La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE DANS LE BÂTIMENT La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE DANS L E BÂTIMENT © Eric Thauvin /AFD Sommaire PREAMBULE 1 Les enjeux énergétiques dans la construction Une consommation majeure à l’échelle mondiale Un gisement d’économie d’énergie en Tunisie 2 La démarche innovante du projet Un processus d’anticipation expérimentale… … accompagné d’une politique intégrée de sensibilisation 3 Les résultats du projet Un cadre réglementaire renforcé Des impacts politiques, économiques et environnementaux positifs Les leçons du programme Les partenaires du projet © Eric Thauvin /AFD La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie 03 Les enjeux énergétiques dans la construction Une consommation majeure à l’échelle mondiale Le tiers de la consommation mondiale en énergie finale Le secteur des bâtiments (résidentiel et tertiaire) représente aujourd’hui un peu plus du tiers de la consommation mondiale en énergie finale. Dans l’ensemble des pays en développement, la part de sa consommation dépasse 40%. Mte Prospective de l'évolution de la demande en énergie finale du secteur des bâtiments dans le monde 4000 3500 3000 2500 2000 1500 1000 500 0 20 % des émissions de GES dues à la consommation d’énergie finale 3799 3147 2615 2105 1264 1502 1761 915 1990 Monde Pays en développement 04 ➜ Selon le scénario de référence de l’Agence Internationale de l’Energie, la consommation d’énergie finale des bâtiments dans le monde pourrait atteindre environ 3 800 millions de tonnes équivalent pétrole en 2030, dont environ la moitié (1800 Mtep) proviendrait des pays en développement. © Eric Thauvin /AFD © Elodie Brun 1 2004 2015 2030 Avec des émissions de gaz à effet de serre (GES) représentant environ 20% des émissions dues à la consommation d’énergie finale (hors électricité), le secteur du bâtiment contribue fortement au changement climatique. Ces émissions pourraient s’élever à près de 4 300 millions de tonnes équivalent CO2 à l’horizon 2030, dont plus de la moitié seraient générées par les pays en développement. Les enjeux énergetiques dans la construction Un enjeu en termes d’adaptation au changement climatique Le secteur du bâtiment constitue un enjeu crucial en matière d’adaptation au changement climatique. Les estimations du rapport Stern de 2006 suggèrent qu’avec une hausse des températures moyennes de 3 à 4 °C, l’adaptation des infrastructures et des bâtiments pour faire face au changement climatique pourrait coûter jusqu’à 10 % des coûts de construction totaux dans les pays de l’OCDE, soit une facture annuelle pouvant atteindre les 110 milliards d’euros. La région Méditerranée particulièrement concernée Le Plan Bleu a estimé que la demande d’énergie primaire pourrait se trouver multipliée par 1,5 en Méditerranée à l’horizon 2025, les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM) connaissant des taux de croissance de leur demande énergétique quatre fois plus élevés que les pays du Nord (PNM). En outre, 72% des émissions de GES de l’ensemble des pays méditerranéens sont constituées de CO2 issu de l’utilisation de l’énergie. Les secteurs les plus émetteurs sont la production d’électricité et le chauffage dans les PSEM et le transport dans les PNM. Cette forte croissance de la demande provient des besoins liés au développement économique, à la croissance de la population et à l’évolution des modes de vie. Les enjeux sont particulièrement majeurs en ce qui concerne la généralisation de l’équipement des foyers en appareils électroménagers et en climatiseurs souvent fortement énergétivores. © Eric Thauvin /AFD La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie 05 Les enjeux énergetiques dans la construction Le secteur du bâtiment en Tunisie : un gisement d’économie d’énergie > La Tunisie dans le bassin méditerranéen ➜ Carte d’identité de la Tunisie : - 10,3 millions d’habitants (2008) ; - Taux de croissance de la population < 1% ; - Une population jeune : 28.3 ans (âge médian); - Densité : 62.5 hab./km2 ; - Taux d’urbanisation : 65.3% ; - Capitale : Tunis, 730 000 habitants, 2 millions dans le Grand Tunis. Economiser l’énergie : un enjeu national stratégique Au début des années 1980, la Tunisie bénéficiait d’une situation énergétique favorable caractérisée par une balance largement excédentaire avec un surplus d’environ 3Mtep. Mais depuis les années 2000, le pays est devenu un importateur net d’énergie sous l’effet combiné du déclin de la production nationale d’hydrocarbures et de l’accroissement rapide de la demande intérieure. Désormais, la facture énergétique pèse lourd dans la compétitivité économique du pays et sa réduction constitue l’une des priorités nationales. Grand consommateur en croissance, le secteur du bâtiment représente à ce titre un enjeu primordial d’économie d’énergie. 