Quand Le Canard traîne les pattes Histoire : La médecine au temps des hébreux Hanouka : La fête des lumières Poésie : Nous les survivants Juifs aux Etats-Unis : Le “big dream” de Barack Obama N°285 - DÉCEMBRE 2008 - 3€ M 01907 - 285 - F: 3,00 E Edito : La bourse et la vie 3:HIKLTA=\UXUUU:?a@m@i@p@a; N°285 - DÉCEMBRE 2008 AU SOMMAIRE D’ EDITO 4- La bourse et la vie par josy eisenberg L’ACTUALITÉ 8- Le pari Hillary Clinton par Dominique Moïsi 31 8 JUIFS AUX ÉTATS UNIS 12- Le "big dream" de Barack Obama par Salomon Malka CHRONIQUE 14- Les appels que je ne signe pas par Guy Konopnicki POÉSIE 18- Nous, les survivants par Georges Kornheiser JUDAÏSME 28 24 20- "Mes figures bibliques" par Naïm Kattan HISTOIRE 24- La médecine au temps des Hébreux par Bruno Halioua HANOUKA 28- La fête des lumières 34 38 LA VIE DU CONSISTOIRE - 30 BICENTENAIRE 34- Connaissez-vous l'histoire de la synagogue de la Victoire ? par Philippe Landau COMMUNAUTÉS DE PROVINCE 4 36- A la découverte de la Communauté juive de Metz par Evelyne Gougenheim BONNES FEUILLES 12 38- L'enfant juif de Varsovie par Frédéric Rousseau LIVRES 39- Quand Le Canard traîne les pattes par VM CINÉMA 41- Le dilemme cornélien d'un amoureux new-yorkais par Elie Korchia 36 41 INFORMATION JUIVE 17, rue Saint-Georges 75009 Paris Rédaction : 01 48 74 34 17 Administration : 01 48 74 29 87 Fax : 01 48 74 41 97 [email protected] Fondateur : Jacques Lazarus Gérant de la SARL, directeur de la publication : Philippe Meyer Directeur : Victor Malka [email protected] COURRIER - CARNET - 42 Editorialiste : Josy Eisenberg Chroniqueur : Guy Konopnicki Comité de rédaction : Josy Eisenberg, Michel Gurfinkiel, Victor Malka, Joël Mergui, Philippe Meyer Collaborateurs : Armand Abécassis, Anne-Julie Bémont, Albert Bensoussan, Paul Giniewski, Hélène Hadas-Lebel, Carol Iancu, Gérard Israël, André Kaspi, Naïm Kattan, Elie Korchia, Odette Lang, Annie Lelièvre, Daniel Sibony. 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Les riches sont moins riches, et les pauvres sont plus pauvres. C’est bien entendu ce second constat qui nous afflige et nous inquiète, et l’on voit bien le cortège de misères et de désespoirs qui se profile à l’horizon. Quant aux nantis, on est tenté de ne verser qu’une petite larme sur leur sort, d’autant plus que leurs pertes sont souvent virtuelles et peut être pas définitives. Pour prendre un exemple parmi les fortunes juives, il se dit que Roman Abramovitch était à la tête de 18 milliards de dollars et que ses actifs aujourd’hui ne s’élèvent “plus”qu’à 3 milliards… Résultat ? Il ne s’achètera sans doute pas un yacht de plus et s’offrira quelques footballeurs de moins. Pas de quoi pleurer ! Cependant, même là, les choses ne sont pas si simples. Israël et les communautés de la diaspora vivent en grande partie de la philanthropie. Or, d’ores et déjà, près de la moitié des sommes promises par des donateurs, notamment aux Etats-Unis, ne sont plus versées aux institutions caritatives. Elles seront contraintes à de drastiques réductions de leurs budgets. Autrement dit, et sans vouloir regarder par le petit bout de la lorgnette, une situation dramatique qui met en péril l’humanité tout entière, les communautés juives en paieront le prix fort. Depuis le début de la crise, les analystes ne se sont pas privés d’inonder les médias de savantes réflexions sur les causes financières et les conséquences économiques de ce désastre : récession, chômage, inflation et – ou – stagflation – paupérisme et tutti quanti. Je n’aurai pas l’outrecuidance d’ajouter mon grain de sel, sans grand intérêt, à ce flot d’informations. Tout semble avoir été dit du point de vue de l’analyse économique et financière. Néanmoins, si l’on considère les choses du point de vue de la Torah, on découvre 4 INFORMATION JUIVE décembre 2008 PAR JOSY EISENBERG aisément que toute la lumière n’a pas été faite. Quelques observations fondamentales me paraissent donc s’imposer. La première cause de la crise, c’est bien entendu la spéculation financière. Elle a été accentuée par le problème des crédits et du prêt à intérêt : les fameuses subprimes. Or, l’une des plus importantes préoccupations de la Torah a été précisément de s’opposer constamment au prêt à intérêt, qualifié de morsure – on a envie de dire : de mort sûre – et comparée à la fameuse livre de chair du “Marchand de Venise”. Ce n’est pas le fait de prêter que la Torah stigmatise. Bien au contraire : elle en fait un impératif catégorique de solidarité “si ton frère s’écroule, aide-le à se relever.” (Lévitique 25, 25) Bien entendu, les choses ne sont pas si simples. Toutes les restrictions, d’une rare rigueur, que le Talmud impose au prêt à intérêt semblent bien ne concerner que les relations entre personnes et non les affaires commerciales. Aussi bien, à partir de la Renaissance, le développement du système bancaire en Europe a-t-il tout naturellement interpellé la loi rabbinique et exigé des accommodements. C’est ainsi qu’est né en Pologne le fameux “Héter Iska” : en deux mots, l’exigence d’une participation aux risques s’agissant d’un prêt destiné non pas à faire face à une détresse personnelle mais accordé dans le cadre du monde des affaires. C’est pourquoi les banques juives ou israéliennes ne se font pas faute – si l’on peut dire – de prêter. Avec pour conséquence l’inévitable et endémique problème du surendettement. Or, il se trouve que ce problème avait, lui aussi, trouvé une solution – théorique – dans deux lois de la Torah dont on ne peut qu’admirer l’originalité, la Chemita – l’année sabbatique – tous les sept ans, et le Jubilé : tous les cinquante ans. Dans le premier cas, il s’agissait d’annuler purement et simplement les dettes des particuliers. Quant au Jubilé, il demandait de remettre à zéro les compteurs de l’aliénation du patrimoine immobilier. Lorsque l’on voit l’étendue des confiscations et expulsions qui sont en train d’être opérées aux U.S.A. – mais aussi, hélas, en Israël – c’est peu de dire à quel point les lois de la Torah étaient prémonitoires ! La vérité historique impose, certes, de reconnaître que ces lois relèvent apparemment de l’utopie. Les rabbins du Talmud en avaient eux-mêmes pris conscience en les amendant au point de les rendre quasiment caduques ! Mais le mot “utopie” ne signifie pas impossible. Etymologiquement, il désigne une disposition qui “n’ a pas encore trouvé sa place. ”Qui n’est pas irréalisable, sinon il serait absurde de la penser, mais qui n’a pas été réalisée. C’est d’ailleurs pourquoi les sociologues parlent “d’utopie dynamique” : une idée – un idéal – destinée à stimuler l’imagination et à tendre vers son accomplissement. Le messianisme juif est à cet égard un bon exemple d’utopie, tout comme le retour à Sion. Sans ces deux utopies, le peuple juif aurait disparu depuis longtemps. Elles furent la colonne vertébrale et le souffle qui lui permirent de survivre. D’ailleurs, le monde moderne n’a cessé d’accoucher d’innombrables utopies dont nos ancêtres n’étaient même pas capables de rêver. Qui aurait cru, au Moyen-âge, qu’un jour un homme pourrait parler à un autre homme d’un continent à l’autre, marcher sur la lune, remplacer un cœur ou réaliser le rêve d’Icare ? Le péché originel du monde moderne, c’est donc d’avoir perverti l’usage du prêt à intérêt. C’est ainsi qu’une procédure destinée, comme la dîme ou plus tard l’impôt sur le revenu, à atténuer les disparités de la vie socio-économique s’est transformée en système d’enrichissement d’un capitalisme devenu sauvage et incontrôlé. En fait, d’avoir donné libre cours à un double désir, pour ne pas dire une double avidité : les uns – les prêteurs -, disposant d’ailleurs de capitaux le plus souvent confiés par des particuliers, peuvent ainsi vivre de profits générés non par le travail EDITO mais par l’argent. Comme disait Mitterrand : “s’enrichir en dormant”. Pour les autres – les emprunteurs – spéculer sur un enrichissement futur afin de disposer dès à présent de biens qu’ils n’ont pas les moyens d’acquérir. Ce que le Talmud décrivait en des termes pleins de bon sens : “des biens qui ne sont pas encore venus au monde…”. Ce sont là les effets pervers de la société de consommation et de l’amour immodéré de l’argent, devenu la valeur numéro un de nos sociétés : le sacro-saint profit à propos duquel les analyses de Marx restent tout à fait pertinentes. Comprenons-nous bien. Il ne s’agit ni de remettre en question la légitimité de la consommation ni de la croissance dont elle est le vecteur. C’est une des formes du progrès. Dans le judaïsme, la croissance économique est toujours synonyme de bénédiction. Il ne s’agit pas davantage de condamner l’économie de marché et toute forme de crédit, terme qui, soit dit en passant, est en hébreu synonyme de confiance et de foi. Il y aurait beaucoup à dire sur cette synonymie. Ce qui pose problème, c’est la généralisation de taux d’intérêts qui, même limités, finissent par devenir usuraires au sens de la morsure que nous évoquions. Et de constater que l’aspect financier de ce système a totalement éclipsé sa fonction sociale. Je ne suis pas assez naïf pour prétendre que la Torah serait apte à résoudre tous les problèmes, ni qu’elle dispose d’une théorie économique permettant de faire face à toutes les crises. Je constate simplement que la direction qu’elle nous indique est la bonne, et qu’il serait souhaitable que l’on revienne aux fondamentaux : la véritable fonction d’une société, c’est de faire le bonheur des hommes et non pas de créer d’artificielles richesses. Je ne dirai pas non plus que la solution, c’est de prendre l’argent aux riches pour le donner aux pauvres. Il existe un consensus chez les économistes sur ce point : d’une part, cela ne résoudrait guère le problème du paupérisme ; de l’autre, ce n’est pas la cause profonde de la crise. Je veux bien. On ne peut cependant ignorer à quel point les inégalités de salaire sont devenues exponentiellement choquantes. Un exemple entre mille, ou plutôt entre millions… Ce matin, je lis dans un journal que tel PDG a gagné 40 millions d’euros l’an dernier. Certes il en est qui gagnent infiniment plus. Mais contentons-nous de cet exemple. J’ai fait un rapide calcul. En un mois, cet homme a donc gagné 3,3 millions d’euros. Si l’on prend un salarié moyen avec un salaire de 1 500 euros, soit 18 000 euros par an, il gagnera en une vie de labeur – quarante ans - 720 000 euros. Autrement dit, il faudrait à ce salarié pratiquement cinq vies de travail pour gagner ce que ce PDG a obtenu en un mois… Il y a urgence. Il faudra que très rapidement s’opère une révision déchirante des mœurs du monde des affaires pour que d’aussi aberrantes inégalités deviennent tout simplement illégales et impossibles. Pour l’heure, le pouvoir politique reste particulièrement frileux devant cette perspective. On envisage simplement, par exemple, un léger plafonnement de la fiscalité des stocks-options. De qui se moque-t-on ? Quant à l’argument sans cesse répété selon lequel une trop grande fiscalisation des hauts revenus entrainerait une fuite à l’étranger des “cerveaux” de la finance, il n’appelle qu’un haussement d’épaules. Chiche ! On verra bien combien de candidats tout aussi valables se présenteront pour leur succéder. Comme disait le général de Gaulle, interrogé sur ce qui se passerait s’il venait à décéder “ce ne sera pas le vide, mais le trop plein…”. D’ailleurs, il suffirait d’une législation européenne, voire internationale, pour que le problème ne se pose plus. Bref, ce que nous vivons, c’est d’abord une crise des valeurs. Nous payons très cher d’avoir toléré sans protester le veau d’or du sacro-saint profit. Et d’avoir oublié que les bonnes “actions” et les bonnes “obligations” ne se situent pas seulement au Palais Brogniart. VERBATIM HENRI GUAINO. Conseiller du président de la République : " Il faut comprendre à côté de quoi on est passé. Ou bien on réinvente le monde, ou bien il se réinventera tout seul et cela risque d'être pour le pire " IVAN RIOUFOL. Chroniqueur : " Le déni du choc des cultures que les islamistes viennent à nouveau de contredire en attaquant Bombay ( Inde), fait partie de ces mensonges officiels qui n'ont pas de sens " ALAIN BENTOLILA. Professeur de linguistique : " Un des problèmes essentiels qui pèsent sur ces systèmes éducatifs est le niveau très faible d'une grande 6 INFORMATION JUIVE décembre 2008 JEAN DELUMEAU. ALI AKBARI. Professeur honoraire au Collège de France. Membre de l'Institut : Chef de l'organisation de la jeunesse iranienne : " La religion commence là où la connaissance trouve ses limites " partie des enseignants, tant dans la transmission des savoirs de base que dans la maîtrise de la langue " BARACK OBAMA. Président élu des Etats-Unis : " Je souhaite un débat vigoureux à la Maison Blanche. Mais en tant que président, c'est moi qui fixe la politique. J'attends de mes collaborateurs qu'ils mettent en pratique ma vision ". " Ce qui menace véritablement l'Iran, c'est la bombe sexuelle et non pas les bombes et les missiles ennemis. Les jeunes ont besoin de voir leurs besoins sexuels satisfaits par le biais du mariage " CHARLES PASQUA. Ancien ministre : " Jacques Chirac, je le dis avec le recul, c'était une erreur de casting. Il n'était pas au niveau de la fonction ". NICOLAS SARKOZY. Président de la République : " Si l'UMP avait perdu les élections, elle connaîtrait exactement la même crise que le PS ". Photo Arnaud Février©Flammarion L'ACTUALITÉ UN ENTRETIEN AVEC DOMINIQUE MOÏSI Le pari Hillary Clinton Dominique Moïse est l'un des membres fondateurs de l'IFRI ( Institut français des relations internationales ) dont il est aujourd'hui le conseiller spécial. Enseignant à l'université de Harvard, il est l'un des spécialistes Dominique Moïsi européens des questions internationales les plus reconnus dans le monde. Dans le nouveau livre qu'il publie " La géopolitique de l'émotion " ( Editions Flammarin. 20 euros) plaide pour une culture qui tourne le dos à la peur et qui se tourne vers l'espoir. Moïsi dédie son livre " à la mémoire de son père, Jules Moïsi, matricule 159721 à Auschwitz qui survécut à la peur et à l'humiliation pour m'enseigner l'espoir ". Information juive a rencontré Dominique Moïsi. OOO I.J : Dans votre livre, vous écrivez que le 4 novembre dernier, les Américains se sont choisi une nouvelle identité. Laquelle ? Dominique Moïsi : Celle qui inaugurerait une politique d'ouverture sur le monde. Il y a eu un dessin paru dans le Herald Tribune et qui symbolise parfaitement cette nouvelle identité. On y voit un Noir et un Blanc qui sont dans les bras l'un de l'autre. Le Noir a une petite larme. Le monde entier regarde, lève les bras au ciel en disant : " Yes, they could " ( Oui, ils ont pu). Le mot qui convient peut-être pour dire cette identité c'est celui de réconciliation. Réconciliation de l'Amérique avec ellemême et son espoir et d'autre part réconciliation avec le monde après la période de la présidence Bush. I.J : Comment vous apparaît l'Amérique à l'heure où Barack Obama se prépare à en prendre les commandes ? D.M. : C'est une Amérique qui souffre et qui, sur le plan économique et social, est dans une situation extraordinairement fragile. C'est une Amérique qui a deux guerres sur les bras. En Irak , ce n'est pas encore fini et en Afghanistan cela devient chaque jour pire. C'est un pays qui a choisi l'espoir dans un moment particulièrement difficile pour lui. La société américaine souffre et le pari de Barack Obama c'est de lui rendre confiance et de ne pas la décevoir très vite. I.J : Certains considèrent qu'il ne peut que la décevoir étant donné les attentes multiples des Américains. D.M. : C'est une vision des choses qui me paraît un peu réductrice et simpliste. Obama est un homme exceptionnel qui fait face à une situation exceptionnelle. Il a 8 INFORMATION JUIVE décembre 2008 compris la nature des défis auxquels il a à faire face. Je pense qu'il peut réussir. I.J : Quelle signification donnez-vous au fait que Hillary Clinton ait été appelée à diriger la diplomatie américaine ? D.M. : Laissez-moi vous dire que de toutes les décisions qui ont été prises, c'est celle qui m'embarrasse le plus. J'y vois une logique de politique intérieure. En revanche, je ne vois pas le message évident par rapport à la volonté de changement et par rapport à la politique étrangère. Cela peut vouloir dire deux choses : la première c'est que la politique étrangère n'est pas essentielle pour Obama et que, dans son mandat, il entend donner la priorité des priorités à l'économie ; mais cela peut vouloir dire également qu'Hillary Clinton sera sa porte-parole. On n'attend pas d'elle qu'elle contribue dans le fond à la politique étrangère des Etats-Unis. Cela étant, je crois que pour équilibrer ce choix qui, effectivement, ne me paraît pas convaincant, il y a la nomination de Susan Rice comme ambassadeur auprès des Nations Unies avec un rang de ministre, ce qui lui permettra d'assister aux réunions du cabinet. Il s'agit d'une femme qui, en dépit de son jeune âge - elle a 44 ans - a une compétence forte et des opinions solides. La personnalité qui fera pièce, au sein du gouvernement, à Mme Clinton, sera le général James Jones, le Conseiller à la sécurité. Il sera intéressant de voir l'équilibre qui s'instaurera entre ces deux personnalités. I.J : On dit de Mme Hillary Clinton qu'elle est très proche de l'Etat d'Israël. D.M. : C'est très bien ainsi. Mais la question est de savoir ce qu'on en fait. Est- ce qu'on est ami d'Israël en essayant de convaincre les Israéliens que le confort du statu quo dans lequel ils s'enferment est dangereux à terme ou bien en leur disant : faites ce que vous voulez. Je pense personnellement qu'Obama est convaincu du fait que ses deux prédécesseurs ont fait l'erreur de s'occuper beaucoup trop tard de ce conflit. Lui-même ne veut pas répéter cette erreur mais a-t-il les moyens de faire autrement? I.J : Mais on peut dire qu'il y a plus que des nuances entre elle et Obama au sujet du conflit israélo-palestinien. D.M. : C'est au contraire difficile à dire. Il y a les discours prononcés par le candidat Obama. Il s'agit de discours électoraux. Il a voulu rassurer l'électorat juif. Mais quelle est sa vision réelle ? Que pense-t-il vraiment ? On peut considérer comme une évidence que la sécurité d'Israël est prioritaire pour Obama comme elle le fut pour Bush ou pour Clinton. I.J : Vous considérez Téhéran comme la capitale de l'islam aujourd'hui. Les Etats-Unis doivent-ils négocier avec l'Iran d'Ahmadinejad ? Doivent-ils parler avec le Hamas ? D.M. : Ma première remarque est qu'il faut parler à ses ennemis. Tout dépend de la manière dont on le fait et du moment où on le fait. Téhéran est le cœur d'un certain monde islamique : celui qui est le plus radical. A l'inverse, l'Arabie Saoudite est devenue aujourd'hui bien plus importante qu'elle ne l'était hier. Il y a donc deux pôles : un pôle de confrontation avec l'Occident derrière l'Iran et un autre de dialogue derrière l'Arabie Saoudite. Etant entendu que le grand exclu de ce jeu c'est l'Egypte. L'ACTUALITÉ Faut-il négocier avec l'Iran ? La réponse est oui. Mais cela ne veut pas dire nécessairement négocier avec Ahmadinejad. Il existe d'autres multiples canaux de négociation. Il faut savoir qu'un conflit armé avec l'Iran est aujourd'hui très difficile parce que la situation économique mondiale rendrait l'attaque stratégiquement discutable. Pourquoi ajouter le chaos au chaos ? Par ailleurs, est-ce cela constitue aujourd'hui la priorité des priorités ? Estce que le Pakistan n'est pas plus dangereux lui qui possède déjà l'arme atomique ? Les déclarations du président iranien sur