation à l’ACTH Hypercorticisme Dosage T4/TSH Hyperthyroïdie, hypothyroïdie Numération et formule sanguines Anémie, polycythémie Ionogramme Hyperaldostéronisme Echographie abdominale : Affections rénales, hypercorticisme, hyperaldostéronisme, phéochromocytome Dosage urée et créatinine plasmatiques, mesure de la densité urinaire, protéinurie, RPCU Aspect des reins, taille des surrénales, masse surrénalienne Tableau 6 : Examens complémentaires à mettre en place dans le cadre du diagnostic étiologique de l'HTA. D’après Savary – Bataille [107]. 144 3. Exploration de la fonction diastolique ventriculaire a. Chez l’homme Chez l’homme, on a pu mettre en évidence une modification des enregistrements Doppler d’évaluation de la fonction diastolique lors d’hypertension : l’examen du flux transmitral montre un tracé caractéristique de retard à la relaxation, avec un ratio E/A inférieur à 1 et une augmentation du temps de décélération [60, 108]. Par ailleurs, une étude récente a montré que les paramètres TDI sont également modifiés, avec une augmentation de l’amplitude de l’onde Am (déplacement télédiastolique de l’anneau mitral) et une diminution de l’onde Em [31]. De plus, l’utilisation du Doppler tissulaire semble représenter une technique plus sensible, qui permet une détection précoce des anomalies du remplissage diastolique lors d’HTA, puisque dans cette étude menée sur 118 patients atteints d’HTA, seuls 32, soit 25 %, présentaient un ratio E/A significativement différent de la population témoin, alors que, chez 108 individus (91 %), le ratio Em/Am était modifié. Le mode TDI permet également l’exploration de la fonction systolique ventriculaire. Ainsi, Poulsen et al. ont récemment mis en évidence la présence de dysfonctionnements systoliques associés aux dysfonctionnements diastoliques lors d’HTA, alors que la fraction de raccourcissement est conservée. Il apparaît donc que la notion de dysfonction diastolique isolée lors d’HTA est peut-être à nuancer. [95] b. Chez l’animal Chez l’animal, on retrouve des modifications du flux transmitral comparables à ce que l’on a décrit chez l’homme, avec dans un premier temps, un pattern caractéristique d’une altération de la relaxation. Puis, avec la perte de compliance ventriculaire, le ratio E/A augmente. [15, 21] Figure 37 : Enregistrement Doppler du flux transmitral chez un chat atteint d’HTA avec décollement de rétine bilatéral. L’inversion du ratio E/A met en évidence l’altération de la relaxation. D’après Chetboul [21]. Néanmoins, en réalisant l’exploration TDI de la fonction myocardique ventriculaire d’un chien atteint d’HTA et présentant une hypertrophie ventriculaire excentrique, Nicolle et 145 al. ont observé que les valeurs diastoliques de déplacement de la paroi ventriculaire libre étaient diminuées, mais restaient dans les valeurs usuelles, alors que des anomalies systoliques étaient présentes [83]. Il semble donc que les dysfonctionnements myocardiques lors d’HTA chez le chien ne soient pas exclusivement diastoliques, notamment lors d’hypertrophie excentrique. (vi)Traitement 1. Traitement de l’hypertension artérielle Le traitement de l’HTA repose avant tout sur le traitement de l’affection sous-jacente. Celui-ci peut permettre une normalisation de la PA. C’est le cas par exemple chez le chat hyperthyroïdien [20]. En cas d’HTA sévère et/ou associée à des signes cliniques, un traitement anti-hypertenseur est mis en place simultanément. Chez le chien, le traitement anti-hypertenseur de choix est représenté par les IECA. Lors d’HTA réfractaire, on a recours aux inhibiteurs calciques : on utilise l’amlodipine. Chez le chat en revanche, c’est l’amlodipine qui représente la molécule utilisée en première intention, alors que les IECA viennent renforcer l’action de l’inhibiteur calcique si celui-ci ne parvient pas seul à contrôler l’HTA [107]. Les diurétiques peuvent être utilisés lors d’HTA discrète à modérée mais sont contre-indiqués lors d’insuffisance rénale chronique [107]. Les molécules sont par ailleurs choisies en fonction de l’affection sous-jacente. On aura recours aux α1-bloquants (prazosine) lors de phéochromocytome. Les β-bloquants sont intéressants lors d’hyperthyroïdie féline, compte tenu de la pathogénie de l’HTA dans cette dysendocrinie [20]. Les IECA enfin présentent un intérêt particulier lors d’affection rénale, puisqu’ils possèderaient des effets néphroprotecteurs, notamment le bénazépril et le ramipril [107]. De plus, comme nous l’avons déjà évoqué, il a été montré chez l’homme qu’ils s’opposent au remodelage myocardique. Le traitement d’urgence de l’HTA fait appel au nitroprussiate de sodium, utilisable chez le chien [107] et le chat [20]. L’acépromazine peut être utilisée à faible dose si l’on ne dispose pas de nitroprussiate de sodium [20]. Des mesures hygiéniques doivent être associées au traitement médical : un régime hyposodé (sodium < 0,25-0,3 % de MS) est notamment recommandé lorsque l’état de l’animal est stabilisé par les anti-hypertenseurs [20]. Par ailleurs, les facteurs prédisposants, s’ils existent, doivent être supprimés (obésité, corticothérapie ou utilisation de progestatifs) [107]. 2. Gestion des dysfonctionnements diastoliques associés Chez l’homme, la fonction diastolique ventriculaire se normalise quand l’hypertrophie ventriculaire régresse. L’hypertrophie secondaire à l’augmentation de la postcharge est généralement réversible suite à la mise en place de traitement anti-hypertenseur, notamment les inhibiteurs calciques, ce qui permet donc une amélioration du remplissage ventriculaire [31, 60]. Il est par ailleurs possible que la diminution de la pression artérielle agisse directement sur la relaxation [60]. De plus, puisqu’un certain nombre de molécules utilisées comme anti-hypertenseurs ont un effet démontré sur la qualité de la relaxation et la compliance myocardique 146 (inhibiteurs calciques, béta-bloquants, IECA), on ne peut exclure l’hypothèse que le traitement mis en place pour lutter contre l’HTA agisse parallèlement spécifiquement sur la fonction diastolique ventriculaire. (b) Hypertension artérielle pulmonaire (i) Définition L’hypertension pulmonaire (HP) est définie par des pressions artérielles pulmonaires systolique et moyenne supérieures respectivement à 20 et 30 mmHg [65]. L’élévation chronique de la postcharge a pour conséquence une dilatation puis une hypertrophie du cœur droit. On parle de « cœur pulmonaire » quand les modifications structurelles et fonctionnelles du ventricule droit sont secondaires à une affection pulmonaire (les cardiopathies gauches à l’origine d’une HP sont exclues de cette définition) [55, 140]. (ii) Etiologie et pathogénie L’HP primitive est peu décrite chez nos animaux ; elle est due à un épaississement de l’intima et de la media des petites artères pulmonaires [46]. Les HP secondaires résultent d’une augmentation du flux sanguin pulmonaire, d’élévations chroniques de la pression atriale gauche, ou d’une élévation des résistances vasculaires pulmonaires. 1. Augmentation du flux sanguin pulmonaire Les affections cardiaques congénitales, comme la persistance du canal artériel ou la communication interventriculaire, entraînent une augmentation du flux sanguin pulmonaire du fait du shunt qui s’établit de la circulation systémique à haute pression vers la circulation pulmonaire à basse pression. Ceci résulte en l’installation d’une HP, qui, si elle est importante, peut conduire à une inversion du shunt. [65] 2. Elévation chronique de la pression atriale gauche Quand la pression atriale gauche est augmentée de façon importante et chronique, comme c’est le cas lors d’insuffisance mitrale ou de myocardiopathie, elle engendre une élévation des pressions en amont, c'est-à-dire une hypertension veineuse pulmonaire puis une hypertension artérielle pulmonaire. [65] 3. Augmentation des résistances vasculaires pulmonaires Les résistances vasculaires pulmonaires peuvent augmenter dans des affections obstructives des vaisseaux, lors de maladies chroniques du parenchyme pulmonaire qui altèrent les caractères morphologiques ou les propriétés fonctionnelles des vaisseaux, ou enfin lors de vasoconstriction hypoxique. Néanmoins, l’importance de cette dernière, bien décrite chez l’homme, est incertaine chez le chien et le chat et il est probable que l’inflammation chronique associée à l’hypoxie intervienne dans la genèse de l’HP en provoquant des modifications des vaisseaux pulmonaires. [55, 65] 147 Les causes les plus fréquentes d’augmentation des résistances vasculaires chez le chien et le chat sont la dirofilariose, l’embolie pulmonaire et les maladies respiratoires chroniques [140]. Cependant, lors d’embolie pulmonaire, la défaillance cardiaque est aiguë [55, 65] et ne s’accompagne donc pas de modifications structurales du ventricule droit à l’origine de dysfonctionnement diastolique. Ce cas ne sera donc pas développé ici. a. HP et dirofilariose Les facteurs participant à l’augmentation des résistances vasculaires lors de dirofilariose sont multiples. La présence des vers dans les artères pulmonaires entraîne une obstruction mécanique et s’accompagne d’une artérite à l’origine de lésions irréversibles de la paroi vasculaire. Par ailleurs, la maladie entraîne la formation de thrombus. Enfin, elle est à l’origine d’une inflammation chronique du parenchyme pulmonaire [55, 65]. Elle peut entraîner l’apparition de cœur pulmonaire chronique mais aussi aigu [65]. b. Les maladies respiratoires chroniques Les affections parenchymateuses chroniques peuvent conduire à une destruction ou une oblitération d’une portion substantielle du lit capillaire pulmonaire et donc entraîner une élévation de la PA pulmonaire. Le mécanisme initiateur pourrait être une vasoconstriction secondaire à l’hypoxie et à l’acidose tissulaire [65]. Le développement d’un cœur pulmonaire chronique est particulièrement décrit lors de bronchite chronique, de collapsus trachéal ou de fibrose interstitielle pulmonaire. En revanche, d’autres maladies respiratoires chroniques s’accompagnent rarement de retentissements sur le cœur droit : lors de syndrome respiratoire obstructif des races brachycéphales notamment, l’hypertrophie ventriculaire droite est généralement tardive et reste souvent sans incidence clinique [55]. (iii) Répercussions de l’hypertension pulmonaire pour le cœur et la fonction diastolique L’élévation de la postcharge est à l’origine d’une hypertrophie souvent excentrique du ventricule droit [15, 21, 46], qui s’accompagne d’une diminution de sa compliance. De plus, les besoins en oxygène du myocarde augmentent alors que le débit sanguin coronarien diminue, ce qui favorise l’hypoxie et l’ischémie myocardique. Ces modifications sont délétères pour la fonction diastolique ventriculaire droite, ce qui participe à l’installation d’une insuffisance également). [140] cardiaque droite (un dysfonctionnement systolique y contribue Par ailleurs, la fonction diastolique ventriculaire gauche est également affectée, du fait de l’interaction ventriculaire : le bombement du septum vers le ventricule gauche en diastole s’oppose au remplissage ventriculaire gauche [140]. L’altération de la fonction diastolique ventriculaire gauche se traduit par une augmentation du temps de relaxation isovolumique et un profil Doppler transmitral anormal [15]. On peut observer une inversion du ratio E/A, souvent à mettre en relation avec la diminution de la précharge du cœur gauche [15]. 148 (iv)Manifestations cliniques de l’HP L’expression clinique de l’hypertension pulmonaire est peu spécifique : les animaux peuvent être asymptomatiques, ou présenter des signes d’affections cardio-pulmonaires : abattement, toux, dyspnée, intolérance à l’effort, ou syncopes. Ces signes sont cependant difficiles à situer dans le contexte clinique, compte tenu de l’association possible entre une maladie respiratoire et une affection cardiaque [65]. Lors de cœur pulmonaire chronique, excepté lors de dirofilariose, les signes d’insuffisance cardiaque droite tels que l’ascite sont exceptionnels ; l’hépatomégalie est en revanche plus fréquemment observée [55]. L’examen clinique peut permettre de mettre en évidence des anomalies de l’auscultation pulmonaire, en relation avec l’affection sous-jacente : des crépitants grossiers lors de bronchite chronique ou fins lors d’œdème pulmonaire cardiogénique. A l’auscultation cardiaque, on peut détecter différents types de souffles, notamment un souffle apexien droit dû à l’installation d’une régurgitation tricuspide, ou un souffle apexien gauche lors d’insuffisance mitrale. Un bruit de galop peut également être audible. [65] (v) Diagnostic de l’HP L’imagerie fournit un certain nombre de critères de suspicion d’hypertension pulmonaire : l’examen radiographique du thorax montre une cardiomégalie droite modérée, associée à une opacification pulmonaire et une augmentation de la taille des artères pulmonaires. A l’échocardiographie, on visualise une dilatation du tronc pulmonaire. Le profil Doppler du flux pulmonaire est modifié, avec une accélération rapide puis une décélération qui peut être rapide ou retardée [65]. La morphologie du tracé se rapproche de celle du flux aortique. [55] Par ailleurs, l’hypertrophie ventriculaire droite est mise en évidence par comparaison avec la paroi libre du ventricule gauche : une épaisseur voisine ou égale des deux parois signe une hypertrophie ventriculaire droite. Une hypertrophie septale est fréquente, ce qui pose le problème d’un diagnostic différentiel entre une MCH asymétrique et un cœur pulmonaire. L’hypertrophie des muscles papillaires est généralement très apparente. Des mouvements septaux paradoxaux, qui affectent la géométrie ventriculaire gauche, sont également observés. [55] Le diagnostic définitif d’hypertension pulmonaire requiert la mise en évidence d’une élévation de la pression artérielle pulmonaire par cathétérisme cardiaque, à l’aide de cathéters à ballonnet de Swan-Ganz. Cependant, l’échographie Doppler permet une estimation non-invasive de la pression artérielle pulmonaire systolique, lors de régurgitation tricuspide à vitesse élevée, grâce à l’équation de Bernoulli modifiée, appliquée à la vitesse maximale du flux de régurgitation à travers la valve tricuspide. L’application de cette relation à la vitesse du flux de régurgitation pulmonaire permet d’estimer la PA diastolique. [65] 149 Tracé A Tracé B Tracé C Figure 38 : Enregistrement Doppler du flux pulmonaire : aspect normal (tracé A) et lors d’élévation croissante de la pression artérielle pulmonaire (tracés B et C). Le flux pulmonaire lors d’hypertension pulmonaire est modifié, présentant une accélération rapide et une décélération rapide (tracé B) ou ralentie (tracé C). D’après Boon [15]. (vi)Traitement 1. Traitement de l’hypertension pulmonaire Le traitement lors d’HP est avant tout étiologique, en fonction de la cause primitive respiratoire ou cardiaque. La thérapeutique spécifique de l’HP fait d’abord appel à l’oxygénothérapie, puisque le l’oxygène est un vasodilatateur qui permet de réduire les résistances vasculaires pulmonaires sans affecter la PA systémique : l’oxygène dilate les vaisseaux pulmonaires, lutte contre l’acidose tissulaire et l’ischémie, et est bénéfique pour le fonctionnement ventriculaire droit. [140] Le recours à la chimiothérapie pour lutter contre l’HP est délicat car les vasodilatateurs classiques agissent de façon plus marquée sur la circulation générale et provoquent une hypotension systémique accompagnée d’une tachycardie réflexe, néfaste pour le fonctionnement cardiaque. De nombreuses molécules sont utilisables ; l’utilisation des IECA est judicieuse en première intention compte tenu de leur action conjointe sur la vascularisation pulmonaire et le cœur (leur efficacité chez le chien serait toutefois remise en question). [140] 150 Le sildénafil (Viagra®) présente quant à lui une action vasodilatatrice spécifique des artères péniennes, mais aussi pulmonaires. Des études menées chez l’homme ont mis en évidence son efficacité pour diminuer la pression artérielle pulmonaire sans affecter la pression artérielle systémique, ce qui en fait une molécule particulièrement intéressante pour le traitement de l’hypertension pulmonaire chez l’homme [147], et donc probablement également chez nos animaux. 