06 Structure de la consommation finale en Tunisie La croissance soutenue du secteur du bâtiment en Tunisie Agriculture Urbanisée à 65,3%, la Tunisie a vu son parc de logement résidentiel augmenter durant les trois dernières décennies à un rythme annuel d’environ 3%, passant d’environ 1 million de logements en 1975 à plus de 2,5 millions d’unités aujourd’hui. 7% Tertiaire 9% Ce segment a connu une transformation structurelle, avec l’augmentation sensible de la part des villas au détriment des maisons traditionnelles et des logements rudimentaires qui ont quasiment disparu. La part de l’habitat collectif est également croissante, traduisant la politique volontariste des pouvoirs publics de densification des logements. Bâtiment Industrie 26% 36% Résidentiel 17% Transport 31% Un développement sans réelle prise en compte des enjeux énergétiques Le secteur du bâtiment s’est développé sans réelle prise en compte des conditions environnementales, notamment des grands écarts thermiques entre l’été et l’hiver. Mauvaise isolation des enveloppes des bâtiments, façades vitrées, telles sont les caractéristiques fréquentes des nouvelles constructions. Couplées à la généralisation des équipements électroménagers souvent à faible efficacité énergétique, d’importantes quantités d’énergie sont dépensées inutilement. © Eric Thauvin /AFD La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie 07 2 La démarche innovante du projet Le projet s’inscrit dans la politique tunisienne volontariste de maîtrise de l’énergie… Dès les années 1980, le gouvernement tunisien a mis en place une Stratégie nationale de maîtrise de l’énergie basée sur trois piliers : l’utilisation rationnelle de l’énergie, la promotion des énergies renouvelables et la substitution de l’énergie. © Eric Thauvin / AFD En 1985, l’Agence de la Maîtrise de l’énergie a été créée et est devenue en 2005 l’actuelle Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (ANME). L’Agence a pour mandat de mettre en œuvre la politique tunisienne de maîtrise de l’énergie. En 1990, la première loi sur la maîtrise de l’énergie a été promulguée. … et fait suite au projet régional précurseur pour la réglementation En 1991, sur financement de l’Union Européenne, le projet régional de réglementation thermique maghrébine des bâtiments (RTMB) a permis de définir 10 régions climatiques de pertinence optimale prenant en compte les considérations climatiques, administratives et socio-économiques de la Tunisie. Ce mode de zonage sert, entre autres, pour la conception et le dimensionnement optimal des équipements de chauffage et de climatisation ainsi que pour l’optimisation thermique de la construction. Sur cette base, l’ANME a réalisé en Tunisie un zonage simplifié pour la formulation de la réglementation thermique des bâtiments : > La zone Méditerranéenne ZT1 correspond à la zone littorale allant du Gouvernorat de Bizerte à celui de Médenine ; > La zone ZT2 des hauts plateaux de l’ouest qui renferme le Nord et s’étend du Gouvernorat de Jendouba à celui de Gafsa ; > La zone ZT3 comprend les Gouvernorats de Tozeur, de Kébili et de Tataouine dans le Sud tunisien. ZT2 ZT1 ZT3 Chiffres clés du projet ➜ 08 Coût global (est. 1998) : 10,3 FFEM : 1,9 FEM / PNUD : 4,2 République Tunisienne : 1,6 Contribution des opérateurs tunisiens (est.) : 2,6 M€ M€ M€ M€ M€ Le projet co-financé par le FFEM poursuit le processus de mise en place en Tunisie d’une réglementation thermique et énergétique optimale. La démarche innovante du projet Un processus d’anticipation expérimentale Lancé en 1999, le projet d’efficacité énergétique dans la construction, soutenu par le FFEM, est mis en œuvre par l’Agence Nationale pour la Maîtrise de l’Energie (ANME). Il vise la mise en place