Extraits du dossier opéra de Montpellier « l’enlèvement au Sérail « Argument La jeune espagnole Konstanze, sa femme de chambre anglaise, Blonde, et l’amant de cette dernière, le serviteur Pedrillo, ont été faits prisonniers par des pirates et vendus à titre d’esclaves au pacha Sélim. Le jeune noble espagnol Belmonte, l’amant de Konstanze, est parvenu à découvrir l’endroit où se trouvent les trois captifs et vient d’arriver sur place dans l’espoir de les libérer. Acte I Belmonte tente une première fois d’entrer dans le palais de Sélim mais il est surpris par le féroce gardien,Osmin, qui le chasse sous un flot d’imprécations. Ce dernier explique alors à Pedrillo, employé au palais en qualité de jardinier, qu’il hait tous les étrangers et prendrait plaisir à se débarrasser de lui par les méthodes les plus diverses. Belmonte rencontre alors Pedrillo, qui offre à son maître de l’introduire par la ruse dans le palais afin que tous deux puissent enlever les jeunes filles et les conduire en Espagne grâce au bateau de Belmonte. Sélim et Konstanze, qui reviennent d’une promenade en mer, sont accueillis par les janissaires. Le pacha est amoureux de Konstanze mais il refuse de l’obliger à devenir sa femme ; il se plaint qu’elle paraisse toujours triste et distante en dépit des soins qu’il lui prodigue. Konstanze lui avoue alors qu’elle ne peut répondre à ses avances car elle en aime un autre. Pedrillo présente Belmonte au pacha en le faisant passer pour un architecte et Sélim, qui s’intéresse à l’architecture, l’invite à séjourner au palais. Osmin, qui surprend les deux étrangers, est bien décidé à leur barrer le passage mais Pedrillo et Belmonte le repoussent et entrent dans la demeure. Acte II Osmin fait sa cour à la jolie Blondine, que le pacha lui a donné comme esclave, mais celle-ci ne se laisse pas intimider et le chasse. Konstanze, toujours mélancolique, ne peut détacher sa pensée du souvenir de son amant. De nouveau, elle repousse les assiduités de Sélim, qui la menace de la torture et de la mort en constatant qu’elle lui résiste toujours. Elle affirme alors être prête à tout endurer et préférer mourir plutôt que céder à ses avances. Pedrillo annonce à Blondine que Belmonte est au palais ; dans la nuit, les deux hommes enlèveront leurs bien-aimées. Pendant que la femme de chambre porte la bonne nouvelle à sa maîtresse, Pedrillo parvient à enivrer Osmin, le dangereux garde, qui se dirige alors en titubant vers la maison, où il va faire un somme. Acte III A minuit, Belmonte et Pedrillo s’avancent sous les fenêtres du sérail. Après que le serviteur a donné le signe de la fuite en chantant une sérénade, Belmonte atteint par une échelle la chambre de Konstanze et redescend en compagnie de sa bien-aimée. Pedrillo s’apprête à libérer Blondine de la même façon, mais Osmin se réveille à ce moment précis, les surprend, donne l’alerte et fait arrêter les fuyards. Sélim, éveillé par le bruit, s’avance. Lorsqu’il apprend d’Osmin ce qui s’est passé et reconnaît en Belmonte le fils de son pire ennemi, lequel l’a un jour chassé de sa patrie, il menace de se venger cruellement sur son rival. Konstanze et Belmonte restent seuls et se jurent une fidélité inébranlable alors qu’ils s’apprêtent à mourir. Mais lorsqu’il reparaît, le pacha leur accorde la liberté, car il a décidé de répondre à la cruauté du père de Belmonte par un acte magnanime. Les amants louent la noblesse du coeur de Sélim dans un vaudeville, mais Osmin rompt l’harmonie par une nouvelle explosion de colère. Nomenclature de l’orchestre 2 flûtes 2 hautbois 2 clarinettes/cors de basset 2 bassons 2 cors 2 trompettes 1 paire de timbales Cordes Musique turque : 1 flûte piccolo 1 triangle 1 paire de cymbales 1 grand tambour Le singspiel Genre apparu au XVIIIème siècle, le Singspiel (« jeu chanté », de singen, « chanter », et spielen, « jouer ») est un type d’opéra germanique et en langue allemande, fondé sur l’alternance entre des dialogues parlés (à la place du récitatif) et des airs chantés (chants populaires ou arias), dont