Israël sont irresponsables et provocatrices. Quand Ahmadinejad parle dans les termes que l'on sait de la nécessité de détruire l'entité sioniste, son discours radical séduit davantage la rue arabe que la majorité des Iraniens. Cette majorité prête plus d'attention à son incapacité à gérer la situation économique et sociale. Mais cette même majorité s'unirait derrière lui en cas d'attaque extérieure. Pour ce qui est du Hamas, il y a une distinction à faire. D'un côté les éléments totalement radicaux et qui sont opposés à toute forme de dialogue avec Israël et avec l'Occident. Mais de l'autre, il y a une force d'opposition disons centriste qui utilise le discours le plus radical afin d'obtenir quelque. La majorité du Hamas est aujourd'hui sans doute prête à un accord de coexistence avec Israël mais attend que les Israéliens fassent le premier pas. Bref, je considère que ne pas négocier avec le Hamas n'est pas raisonnable. Le risque d'un blocage total est trop grand. S'attacher à ne considérer comme valable que l'Autorité palestinienne ne me paraît pas responsable, compte tenu du rapport de forces dans la société palestinienne mais aussi de la faiblesse extrême de cet homme par ailleurs fort estimable qui est Mahmoud Abbas. I.J : Que faire, selon vous, face à la menace nucléaire iranienne ? Faut-il attendre les bras croisés que l'Iran dispose de la bombe atomique ? D.M. : Dans ce dossier, il n'y a pas de bonnes solutions. Je ne crois pas que soit possible aujourd'hui une attaque d'Israël et des Etats-Unis contre l'Iran. L'Amérique ne peut aujourd'hui ni encourager ni même accompagner Israël dans une telle stratégie. Il s'agirait donc d'une action unilatérale d'Israël qui se ferait contre la volonté du gouvernement américain. Ce serait là pour Israël un risque considérable. Même si l'opération était militairement, techniquement parlant, réussie, son coût politique serait gigantesque. Sans compter que cela ne ferait que retarder une échéance qui, lorsqu'elle se produirait, deviendrait plus grave parce qu'elle serait renforcée par un esprit de revanche. Il faut donc continuer à négocier et renforcer le coût économique pour l'Iran. I.J : Mais jusqu'à présent cela n'a servi à rien ! D.M. : C'est vrai mais d'une part nous n'étions pas totalement unis dans nos sanctions. D'autre part, celles-ci n'étaient pas suffisamment fortes. Nous devons continuer en espérant le départ de cet homme particulièrement irresponsable Ajmadinejad. Car il y a un contraste entre le populisme brutal de cet homme et la tradition culturelle d'un pays qui est quand même un des pôles de la civilisation mondiale. Il faut jouer le temps. Cela ne veut pas dire que le temps résoudra le problème. Je sais par ailleurs que maintenir la pression militaire sur Téhéran fait partie du jeu diplomatique. L'ACTUALITÉ I.J : Votre étude est consacrée à la place des émotions dans les relations internationales. Vous dites que le conflit israélo-palestinien est naturellement chargé d'émotions. Pour vous, c'est l'humiliation qui est la cause profonde du radicalisme musulman. C'est à cause d'elle que l'islam aujourd'hui est dans l'opposition au monde occidental. D.M. : Sans mettre en avant l'humiliation du monde arabo-musulman, le sentiment qu'il a d'un déclin historique et sa quête de dignité, on ne peut pas comprendre ce qui s'y passe aujourd'hui. Cela ne veut pas dire qu'il n'a pas lui-même une certaine responsabilité dans ce sentiment d'humiliation. Mais considérer qu'il y a dans la culture de l'islam quelque chose de fondamentalement mauvais sinon inférieur constitue un présupposé - historiquement faux au demeurant - et qui ne conduit pas à comprendre ou à trouver des solutions. Ce que j'essaie de dire c'est qu'à l'heure de la mondialisation, le rapport à l'autre devient plus important que jamais. Il y a plus que jamais la nécessité d'aller vers l'autre et de se mettre à sa place. majorités, la prime aux petites formations qui prennent en otage la politique du pays, la médiocratisation grandissante des élites politiques… I.J : Dans la conclusion que vous donnez à votre travail, vous vous livrez à ce que vous appelez " un exercice d'anticipation historique " dans deux directions. Dans l'une - celle où la peur prévaut, vous dites qu'après la quatrième Intifada en 2018, il y aura une israélisation du monde. La culture de la peur deviendra universelle. Mais n'est-ce pas déjà le cas ? D.M. : C'est en effet en partie le cas mais le scénario catastrophe que je décris va bien au-delà. On m'a d'ailleurs reproché de n'avoir pas poussé plus loin les aspects noirs de ce scénario. Mais tel qu'il est, il est crédible, beaucoup plus en tout cas que le scénario de l'espoir. Je décris au fond un monde où l'homme est devenu un loup pour l'homme. Les contrôles aux frontières dans le monde sont I.J : Qu'appelez-vous " l'italianisation " d'Israël ? D.M. : La confusion politique, le mépris grandissant de la société civile pour la classe politique…Le message que j'ai essayé de transmettre dans ce livre est un message d'amour pour l'essence et pour les performances d'Israël. Il faut sans cesse rappeler que la renaissance de l'Etat juif relève du miracle. Israël est aujourd'hui une démocratie à l'occidentale comme les autres et, comme les autres, elle subit la crise de la démocratie. Ajoutez y des raisons techniques ou spécifiques : le mode de scrutin qui est suicidaire,l'incapacité de former des 10 INFORMATION JUIVE décembre 2008 I.J : Vous avez toujours voulu réconcilier l'éthique et le géopolitique. D.M. : La géopolitique c'est l'univers des monstres froids que sont les Etats. On disait dans le temps : l'ambassadeur est un honnête homme envoyé par son pays à l'étranger pour mentir. C'est un peu la vision classique de la diplomatie. Mais aujourd'hui, il est me semble-t-il dangereux de dissocier géopolitique et éthique. Il est réaliste d'être moral. C'était déjà le thème de mon précédent ouvrage avec Hubert Védrine qui considérait que la morale n'a rien à voir avec le réalisme tandis que je pensais le contraire. Je dis qu'il est trop dangereux de ne pas être moral. J'ajouterai que l'éthique doit être tempérée par le réalisme et le réalisme doit être tempéré par l'éthique. I.J : Et cette humiliation excuse tout y compris " les bombes humaines " ? D.M. : Je n'ai jamais écrit qu'elle "excuse" mais elle explique. I.J : Vous considérez le terrorisme non pas comme un ennemi mais comme une tactique qui continuera d'être utilisée aussi longtemps qu'on la jugera efficace. D.M. : Il n'y a pas dans cette formule un jugement de valeur. C'est là l'analyse du spécialiste des relations internationales. Au fond, la formule " la guerre au terrorisme " n'a pas de sens. On ne fait pas la guerre à un moyen. C'est comme si, au cours de la deuxième guerre mondiale, on avait dit qu'on ne faisait pas la guerre à Hitler mais à ses chars et à ses tanks. Et cette formule n'est pas de moi mais de Bernard Lewis. messianisme religieux ? D.M. : Je suis un juif croyant même si je ne pratique pas beaucoup. Je crois que le monde sans l'existence de Dieu est difficile à comprendre. Cette vision que je décris est mienne, je veux dire qu'elle m'est naturelle. Quand je pense au voyage de Sadate en Israël, en 1977, je me dis que je verrais bien aujourd'hui Obama entouré du roi d'Arabie Saoudite, du roi de Jordanie et du président égyptien se rendant à Jérusalem et à Ramallah et disant aux Israéliens et aux Palestiniens: c'est le moment ! Hillary Clinton devenus aussi minutieux que peuvent l'être ceux que l'on connaît en arrivant en Israël. I.J : Dans ce premier scénario, les Etats-Unis et Israël ont attaqué l'Iran et renversé le président Ahmadinejad mais cela se solde, comme en Irak, par une catastrophe politique. D.M. : J'ai choisi de terminer ce livre avec la description de ces deux scénario parce qu'ils confortaient le message que je souhaite donner aux lecteurs. Je veux leur dire : le monde dans lequel vos enfants et vos petits enfants vivront vous appartient. J'ai fait ce livre non pas pour les spécialistes mais pour " l'honnête homme " I.J : Dans l'autre scénario, c'est l'espoir qui prévaut. En 2025, la paix sera à portée de main. Islam et modernité deviendront compatibles et les intégristes seront partout sur la défensive. C'est une vue laïque du I.J : La fin de votre livre est très émouvante. Vous dédiez ce livre à votre père Jules Moïse, " matricule 159721 à Auschwitz ". Vous dites qu'il vous a enseigné l'espoir et que vous vous sentez désormais investi d'une sorte de mission. D.M. : Je crois que plus on avance dans l'âge, plus on essaye d'aller à l'essentiel de son identité. Je pense qu'être fils de survivant de la Shoah implique une certaine responsabilité. On peut, me semble-t-il, aborder cette histoire de deux manières : soit alimenter en soi une sorte de ressentiment total et de méfiance sinon de haine, en tout cas de défiance et de pessimisme à l'égard de l'humanité ou, au contraire, se dire que c'est un miracle que l'on soit encore là et donner encore plus de sens à son existence. Dans mon cas, disons que je cherche à éveiller les consciences. Dans ce livre, je n'ai pas cherché à faire progresser la science politique mais, à la marge, de plaider pour un humanisme optimiste. Propos recueillis par V.M « 13e coup double pour l'emploi » DROITS et DEVOIRS des EMPLOYEURS et des EMPLOYES A l'occasion de la 13ème campagne “Coup Double pour l'emploi”, le Bureau du Chabbat a choisi pour thème de cette campagne, "L'éthique juive dans le monde du travail ". Dans un monde où les notions de la morale universelle semblent de plus en plus être perdues de vue, il nous semble nécessaires de rappeler quelques principes essentiels régissant le monde du travail, en abordant la question des Droits et devoirs entre employeurs et employés". La crise économique actuelle nous laisse entrevoir les pires difficultés dans ce domaine. Les employeurs, contraints d'assurer la survie de leur entreprise, sont parfois amenés à licencier brutalement tout ou partie de leur personnel. Celui-ci, luttant à juste titre pour garantir ses droits, utilise parfois l'arme des grèves pour tenter d'enrayer les décisions patronales, ce qui aboutit dans des cas heureusement limités, à des déprédations de matériel, à des occupations de terrain pouvant causer de graves préjudices. En tout état de cause, et dans la mesure où l'enseignement des valeurs juives que nous trouvons dans nos textes sacrés, dans la TORAH ou dans la Tradition Rabbinique, sont encore pris en compte, chacun doit savoir prendre ses responsabilités pour éviter des situations graves, au détriment de l'une ou l'autre partie en cause. Selon le Talmud notamment, chacune des deux parties doit se considérer comme étant liée par contrat, écrit ou oral parfois. Chacun doit le respecter scrupuleusement. Il est notamment interdit de retenir le salaire. Celui-ci doit être réglé, sans attendre, à la semaine, au mois, selon les conventions. Il est vrai que de nos jours les règles du droit du travail sont très sérieuses. Mais un employeur juif ou un employé juif, ont à l'observer avec davantage de précautions encore. Devoirs de l'employeur : Il est tenu de se conformer aux usages qui règlent le travail dans le lieu où il réside. Nous trouvons ces règles indiquées dans le Traité talmudique de BABA METSIA, folio 7 a entre autres. Ainsi, il est interdit de contraindre ses employés à un dépassement d'horaire, sauf accord préalable, et moyennant compensation supplémentaire. Il va sans dire que le respect du Chabbat et des fêtes est la base même des rapports entre les deux parties concernées. L'employeur doit des égards aux personnes travaillant pour lui. Plusieurs textes bibliques méritent une attention particulière. Ainsi, comme nous venons de le rappeler plus haut, il est interdit de retarder le paiement au delà du temps de travail fixé, sous peine d'enfreindre cinq commandements : “Tu n'opprimeras pas ton prochain” (Lévitique XIX, 13) “Tu ne lui raviras rien” (dito) “Tu n'opprimeras pas ton employé, pauvre et nécessiteux” (Deut. XXIV, 14) “Tu ne retiendras pas jusqu'au lendemain le salaire d'un mercenaire”(Lévitique XIX, 13) “Tu lui donneras son salaire dans la journée” (Deut. XXIV, 15). Tous ces principes sont largement discutés dans ce même traité de BABA METSIA - Folio 111 a. Devoirs des employés : Leur temps et leur énergie ont été recherchés pour répondre aux nécessités d'une entreprise. Ils doivent honnêtement les fournir en compensation de leur salaire. Ne pas donner à l'employeur le meilleur de ce qu'on peut faire serait en quelque sorte une tromperie semblable à celle du commerçant trompant le client sur la mesure, sur le poids ou sur la qualité d'un article. Telle est l'opinion des rabbins non seulement en théorie mais aussi en pratique. Le Talmud nous fournit quantité d'exemples à ce sujet. Le temps de travail est sacré. Il ne peut être utilisé pour régler des affaires personnelles, ce qui exclut par exemple, toute possibilité d'utiliser le téléphone d'une entreprise pour des conversations privées. De même, sauf accord patronal, il serait interdit d'utiliser du matériel appartenant à l'employeur pour des besoins personnels. Les deux parties se doivent respect et confiance pour assurer la bonne marche de l'entreprise. Cela paraît si simple et si évident, et pourtant, il vaut mieux le répéter, pour éviter des tensions et des ressentiments comme il nous est parfois arrivé d'en constater, aboutissant à des conflits graves, qui finissent devant une juridiction religieuse mais bien plus souvent civile. Il est clair que les intérêts de chacun doivent être ménagés pour vivre harmonieusement et réaliser ainsi pleinement ce qui est le fondement même de notre Tradition religieuse à savoir : " Tu aimeras ton prochain comme toi-même " (Lévitique XIX, 18). Malgré la gravité de la crise économique que nous subissons tous à des titres divers, il faut espérer, que cette année plus que jamais, nombreux seront ceux, employeurs ou employeurs, qui sauront bénéficier de l'expérience bénéfique que pourra leur assurer le Bureau du Chabbat, si indispensable pour garantir à chacun sa dignité d'homme et de juif. Grand-Rabbin Alain GOLDMANN INFORMATION JUIVE Décembre 2008 11 JUIFS AUX ÉTATS UNIS Le “big dream” de Barack Obama L " a foi et la religion ". Ce fut le tout premier grand débat des élections présidentielles américaines. C'était l'été. Bien avant le tsunami financier. Dans une église californienne, la " Saddleback Church ", à Lake Forest, un prédicateur très en vue - le " Time " le présentait comme le successeur de Billy Graham - Rick Warren avait convié les deux candidats devant un public " évangéliste " qui assista pendant deux heures au feu roulant des questions du pasteur à l'adresse successivement de Barack Obama et de John Mc Cain. Le mal existe-t-il, et s'il existe, faut-il le dénoncer, le combattre ou l'amadouer ? Quel est votre rapport à Dieu, au péché, à Jésus-Christ ?...Questions étranges en vérité, et qui ne laissaient pas de surprendre l'observateur extérieur. Est-on vraiment dans le pays de la séparation de l'Eglise et de l'Etat ? Imagine-t-on une émission de ce type ailleurs ? Rick Warren a beau s'expliquer plus tard au micro de Larry King, dire que son interview portait sur la croyance, sur la foi plutôt que sur les pratiques religieuses, et que le public a besoin de mieux connaître les candidats, leur point de vue sur le monde, sur l'avortement, sur le Darfour…, on avait du mal à se départir de l'idée que la religion investissait le débat public d'une manière beaucoup plus directe que par le passé. 70% qui se réclament d'une religion, 38% de chrétiens engagés, et plus de citoyens qui croient aux anges qu'à l'évolution. Donc pour Obama, les laïcs ont tort quand ils demandent aux croyants de laisser leur religion à la porte, avant d'entrer dans la scène publique : " Dire que les hommes et les femmes ne devraient pas injecter leur morale personnelle dans les débats publics est pratiquement une absurdité. Notre loi est par définition une codification de la morale dont la majeure partie est basée sur la tradition judéo-chrétienne ". Dans le même temps, il écrit dans " L'audace d'espérer " : " Je pense que la religion, dans ce qu'elle a de meilleur, vient avec une bonne dose de doute ". A l'Université de Chicago, situé dans le sud de la ville, à la lisière des quartiers noirs, Tom Mitschell est professeur de littérature et directeur d'une revue de gauche " Critical Enquiry ". Il a été le collègue de Barack Obama et son voisin - le candidat démocrate habite les " neighborhouds " proches, et son Eglise, qui a fait si grand tapage, la " Trinity Church " du révérend père Jeremie Wright, est située à deux pas. Doublement collègue puisque le sénateur de l'Illinois a enseigné le droit à cette même université et a dirigé la " Law Review ". " Nous l'aimons beaucoup ici, dit Tom Mitschell, parce qu'il représente l'espoir de rétablissement d'une démocratie qui a été beaucoup bousculée. Il dit souvent qu'il est comme un blankslate ( une ardoise) où les gens projettent leurs espoirs et leurs désirs ". Et il ajoute qu'il admire par ailleurs sa plume d'écrivain. " Il se situera dans la lignée des grands écrivainsprésidents, Lincoln, Roosevelt… " Le temple Sinaï, synagogue très " people " dans un quartier de Los Angeles. David Wolpe est un rabbin au physique de jeune premier, arrivé en tête des personnalités religieuses les plus populaires aux Etats-Unis. Il vient de publier un livre sur l'interreligieux, dont il fait la promotion avec le sourire à la fin de son sermon, en prenant la peine de préciser que la préface est de Rick Warren (décidément ce pasteur est partout !) L'audace d'espérer Une patte d'écrivain ? Sûrement. Les deux livres qu'il a écrits, qui l'ont propulsé et qui ont été deux " best-sellers " aux Etats-Unis - " Dreams of my father " ( les rêves de mon père) et " The audacity and hope " ( L'audace d'espérer) - révèlent un tempérament et ont probablement touché le public. La saga qu'il raconte réunit finalement tous les ingrédients du rêve américain : la recherche du père, la quête d'un destin, la volonté de s'en sortir… Stephen Mansfeld, journaliste au " New York Times ", fait observer que la majorité des jeunes Américains a une vue postmoderne de la religion. Elle aborde la foi un peu comme elle pratique le jazz : de manière informelle, éclectique, et souvent sans choisir un thème particulier. Il note qu'Obama rappelle à la gauche politique - en principe plus " secular " (laïque) que la droite - qu'en Amérique, il y a encore 90% des gens qui croient en Dieu, 12 INFORMATION JUIVE décembre 2008 Cinq Obama Seulement voilà. On a encore du mal à percevoir précisément où se situe, sur ces sujets, le nouveau président démocrate. Appuiet-il sur tel ou tel angle selon les polémiques du moment? Le " Time " dénombrait cinq Obama. Lequel prendra finalement le dessus sur les autres ? Le " post-moderne " qui voudrait que chacun coche dans le rayon des religions ce qui convient le mieux à ses penchants ? Le " new born " qui multiplie, chez Rick Warren, les citations des Evangiles ? Le successeur de Clinton ? Celui de Kennedy ? Ou celui de Jimmy Carter ? A mes côtés David Bibas, juif originaire du Maroc qui m'entraîne à l'office. Directeur d'un musée de la ville, lui n'a pas d'hésitations. Il soutient sans réserve Obama et a même fait campagne (l'Obamania bat son plein ici, y compris dans les synagogues où on distribue des " pin's " avec le nom du candidat en hébreu, sans parler des associations comme celles des " juifs pour Obama " en Floride…). " Higher risk, higher hope ! " me