d’une réglementation thermique des bâtiments neufs, tout en créant les conditions préalables pour son applicabilité et sa durabilité. Le projet adopte une démarche originale basée sur la conduite d’un processus d’anticipation expérimentale afin de préparer les conditions favorables à une application effective et durable de la réglementation thermique dans les bâtiments neufs. Ce processus est conduit selon une approche participative et consensuelle qui associe étroitement l’ensemble des acteurs clés du secteur de la construction. Innovation et Expérimentation Former - Conseiller Suivi - évaluation Sensibilisation Construction d’un cadre réglementaire Stimuler l’offre Favoriser le développement de la demande Émergence d’un marché durable de l’efficacité énergétique dans le bâtiment Réguler et contrôler le marché Assistance technique Expérimentation : 43 opérations pilotes de démonstration La réalisation de 43 opérations de démonstration dans les secteurs résidentiel (36 opérations) et tertiaire (7 opérations), réparties sur tout le territoire tunisien, a permis de démontrer la faisabilité économique des projets d’efficacité énergétique dans la construction grâce à l’utilisation de techniques simples et maîtrisables localement. Les gains énergétiques sont en moyenne de 33% pour des surcoûts d’investissement de l’ordre de 9% pour les logements sociaux, de 4% pour l’économique et de 2% pour les logements de standing et économique. Ces surcoûts restent donc acceptables. La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie 09 DES AMELIORATIONS TECHNIQUES SIMPLES ET MAITRISABLES LOCALEMENT La conception architecturale des bâtiments 1 © Eric Thauvin /AFD L’orientation des façades et des ouvertures, le taux de vitrage, les protections solaires sont autant d’éléments à prendre en compte dès la conception architecturale des bâtiments. Ainsi, on essaiera d’éviter les grandes ouvertures sur les façades exposées au Nord qui favorisent les entrées d’air froid en hiver et laissent peu pénétrer le rayonnement solaire. De même, un facteur essentiel de confort en été est la protection solaire des fenêtres notamment celles orientées au sud. Par exemple, les brise-soleil qui constituent un exemple d’architecture traditionnelle en Tunisie assurent un ombrage efficace. Les L’isolation thermique des parois (murs et toiture) 2 de l’efficacité énergétique L’isolation thermique d’un bâtiment permet de diminuer les échanges de chaleur entre l’intérieur et l’environnement extérieur, elle permet de réduire les déperditions thermiques et ainsi de diminuer les besoins de chauffage et de climatisation. Cette isolation doit être étudiée en fonction des spécifications climatiques du lieu de la construction. Le choix des matériaux 10 3 © Elodie Brun Il faut choisir de meilleurs isolants thermiques et des matériaux au cycle de production économe en énergie. Ainsi, les briques de Tozeur sont non seulement fabriquées localement mais elles permettent également de réduire les déperditions thermiques. De même, certaines opérations pilotes ont remplacé la brique traditionnelle tunisienne par des blocs de béton cellulaire dont le cycle de production est bien moins consommateur en énergie que celui de la brique. 6 clés L’utilisation de vitrage de bonne performance optique et thermique 6 © Eric Thauvin /AFD La qualité de vitrage joue un rôle très important dans la maîtrise de l’ambiance interne d’un logement. Les ouvertures dans les murs sont les points faibles de l’isolation d’une construction, d’où la nécessité d’utiliser des fenêtres performantes munies de double vitrage. L’assemblage entre un double vitrage et un profilé isolant permet une nette amélioration de l’isolation de la construction. Energies renouvelables 4 © Eric Thauvin / AFD dans le bâtiment 5 Les techniques, les matériels et les procédés ayant trait aux énergies renouvelables sont très nombreux et ont des niveaux d’avancement technique, des prix et des performances très variés. La production d’eau chaude sanitaire (ECS) par énergie solaire est certainement la technique la plus répandue. Contrairement au chauffage, les besoins en E.C.S sont constants tout au long de l’année, ce qui permet d’être complètement autonome pendant la période estivale. En moyenne, le solaire permet de fournir 