2. Traitement des répercussions cardiaques de l’HP Il semble que les lésions cardiaques soient réversibles, sauf lors de défaillance cardiaque tardive. Un traitement symptomatique peut cependant être utilisé, notamment, lors de signes d’insuffisance cardiaque droite, la mise en place d’un régime hyposodé, l’utilisation de diurétiques (qui réduisent le travail du ventricule droit et, en diminuant le volume de ce dernier, améliorent également le fonctionnement ventriculaire gauche) ou la réalisation d’une abdominocentèse lors d’ascite importante. [140] Les affections dans lesquelles on rencontre une hypertrophie myocardique sont donc nombreuses : MCH, pour laquelle l’hypertrophie est primitive, sténoses des sigmoïdes et hypertension artérielle systémique ou pulmonaire, où l’hypertrophie est secondaire à une élévation de la postcharge ventriculaire. Malgré cette variété étiologique, la pathogénie des dysfonctionnements diastoliques est commune, et conduit principalement à une altération de la relaxation, qui s’exprime, à l’enregistrement Doppler du flux mitral (ou tricuspidien), par une redistribution du remplissage vers la fin de la diastole, et une inversion du ratio E/A. Cependant, dans les formes d’hypertrophie les plus avancées, la compliance ventriculaire peut diminuer de façon marquée, ce qui entraîne l’apparition d’un profil de type restrictif, qu’on décrit également de façon caractéristique dans une affection myocardique particulière : la myocardiopathie restrictive. b) La myocardiopathie restrictive (1) Définition La myocardiopathie restrictive (MCR) est une entité caractérisée par la présence d’une fibrose myocardique ou sous-endocardique diffuse ou localisée, qui cause principalement une altération du remplissage ventriculaire diastolique [2]. En raison de l’absence de critères morphologiques bien identifiés, la définition de cette affection est donc avant tout fonctionnelle et repose sur la présence d’un dysfonctionnement diastolique, sans hypertrophie ou dilatation ventriculaire marquées. La myocardiopathie restrictive est rencontrée essentiellement dans l’espèce féline, généralement chez des chats d’âge moyen à âgés, sans prédisposition sexuelle ou raciale [ 2, 12, 78]. 151 (2) Etiologie Chez l’homme, les MCR sont classées en deux catégories, la forme myocardique (la plus fréquente) et la forme endomyocardique, et cette classification semble applicable au chat [36]. Ces deux formes sont idiopathiques. (a) Forme myocardique La forme myocardique de MCR est mal caractérisée chez le chat, généralement non infiltrative. Chez l’homme, elle résulte souvent d’une infiltration amyloïde des parois ventriculaires. Une forme de MCR myocardique idiopathique familiale a été également été décrite chez l’homme. [36] (b) Forme endomyocardique Lors de MCR endomyocardique, la fibrose pourrait parfois être secondaire à une myocardite [12, 36]. L’étiologie virale, avec les Parvovirus, est privilégiée : la réaction immunitaire à l’infection serait responsable d’une altération du myocarde. Cependant, d’autres affections telles que le lymphome ou le syndrome hyperéosinophilique peuvent également s’accompagner d’une fibrose endomyocardique [2, 36]. La MCR pourrait également, chez certains individus, représenter une forme d’évolution ultime de MCH, compliquée de défaillance myocardique [12], d’infarcissements multiples, d’ischémie marquée ou de vascularite des coronaires [2]. On trouve en effet fréquemment une désorganisation des fibres myocardiques histologique typique du myocarde lors de MCH [78]. (3) qui rappelle l’aspect Aspects lésionnels Les lésions rencontrées lors de MCR sont variées, sans qu’on puisse définir de critère réellement caractéristique, puisque la MCR ne représente pas une anomalie morphologique unique [78]. (a) Forme myocardique Chez le chat, contrairement à l’homme, on n’a jamais mis en évidence d’infiltration amyloïde de la matrice extracellulaire ou d’accumulation de substances anormales dans le cytosol des myocytes, c’est pourquoi on parle de MCR non infiltrative idiopathique. [36] On rapporte communément une dilatation atriale massive et bilatérale [12, 36], parfois associée à un léger épaississement des parois ventriculaires. L’endocarde peut présenter des zones de fibrose focale [78]. On observe communément des thrombi au sein de l’atrium ou du ventricule gauches. [36, 78] L’examen histologique peut montrer une fibrose interstitielle diffuse ou focale, ainsi qu’une nécrose des myocytes. 152 (b) Forme endomyocardique Ici encore, l’atrium gauche (et parfois le droit) peut être très dilaté. [36] La paroi postérieure et l’apex du ventricule gauche présentent souvent des zones amincies alors qu’un épaississement focal ou régional peut être observé par ailleurs [78]. Une hypertrophie et/ou une fibrose des muscles papillaires est parfois visible. La modification typique lors de MCR endomyocardique est la présence d’une fibrose endomyocardique et/ou endocardique sévère, diffuse ou focale, qui peut conduire à une déformation du ventricule. Les cordages tendineux sont parfois fusionnés, on peut observer des plaques de tissu fibreux qui oblitèrent la lumière du ventricule. [36, 78] Des thrombi peuvent être visualisés. [36] Le ventricule droit peut être modérément dilaté (ou hypertrophié [36]), mais ne présente pas de lésions de fibrose. [12] L’examen histologique montre une formation importante de tissu cicatriciel riche en collagène au sein de l’endocarde. Le tissu sous-endocardique est souvent infiltré par une population mixte de cellules mononucléées. Des phénomènes de dégénérescence et de nécrose myocardiques sont présents [78]. On reconnaît parfois une artériosclérose des coronaires [12]. (4) Physiopathologie (a) Dysfonctionnement diastolique La fonction systolique ventriculaire est souvent normale ou légèrement altérée. On peut également souvent mettre en évidence une régurgitation mitrale et/ou tricuspide, mais celle-ci est discrète, tout au plus modérée. Ces altérations sont insuffisantes pour entraîner la dilatation biatriale massive observée lors de MCR, ce qui montre que c’est bien l’altération de la distensibilité ventriculaire, due à la fibrose, et le dysfonctionnement diastolique qui s’ensuit, qui sont les mécanismes physiopathologiques primordiaux dans cette affection. D’autres facteurs participent au dysfonctionnement diastolique : arythmies, hypertrophie régionale du myocarde et dilatation ventriculaire. [78] (b) Installation d’une hypertension pulmonaire La perte de compliance du ventricule gauche engendre une élévation progressive de la pression atriale gauche, à l’origine d’une dilatation atriale marquée. Dans un deuxième temps, la pression en amont (c'est-à-dire dans les veines pulmonaires) augmente à son tour. Cette élévation de la pression veineuse pulmonaire, associée à la fibrose du myocarde atrial gauche, peut augmenter la résistance à l’éjection du ventricule droit. L’apparition d’une hypertension pulmonaire chronique cause alors une dilatation progressive du cœur droit, puis une insuffisance cardiaque droite s’installe. [12] (c) Formation de thrombi Comme dans les MCH, et pour les mêmes raisons, la MCR représente un état pathologique prédisposant au phénomène de thrombo-embolie. [12, 78] 153 (5) Manifestations cliniques L’expression clinique des myocardiopathies du chat est peu spécifique, si bien que les manifestations lors de MCR rappellent celles décrites pour les MCH félines. Certains animaux sont présentés pour des signes non spécifiques d’amaigrissement ou d’inappétence. Des syncopes ou une intolérance à l’effort peuvent également représenter le motif de consultation. Lorsque l’insuffisance cardiaque congestive est installée, elle s’exprime surtout par une dyspnée majeure voire une détresse respiratoire. Enfin, l’animal peut souffrir d’une paralysie flasque, d’apparition aiguë, le plus souvent d’un ou des deux membres pelviens, due à la présence d’un thrombus obstruant la terminaison de l’aorte. [12, 78] Cependant, lors de MCR, à la différence de la MCH, qui est souvent asymptomatique, l’expression clinique d’insuffisance cardiaque congestive ou de thrombo-embolie aortique notamment, est fréquente. [78] A l’auscultation cardiaque, on peut en général mettre en évidence un bruit de galop diastolique (B4). Un souffle systolique, de régurgitation mitrale ou tricuspide, est audible de façon inconstante. Le rythme cardiaque est parfois irrégulier, notamment lors de la présence d’extrasystoles. Le pouls fémoral est généralement normal. [78] (6) Examens complémentaires (a) Electrocardiographie L’ECG présente fréquemment des anomalies chez les chats atteints de MCR [12, 78] : les plus communes sont la tachycardie sinusale et les extrasystoles atriales ou ventriculaires. On observe parfois des arythmies plus sévères (tachycardie ventriculaire paroxystique ou fibrillation atriale) [78]. L’onde P est souvent d’amplitude ou de durée augmentée (supérieure à 40 ms), du fait de la dilatation atriale. Lors de dilatation ventriculaire, on met en évidence un élargissement des complexes QRS et une augmentation de l’amplitude de l’onde R. On rencontre fréquemment des anomalies de conduction intra-ventriculaire (blocs de branche). [2, 78] (b) Radiographie thoracique L’examen radiographique du thorax permet généralement de visualiser une dilatation atriale gauche modérée à sévère [12, 78] ; lorsque les deux atria sont dilatés, on retrouve l’image de cœur de Saint-Valentin, souvent associé aux MCH [78]. La cardiomégalie gauche se traduit par un allongement de la silhouette cardiaque [12], elle est généralement modérée [2] ; chez certains individus, on décrit une cardiomégalie globale [78]. Des épanchements pleuraux bilatéraux sont fréquemment rencontrés. On peut également observer des signes d’œdème pulmonaire. Lors d’hypertension pulmonaire, les artères et les veines pulmonaires apparaissent dilatées. [12, 78] 154 (c) Echocardiographie (i) Examen bidimensionnel et mode TM L’examen échocardiographique permet de mettre en évidence une dilatation atriale gauche constante, parfois associée à une dilatation de l’atrium droit. Un thrombus est parfois visible dans l’atrium. [15] Dans la forme endomyocardique, une hétérogénéité du myocarde peut être présente, avec des zones amincies, traduisant une atrophie ventriculaire, et d’autres zones plutôt épaissies. On ne peut cependant pas parler de réelle hypertrophie, puisque l’épaisseur de la paroi libre du ventricule gauche et du septum en diastole est toujours inférieure à 6 mm, dans les deux formes de CMR. La cavité ventriculaire est généralement de taille normale mais peut être légèrement dilatée. La surcharge volumique du ventricule gauche est toujours peu importante. Dans la forme endomyocardique, on observe une fibrose endocardique, qui peut causer une obstruction légère à sévère de la partie moyenne du ventricule. [78] Des anomalies ventriculaires droites sont présentes chez les patients au stade de décompensation : la cavité ventriculaire apparaît alors dilatée, et ses parois sont épaissies. Cependant, on ne rencontre jamais de lésions de fibrose endomyocardique au sein du ventricule droit. [78] La fraction de raccourcissement est normale ou légèrement diminuée, ce qui met en évidence la conservation de la fonction systolique. [15] (ii) Examen Doppler 1. Données fournies par le Doppler conventionnel Les régurgitations mitrale et/ou tricuspidienne sont communes, mais elles sont généralement peu importantes. L’enregistrement Doppler du flux transmitral permet typiquement de mettre en évidence un tracé de type restrictif : la vitesse maximale de l’onde E est augmentée et sa décélération est rapide (l’onde E est haute et pointue), alors que l’onde A est réduite ou même absente (Figure 39). Le ratio E/A est alors souvent nettement supérieur à 1. [15] Cependant, en début d’évolution, ce tracé caractéristique n’est généralement pas présent : on observe plutôt un profil d’altération de la relaxation. Le diagnostic différentiel entre MCR et MCH peut alors être délicat, d’autant que les MCH très avancées peuvent elles aussi conduire à l’apparition d’un tracé restrictif. D’autre part, le tracé restrictif est également rencontré lors des péricardites constrictives. Ces dernières sont néanmoins associées à des variations des vitesses maximales des flux mitral et tricuspidien avec la respiration. [15] 155 Figure 39 : Enregistrement Doppler du flux transmitral chez un chat atteint de MCR. Le tracé est de type restrictif, avec une onde E haute et fine, et une onde A réduite voire absente. D’après Boon [15]. 