glisse-t-il. Le risque le plus gros et l'espérance la plus forte. Qui sait ? ajoute-t-il. Peutêtre que ce candidat noir, fils d'un musulman kenyan et d'une femme du Kansas, converti au christianisme et qui invite tout le monde à " rêver de grands rêves " (" Dream big dreams ") sera celui qui surprendra tout le monde. " Yes we can ". Oui nous pouvons. C'était le slogan de campagne du sénateur de l'Illinois. Vaincre la guerre globale contre le terrorisme ? Relancer l'économie ? Réconcilier la société ? Apporter la paix au Proche-Orient ? Une tradition bien ancrée Sur les hauteurs de Los Angeles, la demeure des Pearl, Judea et Ruth Pearl, les parents de Daniel Pearl, le jeune journaliste assassiné par " Al Qaida " à Karachi, avec ces derniers mots prononcés devant ses tortionnaires : " I am jewish ". Une immense photographie du jeune homme trône dans le salon. Des portraits du petit Adam tapissent le mur. On aperçoit aussi Danny en jeune barbu, grattant sur sa guitare, image très " sixtees ". JUIFS AUX ÉTATS UNIS Ruth, toute menue, pliée en deux, évolue dans l'appartement avec des tuyaux dans le nez qui traînent par terre et qu'on est amenés à enjamber. Depuis des mois, elle y est astreinte à cause d'une maladie respiratoire. Judea, énergique comme toujours, combatif, refusant de baisser les bras. Il peste contre " Al Jazeera ", contre l'imam Al Quaradawi, dans des chroniques qu'il publie dans le " Jewish Journal ", et continue en attendant à sillonner l'Amérique avec son collègue, professeur d'études islamiques. " Il n'y a aucun problème, tout le monde condamne la mort de Danny, mais quand on va au fond, quand on demande par exemple - à quand une fatwa contre Oussama Ben Laden ? - ou simplement qu'on dise si les djihadistes vont au paradis ou en enfer, du coup il n'y a plus personne ". Nous parlons des élections. Les Pearl ne connaissent pas Obama. Ils connaissent mieux le vice-président, Joe Biden. Le sénateur d'Alabama est un homme ouvert. Judea l'a entendu dire : " Je suis sioniste ". Quant au reste, la Fondation qu'ils dirigent n'est pas habilitée à prendre des positions politiques. Ruth affirme qu'ils connaissent bien McCain, que c'est un homme de bonne volonté. Pour le reste, les juifs de ce pays ont toujours voté démocrate, c'est une tradition bien ancrée. On sait peu de choses, ajoute-t-elle, sur la philosophie d'Obama, sur son approche. Il a peu d'expérience. Et sur les questions juives, il a dit un peu ce que ses publics successifs souhaitaient entendre. Sans trop s'engager. Mais la Fondation n'a pas de position politique. Elle entend rapprocher les hommes. " L'harmonie par la musique ". Et les " Chabad à Los Angeles musical days " sont repris dans des milliers de lieux aux USA et de par le monde. Ils regrettent seulement qu'en France, il y ait peu de répondant, pas de suivi en tout cas. " Pourtant, c'est si simple à organiser. Il ne s'agit de rien d'autre que d'évoquer le nom de Danny avant ou après un concert ". Et Ruth, discrète et silencieuse, se lève soudain pour allumer l'ordinateur et faire entendre un message d'Elton John offert en hommage à Daniel Pearl. Salomon Malka LA CHRONIQUE DE GUY KONOPNICKI Les appels que je ne signe pas 1. La liberté des historiens. Une pétition, signée par des chercheurs et des auteurs dont la qualité est incontestable, revendique la liberté de recherche en histoire. Elle met en garde contre l'abus de lois mémorielles, qui tendraient à mettre en place une histoire officielle. Jusqu'ici, je pourrais signer. Il n'appartient pas au parlement d'écrire l'histoire, en se substituant aux historiens, et en introduisant des tabous qui interdiraient la recherche. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, a sagement repoussé la proposition de Xavier Darcos, ministre de l'Éducation Nationale, qui envisageait un contrôle des manuels scolaires par les élus de la nation. Par nature, le parlement est amené à changer d'orientation. Une majorité de gauche avait adopté la loi Taubira sur la mémoire de l'esclavage et des victimes du colonialisme. Une majorité de droite vota un autre texte, pour faire reconnaître les La loi Gayssot ne vise pas l'histoire. Elle interdit une forme de manipulation des cerveaux qui a précédé, accompagné et suivi le nazisme. aspects positifs de la présence française Outre-mer. Si la connaissance des faits et le travail de recherche devaient dépendre des votes parlementaires contradictoires, nous serions effectivement en présence d'un déni de liberté. Le fait est que des associations ont tenté de faire condamner un historien qui ne réhabilitait nullement l'esclavage. Il démontrait que les puissances coloniales n'étaient pas seules à pratiquer la traite. Les Ottomans et les Arabes avaient précédé les Européens dans cet atroce commerce qu'ils poursuivirent bien après son interdiction par les puissances coloniales. Mais les poursuites n'ont pas abouti à une condamnation de l'auteur. La loi Taubira est ambiguë mais elle n'est pas liberticide. La pétition vise un autre texte, appelé loi Gayssot, qui assimile la négation des crimes contre l'humanité à un acte d'incitation à la haine raciale et à l'antisémitisme. Aucun historien n'a jamais été poursuivi, moins encore condamné par l'application de la loi Gayssot. Tous ceux qui travaillent sur la Seconde Guerre mondiale ont été confrontés aux preuves, de plus en plus nombreuses, de l'entreprise de destruction des juifs d'Europe. La loi a seulement facilité le combat contre la diffusion des falsifications de l'histoire, fabriquées par des officines qui ne 14 INFORMATION JUIVE décembre 2008 sont pas des centres de recherches, mais des services de guerre psychologiques financés par des États et des forces politiques. Des universités françaises avaient accepté d'entendre et de validité des thèses historiquement fantaisistes, destinées à alimenter non la connaissance, mais bien l'antisémitisme. Les historiens devraient donc s'interroger non sur la loi, mais sur le fonctionnement de nos universités dans le domaine des sciences humaines. Je ne crois pas qu'il soit possible de présenter une thèse de médecine pour démontrer que l'homme n'est pas un bipède. Non qu'il n'y ait jamais de thèses erronées dans les sciences de la nature. Mais la fonction de la recherche est de corriger les erreurs. Ce qui vaut pour l'histoire. Des historiens français, non des moindres, croyaient, en 1950, que Lénine et Staline avaient mis en place la démocratie la plus parfaite du monde. Je veux espérer qu'aucun jury universitaire français ne décernerait aujourd'hui un doctorat à une thèse qui, s'appuyant sur de nombreux documents, reportages parus dans l'Humanité et témoignages de grands intellectuels, démontrerait que Staline était un démocrate et que le Goulag n'a pas existé. Il n'est évidemment pas nécessaire d'adopter des lois pour chaque période. Mais la loi Gayssot ne vise pas l'histoire. Elle interdit une forme de manipulation des cerveaux qui a précédé, accompagné et suivi le nazisme. Cette manipulation est la théorie du complot juif, elle s'appuie sur un travail de faussaire, de la fabrication du Protocole des sages de Sion aux thèses négationnistes, en passant par la propagande nazie elle-même. Les historiens savent que les obstacles à l'étude des crimes nazis sont d'une autre nature. Les archives de l'ex-URSS, longtemps inaccessibles, ont déjà permis de mieux connaître les conditions de l'extermination des juifs, à mesure des reculs de l'Armée Rouge et de l'avancée de la Wehrmacht en 1941. Mais l'ouverture de ces archives demeure sélective. Sur les lieux d'extermination, dans les pays Baltes, en Belarus et en Ukraine les autorités locales ne manifestent pas un empressement excessif quand des chercheurs veulent retrouver les traces des crimes. Les populations ne signalent jamais spontanément les fosses communes dont elles connaissent parfaitement l'existence. Il a fallu le travail patient et acharné du père Desbois pour repérer plusieurs dizaines de lieux d'extermination. Pour ces raisons, je ne signerai pas un texte qui confond une loi de combat contre l'antisémitisme avec une loi interdisant la recherche en histoire. 2. Encore l'Ukraine Pour les mêmes raisons, je ne signerais pas les appels de soutien à la prétendue révolution démocratique ukrainienne. Le gouvernement issu de la coalition " Orange " participe à la falsification de l'histoire. Il a récompensé une fondation dont Horreur a Bombay : on aurait dit un abattoir Témoignages des bénévoles de ZAKA en mission à Bombay eudi après consultation avec le Ministère des Affaires étrangères, ZAKA à envoyé à Bombay une délégation internationale avec l'équipement nécessaire pour faire J et le rabbin Leibish Teitelbaum gisaient au sol, dans la bibliothèque, tenant des livres à la main eux aussi couverts de sang. On aurait dit un abattoir. " "Nous les avons immédiatement recouverts de Talitot. Nos larmes coulaient. La femme du rabbin Holzberg était déjà recouverte d'un Talit, son mari a semble-t-il eu le temps de la recouvrir avant d'être tué. Il y avait deux autres femmes juives attachées avec des câbles téléphoniques (Yochebed Orpaz et Norma Shwartzbalt Rabinovitz) qui avaient apparemment été tuées 24 heures plus tôt. " " Tout le Shabbat, nous sommes restés avec les corps. Sans manger. Sans boire. Sans dormir. Nous étions assis près des corps et récitions les Psaumes. Cela ne face à toute éventualité. Les parents de Rivki Holtzberg, la femme du rabbin Gabriel Holtzberg du Centre Habad à Bombay, avaient également joint le vol avec l'équipe de ZAKA. "Quand nous sommes arrivés, les combats faisaient rage. Nous n'étions pas loin et avons vu des grenades fendre l'air, entendu des coups de fusil. Les hélicoptères survolaient la zone de combat. Cela a duré des heures. Juste avant Shabbat, les tirs ont commencé à faiblir. Les commandos ont ratissé l'immeuble puis sont sortis quelques minutes plus tard en faisant le " V " de la victoire. " " Nous sommes entrés, cœur battant, dans l'immeuble. C'était l'horreur. Ce que j'ai vu, je ne l'oublierai jamais. Le rabbin Holzberg, le rabbin Bentzion Chroman les tirs des terroristes, en l'ouvrant ils ont été stupéfaits de voir que le passage abîmé était celui qui traitait de la mort des enfants d'Aaron. plaisait pas du tout aux policiers indiens qui voulaient les autopsies. Nous luttions pour les en empêcher et à certains moments, j'ai cru que nous allions en venir aux mains. Ils n'ont aucune notion de ce qu'est le respect du mort. Nous leur avons demandé de ne pas toucher les corps et cela leur a semblé totalement insolite. C'est la raison pour laquelle pendant tout Shabbat, nous avons dû rester totalement éveillés, après plus de 48 heures sans sommeil. Ils auraient profité du moindre manque d'attention pour prendre les corps et les faire autopsier. " Lors de la prise de contrôle par les forces de sécurités, de la Maison Habad, les bénévoles de ZAKA ont extrait les corps des disparus et identifié 6 d'entre eux. Ils ont travaillé ensuite à l'identification des autres corps, à collecte du sang déversé et à la préparation des défunts pour leur transfert vers Israël. Le coup de l'opération est de 25 000 € dont seulement 4 000 seront reversés par l'état d'Israël. Lors de leurs recherches dans la Maison Habad, les bénévoles ont découvert un rouleau de la Torah qui était dans l'Arche, transpercé par INFORMATION JUIVE Décembre 2008 15 LA CHRONIQUE DE GUY KONOPNICKI l'objectif est de réhabiliter l'armée nationale ukrainienne, auxiliaire des nazis dans les massacres de juifs. Les autorités ukrainiennes permettent les profanations des cimetières et des lieux de la mémoire juive. Quand elles ne sont pas elles-mêmes les responsables de ces profanations ! On trouve, dans les villes d'Ukraine, des monuments officiels reposant sur des stèles funéraires arrachées dans les cimetières juifs. J'avoue que j'ai beaucoup de mal à comprendre l'engouement d'André Glucksmann et de quelques autres pour le nationalisme ukrainien, qui n'a de cesse de célébrer des héros nationaux qui furent tous des pogromistes. Ce nationalisme, appuyé par la population de langue ukrainienne et de religion grécocatholique, s'oppose à l'Ukraine russophone. Or les juifs, comme les autres minorités, les Cosaques et les Tatars, sont russophones. Les 200 000 juifs d'Ukraine vivent soit en Crimée, province autonome, historiquement russe, soit dans les régions majoritairement russophones. Dans l'Ouest, aujourd'hui bastion du nationalisme, où les juifs représentaient 40% de la population en 1939, il n'y a pratiquement pas de juifs, exceptés des rabbins, venus des Etats-Unis ou d'Israël pour restaurer les tombes des maîtres du hassidisme. Une chose est de lutter pour une meilleure intégration des enfants de l'immigration, de favoriser leur ascension sociale. La République l'a toujours fait, sur le terrain social, par la gratuité La discrimination n'est jamais positive. Le texte de 1946 avait pour objet de la bannir à jamais. de l'enseignement, les bourses, l'anonymat des épreuves écrites aux examens et aux concours. On peut sans doute imaginer d'autres moyens, renforcer l'action contre l'échec scolaire, lutter contre les discriminations à l'embauche et dans l'évolution des carrières. Mais on ne peut introduire dans le droit français des critères raciaux, même positivement. Comment distinguerait-on les " enfants de l'immigration " ? Ils sont Français, s'ils le désirent. Il faudrait donc introduire des Non seulement il est absurde de militer pour l'intégration de l'Ukraine à l'Union Européenne, mais nous devons exiger que la reconnaissance du rôle des Ukrainiens dans l'extermination des juifs soit le préalable à toute discussion. Sur les six millions de juifs assassinés, un sur quatre a été tué en Ukraine, le plus souvent par des Ukrainiens, les Allemands se contentant de les encadrer et de récupérer leur part des pillages. Certains de ces meurtres sont désormais désignés sous le terme de Shoah par balles. L'expression est d'une grande pudeur. Il y eut, aussi, des armes plus rudimentaires. 3. Positive, la discrimination ? Le lendemain de l'élection d'Obama, le Journal du Dimanche publiait un appel de personnalités de droite et de gauche invitant à pratiquer une discrimination dite " positive ", pour favoriser la promotion des personnes issues " des minorités visibles ". Pour rendre possible ce genre de discrimination dite positive, il fallait modifier le préambule de la Constitution qui condamne toute forme de discrimination. Nicolas Sarkozy avait donc confié à Simone Veil la présidence d'une commission chargée d'étudier les possibles aménagements du texte. Simone Veil a remis le rapport de cette commission. Elle s'oppose fermement à tout aménagement de ce préambule qui fonda la IVème République en 1946. En 1958, lorsque le général De Gaulle chargea un comité des sages, présidé par Michel Debré, de la rédaction d'une nouvelle constitution, le préambule de 1946 fut maintenu dans son intégralité. Et pour cause ! Le principe fondateur du texte avait été adopté par le Conseil National de la Résistance. Il s'agissait d'actualiser les droits du citoyen, en les étendant à la citoyenne qui accédait enfin au droit de vote. Et, surtout, le but du législateur était de mettre hors la loi toute forme de discrimination. Le Préambule de la Constitution prolongeait l'action de la Résistance et des Alliés, qui venaient d'écraser un régime fondé sur la discrimination raciale. L'esprit de la Constitution, c'était précisément d'interdire la répétition du crime de Pétain, qui avait, lui, distingué les juifs du reste de la population. 16 INFORMATION JUIVE décembre 2008 Favoriser leur ascension sociale critères ethniques. Et comme certains ne correspondent pas exactement à ces critères, il ne resterait plus qu'à la définir par la religion. Pour établir cette fameuse discrimination positive, on a bien failli piétiner tous les principes de la République : l'égalité entre les citoyen, l'interdiction de toute distinction de caractère racial ou religieux entre les citoyens, la laïcité de l'État. La discrimination n'est jamais positive. Le texte de 1946 avait pour objet de la bannir à jamais. S'il entend favoriser l'ascension dans la société des jeunes issus de milieux défavorisés, ce qui est fort louable, Nicolas Sarkozy gagnera à méditer sur l'héritage du Conseil National de la Résistance et des gouvernements de la Libération. Interdisant toute forme d'inégalité légale, ils se proposaient, eux, d'assurer la sélection des meilleurs par la promotion de tous. G.K POÉSIE Nous, les survivants Georges Kornheiser est né à Paris en 1933 de parents travailleurs immigrés hongrois. Professeur retraité d'histoire et de géographie, il s'est lancé dans l'écriture après lamort de sa femme. Il est l'auteur d'un premier livre " Les souvenirs galants du marquis de V. " Nous publions ci-dessous deux poèmes qu'il nous a envoyés. Un enfant juif n'est pas un enfant innocent, Il mérite la haine autant que ses parents, Ce qui lui est promis l'instant de sa naissance, C'est une vie de coups, d'outrages, d'insolences ; Il lui faudra subir les humiliations, Le pauvre esprit des sots, les insinuations. Heureux si lui du moins n'aura droit qu'aux crachats, Sans être parmi ceux tombant ici ou là. C'est là notre destin, l'Histoire nous l'apprend À chacune, à chacun, à nous, les survivants. Cela nous le savons depuis le fond des âges : La peste s'abat-elle, exerçant ses ravages Et la rumeur grandit : " Les juifs en sont la cause. " Il n'en faut pas beaucoup et la colère explose, " Les juifs, toujours les juifs, empoisonnent les puits... " Alors c'est la ruée et les malheureux fuient, Mais vite rattrapés, le massacre commence, C'est l'incendie, le viol, on frappe sans nuance Les hommes, les vieillards, les femmes, les enfants. Survivront nos aïeux, à nous, les survivants. Un roi écrase-t-il, a-t-il besoin d'argent ? Il tourne vers " Le " juif la colère des gens, Sans besoin de forcer se rallume la haine Et en un bref moment la foule se déchaîne. Elle court au ghetto, assomme, égorge et pend. Cris affreux, hurlements et râles des mourants. Dans les bûchers dressés on entasse les corps. À tous on prend leur vie, au riche on prend son or, Le roi aura sa part, le roi sera content. Reste à pleurer nos morts, à nous, les survivants. Les siècles ont passé, apportant leur moisson De honte, de torture et de persécution. Ici on emprisonne et on pend le juif Süss, Là-bas c'est un pogrom, on dégrade Dreyfus. Jamais vraiment éteint et couvant sous la cendre Le feu sournois est là, toujours prêt à reprendre. …/… 18 INFORMATION JUIVE décembre 2008 NOUS LES SURVIVANTS (suite) Le pillage et le viol, le meurtre, l'incendie, Toujours les mêmes maux, ce n'est jamais fini ; Ce bon bouc émissaire est là, toujours présent ; Les coupables toujours sont nous, les survivants. Le siècle vingt paraît, fini l'obscurantisme, Oubliés les pogroms et l'antisémitisme. Oh que non, pas encor, le pire est à venir, Le piège se referme et va nous retenir. Un enfer jamais vu va s'ouvrir sous nos pas, Des nôtres, par millions, n'en réchapperont pas. Certains mots sont gravés à jamais dans nos chairs : Auschwitz et Treblinka, les nazis et Hitler, Que l'Histoire écrivit, en prenant notre sang, Dans notre souvenir, à nous, les survivants. À peine voyons-nous poindre un peu d'espérance Que reparaît bientôt le temps de la démence : L'insulte refleurit sur les murs des métros, La bêtise revient et nous montre les crocs. Et de rire aux " bons mots ", si drôles n'est-ce pas ? Et préjugés idiots et puis les attentats, Contre nous : les " youbacs ", les " youtres ", les " youpins ". Il renaît sans répit le temps des assassins. " Sales juifs ", " mort aux juifs ", à nouveau l'on entend Ces mots si familiers, à nous, les survivants. Nous sommes fatigués d'être le peuple " élu ". Mais forts dans la faiblesse et toujours résolus, Et fiers nous faisons face à nos persécuteurs, Nous avons l'habitude et nous n'avons pas peur. D'autres viendront encor, jusqu'à la fin des temps, Voulant exterminer nos derniers descendants. Ils n'y parviendront pas, n'y parviendront jamais, Car ainsi l'a voulu notre destin mauvais. Et passeront les vies et passeront les ans, Mais il y aura toujours nous, les survivants. POÉSIE LE " POINT DE DÉTAIL " Deux rails nous ont conduits au pays du néant, Du moins ceux d'entre nous qui sont restés vivants, Entassés de longs jours dans des wagons sans air, Les plus chanceux sont morts sans connaître l'Enfer. Sommes-nous à Auschwitz ou bien à Treblinka ? L'Enfer a plus d'un nom mais quel que soit le cas, C'est l'Enfer dont on voit s'entrouvrir les portails Et quel que soit le nom, c'est un point de détail. Dépouillés et triés, selon le sexe et l'âge, Bousculés et frappés et abreuvés d'outrages, Par ces gens tout en noir qui seront nos bourreaux, Sur nos bras pour finir on grave un numéro. De simples numéros, voilà ce que nous sommes : Aux chiens on donne un nom, mais pas à des sous-hommes ; Que nous puissions souffrir, avoir peur, avoir mal, Être de chair, de sang, est un point de détail. Désormais pour nous tous notre sort est scellé, Les horizons pour nous sont faits de barbelés. Sous un ciel qu'obscurcit la suie des crématoires, Pour nous déchets humains livrés au dépotoir, Voici notre " foyer ", on y " mange ", on y " dort ", Surveillés sans répit depuis les miradors, Ignorés du dehors. Qu'importe la canaille, Qu'elle agonise ou non est un point de détail. La vermine et la faim et les nuits sans sommeil, Tissent des jours sans fin, pour nous toujours pareils. Dans le poing de démons de longs serpents sifflants Font fleurir sur nos peaux des étoiles de sang. Les pieds nus, peu vêtus, qu'il fasse chaud ou froid, Nous traînons tous les jours, cloués aux mêmes croix. Les uns résistent plus et les autres défaillent, Qu'on meurt plus tôt, plus tard, est un point de détail. La mort aura pour nous un visage changeant : Les uns mourront gazés, d'autres d'épuisement, Celui-ci finira dévoré par des chiens, Celui-là s'éteindra dévoré par la faim. Mourrons-nous au " travail " ou bien par la potence, Serons-nous de l'engrais ou sujets d'expérience, Abat-jour ou savons, ou vulgaires cobayes ? Qu'importe notre fin, c'est un point de détail. Qu'avons-nous donc commis pour être ainsi damnés ? C'est un point de détail, nous payons d'être nés… INFORMATION JUIVE Décembre 2008 19 JUDAÏSME UN ENTRETIEN AVEC L'ÉCRIVAIN CANADIEN NAÏM KATTAN “Mes figures bibliques” Naïm Kattan, natif de Bagdad, est Montréalais depuis l'âge de 25 ans après avoir vécu à Paris.Il est aujourd'hui un des grands écrivains du Québec où il a reçu, en 2004, le prix Athanase-David pour l'ensemble de son œuvre. Par Naim Kattan ailleurs, l'an dernier, l'Académie française lui a décerné son prix Hervé Deluen. L'œuvre de Naïm Kattan est obsédée par le métissage et l'identité. Il vientd epublier Ecrire le Réel (Editions HMH). Information juive l'a rencontré. OOO I.J : Vous vous définissez comme un nomade et non comme un errant. Que voulezvous dire ? Naim Kattan : L'errant traverse un espace indéfini, sans point de départ et d'arrivée alors que le nomade trace son trajet dans l'espace d'un point à un autre. L'exemple est le bédouin qui parcourt le désert d'une oasis à une autre. Le juif peut être un nomade mais pas un errant. I.J : Vous avez été connu, il y a aujourd'hui des décennies, par votre livre "Adieu Babylone".On a pourtant l'impression que vous n'avez jamais quitté le quartier juif de Bagdad. Vous vous considérez comme " l'héritier des exilés de Babel ". N.K. : Ceux des exilés juifs de Babylone qui ont décidé de ne pas quitter cette ville quand l'occasion leur en était donnée, possédaient un point d'ancrage : le Livre. Ils ne s'étaient pas contentés d'en faire la lecture mais s'étaient employés à l'étudier et à le commenter. Ils furent les auteurs du Talmud babylonien. Ce sont mes ancêtres. Un héritage d'une immense richesse mais qui pèse lourdement. J'en suis un humble porteur. I.J : Qu'est-ce que cela vous fait de savoir que deux de vos livres ont été traduits en arabe ? N.K. : Trois de mes livres ont été traduits en arabe. : Le réel et le théâtral, Adieu Babylone et Farida. Le premier décrit mon itinéraire religieux et culturel de Bagdad à Paris et puis à Montréal. Les deux autres sont des romans dont l'action se déroule dans un Bagdad juif. La communauté dont je suis issu constituait le quart de la population de cette ville.. Aujourd'hui, il n'y a plus de juifs à Bagdad. Ma langue maternelle est l'arabe et mes premiers écrits furent en cette langue. Or, l'arabe écrit n'est pas celui qui est parlé, de sorte que j'avais à faire face au passage d'une langue à une autre. Plus tard, le passage au français fut bien plus important 20 INFORMATION JUIVE décembre 2008 car il fallait passer d'une culture à une autre et d'une histoire à une autre. Quand je me suis relu pour la première fois en traduction dans ma langue d'origine, je fus frappé à la fois par l'étrangeté, la distance et l'intimité. En français, je m'adressais à un public devenu mien, des Canadiens francophones et au-delà à tous les francophones. Je mesuis rendu compte de ma propre transformation, de mon nouveau rapport avec le réel. Je retrouvais en même temps les paysages et les intimités de mon enfance. Dans mes écrits, je cherche à éviter les facilités de l'exotisme, ce qui n'a pas empêché certains critiques de trouver exotique ma traversée quotidienne du Tigre à la nage, ce qui était une pratique banale en été. Les critiques irakiens ont loué mon évocation de Bagdad mais certains ont considéré exagérée ma description du traitement des juifs et de leur exode forcé. I.J : Un écrivain - Jean Grosjean - vous a fait un jour observer que vous êtes " habité par le temps sémite ". Comment faut-il comprendre cette formule ? N.K. : Jean Grosjean, un grand poète français, connaissait l'arabe et l'hébreu. Pour lui, le rapport au temps de ces deux langues était différent de celui du français. Il me disait que j'aurai du mal à intégrer intérieurement la diversité du passé et du futur de cette langue. Il est évident que je tente d'obéir aux règles de ma langue d'adoption et évite de réduire ma différence à un exotisme. I.J : Vous rappelez dans votre dernier livre que vos deux langues nourricières sont l'arabe et l'hébreu. Vous êtes pourtant un écrivain francophone. La langue nourricière n'est-elle pas pour un écrivain celle dans laquelle il s'exprime ? N.K. : Les langues nourricières sont toujours présentes. J'ai quitté Bagdad à dix-huit ans et Paris m'a ouvert des horizons nouveaux de vie et de culture. J'ai passé sept ans dans cette ville avant d'émigrer à Montréal où j'ai choisi définitivement le français comme langue d'expression. Le français me donne la liberté de dire mon origine, mon appartenance tout en rejoignant un public immédiat et un public universel. I.J : Vous avez assuré, durant des années, à l'université du Québec un cours sur les " figures bibliques ". Aujourd'hui vous écrivez que vous êtes " habité par la Bible comme narration et comme histoire ". N.K. : Les recherches historiques et archéologiques à propos des figures bibliques sont multiples depuis des années. Pour moi, les patriarches et les prophètes vivent dans la Parole. Parole que nous pouvons lire et vivre. La narration biblique est la forme du temps où je me reconnais. I.J : Vous ajoutez ceci : " Pour moi, la Bible n'a nul besoin de confirmation. Sa permanence demeure ". Que voulez-vous dire ? N.K. : La Bible est Parole et l'archéologie peut nous aider à la comprendre mais n'ajoute rien à sa vérité. I.J : Dans ce livre vous mettez en dialogue l'univers oriental et l'univers occidental. Qu'ont-ils à se dire ? Ont-ils des références communes ? N.K. : Oui et leurs références communes sont la vie, la beauté, l'amour même quand la violence et la mort font plus de bruit. I.J : Quel est votre credo comme écrivain juif ? N.K. : Relire la Parole et tenter de la dire en évoquant les hommes et les femmes qui m'entourent. I.J : Vous pensez vraiment que Montréal est aujourd'hui exemplaire dans sa réussite à réunir les communautés ? N.K. : Dans ses tentatives dites et non dites, Montréal peut être exemplaire dans sa réussite à réunir les différences tout en tenant compte des difficultés et des tensions qui subsistent. En décembre avec le MDA France : Opération spéciale une ambulance pour Sdérot z Le MDA existe depuis 1930 avant même la création de l'Etat d'Israël! z Présent 365 jours par an 7 jours sur 7 24H sur 24 pour secourir les israéliens z Le MDA c'est pas que les attentas mais aussi: crise cardiaque, accidents de la route (fléaux en Israël), accouchements d'urgence (plus de 300 bébés naissent par an dans nos ambus), incendies, recherche de parent disparu, aide sociale au démunis pendant les fêtes (colis de nourriture), gestion de la banque du sang nationale (qui nous appartient) et de fractionnement du plasma sanguin, catastrophe naturelle... un vrai service civile pour les israéliens. z Nous faisons partie du comité international de la Croix-Rouge depuis 2006 z Notre président français est le Dr Lazare Kaplan z Le MDA est subventionné à hauteur de 60% par la DIASPORA! nous avons besoin d'aide. z Nous sommes 16000 professionnels et bénévoles de la santé. ils sont mondialement reconnus comme les meilleurs z On couvre tout le pays du nord au sud sans exception, avec 110 stations z Notre numéro le 101 est le SEUL numéro d'appel d'urgence en Israël z Tous les autres organismes sont reliés à NOS BIPERS et c'est ainsi qu'ils sont informés et pas autrement... z Nous répondons en moyenne en 9 secondes à un appel téléphonique z Nous sommes sur le terrain en moins de 3 minutes toujours! z Quand bien même d'autres organismes nous aident dans cette noble tâche, ils sont FORMES PAR LE MDA qui a le monopole de la formation en Israël z Nous avons besoin d'ambulances, de matériel médical, de rénover constamment nos stations de secours, de former nos secouristes qui sont les meilleurs au monde ! z Tout l'argent des dons est envoyé en Israël dans son intégralité (mentionner reçu cerfa déductible 2/3 des impôts, plus carte donateur à partir de 100 euros de don qui permet d'avoir recours à une intervention gratuite avec une ambulance dans les cas où cela est nécessaire) z L'équipe de secouristes revient fin janvier 2009 et sera à Paris, Lyon, Marseille, grande journée "portes ouvertes du MDA France" dimanche 1er février à la "maison Moadon "66 rue Laugier 75017 en leur présence z Nous allons changer la "mobile intensive care unit" de Sdérot en janvier, elle sera au nom du MDA France et inaugurée par notre équipe z Notre nouveau site internet sera en place en janvier z Nous avons un programme en collaboration avec l'agence juive: Yochaï Porat (voir site net agence juive) qui permet aux jeunes de faire du bénévolat dans nos ambulances sur le terrain! vraie expérience unique! z Nous avons restitué le 27 novembre un tableau de Matisse "le mur rose" à nos confrères anglais qui en sont bénéficiaires par le biais d'un leg (belle histoire tu as le dossier de presse) z Chronique du MDA France tous les 2em mardis du mois avec nos amis de Radio J sur notre action et notre travail z Parlez de nous à votre entourage, soutenez nous, faites du bénévolat chez nous, merci du fond du coeur pour votre aide et votre soutien. Bien à vous. INFORMATION JUIVE Décembre 2008 21 HISTOIRE UN ENTRETIEN AVEC BRUNO HALIOUA La médecine au temps des Hébreux Bruno Halioua est dermatologue et chargé de cours d'histoire de la médecine à l'Université Parix-IV. Il est également l'auteur du livre " Blouses blanches, étoiles jaunes ". Bruno Halioua Après s'être intéressé à la Médecine au temps des pharaons, il publie aux éditions Liana Lévi le résultat d'une enquête qu'il a menée sur ce qu'étaient les connaissances médicales des Hébreux entre le 2ème siècle avant l'ère chrétienne et le 6ème siècle après. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, le docteur Bruno Halioua montre les différents aspects de ce qu'a été la place de la médecine hébraïque dans le monde antique. OOO I.J : Ce qui vous a intéressé dans cette enquête c'est d'établir ce qu'a été la place de la médecine hébraïque dans le monde antique. Mais y a-t-il eu en vérité une médecine hébraïque ? B runo Halioua : Les historiens de la médecine considèrent classiquement qu'il n'existe pas véritablement de médecine hébraïque pour la simple et bonne raison que les Hébreux n'ont pas légué à l'humanité de textes médicaux contrairement aux autres peuples environnants. L'absence de traités de médecine comparables à ceux qui ont été écrits par les auteurs grecs, romains ou égyptiens ne signifie pas pour autant qu'il n'existait pas une médecine hébraïque originale et novatrice dont j'ai pris conscience à l'occasion d'une lecture attentive sous un angle médical de la Bible, de l'œuvre de Flavius Josephe et surtout du Talmud. On ignore trop souvent que cette œuvre monumentale de structure polymorphe qui est, avant tout, une œuvre de droit et de théologie renferme des informations très intéressantes sur les connaissances médicales des Hébreux pourtant si passionnantes. I.J : Dans quels domaines en particulier cette médecine hébraïque a-t-elle apporté une contribution ? B.H. : Les contributions de la médecine hébraïque sont importantes dans un certain nombre de domaines en particulier en matière d'hygiène. Les Hébreux ont adopté des règles à la fois avantgardistes et originales tant sur le plan individuel que collectif. Elles 24 INFORMATION JUIVE décembre 2008 leur ont permis d'éviter la survenue de maladies qui évoluaient alors inéluctablement vers la mort. On a tendance à ne retenir que le respect des règles alimentaires de la Cacherout, mais il convient de rappeler que les Hébreux ont adopté toute une série de mesures qui étaient véritablement révolutionnaires dans l'Antiquité et qui n'ont été préconisées par les médecins qu'à partir de la fin du XIX ème siècle. Dans la société hébraïque antique, les chirurgiens opéraient en blouse ou avec un tablier de cuir, ils prenaient soin de ne pas toucher une plaie avec leurs doigts, ils utilisaient des pansements de chiffons blancs n'ayant jamais servi, et ils se méfiaient des mouches dont ils suspectaient le rôle dans la transmission d'un certain nombre de maladies. Ce respect des règles d'asepsie est remarquablement illustré par l'attitude d'Eléazar qui a ordonné à ses hommes, après la victoire sur les Madianites, de faire passer par le feu tous les ustensiles métalliques et de laver tous ceux en bois avant de les utiliser. Toutes ces précautions, qui paraissent aujourd'hui élémentaires, doivent être considérées comme remarquables et étonnantes dans le contexte de l'époque. N'oublions pas que jusqu'au début du XX ème siècle, les " Mandarins" opéraient en jaquette ou en habit ! On oublie que les Hébreux ont adopté des règles afin de lutter contre la pollution de l'eau comme l'interdiction de se laver les mains et les pieds dans un puits dont l'eau était destinée à être consommée. Ils ne devaient pas boire de l'eau qui avait été en contact avec un animal blessé. Dans le Talmud, on exige une propreté des récipients utilisés pour les repas : " Rincez les coupes avant de boire et après voir bu ". Comment ne pas être admiratif devant de tels préceptes prophylactiques qui n'ont été adoptés qu'à partir du XIXème siècle en Europe ? Les Sages du Talmud insistaient sur l'importance de l'observation d'un régime alimentaire équilibré pour être en bonne santé : "Mange quand tu as faim, bois quand tu as soif ". Ils HISTOIRE préconisaient des règles hygiènodiététiques comme celles de boire pendant les repas, de manger à heure fixe, de prendre soin de bien mâcher ses aliments et de faire une petite marche B.H. : Il est intéressant de noter que les médecins greco- romains n'ont absolument pas intégré dans leurs écrits les connaissances médico-chirurgicales particulièrement intéressantes qui se Les vétérinaires qui étaient chargés d'examiner les animaux apportés en offrande au Temple possédaient de solides connaissances en anatomie, en physiologie et en pathologie animale. après le repas. Ils critiquaient vivement l'usage romain qui consistait à se faire vomir après avoir mangé. Les maîtres du Talmud ont d'ailleurs écrit que " la gloutonnerie est comme un poison mortel pour le corps humain et la véritable cause de toutes les affections. ". En conséquence, ils donnaient le conseil suivant (Traité Guittine) : "On ne mangera pas jusqu'à réplétion complète de l'estomac mais on restera d'un quart environ au-dessus de la satiété complète". Dans le domaine de la propreté, les Hébreux étaient en avance sur leur temps. En dehors du lavage rituel matinal au réveil, il est demandé de se laver ses mains avant et après avoir mangé mais aussi après la défécation. Ces mesures universellement recommandées ont été adoptées seulement en 1844, lorsqu' Ignace Semmelweis, un obstétricien viennois, a mis en évidence une réduction de la mortalité des accouchées en exigeant simplement des sages-femmes et des étudiants en médecine chargés d'examiner les patientes, qu'ils se nettoient préalablement les mains avec une solution de chlorure de calcium. Les Hébreux avaient également adopté des règles précises concernant la mise en place de latrines On lit dans le Deutéronome (23 : 10-15) un passage qui évoque une recommandation qui n'a été adoptée par les médecins militaires qu'à partir du XIX ème siècle : "Quand tu mar-cheras en corps d'armée contre tes ennemis, tu devras te garder de toute action mauvaise. Tu réserveras un endroit en dehors du camp, où tu puisses aller à l'écart ; tu auras aussi une bêchette dans ton équipement, et quand tu iras t'asseoir à l'écart, tu creuseras la terre avec cet instrument et tu en recouvriras tes déjections.". I.J : Vous notez que ni Hippocrate ni Gallien n'ont eu d'influence sur les médecins de l'époque du Talmud. Pourquoi ? trouvent dans le Talmud pour trois raisons. Premièrement, la pensée médicale hébraïque qui considérait que la compréhension des processus vitaux devait tenir compte de la fonction des organes qui constituent le corps humain s'opposait à celle des Grecs qui estimait conformément à la pensée hippocratique que la fonction vitale de l'organisme était liée à la sécrétion de quatre types d'humeur. La deuxième raison tient au fait que le Talmud a toujours eu pour les non- juifs un côté mystérieux ce qui explique sa diffusion limitée et son nombre restreint de traductions. La troisième raison est liée au fait que les Grecs et les Romains pensaient qu'ils n'avaient rien à apprendre des Hébreux. Et pourtant, ces derniers avaient, dans le domaine de l'anatomie et plus spécifiquement de l'anatomo-pathologie mais aussi dans celui de la physiologie, un niveau de connaissances incroyablement plus élevé. I.J : Vous notez la gynécologie (mais aussi la science vétérinaire) comme un des domaines où la médecine hébraïque a eu une certaine influence. B.H. : Les Sages du Talmud disposaient de connaissances importantes dans le domaine de l'anatomie gynécologique comme le montre la terminologie du traité Nidda. Ils avaient établi que l'utérus ne comportait qu'une cavité, contrairement aux auteurs grecs et romains comme Aristote et