Management humain

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MANAGER
Laurent TASKIN
Anne DIETRICH
RH
Management
humain
Préface de Pierre-Yves GOMEZ
Pour une approche renouvelée
de la gestion des ressources
humaines et du comportement
organisationnel
Management
humain
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MANAGER
RH
Cette collection, tournée vers le Management des Ressources Humaines,
s’adresse à celles et à ceux qui travaillent, se forment ou souhaitent continuer
leurs formations dans ce domaine.
Composée d’ouvrages pratiques dont les auteurs sont « sur le terrain »
des RH – que ce soit dans leur activité professionnelle quotidienne en
entreprise ou au niveau de leurs centres d’intérêt et d’action dans un
environnement académique et de recherche – cette collection se veut avant tout
pragmatique et en phase avec les interrogations des managers RH d’aujourd’hui.
David ALIS, Charles-Henri BESSEYRE DES HORTS, Françoise CHEVALIER, Bruno FABI,
Jean-Marie PERETTI
GRH. Une approche internationale
Claude Blanche ALLÈGRE et Anne Elisabeth ANDRÉASSIAN
Gestion des ressources humaines. Valeur de l’immatériel
Jean-Marie DUJARDIN
Compétences durables et transférables. Clés pour l’employabilité
Bénédicte GENDRON
Mindful management & capital émotionnel.
L’humain au coeur d’une performance et d’une économie bienveillantes
Mary Jo HATCH, Ann L. CUNLIFFE
Théorie des organisations. De l’intérêt de perspectives multiples
Francis KAROLEWICZ
Écomanagement. Un management durable pour des entreprises
vivantes
Guy KONINCKX et Gilles TENEAU
Résilience organisationnelle. Rebondir face aux turbulences
Ilios KOTSOU
Intelligence émotionnelle et management. Comprendre et utiliser
la force des émotions
Évelyne Léonard
Ressources humaines. Gérer les personnes et l’ordre social dans
l’entreprise
Christine MARSAN
Réussir le changement. Comment sortir des blocages individuels
et collectifs
Charles MARTIN-KRUMM, Cyril TARQUINIO, Marie-Josée SHAAR
Psychologie positive en environnement professionnel
Bernard MERCK et Pierre-Eric SUTTER
Gestion des compétences, la grande illusion. Pour un new-deal
« compétences »
André MULLENDERS
e-DRH. Outil de gestion innovant
François PICHAULT
Gestion du changement. Vers un management polyphonique
Laurent TASKIN, Anne DIETRICH
Management humain
Dave ULRICH, Wayne BROCKBANK
RH : Création de valeur pour l’entreprise
Michel VIAL, Armand MAMY-RAHAGA, Annie TELLINI
Accompagnateur en RH. Les quatre dimensions de l’accompagnement
professionnel
Philippe VERNAZOBRES
La valeur ajoutée du coaching. Pour un développement managérial et
organisationnel
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MANAGER
RH
Laurent TASKIN
Anne DIETRICH
Management
humain
Préface de Pierre-Yves GOMEZ
Pour une approche renouvelée
de la gestion des ressources
humaines et du comportement
organisationnel
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Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine
de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com
Crédits photos de couverture :
© sabine hürdler – fotolia.com
© lareanto – fotolia.com
© vege – fotolia.com
© De Boeck Supérieur s.a., 2016
Fond Jean Pâques, 4 - B-1348 Louvain-la-Neuve
1er édition
Tous droits réservés pour tous pays.
Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie)
partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de
le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
Imprimé aux Pays-Bas
Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : mars 2016
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2016/0074/003
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ISSN 2030-3661
ISBN 978-2-8041-7475-0
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Sommaire
Préface7
Remerciements11
Les auteurs15
Introduction
Vers un management (plus) humain17
Chapitre 1
Quelle conception de l’Homme au travail
pour quel management humain ?27
Chapitre 2
Management humain et transformations du travail43
Chapitre 3
De la motivation au travail au sens du travail93
Chapitre 4
Rôles du management humain : de la création de valeur
à la production de reconnaissance125
Chapitre 5
Le lien individu-­organisation : de la culture organisationnelle
à la relation d’emploi 181
Conclusion
Management humain : mettre en œuvre une approche
renouvelée de la GRH et du comportement organisationnel215
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Références229
Index245
Table des matières253
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Préface
Pierre-­Yves GOMEZ
On ne parle pas assez de la souffrance au travail des managers. Bien que muette,
elle est souvent violente si on en juge par les taux de maladies professionnelles
et de burnout qui touchent, notamment, le management intermédiaire. Une
souffrance silencieuse, parce que les managers ont pour mission de créer l’unité,
de coordonner, de transmettre de l’énergie et que la pression qu’ils subissent
leur semble inexprimable sous peine de trahir leur fonction. Ils sont invités à
se taire. Et c’est aussi ce qui accroît leur souffrance.
Elle est là pourtant, entretenue par la crainte de perdre son emploi dans un
monde économique incertain. Mais avant tout, comme la plupart des souffrances au travail, cette souffrance a pour cause le manque de sens. Le travail du
manager est de plus en plus désincarné, désintégré par les innombrables ratios
et normes qu’il faut respecter, les outils de gestion qu’il faut utiliser, les modes
managériales auxquelles il faut souscrire, les rhétoriques creuses avec lesquelles
il faut communiquer, les outils de contrôle et de reporting qui engloutissent
le temps disponible. L’idéologie du management, ses méthodes, ses modes,
ses styles, son business et ses savoirs plus ou moins scientifiques, définissent
des pratiques et des manières d’être qui, loin de servir la réalité, inventent
une réalité virtuelle, avec ses propres objectifs et ses propres outils d’évaluation. Bien entendu, cet éloignement croissant du manager avec la réalité n’est
pas étrangère à l’éloignement du capital et du travail, de la finance abstraite
et des conditions de travail objectives, des centres de décision qui s’éloignent
des lieux de production bref, de ce qu’a produit le capitalisme depuis deux
siècles. Mais rappeler cela dans une perspective critique, ne résout pas la question initiale, celle de la souffrance des personnes.
Car s’il faut connaître et agir sur les causes profondes pour changer le monde,
il n’en reste pas moins qu’ici et maintenant, la souffrance du manager vient
de ce qu’il a l’impression de faire du management mais de ne plus manager.
Manager quoi ? Manager des êtres humains.
Le livre de Laurent Taskin et d’Anne Dietrich tombe donc à point nommé.
Il propose de redonner à la gestion des ressources humaines son sens et sa
raison d’être, et à ceux qui sont en charge de valoriser ces ressources, les
managers donc, de renouveler la compréhension de leur mission et de leurs
responsabilités. Cela dans une approche critique qui prend en considération
les contradictions objectives mais aussi idéologiques auxquelles les managers
sont confrontés, sans les éluder, mais sans s’y complaire non plus, parce que la
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dénonciation ne suffit pas. L’urgence est de redonner un statut et du sens à la gestion
des ressources humaines.
Le livre s’intitule Management humain, et cela mérite qu’on s’arrête quelques instants.
On peut entendre en effet ce titre et donc le propos de l’ouvrage selon deux acceptions. La première nous invite à penser que le management doit être humain par une
ardente obligation morale. Le management humain doit être sensible aux valeurs humanistes, à leurs expressions ou leurs trahisons et aux espérances qu’elles font naître pour
un monde économique « meilleur ». Il permet d’échapper à un management inhumain,
c’est-­à-­dire sans émotions, calculateur et si mécanique qu’il oublie ou détruit l’Homme.
En effet, la gestion des entreprises est devenue si formelle, si pointilleuse, si technique
et si abstraitement financière, que la place de l’humain tend à être négligeable. Il n’est
plus qu’un rouage parmi d’autres dans la mécanique du business, au même titre que
les ordinateurs et les robots qui, d’ailleurs, le remplacent. Dans les chaînes de montage
où les gestes sont mécaniques et chronométrés, se préoccupe-­t‑on des humains autrement que selon des calculs de coûts et des risques ? Les personnes ont-­elles encore de
l’importance quand les décisions sont prises par des financiers qui poussent des pions
comme on joue aux échecs ? L’expérience quotidienne nous pousse à exiger davantage
de sensibilité et de délicatesse humaniste dans un monde économique transformé en
machinerie implacable, dans laquelle les pinces froides des outils de gestion dépècent
le travail et sélectionnent ou rejettent les travailleurs. Le manager en souffre quand l’entreprise l’oblige à être inhumain et à se déshumaniser lui-­même.
C’est pourquoi un management humain l’inviterait à se préoccuper des qualités et des
limites physiques, psychiques voire spirituelles de ceux dont il a la charge. Ces qualités
les distinguent des autres moyens de production et il faut aussi en tenir compte lorsqu’on
gère une entreprise. Sans quoi on la déshumanise, au sens exact où on ne tient pas
compte du fait que, parmi les facteurs qui contribuent à créer la valeur économique, il
y a aussi les humains. Dans cette première acception du terme, le management humain
poserait donc une question morale.
Dans une seconde acception, le propre du management est précisément de manager
des humains. Que peut-­on manager d’autres ? Des lignes d’écritures comptables ? Des
machines à coudre ? Des palettes de bière ? Certainement pas. On gère des stocks et
des flux de matières, de finance ou même de robots. Mais on ne gère pas des stocks
et des flux de travailleurs humains. Mais on ne les manage pas. On manage des êtres
humains, c’est-­à-­dire que comme le suggère l’étymologie du mot (manager, c’est tenir en
main) on les conduit, on les oriente, on les encourage, on les discipline, on les stimule.
Sans cela ils sont réduits à n’être que des objets parmi d’autres, sur lesquels s’exerce la
violence des forces économiques. Or, comme le dit si magnifiquement Simone Weil :
« la force c’est ce qui fait, de quiconque lui est soumis, une chose ». La force économique
prétend faire d’un homme un simple objet. Cette violence est injustifiable, et pas seulement pour des raisons morales.
Car, à la différence des écritures comptables et des robots, les humains parce qu’ils sont
vivants, restent inévitablement libres de leurs actes, de l’usage de leur intelligence et
de leur savoir-­faire. On peut les contrarier, on peut les contraindre, mais on ne peut pas
empêcher leur indépendance. Manager signifie donc diriger, guider des êtres vivants
donc libres d’agir, dont les comportements produisent de l’incertitude féconde, et auxquels il faut donner des perspectives, des outils de coordination et des moyens communs
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Management humain
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pour reconnaître et partager la qualité de leur travail. D’une certaine façon, management humain est un pléonasme, mais un pléonasme utile pour rappeler combien le sens
profond du travail du manager consiste à manager de la diversité ingénieuse du travail
humain. Le manager souffre quand l’entreprise l’empêche tout simplement d’exercer
pleinement son métier.
Selon cette deuxième compréhension, le management est humain du fait que c’est dans
le travail que se joue l’essentiel de la création de valeur économique. Travail divisé qu’il
faut coordonner parce que c’est là que les savoir-­faire distinctifs s’expriment, les résistances à l’organisation s’affirment, les innovations compétitives émergent, la production
se fluidifie ou, au contraire, se ralentit, bref, c’est par le travail vivant que l’entreprise
crée ou non davantage de valeur que ses concurrentes qui peuvent utiliser les mêmes
machines, les mêmes flux financiers, les mêmes ordinateurs et les mêmes robots qu’elle.
Mais pas les mêmes êtres humains. Toute la différence se joue là. Leur liberté est au fondement de l’avantage concurrentiel. Bien orientée vers un projet collectif, elle produit
une puissance économique décisive pour le développement de l’entreprise. Contrariée
voire négligée, elle intervient médiocrement dans la création de valeur qui s’atrophie.
Tocqueville le notait déjà dans les années 1825, en parcourant l’Amérique, quand il constatait que les champs cultivés par des esclaves dans le Kentucky sur la rive gauche de la
rivière Ohio où l’esclavage était permis, étaient beaucoup moins bien entretenus que ceux
travaillés par des hommes libres, dans l’Ohio, sur la rive droite de la rivière, où l’esclavage
était interdit. « La colonie où ne se trouvaient point d’esclaves devenait plus peuplée et plus
prospère que celle où l’esclavage était en vigueur. À mesure qu’on avançait, on ­commençait
donc à entrevoir que la servitude, si cruelle à l’esclave, était funeste au maître. » Les spécialistes des systèmes de contrôle et de normalisation devraient lire ces pages célèbres de
la Démocratie en Amérique. Elles leur feraient hésiter à transformer l’entreprise en une
mécanique efficace certes mais qui n’a pas plus de capacité créative et d’originalité compétitive qu’une mécanique mais stupide horloge.
L’ouvrage de Laurent Taskin et d’Anne Dietrich s’inspire de la seconde vision du management humain. C’est pourquoi il réconciliera le lecteur avec ce que j’ai appelé ailleurs,
la vraie vie des entreprises. La vraie vie, c’est cette dimension de la réalité qui échappe
aux calculs des ingénieurs et aux abstractions financières et qui fait dire au manager
que vous rencontrez sur un site : « voilà comment ça se passe vraiment ». Tout est dans
ce vraiment. Il vous raconte alors toujours une histoire de travail réel, c’est-­à-­dire concret,
tel qu’il se pratique en réalité, loin des ratios et des reportings aveugles. Ce travail qu’il
faut manager pour en extraire le meilleur.
Ce livre réconciliera donc le manager ou le futur manager avec l’indocile liberté du travail
humain, avec l’irréductible dignité à laquelle aspire chaque personne, qui a besoin de
reconnaissance, d’engagements intelligibles, d’espace de créativité, de solidarité entre
collègues mais aussi de justice organisationnelle fiable. Les chapitres qui composent
le livre abordent ces thèmes en présentant les connaissances accumulées en gestion
et en les discutant en profondeur, puis ils suggèrent des pistes pour se les approprier.
On verra ainsi se dessiner le métier de manager, qui a son utilité, son sens et, disons-­le
aussi, sa grandeur.
Humaniser le travail, ce n’est donc pas lui donner un supplément d’humanisme. C’est, au
contraire, retrouver ce qu’il a d’humain, dans le travail lui-­même y compris dans le travail
du manager. Au final, les deux conceptions du management humain sont réconciliées
Préface
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dans ce livre. Il ne s’agit pas d’appliquer à l’entreprise un vernis d’humanisme. Il s’agit
de reconnaître que sans le soin apporté à ceux qui travaillent, l’entreprise n’est pas économiquement durable.
C’est ainsi que le management reste une activité morale.
Pierre-­Yves Gomez
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Management humain
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Remerciements
L’écriture de ce livre est le résultat de nombreux échanges, de trépidants dialogues et d’intenses et préoccupantes réflexions – sur la GRH, le comportement
organisationnel, mais aussi le management, le gouvernement de l’entreprise
et notre société.
Il nous faut remercier ici nos étudiants qui, en particulier cette dernière décennie, nous ont incités à développer un type d’enseignement plus critique de
la gestion. Nous avons trouvé dans nos auditoires une écoute plus attentive,
une incitation franche à sortir des modèles et des recettes toutes faites. Sans
cet encouragement, ce livre n’aurait pas vu le jour puisqu’il est aussi destiné à
soutenir ces enseignements. Merci à vous tous, chers étudiants de Bruxelles,
Lille, Louvain-­la-­Neuve, Mons. Par vos questions, commentaires et interrogations, vous avez contribué à la réalisation de ce projet. Nous remercions en
particulier quelques-­un(e)s d’entre vous que nous avons accompagnés dans le
cadre de la réalisation de votre mémoire de master et qui avez plus particulièrement contribué à certaines de ces réflexions : Solange Bechoux, Grégory
Chevalier, Lucie Janssens, Éric Krolop, Thérèse Lamah, An Loosvelt, Laurent
Moies, Fabienne Vanderoorst, Jean Van Oycke, Gaëlle Vanseveren.
La perspective proposée ici poursuit l’ambition de contribuer à faire évoluer
la pratique du management dans l’entreprise. Cette visée, qui participe d’une
critique qualifiée de citoyenne et de performative, nous vient aussi du constat
que les principaux acteurs du management humain, les responsables des
Ressources Humaines ainsi que les patrons d’entreprise, sont les premiers
à se rendre compte de la nécessité de renouveler le management, tant la
financiarisation et le managérialisme actuels poussent les personnes, comme
les organisations et les sociétés, à bout : vidées d’un sens plus humain de
l’action, déshumanisées, pour faire court. Nous exprimons notre reconnaissance envers ces responsables d’entreprise et du personnel qui nous ont
grandement stimulés dans la concrétisation de notre projet, avec autant de
conviction que de curiosité. En particulier, nous remercions les partenaires
de la Chaire universitaire « laboRH » en management humain et transformations du travail, à l’Université catholique de Louvain, pour leur confiance et
leurs encouragements : Angelo Antole, Christa Botes, Olivier Chavanne, Michel
Cornet, Frédéric Demars, Fabrice Enderlin, Danielle Knott, Élisabeth Masurel,
Isabelle Sonneville, Audrey-­Ann Toogood, Kathleen van der Paelt. Nous remercions aussi ces professionnels réflexifs avec lesquels il nous arrive de partager
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quelques-­unes des opinions développées dans cet ouvrage et qui ne manquent pas de
nous stimuler : en particulier, Bauduin Auquier, Gaëtan Bonny, Fabrice Carpinelli, Brigitte
Colin, Philippe De Paepe, Jean-­Claude Debussche, Luc Denayer, Jean Dhoore, Jean-­Paul
Erhard, Pierre Jacobs, Stephan Londoz, Christophe Lo Giudice, Guy Marchal, Philippe
Meysman, Jean-­Christophe Parent, Olivier Renson, Frédéric Robert, Marie-­Pierre Saint
Viteux, Patrick Sapy, Bruno Snappe, Christine Thiran, Vincent Wodon, Fabio Zingone.