2. Intérêt des autres modes Doppler Nous avons précédemment souligné l’intérêt tout particulier du mode TDI dans l’exploration des myocardiopathies du chat, notamment compte tenu de sa très bonne résolution temporelle. Une étude menée sur 6 chats atteints de MCR [43] a montré une diminution des vitesses maximales de déplacement diastolique de la paroi libre du ventricule gauche et de l’anneau mitral, ainsi que des taux d’accélération et de décélération. Ces anomalies, qu’on retrouve dans les MCH, mettent en évidence la présence d’un dysfonctionnement diastolique. Le temps de relaxation isovolumique était diminué par rapport aux individus normaux (alors qu’il était augmenté lors de MCH), ce qui peut être mis en rapport avec une élévation de la précharge : en effet, l’élévation de la pression atriale, secondaire à la diminution de la distensibilité ventriculaire, est responsable d’une ouverture précoce de la valve mitrale. entre Le TDI fournit par ailleurs une méthode intéressante pour le diagnostic différentiel MCR et péricardite constrictive (qui sont les deux affections typiquement accompagnées d’un profil restrictif sur l’enregistrement du flux mitral) [145] : on a montré chez l’homme que les patients atteints de MCR présentaient une diminution marquée de la vitesse de déplacement de l’anneau mitral, qui met en évidence une altération de la relaxation, et qui n’est pas observée lors de péricardite constrictive, puisque les propriétés intrinsèques du myocarde ne sont alors pas affectées. Par ailleurs, lors de MCR, le pic de vitesse de l’onde Em ne précède plus celui de l’onde E, comme on l’observe normalement, ce qui montre que l’expansion diastolique du ventricule se fait sous l’effet du remplissage, et non plus par des phénomènes actifs de relaxation et de rappel élastique, du fait de l’altération des propriétés du tissu myocardique. Les indices fournis par le mode M couleur présentent également des modifications lors de MCR : on décrit notamment un ralentissement de la propagation du flux, qui n’est pas mis en évidence si Vp est déterminée à partir de la pente de la transition noir – couleur, mais lorsqu’on calcule Vp par la propagation des vélocités maximales. Cette diminution de Vp reflète certainement les troubles de la relaxation du myocarde. [96] 156 (7) Pronostic et traitement (i) Facteurs pronostiques Les facteurs à prendre en compte pour le pronostic sont a priori les mêmes que ceux évoqués pour la MCH [78] : signes d’insuffisance cardiaque, tachycardie importante, TEA. Cependant, puisque l’observation des signes de congestion ou de TEA est plus fréquente lors de MCR, le pronostic à long terme est plus sombre dans cette affection que dans la MCH. L’espérance de vie des chats ayant développé une MCR varie entre 3 mois et un an [2]. On rapporte néanmoins une survie au-delà de deux ans chez des individus chez lesquels les signes d’insuffisance cardiaque avaient pu être contrôlés de façon satisfaisante par le traitement [12]. (ii) Gestion thérapeutique Il n’existe pas d’approche thérapeutique spécifique à la MCR : le traitement doit être adapté au mécanisme physiopathologique prédominant [78]. La gestion de cette affection présente donc de nombreux points communs avec ce qui a été précédemment décrit pour la MCH. 1. Traitement symptomatique a. Gestion de la détresse respiratoire La stabilisation initiale des animaux présentant des signes de dyspnée majeure repose sur l’oxygénothérapie, la réalisation éventuelle d’une thoracocentèse (si l’on suspecte un épanchement pleural) et l’utilisation de furosémide, voire de vasodilatateurs nitrés. Il est par ailleurs essentiel de limiter au maximum le stress de l’animal, qui contribuerait à aggraver la dyspnée. Les investigations diagnostiques ne doivent être entreprises qu’après stabilisation de l’animal. [2, 78] b. Traitement de l’insuffisance cardiaque congestive chronique En présence de signes de congestion, le traitement au long cours repose sur les diurétiques (furosémide, spironolactone) et les IECA. Lorsque ces derniers sont utilisés, la fonction rénale doit être surveillée, et leur dose réduite en présence d’azotémie. [12, 78] c. Traitement des arythmies Si les extrasystoles ventriculaires sont fréquentes ou en présence de tachycardie ventriculaire, un traitement anti-arythmique devra être envisagé. Les béta-bloquants peuvent être utilisés [12]. 2. Traitement « pathogénique » a. En présence d’un dysfonctionnement diastolique Comme lors de MCH, la gestion des dysfonctionnements diastoliques fait appel aux inhibiteurs des canaux calciques, avec une préférence pour le diltiazem chez le chat, ou aux 157 béta-bloquants (on choisira l’aténolol). Cependant, si la fibrose endocardique est marquée, l’effet direct de ces traitements sur le remplissage ventriculaire sera décevant. Leur effet chronotrope négatif (plus important pour les béta-bloquants) peut se révéler bénéfique pour la fonction diastolique. [78] Toutefois, comme lors de MCH, l’intérêt de l’utilisation de ces molécules est controversé [38]. L’intérêt des IECA dans la lutte contre la fibrose et l’hypertrophie observées dans cette affection n’a pas été étudié lors de MCR chez le chat. b. Lors de dysfonctionnement systolique important Lorsqu’une altération notable de la fonction systolique ventriculaire est présente, l’utilisation de digitaliques est recommandée. [78] La myocardiopathie restrictive est donc un exemple typique de cardiopathie s’accompagnant d’un dysfonctionnement diastolique majeur, généralement isolé, ou du moins largement prépondérant, et responsable de l’installation de l’insuffisance cardiaque. Son diagnostic peut être délicat ; en particulier, le diagnostic différentiel entre MCR et MCH représente parfois un véritable défi pour le praticien. La gestion thérapeutique de ces deux affections est néanmoins très proche, mais le pronostic de l’affection restrictive reste plus sombre puisqu’il est comparable à celui des formes les plus évoluées de MCH. Nous avons évoqué l’intérêt particulier des nouvelles techniques Doppler dans l’exploration et la caractérisation de cette affection. Ces techniques ont par ailleurs mis à jour la présence de dysfonctionnement diastolique dans une autre catégorie d’affections myocardiques qu’on a longtemps considéré comme caractérisées par une altération isolée de la fonction systolique ventriculaire : les dilatations ventriculaires. c) Les dilatations ventriculaires Les dilatations ventriculaires regroupent deux types d’affections : les myocardiopathies primitives caractérisées par une dilatation de la cavité ventriculaire – il s’agit de la myocardiopathie dilatée idiopathique et des formes secondaires à une cause sous-jacente – et les affections myocardiques secondaires à une surcharge volumique (comme nous l’avons vu dans la deuxième partie, la réaction du myocarde à une surcharge de volume est caractérisée par une dilatation de la cavité ventriculaire, accompagnée d’une hypertrophie myocardique modérée. 158 i) La myocardiopathie dilatée (1) La Définition myocardiopathie dilatée (MCD) est une affection myocardique primitive caractérisée par une dilatation des cavités cardiaques (les quatre cavités sont généralement concernées, mais parfois la dilatation touche isolément le coeur gauche et plus rarement le droit) et une altération de la contractilité myocardique à l’origine d’un dysfonctionnement systolique [122]. La MCD au sens strict, est une affection idiopathique ou familiale ; lorsqu’une cause spécifique est identifiée, on nomme l’affection « myocardiopathie due à ladite cause » (par exemple, « myocardiopathie due à une carence en taurine ») [89]. Par la suite, nous désignerons plus généralement par MCD l’affection idiopathique et les cardiopathies apparentées. La MCD est donc définie par l’existence d’un dysfonctionnement systolique ; on a d’ailleurs longtemps considéré qu’elle était justement caractérisée par une altération isolée de la contractilité. C’est en effet un des éléments les plus évidents de la physiopathologie de l’affection. Néanmoins, on sait aujourd’hui que des dysfonctionnements diastoliques existent lors de la MCD, chez l’homme comme chez le chien, et sont notamment des facteurs pronostiques non-négligeables [89, 122]. (2) Données épidémiologiques La prévalence de l’affection est variable en fonction des études, de 0,35 à 1,1 %, ce qui fait de la MCD la deuxième cardiopathie acquise chez le chien après l’endocardiose mitrale, affection nettement plus fréquente [89]. Il existe une nette prédisposition des grandes races et des races géantes : les races les plus fréquemment atteintes sont les Dobermans (45 % des Dobermans seraient atteints de MCD), les Irish Wolfhounds, les Dogues Allemands, les Boxers, les Saint-bernards, les Lévriers Afghans et les Terre-Neuves. Cette affection est également décrite dans des races moyennes, notamment le Cocker Anglais et le Springer. [89, 122] Les mâles sont par ailleurs plus fréquemment touchés que les femelles, sauf dans la race Springer Spaniel, où les femelles sembleraient plus souvent atteintes. [89] Chez le chat, la MCD représentait plus de 30 % des cardiopathies, jusqu’à la mise en évidence du rôle de la carence en taurine ; c’est aujourd’hui une affection considérée comme rare dans l’espèce féline. [3] (3) Etiologie La forme idiopathique de MCD est la forme la plus couramment rencontrée chez le chien ; chez l’homme, on a pu identifier un certain nombre de causes à l’origine des lésions caractéristiques du myocarde rencontrées lors de MCD : génétique, virale ou immunologique, et toxique. Chez le chien, certaines origines ont été démontrées et d’autres sont suspectées. [89] 159 (a) Origine génétique L’existence d’une transmission génétique de MCD chez le chien est reconnue : il existe par exemple une dystrophie musculaire canine liée au chromosome X – dans laquelle le gène codant pour une protéine du cytosquelette, la dystrophine, est altéré – qui atteint notamment le muscle cardiaque, bien décrite dans la race Golden Retriever, et qui sert de modèle pour la myopathie de Duchenne chez l’homme [122]. Une délétion totale du gène codant pour la dystrophine est décrite chez le Pointer et s’accompagne notamment d’une MCD [136]. D’autres mutations des gènes du cytosquelette, notamment de l’actine, sont associées à des MCD chez l’homme. De plus, la prévalence importante de la MCD dans certaines races ou familles suggère fortement une origine génétique. Une transmission de type autosomal serait présente dans certaines lignées d’Irish Wolfhound et de Terre-Neuves. [136] (b) Origine nutritionnelle Chez l’homme, le chien et le chat, on a mis en évidence le rôle de certaines carences en acides aminés dans la MCD : la carnitine, qui intervient dans la β-oxydation des acides gras et joue donc un rôle important dans l’énergétique cellulaire, et la taurine, qui régule les flux calciques à travers les membranes cellulaires des tissus excitables. Chez le chat, une étude a montré le caractère réversible de la myocardiopathie lorsque la carence en taurine est corrigée. [86, 136] (c) Origine virale et immunologique Des phénomènes auto-immuns pourraient intervenir dans la pathogénie de la MCD, car on a mis en évidence la présence d’auto-anticorps dirigés contre les récepteurs β du cœur, contre certaines protéines mitochondriales et contre les chaînes lourdes de la myosine, lors de MCD et d’autres myocardiopathies chez l’homme et l’animal de laboratoire. Une suractivation des lymphocytes T lors de MCD chez l’homme suggère également l’existence de processus immunopathologiques. [136] Chez le chien, des anticorps anti-mitochondrie ont été détectés chez 30 % des chiens dans un groupe de Cocker Anglais atteints de MCD, alors que d’autres études n’ont pas démontré d’augmentation d’auto-anticorps circulants associée à l’affection [89, 136]. On a également évoqué la possibilité que la MCD soit une complication de myocardite aiguë : l’infection virale à l’origine de la myocardite induirait des réactions cytotoxiques à l’origine de lésions du myocarde. Chez le chien, les Parvovirus pourraient être à l’origine de tels phénomènes. L’infection expérimentale par le virus de la maladie de Carré s’accompagne par ailleurs d’une nécrose myocardique [136]. Cependant, l’ADN du Parvovirus canin n’a pu être détecté dans des échantillons de myocarde de Dobermans atteints de MCD [89]. (d) Origine toxique et médicamenteuse Les myocardiopathies induites par certains médicaments sont bien décrites, en particulier celle associée à la toxicité de la doxorubicine, agent anti-mitotique utilisé en 160 cancérologie, qui peut déclencher une myocardiopathie progressive caractérisée par une cytolyse et une fibrose du myocarde, dès lors que l’on dépasse la dose cumulée de 180 mg/m2 [122, 136]. D’autres agents comme le cobalt, l’éthanol, les catécholamines, l’histamine ou la vitamine D présentent une cardiotoxicité [136]. (e) Autres anomalies associées à la MCD Certains désordres métaboliques ont été associés à la MCD chez l’homme, tels que le diabète sucré, les phéochromocytomes ou l’hypothyroïdie. Le rôle notamment de l’hypothyroïdie dans les cardiopathies a été étudié chez le chien, car les hormones thyroïdiennes sont connues pour agir directement sur la contractilité cardiaque. Cependant, plusieurs études menées chez le chien ont montré une absence de corrélation entre hypothyroïdie et MCD. D’autres travaux ont mis en évidence une diminution de la concentration sérique en thyroxine chez des individus atteints de MCD. Cependant, on sait que les concentrations sanguines en hormones thyroïdiennes sont susceptibles de diminuer lors de maladie intercurrente, comme d’euthyroid sick syndrome. [136] l’insuffisance cardiaque : c’est ce qu’on qualifie La fréquence cardiaque est également un facteur déterminant de la fonction systolique ventriculaire. Les tachycardies sont susceptibles d’induire un dysfonctionnement myocardique parfois réversible chez l’homme et le chien. [122, 136] (4) Aspects lésionnels (a) Modifications macroscopiques On