de Galien qui considéraient qu'il y avait deux cavités utérines. Dans le même ordre d'idées, les maîtres du Talmud connaissaient et avaient décrit l'hymen, alors que celui-ci était ignoré ou contesté par les médecins gréco-romains. En adoptant les règles de la niddah qui imposaient l'absence de rapports sexuels au cours de la période des règles, les Hébreux ont adopté une mesure dont on sait aujourd'hui qu'elle a un fondement hygiénique. En effet, il a été prouvé que des relations au cours des menstruations étaient un facteur de risque des maladies sexuellement transmissibles, de l'infection à VIH et de l'endométriose. Les Hébreux sont considérés comme les précurseurs de l'expertise médicale gynécologique. En effet en cas de demande de divorce pour une cause médicale, il était réalisé un examen par un médecin afin de trancher le litige. L'examen de la femme reposait alors non seulement sur l'interrogatoire de l'intéressée mais aussi sur une analyse gynécologique, au moyen d'un spéculum ou parfois avec une sonde. Par ailleurs, il est intéressant de souligner que les Hébreux avaient établi que l'homme pouvait être responsable de la stérilité du couple notamment en cas d'absence congénitale de testicule. Il a fallu attendre le XIX ème pour établir qu'un homme pouvait être responsable de la stérilité du couple. Les Sages du Talmud étaient particulièrement en avance dans le domaine de l'obstétrique. La césarienne était réalisée en cas de décès de la femme au cours de l'accouchement, afin de sauver le bébé y compris le Shabbat. Cette attitude était également réalisée par les Romains qui donnaient à cette INFORMATION JUIVE Décembre 2008 25 HISTOIRE intervention le nom de " cœsones " en référence à la naissance de Jules César. ll semble que les Hébreux réalisaient également des césariennes sur des femmes vivantes comme le suggère l'expression:"yotzé dofène" pour décrire la naissance d'un enfant. En effet :"yotzé dofène" qui est cité dans plusieurs passages est le participe présent du verbe sortir tandis que "dofène" signifie la paroi du corps. Ainsi, "yotze dofène" pourrait être traduit par "sorti de la paroi" ou "qui a émergé du côté". Le passage du traité Bekhorot qui précise que "ni le yotzé dofène, ni celui qui vint après ne sont des premiersnés pour l'héritage " suggère que le Yotzé dofène a perdu ses droits d'aînesse en venant au monde sans passer par les voies naturelles (par l'orifice utérin), laissant penser qu'il n'a pu venir au monde que par césarienne. Ainsi les Hébreux auraient donc réalisé des césariennes sur des femmes vivantes alors que cet acte a classiquement été réalisé la première fois par le châtreur de porc Nufer sur sa femme au XVIème siècle. Les vétérinaires qui étaient chargés d'examiner les animaux apportés en offrande au Temple possédaient de solides connaissances en anatomie, en physiologie et en pathologie animale. Un passage du traité Houline évoque une anecdote au cours de laquelle deux rabbins, Rabbi Yémar et Rabbina s'interrogent sur la cause de la paralysie de l'arrière-train d'une chèvre. Le premier évoque le diagnostic de crampes musculaires, tandis que l'autre estime que l'animal présente une tumeur de la moelle épinière. Ce dernier diagnostic sera avéré après l'examen de la bête, après l'abattage rituel. Cet exemple est intéressant car il constitue le premier diagnostic clinique confirmé par l'autopsie, ou examen anatomopathologique que nous connaissons dans toute la littérature médicale. I.J : Pourquoi Maïmonide qui était non seulement philosophe et théologien mais aussi un des grands médecins de son époque a-t-il considéré la médecine non seulement comme une science mais aussi comme un art ? B.H. : Maïmonide a insisté sur le fait qu'un bon médecin devait non seulement 26 INFORMATION JUIVE décembre 2008 disposer de solides connaissances scientifiques mais qu'il devait aussi avoir une grande faculté d'écoute et de compréhension. Il sous- entend l'importance de la relation entre le médecin et son patient que les Sages du Talmud avaient déjà signalée dans un Statue de Maimonide à Cordoue passage dans lequel ils évoquaient l'importance de la proximité du praticien : " Un médecin qui vient de loin est comme un aveugle ". I.J : Pourquoi écrivez-vous que le monothéisme a fortement influencé la pensée médicale des Hébreux ? B.H. : Le monothéisme qui est le dogme essentiel qui distingue le judaïsme des autres religions de l'époque, a fortement influencé la pensée médicale des Hébreux . En effet l'homme représente une situation symbolique très importante car il était l'aboutissement et le point d'orgue de la Création et qu'il occupait une position unique dans l'Univers puisqu'il était considéré comme l'intermédiaire entre la terre par sa dimension corporelle et le divin par son âme. Le principe majeur de l'anthropologie biblique établit que l'être humain est constitué de deux entités distinctes et complémentaires très étroitement intriquées l'âme et la chair (bassar). La loi mosaïque impose à l'individu de prendre soin de son corps et de son âme en adoptant des règles qui tiennent compte des connaissances en matière d'hygiène, de médecine, de sociologie, de droit et de philosophie hygiéniques. Ainsi dans la tradition juive, l'homme n'est pas autorisé à disposer de sa propre âme car elle appartient à l'Eternel qui est le seul à pouvoir la reprendre Les Hébreux ont le devoir et la responsabilité de remettre leur " Nefech " à l'Eternel sans tache et sans avoir été corrompue par le mal à la fin de chaque journée et à l'issue de leur vie. L'homme doit tout faire pour ne pas se souiller physiquement ou moralement. Il convient également pour comprendre la pensée médicale hébraïque de tenir compte de la sainteté de la vie qui est le socle suprême sur lequel s'appuie la religion juive. I.J : Vous rappelez dans votre livre une métaphore formulée par les maîtres du Talmud et selon laquelle " le corps est un arbre, la médecine est un engrais et le médecin est celui qui les cultive ". Que signifie cette métaphore ? B.H. : Cette métaphore de Rabbi Akiva et de Rabbi Ishmaël est particulièrement intéressante car elle met en exergue les deux pivots fondamentaux sur lesquels s'articulent la profession du médecin, la prévention et le traitement. En effet, le médecin apparaît non seulement comme celui qui soigne les troubles mais aussi comme celui qui les prévient au moyen de l'engrais. Le médecin jouissait d'ailleurs d'un prestige considérable car il était le détenteur d'une partie de la connaissance divine comme le souligne un passage de l'Ecclésiastique qui a été écrit par Ben-Sira entre (190180 avant l'ère commune) : " Fréquente le médecin avant tout besoin, lui aussi, Él l'a conçu. D'Él le médecin tient sa sagesse … ". Le médecin jouissait alors d'une considération importante au sein de la société hébraïque comme l'atteste HISTOIRE ce passage où il est l'objet d'un éloge dithyrambique : " Le savoir du médecin élève sa tête, il se poste en face des gratificateurs. " Il dispose de cette parcelle du pouvoir divin, ce qui a des conséquences fondamentales dans les relations qu'il entretient avec le patient qui fait appel à lui tout en étant parfaitement conscient que c'était l'Éternel qui, en dernier recours, assurera la guérison de ses troubles. I.J : Le Talmud où est puisée une grande partie de votre information n'est pourtant pas tendre à l'égard des médecins puisqu'il y est dit que " le meilleur d'entre eux est destiné à l'enfer " B.H. : Les spécialistes du Talmud se sont longuement interrogés sur ce passage qui est en contradiction avec les propos élogieux à l'égard des médecins. Il existe trois hypothèses pour interpréter ce texte. La première hypothèse considère qu'il faut la comprendre comme le fait que " le plus grand des médecins, le plus savant de la corporation qui manquerait de conscience professionnelle, d'un sentiment de responsabilité dans l'exercice de son art mérite l'enfer. ". La deuxième hypothèse repose sur l'idée que ce texte n'a pas été rapporté dans la Mishna initialement et qu'il a été ajouté plus tardivement, ce qui laisse supposer que les médecins qui font l'objet d'une condamnation sont ceux qui traitent leurs patients en utilisant l'idolâtrie et des méthodes hérétiques . Et enfin la troisième hypothèse serait que cette maxime s'adresserait aux phlébotomistes chargés de la réalisation des saignées et qui ne bénéficiaient pas de l'excellente réputation des médecins. I.J : Vous évoquez dans la médecine de cette époque-là l'influence de la musicothérapie. B.H. : Une lecture attentive de l'histoire du roi Saül nous apprend qu'il a connu des troubles psychiatriques après son accession à la royauté. Or, pour le soulager, ses serviteurs lui proposent de faire appel au jeune David qui jouait de la harpe ce qui avait pour vertu d'apporter à Saül " du soulagement et du bien-être et le mauvais esprit le quittait. ". Il est intéressant de souligner que dans le texte de Flavius Josèphe, ce ne sont pas les serviteurs qui incitent Saül à trouver un musicien mais les médecins dépourvus de thérapeutiques face aux troubles de Saül. Il s'agit du premier cas de musicothérapie de l'histoire de la médecine laquelle est considérée comme une authentique psychothérapie d'activation, de créativité, d'inspiration analytique, qui s'articule comme moyen d'expression, de communication, de structuration. Dans cette relation tripolaire patient-thérapeute-musique, on peut toutefois s'interroger sur le but inavoué de David. Souhaitait t-il établir une relation fusionnelle avec Saül à travers la musique ? A-t-il voulu partager un plaisir ? David a-t-il compris la dimension thérapeutique du son de la harpe ? C'est probable, d'autant qu'il est possible qu'il s'accompagnait d'une facilitation du dialogue. ont pour but de conserver la santé et la vie de toutes les créatures. Fais que mes malades aient confiance en moi et mon art, qu'ils suivent mes conseils et mes prescriptions. Éloigne de leur lit l'armée des parents conseils et les gardes qui savent toujours tout, car c'est une vengeance dangereuse qui, par vanité, fait échouer les meilleures intentions de l'art et conduit souvent les créatures à la mort. Si les ignorants me blâment et me raillent, fais que l'amour de mon art, comme cuirasse, me rende invulnérable pour que je puisse persévérer dans le vrai, sans égard au prestige, au renom et à l'âge de mes ennemis. Prête moi, mon Dieu, l'indulgence et la patience auprès des malades entêtés et grossiers. Fais que je sois modéré en tout mais insatiable dans mon amour de la science. Éloigne de moi l'idée que je peux tout. Donnemoi la force, la volonté et l'occasion d'élargir de plus en plus mes connaissances. Je peux aujourd'hui découvrir dans mon savoir des choses que je ne soupçonnais pas hier, car l'art est grand mais l'esprit de l'homme pénètre tout. " I.J : Aux Etats-Unis, on parle souvent du serment de Maïmonide aux côtés de celui, classique, d'Hippocrate. Vous écrivez que le texte en question est plutôt une prière qui n'a pas pu être écrite avant 1783 B.H. : En fait, le fameux serment de Maïmonide dont il n'est pas l'auteur puisqu'on sait qu'il a été écrit par Marcus Herz en 1783, exprime la ligne de conduite qui a du être celle de Maïmonide et qui reste toujours d'actualité. En tant que médecin juif, il est important de garder dans son exercice quotidien un certain nombre de préceptes de ce serment : "N'adL’ Œ U V R E D ’A S S I S TA N C E S O C I A L E A L’ E N FA N C E J U I V E est une association reconnue d’utilité publique par décret du 28 mai 1919 mets pas que la soif du gain et la recherche de la Pa r c e q u ’ u n e n f a n t h e u r e u x gloire m'influencent devient un adulte qui a de meilleures chances de construire son avenir et celui dans l'exercice de de la communauté mon art … Soutiens la force de mon L’ODASEJ a pour mission cœur pour qu'il soit d’aider les enfants et les adolescents défavorisés ou toujours prêt à servir le pauvre et en difficulté sur le territoire national le riche, l'ami et l'ennemi, le bon et le mauvais. Fais que je ne vois que est entre vos l'Homme dans celui qui souffre. Fais Transmettez votre nom à un programme que mon esprit de solidarité… reste clair près du Perpétuez la mémoire de vos parents … lit du malade, qu'il … Faites un legs ou une donation à l’ODASEJ ne soit distrait par aucune chose Que vous ayez des héritiers ou non, vous pouvez faire étrangère, afin qu'il un legs ou une donation en faveur de l’ODASEJ ait présent tout ce en exonération des droits de succession ou de mutation que l'expérience et la science lui ont Pour un rendez-vous confidentiel enseigné ; car Appelez Tony SULTAN grandes et sublimes Tél. : 01 42 17 07 57 • Fax : 01 42 17 07 67 sont les recherches ODASEJ ESPACE RACHI, 39, RUE BROCA, 75005 PARIS scientifiques qui ODASEJ Leur avenir mains INFORMATION JUIVE Décembre 2008 27 HANOUKA Hanouka du 22 au 29 décembre : La fête des lumières L a fête de Hanouka est célébrée cette année du 22 au 29 décembre. Cette fête commémore la victoire des Maccabées sur les Syriens qui projetaient de détruire la religion juive et helléniser totalement leur royaume. Hanouka est une célébration post-biblique. Les principaux événements qui y sont associés se sont déroulés entre 165 et 163 avant l'ère chrétienne. Cette fête ne comporte pas spécialement des interdictions relatives au travail par exemple. Les Grecs ayant profané le Temple de Jérusalem et souillé l'autel, le roi de Syrie ordonna que soient offerts dans le Temple des sacrifices aux dieux païens. Les Maccabées sous la direction de Juda parvinrent à reconquérir Jérusalem et à démolir l'ancien autel. Selon le traité Chabbat du Talmud (21 b ), pendant la purification du Temple, on parvint à découvrir un flacon d'huile sainte servant à alimenter le chandelier. Cette huile brûla pendant huit jours alors qu'elle ne suffisait en principe que pour une seule journée. C'est pour commémorer ce miracle que les Sages instituèrent une fête de huit jours. Chaque soir, on procède à l'allumage de l'allumage de Hanouka et c'est pourquoi l'habitude a été prise d'appeler cette fête " Hag Haourim " ( Fête des lumières). En procédant à cet allumage, on dit : " Ces lumières, nous les allumons pour les miracles, les saluts, les merveilles que tu as opérés pour nos ancêtres par l'entremise de tes prêtres saints. Pendant les huit jours de Hanouka, ces lumières sont sacrées et il ne nous est pas permis de nous en servir, mais seulement de les regarder ". godets sont alignés à la même hauteur, tandis que le neuvième, celui du chamach, serviteur, s'en distingue nettement par sa position. Pourquoi huit branches, alors que le candélabre de Jérusalem n'en avait que sept ? C'est qu'il ne s'agit pas de reproduire le chef d'œuvre de Betzalel, ou de ses successeurs, ce qui est d'ailleurs défendu, mais seulement d'assurer sur le chandelier la place aux huit lumières qui s'allumeront progressivement, une le premier soir, pour finir le huitième soir par une illumination totale des huit godets ". Voici ce qu'écrit entre autres à propos de cette fête le regretté grand rabbin Ernest Gugenheim dans son livre " Le judaïsme dans la vie quotidienne " : " L'artiste s'est efforcé à l'originalité et à la beauté quelle qu'ait été sa matière, bois, cuivre, bronze, argent, céramique, etc.. Son génie toutefois s'est plié aux nécessités des prescriptions religieuses :les huit orifices ou Le grand rabbin Gugenheim ajoute que " si, dans la diaspora, on n'expose plus, comme à l'époque talmudique, la Menora dans la rue, devant la porte de la maison, on la place cependant bien en vue devant la fenêtre, pour qu'elle soit visible du dehors, ou du moins à un endroit où elle attire le regard, afin de diffuser le miracle ". 28 INFORMATION JUIVE décembre 2008 Elie Wiesel : 80 bougies, les souvenirs et les combats à venir Les 12 et 13 novembre 2008, l'OSE et l'Institut Universitaire d'Etudes Juives Elie Wiesel ont célébré, à Paris et à Taverny, les 80 ans d'Elie Wiesel. Deux journées fortes en émotions où le Prix Nobel de la Paix a rappelé, devant quelques 1500 personnes, l'importance du devoir de mémoire et la pérennité des valeurs du judaïsme. L Soirée de gala - le 13/11 l’Université Bar Ilan, Emeric Deutsch, psychanalyste et Paul Thibaud, philosophe, ont mis en lumière les pulsions de vie contenues dans le Talmud et la transcendance des tragédies du XXe siècle par la résilience spirituelle. Une journée primordiale pour Elie Wiesel qui a fait de l’étude l’une des priorités de sa vie : « Depuis ma jeunesse, j’ai soif d’apprendre. Aujourd’hui encore, j’étudie chaque jour le Talmud, source inépuisable de questionnements….Le savoir permet de s’opposer à l’indifférence d’autrui et honore l’humanité. » maisons de l’OSE, quelques mois après la libération du camp de Buchenwald en 1945. Jean-François Guthmann, Président Elie au Conseil régional d'Ile de France En présence de Jean-Paul Huchon, Président du Conseil régional d’Ile-deFrance, le Professeur Elie Wiesel a délivré jeudi 13 novembre un émouvant message devant les collégiens et les lycéens d’établissements franciliens rassemblés dans l’hémicycle de la rue de Babylone. Aux questions des lycéens (lycée Maïmonide Rambam de BoulogneBillancourt (92), Hoche de Versailles (78), Michelet d’Arpajon (91), la Fontaine du Roy de Ville d’Avray (92), La Source de Meudon (92), Yabné de Paris 13ème, Chnee-Or d’Aubervilliers (93) et Ste Marie d’Antony (92)), le prix Nobel de la paix a répondu avec clarté et simplicité. « Vous êtes maintenant des témoins », at-il déclaré, car quiconque écoute un témoin le devient à son tour ». de l’OSE, Roger Fajnzylberg, Directeur général, Richard Jobersberg, actuel directeur du foyer, étaient réunis pour l’accueillir en présence de Jeannine Haddad, Vice-Présidente du Conseil régional d’Ile-de- France, de Didier Arnal, Président du Conseil régional du Val d’Oise, de Maurice Boscavert, maire de Taverny, d’anciens de Buchenwald, d’enfants des années 1970 et d’aujourd’hui. Une cérémonie émouvante où Elie Wiesel a souligné sa reconnaissance envers l’OSE : « Je témoigne ma gratitude à tous ceux, directeurs et éducateurs, qui m’ont accueilli chaleureusement et m’ont permis de devenir l’homme que je suis. Recevoir est un art, mais il faut savoir le rendre». Enfin, pour clôturer cette belle journée, Le retour à Taverny Point d’orgue de 80è anniversaire, la célébration, le jeudi 13 novembre aprèsmidi, du nouveau nom du Château de Vaucelles désormais nommé « Maison Elie au Conseil régional d'Ile de France avec les élèves Elie Wiesel, messager de la mémoire Le soir, autour de l’Amicale des Anciens et Sympathisants de l’OSE, plus de 400 invités ont pu découvrir, en avantpremière, le film « Elie Wiesel, Messager de la Mémoire » réalisé par Guy Job et Emmanuel Descombes, produit par Futur TV et France 5. Un documentaire bouleversant où le rescapé de la Shoah se raconte avec émotion et sincérité. Au cinéma Publicis EW entre Franz-Olivier Gisbert et Ivan Levaï Elie Wiesel à Taverny - le 13/11 d’enfants Elie Wiesel » et le retour de l’écrivain et Prix Nobel de la Paix sur les traces de son enfance à Taverny. Elie Wiesel a en effet séjourné et repris des forces dans ce foyer, parmi d’autres le dîner organisé au Pavillon Gabriel a célébré en musique et en chansons les 80 ans de l’écrivain. Les amis d’Elie Wiesel ? De nombreuses grandes familles de la communauté, des personnalités mais aussi les anciens enfants rescapés du camp de Buchenwald dont, depuis Jérusalem, le Grand Rabbin Meïr Lau. Au total, plus de 350 personnes pour souhaiter happy birthday au plus humble des grands hommes. INFORMATION JUIVE Décembre 2008 29 Photos 2008©Alain Azria e mercredi 12 novembre, autour d’Elie Wiesel et en présence de Simone Veil, membre de l’Académie française, de Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, de Maurice Quénet, recteur chancelier des Universités de Paris, le colloque Lire, étudier après la catastrophe a réuni à la Sorbonne penseurs et auteurs de sensibilités différentes. Armand Abécassis, professeur à l’Université de Bordeaux, Benjamin Gross, professeur à LA VIE DU CONSISTOIRE Le Consistoire reçoit la médaille Grand Vermeil de la Ville de Paris C'est devant plus de 600 dirigeants et personnalités de la Communauté Juive de France, réunis à l'invitation du Président du Consistoire Central de France, Joël Mergui, que le Maire de Paris Bertrand Delanoë a remis mardi 9 décembre la médaille Grand Vermeil de la Ville de Paris au Consistoire Central de France. Seul l'Institut Pasteur avait été gratifié jusque là de cette distinction. M. Bertrand Delanoë évoqua " la part juive de Paris " et le grand rabbin de France, M. Joseph Sitruk s'est félicité de voir Paris, Ville des Lumières, aussi scintillante pour accompagner la Fête de 'Hanouka qui se caractérise par l'allumage des lumières. Chabbat plein de la Team Roquette à Evian Après Anger et Caen, la Team Roquette a organisé, à la demande du Consistoire Central et dans le cadre de son TFCJ (tour de France des communautés juives), un Chabbat plein à Evian. La Team Roquette dirigée par le rabbin Engelberg Cette distinction a été remise à l'occasion d'une soirée exceptionnelle placée sous le signe de la Les jeunes de la Team Roquette en Chabbat plein à Evian Soirée 2000 familles-2000 lumières à la mairie de Paris reconnaissance et de la solidarité en la présence des représentants des communautés juives de toute la France. Reconnaissance envers M. Jean Kahn, à qui un hommage appuyé fut rendu pour l'impulsion donnée durant toutes ses années passées à la Présidence du Consistoire. Solidarité grâce à l'action "2000 Familles - 2000 Lumières", dont M. Jean Kahn fut l'initiateur, qui a permis aux responsables communautaires de repartir avec les bourses qu'ils remettront aux familles les plus démunies de leur région, afin d'illuminer les Fêtes de 'Hanouka. " Cette opération de très grande envergure - puisque l'argent remis va directement et intégralement bénéficier à plusieurs milliers de personnes - n'est rendue possible que par l'importance du travail de proximité effectuée par les dirigeants communautaires dans leurs 500 synagogues. Ces bourses vont permettre d'allumer des lumières petites mais infiniment brillantes dans les yeux des enfants" a souligné M. Mergui. La première bourse fut remise par le comédien Gérard Darmon au Consistoire de Toulouse. 