60% des besoins en E.C.S. sur une année. Il est intéressant de savoir que des mécanismes de subvention sont actuellement mis en place pour aider les ménages à s’équiper. L’utilisation de systèmes d’éclairage performants bâtiments dans les Les lampes à incandescence ou halogènes standards sont à éviter. Elles peuvent facilement être remplacées par des lampes économiques dont le rendement lumineux est 5 à 6 fois supérieur et la durée de vie 8 fois plus longue; elles sont rentabilisées en moins d’un an ! La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie 11 LES PROJETS PILOTES – SECTEUR TERTIAIRE Sept opérations de démonstration ont été réalisées dans le secteur tertiaire. Elles ont couvert les principaux segments de ce secteur, à savoir une clinique, une école, un bâtiment administratif, deux hôtels et deux commerces. SIEGE DE LA SOCIETE EPPM CLINIQUE PRIVEE ENNASR Emplacement : Berges du Lac – Tunis Superficie : 3516 m 2 Economie d’énergie : 45% Surcoût : environ 89 250 DT 12 © Eric Thauvin /AFD SECTEUR TERTIAIRE BATIMENTS A USAGE DE SANTÉ © Eric Thauvin /AFD SECTEUR TERTIAIRE BATIMENTS A USAGE DE BUREAUX Emplacement : Tunis Superficie : 7 400 m 2 Economie d’énergie : 45% Surcoût : environ 350 000 DT LES PROJETS PILOTES – SECTEUR TERTIAIRE SECTEUR TERTIAIRE BATIMENTS A USAGE HOTELIER SECTEUR TERTIAIRE BATIMENTS A USAGE D’ENSEIGNEMENT HOTEL LE RUSSELIOR ECOLE BALATA - LOUAOUAN Emplacement : Hammamet Sud Superficie : 10 500 m 2 Economie d’énergie : 45% Surcoût : environ 1 850 000 DT © ANME © Eric Thauvin /AFD Prix présidentiel de la maîtrise de l’énergie pour l’année 2008 Emplacement : Jendouba Superficie : 1 250 m 2 Economie d’énergie : 35 % Surcoût : environ 93 150 DT, soit 7% du coût total La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie 13 LES PROJETS PILOTES – SECTEUR RESIDENTIEL Trente-six opérations de démonstration ont été réalisées dans le secteur résidentiel, totalisant une superficie couverte de plus de 132.000 m 2. Les opérations ont couvert les trois segments du logement : le standing, l’économique et le social. JINENES ENNASR PERLE DU LAC Emplacement : Sité ENNASR Superficie : 7 410 m 2 Nombre de logements : 60 Economie d’énergie : 45% Surcoût : environ 250 000 DT, soit 6% du coût total 14 © Eric Thauvin /AFD SECTEUR RESIDENTIEL LOGEMENTS DE STANDING © Eric Thauvin /AFD SECTEUR RESIDENTIEL LOGEMENTS DE STANDING Emplacement : Les Berges du Lac Superficie : 7776 m 2 Nombre de logements : 72 Economie d’énergie : 15 % Surcoût : environ 160 000DT, soit 3% du coût total LES PROJETS PILOTES – SECTEUR RESIDENTIEL SORITS SNIT Emplacement : cité Jardin d’El Menzeh - Tunis Superficie : 2 875 m 2 Nombre de logements : 60 Economie d’énergie : 40% Surcoût : environ 82 000 DT, soit 2.9% du coût total © Eric Thauvin /AFD SECTEUR RESIENTIEL LOGEMENTS SOCIAUX © Eric Thauvin /AFD SECTEUR RESIDENTIEL LOGEMENTS ECONOMIQUES Emplacement : Bizerte Superficie : 1 615 m 2 Nombre de logements : 20 Economie d’énergie : 30% Surcoût : environ 60 000 DT, soit 6.2% du coût total La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie 15 La démarche innovante du projet Les actions de sensibilisation Une véritable politique de communication auprès du grand public Point de départ pour la création de conditions favorables à l’émergence d’un marché durable pour l’efficacité énergétique dans la construction, le projet a développé une véritable stratégie intégrée de communication pour le grand public, axée autour de trois messages clés : > Informer sur les possibilités d’amélioration du confort dans le bâtiment : «Chaud en hiver, frais en été !» ; > Impliquer le consommateur dans le développement durable du pays et la protection de la planète : «Des petits gestes pour un grand résultat» ; > Mettre l’accent sur les intérêts budgétaires et l’amélioration du confort personnel induit : «Gagner en confort…gagner en budget». De plus, chaque année depuis 2005, le mois d’avril est consacré à la maîtrise de l’énergie : des actions de communication et de promotion sont organisées sur les chauffe-eau solaires et les lampes basse consommation. Le 7 avril, la journée nationale de maîtrise de l’énergie, le prix du président de la république relatif à la maîtrise de l’énergie est décerné à un investissement innovant en la matière. © Eric