observe typiquement une dilatation des quatre cavités cardiaques, bien qu’il soit possible que la dilatation concerne isolément le cœur gauche ou plus rarement le cœur droit. Une hypertrophie excentrique du myocarde est généralement visible. [136] (b) Anomalies histologiques On peut distinguer deux formes histologiques de MCD chez le chien. Chez le Boxer et le Doberman, les lésions histologiques consistent en une dégénérescence du myocarde associée à une infiltration graisseuse ou fibrograisseuse : les fibres musculaires sont remplacées par des adipocytes et du collagène [136]. Dans les autres races, mais également, selon certains auteurs, chez le Boxer et le Doberman, on rencontre un autre type histologique caractérisé par la présence de fibres ondulées atrophiées. [136] (5) Physiopathologie De nombreuses modifications structurales et fonctionnelles du myocarde sont décrites lors de MCD, ainsi que des perturbations des mécanismes de régulation neuro- humoraux : système sympathique, SRAA, médiateurs locaux, tels que le NO, les peptides 161 natriurétiques ou l’endothéline [17]. L’ensemble de ces anomalies est responsable d’une altération de la fonction systolique ventriculaire, mais également de la fonction diastolique. (a) Prédominance des dysfonctionnements systoliques La MCD est une affection qui évolue progressivement, en différentes étapes. Dans un premier temps, la cause primitive de la MCD, qu’elle soit génétique, infectieuse, immunologique, toxique ou encore nutritionnelle, inflige des lésions initiales au myocarde. Si ces lésions sont suffisamment importantes, l’activation de mécanismes régulateurs, neuro-humoraux et génétiques, est responsable ensuite d’une intensification des lésions, avec une perte supplémentaire de myocytes, une hypertrophie compensatrice du myocarde restant, une dilatation des cavités cardiaques, et par conséquent une perte de contractilité. Dès lors que l’insuffisance cardiaque congestive s’installe, les pressions télédiastoliques, atriales et veineuses augmentent suffisamment pour que les signes cliniques apparaissent. Cette évolution permet de définir trois stades de la maladie que nous détaillerons par la suite. D’autres modifications du fonctionnement cardiaque peuvent contribuer à l’altération de la fonction systolique, notamment les insuffisances atrio-ventriculaires consécutives à la dilatation des cavités cardiaques. Les régurgitations mitrales et tricuspidiennes sont fréquentes mais parfois discrètes lors de MCD. La présence d’arythmies, en particulier arythmies ventriculaires et fibrillation atriale, vient encore aggraver les dysfonctionnements ventriculaires. [122] (b) Existence d’un dysfonctionnement diastolique On a longtemps considéré la MCD comme une myocardiopathie dans laquelle seule la fonction systolique ventriculaire était altérée. Néanmoins, la mise en évidence de modifications de la fonction diastolique lors de MCD est déjà ancienne, puisqu’en 1976, Lord montrait une diminution de la compliance ventriculaire lors de MCD et suggérait que cette diminution de la distensibilité du ventricule pouvait être un facteur important dans le développement de l’insuffisance cardiaque congestive lors de MCD chez le chien [72]. Plus récemment, des modifications des profils Doppler transmitraux du remplissage ventriculaire gauche, caractéristiques des altérations de la fonction diastolique, ont été mises en évidence dès les stades précoces de la maladie [136]. Le flux veineux pulmonaire systolique et la vitesse de propagation du flux obtenue par le mode M-couleur chez des Dobermans atteints de MCD étaient significativement différents de ceux du groupe témoin [89]. Une étude menée sur des Golden Retrievers présentant une mutation liée au chromosome X du gène de la dystrophine a montré des modifications précoces des indices TDI de la fonction diastolique, avec notamment une diminution des gradients de vélocité myocardique, alors même que les dimensions ventriculaires étaient normales [22]. Il apparaît donc que les modifications structurales et fonctionnelles du myocarde lors de MCD entraînent bien une altération de la fonction diastolique, altération qui apparaît 162 précocement dans l’évolution de la maladie, peut-être même avant l’altération de la contractilité. La relaxation, puis la compliance du myocarde, sont affectées [73]. Il est donc raisonnable de penser que ces dysfonctionnements diastoliques contribuent de façon non négligeable à l’installation de l’insuffisance cardiaque congestive. Ils pourraient même avoir un impact plus important sur l’expression clinique que les modifications de la fonction systolique. On rencontre en effet des individus présentant une altération marquée de la fonction systolique sans signes cliniques significatifs [15]. L’insuffisance cardiaque congestive pourrait donc se développer suite à l’élévation des pressions diastoliques et à la réduction du remplissage ventriculaire. De la même façon qu’elles compliquent les dysfonctionnements systoliques, les arythmies, et tout particulièrement la fibrillation atriale, sont certainement des facteurs d’aggravation de l’altération du remplissage ventriculaire. (6) Manifestations cliniques La MCD évolue selon trois stades. Le stade I est caractérisé par un cœur dont la morphologie et l’activité électriques paraissent normales [89]. Des lésions sont néanmoins présentes puisque l’exploration échocardiographique des mouvements du myocarde à l’aide du mode TDI présente des anomalies [22]. Au stade II, également appelé phase occulte, des anomalies morphologiques et/ou électrocardiographiques peuvent être mises en évidence, mais l’animal ne présente aucun signe clinique de cardiopathie. Chez le Doberman, cette phase dure de deux à quatre ans. [89] Le stade III est défini par l’apparition de signes d’insuffisance cardiaque. L’expression clinique de la MCD n’est pas caractéristique ; on rapporte des signes non spécifiques d’abattement, de perte de poids, des signes d’insuffisance cardiaque congestive (toux, dyspnée, ascite,…) ainsi des manifestations associées à la chute du débit cardiaque (syncopes) [89, 136]. La mort subite est une présentation classique de MCD, en particulier dans les races Boxer et Doberman [89]. L’examen clinique permet parfois de mettre en évidence un souffle systolique apexien gauche, du fait de l’insuffisance mitrale souvent présente dans la MCD ; un bruit de galop diastolique (B3) peut être présent, signant une atteinte ventriculaire diastolique sévère [136]. (7) Examens complémentaires (a) Electrocardiographie L’ECG est fréquemment modifié lors de MCD [136]. La fibrillation atriale est l’anomalie la plus fréquemment décrite chez les grandes races et les races géantes autres que Boxer et Doberman ; dans ces deux races, les extrasystoles ventriculaires et la tachycardie ventriculaire paroxystique sont communément observées [136]. L’apparition d’une fibrillation atriale peut être mise en cause dans les mécanismes de décompensation qui conduisent à l’installation des signes cliniques, voire de la mort subite. L’évolution d’une 163 tachycardie ventriculaire vers une fibrillation ventriculaire, quant à elle, est une cause de mort subite. [89] Chez le Boxer et le Doberman, les extrasystoles ventriculaires peuvent être mises en évidence avant le stade III, d’où l’intérêt de mettre en place un dépistage électrocardiographique (par l’intermédiaire d’un examen Holter) précoce et réitéré, dans ces races à risque [89]. (b) Radiographie thoracique Les anomalies radiographiques ne sont pas spécifiques : cardiomégalie, œdème pulmonaire, plus rarement épanchement pleural et ascite, sont décrits chez les individus en stade III. [136] (c) Echocardiographie (i) Critères diagnostiques Les modifications échocardiographiques les plus caractéristiques lors de MCD, et qui permettent d’établir le diagnostic, sont une dilatation du ventricule et de l’atrium gauches en diastole, associée à une hypokinésie du ventricule, qu’on visualise généralement au mode bidimensionnel, et qu’il est possible d’objectiver au mode TM par une augmentation du diamètre systolique et une diminution de la fraction de raccourcissement, signant une perte de contractilité. [21] La dilatation ventriculaire en systole, voire en diastole, peut être présente dès la phase occulte de l’affection [89]. Figure 40 : Quelques modifications échocardiographiques en mode 2D (à gauche) et TM (à droite) lors de MCD chez le chien. Sur la coupe 2D longitudinale 5 cavités, une dilatation marquée du ventricule et de l’atrium gauches est visible. Sur la coupe TM transventriculaire, l’hypokinésie septale est évidente ; la paroi libre du ventricule gauche est akinétique. D’après Boon [15]. 164 (ii) Altérations des paramètres de la fonction diastolique 1. Enregistrement Doppler du flux transmitral Une inversion du ratio E/A, avec une réduction du remplissage protodiastolique et une augmentation du remplissage télédiastolique, profil associé à une altération de la relaxation, est décrite chez l’homme et le chien dans des stades de MCD peu avancés. Par ailleurs, le temps de relaxation isovolumique est augmenté. [136] Un tracé de type restrictif peut également être mis en évidence si la compliance du myocarde est diminuée de façon importante, le temps de décélération de l’onde E est alors réduit. Ces anomalies sont corrélées avec des signes cliniques modérés à sévères. [15, 101, 136] Figure 41 : Enregistrement Doppler du flux mitral chez un chien atteint de MCD. Les augmentations marquées de la vitesse de E et du ratio E/A peuvent être mises en relation avec l’élévation de la pression atriale gauche et la perte de compliance ventriculaire (profil de type restrictif), mais l’évaluation de la fonction diastolique doit tenir compte de la présence éventuelle d’une régurgitation mitrale modérée à importante, qui peut elle-même augmenter la vitesse de E. D’après Boon [15]. 2. Autres indices Doppler Un flux veineux pulmonaire de type restrictif a pu être observé chez des chiens atteints de MCD [109]. Chez des Dobermans atteints de MCD à différents stades, on a mis en évidence une modification de la vitesse de propagation du flux Vp obtenue par mode M couleur, ainsi que du déplacement de l’anneau mitral au mode TDI. [92] Une étude TDI menée sur de jeunes Golden Retrievers, atteints de myocardiopathie associée à la dystrophie musculaire du Golden, a montré une réduction des gradients de vitesse myocardiques radiaux et longitudinaux, notamment en phase protodiastolique, due à une diminution des vitesses de déplacement endocardique, alors qu’aucune dilatation myocardique ni d’altération de la contractilité ne sont observées à l’examen conventionnel. Ces modifications précoces pourraient représenter une technique de dépistage intéressante pour des individus atteints de MCD au stade I. [22] 165 (8) Facteurs pronostiques Différents éléments doivent être pris en compte pour définir le pronostic. Les indices de la fonction diastolique tiennent une place déterminante parmi ces différents facteurs, alors que les paramètres de la fonction systolique ne sont que faiblement corrélés avec le pronostic. [89] En phase occulte, la présence de salves de tachycardie ventriculaire pendant plus de 30 secondes est un indicateur de risque de mort subite. Le temps de décélération de l’onde E est également un marqueur prédictif intéressant pour l’apparition d’insuffisance cardiaque congestive et de mort brutale. [89] En phase clinique, les facteurs pronostiques sont nombreux : âge d’apparition des signes cliniques, présence de fibrillation atriale ou de tachycardie ventriculaire, signes d’insuffisance cardiaque congestive, etc.… Parmi eux, les indices de la fonction diastoliques ventriculaires semblent à nouveau représenter des éléments à prendre en considération, en particulier la présence d’un tracé restrictif, avec une temps de décélération de l’onde E raccourci, est associée à un pronostic plus sombre. [89, 101, 136] (9) Gestion thérapeutique (a) Traitement de la MCD en phase occulte Le traitement de la MCD doit être entrepris dès le diagnostic, même en l’absence de signes cliniques. Durant la phase occulte, le but du traitement est d’abord de contrôler les anomalies qui conduisent à l’apparition des signes cliniques, c’est-à-dire principalement les arythmies ventriculaires et supraventriculaires. Chez l’homme cependant, la plupart des agents antiarythmiques sont inefficaces, voire augmentent le risque de mort subite. L’amiodarone présenterait des effets substantiels, mais le dosage approprié n’a pu être défini jusqu’ici, ce qui pose problème, compte tenu la toxicité potentiellement sévère de cette molécule [89]. L’utilisation du sotalol est moins délicate, mais on ne dispose pas de preuve expérimentale de son efficacité [89], si ce n’est dans le traitement des extrasystoles ventriculaires du Boxer, qui répondent également à l’association méxilétine/aténolol [77]. L’intérêt des IECA durant la phase occulte est discuté [17], mais il semble néanmoins qu’ils retardent l’installation de la phase clinique [89]. Ils lutteraient notamment contre le rétrocontrôle négatif qui s’exerce sur les récepteurs β-adrénergiques, en inhibant l’activité angiotensine II [17], ce qui représente un argument en faveur de leur utilisation précoce lors de MCD chez le chien. De même, l’utilité des béta-bloquants ou des antagonistes de l’aldostérone reste à explorer [89]. Compte tenu de l’apparition précoce dans l’évolution de l’affection du rétrocontrôle négatif sur les récepteurs β, l’utilisation des béta-bloquants dès le diagnostic est probablement indiquée [16]. Quoi qu’il en soit, si l’on considère les rôles essentiels du système nerveux sympathique et du SRAA dans le développement des dysfonctionnements myocardiques, 166 l’utilisation prometteuse. de ces agents représente certainement une approche thérapeutique (b) Traitement de la MCD en phase clinique (i) Amélioration de la contractilité myocardique Le traitement de la MCD en phase clinique repose d’abord sur l’utilisation d’agents inotropes positifs, afin d’améliorer la contractilité du myocarde. Parmi les molécules disponibles, le pimobendan présente un intérêt particulier car il agit en augmentant la sensibilité de la troponine C au calcium. Il n’augmente donc pas la consommation en oxygène