l’intrigue mêle des caractères sentimentaux avec des éléments comiques, qui met souvent en scène des personnages populaires et peut faire appel au merveilleux ou au fantastique. Equivalent allemand du « dramma per musica », qui est influencé par le « ballad-opera » anglais et l’opéra-comique français (caractère, alternance de la parole et du chant). La musicologie moderne emploie aujourd’hui le mot singspiel pour désigner les opéras comiques germaniques tels qu’ils voient le jour à partir des années 1760, mais son usage à cette époque était plus large, ne se limitait pas à la veine comique et pouvait qualifier aussi bien des opéras allemands sérieux (Ignaz Holzbauer, 1711-1783, Günther von Schwarzburg, 1777) que des opéras italiens comiques. Comme le fait remarquer le musicologue Michel Noiray (Vocabulaire de la musique de l’époque classique, Minerve, 2005, p. 200), le mot le plus fréquemment employé à l’époque pour qualifier des oeuvres de facture légère qui correspondent à ce que nous appelons maintenant singspiel, semble avoir été celui d’opérette – mot d’origine italienne et française – comme en témoignent les propos de Mozart concernant Zaïde (1779-1780, les lettres des 18 janvier et 18 avril 1781), ou encore l’important dictionnaire allemand Allgemeine Theorie des schönen Künste (1771-1774), qui traite de l’opéra-comique à l’entrée Operette et ne consacre pas d’entrée au Singspiel. C’est également en tant qu’il juxtapose la parole et le chant que le mot peut qualifier au cours du XVIII 12ème siècle de nombreux ouvrages lyriques allemands ou italiens, de même qu’il peut désigner dans les années 1760 un opéra-comique traduit ou adapté en allemand. Ce genre populaire se définit mieux dans certaines oeuvres de Haydn (Der Krumme Teufel, 1752, perdu) mais on retient généralement comme créateur du genre Johann Adam Hiller (Der Teufel ist los, 1766, d’après The Devil to Pay de l’Anglais Coffey). Avec G. Benda, le choix des sujets s’élargit vers des thèmes moyenâgeux ou mythologiques, traités avec un effectif choral et orchestral important, tandis que s’ouvrait à Vienne en 1778 le Nationalsingspiel , à la demande de l’empereur Joseph II qui était soucieux de mettre un art et un théâtre allemands au service de la nation germanique (voire viennois). Quatre ans plus tard, Mozart atteint la perfection du genre avec l’Enlèvement au sérail, réussite saluée avec chaleur par Goethe, lui-même auteur de livrets de singspiele. Car, dépassant les conventions du genre sans user des recettes de l’opéra buffa, l’oeuvre offre au théâtre lyrique allemand de nouvelles perspectives (« Chaque nation a son opéra, pourquoi n’aurions-nous pas le nôtre ? » écrit Mozart en 1773). Des écrivains tels que Goethe et Wieland contribuèrent à la diffusion d’un genre auquel il faut rattacher la Flûte enchantée, les opéras de Schubert ainsi que Fidelio, le Freischütz ou Oberon, qui par leurs structures appartiennent au singspiel de la même façon que Carmen à l’opéra-comique. A la fin du XIXème siècle, en Allemagne, on assista à une sorte de résurrection du genre avec de nombreux compositeurs tels que Humperdinck, Theile, Bittner, Urspruch, etc., mais leurs oeuvres n’utilisent pas expressément la dénomination de singspiel. Clés d’écoute « Savoir pour mieux sentir, sentir pour mieux savoir. » Paul Cézanne C’est à présent que commence mon bonheur et j’espère que mon bonheur sera aussi le vôtre. (Lettre de Mozart à son père, Vienne, 9 mai 1781). Le 16 mars Mozart arrive à Vienne où il vient rejoindre son employeur, le prince archevêque de Salzbourg, Hieronymus Colloredo. Moins de deux mois plus tard, il lui donne sa démission à la suite d’un affrontement orageux. Il est chassé de la salle d’audience à coups de pied par le majordome de l’archevêque, le comte Arco : Je ne savais pas que j’étais un valet de chambre. Voilà Mozart libre ! Premier compositeur à vivre de son art, première raison de son bonheur. Autre autorité à affronter, celle de son père dont il doit obtenir l’autorisation d’épouser