Construire une critique citoyenne de la gestion demeure un exercice périlleux. Nous
remercions les collègues qui nous ont inspirés et avec lesquels nous œuvrons chaque
jour, par nos recherches et nos enseignements, à la sensibilisation aux dangers d’une
forme de management financiarisé et à la proposition d’un management plus humain.
Nous pensons en particulier à Farid Ben Hassel, Paul Edwards, Olivier Germain, Pierre-­
Yves Gomez, Isabelle Huault, Éric Kniaz, Florence Palpacuer, Thierry Pauchant, Véronique
Perret, François Pichault, Frédérique Pigeyre, Benoit Raveleau, Graham Sewell, Xavier
Weppe, Hugh Willmott.
Nous sommes reconnaissants envers nos Universités de nous offrir l’espace pour conduire
ce projet. Nous y avons trouvé des soutiens et des collaborations précieux, tout au long
de la construction d’un projet universitaire dans lequel cet ouvrage s’insère, au sein de
nos facultés, tant à l’IAE de Lille qu’à la Louvain School of Management, à l’École des
sciences du travail et au sein de nos centres de recherche. Merci, en particulier, à Didier
Cazal, Matthieu de Nanteuil, Isabelle Ferreras, Filip Dorssemont, Mark Hunyadi, Frank
Janssen, Évelyne Léonard, Frédéric Nils, Marthe Nyssens, Mikaël Petitjean, Anne Rousseau,
Nathalie Schiffino, Armand Spineux, Florence Stinglhamber, Patricia Vendramin, Marc
Zune, et tous nos collègues que nous ne pouvons citer ici.
Nous remercions sincèrement Pierre-­Yves Gomez d’avoir accepté de préfacer notre livre
et, plus largement, pour l’inspiration qu’il nous donne dans la construction d’une critique humaniste du management.
Nous nous devons également de mentionner notre environnement de recherche le
plus proche, au sein duquel nous avons pu discuter des premières idées de cet ouvrage
et qui est la manifestation quotidienne et incarnée de cette école critique en gestion
que nous animons ensemble au sein du Louvain Critical Management group. Que les
docteurs Céline Donis, Julien Raone et Gabriel Van Bunnen, ainsi que nos chercheurs,
trouvent ici aussi notre reconnaissance pour leur contribution à cette aventure universitaire et leur fervent soutien et engagement à nos côtés. Nous pensons en particulier
à Michel Ajzen, Marie Antoine, Pierre Bouchat, Stéphanie Coster, Maxime Desmarets,
Olivier Jégou, Kamila Moulaï, Michaël Parmentier, Thomas Pongo. De même, ce livre
puise aussi dans d’autres supports de cours que nous avons construits et utilisés ces
dernières années et auxquels nos assistants ont eu l’occasion de contribuer. Nous remercions ici en particulier, et en sus des collègues déjà évoqués, Laurent Lievens, Thao Lê
et Laura Vandenhoven.
Parmi ces acteurs-­témoins, nous tenons à exprimer notre profonde gratitude envers
Bauduin Auquier, Farid Ben Hassel, Céline Donis, Isabelle Sonneville, Armand Spineux et
Christine Thiran qui ont relu ce manuel, ainsi qu’à Sébastien Dérieux, Juvénal Ndayambaje
et Pierre Tilly qui ont relu l’une ou l’autre section de celui-­ci. Vos commentaires furent
aussi précieux que stimulants. Un immense merci pour votre confiance et votre temps
passé à nous relire.
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Notre reconnaissance s’adresse également aux éditions De Boeck Supérieur/Albin Michel
et en particulier à Dominique De Raedt et Mireille Raskin qui nous ont sollicités puis soutenus dans l’écriture du manuscrit.
Finalement, que vous soyez étudiant ou gestionnaire, gardez à l’esprit que ce manuel est
une source parmi d’autres, que nous souhaitons la plus utile pour votre représentation
personnelle de ce que doit être un bon gestionnaire, cet acteur réflexif et bienveillant du
management humain. S’agissant d’une première édition, il reste bien des améliorations
et des compléments à apporter à ce manuel et nous serons heureux de pouvoir compter
sur vos suggestions. N’hésitez à aucun moment à nous les transmettre.
Laurent Taskin et Anne Dietrich, Mars 2016
Remerciements
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Les auteurs
Laurent Taskin est Docteur en Sciences de gestion, Professeur de management humain et des organisations à la Louvain School of Management et à
l’École des Sciences du travail, à l’Université catholique de Louvain (Belgique),
où il dirige les Masters en GRH et en Sciences du travail. Il est également
titulaire de la Chaire laboRH en Management humain et transformations du
travail, un centre d’expertise rassemblant professionnels et scientifiques de la
GRH. Membre du Centre interdisciplinaire de recherche travail, état, société
(CIRTES), ses recherches portent sur le changement organisationnel en GRH
et, plus spécifiquement, sur les nouvelles formes d’organisation du travail et
les processus de partage des connaissances, dans une perspective critique. Il
a publié de nombreux ouvrages, chapitres et articles dans des revues internationales telles que Organization Studies, Journal of Business Ethics, International
Journal of Human Resource Management, New Technology, Work and Employment,
Économies & Sociétés, Revue française de Gestion, @GRH. Il a publié plusieurs
ouvrages, dont Perspectives critiques en Management (De Boeck, 2011, co-­édité
avec Matthieu de Nanteuil) ou Critical Management Studies: Global voices, local
accents (Routledge, 2016, co-­édité avec Chris Grey, Isabelle Huault, Véronique
Perret). Il est également éditeur en chef de la revue scientifique International
Journal of Work Innovation (Inderscience).
Anne Dietrich est Docteur en Sciences de gestion, Maître de Conférences
habilitée à diriger des recherches à l’IAE (École universitaire de Management)
– Université de Lille 1 (France). Elle est membre du LEM (Lille Économie
Management) – UMR CNRS 9221. Elle a été qualifiée Professeur des Universités
par le Conseil national des Universités en 2015. Elle a créé le Master GRH de l’IAE
en 2004 et l’a dirigé pendant 11 ans. Elle a écrit de nombreux articles, chapitres
d’ouvrages et ouvrages sur les compétences, l’employabilité, le management
de proximité, la GRH, le travail, les cadres et le temps de travail. Citons les
ouvrages suivants : Dérives et perspectives de la gestion (Septentrion, 2015, avec
F. Pigeyre et C. Vercher-­Chaptal), Management des compétences (Vuibert, 2015,
3e édition), La Gestion des Ressources Humaines (La Découverte, 2011, 2e édition,
avec F. Pigeyre), Management des compétences (Dunod, 2010, 3e édition, avec
P. Gilbert et F. Pigeyre), Management par les compétences, le cas Manpower
(Pearson Edition, 2005, avec C. Dejoux). Elle est membre de plusieurs comités
de rédaction ou comités scientifiques de revues francophones en gestion et
en sciences sociales.
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Introduction
Vers un management
(plus) humain
De nombreuses voix réclament aujourd’hui un management plus humain.
Qu’elles émanent d’associations de professionnels du management, de chercheurs, de travailleurs, d’observateurs de l’économie, du travail et de l’entreprise,
le message est identique : la gestion de l’entreprise, tant son gouvernement
que ses modalités pratiques, doit s’émanciper d’une logique exclusivement
financière. À l’heure où certains invitent à penser un monde sans croissance
économique – ou si peu –, à l’heure des entreprises cogérées ou libérées où
le management est l’affaire de tous, une approche renouvelée de la gestion
est attendue. Dans cette introduction, les principaux arguments justifiant une
approche renouvelée de la GRH et du comportement organisationnel sont présentés, ainsi que la structure de ce manuel.
Au terme de cette introduction, vous serez capable de :
–– situer l’émergence du management humain dans le contexte d’une critique des
modèles et pratiques traditionnels de management ;
–– comprendre la démarche du manuel ;
–– établir les liens entre l’intention affichée et la structure du livre.
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Gérer les Hommes,
une mission exigeante et passionnante
Gérer les Hommes dans l’entreprise 1, c’est un défi et un métier aussi passionnant qu’exigeant. Passionnant, parce qu’il touche à cette composante humaine de l’entreprise, qui
est aussi complexe, pour laquelle peu de règles générales prévalent : chacune, chacun
d’entre vous se mobilise pour des raisons qui lui sont propres. Chacune et chacun est un
Sujet singulier, expérimentant la vie de manière singulière, l’amenant à faire des choix, à
agir en conscience, au regard de ses propres souhaits, idéaux et expériences. Exigeant,
parce qu’il convient de combiner un nombre infini de contraintes pour faire avancer
l’entreprise dans une direction largement imposée. Exigeant, aussi, car vos actes ont un
impact sur d’autres personnes, sur leur carrière, leur progression, leur identité. Votre responsabilité est grande et exige éthique et exemplarité.
Focus – Mise en situation
Vous avez certainement participé à des associations ou autres mouvements de jeunesse, avec
d’autres. Rappelez-­vous ces expériences. Souvent, vous avez été invité à faire partie d’un groupe,
car vous partagiez une passion ou des amitiés communes. Si vous vous êtes réunis, c’était
aussi pour réaliser un projet commun comme, par exemple, animer des jeunes ou monter
un spectacle, un concert. Ce sont des conditions idéales : vous connaissez certains membres
du groupe, le projet vous réunit et vous l’avez choisi, vous décidez de son contenu, de ses
modalités en respectant quelques principes généraux… Vous le faites bénévolement, pour le
plaisir, parce que cela donne du sens à votre vie. Et l’amusement des enfants que vous animez
ou l’hystérie de votre public vous offre, directement, la reconnaissance que vous attendiez
de cet investissement. Dans ces conditions idéales, n’avez-­vous cependant pas rencontré de
problèmes ? Sans doute, les problèmes auxquels vous pensez sont-­ils liés aux aspects humains
(difficulté de collaborer avec Unetelle, conflit ou attitude irritante de Untel, etc.) plutôt que
matériels (guitare cassée dans le transport, endroit de camp délabré). Imaginez ensuite, un
instant, l’exigence et les compétences requises pour gérer des personnes que vous n’avez pas
choisies, qui ne peuvent pas aller et venir au gré de leurs envies, qui ne partagent pas a priori
le projet de l’entreprise…
L’entreprise est donc un espace qui fait partie de la société et qui en est le reflet : les
questions sociétales telles que la diversité (culturelle, confessionnelle, des âges, etc.) ou
la mobilité se posent avec la même acuité dans l’entreprise que dans la société – avec,
souvent, la responsabilité et l’autonomie de pouvoir y répondre plus vite, si la volonté
est présente. Ceci participe à l’exigence du management humain : on ne peut pas, de
notre point de vue, penser le management sans penser la société et les transformations
du travail.
Gérer les Hommes au travail est donc une responsabilité passionnante et exigeante.
Cela ne vous aura pourtant pas échappé : lorsque l’on parle de la gestion de l’entreprise
1
Lorsque nous parlons d’une « entreprise » dans ce manuel, nous faisons référence à une organisation
pouvant opérer dans le secteur public, comme dans le secteur privé, dans le non-­marchand comme dans le
marchand, il peut s’agir d’une multinationale comme d’une PME.
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dans les médias, de nos jours, c’est souvent avec un ton assez critique. On évoque
ainsi le bien-­être autant que le mal-­être des travailleurs (on parle de bonheur au
travail, en même temps que l’on évoque des suicides sur le lieu du travail et des restructurations de compétitivité 2), la gestion de conflits sociaux (tant du point de vue
patronal que syndical, mettant en scène des agressions physiques de responsables
d’entreprise ou la judiciarisation d’actions limitant le droit de grève), la gouvernance
de l’entreprise (où engagement citoyen et environnemental côtoient la mise au jour
de tricheries en tous genres) et, plus généralement, la dénonciation d’une logique
financière dominante qui conduit à des réorganisations plus nombreuses et plus fréquentes, dont les justifications échappent aux travailleurs et managers concernés, à
une échelle locale.
Que le gouvernement de l’entreprise fasse l’objet de débats publics est une bonne chose.
Que le débat entre les citoyens, les travailleurs et leurs représentants, les décideurs politiques, financiers et d’entreprise prenne la forme d’un dialogue de sourds dans lequel
personne ne se comprend est préoccupant.
Focus – Mise en situation
Vous aurez ainsi remarqué que la mutation de groupes globaux s’accompagne souvent de
restructurations qui touchent directement les dynamiques économiques et l’emploi locaux.
Pensez à certains secteurs (la sidérurgie, la construction automobile, la distribution ou les services bancaires, par exemple) au sein desquels de tels mouvements ont été opérés avec pour
seule justification que « les mesures identifiées sont indispensables pour garantir l’avenir du
groupe »3, opposant, à un bon sens citoyen et à une certaine myopie et impuissance de leurs
représentants en divers lieux, une rhétorique financière globalisée, donnant le sentiment d’une
rupture totale entre la réalité locale et la décision globale (Roupnel-­Fuentes, 2007). Simultanément, nos économies regorgent de pépites innovantes, peinant à trouver les experts et les
soutiens dont elles ont besoin pour se développer.
Qu’est-­ce que ceci peut bien vous inspirer ? Le monde change, certes. Mais quels sont ces changements de fond qui sont à l’œuvre et en quoi doivent-­ils être pris en compte dans l’action de
tout gestionnaire ? Plus encore, en quoi concernent-­ils directement la gestion des personnes
dans l’entreprise et son enseignement ?
1. Management sous tensions :
des signaux convergents
Peu d’ouvrages de gestion des ressources humaines (à présent, GRH) s’ouvrent sur ces
considérations. Ces questions sont pourtant fondamentales et nous y répondrons plus loin
dans ce manuel. Disons à ce stade que les transformations à l’œuvre – qui portent, vous
vous en doutez, les noms de globalisation, flexibilisation, individualisation, digitalisation,
2
Voir chapitre 2 pour la définition de ces notions.
Extrait d’un communiqué lors de l’annonce d’un plan de transformation http://www.lalibre.be/
economie/libre-­entreprise/emplois-­menaces-­une-­quarantaine-­de-­magasins-­delhaize-­fermes-­ce-­mercredi-­
5397f40235700435904bf029).
3
Introduction
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parmi tant d’autres – affectent d’abord et surtout le travail – qui se trouve au centre de
nos sociétés – salariales –, donc de nos économies et de nos entreprises, mais aussi de
nos existences (cf. chapitre 3).
Rappelez-­vous aussi, à ce stade, qu’une organisation est une configuration de personnes
et de ressources créée pour coordonner une série d’activités professionnelles, dans le but d’atteindre des objectifs ou de produire des résultats et qui met en scène des sujets, c’est-­à-­dire des
personnes humaines éprouvant le réel, engagées dans des rapports mutuels et agissant en s’exposant à la question du sens de l’action (adapté de Fischer et Lovell, 2006, dans de Nanteuil,
2015). Puisque l’entreprise met en scène des sujets, l’objet du management humain, le
travail, est un travail vivant, pour reprendre les termes de Pierre-­Yves Gomez (2013), c’est-­
à-­dire qui s’exprime et se manifeste de manière objective (un bien ou un service produit,
un rythme, un horaire, un contenu), mais aussi de manière subjective (le sens que vous
attribuez à votre travail) et de manière collective (le travail vivant s’inscrit dans une communauté de travail dont les frontières sont définies par les travailleurs eux-­mêmes).
Ces précisions étant faites, considérons à présent un ensemble de signaux adressés,
dans la société autant que dans les entreprises et les universités, au management des
entreprises et à la GRH. Faites également l’exercice en vous questionnant un instant
sur les critiques du management de l’entreprise auxquelles vous avez été confronté.
Nous avons pointé des critiques et des appels de deux ordres : ceux dénonçant une
forme de violence de la part du management et ceux appelant ou proposant un management plus humain.
1.1 Des critiques dénonçant la violence
d’un management financiarisé
Les critiques dénonçant la violence d’un management essentiellement basé sur
la mesure se multiplient : perte de sens du travail, sentiment de déqualification ou
de réduction de l’humain à un facteur de production, à une ressource comme une
autre. Si cette critique est associée à l’existence et au développement de pratiques de
reporting continu et d’évaluation des performances économiques qui effacent le travail
humain au profit de données numériques, l’on observe aujourd’hui qu’elle s’adresse
aussi à d’autres pratiques de management, au nom même du bien-­être des personnes :
développement de bureaux partagés qui exacerbent ce sentiment d’invisibilité, développement d’outils de partage des connaissances qui amènent le travailleur à se sentir
dépossédé d’un savoir qu’il a mis des années de travail et d’intelligence à construire.