du myocarde. Il présente également une action vasodilatatrice mixte, et diminue donc la postcharge et la précharge. [17, 89] (ii) Lutte contre les mécanismes régulateurs inadaptés 1. Les IECA Plusieurs travaux ont étudié l’intérêt de l’énalapril et du bénazépril lors de MCD en phase clinique chez le chien, montrant une amélioration de la qualité de vie. Les résultats concernant la survie sont plus inconstants. Cependant, les données fournies par des études comparables chez l’homme indiquent que les IECA augmentent l’espérance de vie. L’utilisation des IECA est donc recommandée dans le cadre du traitement de la MCD en phase clinique. [17, 89] 2. Les antagonistes de l’aldostérone L’efficacité de la spironolactone dans le traitement de l’insuffisance cardiaque congestive a été démontrée chez l’homme, mais aucune étude n’a évalué son intérêt chez le chien. Néanmoins, compte tenu de l’activation du SRAA et de l’élévation du taux d’aldostérone lors d’insuffisance cardiaque, l’utilisation de la spironolactone probablement intéressante dans le cadre du traitement de MCD au stade III. [89] est 3. Les béta-bloquants Les béta-bloquants s’opposent à la stimulation du système neurovégétatif secondaire à la baisse du débit cardiaque. Leur intérêt chez l’homme lors de MCD est reconnu. Leur utilisation doit cependant se faire avec prudence, du fait de leur effet inotrope négatif qui peut être à l’origine d’une décompensation à l’initiation du traitement. Il faut donc commencer le traitement uniquement après disparition des signes de congestion passive, d’abord à une faible dose, que l’on augmente ensuite très progressivement jusqu’au niveau de maintenance. [89] Il apparaît que tous les sous-types de récepteurs adrénergiques sont altérés lors de MCD, ce qui suggère que l’utilisation des béta-bloquants non sélectifs soit préférable. A ce titre, le carvedilol est une molécule intéressante car il s’agit d’un béta-bloquant non sélectif qui présente des effets α modérés. Il apporte chez l’homme une amélioration significative de la fonction ventriculaire, des signes cliniques et de la survie. [17] 167 (iii) Autres aspects thérapeutiques 1. Les anti-arythmiques Chez l’homme, seuls les anti-arythmiques de classe III seraient efficaces pour prévenir la survenue de mort subite lors de MCD. Chez le chien, on a pu mettre en évidence l’efficacité de l’association méxilétine/aténolol ainsi que du sotalol pour le traitement des extrasystoles ventriculaires chez le Boxer [77], mais on ne dispose pas d’études expérimentales concernant les autres races. [89] 2. Mesures hygiéniques L’exercice doit être limité. Certaines mesures diététiques sont recommandées : régime hyposodé, supplémentation en taurine, carnitine, huile de poisson, magnésium, vitamine E, … La myocardiopathie due à une carence en taurine chez le chat serait réversible lors de correction de la carence [86]. (c) Gestion des dysfonctionnements diastoliques ? L’intérêt d’améliorer la fonction diastolique est certain : une étude menée chez l’homme a montré que l’amélioration clinique de patients atteints de MCD après traitement était associée à une normalisation de l’enregistrement Doppler du flux transmitral, alors que chez les individus pour lesquels le tracé Doppler était inchangé, le statut clinique ne s’était pas amélioré, voire avait empiré [118]. Aucune mesure spécifique n’est actuellement recommandée pour corriger les dysfonctionnements diastoliques rencontrés lors de MCD chez le chien. Cependant, un certain nombre des agents cités précédemment font partie des molécules réputées pour améliorer le remplissage ventriculaire, notamment les IECA et les béta-bloquants. Concernant les inhibiteurs calciques, ils ne font pas partie de l’arsenal thérapeutique classiquement utilisé lors de MCD ; il est important de tenir compte de l’action inotrope négative marquée de certains d’entre eux, comme le vérapamil. Il serait intéressant de suivre la fonction diastolique au cours du traitement afin de déterminer si les molécules utilisées agissent sur le remplissage ventriculaire et si l’éventuelle amélioration de la fonction diastolique est corrélée avec une amélioration clinique chez le chien. 168 ii) Les dilatations ventriculaires lors de surcharge volumique (1) Surcharge volumique et dysfonctionnements diastoliques Les conséquences des modifications myocardiques secondaires à la surcharge volumique sur la fonction diastolique ne sont pas les mêmes que celles rencontrées lors de MCD. En effet, la même étude qui a montré une augmentation de l’élastance lors de MCD, a également exploré la compliance du myocarde de cœurs soumis à une surcharge volumique, et n’a pas montré de différence significative entre les animaux normaux et ceux atteints d’une affection causant une surcharge volumique [72]. Néanmoins, chez des chiens souffrant d’endocardiose mitrale, qui entraîne une surcharge volumique, on a pu mettre en évidence un pattern Doppler transmitral présentant des anomalies évoquant notamment une altération de la relaxation [109], ce qui suggère malgré tout que des dysfonctionnements diastoliques participent aux mécanismes physiopathologiques de l’insuffisance cardiaque. A la fois la relaxation et la compliance du myocarde seraient affectées par les modifications du tissu myocardique [49]. La surcharge volumique du ventricule, qui se traduit par une augmentation du volume ventriculaire télédiastolique, est responsable d’une hypertrophie excentrique, c'est- à-dire une dilatation ventriculaire accompagnée d’un épaississement discret des parois myocardiques. Le myocarde soumis à une surcharge volumique est le siège d’une augmentation de l’activité collagénolytique, et la perte de collagène qui en résulte explique la dilatation ventriculaire observée. Elle cause également une augmentation de la compliance du myocarde. Cette élévation de la compliance myocardique permettrait une amélioration du remplissage ventriculaire, qui pourrait participer à maintenir le débit cardiaque dans les stades débutants de surcharge volumique. [30] Cependant, la surcharge conduit à terme à une augmentation du stress pariétal et à un épuisement du myocarde, qui s’accompagnent d’une détérioration des fonctions ventriculaires systolique et diastolique. L’hypertrophie est en effet responsable d’une hypoxie et d’une ischémie du myocarde, qui contribuent à altérer la relaxation ventriculaire et conduisent à une dégénérescence des myocytes et à une fibrose myocardique. La fibrose rigidifie le myocarde, ce qui résulte en une perte de compliance. [54] 169 (2) Les principales cardiopathies responsables de surcharge volumique (a) Affections congénitales (i) Persistance du canal artériel Le canal artériel est un canal vasculaire reliant l’aorte au tronc pulmonaire, permettant le shunt du sang fœtal de la circulation pulmonaire vers la circulation générale ; il s’oblitère normalement dans les jours qui suivent la naissance. La persistance de ce canal est une malformation cardiaque congénitale fréquente chez le chien, notamment dans les races Colley, Caniche, Spitz et Berger Allemand ; elle est nettement moins rencontrée dans l’espèce féline. [13] Si le canal artériel persiste, puisque la pression aortique est supérieure à la pression pulmonaire, une partie du sang éjecté dans l’aorte par le ventricule gauche passe dans le tronc pulmonaire (environ 200 ml à chaque cycle). La quantité de sang revenant au ventricule gauche est donc augmentée, et le ventricule est alors soumis à une surcharge de volume. [54] L’hypertrophie excentrique qui en résulte s’accompagne de modifications structurales et biochimiques du myocarde. Notamment, l’hypoxie et l’étirement chronique du myocarde induisent des perturbations importantes dans la fonction diastolique. L’altération de la relaxation apparaît précocement dans cette affection et a pour conséquence une élévation des pressions de remplissage. L’altération de la fonction diastolique précède celle de la fonction systolique lors de persistance du canal artériel. [54] Dans cette affection, le shunt est généralement gauche–droit. Cependant, lors d’hypertension pulmonaire importante, si la pression pulmonaire devient supérieure à la pression aortique, l’apparition d’un shunt droit–gauche est possible. Cliniquement, on décrit typiquement la présence d’un choc précordial augmenté, parfois associé à un thrill. Le pouls artériel est bondissant et l’auscultation cardiaque révèle un souffle systolo-diastolique basal gauche, irradiant à l’entrée de la poitrine. Une cyanose postérieure peut être observée en cas d’inversion du shunt. Le pronostic est bon si un traitement est mis en place, notamment sur un animal de moins de deux ans [13] ; une étude récente montre par ailleurs l’intérêt de mettre en place un traitement même chez les animaux plus âgés [141]. Le traitement est essentiellement chirurgical et repose sur l’oblitération du canal. Il apporte généralement une amélioration de l’état général de l’animal, malgré une persistance des dysfonctionnements ventriculaires à l’échocardiographie [141]. Lors d’insuffisance cardiaque importante ou de shunt droitgauche, le pronostic devient alors réservé, voire sombre. [13] 170 (ii) Communications interatriale et interventriculaire 1. Communication interatriale La communication interatriale est une anomalie rare, rencontrée plus souvent chez le chat. [13] Lors de communication entre les atria, comme la différence de pression entre les deux cavités est réduite, la direction du shunt est avant tout déterminée par la résistance à l’écoulement du flux sanguin en diastole. Or le ventricule droit est plus compliant que le gauche. Par conséquent, le shunt se fera préférentiellement de gauche à droite, et ce seront les cavités droites qui seront soumises à une surcharge de volume [121], ce qui se traduit par une cardiomégalie droite sur le cliché du thorax [13]. Les communications interatriales modérées sont généralement bien tolérées. Lors d’atteinte sévère, dans laquelle s’installe une insuffisance cardiaque congestive, le pronostic est réservé. [13] 2. Communication interventriculaire La communication interventriculaire est une malformation congénitale relativement fréquente chez le chien comme chez le chat. [13] Puisque la pression ventriculaire gauche est nettement supérieure à la pression ventriculaire droite, le shunt lors de communication interventriculaire est dirigé de gauche à droite. Il se produit généralement en systole, si bien que le flux de sang de shunt est directement aspiré dans le tronc pulmonaire. Ce sont alors l’atrium et le ventricule gauches qui font l’objet d’une surcharge volumique. Le ventricule droit est généralement modérément affecté, à moins d’un shunt de grand diamètre où les deux ventricules peuvent alors être soumis à une surcharge. [121] Comme lors de persistance du canal artériel, en cas d’hypertension pulmonaire importante, le shunt peut s’inverser. [121] L’expression clinique dépend de l’importance du shunt : les lésions de faible diamètre sont généralement asymptomatiques. On décrit typiquement un souffle basal droit, dont l’intensité est inversement proportionnelle au diamètre de la communication. Les signes d’insuffisance cardiaque apparaissent généralement tôt dans la vie de l’animal (la plupart des chiots développent une insuffisance cardiaque avant l’âge de huit semaines). Ainsi, on considère que les animaux ne présentant pas de signes cliniques à l’âge de six mois tolèrent bien la lésion. Leur espérance de vie est importante et la mise en place d’un traitement n’est pas nécessaire. [13] Les (iii) Dysplasies atrio-ventriculaires malformations congénitales des valves atrio-ventriculaires entraînent généralement une insuffisance valvulaire, même s’il arrive qu’une sténose soit présente. Cette régurgitation est à l’origine d’une surcharge volumique, comparable à ce que l’on rencontre lors d’endocardiose mitrale, ce que nous détaillerons dans le paragraphe suivant. 171 La dysplasie mitrale serait la plus fréquente malformation cardiaque congénitale dans l’espèce féline. Chez le chien, on la rencontre dans les races Bull terrier, Berger Allemand et Dogue Allemand. La dysplasie tricuspidienne est décrite chez le Labrador Retriever. [13] (b) Affections acquises De nombreuses affections valvulaires sont à l’origine d’une surcharge volumique. Parmi elles, l’endocardiose mitrale est particulièrement importante, compte tenu de sa grande fréquence dans l’espèce canine. L’endocardiose mitrale est en effet la cardiopathie la plus fréquemment rencontrée en cardiologie vétérinaire. Elle affecte particulièrement les chiens de petite race, âgés. Elle est due à une dégénérescence nodulaire des feuillets mitraux, responsable d’un flux de régurgitation du ventricule vers l’atrium en systole, qui se traduit à l’auscultation cardiaque par un souffle systolique apexien gauche. La régurgitation entraîne une dilatation de l’atrium gauche, généralement bien visible sur le cliché du thorax, et souvent responsable d’une toux, par compression de la bifurcation trachéo-bronchique. Dans un deuxième temps s’installe une insuffisance cardiaque congestive, généralement caractérisée par de l’œdème pulmonaire. En cas d’atteinte associée de la valve tricuspide, des signes d’insuffisance cardiaque droite peuvent également être présents. La régurgitation mitrale est responsable d’une surcharge volumique du ventricule gauche, qui entraîne une hypertrophie excentrique de ce dernier. Il apparaît que ces modifications myocardiques s’accompagnent d’une altération de la fonction diastolique : une étude Doppler menée sur des chiens atteints d’endocardiose mitrale a pu mettre en évidence des anomalies des paramètres diastoliques chez les trois-quarts des individus étudiés. On y retrouve notamment des patterns typiques de troubles de la relaxation et certainement des tracés de pseudonormalisation secondaires à une perte de compliance et une élévation des pressions de remplissage chez certains individus [109]. Les affections auxquelles nous nous sommes intéressés jusqu’ici modifient la structure du tissu myocardique. En perturbant les propriétés fonctionnelles et passives du myocarde, elles sont à l’origine d’une altération de la fonction diastolique, isolée ou non, qui joue souvent un rôle essentiel dans la sévérité de l’expression clinique de la cardiopathie. Ces affections du myocarde, qu’elles soient primitives (myocardiopathie hypertrophique, restrictive ou dilatée), ou secondaires à une pathologie de surcharge, constituent, en cardiologie humaine, les causes de dysfonctionnement diastolique (ventriculaire) sensu stricto. Nous avons choisi, dans ce travail, d’élargir cette notion de dysfonctionnement diastolique à d’autres affections, puisque, comme nous l’avons vu en étudiant les aspects physiopathologiques des dysfonctionnements diastoliques, la fonction diastolique ne dépend pas uniquement des propriétés intrinsèques du ventricule. Ainsi, nous allons maintenant nous intéresser aux affections de nos Carnivores domestiques qui altèrent la 172 fonction diastolique en modifiant les propriétés du péricarde. Nous aborderons enfin les affections valvulaires qui peuvent perturber directement le remplissage du ventricule. 