Constance. Peu de temps avant sa rupture avec Colloredo, ce jeune homme de vingt-quatre ans est en contact avec Gottlieb Stéphanie le jeune, homme de théâtre, acteur et auteur dramatique bien connu à Vienne qui va lui écrire un nouveau et bon livret (lettre du 18 avril 1781 à son père, première lettre dans laquelle il parle du livret.) Stephanie va me remettre un opéra allemand à composer (à son père, Vienne, 28 avril 1781). Voici qu’avant-hier Stephanie le jeune m’a donné un livret à mettre en musique. Il est tout à fait bon. Le sujet est turc et a pour titre « Belmont und Constanze ou Die Verführung aus dem Serail ». Pour l’ouverture, le choeur du premier acte et le choeur final, j’écrirai une musique turque avec des instruments à percussion (triangle, grosse caisse, etc). J’ai tant de joie à mettre ce livret en musique, que j’ai déjà le premier acte de la Cavalieri, ainsi que celui d’Adamberger et le trio qui conclut le premier acte sont déjà achevés. (A son père, Vienne, 1er août 1781). Je vais bientôt perdre patience de ne pouvoir plus rien composer pour mon opéra. Il est vrai qu’en attendant j’écris d’autres choses. Mais ma passion est vraiment là. La genèse de cet opéra peut être ainsi reconstituée grâce à cette correspondance célèbre au cours de laquelle Mozart tient son père Léopold au courant de sa vie personnelle et professionnelle, correspondance qui joue le rôle quasiment d’un journal. C’est grâce à elle, que l’on peut vivre avec Mozart, l’ivresse qui l’a habité durant la période de la composition de L’Enlèvement , oeuvre composée dans l’euphorie, l’exubérance, la joie. Mozart et l’Enlèvement au sérail appartiennent au grand mouvement du Siècle des lumières qui a profondément marqué la seconde moitié du XVIIIème siècle par l’hégémonie culturelle de la France, la modernisation de l’Autriche, et la domination des femmes dans les salons. Naît de ce courant, l’idée d’une unité de la société européenne, ainsi que le rejet de tout pouvoir absolu. Fidèle toute sa courte vie, à cet idéal d’humanisme et de tolérance, Mozart a sondé sans relâche l’âme humaine prisonnière de ses passions, inexorablement attirée vers un devenir radieux et optimiste. Première oeuvre dramatique d’envergure en langue allemande L’Enlèvement au sérail est né de la volonté de deux hommes de créer un théâtre musical en langue allemande, celle de l’empereur du Saint Empire romain germanique, roi d’Autriche et de Hongrie, JosephII et celle de Mozart pour endiguer, affronter l’invasion déferlante de l’opéra buffa italien et de l’opéra comique français, sans rival. A l’origine le terme de Singspiel, littéralement, jeu chanté (jeu pris dans le sens médiéval du terme : pièce de théâtre.) désigne une comédie musicale typiquement germanique, en langue allemande qui enchaîne dialogues parlés et structures musicales simples. Pratiqué essentiellement en Allemagne du Nord, son caractère populaire s’atténue peu à peu vers 1750, dans les productions élaborées de Johann Adam Hiller, données à Leipzig durant cette période. A Vienne, dans les années 1770, il n’existait pas d’équivalent des Singspiele de Hiller. Plus tard, ce terme fut même employé dans l’annonce des opéras italiens de Mozart ! Dans sa conception politique et esthétique, Joseph II, en monarque éclairé du Siècle des Lumières,envisage de faire du théâtre et de l’art national un facteur de développement culturel de la nation allemande et décide, en 1778, d’associer au Burgtheater, le Théâtre national de Vienne, une section d’opéra allemand appelée Singspiel national. Voilà qui sert le projet de Mozart et sa conception d’un opéra allemand: Et moi je tiens (je suis partisan de) aussi pour l’opéra allemand : même s’il me coûte plus de peine, je l’aime encore mieux. Chaque nation a son opéra : pourquoi nous autres allemands, ne l’aurionsnous pas ? La langue allemande n’est-elle pas aussi chantante que la française et que l’anglaise ; plus chantante que la russe ? Bon ! J’écris à présent un opéra allemand pour moi (lettre à son père, Vienne, 5 