L’hégémonie d’une gestion financière de l’entreprise, ayant comme corollaire de ne
concevoir la gestion que comme un instrument n’ayant pour seule finalité qu’une performance financière, est contestée.
Dans la recherche scientifique en sciences sociales, si le travail fait l’objet de critiques
fondées depuis toujours et particulièrement depuis les années 1950 4, un courant spécifique
de recherche s’est plus récemment développé au sein même des écoles de gestion, promu
par des professeurs et chercheurs en management. Ce courant de recherche connu sous
le label des Critical Management Studies (Perspectives critiques en management) se veut
4
Pensez aux travaux menés dans le champ de l’ergonomie puis de la psychodynamique du travail et rapportant les conditions de la souffrance et du mal-­être au travail (cf. Chapitre 1).
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pluriel et prend aussi les formes d’un mouvement social dépassant le seul monde universitaire. Il offre des balises fiables à la construction d’une critique du management, pouvant
permettre de construire des alternatives aux modes de gestion dominants. Il invite à l’étude
de « la gestion telle qu’elle se fait, dans sa matérialité et ses effets parfois destructeurs »
(Dietrich et al., 2015, p. 177). Cette recherche critique tient d’abord à dénoncer les effets de
pratiques de gestion (démontrant notamment à quel point des outils de gestion contribuent à discipliner les travailleurs, dans un rapport de pouvoir profondément inégal), mais
aussi de la rationalité qui les sous-­tend. En psychologie sociale, pointons aussi l’émergence
de recherches portant sur la déshumanisation qui s’invitent aujourd’hui dans le champ
de la psychologie du travail et de la gestion, s’attachant à caractériser ce sentiment de
« chosification » dans un environnement de travail perçu comme inhumain, du fait de la
technologie et du management 5. En économie, les recherches hétérodoxes portent, entre
autres, sur l’identification de mesures alternatives et complémentaires de la « richesse des
nations » 6, et suggèrent aussi un modèle de société qui ne soit plus fondé sur la croissance
économique à tout prix (les théories de la décroissance ou de la définition d’un niveau de
croissance soutenable, voir à ce sujet Cohen, 2015) 7.
Praticiens et chercheurs de tout bord s’accordent donc pour pointer la violence d’un
management financiarisé qui efface la personne humaine du pilotage de l’entreprise.
1.2 Des appels et des expériences
de management réhumanisé
Simultanément, les appels à « remettre l’humain au cœur » de la société, convoquant l’importance du « facteur humain », tant dans l’entreprise, que dans le monde culturel, se
multiplient et ne laissent pas les mondes patronal, syndical, politique insensibles 8. Des
visions de l’humain alternatives – nous préférons les considérer ici comme complémentaires – à celle, dominante, de l’homo oeconomicus sont proposées (homo empathicus,
homo socius, etc.) appelant au développement de nouveaux modes de gestion (participatif, autogestion, collaboration, sociocratie, etc.) et de leaders (authentiques, bienveillants,
serviteurs, etc.).
Un autre signal perceptible tient de l’appel à un gouvernement plus démocratique de
l’entreprise. Cette perspective (re)fait son chemin et des expérimentations se multiplient
et perdurent, dans des environnements diversifiés, permettant de rompre avec le stéréotype de l’entreprise démocratique parce que petite, récente et n’employant que de
jeunes travailleurs très qualifiés. Ces multiples formes de gouvernement démocratique de
l’entreprise tiennent d’abord d’un choix pour une certaine philosophie managériale. Elles
reposent ensuite sur des principes d’organisation du travail ayant pour noms entreprise
5
Voir, à ce sujet, e.a. Bataille (1949), Dujarier (2015), Hunyadi (2015).
Tels que le P.I.B., voir à ce sujet Cassiers (2011).
7
Outre les théories de la décroissance qui invitent à penser un monde marqué par une croissance économique négative, d’autres modèles invitant à maîtriser la croissance dans un monde « clos » (Cohen, 2015)
ou à viser une croissance qualitative plutôt que quantitative (Sen, 1993) gagnent en légitimité.
8
Pensez à ces reportages, films, expositions, romans invitant à prendre conscience de la richesse et de la
diversité de l’humanité, voire aux alternatives « bonnes » ou à la nature « bonne » de l’être humain, à l’image
du film « Human » de Yann Arthus-­Bertrand (voir www.human-­themovie.org/fr/) sorti en 2015 ou encore le
film-­reportage « Demain » de Mélanie Laurent et Cyril Dion, sorti en 2016.
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libérée, autogérée, 2.0., etc. L’engouement des responsables d’entreprises comme des
travailleurs est notable et de multiples groupes ou associations voient le jour, ces « innovations organisationnelles » n’échappant pas non plus à une certaine instrumentalisation.
Pointons aussi, dans la recherche scientifique, l’émergence ou la résurgence de travaux
sans cesse plus nombreux sur les thèmes du don, de la gratuité, du bien commun ou
de l’économie civique qui offrent une perspective renouvelée du management, de ses
modalités et finalités en gestion et en économie.
2. Management humain : une perspective
critique de la GRH et du comportement
organisationnel
Face à ces constats largement partagés, diverses réponses sont apportées. À notre avis,
ces réponses se limitent trop souvent à élargir la perspective traditionnelle de la gestion
de l’entreprise à d’autres objets. À rajouter, ainsi, dans la même marmite, quelques ingrédients de plus (tels qu’un code de bonne gouvernance, une charte de valeurs, un code
éthique, des initiatives sociétales ou des politiques de mécénat). La recette est donc à
peu près la même, la finalité n’a pas changé et traduit l’hégémonie d’une rationalité formelle (ou calculatrice), sous-­jacente aux théories dominantes du bien-­être économique
et du capitalisme financiarisé. Or, partout, l’appel à des considérations renouvelées du
bien-­être de la société (de l’entreprise, du travailleur) plaide pour une perspective plurielle, combinant des disciplines différentes – sociologie, philosophie ou psychologie, par
exemple – permettant une caractérisation étendue, plus riche et plus fine des éléments
sur lesquels le gouvernement de l’entreprise et la gestion du travail se fondent comme,
par exemple, la performance. Mais comment s’émanciper d’une rationalité formelle (ou
calculatrice) et des modes de management qui y sont associés (le caricatural « command
and control ») si l’on utilise toujours les mêmes ingrédients de base qui, eux, fondent une
vision de l’Homme au travail peu autonome, peu solidaire, motivé par son seul salaire ?
Nous faisons le même constat, à quelques nuances près, à propos de l’enseignement de
la GRH, qui semble relativement imperméable à ces évolutions : les contenus des manuels
les plus diffusés demeurent similaires, complétés par de nouvelles thématiques (diversité,
éthique…), mais profondément ancrés dans une perspective instrumentale perpétuant
une même vision de l’humain : celle d’une ressource – à l’image des titres de la plupart
de ces références (« ressources humaines ») –, à ajuster sur un marché où s’échangent
des compétences, pour un prix donné.
Cet ouvrage répond à sa manière aux défis que nous venons d’identifier – et qui seront
développés dans les deux chapitres suivants – en proposant une lecture critique de la
GRH et du comportement organisationnel qui entend compléter l’enseignement orthodoxe de ces matières. En particulier, le management humain se fonde sur :
(1) une approche pluridisciplinaire et contextualisée de la GRH et du comportement
organisationnel ;
(2) la considération d’un objet central : le travail ;
(3) l’affirmation d’une conception particulière de l’Homme au travail.
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Management humain
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2.1 Une perspective pluridisciplinaire et contextualisée
C’est à ce titre, d’abord, que nous considérons que le comportement organisationnel
doit être étudié en lien avec les pratiques de gestion des ressources humaines, dont la
finalité est bien de produire une forme d’ordre social 9 et, donc, d’influencer les comportements des individus et des groupes. C’est à cette fin aussi que les critiques, théories et
pratiques présentées puisent tant dans la sociologie, la psychologie, l’économie que dans
le champ de la gestion. Il s’agit aussi de tenir systématiquement compte du contexte
sociétal et organisationnel dans lequel l’entreprise et sa gestion des personnes s’insèrent. Trop souvent, les dispositifs de GRH se présentent comme des « bonnes pratiques »
à copier-­coller avec un minimum d’adaptation. Cela vous amènera à identifier les multiples acteurs de la GRH et leurs rôles.
2.2 Un objet central : le travail
Le management humain considère que l’objet principal de la GRH est… le travail. De
manière assez incompréhensible, le travail est souvent absent des manuels de gestion
(des ressources humaines) qui préfèrent présenter et détailler des processus désincarnés autour desquels l’on peut, au mieux, imaginer des individus suivant le flux défini,
passant d’une étape du processus à l’autre. Quand il ne s’agit pas tout simplement de
rester au niveau de la « politique » de gestion et des étapes en lesquelles elle se trouve
déclinée : pensez aux étapes du processus de recrutement et de sélection ou aux étapes
de définition d’une gestion stratégique des ressources humaines traditionnellement présentées : où est le travail réel, le travailleur et son expertise professionnelle ? Dans le
champ du comportement organisationnel, c’est parfois l’individu et ses affects qui sont
omniprésents, indépendamment de son expertise, de son métier, de son travail et de
considérations organisationnelles. Or, avec le travail en point de mire, l’on considère à la
fois l’organisation (son contexte, ses structures sociale et physique, sa culture, sa technologie, les relations de pouvoir qui s’y expriment) et le travailleur ; on établit ce lien
entre l’activité et la personne humaine, en opposition à une personne ressource, objet
de ce management désincarné.
2.3 Une conception particulière de l’Homme au travail
Le management humain désigne un ensemble de théories, de discours et d’activités qui
s’inscrivent dans – et véhiculent – une conception particulière de l’Homme au travail.
Bien que cette visée normative et substantielle ne soit pas explicitée dans la plupart des
manuels de GRH, ces derniers n’en véhiculent pas moins une vision particulière du travailleur. Nous le démontrerons plus loin dans ces pages et affirmerons, d’entrée de jeu,
une conception particulière que l’on peut qualifier ici d’humaniste critique, en osant les
raccourcis d’usage dans une introduction.
Ce faisant, ce management humain vous initie à une perspective critique de la GRH
et du comportement organisationnel, à plusieurs égards. D’abord, parce qu’il s’agit de
dénaturaliser la finalité dominante de la gestion des personnes dans l’entreprise. Nous
9
Voir, à ce sujet, Léonard (2015).
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ne nous contenterons pas de considérer que la GRH a pour seule ambition de contribuer
à la performance économique de court terme de l’entreprise. Ni au seul bien-­être individuel du travailleur, d’ailleurs. Cette dénaturalisation s’opère par un levier principal : une
considération pluridisciplinaire de la gestion des personnes en milieu organisationnel.
Rassurez-­vous donc : il ne s’agit pas de vous initier ici à une perspective alternative et marginalisée de la GRH qui rendrait vos compétences dans le domaine au mieux exotiques,
au pire disqualifiantes. Au contraire, il s’agit, avec vous, d’opérer un travail systématique
de présentation des approches traditionnelles et dominantes, de vous amener à vous les
approprier pour vous en montrer les limites (d’ordres méthodologique, épistémologique,
théorique, pratique) et de proposer ensuite des alternatives soutenant une approche
renouvelée de la GRH et du comportement organisationnel. Pour ce faire, nous adoptons une approche sélective 10 plutôt qu’exhaustive dans le choix des théories, pratiques
et modèles présentés.
3. Présentation des chapitres
Les deux premiers chapitres fondent une approche renouvelée de la GRH et du comportement organisationnel.
Le chapitre 1 présente les raisons qui nous amènent à affirmer, d’entrée de jeu,
une conception particulière de l’Homme au travail et du manager, décline cette
vision et permet de soutenir concrètement un management bienveillant.
Le chapitre 2 présente, de manière détaillée, le contexte et les acteurs de la GRH et
du comportement organisationnel, dans une perspective historique, permettant
de comprendre l’évolution des théories et des pratiques de GRH et de comportement organisationnel à partir des transformations du travail.
Le contexte et la finalité étant ainsi posés, les chapitres suivants s’attèlent à présenter des
éléments de management humain en présentant systématiquement (i) les théories et
perspectives traditionnellement mobilisées pour considérer ces éléments ; (ii) les critiques
qui leur sont adressées ; et (iii) les théories et perspectives soutenant une vision renouvelée de la GRH et du comportement organisationnel, celle d’un management humain.
Le chapitre 3 revient sur un concept majeur du comportement organisationnel,
la motivation, qui a donné lieu à nombre de théories en sciences sociales et
d’usages en GRH. Partant des critiques qui leur sont adressées, il avance l’idée
suivante : plus que la question de la motivation au travail, c’est la question du
sens au travail qu’il est nécessaire d’étudier afin de prendre en compte ((re)considérer) le travail réel, vivant et l’expertise professionnelle et d’en faire les principaux
leviers d’action du management humain.
Le chapitre 4 poursuit cette réflexion et questionne le rôle de la GRH en tant que
fonction de gestion. À partir des modèles traditionnels de gestion stratégique des
10
Notre sélection est guidée par le bon sens : en GRH, les pratiques du recrutement, de rémunération,
de la mobilité et de l’évaluation de la performance nous sont apparues incontournables, de même que la
motivation ou la culture et l’engagement en comportement organisationnel, tout comme une nécessaire
contextualisation de ces modèles et pratiques. D’autres pratiques sont présentées de manière plus concise.
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ressources humaines présentant la création de valeur comme le rôle essentiel de
la GRH, le rôle du management humain est présenté comme étant de favoriser
l’expression de la reconnaissance au travail. La reconnaissance est le moteur de ce
que l’on nomme l’implication, l’engagement ou la motivation dans la littérature
dominante ou dans le langage managérial usuel. Trois pratiques de management
humain sont ensuite étudiées : la rémunération, l’évaluation des performances, la
gestion des carrières et de la mobilité.
Le chapitre 5 se concentre sur le lien entre l’individu et l’entreprise. Il revient sur
un autre concept majeur du comportement organisationnel : la culture d’entreprise. Après avoir resitué son émergence et ses usages, il aborde la culture comme
une affaire de production sociale d’une norme collective. Et de considérer l’organisation et ses acteurs comme incarnant et évoluant au sein d’une certaine
logique organisationnelle que les acteurs contribuent à faire évoluer. La question
de l’intégration des travailleurs inhérente à la mobilisation du concept de culture
nous conduit à revenir sur les conventions au cœur du processus de recrutement,
pratique de GRH illustrant cette proposition.
La conclusion offre une synthèse de cette approche renouvelée de la GRH et du comportement organisationnel. Elle pose, en outre, de nouveaux jalons qui, nous l’espérons,
seront utiles à votre propre pratique du management humain.
Introduction
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Chapitre 1
Quelle conception
de l’Homme au travail
pour quel management humain ?
La gestion des ressources humaines, comme le comportement organisationnel,
sont des disciplines essentiellement mobilisées dans une logique instrumentale,
pour répondre à un besoin exprimé par le « business ». Il s’agit de mettre en place
un outil (le moyen) pour contribuer à la production ou au profit de l’entreprise (la
finalité). Cette perspective réduit l’homme au travail à un facteur de production,
à une ressource qu’il s’agit de mettre au service de la seule finalité économique.
Elle présente deux limites importantes. D’une part, elle a largement fait la preuve
de ses effets destructeurs pour la société et la vie des travailleurs. D’autre part,
elle véhicule une conception amorale du management aujourd’hui contestée.
Vous appréhenderez dans ce chapitre les termes de cette contestation et trouverez ensuite une proposition plurielle, ancrée dans une autre rationalité qui fonde
une approche renouvelée de la GRH et du comportement organisationnel. Cette
approche – anthropo­logique – véhicule une autre conception de l’Homme au travail
et, singulièrement, du manager puisque, pour soutenir un management humain,
celui-­ci se doit d’être réflexif et bienveillant.
Au terme de ce chapitre, vous serez capable :
–– d’identifier et de comprendre quelques critiques formulées à l’égard du management (santé, gouvernance) ;
–– d’identifier les différentes rationalités et conceptions de l’Homme au travail mobilisées en management ;
–– de comprendre le lien qu’il y a entre ces conceptions et les contenus pratiques et
théoriques des sciences de gestion, en particulier de la GRH et du comportement
organisationnel ;
–– d’identifier une vision alternative : le management humain.