173 2) LES AFFECTIONS PERICARDIQUES Le péricarde est susceptible d’exercer une action constrictive sur le cœur dans trois types de situation : lors d’augmentation rapide du volume cardiaque ou du sac péricardique, ou lors d’altération les propriétés du tissu péricardique, avec diminution de sa compliance intrinsèque. Nous correspondent constrictives. nous intéresserons respectivement aux ici aux épanchements deux dernières péricardiques et circonstances aux qui péricardites a) Les épanchements péricardiques i) Définition, importance L’épanchement péricardique est une accumulation anormale de liquide dans la cavité péricardique. C’est l’affection péricardique la plus fréquemment rencontrée chez le chien. Elle représente une des causes les plus importantes d’insuffisance cardiaque droite dans cette espèce [79]. Dans l’espèce féline, les affections péricardiques sont relativement peu fréquentes [79, 102]. ii) Etiologie Les épanchements péricardiques sont classés en fonction de la nature du fluide qui s’accumule dans le sac péricardique. On distingue ainsi trois types d’épanchement péricardique : transsudats, exsudats et épanchements hémorragiques. (1) - - Les transsudats L’apparition d’un transsudat peut être secondaire à : une élévation de la pression hydrostatique vasculaire : lors d’insuffisance cardiaque congestive droite ou de hernie péritonéo-péricardo-diaphragmatique [79]. Chez le chat, les cardiopathies, et notamment la MCH, seraient la cause la plus fréquente d’épanchement péricardique [102]. à une diminution de la pression oncotique du plasma, lors d’hypoprotéinémie [79]. Dans de tels cas, la quantité de liquide qui s’accumule est toutefois réduite, si bien que l’épanchement ne s’accompagne généralement pas d’une expression clinique. Les symptômes associés à l’affection primitive sont souvent plus évidents. 174 (2) Les exsudats Les exsudats sont associés à des phénomènes inflammatoires affectant les feuillets du péricarde. Les péricardites peuvent être infectieuses ou stériles [79]. Lorsqu’elles sont dues à une infection bactérienne, le péricarde représente alors généralement un site d’infection secondaire [102]. Des péricardites stériles sont rencontrées lors d’insuffisance rénale chronique (on parle de péricardite urémique). Elles peuvent également être observées lors de PIF: cette infection représente une cause importante d’épanchement péricardique chez le chat [79, 102], à cause des phénomènes de vascularite et de la formation de granulomes au niveau des séreuses. Le sac péricardique est parfois le seul site d’accumulation de liquide [102]. Certaines péricardites, enfin, sont idiopathiques [79]. (3) Les épanchements hémorragiques Les épanchements hémorragiques (ou hémopéricardes) représentent la présentation clinique la plus fréquente chez le chien [79]. Les causes d’hémopéricarde chez le chien sont variées. On reconnaît néanmoins deux entités principales : les épanchements secondaires à des néoplasies cardiaques et les hémopéricardes idiopathiques. (a) Les hémopéricardes d’origine tumorale Deux types tumoraux sont principalement à l’origine d’épanchement hémorragique. L’hémangiosarcome de l’atrium droit est plutôt rencontré chez des animaux de plus de six ans. Les Golden Retrievers et les Bergers Allemands semblent prédisposés. La tumeur est souvent multicentrique, si bien qu’il n’est pas rare d’observer en même temps des lésions hépatiques ou spléniques [79]. L’hémopéricarde est également une complication importante des chémodectomes de la base de l’aorte [79]. Ces tumeurs sont plus fréquentes chez les Boxers, mais sont également rencontrées chez d’autres brachycéphales [120]. De nombreuses autres tumeurs cardiaques et péricardiques (carcinome thyroïdien ectopique, localisé à la base du cœur, mésothéliome péricardique, métastases cardiaques de carcinome [79]) peuvent causer un épanchement péricardique hémorragique. Chez le chat, c’est le lymphome qui semble être la néoplasie la plus souvent associée à un épanchement péricardique mais celui-ci ne prend généralement pas la forme d’une hémorragie : il s’agit plutôt d’un transsudat modifié [102]. (b) Les hémopéricardes idiopathiques Certaines péricardites idiopathiques s’accompagnent d’un épanchement hémorragique. La race Golden Retriever semble plus particulièrement touchée, mais ces hémopéricardes sont également décrits dans des races géantes comme le Saint-Bernard ou 175 le Dogue Allemand. Une prédisposition sexuelle nette est présente avec un ratio mâles/femelles de 4 pour 1 environ. [79, 120] (c) Les autres causes d’hémopéricarde Lors d’endocardiose mitrale sévère chez les petites races, la rupture de l’atrium gauche est possible mais ne survient que rarement [79]. Les troubles de la coagulation doivent par ailleurs être évoqués, comme lors de tout syndrome hémorragique, en particulier lors d’hémopéricarde chez le chat [102]. iii) Physiopathologie (1) Influence de la cinétique d’installation de l’épanchement Les effets hémodynamiques de l’épanchement péricardique dépendent étroitement de sa vitesse d’installation [79]. En effet, lorsque le fluide s’accumule lentement au sein du sac péricardique, le péricarde est capable de s’adapter à l’augmentation de volume en augmentant la compliance de ses feuillets. Il n’exercera alors pas de contrainte sur le remplissage cardiaque tant que le volume de l’épanchement ne sera pas important. En revanche, si l’épanchement est d’installation rapide, le tissu péricardique ne peut adapter sa compliance et la réserve volumique du péricarde est rapidement dépassée. Le péricarde devient alors inextensible et exerce sur le cœur une force qui s’oppose au remplissage ventriculaire. Ainsi, lors de rupture de l’atrium gauche, qui provoque un épanchement brutal, 50 à 100 ml de liquide suffisent pour provoquer l’apparition d’une symptomatologie. Lors d’épanchement chronique dans des grandes races, asymptomatique jusqu’à des volumes dépassant un litre. l’animal peut parfois rester (2) Conséquences de l’épanchement pour le fonctionnement cardiaque : la tamponnade Du fait de la finesse des parois et des faibles pressions qui règnent au sein des cavités cardiaques droites, celles-ci sont touchées plus précocement et plus intensément par la compression péricardique. Lorsque la pression dans le sac péricardique devient supérieure aux pressions télédiastoliques atriale et ventriculaire droites, leur remplissage est perturbé et elles commencent à se collaber : c’est la tamponnade cardiaque, qui conduit à une insuffisance cardiaque congestive droite. Si la pression dans le péricarde continue à augmenter et atteint le niveau de la pression télédiastolique ventriculaire gauche, l’altération de la fonction diastolique ventriculaire gauche est responsable d’une élévation des pressions en amont. L’insuffisance 176 cardiaque congestive est alors globale, avec une prédominance des signes d’insuffisance cardiaque droite. Dans les stades les plus avancés, le volume d’éjection du ventricule gauche est nettement réduit. La chute du débit cardiaque et l’hypotension qui en résulte sont alors responsables de la mise en jeu des mécanismes compensateurs. Du fait de la stimulation du système orthosympathique et du SRAA, apparaissent une tachycardie, ainsi qu’une augmentation des résistances périphériques et de la volémie. [79] La tamponnade cardiaque est donc typiquement un cas d’insuffisance cardiaque diastolique puisque c’est l’altération du remplissage due à l’élévation de la pression péricardique qui est responsable des signes de congestion et de la chute du débit cardiaque, alors que la contractilité du myocarde est généralement conservée [79]. iv) Expression clinique L’animal est souvent présenté pour des signes peu spécifiques tels que de l’abattement, de l’anorexie, des signes digestifs ou de l’intolérance à l’effort. Occasionnellement cependant, ce sont les signes de l’insuffisance cardiaque droite qui sont à l’origine de la consultation : distension abdominale, lors d’épanchement abdominal important, dyspnée, qui peut être secondaire à un épanchement pleural ou à de l’oedème pulmonaire, ou encore épisodes de syncope, lors de chute du débit cardiaque gauche. [ 79] Un examen clinique attentif permet de mettre en évidence, lors de tamponnade, des signes d’une élévation des pressions veineuses à droite, notamment une distension jugulaire. La pression veineuse centrale peut être mesurée et dépasse souvent 11 mmHg. A l’auscultation thoracique, les bruits cardiaques sont atténués [79]. On n’entend généralement pas de souffle chez le chien si ce n’est lors de rupture de l’atrium gauche ; l’intensité du souffle systolique associé à l’insuffisance mitrale peut alors sembler réduite. Chez le chat en revanche, la présence d’un souffle ou d’un bruit de galop est fréquemment rapportée, puisque les cardiopathies sont une cause majeure d’épanchement dans cette espèce [102]. Les bruits respiratoires peuvent également être diminués en cas d’épanchement pleural associé. De l’ascite associée à une hépatomégalie sont fréquemment observées. Le pouls fémoral peut être faible, du fait de l’hypotension systémique. Le pouls paradoxal est une modification assez spécifique du pouls lors d’épanchement péricardique ; il s’agit d’une diminution du pouls artériel à l’inspiration. En effet, à l’inspiration, le retour veineux au cœur droit est augmenté, ce qui entraîne une augmentation du remplissage ventriculaire droit. Or l’épanchement limite l’expansion du ventricule par sa paroi libre, si bien que c’est le septum qui se déplace vers le ventricule gauche. Le remplissage et le débit cardiaque de ce dernier sont donc réduits, ce qui entraîne une diminution du pouls artériel [79]. Chez le chat, ces critères cliniques semblent manquer de spécificité et de sensibilité. Certains suggèrent que, dans cette espèce, les épanchements péricardiques sont souvent asymptomatiques [102]. 177 v) Examens complémentaires (1) Electrocardiographie Il n’existe pas de modification électrocardiographique pathognomonique lors d’épanchement péricardique, mais l’ECG peut tout de même fournir des informations intéressantes. On observe parfois un phénomène d’alternance électrique, qui est une variation de l’amplitude du complexe QRS à chaque battement cardiaque. Il est dû aux déplacements du cœur dans le sac péricardique rempli de liquide [79, 102]. Sa présence n’est cependant pas constante, même en cas d’épanchement volumineux [79]. Une élévation du segment ST est également communément décrite et serait due à des lésions épicardiques [79]. Enfin, les complexes QRS sont fréquemment hypovoltés (avec une amplitude inférieure à 1 mV en dérivation II), mais cette modification est très peu spécifique car elle est présente dans de nombreuses autres situations, pathologiques ou non (lors d’obésité par exemple) [79]. (2) Radiographie thoracique Lors d’épanchement péricardique, on décrit typiquement une silhouette cardiaque de taille augmentée et de forme globuleuse. Les signes d’insuffisance cardiaque droite sont fréquemment observés : élargissement de la veine cave caudale, hépatomégalie, épanchement pleural et ascite. Le médiastin peut être élargi et la trachée déviée dorsalement si une tumeur de la base du cœur est présente. [79, 120] (3) Echocardiographie L’échographie bidimensionnelle est la méthode d’exploration non-invasive la plus sensible (avec une sensibilité estimée à 90 % [21]) et la plus spécifique pour le diagnostic d’un épanchement péricardique [79]. L’épanchement apparaît sous la forme d’un espace anéchogène entre le péricarde et l’épicarde (Figure 42). Un espace de 1 à 2 mm est déjà significatif. On le visualise en arrière du ventricule gauche sur les coupes grand axe et petit axe, par voie parasternale droite. 178 Figure 42 : Coupe 2D grand axe 4 cavités chez un chien atteint d’épanchement péricardique idiopathique. L’épanchement est visible en arrière du ventricule gauche, sous la forme d’un large espace anéchogène. Il prédomine à l’apex et disparaît à la base du cœur, ce qui permet de le différencier d’un épanchement pleural. D’après Boon [15]. Il ne doit pas être confondu avec un épanchement pleural. On les différencie sur la coupe grand axe car l’épanchement péricardique prédomine à l’apex et disparaît à la base du cœur (Figure 42). Lorsque l’épanchement est important, les flottements du cœur dans la cavité péricardique lui donnent un mouvement de balancier antéropostérieur. [21] Au mode TM, en coupe transventriculaire, l’accumulation liquidienne forme un espace anéchogène sous le ventricule gauche (l’épanchement ne doit pas être confondu avec l’auricule gauche (Figure 43)), qui n’est visible qu’en systole et en protodiastole lors d’épanchement faible. L’intérêt du mode TM est de « quantifier » l’épanchement en en mesurant la hauteur. Figure 43 : Coupe TM transventriculaire lors d’épanchement péricardique (à gauche) et de dilatation atriale gauche (à droite). Sur la photo de gauche, l’épanchement est visible sous la forme d’un espace anéchogène à la fois sous le ventricule gauche et au-dessus du ventricule droit (flèches). Le ventricule droit est à peine visible, ce qui traduit la présence d’une tamponnade. Sur la photo de droite, on note que l’auricule gauche déplacé par la dilatation de l’atrium peut être confondu avec un épanchement péricardique. Le diagnostic différentiel s’effectue en mode 2D, sur une coupe grand axe parasternale droite. D’après Chetboul [21]. 