février 1783). Mozart et Gottlieb Stephanie le jeune, son librettiste Gottlieb Stephanie le jeune adapte pour Mozart le texte de Christoph Friedrich Bretzner (1748-1807). Et puis, je ne sais, mais dans un opéra, il faut absolument que la poésie soit la fille obéissante de la musique. Pourquoi les opéras bouffes italiens plaisent-ils donc partout, avec tout ce que leurs livrets renferment de misérable ? […] C’est que la musique y règne sans partage et dès lors on oublie le reste (à son père, Vienne, 13 octobre 1781). Mozart se comporte en dramaturge inspiré, clairvoyant, décidé, et trouve en Stephanie le jeune un librettiste flexible, soumis à toutes ses suggestions et propositions d’adaptation : L’opéra commençait par un monologue, et j’ai prié M. Stephanie d’en faire une petite ariette et aussi, après la petite chanson d’Osmin, au lieu de laisser bavarder ensemble les deux personnages, d’en tirer un duo. Osmin, qui n’avait dans le livret original, que cette seule petite chanson à chanter, et rien d’autre que le trio et le final, je lui donné un air au premier acte, et un autre au second. Cet air, je l’ai entièrement suggéré à M. Stephanie, même, l’essentiel de la musique en était déjà achevé avant que Stephanie en sût un mot. Je ne puis rien composer de plus parce que toute l’histoire pour l’instant est remaniée sur ma demande, il est vrai. Tout le monde fait la moue quand il s’agit de Stephanie, mais il n’en arrange pas moins fort bien son livret pour moi, et comme je veux, à un cheveu près. Il intervient aussi au niveau du vocabulaire et de la prosodie, non sans humour : Le ‘hui’ je l’ai changé en ‘schnell’, ce qui donne « doch wie schnell schwand meine Freude » (Mai ma joie bien vite s’en est allée). Je ne sais pas à quoi pensent nos poètes allemands : peut-être ne comprennent-ils rien au théâtre, mais en ce qui concerne l’opéra, ils ne devraient pas faire parler leurs personnages comme s’ils s’adressaient à des cochons. Mozart est donc un compositeur passionné de théâtre : Ma seule distraction est le théâtre. Je voudrais que tu pusses voir, ici, une tragédie ! D’une façon générale, je ne connais aucun théâtre (en dehors de Vienne) où l’on représente remarquablement tous les genres de spectacles ; mais c’est le cas ici. (A Vienne). (Lettre du 4 juillet 1781 à sa soeur). Un sujet dans le vent Cependant, le sujet de L’Enlèvement au sérail n’est pas plus de Bretzner, de Stéphanie le jeune, que de Mozart : l’amour réciproque d’un homme et d’une femme, nerf de leur libération d’un despote, est dans l’air de ce temps de L’Aufklärung, de ce Siècle des Lumières, emporté par l’ouragan de liberté qui secoue l’Europe. Il est la métaphore de la volonté de la société européenne de se débarrasser du pouvoir autoritaire. En 1782, Mozart participe à l’organisation des Concerts des dilettantes qui ont pour vocation de supprimer le monopole culturel de l’aristocratie en le sortant des palais, afin de mettre la musique, la culture, à la portée de tous, avec l’approbation et le soutien de Joseph II. Le premier concert des dilettantes a lieu le 29 mai 1782, six semaines avant la création de L’Enlèvement. Et pourquoi donc Blonde est-elle anglaise, Blonde l’astucieuse, l’impertinente, celle qui affronte Osmin, stupide, rustre et méchant ? (Mozart dixit) Parce que la Franc-Maçonnerie est née en Angleterre au XVIIème siècle et qu’elle joue, au temps de Mozart, un rôle incontestable dans la préparation de la conquête du pouvoir par la bourgeoisie, parce que, pendant cette période, le compositeur multiplie les contacts avec cette association à laquelle il adhèrera plus tard. Dix à douze oeuvres avaient traité le même sujet, mais L’Enlèvement ? Voilà la réponse de Goethe : Tous les efforts que nous faisions pour parvenir à exprimer le fond des choses devinrent vains au lendemain de l’apparition de Mozart. L’Enlèvement nous dominait tous. (4 avril 1785). L’exubérance, la joie, le rire : tonalités majeures, tempi rapides, dominent la partition, servis par un orchestre brillant, coloré. L’ouverture Elle est très courte et fait alterner sans cesse ‘forte’ et ‘piano’ ; tous les passages ‘forte’ contiennent la musique turque. Elle module continuellement : je ne crois pas que l’on pourra dormir pendant son exécution même si l’on n’a pas dormi la nuit précédente. (Mozart) L’ouverture est en trois parties : A B A’. 