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Introduction
La gestion de l’entreprise a rarement fait l’objet d’autant de critiques que de nos jours. Les
témoignages et les recherches dénonçant la violence des rapports de travail, la perte de
sens du travail ou la précarité de l’emploi se multiplient. Dénoncer les maux organisationnels et sociétaux est une chose. Les expliquer en est une autre. Sont-­ils les conséquences
inéluctables d’une logique de marché qui fait d’une concurrence acharnée et mondialisée
l’origine de toute chose ? Les critiques dont il est question ici incriminent précisément
l’emprise croissante d’un managérialisme développé dans le secteur privé qui s’étend
aujourd’hui au secteur public.
Focus – Managérialisme
Le terme managérialisme désigne une idéologie de la performance soutenue par une machinerie gestionnaire dont les techniques, outils et dispositifs contraignent de manière croissante
les activités et l’individu au travail. Ce management, qui fractionne les activités en processus,
maximise le rendement via une batterie d’indicateurs comptables, et l’imposition de contraintes
productives dictées par ailleurs ne contribue qu’à une seule forme de performance : la performance financière. C’est celui qui est enseigné de manière dominante dans les écoles de gestion
et les MBA, par un nombre croissant de praticiens de la gestion plutôt que par des professeurs
d’université. Son enseignement alimente la reproduction et la perpétuation de ces pratiques
et des présupposés qui les sous-­tendent.
Au cœur de ces dénonciations se trouve aussi le rejet d’un langage managérial « froid »,
car trop économique et désincarné, qui appelle une alternative plus « chaude », réhabilitant affects et sentiments, dans une société où les plus jeunes générations survalorisent
justement les valeurs post-­matérialistes ou symboliques associées au travail : le sens du
travail, bien évidemment, mais surtout la reconnaissance 11. Cette alternative est au cœur
de cet ouvrage.
Cette approche renouvelée s’appuie, d’abord, sur une conception de l’Homme au travail
qui ne le réduit pas à un homo œconomicus, c’est-­à-­dire à un être rationnel calculateur
cherchant à maximiser son bien-­être individuel, ni à une pure ressource, fût-­elle humaine,
qu’il faut ajuster aux exigences productives et financières de l’entreprise pour obtenir
une performance maximale. Cet ouvrage s’attache au contraire à la personne humaine,
c’est-­à-­dire à l’être profondément social qui cherche à promouvoir les solidarités dans le
travail, la réalisation de soi, l’expression de ses capacités et de ses choix, en toute autonomie, à des fins d’expression créative, voire de gratuité. Cette dénomination de « personne
humaine » insiste sur la dimension humaniste que nous vous invitons à partager, à l’encontre d’une vision restreinte de l’homme comme facteur de production, mobilisée de
manière implicite dans la plupart des manuels de management et trop rarement questionnée. Une telle vision intègre des dimensions et des finalités multiples saisies depuis
longtemps par des philosophes du travail 12.
11
Voir, à ce sujet, Dietrich et Pigeyre (2014), Honneth (2000), Méda et Vendramin (2013) ou Veltz (2011).
Des finalités multiples que des philosophes du travail ont saisies depuis longtemps, à l’image de l’homo
faber de Hannah Arendt (1958), qui renvoie aux activités de création, à la durabilité du monde, en opposition
12
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Cette approche renouvelée s’appuie, ensuite, sur une conception de la gestion comme
science morale, à l’instar de ce que dit Amartya Sen (2000) de l’économie. Qu’entendons-­
nous par là ? Que la gestion n’est aucunement cette technique neutre, amorale et
apolitique que l’enseignement traditionnel du management tend à nous présenter. Elle
ne serait ainsi qu’une boîte à outils, en aucun cas un projet politique. Les techniques
de gestion pourraient ainsi servir des desseins politiques différents, les mêmes outils
de GRH pourraient être utilisés dans une multinationale du secteur biopharmaceutique
comme dans une entreprise à finalité sociale. Pourtant, les recherches menées depuis
plus de trente ans montrent qu’il n’en est rien parce que ces techniques et ces outils
prennent place dans des environnements organisationnels spécifiques, parce que des
acteurs organisationnels qui ne poursuivent pas la même finalité se les approprient, les
redéfinissent et parce que toutes les organisations ne partagent pas la même vision de
l’Homme au travail 13.
Ce chapitre présente les fondements de l’approche renouvelée de la GRH et du comportement organisationnel que vous découvrirez dans ce manuel. Il s’agit, ici, de vous
présenter la proposition engagée qui soutient cette approche et qui emprunte, pour s’exprimer, une démarche critique en gestion, selon trois temps distincts, ceux de :
–– la dénonciation, en vous sensibilisant aux critiques portées sur le monde du travail, de
l’entreprise et de son management ;
–– de la dénaturalisation, en vous montrant en quoi ces critiques interrogent la visée normative des manuels de gestion, leur prétendue neutralité et les limites de leur conception de
l’Homme au travail ;
–– de la proposition d’une vision particulière de l’Homme au travail, celle d’un être réflexif, et
une conception du management fondé sur la bienveillance.
1. Dénoncer les dérives de l’organisation
du travail pour fonder une approche
renouvelée
Deux « objets » majeurs font l’objet d’analyses critiques pointues et partagées par un
certain nombre de chercheurs et d’observateurs conscients des dérives de ce managérialisme : les modes de gouvernance, c’est-­à-­dire les principes de gouvernement, les
structures et les procédures adoptés par des entreprises internationales, voire trans­
nationales, qui ont œuvré à la globalisation et à la financiarisation de l’économie, et le
à son animal laborans, renvoyant à l’activité de travail pour subvenir, à l’éphémère de la vie consommable.
La considération croissante du don comme justification de l’action dans l’entreprise contribue également
à cette ouverture des finalités de la gestion et du travail : sans ces actes gratuits que nous posons les uns
envers les autres (le coup de main ici, le tuyau là-­bas), les entreprises ne fonctionneraient pas (Caillé, 2007 ;
Grevin, 2012 ; Gomez et al., 2015). À un autre niveau, le courant des relations humaines et de la qualité de vie
au travail, apparus dans les années 1930 et ayant contribué à institutionnaliser le comportement organisationnel comme champ de recherche ont, eux aussi, sensibilisé la gestion aux multiples leviers de l’engagement
des personnes dans leur travail, en permettant de reconnaître un Homme au travail soucieux de son bien-­
être, mais aussi de celui de l’entreprise.
13
Voir par ex., Berger et Luckmann (1967), Edwards et Wajcman (2005), Léonard (2015).
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constat d’une souffrance renouvelée au travail. L’émergence de l’éthique comme champ
de réflexion et d’action à part entière en gestion est le témoin particulier d’une prise
de conscience par des responsables d’entreprises des effets délétères de ces stratégies,
notamment en matière d’emploi. Elle a conduit à l’affirmation d’une éthique de responsabilité, prônant des valeurs post-­matérialistes et promouvant une forme de responsabilité
sociale de l’entreprise. Mais certaines de ces pratiques socialement responsables (telles que
la valorisation de la collaboration, du bien-­être, ou le management participatif) ont été
récupérées, dès leur invention, par des gestionnaires dans le but d’accroître de nouveau
la productivité, de réduire les effectifs et les emplois en augmentant la polyvalence des
employés (Pauchant, 1998). Il convient donc de s’interroger sur ce que certains appellent
« la grammaire » employée et, in fine, sur la justification de l’action économique et les
principes de justice qui les sous-­tendent (Boltanski et Thévenot, 1991). Si l’analyse critique du management a un sens, il est sans doute là : « dans cette manière de refuser
que certains segments de notre modernité fonctionnent à l’abri des exigences éthiques
ayant conditionné notre développement politique, économique et culturel » (de Nanteuil,
2011, pp. 264‑265).
1.1 La gouvernance en questions
Pour point de départ, pensez à toutes ces restructurations d’entreprises largement bénéficiaires, réalisées au nom de la compétitivité pour accroître toujours plus le revenu
des actionnaires, en laissant des milliers de travailleurs sans emploi, ou encore à cette
approche « locative » de la main-­d’œuvre consistant à substituer des travailleurs indépendants à des salariés, au nom d’une « meilleure » performance économique de la
firme. De telles décisions au bénéfice de quelques-­uns, au nom d’un individualisme exacerbé et d’une justification par le marché ont des effets sociaux et sociétaux coûteux
qualifiés d’externalités négatives. L’analyse économique de ces externalités a suscité de
nombreuses prises de conscience au sein des directions générales de grands groupes
industriels tant elles ont généré des formes de régressions sociales et environnementales indiscutables 14. C’est donc bien le gouvernement de l’entreprise qui est remis en
question : ces justifications par le marché apparaissent aujourd’hui trop limitées et les
décideurs, à tout niveau de l’organisation et de la société, sont invités à justifier moralement leurs actes.
Parmi ces voix qui s’élèvent aujourd’hui pour dénoncer les limites d’un capitalisme et d’un
management financiarisés, notamment au regard de leur amoralité apparente, notons
la présence de prix Nobel, tels que Friedrich Hayek, Amartya Sen, Joseph Stiglitz ou
Muhammad Yunus, ainsi que celle d’acteurs universitaires majeurs du management, tels
qu’Henri Mintzberg, Sumantra Ghoshal ou Jeffrey Pfeffer qui, par leur connaissance des
modes de pensée dominants, pour avoir contribué à les façonner, apportent du poids à
ces constats. Les citoyens, de leur côté, aspirent à la justice et nourrissent des attentes
fortes en matière de respect et d’égalité ; aspirations qui se manifestent régulièrement et
ont permis de façonner les démocraties qui sont les nôtres. Alors, pourquoi la démocratie
resterait-­elle en dehors de l’entreprise, pour reprendre l’expression de Sainsaulieu, Tixier
et Marty (1983) ? Pourquoi serait-­elle pétrie d’inégalités et d’arbitraire, comme s’interroge
14
30
Voir, par exemple, Delors et al. (1995) ou Didry (2008).
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Ferreras (2007, 2012) ? Mais la critique du management n’est pas réservée aux seuls chercheurs en gestion. La société et, plus spécifiquement encore, les professionnels de la
gestion s’en saisissent également, désireux de nourrir leurs actions et réflexions d’autres
cadres de référence et, au moins, d’éveiller leur conscience aux cadres normatifs qui ont
guidé, jusqu’ici, leur mode de gouvernance 15.
Ces formes de dénonciations se cristallisent aujourd’hui dans un mouvement plus large,
celui des perspectives critiques en management (Critical Management Studies).
Focus – Perspectives critiques en management16
Ce courant s’est bâti, dès le début des années 1990, sur la conviction qu’il fallait changer de
façon substantielle certains aspects des théories et pratiques du management. Son noyau
idéologique fondateur fut de rejeter l’idée selon laquelle le management se réduirait à une
activité technique et l’organisation à un instrument neutre pour réaliser des objectifs partagés. Mais au-­delà de ce postulat de départ, aujourd’hui relativement admis, ce courant s’est
progressivement consolidé et diversifié. De façon générale, il s’est donné pour but de rendre
compte de la pluralité des rationalités dans les organisations17. Contre la thèse de l’économie
dominante selon laquelle seuls les raisonnements individuels fondés sur la maximisation d’un
espace d’opportunités seraient susceptibles d’intérêt, les Critical Management Studies (CMS) ont
cherché à réhabiliter l’épaisseur de la décision humaine, l’importance des rapports de force au
sens large, la place de l’incertitude, du chaos mais aussi du symbolique18.
Par là même, les CMS défendent un certain « engagement » dans le champ scientifique, si l’on
entend par là à la fois le refus de s’en tenir aux canons de l’académisme ambiant, et la volonté
d’infléchir l’activité d’une communauté scientifique dans le sens d’une plus grande ouverture
au monde, d’une articulation rigoureuse entre sciences de gestion et sciences de l’homme.
Cet engagement s’exprime aussi au travers de la revendication d’une dimension normative
du projet scientifique.
L’intérêt de ce courant de recherche est d’avoir assez rapidement acquis une légitimité là où les
référentiels dominants semblaient les plus durablement ancrés : au sein des business schools.
À l’origine d’une multitude de groupes de réflexion, d’un nombre croissant de revues scientifiques internationales prétendant au qualificatif de « critiques » et, surtout, d’un groupe de
réflexion particulièrement dynamique au sein de l’incontournable Academy of Management,
ce courant n’a cessé d’irriguer des recherches et de susciter des réflexions au sein même des
sous-­disciplines qui constituent les sciences de gestion : marketing, contrôle de gestion, finance,
gestion des ressources humaines, stratégie, etc. Cet élargissement progressif s’est accompagné
assez naturellement d’une grande diversité interne, tenue pour une qualité intrinsèque face
au mouvement inverse de standardisation du champ disciplinaire.
15
Pensez, par exemple, au cercle « Philosophie & Management » initié par des managers belges au milieu
des années 2000 et à d’autres ouvrages et blogs, dont ceux de Isaac Getz (2013, avec Carney), Frédéric Laloux
(2014), le blog MOM21 (Mouvement pour l’organisation et le management du xxie siècle).
16
Voir, par exemple, pour en savoir plus, Golsorkhi et al. (2009), Nizet et Pichault (2015), Palpacuer et al.
(2010), Taskin et de Nanteuil (2011), Taskin et Willmott (2008), Willmott (2013).
17
Un projet scientifique dont les CMS n’ont ni la paternité, ni l’exclusivité, à l’image de travaux menés en
sociologie ou en théorie des organisations (Weber, Mauss, entre autres), voire en économie (Polanyi), qui ont
entrepris ce projet.
18
D’où une posture épistémologique dont on peut dire, grosso modo, qu’elle permet de passer d’un néo-­
positivisme dominant à un constructivisme élargi, malgré de nombreuses variantes et controverses internes à
ce courant intellectuel devenu mouvement social (Taskin et de Nanteuil, 2011).
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Tentant d’expliquer cet engouement parmi la communauté des chercheurs, Fournier et Grey
(2000) attribuent la popularité des approches critiques en gestion à trois facteurs contextuels :
–– la crise du positivisme dans la recherche en gestion et le développement des alternatives
épistémologiques et méthodologiques ;
–– la crise du management occidental, en particulier nord-­américain, dans le contexte du capitalisme mondialisé. Les affaires VW, Enron, Parmalat, Société Générale ou même la crise des
subprimes et les attentats du 11 septembre 2001 ont contribué à faire prendre conscience
de la relativité et de la viabilité limitée de la position dominante, des valeurs et des formes
de connaissances occidentales (voir à ce sujet Ziegler, 2008) ;
–– la montée du managérialisme associé à l’hégémonie des valeurs et des priorités visant implicitement ou explicitement le soutien des institutions et des valeurs capitalistes (voir Raone,
2014).
Il y a donc une exhortation, aujourd’hui, appelant les sciences de gestion à se (re)concentrer sur le travail vécu et les travailleurs et pas seulement sur les gestionnaires et, au sein
des écoles de commerce et de gestion, à produire des connaissances sur le management
et pas seulement pour le management (Beaujolin et Grima, 2011).
Les livres, revues, blogs et autres émissions sur le management continuent de faire recette
et témoignent d’un intérêt populaire réel pour le sujet et, sans doute, de l’anxiété que les
managers ressentent par rapport à leur façon d’agir, de mener un projet et une équipe
ou à la manière dont ils pensent être perçus, ou encore quant aux actions qu’ils doivent
mener pour réussir. Les transformations sociétales et, en particulier, la globalisation justifient cette anxiété : dans les années 1990, alors que le management intermédiaire trinquait
face aux restructurations en tous genres – qualifiées parfois de liposuccions d’entreprises –
les managers survivants étaient contraints de travailler plus et plus vite pour s’assurer que
ceux qui travaillaient pour eux fassent de même, sans garantie de sécurité d’emploi 19.
Aujourd’hui, la globalisation continue à produire ses effets, parmi lesquels une sorte de
fatalité de la croissance. Les entreprises n’ont pas d’autre choix que de s’afficher en croissance sur les marchés qui sanctionneraient tout fléchissement de cet indicateur de bonne
santé… Dans ce contexte, les entreprises délocalisent – afin de pénétrer des marchés
en croissance – ou se réorganisent, afin de présenter une croissance bilantaire, issue de
la réduction de coûts opérationnels. La valeur pour l’actionnaire continue à guider les
décisions des entreprises, malgré les crises d’un système financier qui appellent à une
gestion plus soutenable des entreprises. Mais les attentes des travailleurs et les styles de
vie ont également évolué, justifiant, pour certains travailleurs, la demande de certaines
formes de flexibilité et d’opportunités de formation continue, entre autres choses. Parmi
eux, certains seront appelés à exercer des fonctions de management. Si un petit nombre
pourra jouir de conditions de travail enviables, la plupart travailleront durement et de
longues heures dans la crainte de la prochaine évaluation des performances, pendant
que des consultants et le top management proposeront de disséminer les fonctions de
management partout au sein de l’entreprise, dans une structure plus plane, dispersée,
voire virtuelle, qui offrira moins de perspectives de développement et soulèvera de plus
grands défis encore en termes de mobilisation des collaborateurs 20.
19
20
32
Thomas et Linstead (2002).
Fulop et Linstead (2009).