179 L’échocardiographie permet par ailleurs de mettre en évidence les signes de collapsus des cavités droites qui surviennent lors de tamponnade droite, voire la réduction de la taille des cavités gauches lors de tamponnade bilatérale. Enfin, elle peut apporter des éléments pour établir un diagnostic étiologique, lorsqu’on visualise une tumeur ou des signes de cardiopathie. [21] Concernant l’enregistrement Doppler du flux transmitral, il est intéressant de noter qu’en cas d’épanchement péricardique, on met en évidence des variations de la vitesse de remplissage protodiastolique en fonction de la respiration, et ces variations sont d’autant plus importantes que l’épanchement est important. [115] vi) Traitement et pronostic Le traitement de l’épanchement péricardique présente deux aspects : le drainage du péricarde d’une part, qui est réalisé par ponction ou par péricardectomie, et le traitement de l’affection sous-jacente, afin de prévenir la reformation de l’épanchement. Le pronostic est évidemment dépendant de l’affection primitive. (1) Péricardiocentèse La péricardiocentèse est à mettre en œuvre en urgence lors de tamponnade cardiaque. Elle peut être réalisée sous contrôle échocardiographique, mais celui-ci n’est indispensable que lorsque le volume d’épanchement est peu important. En l’absence d’échocardiographie, un monitorage ECG est intéressant dans la mesure où le contact de l’aiguille avec l’épicarde induit des arythmies ventriculaires. Elle doit être réalisée dans de bonnes conditions d’asepsie. Le site de ponction est généralement localisé entre le quatrième et le sixième espace intercostal, à la hauteur de la jonction costo-chondrale, à droite. Le drainage péricardique est rapidement associé avec un ralentissement de la fréquence cardiaque, une augmentation de l’amplitude des QRS et une amélioration de la qualité du pouls. Outre l’amélioration clinique rapide, la péricardiocentèse fournit un outil diagnostique intéressant puisqu’elle apporte du matériel pour l’analyse cytologique voire bactériologique du liquide. Attention cependant aux faux négatifs à la cytologie, car les hémangiosarcomes de l’atrium, comme les chémodectomes, sont des tumeurs desquamant peu. Par ailleurs, la présence de cellules mésothéliales réactives dans le liquide d’épanchement, qui peuvent être confondues avec des cellules tumorales, peut être à l’origine de faux positifs. La péricardiocentèse est parfois curative lors d’épanchement idiopathique. Il est parfois nécessaire de la répéter. L’épanchement peut en effet se reformer après quelques jours, mais il peut également ne pas réapparaître avant plusieurs mois à plusieurs années. Lorsque la ponction doit être réalisée plus de deux fois, la péricardectomie partielle doit être envisagée. [79] 180 (2) Péricardectomie La péricardectomie partielle est particulièrement indiquée lors d’épanchement idiopathique récidivant plus de deux fois – elle est alors généralement curative – ou lors de tumeur péricardique. Elle présente un intérêt palliatif lors de tumeurs dont l’exérèse n’est pas envisageable, comme c’est le cas lors de chémodectome de la base de l’aorte, qui sont des tumeurs peu agressives, si bien que la péricardectomie peut permettre une survie supérieure à trois ans. Lors d’hémangiosarcome de l’atrium droit, non seulement l’exérèse chirurgicale est souvent impossible, mais la tumeur est de plus très agressive. Des métastases pulmonaires sont généralement présentes au moment du diagnostic et le pronostic à long terme est sombre. [79] b) Les péricardites constrictives i) Définition, importance Lors de péricardite constrictive, les feuillets péricardiques sont soumis à une fibrose intense, et forment une enveloppe rigide autour du cœur qui ne peut alors plus se remplir normalement. Cette affection est rare (une trentaine de cas seulement ont été décrits chez le chien, aucun chez le chat [120]). Chez le chien, les races moyennes et grandes seraient plus fréquemment touchées. [79, 134] ii) Etiologie L’origine de la péricardite constrictive est méconnue. Comme chez l’homme, elle serait souvent idiopathique [134]. On a identifié certaines causes moins fréquentes : un certain nombre de péricardites seraient secondaires à des infections bactériennes ou fongiques. La tuberculose, notamment, a été longtemps considérée comme la plus importante cause de péricardite constrictive chez l’homme [134] ; elle peut également être à l’origine d’une telle maladie chez le chien et le chat [79]. Les épanchements péricardiques idiopathiques chroniques sont également une cause prédisposante [120]. Des cas de péricardite constrictive dus à un corps étranger métallique sont décrits chez le chien [134], rappelant ce que l’on rencontre fréquemment dans l’espèce bovine suite à la migration d’un corps étranger contendant perforant le réseau. Certaines tumeurs de la base du cœur, de même que les mésothéliomes péricardiques, peuvent induire une fibrose du péricarde [79]. 181 iii) Physiopathologie Les feuillets péricardiques épaissis et fibrosés peuvent fusionner, oblitérant totalement ou partiellement l’espace péricardique. Le péricarde forme alors un contenant rigide qui enveloppe généralement les deux ventricules symétriquement, même s’il arrive parfois que les lésions se développent de façon asymétrique [79]. Puisque le myocarde n’est pas touché, la relaxation est généralement normale, si bien que la pression ventriculaire diminue rapidement en protodiastole. Cependant, le remplissage ventriculaire rapide est raccourci car il s’interrompt dès que la limite de distensibilité ventriculaire est atteinte [79]. La fibrose compromet la compliance des parois ventriculaires et a donc tendance à limiter le remplissage à la phase protodiastolique, avec un ralentissement ou un arrêt brutal du remplissage en milieu de diastole [134]. Malgré une atteinte égale des deux ventricules, les signes prédominant sont ceux d’une insuffisance cardiaque droite [134], qui entraîne le développement notamment d’ascite et d’hépatomégalie [79]. Quand la constriction s’aggrave, le débit cardiaque peut être affecté et la rétention de fluides qui en résulte, par stimulation du SRAA, vient aggraver la congestion veineuse [79]. La péricardite constrictive est donc également un exemple typique de dysfonctionnement diastolique puisque c’est bien le remplissage qui est altéré, alors que la fonction systolique myocardique est maintenue. Les propriétés diastoliques intrinsèques du myocarde ne sont pas affectées, comme en témoigne le déroulement normal de la relaxation, mais la constriction représente un facteur extrinsèque de diminution de la compliance des parois ventriculaires, qui ne peuvent donc plus se distendre sous l’effet du remplissage, si bien que la pression ventriculaire augmente rapidement et brutalement, interrompant prématurément le remplissage du ventricule. iv) Manifestations cliniques Les signes cliniques de la péricardite constrictive sont généralement ceux d’une insuffisance cardiaque droite. La distension abdominale secondaire à l’ascite représente souvent le motif de consultation [79]. D’autres éléments anamnestiques peuvent être décrits, tels qu’un amaigrissement, de la dyspnée ou de la tachypnée [79]. Des épisodes de syncopes sont fréquemment rapportés [134], lors de chute du débit cardiaque. La mise en évidence d’ascite et d’une distension jugulaire est presque constante lors de péricardite constrictive. Le pouls périphérique peut être affaibli, et les bruits cardiaques assourdis. [79, 134] L’auscultation cardiaque ne révèle généralement pas de souffle, de bruit de galop ou d’arythmies [134]. 182 v) Examens complémentaires (1) Electrocardiographie Comme lors d’épanchement, la fibrose péricardique s’accompagne généralement d’une diminution de l’amplitude des QRS. Une augmentation de la durée de l’onde P est également fréquente. [79, 120, 134] (2) La Radiographie thoracique péricardite constrictive entraîne une cardiomégalie souvent discrète. Contrairement à ce qui est communément décrit chez l’homme, on n’observe pas de calcifications péricardiques, ce qui reflèterait des spécificités d’espèce concernant la réponse du péricarde à l’inflammation chronique. [134] Les signes d’insuffisance cardiaque droite sont également visibles, tels que de l’épanchement pleural ou une dilatation de la veine cave caudale [79]. (3) Echocardiographie Lors de péricardite constrictive, les cavités cardiaques sont de taille réduite. Une dilatation de l’atrium gauche est néanmoins communément observée, du fait de l’augmentation des pressions de remplissage ventriculaire [15]. La principale difficulté dans le diagnostic de péricardite constrictive est le diagnostic différentiel avec la myocardiopathie restrictive. L’exploration de la fonction diastolique par les différentes techniques Doppler présentées dans la première partie possède dans ce cadre un intérêt déterminant. L’enregistrement Doppler du flux transmitral montre dans les deux cas un « pattern » restrictif. Néanmoins, il est intéressant de noter que, lors de péricardite constrictive, on décrit des variations significatives du flux mitral avec la respiration, que l’on ne retrouve pas lors de MCR. Ces variations respiratoires lors de péricardite constrictive semblent être encore plus marquées pour le flux veineux pulmonaire. Néanmoins, ces anomalies ne sont pas constantes, et d’autres méthodes plus sensibles sont donc parfois nécessaires. [96] Le mode TDI présente ainsi un intérêt dans ce diagnostic différentiel, puisqu’il permet de mettre en évidence lors de MCR des anomalies de la relaxation, qui sont absentes lors de péricardite constrictive puisque dans cette affection, les caractéristiques intrinsèques du myocarde ne sont pas altérées. [39] L’utilité du mode M couleur a également été étudiée [96]. On a pu montrer que la propagation du flux était plus lente lors de MCR que lors de péricardite constrictive. De plus, la progression de la vitesse maximale de l’anneau mitral à l’apex du ventricule était retardée lors de MCR, et pas dans la péricardite constrictive, ce qui met à nouveau en évidence les troubles de la relaxation que l’on rencontre dans l’affection myocardique. Le mode M couleur serait cependant moins sensible et spécifique que le TDI, et également moins facile à utiliser. 183 vi) Traitement et pronostic Le traitement de la péricardite constrictive repose sur une péricardectomie partielle, qui donnerait de bons résultats chez le chien [134]. Le succès de l’intervention dépend de la gravité de l’affection sous-jacente. Le niveau d’implication du feuillet viscéral et de l’épicarde est également un facteur déterminant du pronostic chirurgical : lorsqu’ils sont concernés, une dissection fine de l’épicarde est nécessaire, ce qui est techniquement plus difficile et augmente la morbidité et la mortalité post-opératoire [79]. Il semble néanmoins que les adhérences épi-péricardiques soient moins fréquentes chez le chien que chez l’homme, ce qui autorise généralement un traitement par péricardectomie pariétale partielle. La récupération post-opératoire, très laborieuse chez l’homme, serait plus rapide chez le chien, avec une amélioration clinique en quelques jours et une récupération totale en un mois [134]. Une complication post-opératoire fréquente est la thrombose pulmonaire [134]. Elle pourrait être secondaire à un dysfonctionnement splénique et à une perte protéique digestive, consécutives à la congestion veineuse systémique chronique : le dysfonctionnement splénique pourrait en effet être à l’origine d’une élévation du niveau de plaquettes circulantes, et l’atteinte digestive entraînerait une perte d’anti-thrombine III, ce qui déterminerait alors un état d’hypercoagulabilité prédisposant à la thrombose [79]. 184 3) LES AFFECTIONS VALVULAIRES Nous aborderons dans cette partie les affections valvulaires qui présentent des répercussions directes sur la fonction diastolique. Nous n’évoquerons donc pas les anomalies qui n’entraînent que des modifications secondaires du myocarde, puisque ce sont alors ces dernières qui sont responsables des dysfonctionnements diastoliques observés, comme nous l’avons développé plus haut. Deux types d’affections valvulaires nous intéressent ici : celles qui sont un obstacle direct au flux sanguin, c'est-à-dire les sténoses atrio-ventriculaires, et celles qui s’accompagnent d’un flux de régurgitation ventriculaire en diastole, les insuffisances des sigmoïdes. a) Sténoses atrio-ventriculaires A la différence de ce que nous avons décrit jusqu’à maintenant, les dysfonctionnements diastoliques qui existent lors de sténose atrio-ventriculaire ne sont pas dus à une altération des capacités du myocarde à se relâcher ou à se distendre sous l’effet du flux sanguin, comme c’est le cas lors de modifications des caractéristiques intrinsèques du myocarde ou lors de changements extrinsèques au ventricule, comme par exemple dans les affections péricardiques. Lors de sténose atrio-ventriculaire, l’obstruction valvulaire crée un obstacle mécanique au remplissage du ventricule. i) La sténose mitrale (1) Définition, importance La sténose mitrale se définit comme un rétrécissement de l’orifice de la valve mitrale C’est une anomalie qu’on a considérée comme extrêmement rare en cardiologie vétérinaire jusqu’au développement de l’échocardiographie, qui a fourni un moyen d’exploration non invasif de l’aspect et du fonctionnement de la valve mitrale. Il apparaît actuellement que cette affection est assez rare, mais pas exceptionnelle. Chez le chien, parmi les quelques cas existant dans la littérature, la race Bull terrier semble nettement prédisposée [35, 137]. L’existence de sténose mitrale est également décrite chez le TerreNeuve [137]. Des cas ont aussi été rapportés chez le chat [126]. 