Thauvin /AFD Une implication forte de l’ensemble des professionnels du secteur L’ensemble des professionnels du secteur du bâtiment a été impliqué tout au long du projet grâce à : > l’association de bureaux d’étude nationaux et internationaux pour la réalisation des études préparatoires ayant permis de déterminer les exigences réglementaires en matière de performance énergétique des bâtiments qui soient réalistes sur les plans technique et socio-économique ; > l’implication des promoteurs (publics et privés), des architectes et des ingénieurs thermiciens dans le montage des opérations pilotes : au total, 200 promoteurs et une centaine d’architectes ont été sensibilisés par le projet ; > la collaboration avec la recherche : trois projets de recherche et un concours d’architecture bioclimatique ont été financés et appuyés à travers le projet ; > l’organisation de nombreuses manifestations, séminaires et colloques de sensibilisation. 16 Le renforcement de capacités : un préalable indispensable Ancrer le projet dans la durée suppose de mettre l’accent sur la formation des acteurs locaux et de mettre à leur disposition les différents outils créés pendant le projet. Ainsi : > Plus de 50 formations aux techniques de construction et aux méthodologies et logiciels de simulation thermique ont été organisées pour les professionnels dès le début du projet (promoteurs, architectes, consultants nationaux, intervenants dans les centres de formation professionnelle, etc.) ; > Une formation de « e-learning » a été mise en place afin renforcer les capacités des architectes dans la conception de bâtiments efficaces en énergie ; > Des outils d’aide à la conception de bâtiments économes en énergie ont été mis à la disposition des professionnels du bâtiment : sept guides techniques selon la nature de l’usage des bâtiments (logements équipés et non équipés, hôtels, hôpitaux, commerces, bureaux et enseignement), un guide de zonage climatique et un guide sur le dimensionnement des équipements de chauffage et de climatisation ; > Des outils de simulation thermique ont été développés pour l’usage des concepteurs : un pour les bâtiments résidentiels (logiciel CHEOPS) et l’autre pour le tertiaire (logiciel CLIP). La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie 17 Les résultats du projet Un cadre réglementaire renforcé © Eric Thauvin / AFD 3 Mise en place d’une règlementation thermique et énergétique Le résultat majeur du projet est la promulgation de la réglementation thermique et énergétique des bâtiments. La loi n°2004-72 du 2 août 2004 relative à la maitrise de l’énergie, et son décret d’application du 2 septembre 2004, intègrent ainsi des mesures obligatoires en termes de performances thermiques des nouveaux bâtiments, telles que l’obligation de l’audit énergétique sur plan pour les grands projets de bâtiments. Deux arrêtés conjoints du ministère en charge de l’Energie et du ministère en charge de l’Habitat fixent les spécifications techniques minimales en matière d’efficacité énergétique des projets de construction et d’extension : - des bâtiments collectifs à usage résidentiel ; - des bâtiments à usage de bureaux ou assimilés. Deux autres arrêtés concernant les secteurs hôtelier et hospitalier sont en cours de finalisation. Ces arrêtés prévoient que les spécifications techniques soient fixées conformément à une approche performantielle ou prescriptive, selon la taille du projet et le taux de vitrage. Enfin, l’ANME a dans le même temps rendu obligatoires la certification et la labellisation des appareils de réfrigération et de climatisation. 18 EVOLUTION DU CADRE REGLEMENTAIRE 1973 : Premier choc pétrolier 1982 – 1991 : Mise en place d’une stratégie nationale de maîtrise de l’énergie 1982 : Création de la Société de Maîtrise de l’Energie 1985 : Création de l’Agence pour la Maîtrise de l’Energie (AME) 1990 : Première loi de maîtrise de l’énergie 1991 : Démarrage du projet de Réglementation Thermique Maghrébine des Bâtiments 1994 – 1998 : Uniformisation des avantages aux investissements 1999 – 2004 : Repositionnement stratégique et institutionnel 2000 : L’AME devient l’Agence Nationale pour les Energies Renouvelables (ANER) 2003 : Etude stratégique sur les énergies renouvelables 2004 : Etude stratégique sur la maîtrise de l’énergie