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1.2 Le travailleur en souffrances
La souffrance des travailleurs a justifié un questionnement légitime des pratiques d’organisation du travail, du management et plus largement de la société ou de l’ensemble
de ces dimensions souvent enchevêtrées 21. Pourtant, la pénibilité du travail et ses conséquences sur la santé physique et psychique font l’objet de recherches depuis la Seconde
Guerre mondiale. C’est dans le champ de ce que l’on appelle aujourd’hui l’ergonomie
que les premières réflexions sur le sujet apparaissent, avec un présupposé qu’il importe
de rappeler : le travail peut être bon pour la santé et le monde irait mieux si chacun avait
un travail qui lui convient. Paradoxalement, un tel postulat s’affirme dans un contexte de
standardisation tayloriste du travail où c’est l’individu qui doit s’adapter à son poste de
travail, avec les souffrances que l’on sait.
Focus – Aux sources de l’ergonomie
En 1955, André Ombredane et Jean-­Marie Faverge publient « Description du travail », l’ouvrage
fondateur de l’ergonomie de l’activité, un champ pluridisciplinaire qui, par son ancrage dans
l’observation des situations de travail, contribue à révéler l’intelligence ouvrière et la capacité
de l’organisation du travail d’abîmer le travailleur (voir, à ce sujet, les travaux d’Alain Wisner,
dès la fin des années 1960).
Issu de cette école, Christophe Dejours développe la psychopathologie et ensuite la psychodynamique du travail. Celle-­ci dénonce avec virulence les effets psychiques et sociaux délétères
de certaines formes d’organisation du travail et de management, notamment les pratiques
d’évaluation individuelle de la performance. Mais son apport ne s’arrête pas là. La psychodynamique du travail s’intéresse plus particulièrement au « risque organisationnel », autrement
dit aux mutations de l’organisation du travail de ces trente dernières années, aux pratiques
managériales qu’elles ont engendrées, et aux formes renouvelées de souffrance au travail
qu’elles ont causées.
Sont ici pointées du doigt les politiques et pratiques de gestion qui, visant avant tout
la performance financière de court terme pour rémunérer les actionnaires, ont provoqué une dégradation importante de l’exercice même du travail, l’affaiblissement des
liens sociaux entre collègues, la perte du sens au travail et la disparition de la dimension humaine dans un grand nombre d’emplois 22. Dans la foulée de ces constats, des
recherches en psychologie et en comportement organisationnel questionnent ce sentiment de déshumanisation, tandis que d’autres, en gestion et sociologie, soulignent la
responsabilité d’un management désincarné 23, incriminant notamment l’instrumentation
de gestion mise au service d’un management financiarisé qui « compte » les résultats
plus qu’il ne valorise les personnes.
Parallèlement à ce courant, une autre approche centrée sur la notion de stress professionnel a vu le jour sous l’impulsion de Hans Selye (1956). De nombreux modèles,
principalement d’origine anglo-­saxonne, ont été élaborés en vue de mettre au jour les
21
Voir, respectivement, Dejours (1998), Périlleux (2001), Gollac et Volkoff (2007) ; Serieyx (2001, 2003),
Alvesson et Willmott (2012) ; Attali (2013), Cohen (2012, 2015) ; Etzioni (1988) ou Gomez (2013).
22
Méda et Vendramin (2013), Honneth (2000).
23
Bolton et Houlihan (2007), Dujarier (2015).
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facteurs de risque associés au stress professionnel, leur incidence sur la santé et le bien-­
être, et les mécanismes causaux qui les relient, incluant les agents aggravant ou réduisant
l’impact des premiers sur les seconds. Ils ont notamment permis de montrer que, bien
davantage parfois que les exigences intrinsèques d’une activité professionnelle (efforts à
fournir, pression temporelle, pénibilité physique…), l’autonomie du travailleur, le soutien
social dont il bénéficie et la reconnaissance qu’il reçoit sont des déterminants majeurs
du bien-­être et de la santé mentale. Les prolongements pratiques de ces travaux ont
consisté principalement en la confection d’outils de mesure, de prévention et d’intervention en vue de circonscrire les risques physiques et psychosociaux au travail et d’assurer
une meilleure qualité de vie des travailleurs.
2. L’imposture d’un management amoral
Contrairement à ce que la plupart des manuels de gestion laissent paraître, le management ne désigne pas qu’un ensemble de pratiques et d’outils de gestion. Il s’agit
aussi d’un ensemble de discours associés à ces pratiques, de valeurs sous-­jacentes
aux choix de politiques de gestion et de théories 24. Mais qu’est-­ce qu’une politique
de gestion, sinon le choix de quelques-­uns, à un moment donné, guidé par des
finalités particulières en référence à ce qui est considéré comme « juste » dans un
contexte donné ?
Les pratiques managériales s’inscrivent dans des croyances morales qu’elles fortifient.
Ghoshal et Moran (1996) ont ainsi montré à quel point la théorie des coûts de transactions, en insistant sur le rôle de l’opportunisme, l’encourage si bien que celui-­ci
finit par être considéré comme normal, devient normatif et se généralise. Au-­delà du
constat du caractère limité de la rationalité tel qu’établi par Simon (1972), il s’agit aussi
de condamner une forme de « stupidité fonctionnaliste » (les termes sont d’Alvesson et
Spicer, 2012). Celle-­ci garantit, certes, un ordre organisationnel stable en entretenant
des certitudes fondées sur une considération exclusivement instrumentale et fonctionnaliste du management : tout dispositif de gestion doit contribuer à la performance
économique de la firme en mobilisant les capacités cognitives des membres de l’organisation. Mais elle se caractérise par « un manque de réflexivité, de raisonnement sur
le sens et la justification. » (Alvesson et Spicer, 2012, p. 5).
Focus – Illustration
À l’image des normes sociales qui sont au cœur de la tentative de définition de ce qu’est une
vie bonne chez Judith Butler (2014), considérez que votre jugement de ce qu’est une bonne
politique de gestion nécessite un accord préalable sur ce que l’on considère comme étant
« bon ». Ainsi, dans le cadre de la gestion de l’entreprise, considérons que ces croyances morales
participent à une conception de l’Homme au travail, ou encore à une philosophie managériale que nous envisageons comme « la promotion d’un ensemble d’idées qui, fondée sur des
hypothèses portant sur la nature humaine et le monde qui nous entoure, décrit et justifie un
ordre social » (Boncori et Mahieux, 2012, p. 3, dans Ajzen et al., 2015).
24
34
Voir p. ex. Barley et Kunda, 1992 ; Hatchuel et Weil, 1992 ; Brabet, 1993 ; Dietrich et al., 2015.
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Cette philosophie managériale combine à la fois un substrat technique, une représentation simplifiée des acteurs et de l’organisation, et une philosophie gestionnaire. Au-­delà de son aspect
purement technique, un outil de gestion repose donc implicitement sur un projet managérial
normatif (Acquier, 2007 ; Chiapello et Gilbert, 2013). On ne peut donc comprendre le dispositif de gestion indépendamment de la conception de l’Homme au travail et du modèle de
gouvernement de l’entreprise ou de la « conception du vrai et du bien » dans lesquels celui-­ci
s’inscrit et auxquels il participe (Pauchant, 2000, p. 296).
Puisqu’il est admis maintenant que le management n’est pas exempt d’une dimension
normative, essayons à présent d’identifier cette conception de l’Homme au travail sous-­
jacente aux pratiques et théories classiques de la gestion des ressources humaines et
du comportement organisationnel. Pour cela, il faut, d’abord, considérer la notion de
rationalité et constater la pluralité des formes de rationalité. Le cadre normatif de l’action, c’est-­à-­dire ce qui permet de donner sens à l’action, peut être considéré comme un
système de rationalité. Les philosophes des sciences, comme les sociologues, ont tenté
d’ordonner les différentes rationalités à l’œuvre dans notre compréhension du monde.
Karl Polanyi et Max Weber ont contribué à ce débat en distinguant deux types de rationalité (de Nanteuil, 2015) : une rationalité formelle et une rationalité substantielle.
Focus – La rationalité formelle
La rationalité formelle met l’accent sur la conformité des choix à une procédure de calcul ou
de droit, ainsi que sur la cohérence formelle de cette procédure : ce qui est jugé « bon » ou
« juste », est ce qui respecte la marche à suivre définie par les procédures. À titre d’exemple,
telle décision de fusion d’entreprises est bonne, car elle permet d’accroître les complémentarités
entre les groupes ; telle décision de licenciement est juste, car ce travailleur n’a pas respecté le
règlement d’ordre intérieur ou une clause de son contrat de travail.
Cette rationalité formelle est dite univoque, car elle ne peut donner lieu qu’à un seul type d’interprétation possible : les règles ont été respectées ou pas ; cela génère de la valeur économique
ou non. Elle peut être associée aux rationalités instrumentales, calculatoires ou fonctionnalistes
qui désignent toutes la correspondance (mesurable, objectivable) des choses avec une finalité
unique. L’économie classique, comme la gestion traditionnelle, s’inscrivent massivement dans cette
rationalité formelle ou instrumentale : les techniques de gestion sont des instruments devant
amener à un profit maximum, et l’évaluation des outils de gestion permet de s’en rendre compte.
Or, le travail réel est vivant, c’est-­à-­dire qu’il s’insère dans des relations humaines. Ainsi,
Weber (1971) identifie une forme de rationalité substantielle ou interactionnelle.
Focus – La rationalité substantielle
Elle renvoie à la façon dont les êtres humains entrent en relation les uns avec les autres. Elle permet
ainsi une interrogation sur le sens de l’action. Cette rationalité est équivoque, car elle ouvre sur
une infinité d’interprétations possibles. Elle porte sur les dimensions de l’action humaine dont il
n’est pas possible de fixer le contenu une fois pour toutes. À titre d’exemple, dans ce cas précis,
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même s’il ne s’agissait pas d’une faute grave, il eut mieux valu licencier le travailleur, car il est
évident qu’il n’était pas honnête envers ses collègues et le management ; mais dans un autre cas,
malgré une faute grave constatée, on pourrait transiger au regard de circonstances particulières.
Il appartient donc aux communautés d’acteurs de définir, si elles le souhaitent, leurs conventions
ou les croyances normatives à partir desquelles le sens de l’action pourra être questionné. Par
définition, ces conventions sont multiples.
Pour révéler la moralité des modèles et pratiques de GRH et de comportement organisationnel, c’est-­à-­dire ici la conception de l’Homme au travail qui est présupposée, il faut,
ensuite, caractériser une conception de l’Homme au travail qui réponde aux critiques qui
ont été énoncées précédemment et qui permette de valoriser le travail comme espace
identitaire majeur, comme ce que Mauss appelait un « fait social total », tant le travail est
la vie. En (re)considérant le travail au cœur de nos existences, comme source majeure de
production de notre identité, parce qu’espace d’expression, de création et de solidarité
(autant sinon davantage que de discipline, d’abnégation et d’individualisme), car acteur
et témoin de nos sociétés (et de nos aspirations démocratiques de justice), nous nous
donnons la capacité de penser le travail vivant comme lieu d’émancipation, mais nous
invitons aussi à un positionnement normatif, c’est-­à-­dire à l’affirmation de ce que devrait
être l’Homme au travail afin de rendre cette considération possible et soutenable 25.
D’une certaine façon, une fois ce constat posé, il faut œuvrer à l’émergence d’une nouvelle « grammaire », autrement dit de nouvelles conventions ou rationalités qui dépassent
les dualismes analytiques (rationalité instrumentale vs rationalité axiologique, agir stratégique vs agir communicationnel, etc.), mais qui travaille plutôt à leur enchevêtrement
(de Nanteuil, 2009, 2014). C’est l’ambition de notre proposition.
Cherchant à comprendre la conception anthropologique que pourrait avoir un sujet
humain qui juge la performance de ses semblables, Taskin et Ndayambaje (2016) ont
analysé neuf des manuels de GRH les plus lus dans les écoles de commerce anglophones
et francophones 26. Dans leur analyse comparée des chapitres portant sur l’évaluation de
la performance des travailleurs, ils notent que la méthode d’appréciation la plus utilisée
est de l’ordre déclaratif. Qu’il soit manager, superviseur, collègue ou client, l’appréciateur
de la performance est présenté dans ces manuels comme le juge principal des résultats
du travail et/ou du comportement du travailleur, alors que celui-­ci n’intervient qu’accessoirement, pour réagir à l’appréciation déjà accomplie. Celle-­ci est faite par le biais de
différentes techniques telles que l’échelle de notation (technique la plus utilisée), l’essai ou
l’échelle de standards mixtes, etc. Alors que sept des neuf ouvrages analysés présentent
25
À la différence d’une critique ontologique, opposant une conception de la spécificité de l’être humain à
une autre (essentialiste vs existentialiste, p. ex.), notre démarche s’apparente à une anthropologie normative.
Nous proposons une conception de l’être humain (ici, du manager en particulier) tel qu’il devrait être pour
qu’un management humain puisse pratiquement exister dans l’entreprise. Cette entreprise critique n’est pas
pour autant personnelle : elle participe d’une herméneutique puisqu’elle puise dans l’image que nous donnent
les sciences humaines et l’entreprise de l’Homme au travail et construit cette proposition d’un management
humain par un travail réflexif nous invitant à nous comprendre mieux, et différemment au regard de la finalité normative défendue.
26
Cette sélection de manuels est composée de Armstrong et Taylor (2014), Cadin et al. (2012), Dessler
(2014), Gomez-­Mejia et al. (2011), Mathis et al. (2013), Noe et Hollenbeck (2012), Peretti (2015), Snell et al. (2016),
Thévenet et al. (2015).
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l’auto-­appréciation comme une modalité possible de l’évaluation de la performance,
elle n’est conçue que comme un travail préparatoire à l’entretien avec le manager à qui
appartient la responsabilité première d’apprécier la performance du travailleur, à l’aune
de buts administratifs (promotion, augmentation de salaire, licenciement, etc.).
Un deuxième point commun est identifié : l’influence dissymétrique du management sur
le travailleur. Il est indiqué explicitement ou implicitement dans chaque ouvrage que
le but de l’appréciation de la performance est d’influencer le comportement du travailleur selon les objectifs de l’organisation. L’évaluation de la performance consiste en un
jugement du travail d’un sujet humain par un autre. Or, ces deux sujets ne sont pas sur
le même pied. Selon les manuels examinés, il n’y a qu’une seule partie qui est censée
influencer l’autre. Tout est présenté comme si le salarié était censé être dans la posture
de soumission ou, comme dirait Michel Foucault, d’assujettissement. Or, l’Homme au
travail est réflexif, il pense. Pourquoi ne pourrait-­il pas avoir une influence positive sur
le management de l’organisation ?
L’identification de ces deux caractéristiques communes à l’évaluation de la performance
– l’appréciation unilatéralement déclarative et l’influence dissymétrique – permet d’inférer que la pratique de l’appréciation de la performance, telle qu’elle est présentée dans
les textes examinés, implique une conception instrumentale de l’Homme au travail. La
relation entre l’appréciateur et l’apprécié est une relation sujet/objet et non une relation
intersubjective. Dans le processus d’évaluation, le travailleur n’est pas considéré comme un
alter ego, comme un sujet doué de conscience et d’intentionnalité, de la même manière
que celui qui se trouve dans la position de juger sa performance. Il ne semble donc pas
exagéré de prétendre que les manuels étudiés véhiculent une conception déshumanisante et instrumentalisante de l’Homme au travail.
2.1 Pour une conception humaniste du management
Cela ne vous a pas échappé : le management n’est pas amoral. Les discours, les pratiques
et les théories de gestion des ressources humaines véhiculent et traduisent un projet qui
peut être qualifié de politique vu que la finalité de la GRH est d’influencer les comportements des hommes et des femmes dans le sens souhaité (Jackson et al., 1989). Imprimer
un sens, une direction, c’est piloter, donc faire de la politique au sens étymologique du
terme, à savoir organiser des groupes sociaux. C’est aussi faire un choix quant à ce que
l’on considère comme étant acceptable, juste ou bon.
Alors, en cohérence avec la perspective critique que nous adoptons, nous tenons à affirmer une conception de l’Homme au travail particulière, que les théories et pratiques de
management humain présentées dans ce manuel contribueront à soutenir. Nous pourrions la résumer en la qualifiant d’humaniste. Deux mécanismes sont à l’œuvre dans
cette démarche.
– Nous nous appuyons sur la réflexivité (cf. infra) comme un moyen de considérer l’humain
dans sa capacité délibérative et de (ré)habiliter le politique en gestion. Nous désignons
par réflexivité la capacité de l’être humain à apprendre de ses erreurs, à évaluer son comportement et les conséquences de ses actes, à se montrer responsable de ses actes et
responsabilités. Il s’agit, par là, de rompre avec une vision instrumentale et vous le verrez,
avec bon nombre de pratiques de gestion mais aussi de théories du comportement et
de modèles de management qui s’enracinent dans cette perspective.
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– Il s’agit ensuite d’afficher, au regard de la capacité de réflexivité propre à l’être humain,
une conception humaniste, à la fois critique et pragmatique, de l’Homme au travail qui
puisse fonder un management humain.