185 (2) Etiologie Chez l’homme, la sténose mitrale est souvent consécutive à la fièvre rhumatoïde, qui cause une fusion des commissures des valvules [126, 137]. Chez le chien comme chez le chat, aucun des cas de sténose mitrale rapportés dans la littérature n’a pu être mis en relation avec une telle affection. Dans ces espèces, la sténose mitrale est probablement congénitale. (3) Aspects lésionnels (a) Lésions primitives Les malformations congénitales de la valve mitrale ne sont pas rares, notamment dans l’espèce féline [126] : on parle de dysplasie mitrale. La dysplasie mitrale recouvre plusieurs anomalies de l’appareil valvulaire : des feuillets épaissis et raccourcis, des cordages tendineux également courts et épais, ou au contraire amincis et allongés, des muscles papillaires atrophiés ou hypertrophiés, mal positionnés, sur lesquels les feuillets s’insèrent parfois directement. Ces malformations entraînent généralement une régurgitation valvulaire, mais il semble qu’elles puissent parfois avoir pour conséquence une sténose de la valve mitrale, lorsque les commissures des valvules fusionnent [126, 137]. Un cas de sténose supra-valvulaire, formé par un membrane fibreuse surplombant l’anneau mitral, avec un appareil valvulaire normal, a été décrit chez le chat [126]. La sténose mitrale peut être isolée ou associée à d’autres anomalies comme la sténose aortique [35]. (b) Lésions secondaires Une dilatation sévère de l’atrium gauche est quasiment constamment observée lors de sténose mitrale [35, 126]. La cavité ventriculaire gauche peut être modérément dilatée [35, 137] et ses parois légèrement hypertrophiées [35, 126] (ceci est observé lors d’insuffisance mitrale associée). (4) Physiopathologie La sténose est responsable d’une obstruction au remplissage ventriculaire et d’une dilatation de l’atrium gauche, puis d’une élévation de pression en amont pouvant causer un œdème pulmonaire. Secondairement à la congestion veineuse, une hypertension pulmonaire peut apparaître et la sténose mitrale peut donc se répercuter sur le ventricule droit [137]. Une régurgitation mitrale est souvent associée [15, 35, 126]. Elle peut être à l’origine d’une surcharge volumique qui explique la dilatation du ventricule gauche et l’hypertrophie de ses parois. Chez le chat, les TEA sont une complication possible de sténose mitrale [126]. 186 (5) Présentation clinique Les manifestations de la sténose mitrale sont non spécifiques : intolérance à l’effort, voire syncopes chez le chien [35], anorexie, dyspnée ou encore paralysie flasque des postérieurs, associée à la TAE, chez le chat [126]. Elle peut également être asymptomatique et un souffle est alors découvert de manière fortuite [35, 137]. Un souffle de régurgitation (associé à l’insuffisance mitrale), systolique apexien gauche, d’intensité modérée, est généralement audible, alors que le souffle diastolique associé à la sténose est d’intensité faible et est rarement mis en évidence [137]. Un bruit de galop diastolique peut être présent chez le chat [126]. Des bruits respiratoires anormaux peuvent être entendus en cas d’œdème pulmonaire ou d’épanchement pleural. (6) Examens complémentaires (a) Electrocardiographie et radiographie thoracique L’ECG peut présenter des anomalies variées, notamment une onde P mitrale, une fibrillation atriale, une tachycardie sinusale et un bloc de branche [35, 126]. Il peut également être normal [137]. Le cliché du thorax permet généralement de mettre en évidence une dilatation atriale gauche majeure. Une augmentation de la taille du ventricule gauche peut y être associée [35]. On observe également parfois des signes d’œdème pulmonaire [126]. Ces deux examens fournissent donc des indices de la présence d’une cardiopathie mais les anomalies relevées ne sont absolument pas spécifiques et c’est l’échocardiographie qui permettra d’établir le diagnostic. (b) Echocardiographie (i) Mode bidimensionnel et mode TM Les feuillets mitraux apparaissent épaissis [35, 126, 137], ils peuvent prendre l’aspect d’un dôme. Des anomalies des cordages et des muscles papillaires peuvent être mises en évidence [126]. L’atrium gauche présente une dilatation sévère, qui se traduit par une augmentation du ratio atrium gauche/aorte. Le mouvement diastolique du feuillet mitral pariétal est souvent anormal puisqu’il suit celui du feuillet septal, du fait de la fusion de leurs commissures [35, 126]. Par ailleurs, l’analyse du mouvement des feuillets mitraux au mode TM montre que la pente du segment EF est diminuée, ce qui signifie que la fermeture de la mitrale en phase protodiastolique est ralentie [35, 126, 137]. Ces trois dernières anomalies rencontrées isolément ne sont pas spécifiques d’une sténose mitrale, mais leur association est très en faveur de cette malformation [21, 35]. 187 (ii) Mode Doppler 1. Doppler couleur L’examen Doppler couleur permet de mettre en évidence le caractère turbulent et la vitesse élevée du flux sanguin traversant la valve mitrale en diastole [35, 126, 137] : on parle de jet diastolique en « flamme de chalumeau » [21], dirigé de la valve mitrale à l’apex du ventricule gauche [35, 126]. Une régurgitation mitrale peut être visualisée [35, 126, 137]. 2. Doppler pulsé L’examen Doppler pulsé permet une quantification de la vitesse du flux sanguin à travers l’anneau sténotique : la vitesse maximale de remplissage protodiastolique est augmentée, mais la décélération de l’onde E est nettement ralentie, ce qui se traduit par une diminution de la pente de décroissance de la vitesse [35, 126, 137]. Dans les cas extrêmes, les deux ondes E et A disparaissent [21]. L’onde A peut également disparaître lors de fibrillation atriale [126]. Le gradient de pression transvalvulaire peut être calculé grâce à l’équation de Bernoulli modifiée (il sera augmenté), mais il ne constitue pas le paramètre idéal car cette augmentation est également rencontrée lors de tachycardie et d’insuffisance valvulaire [15, 137]. Le temps de demi-pression (temps nécessaire pour que le gradient de pression soit diminué de moitié) serait plus intéressant [21, 137] ; il est augmenté lors de sténose mitrale [35, 126, 137]. (7) Traitement Des traitements chirurgicaux ont été proposés : remplacement de la valve dysplasique par une prothèse biosynthétique ou commissurotomie. Les résultats postopératoires semblent satisfaisants mais le faible nombre de descriptions dans la littérature ne permet pas de juger de l’efficacité réelle du traitement chirurgical. Le traitement est plus souvent médical, lors d’insuffisance cardiaque gauche. La mise en œuvre d’une thérapeutique chez les individus asymptomatiques est discutée. [137] ii) La sténose tricuspidienne La dysplasie tricuspidienne, décrite notamment chez le Labrador, entraîne rarement une sténose valvulaire. L’obstruction mécanique au remplissage du ventricule droit est alors responsable d’une élévation des pressions en amont, qui peut éventuellement être à l’origine d’un shunt droit–gauche, lors de communication interatriale associée. [13] 188 b) Insuffisances des valves artérielles La fermeture des valves sigmoïdes se produit en début de la diastole, puis elles restent normalement closes jusqu’à la systole suivante. Lors d’insuffisance de ces valves, c'est-à-dire un défaut de fermeture, on observe un flux de régurgitation diastolique : une partie du sang éjecté en systole reflue vers le ventricule. L’importance de la régurgitation dépend du degré d’ouverture diastolique de la valve. Ces régurgitations sont généralement responsables d’une surcharge volumique du ventricule, qui peut indirectement perturber la fonction diastolique, comme nous l’avons évoqué plus haut. Cependant, il est possible d’observer un retentissement direct sur le remplissage en cas de régurgitation majeure : la pression diastolique ventriculaire augmente très rapidement du fait du reflux sanguin en provenance des gros troncs artériels, si bien que l’amplitude du gradient de pression atrio-ventriculaire se réduit (la pression ventriculaire excède même souvent la pression atriale en phase télédiastolique, ce qui conduit à une fermeture prématurée de la valve mitrale), et le remplissage du ventricule avec le sang veineux stocké dans l’atrium et en amont est limité. [129] Lors de régurgitation aortique aiguë et sévère chez l’homme, l’enregistrement Doppler du flux mitral est de type restrictif, avec une augmentation de la vitesse du flux protodiastolique E ainsi que du ratio E/A et une diminution du temps de décélération de l’onde E [87], ce qui caractérise une altération importante de la fonction diastolique. Chez l’homme, des régurgitations aortiques sévères sont décrites dans quelques situations, parmi lesquelles on reconnaît une malformation congénitale très rare de la valve sigmoïde : on parle de valve quadricuspide [104]. Les lésions valvulaires causées par une endocardite infectieuse peuvent également être à l’origine d’une insuffisance aortique sévère [117]. Chez le chien, la régurgitation aortique primitive isolée est une anomalie rare. Elle est généralement associée à une sténose sous-aortique. Elle est alors généralement peu importante, mais certaines complications, en particulier les endocardites bactériennes, sont susceptibles de l’aggraver [13]. Une régurgitation aortique peut également être associée à d’autres malformations comme la communication interventriculaire ou la tétralogie de Fallot [13]. Lors de communication interventriculaire, l’insuffisance valvulaire peut être secondaire au passage d’une cuspide aortique dans la communication, ce qui empêche la coaptation des sigmoïdes. La régurgitation peut alors être majeure [98]. Les endocardites bactériennes peuvent également causer isolément une insuffisance aortique majeure : deux cas de régurgitation sévère causant un œdème pulmonaire aigu, secondaires à une endocardite à Bartonella sp., ont été récemment décrit chez le chien [123]. On décrit également des insuffisances aortiques iatrogènes, secondaires à une dilatation de la sténose par un cathéter à ballonnet [13]. Les cas de régurgitations aortiques sévères restent cependant rares et leur description n’a pas donné lieu à une étude de la fonction diastolique ; il est néanmoins 189 probable que le profil de remplissage ventriculaire soit comparable à ce qui a été observé chez l’homme. 190 CONCLUSION Les dysfonctionnements diastoliques isolés sont une cause majeure d’insuffisance cardiaque chez l’homme puisque plus de 30 % des patients insuffisants cardiaques présentent une fonction systolique préservée. Même si l’on ne dispose pas de telles statistiques concernant les carnivores domestiques, il semble de plus en plus évident que l’altération de la fonction diastolique est un mécanisme physiopathologique essentiel dans de nombreuses cardiopathies du chien et du chat. Certaines affections sont typiquement caractérisées par un dysfonctionnement diastolique. C’est le cas, par exemple, des myocardiopathies hypertrophique ou restrictive, de la cardiopathie hypertensive, de l’hypertrophie myocardique associée aux sténoses sousaortiques ou des affections péricardiques. L’insuffisance cardiaque est alors due avant tout à un remplissage ventriculaire anormal, et les dysfonctionnements systoliques, s’ils sont présents, sont secondaires. Ces affections appartiennent à une entité clinique à part entière : l’insuffisance cardiaque diastolique. Dans d’autres cardiopathies, les dysfonctionnements diastoliques accompagnent les troubles de la contractilité : la myocardiopathie dilatée en est l’exemple le plus caractéristique. Elle était auparavant définie comme une anomalie isolée de la fonction systolique, alors qu’il apparaît maintenant que les dysfonctionnements diastoliques sont non seulement présents dans cette affection mais qu’ils jouent un rôle non négligeable dans la genèse de l’insuffisance cardiaque congestive. Compte tenu de l’importance des anomalies de la diastole, la recherche de ces troubles est certainement trop rarement mise en œuvre à l’heure actuelle en médecine vétérinaire. S’il est vrai que l’exploration de la fonction diastolique est délicate, dans la mesure où l’on manque d’indicateurs faciles à interpréter, les progrès techniques récents dans le domaine de l’imagerie fournissent aujourd’hui des outils non invasifs de plus en plus performants et fiables, notamment le mode Doppler M couleur et surtout le mode TDI, dont l’usage, s’il est encore limité en médecine vétérinaire, devrait permettre à l’avenir le développement de l’exploration de la fonction diastolique par les praticiens vétérinaires qui s’intéressent à la cardiologie. La mise en évidence de dysfonctionnements diastoliques ventriculaires doit idéalement être suivie de la mise en œuvre d’une thérapeutique spécifique, qui ne peut être déterminée que grâce à la connaissance des processus physiopathologiques à l’origine des troubles de la fonction diastolique. Parmi ceux-ci, l’importance des phénomènes de 191 régulation auto- et paracrine lors l’insuffisance cardiaque commence à être reconnue chez l’homme, l’animal de laboratoire, mais aussi chez le chien. Malgré sa complexité, l’étude du rôle des médiateurs locaux représente certainement un axe de recherche à approfondir, car elle semble aujourd’hui offrir des perspectives thérapeutiques prometteuses. 192 BIBLIOGRAPHIE 1. AMBERGER C., LOMBARD C.W. (1999) Myocardiopathies félines. 2- Myocardiopathie hypertrophique Point Vét., vol.30, 365-370 2. AMBERGER C., LOMBARD C.W. (1999) Myocardiopathies félines. 3- Myocardiopathie restrictive Point Vét., vol.30, 477-480 3. AMBERGER C., LOMBARD C.W. 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Lors d’affection péricardique ou de certaines affections valvulaires, ce sont des facteurs extra-ventriculaires qui sont susceptibles de compromettre le remplissage du ventricule. La présence de dysfonctionnements diastoliques dans ces affections présente des conséquences cliniques et pronostiques importantes. Leur mise en évidence est cependant délicate et fait appel à des moyens sophistiqués, comme l’écho-Doppler pulsé conventionnel ou le Doppler tissulaire myocardique. La gestion thérapeutique de ces dysfonctionnements repose à l’heure actuelle sur l’utilisation des inhibiteurs calciques, des β-bloquants et des IECA, mais l’efficacité de ces traitements chez nos Carnivores est encore controversée. MOTS CLES : - diastole - chien - chat JURY : - relaxation Président : 2ème Assesseur : Membre invité : ADRESSE DE L’AUTEUR : - Doppler - myocardiopathies Monsieur le Professeur Gilbert Kirkorian 1er Assesseur : DATE DE SOUTENANCE : - compliance Monsieur le Professeur Jean-Luc Cadoré Madame le Docteur Jeanne-Marie Bonnet Madame le Docteur Isabelle Bublot 14 octobre 2005 5, Rue Henri Matisse 83 400 Hyères-les-Palmiers 210