1ère partie : pétillante, joyeuse dans la tonalité la plus populaire qui soit, celle d’Au clair de la lune, celle aussi de la Symphonie des jouets dont l’auteur n’est autre que son père Léopold Mozart, comme elle, scandée par la mesure la plus répandue, 2/4, entraîne l’auditeur dans un presto vigoureux. Son orchestration est l’exemple même de ce que l’on appellera une formation Mozart : - Les bois par deux : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 cors de basset, 2 bassons - Ainsi que les cuivres : 2 cors, 2 trompettes - 1 paire de timbales - Les cordes : premiers et seconds violons, altos, violoncelles et contrebasses. La formation Mozart rehaussée de : La musique alla turca : flûte piccolo, triangle, cymbales, grosse caisse qui la rejoint dans les forte. L’Empire ottoman laissa son empreinte sur la vie culturelle de Vienne peut être plus qu’ailleurs. Cette formation clinquante est empruntée à la musique des Janissaires et fut d’abord introduite dans certaines des musiques militaires européennes au début du XVIIIème siècle. Utilisée non seulement par les armées autrichiennes, mais plus tard, par les armées napoléoniennes elle nécessitait à cette époque une écriture particulière. Ce n’est qu’au XIXème siècle qu’elle intègrera l’orchestre symphonique traditionnel. Beethoven l’emploiera dans le Finale de sa 9ème symphonie lors de la variation du thème de l’Ode à la joie : Alla marcia (Allegro assai à 6/8, en si bémol). Destinée à surprendre un public appartenant à toutes les couches de la société viennoise, elle remplit essentiellement un rôle dramaturgique et n’a pas grand lien avec la musique traditionnelle turque ! A : Cette ouverture présente un premier élément thématique, furtif, énoncé par les cordes seules dans une nuance piano. Il sonne forte dans les tutti, avec l’apport de la brillance de la musique turque. Puis c’est avec le retour de la nuance piano, qu’il est entendu alors à la clarinette. Repris de nouveau en tutti, la répétition de sa désinence est suivie d’une période de gammes ascendantes qui débouchent sur ce qui peut être considéré comme la deuxième section de cette première partie : En Sol mineur, assombrie par les accords de septième diminuée, elle évoque les orages et tempêtes qui ont déferlés sur les opéras baroques et peut être considérée comme un deuxième élément dramatique, si ce n’est thématique. Une cadence à la dominante amène une troisième période qui apporte des éclairages harmoniques nouveaux jouant sur la juxtaposition de la tonalité de sol M et de sa tonalité homonyme sol min, des jeux de timbre et de contrastes entre les nuances Forte et Piano, de densité entre solo et tutti. Une cadence en Sol M conclut cette première partie. B : La partie centrale évolue dans un tout autre climat. Ici, pas d’exotisme ! C’est un Andante en do mineur de forme lied : a b a’ qui revêt l’allure d’un lent menuet, composé en 3/8, chantant le cœur souffrant de Belmonte. Deux phrases, la première en do mineur exposée par les cordes puis reprise par les bois, la seconde au ton relatif majeur, mi bémol, la troisième étant un retour varié de la première. Hautbois et clarinette dialoguent, colloque amoureux de Konstanze et de Belmonte ! La mélodie ici chantée par l’orchestre, dans la fosse, sera celle de la première aria de Belmonte mais il la chantera en do majeur : parvenu à entrer dans les jardins du Pacha Selim, plein d’espoir, il se sent sur le point de délivrer sa Konstanze. A’ : Retour varié de la première partie, la joie, l’ardeur, pourquoi ne pas dire l’ivresse de vivre. L’ouverture s’enchaîne à la première scène de l’opéra, l’aria de Belmonte grâce à une cadence en Sol, Sol ici considéré comme dominante de Do majeur.