2.1.1 D
­ e l’être social au don, l’expression d’une forme
de bienveillance ?
Vous êtes-­vous déjà demandé ce qui faisait la spécificité de l’être humain ? Ce qui caractérise notre humanité ? Anthropologues, philosophes, économistes, sociologues et
psychologues contribuent régulièrement à ce questionnement.
Ainsi, l’être humain est profondément social. Notre humanité tiendrait de notre élan à
nous inscrire dans des relations sociales (Bruni, 2014), de notre disposition à donner gratuitement (Gomez et al., 2015 ; Caillé et Grésy, 2014). Pensez aux coups de main que vous
donnez à vos collègues, aux tuyaux que vous vous échangez, peu importe que vous attendiez que l’on vous rende la pareille ou non. Jérémy Rifkin (2011) présente une synthèse
de travaux d’horizons disciplinaires différents démontrant tous le caractère profondément empathique de la personne humaine : nous partageons les heurs et malheurs de
nos semblables, nous cherchons à vivre harmonieusement en communauté (aussi de
travail). Selon Axel Honneth (2000, 2004), qui s’intéresse plus spécifiquement au monde
du travail, notre humanité tiendrait de notre capacité à offrir et à attendre de la reconnaissance. Ces conceptions largement partagées ne sont pas sans effet sur la conduite
de l’entreprise, sur la gestion des personnes. Or, bien peu de manuels de GRH ou de
comportement organisationnel s’en font l’écho ou ne s’en inspirent explicitement. Il y a
plutôt un consensus pour se dire qu’il faut contraindre l’Homme au travail, le soumettre
à des outils de gestion qui organiseront son travail et ses comportements, évalueront
ses performances, etc.
Pour résumer, estimons ensemble que la conception de l’Homme au travail qui doit
être à la base d’un management humain est celle qui conçoit le travailleur, et singulièrement le manager, comme bienveillant. Une bienveillance par rapport aux autres, à
l’environnement, aux institutions humaines comme l’entreprise. La notion de bienveillance a ceci d’intéressant qu’elle suppose une prise de position intérieure, un jugement.
Il s’agit donc de poser la bienveillance comme affirmation morale, posture civique et
résistance modeste à un management désincarné et déshumanisant.
2.1.2 De la réflexivité
Admettons que nous soyons des êtres sociaux, voire empathiques. Les humains doivent
cependant adhérer et contribuer à construire une morale, une éthique qui permette
aux membres d’une communauté d’être reconnus comme tels et de vivre ensemble. Ces
conventions, autoproduites par les choix des individus, sont collectives et affirment, in
fine, un jugement moral sur ce qui est bon et juste. Ces normes sociales, que nous proposons avec Gomez de nommer conventions, ont pour raison d’être d’éviter l’incertitude sur
ce qu’il est normal d’attendre des autres. C’est lorsque les comportements observés sont
systématiquement en décalage avec ce qu’il est normal d’attendre qu’un conflit entre les
croyances et les faits survient et génère de graves souffrances sociales : perte de sens,
de repères, découragement, désespoir, sentiment de tromperie, etc. Pour autant, cette
perspective conventionnaliste critique postule que nous sommes capables de ressentir ce
décalage et donc, de porter un jugement sur les conventions observées. C’est précisément
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en assumant les conventions qu’on n’en est pas dupe, car nous sommes aussi responsables d’y souscrire ou non (Taskin et Gomez, 2015). Cette révélation est le salut envisagé
par Alvesson et Spicer (2012) pour s’affranchir de la « stupidité fonctionnaliste » par l’affirmation de notre capacité réflexive. Nous supposons donc que l’Homme au travail est
réflexif : il cherche à porter un jugement, de manière autonome et libre, non seulement
sur les pratiques et méthodes auxquelles il est soumis, mais aussi sur les cadres de l’action, les normes qui rendent ces pratiques cohérentes, légitimes, voire « justes » dans
un contexte précis 27.
Focus – Réflexivité
La notion de pratique réflexive a été popularisée par Senge (1990), à la suite des travaux de
Donald Schön (1983) dans les travaux sur l’apprentissage organisationnel.
Il s’agit d’un apprentissage qui amène à identifier et produire de nouvelles connaissances à
partir des connaissances existantes et à les transmettre aux autres. Les questions posées ici
sont, par exemple, « que s’est-­il réellement passé, pourquoi, et que puis-­je faire par rapport
à cela ? ». Cette capacité réflexive invite à prendre en considération la construction sociale
de la réalité (Berger et Luckmann, 1967). Selon ces auteurs de référence, qui ont influencé la
manière de penser et d’analyser les sciences sociales à la fin du xxe siècle, la réalité à laquelle
nous adhérons est d’abord le produit de constructions sociales partagées, véhiculées par la
culture et le langage et intériorisées par chaque individu au cours de sa socialisation. Dans
cette perspective, l’ensemble de nos représentations, explications, descriptions du monde et
de nous-­mêmes est issu de nos interactions sociales, révélant aussi l’importance cruciale du
langage comme véhicule et contenant de cet ensemble.
La réflexivité est considérée ici comme le processus individuel permettant la mise en doute
de ces constructions sociales, de ce qui paraît simple et évident, de ce qui semble aller de soi
(Gergen, 2001). Ce processus réflexif, qui permet de générer des alternatives par rapport aux
constructions dominantes, est pour les chercheurs critiques en management une condition
essentielle de l’émancipation de soi et de la transformation de la société (Fournier et Grey,
2000 ; Huault, Perret et Spicer, 2014).
Ce développement nous invite à considérer comme fondamentaux les points suivants :
• la réflexivité au travail est ancrée dans l’activité professionnelle, porte sur ses enjeux, les
problèmes qu’elle pose et les finalités qu’elle poursuit, elle est incarnée ;
• il s’agit d’une réflexion dans l’action, mais surtout sur l’action, dans laquelle l’individu qui agit
est sujet et objet de sa propre réflexion ;
• elle se distingue aussi de la seule réflexion portant sur la dimension technique de l’activité
pour se porter également sur ses dimensions normatives (éthique, morale, convention).
Traditionnellement, le management a été pensé et enseigné comme quelque chose de
réalisable à partir d’une bonne restitution et application de connaissances et de savoir-­
faire. On présente d’ailleurs souvent le management comme une activité basée sur la
pratique et comme un ensemble d’outils. A contrario, la pratique réflexive invite tous les
managers à développer leur propre capacité de critiquer et d’innover. Cette réflexivité
critique permet de prendre conscience de la manière dont certaines façons d’organiser le
27
Vous comprendrez tout de suite que des théories se prétendant universelles, considérant chaque individu comme étant animé des mêmes attentes ou besoins et réagissant de la même manière en réponse aux
mêmes stimuli seront ici battues en brèche.
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travail, de réfléchir et de se représenter le monde contraignent l’autonomie, la créativité
et la prise de décision (Alvesson et Deetz, 2000). S’engager dans l’autoréflexivité amène
à repenser et retravailler ses propres valeurs, identité et visions du monde, comme nous
y invitait Jean-­Paul Sartre, en prenant conscience de la multiplicité des cadres normatifs de l’action. Dans la démarche que nous vous proposons, cette prise de conscience
amène à dénaturaliser les évidences auxquelles les théories et pratiques traditionnelles
en gestion nous confrontent.
2.1.3 Du management humain
Considérer l’Homme au travail comme un être réflexif consiste à rendre possible et à
encourager sa participation active, individuelle et collective à la conception, planification,
évaluation et transformation de son activité professionnelle. Plus encore, il s’agit de considérer que tout travailleur prend part à la définition du cadre normatif de son activité de
travail : ce qui est « bon » ou « juste ». Le management bienveillant veille donc d’abord à
ce « bien » qui se veut commun. Être bienveillant, c’est réclamer un bien qui n’est pas que
pour soi et qui peut advenir parce qu’on le croit nécessaire. Si la réflexivité s’applique à tous,
celle qui conduit à un management bienveillant s’applique d’abord au manager. Choisir
de considérer les autres comme dignes de confiance en veillant au bien commun (l’entreprise, la société) est d’abord un devoir de manager. Comprenez-­nous bien : il ne s’agit pas
d’affirmer que tous les êtres humains sont bons, par excès de naïveté ou d’idéalisme, ni
d’ailleurs d’imposer une vision de l’Homme. Il s’agit plus modestement d’inviter le gestionnaire que vous serez ou que vous êtes à adopter une croyance normative particulière, qui
sera le fruit d’une réflexivité ordinaire dont nous avons donné les ingrédients : concevoir
que le rôle du management est d’être bienveillant nous semble cristalliser le projet d’un
management humain. Il s’agit aussi d’inverser un peu les rôles : n’attendez pas des autres
qu’ils soient bienveillants, mais soyez certain que l’on attend de vous que vous le soyez.
Le manager a vertu d’exemplarité et cette conception de l’Homme au travail s’ajoute à
une expertise solide que cette réflexion normative n’amoindrit pas. Issue d’une rationalité substantielle, cette conception de l’Homme au travail n’est pas neutre : elle invite à
promouvoir, à la suite des travaux critiques que nous avons mobilisés plus haut, un management humain, c’est-­à-­dire qui prône la confiance et le respect mutuels. Car, « sans la
confiance des hommes les uns envers les autres, la société toute entière se disloquerait »
(Simmel, 1987, p. 197). Dans la démarche que nous vous proposons, ce devoir d’action vous
amènera à découvrir d’autres théories et pratiques soutenant un management humain.
Focus – Définition du management humain
Le management humain désigne un ensemble d’activités (pratiques et discours) et de théories
qui visent à intégrer les femmes et les hommes dans l’entreprise. Ce contenu fonctionnaliste s’enrichit d’une dimension normative inspirée par la philosophie du travail, qui considère
l’Homme au travail comme un être réflexif, c’est-­à-­dire contribuant à définir des normes d’action
collective au regard desquelles ses actions et celles d’une communauté de travail seront évaluées. Cette perspective traduit une recherche collective de confiance en ces normes, en l’autre
et en soi-­même. Le manager, sujet particulier et acteur clé du management, doit être (perçu
comme) bienveillant pour susciter cette confiance.
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Voilà donc le projet de cet ouvrage : présenter des pratiques et des théories qui promeuvent la réflexivité de l’Homme au travail et la bienveillance du manager, qui aient
comme présupposés que tout un chacun ait le souci du travail bien fait et soit digne
de confiance. Ceci appelle un management prônant le respect de l’autre, de son travail,
de son jugement, de ses capacités, et qui veille à encourager la remise en question personnelle et collective. Ancré dans cette vision humaniste particulière, le management
humain contribue à transformer la gestion des Hommes et à en (re)faire un espace de
promotion du travail, des travailleurs et des communautés de travail.
L’ambition de cet ouvrage étant d’initier un renouvellement des pratiques, politiques
RH et de l’utilisation des modèles de comportement organisationnel en intégrant cette
conception d’un management réflexif et bienveillant, il est nécessaire de porter un regard
critique sur les théories dominantes en GRH ou en comportement organisationnel. C’est
l’objet des chapitres suivants. Un tel projet peut être critiqué puisqu’il pose un choix normatif concernant la conception de l’Homme au travail. Il vous appartiendra d’en juger au
regard du développement de votre propre réflexivité à la lecture des chapitres qui suivent.
Avant de vous laisser découvrir cette approche renouvelée, précisons que cette démarche
ne prétend pas à une forme d’universalisme ou de savoir totalisant. Elle est ancrée dans
l’histoire de notre société occidentale et dans le débat public, elle n’en constitue qu’un
jalon. Elle doit donc être remise en perspective avec d’autres propositions et travaux que
nous ne souhaitons pas nier. Le management humain s’additionne donc à d’autres contributions et les complète, en orientant le lecteur vers des théories et des pratiques moins
souvent présentées dans les manuels de GRH et de comportement organisationnel et
vers une critique des courants et pratiques dominants dans ces domaines, espérant en
cela œuvrer à une plus grande réflexivité des praticiens de la GRH, mais aussi des étudiants et chercheurs découvrant et étudiant ce champ de connaissances.
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Chapitre 2
Management humain
et transformations du travail
Le souci de contextualisation est un réflexe universitaire que nous ne pouvons que vous
encourager à pratiquer. Il pose les premiers jalons d’une réflexivité ordinaire en vous permettant de prendre du recul par rapport à une pratique, à une situation, en la resituant
dans son contexte. L’on comprend alors mieux ce qui relève de véritables transformations
et ce qui ne relève que d’une mode passagère. Dans ce chapitre, nous présentons les
événements (innovations, crises) et les acteurs (politiques, travailleurs, syndicats, entrepreneurs) qui influencent l’émergence de certaines formes d’organisation et de gestion
des ressources humaines. Les termes que vous utiliserez dans la suite de cet ouvrage et
dans votre pratique du management seront définis. Comme pour l’ensemble des chapitres du manuel, vous découvrirez d’abord une approche historique traditionnelle pour
décrire les évolutions de la fonction ressources humaines ; ensuite, vous serez invité à
questionner ses fondements, les représentations sous-­jacentes à ce mode de présentation
de la GRH et de la gestion ; avant, finalement, de devenir l’acteur d’une contextualisation plus fine et plus riche, mais aussi moins univoque, du management humain.
Au terme de ce chapitre, vous serez capable :
–– de situer l’émergence de certaines formes d’organisation du travail et de gestion
des personnes, dans leur contexte historique, en comprenant leurs interactions ;
–– de comprendre les logiques organisationnelles prévalant à certains moments de
notre histoire socio-­économique ;
–– de comprendre les limites et les présupposés inhérents à une telle représentation
historique ;
–– d’identifier les tendances de fond qui caractérisent notre époque et inférer leurs
effets sur le gouvernement de l’entreprise et des personnes ;
–– de manipuler une grille de lecture du management humain.
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1. Contexte d’émergence et de développement
de la GRH et du comportement organisationnel
Lorsque l’on s’attèle à resituer l’évolution de la fonction ressources humaines dans son
contexte, il est convenu d’étudier l’histoire de l’organisation du travail et de la production au fil du temps. Cette contextualisation vise à comprendre les liens et les cohérences
existant entre certains modes de gestion et de contrôle, certaines politiques de gestion
des personnes et une conception particulière de l’Homme au travail. C’est donc une compréhension des liens entre travail, gestion, organisation et développement économique
que vous chercherez, vous aussi, à appréhender au travers de cette section.
Focus – Méthodologie
Pour mener pareille analyse, deux choix méthodologiques doivent être posés : le premier touche à la
définition de ce qui fera l’objet de la comparaison, au travers de l’histoire. C’est la dimension verticale
de l’analyse : qu’allons-­nous observer ? Le second concerne, lui, les périodes de temps que nous considérerons. C’est le découpage horizontal de l’analyse : quels moments, quelles temporalités considérer ?
Caractériser le contenu. Traditionnellement, l’on retrace ainsi l’évolution des modes de production
(artisanal, industriel, à la chaîne, etc.) et l’organisation du travail (paternaliste, scientifique, par objectifs,
etc.) au fil du temps, en pouvant se baser sur des données et des analyses historiques assez nombreuses et fiables. De l’organisation du travail découle souvent des enseignements et des observations
permettant de caractériser la GRH. À ces éléments factuels s’adjoint souvent une caractérisation d’une
sorte de logique résumant les principes d’organisation en vigueur et déclinant une certaine conception
de l’Homme au travail qui en serait sous-­jacente. Nous reprenons ces éléments dans la comparaison
proposée, en veillant à introduire des éléments touchant au contexte socio-­économique de l’époque
(tensions sociales, innovations technologiques) et en caractérisant une logique organisationnelle
dérivée du type d’organisation et du mode d’organisation du travail (y compris de contrôle) et de
gestion des travailleurs emblématiques de la période considérée.
Quelles temporalités considérer ? Traditionnellement, le découpage temporel proposé est guidé par
les cycles de la révolution industrielle, puis par des conflits mondiaux. Dans la représentation proposée
ici, nous présenterons une séquence basée sur des cycles longs d’investissement-­désinvestissement,
appelés Kondratieff, du nom de l’économiste russe qui les mit à jour. Il s’agit de cycles longs, de
40 à 60 ans, caractérisant la prospérité puis le déclin de nos sociétés au regard des innovations se
développant à un moment donné et captant les capitaux disponibles. Une vision que Schumpeter a
largement diffusée en Occident. Un premier cycle d’innovation, poussé par le développement de la
machine à vapeur, est situé entre 1790 et 1849 ; puis, un nouveau cycle, tiré par le développement du
chemin de fer et de la sidérurgie, s’étire de 1850 à 1896 ; un troisième cycle, poussé par les applications
rendues possibles par le moteur à explosion (aviation, automobile), s’étend de 1897 à 1944. Diverses
interprétations existent ensuite pour caractériser un quatrième cycle de 1945 à l’aube des années 2000,
poussé par les innovations en matière de pétrochimie et d’électronique, puis d’informatique, alors
qu’une « cinquième vague » démarrée autour de 2000 serait, quant à elle, tirée par les innovations
dans le domaine des technologies de l’information et de la communication et des nanotechnologies.