30 INFORMATION JUIVE décembre 2008 continue à chacun de ses déplacements à susciter une très vive émotion. Faire revivre le temps d'un Chabbat toute une Communauté a un impact très fort et correspond à une nécessité pour de très nombreuses Communautés. La petite Synagogue d'Evian, qui date de 1950, et qui accueille une communauté composée d'une dizaine de familles seulement, a en ce Chabbat de la fin novembre, et en présence du Président Mergui, résonné de chants, de prières, de jeunesse, de dynamisme et de bonne humeur, grâce aux jeunes filles et garçons, venus de Paris et de Grenoble entourer et stimuler les jeunes et les moins jeunes de la Communauté. Une affluence qu'elle ne connait habituellement que le jour de Kippour. Le lendemain, tous les jeunes allèrent visiter la Clairière des Justes, un monument vivant qui comporte 70 arbres pour rappeler les 70 Justes des Nations et leur implication pour sauver les juifs. Au moment de leur départ pour Paris, le président de la Communauté d'Evian depuis 1994, le Docteur Jean-Bernard Lemmel, a déclaré " Notre toute petite communauté a reçu pendant ces deux jours non seulement un bol d'air frais, mais surtout une poussée d'énergie " thermale " pour mobiliser encore plus chacun d'entre nous, afin que Chabbat suivant soit encore plus " plein " que le Chabbat précédent !". Pour Joël Mergui, “Créer de tels événements génère une nouvelle dynamique qui permet de toucher des juifs de tous horizons qui n'ont pas obligatoirement l'habitude de s'impliquer dans leur communauté”. Si nous LA VIE DU CONSISTOIRE retissons des liens, nous contribuons à la mission première du Consistoire : assurer la sauvegarde du judaïsme de France. C'est ma priorité car tant qu'une synagogue reste ouverte tout reste possible. ". Et d'ajouter " Aussi je tiens ici à exprimer toute ma gratitude aux Présidents de Communauté qui par leur dévouement et leur détermination continuent à faire vivre des Communautés qui sans ces volontés auraient déjà disparu. C'est dans cette optique que nous essayons également de promouvoir les Chabbats jeunes, les mouvements de jeunesse comme Tikvatenou ou les Talmudei Torah que nous voulons rendre plus attractifs. C'est aussi pour soutenir ces efforts que le Consistoire Central avec l'aide du Consistoire de Paris est à l'écoute de toutes les demandes émanant de nos Communautés. La tâche est immense mais chaque résultat obtenu est porteur d'avenir. Je remercie le président Lemmel et la Communauté d'Evian qui ont manifesté une belle unité pour partager ce Chabbat riche d'un nouvel avenir. Je suis persuadé que bientôt y vivra un vrai mynian ". Valérie Pécresse invitée au Conseil du Consistoire Central Mme Valérie Pécresse, Ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, s'est rendue le 11 novembre à l'invitation du Président Mergui à une réunion de travail avec les membres du Conseil du Consistoire Central, en présence du grand rabbin de France Joseph Sitruk, du grand rabbin Gilles Bernheim et du grand rabbin de Paris David Messas. Mme le Ministre a insisté sur les mesures prises pour permettre à chacun de pouvoir réussir ses études en respectant ses convictions et donc en premier lieu, les dates d'examen. Ces mesures seront reconduites l'année prochaine, notamment pour les fêtes de Chavouot. La question du militantisme pro-palestinien a à Mme le ministre Valérie Pécresse reçue au Consistoire Central l'intérieur des Universités a également été soulevée, phénomène connu mais qui exige beaucoup de précautions vu l'hypersensibilité du public étudiant. Sur bien d'autres points encore, cette rencontre a été l'occasion d'une discussion ouverte avec des préoccupations partagées, et fut un moment de dialogue constructif et porteur d'avenir. Cimetières juifs d'Algérie Le Président Joël Mergui a installé mardi au Consistoire Central de France la commission des cimetières juifs d'Algérie, présidée par Jack-Yves Bohbot, Vice-président du Consistoire Central. A l'initiative de Bernard Haddad, ont été réunies des associations qui travaillent depuis longtemps pour la rénovation et l'entretien de ces cimetières. Cette démarche renvoie à une journée historique, celle du lundi 3 mars 2003. Ce jour-là, Jacques Chirac est le premier président de la République française, depuis 1962, à honorer la mémoire des Juifs d'Algérie en se rendant au cimetière juif de Saint-Eugène. Devant les tombes béantes et les ossuaires fracassés, le Président prend un engagement solennel : "Nous veillerons scrupuleusement à ce que le plan de rénovation des cimetières que nous mettons en route avec les autorités algériennes soit respecté… Il faut que chacun puisse venir ici pour se recueillir dignement sur les tombes ". Un plan d'action et de coopération relatif aux sépultures civiles françaises est alors engagé dès 2003. Il vise à remettre en état des cimetières délaissés et concerne 523 cimetières civils et près de 210 000 sépultures. Pour ce qui concerne le financement, un fonds de concours ouvert aux collectivités territoriales, aux associations et aux particuliers, est créé. Pendant la période 2003-2007, 1,4 million d'euros ont été consacrés à ces opérations. Mais force est de constater que beaucoup de travail reste encore à faire : pour les petits cimetières, pour ceux de l'est et du sud algérien et tant d'autres encore… A cet égard, la mission fixée à la commission sera plurielle : - fédérer et soutenir les initiatives des associations et des communautés. - sensibiliser la communauté juive française, d'alerter les décideurs français et algériens. - agir pour achever la rénovation des cimetières juifs d'Algérie. - veiller à ce que leur entretien soit assuré de manière pérenne. Sans action rapide, ces cimetières disparaîtront et avec eux, c'est la mémoire des communautés juives d'Algérie qui s'éteindra. INFORMATION JUIVE Décembre 2008 31 LA VIE DU CONSISTOIRE En bref Meudon célèbre Israël Du 20 au 23 novembre, à l'occasion des 20 ans du jumelage de Meudon avec la ville de Mazkeret Batya, des 30 ans de la synagogue de Meudon et bien sûr des 60 ans d'Israël, l'association culturelle de Meudon, sous la présidence de M. Lucien Alezra, a célébré les liens historiques entre la Ville de Meudon, son maire M. Hervé Marseille, la Communauté, présidée par M. Roland Attia, et Israël. La délégation israélienne était composée de 7 personnes, avec la présence de Mme la Ministre du Tourisme Rou'hama Avraham et M. Sammy Ravel, Ministre Plénipotentiaire de l'Ambassade d'Israël ainsi que de M. Raffi Elloul, ancien Maire de Mazkeret Batya et premier signataire de ce jumelage. Les représentants français étaient aussi venus en rangs serrés : M. le maire de Meudon, Hervé Marseille, ses adjoints, M. Claude Goasguen, Maire du XVIème Arrondissement et Président de l'amitié France-Israël au Parlement, M. Bernard Gauducheau, Maire de Vanves. M. Joël Mergui a salué le travail fait par M. Hervé Marseille et rappelé que les Hauts de Seine sont un département pilote puisqu'on y compte 10 jumelages. L'intérêt pour de telles opérations étant très largement partagé, M. Mergui s'est engagé à continuer de promouvoir ce qui représente pour les uns et les autres des opportunités d'échanges et, au-delà, de véritables rencontres ouvrant des espaces de dialogue interculturel. La Ministre du Tourisme s'est félicitée des liens chaleureux et actifs ainsi tissés. Trois jours de fête qui ont su conquérir le cœur de la Communauté mais aussi des habitants de Meudon venus nombreux à la soirée de clôture. Congrès du Maccabi Pour la première fois le Consistoire était présent lors d'un Congrès du Maccabi, à la grande satisfaction de son Président Georges Haddad. " En France, le Maccabi joue un rôle puissant pour favoriser l'intégration communautaire des jeunes en offrant un autre type de mise en relation avec la Communauté ", a souligné le Président du Consistoire Central lors de son intervention. Le prochain Congrès Européen du Maccabi aura lieu en 2010 et se tiendra en Ecosse. Le Consistoire central défend l'abattage rituel européen Alors que des projets inquiétants sont à l'étude à la Commission européenne (un règlement prévoyant un certain nombre d'entraves à la " chehita " ou abattage rituel), s'est tenue à Bruxelles le 7 décembre 2008 une importante rencontre dans les locaux du Consistoire de Belgique, en présence notamment du grand rabbin de Bruxelles, Monsieur Albert Guigui, des représentants des Consistoires et rabbinats européens. Pour la France, Monsieur Joël Mergui, a fait le déplacement accompagné du Grand Rabbin Fiszon, grand rabbin de la Moselle et spécialiste de la question de l'abattage rituel, à l'invitation du Président du Consistoire de Belgique, Monsieur Julien Klener. Une position commune a été adoptée et défendue auprès du Conseil de l'Europe. Le Président Mergui a demandé à ce que les Consistoires, seules instances habilitées en matière d'abattage rituel, parlent d'une seule voix auprès des autorités européennes et nationales dans ce dossier. Dialoguer Le Consistoire Central était invité à participer à Fès au 2ème Colloque du Centre Marocain Interdisciplinaire des Etudes Stratégiques Internationales, constitué d'une centaine de membres dont les pays de la Ligue Arabe. Organisme fondé en 2007, le CMIESI est un centre de réflexion, d'étude, de recherche et d'expertise pluridisciplinaire, traitant de problématiques stratégiques, diplomatiques et internationales complexes. Lors de son allocution en séance plénière, le Président du Consistoire Central a parlé de son émotion de se retrouver dans " son " pays d'origine et son angoisse de ne plus y voir que quelques traces de vie juive. Le communiqué final intègre l'une des motions qu'il a proposées, à savoir que " les participants appellent à la création d'un Observatoire mondial des manuels scolaires dont le but sera de réduire les divergences et anéantir la haine et l'animosité pouvant résulter de certains programmes scolaires dans certains pays ". Déjà un début, quand la présence d'Israël était également proposée ... Lille accueille une délégation du Consistoire Central Une délégation du Consistoire Central, composée notamment par son Président et le le grand-rabbin Pierre-Yves Bauer, Aumônier des Prisons, a effectué le 11 décembre une visite au Consistoire régional du Nord Pas-de-Calais présidé par M. Charles Sulman, Vice-Président du Consistoire Central. La délégation s'est entretenue avec le Préfet de région et Monseigneur l'Archevêque ainsi qu'avec la presse locale. Les sujets abordés portèrent sur les questions de transmission, de patrimoine, l'apport du judaïsme à la société civile et le modèle du " vivre ensemble ". Il fut également question des formes de soutien à Guilad Shalit. En outre, la délégation a rencontré la Communauté lilloise et des villes avoisinantes autour d'une conférence du grand rabbin Bauer sur les difficultés spécifiques aux prisonniers juifs. Nous reviendront plus en détail sur cette rencontre prochainement. Réunion entre le Consistoire Central et le Crif Le président du Crif Richard Prasquier et le président du Consistoire central Joël Mergui se sont réunis le vendredi 12 décembre à l'espace Rachi. Cette rencontre était la première du genre entre les deux dirigeants depuis l'élection du président du consistoire central. Accompagnés de leurs directeurs généraux respectifs Haim Musicant et Frédéric Attali, les deux Présidents ont procédé à un large tour d'horizon sur les problèmes qui concernent la communauté juive de France. Ils sont convenus de donner une suite à cette première réunion afin de faciliter un dialogue régulier entre le Consistoire central et le Crif dans le respect des prérogatives de chacune de ces deux institutions. Le CFCM reçu au Consistoire C'est dans un contexte de dialogue et de respect que, pour la première fois, une délégation du Conseil Français du Culte Musulman conduite par son Président M. Mohammed Moussaoui et composée d'imams et de responsables de la communauté musulmane a été reçue au Consistoire Central de France le 15 décembre pour un déjeuner de travail avec le Président du Consistoire, le grand rabbin de France et les membres du Bureau. Cette rencontre ambitieuse et historique a été l'occasion et de recherche de nouvelles relations qui devra créer les conditions pour un renforcement des liens entre les deux grandes communautés religieuses. Le Consistoire Central de France souhaite ardemment qu'il s'agisse là d'une étape majeure pour l'établissement d'un dialogue constructif et porteur d'avenir pour l'ensemble de la société française. INFORMATION JUIVE Décembre 2008 33 BICENTENAIRE Connaissez-vous l'histoire de la synagogue de la Victoire ? (2ème partie) PAR PHILIPPE LANDAU Avec le grand rabbin de Paris Zadoc Kahn, la synagogue connaît un dynamisme inhabituel alors que l’israélitisme semblait sombrer dans l’indifférence religieuse. La musique synagogale est en pleine apogée avec un chœur de plus de 80 personnes à chaque office du samedi sous la conduite de Samuel David. Conciliant religion et science juive, le grand rabbin organise des conférences pour la jeunesse et pour les femmes. Pour lui, la synagogue doit devenir le rassemblement de tous les Israélites ce qui explique qu’il invite souvent le rabbin orthodoxe de la rue Cadet Moïse Weiskopf à développer des sujets talmudiques devant le public et autorise les membres du judaïsme libéral naissant (en 1900) à célébrer leurs offices dans la salle communautaire consistoriale. Toutefois, la loi de Séparation de 1905 met fin à cette unité tacite. Le grand rabbin Jacques-Henri Dreyfuss continue à œuvrer dans le sens de son prédécesseur. Des cours pour tous et des conférences sont maintenus jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. Sous l’impulsion de la famille Rothschild, chaque année, des remises de prix se tiennent en la synagogue pour les jeunes gens (garçons et filles) qui ont eu leur majorité religieuse. mémoire de l’israélitisme. Aussi, en 1924, un monument aux morts de la Grande Guerre est inauguré dans la cour. Œuvre du sculpteur Emmanuel Hannaux, la sculpture représente les Tables de la Loi avec un casque de combattant, un fusil et le drapeau national. Par ailleurs, des plaques commémoratives rappellent le souvenir d’un millier de combattants tombés au champ d’honneur. Au nom de l’Union sacrée, des manifestations patriotiques ont lieu chaque année dans la synagogue, ce qui suscite bien des critiques, notamment lorsque les responsables consistoriaux reçoivent l’association nationaliste des Croix de Feu, farouchement opposée au Front Populaire de Léon Blum et dont certains membres sont ouvertement antisémites. Le 14 juin 1936, l’office patriotique est ainsi perturbé par des militants de la Ligue internationale contre l’antisémitisme. Jacob Kaplan, le seul rabbin ancien combattant, réussit néanmoins à ramener le calme devant 1 200 participants mais le lendemain, le quotidien Le Temps relate qu’il y a eu « d’assez violents incidents à l’intérieur de la synagogue. » Désormais, le temple de la Victoire n’accueillera plus les Croix de Feu. Lorsque l’avancée allemande au printemps 1940 menace la capitale, le Consistoire de Paris se replie un temps à Vichy. Malgré l’exode, il reste encore dans la région parisienne près de 130 000 juifs. Véritable référence du judaïsme Le grand rabbin du Consistoire Central auprès des pouvoirs publics, elle Isaïe Schwartz conseille alors vivement au accueille en mai 1916 le président de grand rabbin de Paris Julien Weill de la République Raymond Poincaré lors rejoindre son poste afin d’organiser les fêtes d’une cérémonie dédiée à la mémoire d’automne. Même si l’ordonnance des soldats tombés au champ allemande du 27 septembre 1940 précise d’honneur. Pour le grand rabbin qu’il est « interdit aux Juifs qui ont fui la Dreyfuss qui fait diverses allocutions Le grand rabbin Isaïe Schwartz (1875-1952) à la synagogue de la Victoire, le premier grand rabbin à zone occupée d’y retourner.», Julien Weill, pour motiver les civils dont les femmes porter en 1939 le titre de grand rabbin de France secondé par Joseph Sachs, reprend ses aux efforts de guerre, c’est l’occasion fonctions à la synagogue de la Victoire. de comparer l’émancipation des juifs à la sortie d’Egypte tout en insistant sur l’aspect messianique de la France : «C’est la fête de Durant quatre années, cinq synagogues consistoriales vont être la liberté, de la victoire du droit. Est-il pour nous, Français israélites, ouvertes au public – dont celle de la Victoire – malgré les risques une vision plus réconfortante, que la contemplation des hauts faits encourus. Officiellement, il n’y a pas de limites en ce qui concerne qui ont marqué la délivrance d’Israël de l’esclavageégyptien ? » le culte israélite. Même si le premier statut des Juifs entre en Il organise aussi dans les salles adjacentes à la synagogue des vigueur en octobre 1940, les autorités