et loi sur la maîtrise de l’énergie 2005 – 2007 : Changement d’échelle 2005 : PROSOL / Programme de Promotion de l’utilisation du solaire thermique pour le chauffage de l’eau sanitaire 2005 : l’ANER devient l’Agence Nationale pour la Maîtrise de l’Energie (ANME) 2005 : création du Fonds National pour la Maîtrise de Energie 2008 – 2011 : accélération des décisions 2009 : révision de la loi de 2004, facilitation des investissements / élimination du marché des frigos de classe 4 / obligation d’étiquetage des climatiseurs A venir : interdiction de la vente des lampes à incandescence Le Centre technique du bâtiment : un rôle clé de régulation et de contrôle Installé au sein du Centre des Techniques des Matériaux de Construction, de la Céramique et du Verre (CTMCCV) et inauguré en 2009, le Centre Technique du Bâtiment constitue un élément clé du renforcement de la fonction publique de régulation et de contrôle. Il a pour objectif essentiel de veiller à la bonne application de la réglementation thermique à travers les missions suivantes : > Contrôle et agrémentation des matériaux d’isolation ; > Certification des bâtiments selon le système de labellisation mis en place ; > Test et certification des chauffe-eau solaires dans le cadre des procédures mises en place par le programme PROSOL (Programme National d’Incitation à l’utilisation de l’énergie solaire pour le chauffage de l’eau sanitaire) ; > Assistance, conseil, formation et information des différents acteurs du secteur du bâtiment ; > Développement de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques efficaces en énergie. Niveau de Performance Energétique de l’Enveloppe du Bâtiment Econome en énergie 1 (Classe 1) 2 (Classe 2) 3 (Classe 3) 4 (Classe 4) 5 (Réglementation Minimale) 6 (Assez Mauvais) 60% 4 classes de bonnes performances 65% 75% 85% Réglementation minimale 100% 115% 135% 7 (Mauvais) 150% 8 (Très Mauvais) 3 classes de mauvaises performances Pas économe en énergie Niveau de besoins Spécifiques d’Energie (Chauffage + Climatisation){kWh/m2-an} Label et mécanismes de financement L’approche de labellisation s’inscrit dans une logique de promotion de l’efficacité énergétique par voie incitative plus que coercitive. Le label permet d’informer le consommateur sur la qualité thermique du bâtiment qu’il va acquérir tout en espérant induire un changement dans son comportement décisionnel en faveur de l’efficacité énergétique. Un label a été conçu et élaboré par le projet. Un système de certification et de labellisation est en cours de mise en place, impliquant l’ANME et le nouveau Centre Technique du Bâtiment avec l’assistance du CSTB et de l’ADEME. © Eric Thauvin /AFD Le projet a également permis de lancer le programme PROMO-ISOL, un mécanisme de financement incitatif pour l’isolation thermique des toitures des logements existants La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie 19 Les résultats du projet Des impacts politiques, économiques et environnementaux positifs Des pouvoirs publics conscients des enjeux de l’efficacité énergétique dans les bâtiments La transformation du marché par la création d’une nouvelle filière La dynamique mise en œuvre par le projet a permis d’induire une transformation positive de l’environnement institutionnel. En effet, outre l’adoption de la réglementation et la création du Centre Technique du Bâtiment, des mesures incitatives en faveur de l’efficacité énergétique dans les bâtiments ont été mises en place : Plusieurs éléments témoignent d’une évolution, sur le temps du projet, du marché de l’efficacité énergétique dans les bâtiments : > Subvention de 70% du coût de l’audit énergétique sur plan, plafonnée à 30.000 DT des nouveaux bâtiments ; > Subvention de 20% du surcoût des mesures d’efficacité énergétique additionnelles aux exigences réglementaires, plafonnée à 100.000 DT. L’appropriation des enjeux de l’efficacité énergétique dans les bâtiments s’est accompagnée d’une véritable prise de conscience du grand public et des professionnels : une étude a montré que la population tunisienne est bien plus sensibilisée au concept de maîtrise de l’énergie en 2006 qu’en 2000 même si les efforts dans ce domaine ne doivent pas être relâchés. 