S’agissant de cycles comprenant des périodes de prospérité, de déclin et d’amélioration, nous présentons aussi les crises qui expliquent le passage d’un cycle à l’autre28.
28
Plusieurs caractérisations de ce type sont proposées dans les ouvrages de théorie des organisations et
de management. Parmi d’autres sources d’inspiration, citons ici la caractérisation des « cycles de la révolution industrielle » proposée par Warnotte (1999) et les phases de développement de Maddison (2001).
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Il importe d’aborder cette grille de lecture (Tableau 2.2) dans une perspective processuelle : ce qui importe n’est pas tant le lien entre le contexte socio-­économique et le type
d’organisation du travail et de GRH, mais plutôt la logique d’organisation en vigueur, à
une époque donnée. La notion de logique permet de caractériser et de décrire la rationalité sous-­jacente aux dynamiques organisationnelles observées, en se focalisant sur
les processus, les sources de pouvoir, les structures organisationnelles ou les dispositifs
de gouvernance (Schiffino et al., 2015). Les logiques seront caractérisées en distinguant
ce qui relève de leur dimension matérielle (les dispositifs de GRH, par exemple) de ce qui
relève de leur dimension symbolique (les finalités annoncées et les principes organisateurs).
La mobilisation de la notion de logique offre des perspectives intéressantes en termes
de comparaison de différents idéaux-­typiques sur base des logiques dominantes identifiées pour chacun d’entre eux. Ainsi, un mode d’organisation n’est pas lié à une époque
de l’histoire industrielle, mais à certaines conditions matérielles et symboliques réunies
à cette époque, mais que l’on peut encore observer de nos jours (le travail à la chaîne,
mode d’organisation de la production apparu dans les années 1900, reste une réalité
dans nombre de centres d’appel ou de fastfoods de nos jours, par exemple).
1.1 L’Ancien Régime : une logique professionnelle
Apparues au Moyen-­Âge, les communautés de métiers (appelées aussi corporations)
caractérisent l’organisation du travail dominante sous l’Ancien Régime ; leur organisation se trouvant particulièrement régulée au xviie siècle. Dans certaines régions, les corps
de métiers se trouvent ainsi définis par arrêtés : boulangerie, boucherie, charcuterie,
menuiserie, sidérurgie, etc. Les métiers libres et réglés au Moyen-­Âge, dont les savoir-­
faire ne nécessitaient pas un long apprentissage ou d’importantes ressources financières
et humaines, se sont également « corporés » dans l’Ancien Régime. Ces associations de
métier, regroupées en corporations, ont un pouvoir de réglementation du travail, de la
production et de la commercialisation. L’exercice d’un métier ne peut se faire que s’il est
encadré par la corporation ad hoc, ce caractère obligatoire mettant ces communautés en
situation de monopole collectif. Les organisations corporatives prennent place dans les
villes, dont elles marquent profondément le territoire (pensez à la Grand-­Place de Bruxelles,
de Tournai et, plus largement, à certains quartiers de villes telles que Paris ou Roubaix, aux
rues « des bouchers », « des brasseurs », « des tanneurs », « des cordonniers », « des tisserands » qui jalonnent nos villes). D’autres corporations de métiers s’installent en dehors des
villes, au regard des nuisances qu’elles produisent, à l’image des teinturiers, par exemple.
Les corporations sont seules responsables de la diffusion d’un savoir qu’elles développent,
protègent et perpétuent. Ces associations rassemblent et organisent un corps professionnel autour de règles et d’usages précis, nécessaires à la pratique du métier. Les processus
d’acquisition des connaissances et le niveau de maîtrise exigé justifient l’organisation du
travail et de la carrière au sein de la corporation. Ainsi, le parcours au sein de la corporation est institutionnalisé et suit des étapes distinctes, dont la durée peut varier, mais
qui se caractérisent par les trois mêmes étapes.
D’abord, il y a le temps de l’apprentissage (de 5 à 8 ans) au cours duquel l’apprenti découvre
le métier en question. Souvent, l’apprenti est placé par ses parents qui signent avec le
maître un contrat d’apprentissage. Le jeune apprenti, qui doit être âgé de douze ans,
bénéficie de l’enseignement et de l’expérience d’un maître qui se trouve rémunéré par les
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parents, en échange de son enseignement mais aussi du logement et du couvert. Au terme
de cette période, il s’engagera à protéger le savoir acquis et à respecter les règles de la corporation afin de devenir compagnon du maître. Ensuite vient donc le compagnonnage qui
permet au compagnon de percevoir des gages, c’est-­à-­dire un salaire 29. Le compagnonnage se marque par davantage d’échanges avec les autres corporations du même métier
(il s’accompagne de voyages et séjours dans des corporations étrangères) et aboutit avec
la présentation d’un « chef-­d’œuvre » mobilisant toutes les techniques du métier acquises
par le compagnon et donnant accès à la maîtrise de la profession et, finalement, au rang
de maître. La corporation connaît donc deux corps : les maîtres et les compagnons.
Tout au long de ce parcours, la dimension symbolique est très présente (serment à prêter,
toge à revêtir, galons aux significations précises à porter, titres, cérémoniaux, etc.). Le cœur
de l’organisation du travail est donc la connaissance (et l’institutionnalisation de ce savoir)
et, dans ce contexte, la conception de l’Homme au travail qui prévaut est celle d’un expert
détenteur d’un savoir précis. Le développement et la transmission de connaissances constituent des valeurs à part entière puisqu’il faut être disposé à apprendre et à partager son
savoir. À l’inverse d’une hiérarchie bureaucratique où la structure organisationnelle légitime
l’autorité, la hiérarchie qui est présente au sein des corporations est légitimée par le niveau de
maîtrise des savoirs du confrère en question. Les experts pilotent eux-­mêmes l’organisation.
Une logique professionnelle. Vous l’avez observé vous-­même : ce type d’organisation
est tourné vers le développement, la valorisation et la transmission d’une expertise professionnelle particulière. Rappelez-­vous, une logique est caractérisée par deux dimensions :
l’une matérielle, l’autre symbolique. En termes matériels, à l’image de la configuration
professionnelle caractérisée par Henry Mintzberg (1982) et mise à l’épreuve des faits par
Jean Nizet et François Pichault (1995), l’on peut estimer que la hiérarchie (cf. infra) est
très limitée : nous avons identifié un seul lien de subordination, celui du maître sur les
compagnons et les apprentis. L’on fait donc face à des organisations que l’on qualifierait
aujourd’hui de plane, à l’image cette fois des communautés de pratique qui fleurissent
en dehors des organisations (on retrouve bien cette idée de logique professionnelle :
des experts issus d’environnements différents se rejoignent au sein d’une communauté
autonome afin d’apprendre et d’échanger à propos de leur expertise ; et de s’entraider
gratuitement) ou en leur sein. Une autre caractéristique tient au fait que le pouvoir est
aux mains des experts, le gouvernement de l’organisation se veut démocratique, les
décisions sont le plus souvent concertées entre les pairs et leurs dirigeants, eux-­mêmes
étant des pairs parmi les pairs. Ces experts disposent d’une très grande autonomie dans
leur travail, avec le risque que certains d’entre eux poursuivent peut-­être davantage
leurs intérêts personnels que ceux de l’organisation. Sur la dimension symbolique, le
principe organisateur de cette logique (en d’autres termes, la convention d’effort), c’est-­
à-­dire ce-­qu’il-­est-­normal-­d’attendre d’un membre de la communauté, c’est qu’il partage
ses connaissances (ses savoirs, savoir-­faire et savoir-­être) et qu’il apprenne de manière
continue. Ces organisations vivent et promeuvent une éthique professionnelle affirmée :
l’exercice d’un métier, dont l’accès est régulé, intègre des considérations normatives (l’on
s’interroge sur ce qu’est un bon médecin, un bon professeur, par exemple), directement
associées à l’identité professionnelle. Cette éthique particulière se traduit dans nombre de
composantes matérielles (charte, codes, récits exemplaires de pairs, etc.) et symboliques
29
Notez que le terme « gage » est l’ancêtre du terme « salaire ». Les mots « engagement », « désengagement » en sont dérivés.
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(un habillement et un titre particuliers, le sentiment d’accomplir une mission, le devoir
de s’exprimer dans certains débats touchant au domaine d’expertise, etc.).
Application
Connaissez-­vous des organisations qui, de nos jours, fonctionnent selon cette logique ? Réfléchissez en vous remémorant les principales caractéristiques de l’organisation corporative et
de sa logique professionnelle.
De nos jours, certaines caractéristiques de ce modèle d’organisation du travail se retrouvent dans les
universités – structurées en corps distincts (le plus souvent : administratif, scientifique, académique)
et où la soutenance de la thèse, au terme de séjours scientifiques dans d’autres centres de recherche,
s’apparente au chef-­d’œuvre présenté par le compagnon à ses jurés, pouvant donner l’accès à la
titulature (poste académique), au rang de maître. Pensez aussi à d’autres professions telles que celle
de cuisinier : un apprenti « passe » de chef en chef pour y être formé et y apprendre les techniques que
le chef maîtrise et a développées, il peut ainsi voyager plus ou moins loin pour enrichir sa palette de
techniques avant d’accéder lui-­même au rang de chef et de partager à son tour ses connaissances.
Au-­delà d’organisations très clairement inscrites dans ce modèle, tels les compagnons du devoir30, par
exemple, d’autres formes d’organisations s’inscrivent dans cette logique de nos jours : pensez aux communautés de pratique, par exemple, qui rassemblent des experts autour de problématiques propres
à un savoir et constituent, parfois, de véritables communautés où la connaissance et son partage
sont érigées en valeurs, à l’image de l’association GP-­Québec31 qui rassemble des experts en gestion
de projets, ou de l’initiative développée par Hydro-­Québec en matière de communautés de pratique.
1.2 1790‑1849 : une logique entrepreneuriale
Le premier cycle identifié par Kondratieff (1790‑1849) marque une rupture fondamentale avec l’Ancien Régime dans lequel le savoir (l’accès à la profession) était protégé et
réglementé, au gré d’une double révolution. On assiste tout d’abord à une révolution
économique avec l’invention de la machine à vapeur qui permet de mécaniser certaines
activités (métiers à tisser) et qui affranchira, à terme, l’industrie du lieu où la matière première est localisée. Une révolution politique, ensuite, incarnée par la Révolution française
de 1789 qui avance de nouvelles valeurs de liberté (économique). Les corporations et
leur monopole du savoir sont abolis en 1791, à la faveur du décret d’Allarde et de la loi
Le Chapelier. Cette abolition crée un véritable marché du travail sur lequel se retrouvent
les artisans, issus des corporations de métier. L’enjeu consiste dès lors à intégrer ces personnes et ce savoir dans des organisations adaptées.
C’est la petite entreprise, l’atelier, qui caractérise les organisations de cette période et qui
rassemble ces travailleurs autour d’un métier, d’un savoir-­faire professionnel. L’entrepreneur
est le patron de cette petite structure dont il est également propriétaire. L’organisation
du travail se marque par un fort contrôle personnalisé, témoin d’une forme de paternalisme dans lequel il convient de plaire au patron, c’est-­à-­dire de se conformer à ses
exigences, afin de bénéficier en échange d’une sécurité d’existence.
30
Les compagnons du devoir constituent un mouvement corporatiste érigé contre les corporations de
métiers qui, par la désignation hégémonique des maîtres (souvent issus de familles de maîtres), ne conféraient pas ce titre tant convoité de manière ouverte.
31
Voir www.gp-­quebec.net
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Index
Absentéisme : 204
Acculturation : 190
Actionnaire : 151
Adams : 102
Adhésion : 192
Administration du personnel : 51, 130
Agent de changement : 132, 133
Aktouf : 183, 195, 216
Alderfer : 98
Allen : 203
Alvesson : 33, 34, 39, 40
Amazon mechanical turk : 159
Amoral : 37
Amotivation : 104
Anthropologie : 181, 182, 190, 192, 208
Aoki : 62
Appréciation : 37, 163, 164, 171
Apprentissage : 45, 82, 84, 97, 120, 167
organisationnel : 39
Approche autorégulationniste : 103
Arendt : 28, 222
Artefact : 185, 187
Assessment : 210
Atelier : 47
Aubert : 113
Authenticité : 221
Autodétermination : 103, 104
Autogestion : 83
Autonomie : 58, 95, 120
contrariée : 121
Avantage concurrentiel RH : 127
B
Baby-boomer : 85, 88
Beer : 126
256305TCB_MANAHUM_CS6_PC.indb 245
Behaviorisme : 97
Besoin : 96
d’accomplissement de soi : 97
d’actualisation : 98
de sécurité : 98
d’estime ou de reconnaissance : 98
physiologique : 97, 98
social : 98
Best practice : 222
Bien commun : 22, 221
Bien-être : 137
au travail : 86
Bienveillance : 38, 41, 155, 180, 221
Bonne pratique : 141, 148, 157
Boudreau : 132, 142, 150
Boxall : 56, 126, 127, 142
Brabet : 56, 199
Brockbank : 133, 135, 139, 144, 145, 149
Bureaucratie : 58, 60, 61
Burn-out : 113, 154, 223
Business partner : 138, 139
C
Caillé : 38
Capital carrière : 177
Capital humain : 67, 134
Carrière : 176
nomade : 177
Carte des métiers : 179
Champion des employés : 133
Changement : 66, 140
Chanlat : 110, 216
Cité ouvrière : 72
Citoyenneté organisationnelle : 203
Classification de fonctions : 59
Clot : 121
26/02/2016 19:21:04
Cohen : 21, 76
Collaboration multi-générationnelle : 84
Communauté : 207
de pratique : 47
de travail : 154, 157, 172, 208, 217
Compagnonnage : 46
Compétence : 82, 115, 140, 155, 161, 171, 177,
211
générique : 115
Comportement organisationnel : 55, 58
Conception de l’Homme au travail : 28, 34,
36-38, 73
Condition de travail : 49, 50
Confiance : 40
Conflit : 111, 193
social : 160
Connaissance : 82, 115, 173
Contexte : 23, 70, 72, 95, 142, 144, 149, 166, 194
organisationnel : 118
contextualisation : 44, 105, 118, 141, 188,
217
Contrat de travail : 51, 205
Contrat psychologique : 201
Contre-culture : 194, 195
Contremaître : 49
Contrôle : 67, 121
organisationnel : 164
personnalisé : 47, 49
technocratique : 67
Convention : 38, 39, 46, 110, 158, 182, 197, 205,
206, 211
Convention collective : 50
Core business : 66
Corporate culture : 188
Corporation : 45
Courage : 222
Courpasson : 94
Crise :
des subprimes : 66
du travail : 62
économique : 62
organisationnelle : 62
Critical Management Studies : 20, 31
Croissance économique : 76
Croissance qualitative : 21
Crowdsourcing : 207
Croyance fondamentale : 185
246
Culture : 185, 191
d’entreprise : 182, 189, 193
nationale : 192
organisationnelle : 182, 192, 201, 207
D
De Nanteuil : 30, 31, 35, 36, 52
Deci : 103
Décroissance : 21
Dejours : 33, 91, 154
Delery : 142
Démotivation : 112, 122
Dénaturalisation : 29, 70
Déni de reconnaissance : 154, 157
Déqualification : 52
Description de fonctions : 59
Déshumanisation : 21, 33, 95, 152, 157, 172, 217
taylorienne : 189
Design organisationnel : 59, 60
Dialogue social : 80
européen : 81
Différenciation : 196
Digitalisation : 82
Direction par Objectifs : 58, 102
Disciplinarisation : 71
Discours : 188
Distanciation : 183
Diversité : 79, 137, 190
Division du travail : 53
Dolan : 167
Domination : 192
Don : 22, 38
Donnadieu : 158
Doty : 142
Droit du travail : 159, 204
Droit social : 51
Drucker : 168
Dujarier : 21, 33, 114, 116, 117, 217
E
École de Francfort : 153
École des Relations Humaines : 55, 57, 61, 62,
94, 97
Économie civique : 22