allemandes comme le locaux où des œuvres envoient des colis aux combattants, aux régime de Vichy font une distinction éhontée et contradictoire veuves et aux familles démunies. entre fidèles de la religion israélite et personnes de race juive ce qui explique l’ouverture des synagogues et l’organisation des Une véritable vie communautaire se développe par la suite offices ! Dans ce contexte ubuesque voire kafkaïen, Yom Kippour avec de nombreux cours de Talmud Torah, d’autant plus que le est célébré par près de 6 000 fidèles en la grande synagogue mais nombre des fidèles s’est accru avec des juifs venus de Roumanie les craintes et la morosité sont bien présentes comme l’écrit et de Pologne. Néanmoins, le rite demeure judéo-alsacien et cela, Jacques Biélinky : « Les gens sont tristes. On se passe des jusqu’à nos jours. Ce lieu symbolique entend aussi entretenir la 34 INFORMATION JUIVE décembre 2008 BICENTENAIRE nouvelles toujours mauvaises. » Pourtant, la résistance spirituelle s’organise. Le grand rabbin Julien Weill, secondé par Léon Edinger et Jacques Sée continuent à maintenir les offices malgré les fréquentes pressions allemandes sur le grand rabbin comme en témoigne le trésorier du Consistoire de Paris, Roger Olschanski: « Nous sommes rue Saint-Georges une dizaine qui entourons le grand rabbin de Paris. Insultes, brutalités, menaces : nous ne bronchons pas, nous nous rendons compte de la gravité de la situation. » déportation et à son souvenir se déroulent. Les vœux du grand rabbin Isaïe Schwartz prononcés le 22 mars 1945 ( « La justice humaine revendique aussi ses droits. Il n’est pas possible que les atrocités perpétrées restent impunies et que toutes mesures ne soient prises pour empêcher le renouvellement de tels crimes, qui sont des crimes contre l’humanité. ») sont partiellement réalisés avec le Tribunal de Nuremberg qui juge les coupables nazis. Afin de ne jamais oublier la tragédie, le Monument du Souvenir est alors inauguré sur le parvis de la synagogue le 27 février 1949 en présence du président de la République Vincent Auriol. Audessus de l’urne funéraire, il est inscrit : « A la mémoire de nos frères, combattants de la guerre et de la résistance, morts dans les camps de déportation, fusillés, torturés, brûlés, et des innombrables victimes de la barbarie nazie. » Reconstruction nationale oblige, le judaïsme français feint d’oublier les actes du régime de Vichy. Le 3 octobre 1941, des attentats commandités par les autorités allemandes et réalisés par des activistes françaises frappent cinq synagogues parisiennes dont celle de la Victoire. Jacques Biélinky se rend sur les lieux et constate : « Rue de la Victoire devant la grille de la synagogue une foule regarde à travers les barres… L’entrée sous la voûte est encombrée de verre, de bois de portes et cloisons démolies… » Les vitraux sont aussi brisés. La municipalité prend en charge les réparations. Le 20 juillet 1942, des membres du Parti Populaire Français de Jacques Doriot réussissent à pénétrer dans le lieu de culte et se livrent à des actes de vandalisme. Le gardien Oscar Berg témoigne : « Ils s’en prirent aux rouleaux de la Torah qu’ils profanèrent, les déroulèrent dans la synagogue pour les lacérer. » Julien Weill intervient aussitôt auprès du chef du gouvernement Pierre Laval mais sa protestation n’est pas prise en considération. Désormais, l’affluence faiblit même si jusqu’à la fin Durant les quatre ans d'occupation, la synagogue de la Victoire de l’année 1943 les offices sont restera ouverte au public malgré les risques encourus maintenus. Tous les lieux de culte ne bénéficient plus de protection. Durant des décennies, jusqu’à tant que la mémoire de l’israélitisme assimile la trahison pétainiste, il ne sera pas fait Avec la Libération, la vie religieuse reprend enfin ses droits. mention de Vichy ! Aucun discours officiel n’est prévu pour Des aumôniers militaires américains participent aux offices tandis l’occasion car « …il n’est pas de mots qui puissent se mesurer à que la salle consistoriale devient un foyer pour les soldats alliés. l’immensité de ces pertes irréparables ou exprimer vraiment la D’ailleurs, jusqu’à leur départ, le Consistoire de Paris organise douleur que ressentent les survivants. » Le président Georges des bals afin de ranimer la vie communautaire et de susciter de Wormser, remerciant le président de la République, préfère rendre possibles mariages. Mais les blessures demeurent encore très hommage aux concitoyens qui ont sauvé des juifs dans une France vives même si le rabbinat célèbre dès la fin août 1944 la libération occupée « contrainte de se cacher à elle-même. » Le 18 juin 1948, de Paris : « A l’heure bénie où ces épreuves vont prendre fin, ils le premier président de l’Etat d’Israël Haïm Weizmann avait été (les Israélites) ont à cœur de proclamer leur indéfectible reçu dans la synagogue. attachement à notre chère Patrie, la France généreuse des Droits de l’Homme, et leur dévouement au régime qui resserre l’union Avec les bouleversements produits par la décolonisation depuis sacrée de tous les Français. » Oubliées l’Occupation et le régime les années cinquante, la synagogue de la Victoire est devenue de Vichy ? Non ! Mais il faut pour les 60 000 juifs qui demeurent un symbole communautaire même si l’influence alsaciennedans la région parisienne en 1945 continuer à vivre et à s’intégrer. lorraine tend à disparaître. Si, dans la grande synagogue, les Le nouveau président du Consistoire de Paris, Edmond Dreyfuss, offices demeurent selon le rite allemand, de nombreux fidèles a soin de le préciser : « Cet honneur, nous le revendiquons, non polonais y participent. De même, l’oratoire est réservé au rite pas comme un monopole, non pas par un vain orgueil, mais tunisien tandis que dans la grande salle, des Egyptiens s’y comme une preuve, un symbole de la continuité de notre foi et de réunissent. En fait, ce lieu de culte définit toujours l’image même notre incorporation dans la communauté française… » de la communauté, hétérogène mais fidèle à sa foi. Les traumatismes sont durables et c’est au sein de la synagogue de la Victoire que la plupart des manifestations relatives à la La grande synagogue de la Victoire est classée monument historique depuis le 11 décembre 1987. INFORMATION JUIVE Décembre 2008 35 COMMUNAUTÉS DE PROVINCE A la découverte de la Communauté juive de Metz P artons à la découverte d'une ville où la présence juive remonte au Moyen Age et plus précisément au début du IXème siècle. Les juifs sont à cette époque marchands, cultivent la terre et possèdent des vignes et vivent jusqu'au 11ème siècle sous la protection de l'évêque et habitent la " rue des Juifs". C'est à Metz que naquit, en 960, l'illustre talmudiste et décisionnaire, Rabbénou Guerschom, à qui nous devons le statut moderne de la femme juive. Il réunit un synode rabbinique à Mayence où furent prises un certain nombre de dispositions. Parmi ces décisions, il y a l'interdiction de la polygamie, sous peine de Herem (exclusion) et la possibilité de divorcer par consentement mutuel. Autrefois seul l'homme pouvait décider de renvoyer sa femme, même sans son accord. La Communauté juive de Metz a célébré en 2000, le 150ème anniversaire de sa synagogue consistoriale. Dans la brochure publiée par la Communauté à cette occasion on apprend que les Juifs disparurent de Metz à la fin du 12ème sans doute pour des raisons économiques. Ils obtinrent l'autorisation d'y résider à nouveau en 1565 en échange de lourdes taxes. En 1595, une communauté est constituée et une première synagogue est construite en 1609 (ou en 1619) à l'emplacement de la synagogue actuelle. Louis XIV la visita en 1657. Elle fut agrandie en 1690. Une deuxième synagogue fut construite à côté en 1716 avec une école talmudique dirigée par de célèbres rabbins, parmi lesquels il faut citer Chaagath Arieh, étudié dans toutes les écoles talmudiques de nos jours. Plusieurs oratoires privés étaient tolérés par le Consistoire par manque de place. La population juive de Metz est estimée en 1842 à 2400 personnes. En 1839, le Consistoire se prononça pour la construction d'une nouvelle synagogue. En 1845, les deux synagogues existantes furent détruites en accord avec la municipalité et après plusieurs années de discussions avec les autorités publiques, la pose de la première pierre eut lieu le 20 septembre 1848. L'inauguration aura lieu le 30 août 1850 en présence du maire, du préfet, d'officiers et de notables de la ville. La construction d'une nouvelle synagogue fut envisagée au début du siècle, mais le projet fut abandonné dans les années 30 au profit de travaux importants. La synagogue fut ... et est inscrite au patrimoine historique. en grande partie préservée pendant la guerre. Elle est classée monument historique. La synagogue de Metz a été inaugurée le 30 août 1850 ... 36 INFORMATION JUIVE décembre 2008 Parmi les rabbins illustres, citons Rabbi Eliezer de Metz, célèbre Tossafiste, ainsi que Arie Gougenheim et Arieh Loew auteur du traité Shaagath Arie sur la tombe duquel est désormais organisé un pèlerinage. Suite à la création du Consistoire départemental par Napoléon, l'école talmudique devint l'École rabbinique en 1829 qui formait tous les rabbins pour toutes les Communautés par décret du Ministère de l'Intérieur ce qui lui donnait une dimension considérable sur le plan religieux; de très grands Maîtres y enseignaient et COMMUNAUTÉS DE PROVINCE ville de Karmiel depuis plus de vingt ans. Comme nous l'a indiqué le Président Tolub, "Ce jumelage a créé des liens particulièrement étroits entre nous. Pour preuve, chaque année lors de la fête de la Mirabelle, une période de grandes festivités durant le dernier week-end d'août, une troupe de danseurs de Karmiel fait partie du spectacle. Quant à la communauté, on ne compte plus les voyages de solidarité qu'elle organise en Israël et ce n'est pas sa seule forme de soutien ". Bruno Fizson, le grand rabbin de Metz et de la Moselle Marcel Tolub, président de la communauté de Metz y résidaient. L'École ne fut transférée à Paris qu'en 1859. De très nombreuses Communautés rurales étaient implantées dans le département et près de 50 cimetières témoignent de leur présence et de leur participation (depuis des générations) à la vie économique de la région. Aujourd'hui, la Communauté juive de Metz est présidée par M. Marcel Tolub, le département de la Moselle a son Consistoire concordataire (à l'instar du Bas-Rhin et du HautRhin) présidé par M. Jean-Claude Michel, son grand rabbin M. Fiszon, son Dayan Rav Bamberger et trois autres rabbins. En plus de la Grande Synagogue qui se trouve rue du Rabbin Elie Bloch, dont le nom reste attaché à son action durant la Guerre pour aider ses correligionnaires rapatriés dans la zone d'Angoulême, on trouve un office de rite séfarade, un office de rite polonais depuis 1912, un office de rite ashkénaze d'Alsace-Moselle ainsi qu'un office de quartier. Metz centre ville, dispose d'un Erouv qui permet donc de porter le Chabbat ainsi qu'un Mikve entièrement rénové. On compte de nombreuses associations juives à Metz, dont la Sedim fondée en 1928 qui s'occupe de l'aide sociale et de la Tseddaka, la Wizo et le Bnai Brith, le Maccabi, les Eclaireurs et Eclaireuses israélites de France, le Collel ainsi qu'une chorale fort appréciée pour ses chants en yiddish, hébreu et ladino. Avec un gan, une école maternelle et primaire ainsi qu'un collège de la sixième à la troisième, le Collège Rabbi Gershon, Metz peut se targuer d'offrir une structure scolaire de grande qualité, dont les classes à effectif restreint sont un gage de qualité. Très important, créé au XVII siècle, le Home Israélite est une structure d'accueil médicalisée pour les personnes âgées où sont célébrés le Chabbat et les Fêtes. Situé à l'ombre de la synagogue, il est placé pour la cacherout sous le contrôle du Grand Rabbinat de la Moselle. Comme toutes les Communautés, Metz a eu à faire face à de nombreux défis. Aujourd'hui, c'est son devenir qui est au cœur de ses préoccupations. Metz ne disposant pas de grandes structures universitaires, les jeunes partent faire leurs études à Strasbourg, Nancy, Paris ou en Israël. Bien souvent, leur retour ne sera que ponctuel pour aller dans la famille mais leur vie se construit ailleurs. En revanche, Metz commence à attirer de nouvelles familles dont certaines viennent de Paris. En effet, grâce à l'effet TGV, Metz désormais n'est plus qu'à 1h20 de Paris et joue de plus sur la proximité du Luxembourg. On peut habiter à Metz, avec la possibilité d'une vraie vie juive, tout en bénéficiant de nombreuses opportunités d'emploi. En conclusion, laissons la parole au grand rabbin Fiszon : " Venez nous voir et vous découvrirez un lieu où il fait bon vivre et où vos enfants pourront s'épanouir ". Alors parions que le dynamisme et l'engagement de cette Communauté qui s'implique en permanence dans de beaux projets lui permettront de garder tout son rayonnement. Evelyne Gougenheim Communauté Israélite de Metz 39 rue du rabbin Elie Bloch - 57000 Metz Tél. : 03.87.75.04.44 - www.cimetz.com Remerciements pour leurs contributions à : M. le Grand Rabbin Bruno Fiszon, M. Marcel Tolub, Président de la Communauté, M. Henry Schumann, historien et Mme Isabelle Cerf du Consistoire de la Moselle. La Communauté est très impliquée notamment lors des Journées du Patrimoine, chaque année le premier week-end de septembre avec animations, conférences et découvertes. En préparation, une grande exposition dont la thématique sera " 1000 ans de présence juive en Lorraine ". Grâce aux efforts conjugués de la communauté et de la municipalité notamment, la ville de Metz est jumelée à la La rue des juifs : les débuts de la présence juive au 9ème siècle INFORMATION JUIVE Décembre 2008 37 BONNES FEUILLES L'enfant juif de Varsovie PAR FRÉDÉRIC ROUSSEAU La photographie de l'enfant juif de Varsovie est célèbre dans le monde entier. Elle occupe désormais une place à part dans notre mémoire. Frédéric Rousseau, professeur à l'université Paul Valéry de Montpellier, a voulu savoir comment et pourquoi cette photo a acquis ce statut. Il publie aux Editions du Seuil le résultat de l'enquête qu'il a menée. Avec l'autorisation de l'éditeur et de l'auteur, nous donnons ici le texte de l'introduction que Frédéric Rousseau a donné à son livre ( à paraître le 9 janvier 2009 ) " L'espèce humaine s'attarde obstinément dans la caverne de Platon et continue, atavisme ancestral, à faire ses délices des simples images de la vérité " Susan Sontag Q ui n'a jamais vu le regard terrorisé de cet enfant juif menacé par un soldat allemand durant la Seconde Guerre mondiale ? Livres et manuels d'histoire, magazines, couloirs du métro parisien, documentaires télévisuels, œuvres d'art, sites internet, jamais sans doute l'image de ce garçonnet n'a été aussi présente qu'aujourd'hui. Et comme beaucoup, je connais cette image ; je connais cet enfant... des représentations plus ou moins stylisées du fameux portail d'Auschwitz, l'image du petit garçon juif, plus ou moins retouchée elle aussi, est devenue un signe métonymique particulièrement efficace, capable de mobiliser notre savoir historique - souvent incertain - et de ranimer la veilleuse de notre mémoire, parfois vacillante... Mais de quel témoignage cette image de l'enfant juif de Varsovie est-elle véritablement la porteuse ? La passeuse ? Quelles sont les réalités produites par les expositions successives de cette image sans cesse recadrée ? Qu'est-ce que montrer cette imagelà veut dire en 1943 ? En 1960, en 1995, en 2007 ? Cette image est un objet nomade qui erre dans le champ mémoriel occidental depuis plus de soixante ans. Aussi sa présence dans l'espace public est-elle ici Mais qu'est-ce que voir veut dire ? appréhendée comme un phénomène Quelle est la vérité de cette image ? Cette dynamique, produit d'un jeu de forces vérité est-elle une ou plurielle ? Sitôt que sociales et sujet aux multiples pressions les yeux se posent sur la couverture de d'un environnement lui-même en ce livre, sitôt qu'ils croisent ceux de ce permanente mutation depuis la Seconde petit garçon apeuré, un processus Guerre mondiale, un environnement singulier s'enclenche instantanément, dans lequel les images de toutes sortes presque mécaniquement, tel un réflexe. ont en outre pris une place tout à fait Voir cette image-là, tout au moins dans inédite. À partir de quand, et par quel nos sociétés occidentales, ce n'est pas cheminement cette image s'est-elle ce n'est plus - seulement voir un Quelle est la vérité de cette photo ? imposée comme une icône de la Shoah document photographique témoignant ? Tenter d'apporter des réponses à ces questions nécessite de la destruction du ghetto juif de Varsovie et de ses habitants ; l'exploration des conditions sociales, politiques et culturelles plus ou moins pensées, les innombrables reproductions, nécessaires à son avènement. démultiplications et autres mises en scène de ce document depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ont incontestablement En creux, la question de l'invisibilité première de cette image contribué à faire de ce dernier une icône de la Shoah. À l'instar est évidemment posée ; mais au-delà, c'est bien la mémoire et la conscience du génocide au sein de nos sociétés, dans leurs contemporanéités successives, c'est-à-dire dans leurs fluctuations, mais aussi leurs ruptures, voire leurs retournements, qui sont interrogées, avec, pour finir et en filigrane, la formulation d'une inquiétude : la reproduction effrénée de cette icône ne comporte-t-elle pas le risque de brouiller le témoignage si essentiel du petit messager de Varsovie ? De vue. (Copyright Editions du Seuil ) 38 INFORMATION JUIVE décembre 2008 LIVRES Quand Le Canard traîne les pattes U tile et salubre ? Bien sûr qu’il l’est. Nécessaire à l’expression de la démocratie ? Qui oserait dire le contraire ? Une institution ? On le prétend ! Il frappe souvent fort ? Il peut se le permettre avec la santé financière insolente qui est la sienne : 90 millions d’euros de réserve. Qui aujourd’hui, dans le panorama de la presse française et la crise sévère qu’elle traverse, peut en dire autant ? Mais de là à prétendre que Le canard enchaîné – puisque c’est de lui qu’il s’agit – a toujours été juste et équitable, il y a du chemin. C’est en tout cas la question que deux journalistes, Karl Laske du journal Libération et Laurent Valdiguié de Paris Match ont voulu traiter dans leur livre « Le vrai Canard » ( Editions Stock,22 euros). Et d’abord que ceux parmi nos lecteurs ( il en existe ) qui considèrent le journal satirique d’aujourd’hui comme peu ou prou antisémite sachent qu’ils disent une énorme stupidité. Lecteur depuis des décennies de l’hebdomadaire paraissant le mercredi, on n’a en vérité jamais pu surprendre le moindre de ses collaborateurs en flagrant délit d’antisémitisme ou de judéophobie, même si on n’oublie pas – ce que rappellent abondamment, au demeurant, nos deux journalistes- enquêteurs – que nombre de leurs collaborateurs, au lendemain de la guerre, ont… collaboré avec Vichy et parfois avec l’Allemagne nazie. Laske et Valdiguié rappellent que Le Canard a, au cours de sa longue histoire, « couvé plus de collaborateurs que de héros » et que, dans ses colonnes, avant guerre, on flirtait sournoisement avec l’antisémitisme. Il y eut une époque où Henri Jeanson y tenait chronique. Or, en 1956, « cette grande patte du Canard » signe la préface d’un livre de Paul Rassinier, fondateur en France du courant négationniste. « J’aime beaucoup Paul Rassinier » y écrit-il, et il s’en prend avec violence aux « propriétaires d’écurie de course, les