20 > La création d’une demande spontanée par l’intensification de la sensibilisation du grand public à l’efficacité énergétique dans les bâtiments. > La création d’une première niche de marché grâce aux projets pilotes. > Le développement de l’offre locale : le nombre d’entreprises opérant dans l’isolation thermique des bâtiments est passé de deux entreprises au début du projet à plus d’une quinzaine actuellement. Deux projets industriels ont été mis en place pour la fabrication du béton allégé et des plaques en polystyrène. > La structuration de l’offre et l’organisation des filières concernées, avec la création des syndicats professionnels des fabricants du PVC et des entreprises d’isolation thermique. > La création d’un environnement concurrentiel au profit du client final : des baisses significatives des coûts des produits isolants (de 40% à 50%) ont été constatées entre le début et la fin du projet. Un bilan énergétique et environnemental inédit Les améliorations techniques des opérations pilotes ont permis des réductions de consommation énergétique de l’ordre de 33%, ce qui équivaut à des économies de 134 tep/an, soit 6,7 ktep sur la durée de vie des bâtiments (50 ans). Les réductions d’émissions de gaz à effet de serre engendrées par les projets pilotes sont estimées à 459 teqCO2 par an, soit un total de 23 kteqCO2 sur la durée de vie des bâtiments. Toutefois, les impacts les plus importants, mais difficilement quantifiables, sont ceux liés à la mise en œuvre de la réglementation thermique des bâtiments. Pour le secteur résidentiel, une simulation montre un gain énergétique additionnel de 4 ktep chaque année, soit une réduction additionnelle de GES de 11 kteqCO2 chaque année. 45 ktep Gain annuel en énergie primaire pour le chauffage et la climatisation 40 Secteur résidentiel 35 Climatisation Chauffage 30 25 20 15 10 5 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie 21 Les résultats du projet Les leçons du programme La réglementation, l’aboutissement d’un processus spécifique Les réglementations thermiques des bâtiments ont été initiées au début des années 80 dans les pays du Nord, notamment en Europe. Puis, elles se sont progressivement perfectionnées tenant compte de l’évolution de l’environnement technologique, institutionnel, socio-économique et culturel de ces pays. Vouloir aujourd’hui transférer ces réglementations dans les pays du Sud nécessite d’engager ce même processus, adapté au contexte climatique, économique, institutionnel et socioculturel, selon une approche progressive et fortement participative : > La concertation institutionnelle tout au long de ce processus est indispensable, compte tenu du caractère multidimensionnel du secteur du bâtiment et de la diversité des intervenants : Ministère en charge de l’Habitat, Agence de Maîtrise de l’Energie, représentations professionnelles des architectes, des ingénieurs conseil, des promoteurs immobiliers, banques, etc. > La conduite d’un processus d’anticipation expérimentale est essentielle pour définir le niveau optimal des exigences de performance thermique en tenant compte des modes dominants de construction et des contraintes socio-économiques des utilisateurs. > Il est indispensable de créer préalablement les conditions favorables à une application effective et durable de la réglementation thermique en favorisant la transformation du marché. Cette transformation nécessite d’agir d’une part sur la demande et d’autre part sur l’offre tout en renforçant la fonction de régulation et de contrôle. © Eric Thauvin /AFD 22 La réglementation, des défis futurs pour accompagner sa mise en œuvre Bien qu’elle soit en vigueur, la réglementation peut se heurter à plusieurs obstacles susceptibles de freiner sa mise en œuvre effective, tels que : > La faible rentabilité des actions d’efficacité énergétique pour le consommateur final, dans un contexte de subventionnement des tarifs intérieurs de l’énergie ; > La difficulté du marché à absorber les surcoûts liés aux mesures d’efficacité énergétique. Afin de dépasser ces contraintes, il est donc recommandé de compléter l’approche « coercitive » de la réglementation par une approche « incitative » basée sur des mécanismes de financement spécifiques pour absorber les surcoûts d’investissement. Ces mécanismes doivent conjuguer de manière optimale des aides publiques à l’investissement et