Économie réelle : 66
Edwards : 29, 79
Effet de mode : 73
Management humain
256305TCB_MANAHUM_CS6_PC.indb 246
26/02/2016 19:21:04
Efficacité : 85
Efficience : 54
organisationnelle : 166
Effort : 155
Émancipation : 221
Emploi : 118
Employabilité : 67, 206
Employee champion : 132
Employer branding : 146, 147
Engagement : 203
affectif : 204
de continuité : 204
normatif : 204
organisationnel : 203
Enrichissement des tâches : 100
Entreprise :
familiale : 71
libérée : 21, 109
multinationale : 76
Entretien d’évaluation : 165
Entretien de sélection : 210
Espace : 186
Estime : 153
Éthique : 30, 46, 103, 192, 226
professionnelle : 216
Ethnologie : 199
Évaluation : 164, 169
de la performance : 167, 170
Évolution démographique : 74, 77
Exemplarité : 40
Expectation : 102
Expert : 46
administratif : 132, 133
fonctionnel : 133
Expertise : 136
professionnelle : 208, 218, 225
Externalisation : 66, 83, 130
Eymard-Duvernay : 209, 211, 212
F
Facebook : 72
Facteur moteur : 99
Facteurd’hygiène : 99
Familistère : 72
Feedback à 360° : 168, 172
Féminisation de la population active : 78
Ferreras : 31, 90
Financiarisation : 90, 116
Flexibilisation du travail : 82
Flexibilité : 62, 65, 81, 83, 174, 177
fonctionnelle ou organisationnelle : 63
numérique ou contractuelle : 63
productive ou géographique : 63
quantitative : 62
temporelle ou financière : 63
Flexisécurité : 206
Fordisme : 53, 54
Formalisation : 61, 176
Formation continue : 66, 84, 135
Foucault : 37, 71
Fragmentation : 196
Fusion et acquisition : 66
G
Gagliardi : 187
Galambaud : 81, 205
Génération : 85, 87, 163
X : 86, 89
Y : 86, 89
Z : 86
Gestion : 56
des carrières : 172
des compétences : 115
des connaissances : 84
des ressources humaines : 52, 55, 56
des talents : 137, 178
du personnel : 56
internationale des ressources humaines : 56
prévisionnelle des emplois
et des compétences : 177
stratégique des ressources humaines : 56,
126, 131, 135, 150
Ghoshal : 30, 34
Globalisation : 32, 74
Gomez : 7, 29, 38, 74, 90, 91, 116, 120, 205, 217
Google : 72
Gouvernance : 30
des entreprises : 120
Gouvernement :
de l’entreprise : 74, 83, 221
démocratique de l’entreprise : 21
Gratuité : 22, 122
Grève : 49
Grey : 39
Groupe : 182, 184
Groupement d’employeurs : 83
Index
256305TCB_MANAHUM_CS6_PC.indb 247
247
26/02/2016 19:21:04
Hackman : 100
Harcèlement : 113
Haut potentiel : 179
Herzberg : 99
Hiérarchie : 59, 176
High performer : 170
Hofstede : 105, 183
Homo dispositivus : 117
Homo empathicus : 21
Homo oeconomicus : 21, 28, 117
Homo socius : 21
Honneth : 28, 33, 38, 152-154
Horaire de travail : 65
Hot-desking : 84
Huault : 39
Humaniste : 38, 41
Hunyadi : 21
I
Identité : 113, 118
au travail : 119
Idéologie : 185, 192
Implication : 108, 114, 189
Indexation : 160
Individualisation : 74, 81, 161, 163, 173
Individualisme : 113
Inégalité : 74
Inéquité : 102
Injustice : 154
Insécurité : 111
Institution : 79
Instrumentalisation : 110, 182, 217
Intégration : 196
Intensification : 85
Intérim : 65, 83
Internet : 75
Invisibilisation du travail : 116
Jackson : 167
Jaques : 183
Jeux d’acteurs : 195
Joint ventures : 83
Justice distributive : 103
Justice procédurale : 103
K
Kaizen : 62
Kanban : 62
248
Knowledge management : 84
Kondrasuk : 164, 169, 172
Kondratieff : 47, 49, 51
L
Langage : 196
Lawler : 132, 133, 150
Leader : 135, 136, 219, 221
Leadership RH : 136
Lean management : 121
Lean production : 62
Léonard : 29, 135, 150, 177
Licenciement : 114, 224
Lien social : 113
Linhart : 95, 114
Locke : 103
Logique : 44
bureaucratique : 55, 58, 60
d’action : 199, 212
de flexibilité : 61, 66
d’organisation : 45
entrepreneuriale : 47, 48
industrielle : 49, 50
organisationnelle : 44
planificatrice : 51, 54
professionnelle : 45, 46
M
Maddison : 70
Management : 52
bienveillant : 40, 92, 155, 156
désincarné : 33, 152
financiarisé : 21, 33, 90
humain : 40, 90, 118, 123, 153, 180, 207, 216,
219, 221
par les valeurs : 184
par objectifs : 58, 61, 168
Management By Objectives : 58
Manager bienveillant : 219
Managérialisme : 28
Marché du travail : 78
Marx : 53
Maslow : 97, 117
Mathis : 137
Maugeri : 105, 107
Mayo : 57
McClelland : 98
McGregor : 100, 117, 189
Méda : 28, 33, 118
Management humain
256305TCB_MANAHUM_CS6_PC.indb 248
26/02/2016 19:21:05
Métaphore : 108, 197
Métier : 73, 126, 136, 178, 218
Meyer : 203
Middle management : 165
Mintzberg : 30, 46
Mobilité : 79, 172, 174, 176
géographique : 173
horizontale : 173
verticale : 173
Mobility center : 179
Modèle de Harvard : 144
Mondialisation : 74, 194
Morgan : 197
Motivation : 94, 110, 118, 122, 176
négative : 111
Mouvement syndical : 49
N
Négociation collective : 50, 81, 137
Neuroscience : 109
Non-sens au travail : 116
Norme : 152, 185, 197, 200
comportementale : 115, 186
sociale : 208
Nouveau monde du travail : 84
O
Objectif : 58, 165
Oldham : 100
Organisation scientifique du travail : 51
Ouchi : 189
Outil collaboratif : 86
Outsourcing : 81
Package salarial : 162
Pacte social : 113, 182
Palpacuer : 31
Parcellisation des tâches : 52
Partage de la fonction RH : 82, 138
Partenaire stratégique : 130, 132-134
Participation : 84
Partie prenante : 144, 145
Paternalisme : 48
Patron « social » : 71
People management : 138
Performance : 37, 82, 85, 91, 114, 126, 128, 149,
163, 166, 188, 203
économique : 129
financière : 151
organisationnelle : 128
sociale : 151
Perret : 39
Perspective critique en management : 20, 23, 31
Pfeffer : 141
Philosophie managériale : 21, 34, 35
PIB : 76
Plan cafétéria : 82
Planification des ressources humaines : 130, 131
PME : 48
Population active : 65, 71
occupée : 66
Précarisation : 113
Productivité : 53, 73
Profession : 46
Proposition de valeur RH : 145
Purcell : 126
Q
Qualité : 121
Qualité de vie au travail : 121
Questionnaire de personnalité : 210
R
Rapport de domination : 182
Rationalité substantielle : 22, 35, 40, 152
Récompense : 102
Reconnaissance : 38, 91, 152, 171, 176, 219
au travail : 180
Recrutement : 137, 201, 209
Référentiel de compétences : 140
Réflexivité : 37-39, 41, 153, 171, 226
Règle formelle : 113, 152, 158, 186, 197
Régulation sociale : 79, 150, 193
Relation :
d’emploi : 113, 201, 206
individu-organisation : 197
Industrielle : 56
Rémunération : 82, 158
des performances : 161
directe : 162
extrinsèque : 162
intrinsèque : 162
Représentant des employés : 134
Réseau : 74
Réseau virtuel : 86
Respect : 40, 153
Index
256305TCB_MANAHUM_CS6_PC.indb 249
249
26/02/2016 19:21:05
Responsabilité : 95
Restructuration : 19, 74, 81
Résultat : 166
Revenu minimum mensuel moyen garanti : 160
Révolution industrielle : 44
Rifkin : 38, 75
Rite : 182
Ritualisation : 187
Riveline : 199, 200
ROI (return on investment) : 67, 129, 149
Ryan : 103
S
Saba : 167
Sainsaulieu : 30, 83, 118, 119, 152
Salaire : 137, 159
Salariat : 159
Satisfaction : 99, 107
Savoir-faire : 115
Schein : 184, 185
Schuler : 131, 167
Schumpeter : 44
Sécurité d’emploi : 113
Segrestin : 159, 205
Self-initiated expatriation : 173
Selor : 145
Sen : 21, 29, 30, 217, 219
Senior : 114
Sens au travail : 116, 118, 119, 122, 200, 219, 226
Smirchich : 186
Smith : 53
SNCF : 121, 194
Snell : 36, 126, 139
Socialisation : 109, 193
organisationnelle : 183
Solidarité : 82, 153, 186
Souffrance : 116
au travail : 33, 217
Sourcing : 137, 209
Sous-culture orthogonale : 182, 194, 195
Sous-traitance : 83
Spéculation : 66
Spicer : 34, 39
Stiglitz : 30
Storey : 133, 143
Stratège : 150
250
Stress : 154
Success story : 187
Sur-humanisation : 95
Syndicalisme : 50
Système :
de classification : 160
de gestion intégré : 76
de rémunération : 157
motivationnel : 110
politique : 150
T
Talent : 67, 134, 177, 182
Taux :
d’activité : 66
de couverture des conventions collectives :
80
de syndicalisation : 80
d’emploi : 66, 79
Taylor : 51, 53, 54
Taylorisme : 51
Technologie de l’information et de la communication : 74
Télétravail : 64, 121
Théorie :
de la justice organisationnelle : 103
de l’agence : 151
de l’équité : 102
des attentes : 101
des organisations : 183
X : 100
Y : 100
Thévenet : 36, 186
Thill : 106
Traineeship : 174
Transformation du travail : 73, 90
Transmission de connaissances : 46
Travail : 20, 23, 36, 65, 81, 118, 122, 152, 156, 172,
217
collectif : 91, 156
indépendant : 159
objectif : 91, 156
réel : 23, 90, 118, 208
salarié : 159
subjectif : 91, 156
temporaire : 65
vivant : 20, 36, 180
Travailleur indépendant : 158
Turn-over : 107
Management humain
256305TCB_MANAHUM_CS6_PC.indb 250
26/02/2016 19:21:05
Ulrich : 126, 132, 133, 135, 139, 144, 145, 149
Universalisme : 70, 108, 109, 149
Universalisme déterministe : 71
V
Valence : 102
Valeur : 130, 149, 151, 185
Valeur ajoutée : 131, 135
Vallerand : 106
Vendramin : 28, 33, 62, 64, 118
Vétéran : 85, 88
Vieillissement : 84, 114
Violation : 202
Volition : 103
Volvo Construction Equipment : 178
Vroom : 101, 102
VUCA : 73
W
Weber : 58, 60
Western Electric : 57
Willmott : 31, 33
Index
256305TCB_MANAHUM_CS6_PC.indb 251
251
26/02/2016 19:21:05
256305TCB_MANAHUM_CS6_PC.indb 252
26/02/2016 19:21:05
Table des matières
Sommaire5
Préface7
Remerciements11
Les auteurs15
Introduction
Vers un management (plus) humain17
Chapitre 1
Quelle conception de l’Homme au travail
pour quel management humain ?27
Introduction28
1. Dénoncer les dérives de l’organisation du travail
pour fonder une approche renouvelée29
1.1 La gouvernance en questions30
1.2 Le travailleur en souffrances33
2. L’imposture d’un management amoral34
2.1 Pour une conception humaniste du management37
Chapitre 2
Management humain et transformations du travail43
1. Contexte d’émergence et de développement de la GRH
et du comportement organisationnel44
1.1 L’Ancien Régime : une logique professionnelle45
1.2 1790‑1849 : une logique entrepreneuriale47
256305TCB_MANAHUM_CS6_PC.indb 253
26/02/2016 19:21:05
1.3
1.4
1.5
1.6
1850‑1896 : une logique industrielle49
1897‑1944 : une logique planificatrice51
1945‑2000 : une logique bureaucratique, puis de flexibilité55
2000 à nos jours : une logique agile66
2. Limites d’une représentation historiciste70
2.1 Une perspective universaliste70
2.2 Une représentation figée72
2.3 Des limites méthodologiques72
3. Comprendre et incarner les transformations du travail73
3.1
3.2
3.3
3.4
Des transformations sociétales74
Des transformations organisationnelles et managériales82
Transformations des attentes des individus85
Définir l’objet du management humain90
Chapitre 3
De la motivation au travail au sens du travail93
Introduction94
1. Une pluralité de théories sur la motivation95
1.1 Perspective du contenu : les approches en termes de besoins96
1.2 Perspective du processus101
2. Limites du concept et des théories de la motivation :
éléments de critique105
2.1 Des théories fortement contextualisées105
2.2 Une approche universaliste108
2.3 Des limites méthodologiques112
3. Sens et non-­sens du travail : comment ne pas démotiver ?112
3.1 Le monde du travail est-­il encore motivant ?113
3.2 Technologie gestionnaire et non-­sens au travail116
3.3 Parler de la motivation des travailleurs, c’est questionner
le sens au travail118
Chapitre 4
Rôles du management humain : de la création de valeur
à la production de reconnaissance125
1. Rôles, stratégies et métiers de la GRH126
254
Management humain
256305TCB_MANAHUM_CS6_PC.indb 254
26/02/2016 19:21:05
1.1 L’optimisation des ressources au service de la performance126
1.2 La création de valeur130
1.3 Métiers et expertises de la GRH : des responsabilités
partagées136
1.4 Construire une stratégie RH : un besoin de contextualisation141
2. Limites des modèles de GSRH149
2.1 Une perspective universaliste149
2.2 Une question trop simple, des réponses vagues150
3. Management humain : création de reconnaissance152
4. Quelles pratiques de gestion pour promouvoir la reconnaissance
au travail ?157
4.1 Systèmes de rémunération157
4.2 Évaluation de la performance163
4.3 Gestion des carrières172
Chapitre 5
Le lien individu-­organisation : de la culture organisationnelle
à la relation d’emploi 181
Introduction182
1. La culture organisationnelle183
1.1 Des définitions en théorie des organisations183
1.2 La culture organisationnelle : outil et objet de gestion186
1.3 La culture d’entreprise : une notion à contextualiser188
2. Un usage et une vision contestés de la culture d’entreprise190
2.1 Retour sur un concept de l’anthropologie190
2.2 Des usages déviants et abusifs191
2.3 L’organisation : espace pluriculturel ou lieu d’affrontement
de cultures ?
Les apports critiques d’études de terrain193
3. Pour une vision pluridimensionnelle du lien individu-­organisation197
3.1 L’intérêt d’une approche « anthropologique »
de l’organisation197
3.2 La relation d’emploi : le lien employeur-­employé201
3.3­L’intégration à l’épreuve du recrutement209
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Table des matières
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Conclusion
Management humain : mettre en œuvre une approche renouvelée
de la GRH et du comportement organisationnel215
Management humain : un cheminement critique pour une approche
renouvelée de la GRH et du comportement organisationnel216
Des principes à la réalité : quelques balises et témoignages221
Références229
Index245
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Management humain
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Une perspective humaniste
de la GRH et du comportement
organisationnel
Management
humain
Management humain réunit dans un même ouvrage deux champs de connaissances et de pratiques trop
souvent séparés dans les manuels, alors qu’ils s’entremêlent largement dans la pratique du management  :
la gestion des ressources humaines et le comportement organisationnel.
Il met en perspective leurs concepts, théories et pratiques et procède à leur analyse critique afin de
proposer une alternative au modèle instrumental qui domine la gestion des entreprises aujourd’hui. Il
appelle à faire du management un véritable projet politique et invite à remettre le travail au cœur de
la GRH, plaidant pour une autre vision de l’Homme au travail, celle d’un être réflexif, et du manager,
considéré comme bienveillant car soucieux des autres et de leur travail.
Les auteurs invitent à repenser les modèles et les pratiques traditionnels de la GRH et du comportement
organisationnel et leur confèrent d’autres finalités et modalités, davantage centrées sur le travail et sa
reconnaissance.
L’ouvrage s’adresse aux étudiants, chercheurs et enseignants en sciences de gestion, du travail et en GRH,
ainsi qu’aux personnes en formation professionnelle continue dans ces domaines. Il intéressera également toute personne soucieuse d’avoir un recul critique pour renouveler son approche et ses pratiques :
direction générale, cadres, responsables opérationnels, DRH et cadres syndicaux.
Laurent Taskin
est Docteur en sciences de gestion, Professeur de management humain et des organisations à la
Louvain School of Management, Université catholique de Louvain, où il dirige les Masters en GRH
et en sciences du travail. Soucieux de développer une approche critique du management, ses
recherches et publications portent sur les nouvelles formes d’organisation du travail et les conditions
d’une gestion responsable des personnes dans les entreprises.
Anne Dietrich
est Docteur en sciences de gestion, Maître de conférences habilitée à diriger des recherches
à l’IAE Lille École Universitaire de Management-Université de Lille 1 où elle a créé le Master GRH.
Elle a écrit de nombreux articles et ouvrages sur les compétences, l’employabilité, le management
de proximité, la GRH et le travail.
http://noto.deboeck.com : la version numérique de votre ouvrage
• 24h/24, 7 jours/7
• Offline ou online, enregistrement synchronisé
• Sur PC et tablette
• Personnalisation et partage
• Ressources complémentaires disponibles pour les enseignants
MANAHUM
ISBN 978-2-8041-7475-0
ISSN
2030-3661
www.deboecksuperieur.com
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