Lazard, les Worms, les Rothschild ». Et en septembre 1940, quand il s’installe à la direction du journal Aujourd’hui, voici ce qu’écrit le futur collaborateur (et grande gueule) du Canard enchaîné : « Il ne suffit pas de liquider les hommes, (politiciens, fonctionnaires, francs maçons et ploutocrates israélites ), il faut détruire leur œuvre de mort pour la nation laborieuse ». Jeanson n’était pas le seul collaborateur du nazisme qui se soit retrouvé dans la confrérie du Canard. Robert Gaillard, le père de Michel - l’actuel directeur - ne devra qu’à une attestation signée par François Mitterrand et affirmant que l’homme « a toujours manifesté des sentiments patriotiques indiscutables » d’échapper au lendemain de la guerre à la justice, alors qu’il avait collaboré, entre autres, au journal antisémite Révolution nationale. Passons sur le cas de Morvan Lebesque, égaré idéologiquement pendant la guerre et revenu, à la Libération, à des sentiments moins ésident François Mitterrand a pu entretenir durant des années avec René Bousquet, Serge Klarsfeld, quant à lui, dit aux auteurs de cette enquête que « ce dossier n’a jamais intéressé les gens du Canard ». En revanche, il est possible d’écrire ici que, depuis des années, la position du journal à l’égard de l’Etat d’Israël est régulièrement négative et critique. Israël irrite ( enquiquine devrait-on dire ) sans doute les rédacteurs de la page 3 du journal. L’Etat d’Israël y est souvent décrit comme le principal responsable de tous les maux et de toutes les crises, intifadas comprises, qui éclatent au Proche Orient. Il est l’empêcheur de pacifier en rond. On ne garde pas le souvenir d’une seule chronique de Claude Angéli ( qui, semble-t-il, a la responsabilité de ce dossier au Canard) dans laquelle il ait exprimé la moindre compréhension pour l’Etat juif ou la moindre compassion pour les victimes du terrorisme qui le frappe. Est-ce parce qu’Angéli a passé vingt ans dans le sérail communiste et que « ses réflexes, ainsi Il y a des dessinateurs que l'on vomit et que l'on tourne en dérision et d'autres que l'on aime, quelles que soient les débilités antisémites qu'ils puissent à l'occasion proférer… racistes ( c’est en tout cas le souvenir que l’on garde de nombreuses conversations avec lui) . Mais aujourd’hui ? Michel Slitizky à Bordeaux peut considérer que, dans l’affaire Papon, le Canard a souvent traîné les pattes et qu’il avait visiblement « des ficelles qui le reliaient à l’Elysée ». Dans l’affaire des relations que l’ancien pr que l’écrivent les auteurs, sont militants » ? Est-ce parce qu’il a longtemps collaboré à Politique Hebdo, l’un des hebdomadaires, de mémoire de journaliste, les plus anti-israéliens en France ? Michel Antoine Burnier a raison d’écrire que « Le Canard enchaîné n’est plus qu’une revue de presse malveillante ». C’est vrai qu’il a des indignations INFORMATION JUIVE Décembre 2008 39 LIVRES sélectives. Il aime ou il n’aime pas. Et quand il n’aime pas c’est pour longtemps. Ainsi avez-vous récemment remarqué « le silence assourdissant » qu’il a religieusement observé dans ce que l’on a appelé « l’affaire Siné » ? Il y a des dessinateurs que l’on vomit et que l’on tourne en dérision et d’autres que l’on aime, quelles que soient les débilités antisémites qu’ils puissent à l’occasion proférer… Reste le fait que Le Canard aime à donner des leçons. A tout le monde, aux individus, aux politiciens comme aux Etats. Mais également à ses confrères. Il se dit volontiers proche des petites gens et des smicards. On peut se payer ce luxe, on en conviendra, quand le salaire mensuel d’un journaliste du Canard est de 7.500 euros ( sur 18 mois ) et que celui des rédacteurs en chefs et autres dirigeants du journal atteint allègrement les 20.000 euros. Qui a dit qu’il est des gens qui parlent du coeur comme d’autres parlent du nez ? V.M La Bible traduite et…trahie OOO Pinchas Lapide, ancien diplomate israélien et vulgarisateur de haut niveau d'études bibliques, aborde une question capitale dans son livre La Bible est-elle correctement traduite ? (1). Cette question se pose depuis toujours et les écueils d'un rendu fidèle du texte hébraïque sont innombrables. Les erreurs humaines tout d'abord. Au Moyen Age, les scribes travaillaient sous la dictée. Ils pouvaient aisément confondre un mot avec un autre, à consonance voisine. La main pouvait tracer une lettre à la place d'une autre. Lors de l'utilisation d'un passage de la Bible hébraïque dans le Nouveau Testament, les déformations théologiques sont classiques. Ainsi Matthieu cite un passage d'Isaïe : "La jeune femme est devenue enceinte, elle va mettre au monde un fils" (Is. 7.14). Or l'évangéliste traduit : "Voici que la vierge concevra et enfantera un fils" (Mt. 1.23). Dans le texte hébraïque figure le mot alma ( jeune femme). Vierge se serait dit betoula. D'autres substitutions de terminologie proviennent du fait que le vocabulaire biblique hébreu ne comporte que 7.707 mots. Certains peuvent avoir des significations très divergentes. Rouakh par exemple peut signifier respiration, vent, esprit, conscience… Nefesh veut dire âme, respiration, vie, désir. On conçoit que des confusions de sens en ont résulté. Certaines sont évidemment plus ou moins volontaires et tendancieuses. Les déformations par traduction défectueuse engendrent des concepts erronés. L'un des plus classiques est la traduction de torah par loi. Il en découle une notion universelle de sévérité, de rigidité liée à la Bible hébraïque et à la religion des juifs. Mais Torah veut dire enseignement, indication. On voit la différence. La loi inflexible a jeté sur le texte fondamental des juifs et sur le judaïsme une lumière négative. Un autre exemple de déformation de la signification exacte d'un mot est celui du commandement " tu ne tueras point ", dans l'acception courante. Or le verbe hébraïque du texte biblique est ratzakh qui signifie exclusivement "tuer en dehors de la loi", c'està-dire assassiner. La différence est énorme. De même encore, la traduction prophète pour navi a acclimaté l'idée selon laquelle certains événements relatés dans le Nouveau Testament ont été prophétisés dans l'Ancien. Or, les neviim ont exercé toutes sortes de fonctions dont musiciens, intercesseurs, guérisseurs etc… " à l'exception remarquable de la prophétie au sens classique du mot :la prédiction de l'avenir ". Quand ils parlaient du futur, ils ne le prédisaient jamais, mais énonçaient des alternatives qui mettaient leurs interlocuteurs et lecteurs devant des choix moraux. Une traduction française de cet ouvrage serait la bienvenue. Paul Giniewski -(1) Pinchas Lapide. Ist Die Bibel richtig Ubersetzt ? Güterslcher Verlagshaus. 2008. EN BREF Hachette Littératures réédite dans la collection Pluriel " Les hommes de la Bible ", le livre du regretté André Chouraqui. Le livre paraîtra en février 2009. OOO OOO Les enseignants de primaire recevront bientôt un petit livret sur " la mémoire et l'histoire de la Shoah à l'école " pôur mieux enseigner ette page d'histoire. En présentant ce livret au Mémorial de la Shoah, le ministre Xavier Darcos a déclaré : " Nous avons accompli une promesse de Nicolas Sarkozy qui voulait que la mémoire des enfants juifs de France soit portée par les écoliers français. C'était compliqué à faire mais nous sommes parvenus à un document de qualité ". L'Education nationale a pris soin dans ce livret pédagogique ( réalisé par Mme Hélène Waysborg -Loing, inspectrice générale honoraire) , d'éviter ce qui pouvait traumatiser des élèves de 10 ans. Il est indiqué dans le livret: " La découverte de 40 INFORMATION JUIVE décembre 2008 l'extermination de masse à l'école primaire ne présuppose pas la vision de documents et la médiation par l'image de la découverte de l'horreur des camps. Ces images pourraient heurter de jeunes élèves et affecter durablement leur sensibilité ". Julie Maeck, docteur en histoire contemporaine, publie chez Nouveau Monde éditions " Montrer la Shoah à la télévision. De 1960 à nos jours ". Pour cette étude qui a fait l'objet de sa thèse, Mme Maeck a parcouru les centres d'archives OOO de Bruxelles, Berlin, Stuttgart, Strasbourg, Paris ainsi que celles de la chaîne Arte. OOO Les éditions La Découverte annoncent pour le début janvier la parution du Livre du Souvenir (A la recherche d'une famille juive décimée en Pologne ).L'auteur de ce livre, Françoise Milewski est économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques et au centre de recherche en économie de Sciences Po. Le livre est préface par M.Théo Klein. Communautés juives d'Algérie aujourd'hui disparues Albert Bensoussan prépare la publication d'un ouvrage collectif qui sera publié en Israël courant 2009 : " Les communautés juives d'Algérie... aujourd'hui disparues". De précieux témoignages sont encore à recueillir. Appel est lancé à toute personne pouvant apporter quelque témoignage sur l'une de ces communautés disparues d'Algérie, ainsi que des photos, qui seraient reproduites dans cet ouvrage avec l'autorisation de leur détenteur. Merci à tous ceux qui pourront l'entendre et l'aider. Il s'agit d'un devoir de mémoire et d'une mitzva. (Albert Bensoussan, 49 rue Jean Guéhenno, 35700 Rennes, [email protected]) CINÉMA Le dilemme cornélien d'un amoureux new-yorkais PAR ELIE KORCHIA Au cinéma, comme partout ailleurs, il est toujours bon de se remémorer les sages paroles des Anciens. Et de se rappeler ainsi une vieille interview de Claude Sautet, l'inoubliable et regretté réalisateur des Choses de la vie, au cours de laquelle il expliquait à son interlocuteur que la principale qualité d'un metteur en scène consistait selon lui à savoir instaurer un " climat " particulier dans chacune de ses oeuvres. Un Joaquin Phoenix qui porte ce nouvel opus de bout en bout et nous transporte ici avec un certain génie d'acteur, alors même que nous sommes pourtant à mille lieues de son précédent personnage de flamboyant patron d'une boite de nuit contrôlée par la mafia russe, qui devait choisir son camp et se trouvait tiraillé entre ses dangereux amis et son père policier. Et James Gray de revenir sur ses thèmes de prédilection, avec toujours à l'idée la même antinomie entre la loi du désir et le sens du devoir et ce, à l'intérieur d'une nouvelle famille juive originaire d'Europe de l'est. Avec aussi une esthétique toujours impeccablement soignée et un rythme toujours aussi soutenu, qui donne d'ailleurs souvent des allures de thriller à cette fable tendrement cruelle sur l'amour contrarié. Une leçon de cinéma que semble avoir aujourd'hui parfaitement intégrée James Gray, réalisateur américain prodige de 38 ans, qui nous livre dans son dernier film une bouleversante et envoûtante tragicomédie romantique, au climat toujours aussi singulier et à l'atmosphère tout simplement unique. En effet, s'il était à craindre une baisse de régime de ce surdoué de la pellicule, avec ce mélodrame a priori fort convenu autour d'un homme dont le cœur balance entre deux femmes, force est de constater que James Gray confirme une nouvelle fois toute l'étendue de son talent et continue avec succès de creuser le sillon de ce qu'il convient d'ores et déjà d'appeler une œuvre, transformant un banal conte amoureux en une tragédie shakespearienne sur le thème revisité de la destinée sentimentale. Ainsi, près de 15 ans après Little Odessa, son premier film réalisé à l'âge de 24 ans sur le thème des racines du crime dans le milieu new-yorkais, le lauréat du Lion d'argent au festival de Venise (1994) nous revient avec un drame existentiel doublé d'une crise identitaire et aborde, dans le même climat fiévreux et ténébreux qui le caractérise, les racines mystérieuses et insondables de l'amour. La continuité dans le changement en somme pour ce metteur en scène au sens du scénario aiguisé et à la direction d'acteurs inspirée, qui peut se féliciter d'avoir su renouer pour la troisième fois consécutive avec le fascinant Joaquin Phoenix, son alter ego devant la caméra, qu'il avait déjà dirigé dans The Yards (2000) et qu'il avait retrouvé dans son troisième film, La nuit nous appartient, présenté l'an passé au festival de Cannes et accueilli avec le même enthousiasme par la critique et le public. Un homme sous influence, comme aurait dit Cassavettes, qui va subir de plein fouet l'inextricable contradiction entre l'amour-raison que représente Sandra (même milieu social, même éducation, même religion) et l'amour-passion que symbolise Michelle, perdant rapidement pied dans ce trop subtil jeu de l'amour et du hasard. Démarrant sur les chapeaux de roues, avec une nouvelle scène d'ouverture sidérante dont il a le secret, ce nouveau cru de James Gray nous conte l'histoire de Léonard Kraditor, jeune juif newyorkais de 30 ans, qui souffre de troubles bipolaires et a du retourner vivre chez ses parents à la suite d'une douloureuse séparation amoureuse dont il a du mal à se remettre et dont il porte d'ailleurs les stigmates aux poignets. Pour le tirer de sa mélancolie, ses parents (interprétés par la grande Isabella Rosselini et l'acteur culte israélien Moni Moshonov) ont la bonne idée de lui présenter la fille du futur associé de son père, la douce et gracieuse Sandra Cohen, qui représente à l'évidence la garantie d'un mariage heureux et prometteur. Mais dans le même temps, Léonard fait la connaissance de sa nouvelle voisine, la belle et blonde Michelle (Gwineth Paltrow) dont il tombe follement amoureux, alors même que celle-ci est empêtrée jusqu'au cou dans une relation adultère complexe et ambiguë avec un homme marié. Que ce soit dans l'univers du polar ou dans celui du mélo, ce fan de Visconti et d'Alfred Hitchcock (dont plusieurs références à Vertigo et à Fenêtres sur cour jalonnent Two lovers) donne donc à nouveau une dimension de tragédie grecque à ce récit d'un cœur en hiver, notamment à travers l'influence cruciale de la famille qui pèse sur son anti-héros, à l'image des précédents personnages de flics ou voyous aperçus dans The Yards ou La nuit nous appartient. Car loin du monde idéal rêvé par Sandra, dont le film de chevet est La mélodie du bonheur, Léonard Kraditor se révèle à nous comme un personnage en quête d'un amour absolu et impossible, torturé par une passion inaccessible et tourmenté par un conflit intérieur qui est en passe de le dévorer. Mais comme il serait bien dommage d'en dire plus sur le déroulement et l'issue de cette romance new-yorkaise désenchantée, au cours de laquelle James Gray utilise par ailleurs avec une certaine magie - et à trois reprises - la technique du regard-caméra afin de renforcer encore plus la complicité entre les interprètes et le spectateur, nous ne pouvons que vous conseiller de découvrir en salle cette œuvre tour à tour crépusculaire et éblouissante, d'un artiste passionnant qui s'inspire tout à la fois de Woody Allen et de Dostoievski. INFORMATION JUIVE Décembre 2008 41 COURRIER Chers amis d'Information juive. je veux vous dire l'immense plaisir que j'ai eu à lire votre dernier numéro. J'ai été enchanté par l'entretien avec Jean d'Ormesson et très intéressé par celui - non signé - que vous a accordé le directeur de Charlie Hebdo M. Philippe Val àl'occasion de la sortie de son livre " Reviens Voltaire, ils sont devenus fous ". J'observe d'ailleurs que dans l'édito qu'il publie dans le numéro de son journal daté du 3 décembre, M.Val relève les propos que Pasacal Boniface aurait tenus lors du Salon du livre d'Alger. Voici ce qu'écrit M.Val : " En compagnie d'Alain Finkielkraut et de Bernard-Henri Lévy, je serais à la tête d'un lobby juif qui, en France, empêche les tribunaux de sanctionner les insultes aux musulmans et qui fait condamner les propos antisémites. De plus, le but de ce lobby, dont je serais l'un des trois leaders, serait de salir l'islam. Boniface nie avoir tenu de tels propos. En attendant, ils circulent dans la presse arabe, et outre qu'ils relèvent du complotisme et de l'antisémitisme primaires, ils menacent notre sécurité personnelle en nous désignant à la colère des musulmans. C'est pourquoi j'attends avec impatience que Pascal Boniface exige un droit de réponse et assigne les journaux algériens qui ont rapporté ces propos ". M.Philippe Benguigui, président de l'Association Zakhor pour la Mémoire a reçu des mains de Me Serge Klarsfeld les insignes de chevalier dans l'ordre national du Mérite. La cérémonie s'est déroulée dans les salons du Palais des Rois de Majorque à Perpignan. publier l’ensemble des poèmes de Vigée sous le titre “Mon heure sur la terre”. M. Val est assurément un homme sympathique mais je crains qu'il ne se fasse beaucoup d'illusions. Mon sentiment est qu'il risque d'attendre longtemps que M.Boniface fasse une telle démarche. Maurice Hazan -Courriel CARNET Bar Mitsva OOO Raphaël, le fils de nos amis Linda et Michel Boussidan a célébré sa bar mitsva le jeudi 27 novembre à la synagogue de l'Ecole normale israélite orientale à Paris . Nous lui présentons ainsi qu'à ses grands parents, ses parents et à ses sœurs Joanna et Dalia nos très chaleureuses félicitations. Distinctions OOO Notre ami le scénariste et réalisateur du film Shoah, Claude Lanzmann a été fait grand officier de l'Ordre national du Mérite pour son engagement fidèle au service de la France. Nous lui présentons nos très sincères félicitations. OOO OOO Nicole Guedj, Vice-Président du Consistoire de Paris, a été élevée au rang d'Officier dans l'Ordre National du Mérite, par le Président de la République, le 12 novembre 2008. Nicolas Sarkozy a fait l'éloge de l'ancien ministre, rappelant notamment la politique qu'elle a initiée au service des victimes et des plus démunis. Nous présentons à Mme Guedj nos plus sincères félicitations. Prix OOO La Fondation du judaïsme français a remis le Prix Mémoire de la Shoah pour l’année 2008 à l’historien Georges Benoussan. A cette occasion, Mme Annette Becker, professeur à l’université Paris X a présenté les travaux de M.Bensoussan. Né au Maroc, Georges Benoussan a rappelé le propos de l’historien Simon Doubnov qui, au ghetto de Riga, avant son assassinat en 1941, déclarait : “Frères juifs, écrivez, écrivez…” OOO La bourse Goncourt de la poésie 2008 a été attribuée à l’écrivain Claude Vigée pour l’ensemble de son œuvre. Rappelons que les éditions Galaade (108 rue Damrémont 75018 Paris) viennent de 42 INFORMATION JUIVE décembre 2008 Michaël Iancu, directeur de l’Institut Maïmonide, maître de conférences à l’Université de Cluj, vient de recevoir le «Prix 2008 du livre d’Histoire et de recherches juives, mention “jeune écrivain”», pour son ouvrage : Vichy et les Juifs - l’exemple de l’Hérault (1940-1944), paru aux Presses universitaires de la Méditerranée (PULM), Montpellier, 2007, 445 p., Collection Sem- Etudes juives et hébraïques n°14. OOO Par ailleurs, son père, Carol IANCU, professeur d’Histoire contemporaine à l’Université Paul Valéry, président de l’Amitié judéo-chrétienne, section Jules Isaac de Montpellier, a reçu le «Prix 2008 de l’Association des écrivains israéliens de langue roumaine», pour son ouvrage Alexandre Safran, Une vie de combat, un faisceau de lumière (Montpellier, PULM, 2007, 318 p.), paru en traduction roumaine : Alexandru Safran, O viata de lupta, o raza de lumina (Bucarest, 2008, 392 p.). Le même ouvrage a obtenu le «Prix 2008 de la Fédération des communautés juives de Roumanie». Nécrologie OOO M. Jacques Lévy qui fut directeur général de l’Alliance israélite universelle de 1981 à 1097 est décédé le 21 novembre dernier. Il avait été également président des Eclaireurs et éclaireuses israélites de France. M.Lévy était chevalier de la Légion d’honneur. Nous présentons à sa famille nos très sincères condoléances.