des mécanismes efficaces de distribution de crédits. Cette approche « incitative » permet par ailleurs de cibler les segments des logements individuels neufs et existants, difficiles à couvrir par les dispositifs réglementaires compte tenu de leur caractère fortement diffus. Enfin, une réglementation ne peut être figée dans le temps sous peine de devenir inapplicable du fait de la modification des prix de l’énergie, des types de construction, des prix des matériaux isolants, etc. Une révision régulière de la réglementation permettant un durcissement progressif et une adaptation au contexte est donc primordiale pour sa pérennité au-delà du projet. © GERES © Eric Thauvin /AFD La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie 23 © Eric Thauvin /AFD Les partenaires du projet INSTITUTIONS TUNISIENNES Ministères > Ministère de l’Industrie et de la Technologie > Ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire Institutions et agences spécialisées > Agence Nationale pour la Maîtrise de l’Energie (ANME) PARTENAIRES INTERNATIONAUX ASSOCIATIONS ET ORDRES PROFESSIONNELS > Ordre des ingénieurs de Tunisie > Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) > Ordre des Architectes Tunisiens > Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) > Association des Bureaux d’Etudes et des Ingénieurs Conseils > Agence Française de Développement (AFD) > Chambre Syndicale des Promoteurs Immobiliers BAILLEURS DE FONDS > Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) > Centre des Techniques des Matériaux de Construction, de la Céramique et du Verre (CTMCCV) > Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) >Laboratoire de thermique et d’énergétique du bâtiment > Fonds Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) (LATEB) © Eric Thauvin /AFD > Centre Technique des Industries Mécaniques et Electriques (CETIME) La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie 25 © Eric Thauvin /AFD Le FFEM Répondre aux enjeux de l’environnement mondial A la suite du Sommet de Rio, le gouvernement français a créé le FFEM en 1994 pour concrétiser son engagement en faveur de la protection de l’environnement mondial dans les pays en développement. Instrument financier intégré dans le dispositif français de coopération et de développement, le FFEM subventionne des projets de développement durable dans les domaines suivants : - la biodiversité, - le changement climatique, - les eaux internationales, - la dégradation des terres, incluant la lutte contre la désertification et contre la déforestation, - les polluants organiques persistants, - la couche d’ozone stratosphérique. © Eric Thauvin /AFD Financer la lutte contre le changement climatique Le changement climatique résulte de la forte augmentation des concentrations de gaz à effet de serre (vapeur d’eau, dioxyde de carbone, méthane, etc.) dans l’atmosphère, phénomène lié aux activités humaines (production et consommation d’énergie, déforestation, etc.). Conformément aux orientations de la Convention des Nations Unies sur les Changements Climatiques, le FFEM encourage les projets contribuant à une réduction significative de ces émissions d’origine anthropique, et ce grâce à : ➜ - la promotion d’énergies renouvelables et d’énergies faiblement émissives en GES ; Les missions du FFEM : - le stockage de carbone dans les forêts, sols et sous-sols. - Favoriser la préservation de l’environnement mondial dans les pays en développement ; - Promouvoir les innovations ; - Mobiliser les partenariats multi-acteurs. - la valorisation de la biomasse ; - l’efficacité énergétique dans les secteurs consommateurs d’énergie ; Entre 2003 et 2009, dans le domaine du changement climatique, 51 projets répartis dans une vingtaine de pays ont bénéficié d’une subvention du FFEM pour un montant de 65 M€. La mise en place de la réglementation thermique et énergétique en Tunisie 27 FONDS POUR L’ENVIRONNEMENT MONDIAL www.thegef.org www.undp.org www.ademe.fr et de la Technologie www.industrie.gov.tn www.anme.nat.tn www.afd.fr © Eric Thauvin /AFD www.developpement-durable.gouv.fr Création graphique : PEFC/10-31-13-19 www.pefc.org Impression encres à base végétale Novembre 2010 Couverture : © Eric Thauvin /AFD www.ffem.fr P O U R I N V E S T I R D A NMinistère S N O T de R El’Industrie PLANÈTE