Publications de la Sorbonne 212, rue Saint-Jacques, 75005 Paris Tél. : 01 43 25 80 15 – Fax : 01 43 54 03 24 Ethnog ra phie , pra gmatique , histoire Au-delà de la mise en discussion d’une certaine position théorique (pragmatique et historiciste) dans l’écriture des sciences sociales, et en particulier de l’anthropologie, le sens de cette publication ne saurait être que de marquer l’inscription du travail universitaire dans une étrange communauté, au sein de laquelle humanités et sciences sociales ne s’opposent pas, et que règlent la liberté des chemins de pensée et le goût de la transmission, par la parole et par les livres. Des lectures de Wittgenstein qu’a proposées Jean Bazin, j’ai retenu l’horizon d’une écriture déflationniste, et d’une visée déceptive relativement à nos capacités d’explication – il y a déjà tellement à faire en se donnant pour tâche de décrire notre monde de manière compréhensive. Mais c’est l’enquête ethnographique et les rencontres qu’elle m’a permis de faire qui constituent le noyau subjectif de ma réflexion épistémologique, dans la fidélité aux relations nouées avec mes amis kanaks. Michel Naepels, né en 1966, est anthropologue. Auteur d’Histoires de ­terres kanakes (Belin, 1998), il a récemment dirigé L’Anthropologie face au temps (Annales. Histoire, sciences sociales, juillet-août 2010). Il est directeur de recherche au CNRS et vient d’être élu directeur d’études à l’EHESS. Prix : 35 € ISBN : 978-2-85944-678-9 ISSN : 2105-5505 vient de paraître Michel N a e p e l s BON DE COMMANDE à retourner aux Publications de la Sorbonne 212, rue Saint-Jacques, 75005 PARIS Tél. : 01 43 25 80 15 – Fax : 01 43 54 03 24 [email protected] Ethnographie, pragmatique, histoire Michel Naepels Prix 17 € ISBN 978-2-85944-671-0 ISSN 2111-5761 Frais d’envoi : 6 € par ouvrage / 1,5 € par ouvrage supplémentaire Nombre d’exemplaires commandés : Mme, Mr .................................................................................................................. Adresse .................................................................................................................... .................................................................................................................................... .................................................................................................................................... Code postal ............................................................................................................ Ville .......................................................................................................................... Date : Signature : Veuillez libeller votre titre de paiement à l’ordre de l’Agent comptable de l’Université Paris I – Publications de la Sorbonne avant-propos « Assemblée désassemblée d’hommes qui s’imposèrent à leurs propres yeux dans l’irréligion, la liberté individuelle, la pensée non bornée, la transmission des livres et du souvenir des morts, la langue déchirée dans ses mots et ses lettres. Tels sont les “littéraires”. » (Pascal Quignard, Lycophron et Zétès, p. 298‑299.) Cet ouvrage cherche à expliciter les attendus théoriques et méthodologiques des travaux de recherche que j’ai menés dans les quinze dernières années, depuis la soutenance de ma thèse de doctorat en novembre 1996. Il constitue le deuxième volume d’un dossier d’habilitation à diriger des recherches présenté à l’université Paris-Ouest Nanterre-La Défense (Paris 10) le 13 avril 2010, sous le titre général Une anthropologie du conflit (Houaïlou, Nouvelle-Calédonie), et revient en particulier sur l’écriture de l’ouvrage qui forme le premier volume de ce dossier, intitulé Conjurer la guerre, principal résultat de mes travaux empiriques sur les usages sociaux de la violence physique dans la région de Houaïlou. Conçu tardivement en supplément à ce projet de recherche, pour la validation ritualisée de mon travail par mes pairs, et selon des règles relevant largement de l’implicite disciplinaire et de la communication informelle, ce texte avait dans mon esprit pour destin de demeurer dans les limbes. Livre 1.indb 5 25/10/11 09:41 La proposition que m’ont faite Patrick Boucheron et les Publications de la Sorbonne de le publier constitue l’heureuse surprise d’un ondoiement. Elle avait pour corollaire le principe de ne pas modifier un texte élaboré pour un autre contexte que la publication. J’ai toutefois dû procéder à de très légères modifications pour le rendre plus lisible, notamment la suppression des renvois internes aux deux autres volumes de mon dossier d’habilitation, l’insertion en notes des références à mes propres travaux et l’actualisation de quelques références bibliographiques parues depuis la soutenance. J’ai joint à ce mémoire (au prix de quelques petites répétitions) trois articles qui portent également sur ma démarche d’enquête et d’écriture – et je remercie L’Homme et Genèses de m’avoir autorisé à les reproduire ici. Enfin, il m’a fallu surmonter l’impression d’impudeur que suscite l’une des normes de l’exercice universitaire de l’habilitation, celle d’une mise en avant de soi-même et de ses travaux. À mes yeux, au-delà de la possibilité de débattre d’une certaine position théorique (pragmatique et historiciste) dans l’écriture des sciences sociales, et en particulier de l’anthropologie, le sens de cette publication ne saurait être que de marquer l’inscription du travail universitaire dans une étrange communauté, au sein de laquelle humanités et sciences sociales ne s’opposent pas, et que règlent la liberté des chemins de pensée et le goût de la transmission, par la parole et par les livres. Je sais avoir eu une chance extraordinaire que de pouvoir faire un métier de mes passions : les transformations récentes des règles de recrutement, de financement et d’évaluation de la recherche en sciences sociales ne laissent certes pas une place suffisante à la promesse qu’incarne le beau nom d’université. 6 Livre 1.indb 6 25/10/11 09:41 Narcisse Kaviyöibanu et Maurice Mèèvâ (dans les tout premiers jours de juin 1991) Mes dettes sont si nombreuses que j’aimerais m’excuser de devoir laisser dans l’ombre la plus grande partie de celles et ceux à qui je dois des remerciements. Tant de liens divers, individuels et collectifs, intellectuels et affectifs se sont noués au fil de ces années dans l’accomplissement de mes travaux. Des lectures de Wittgenstein qu’a proposées en anthropologue Jean Bazin (mon regretté directeur de thèse), j’ai retenu l’horizon d’une écriture déflationniste et d’une visée déceptive relativement à nos capacités d’explication – il y a déjà tellement à faire en se donnant pour tâche de décrire notre monde de manière compréhensive. Je dois dire aussi à quel point je suis heureux que Patrick Williams ait accepté de parrainer mon habilitation : peu d’anthropologues ont su comme lui inscrire leur pensée et leurs analyses dans la texture même de leur écriture. J’aimerais surtout insister sur 7 Livre 1.indb 7 25/10/11 09:41 le fait que l’expérience de l’enquête ethnographique et les rencontres qu’elle m’a permis de faire depuis 1991 constituent le noyau subjectif de ma réflexion épistémologique. Ainsi, c’est dans l’attachement même à la rigueur des opérations de recherche entreprises et à la fidélité aux relations nouées avec mes amis kanaks que je suis un littéraire ; c’est en cela que j’aimerais que mon travail puisse restituer la liberté de mes interlocuteurs, témoigner d’une langue déchirée et d’une pensée non bornée, habitée par les livres et par le souvenir des morts, comme aussi par la présence des vivants. 8 Livre 1.indb 8 25/10/11 09:41 introduction « C’est une langue plus secrète que j’aimerais parler […] : une langue où l’on noue aussi bien un combat qu’une alliance. Une langue où la réconciliation se dit sur le mode de la rupture du lien. » (Nicole Loraux, La Cité divisée, p. 92.) Un ensemble de travaux1 a thématisé depuis le début des années 1980 l’étrange parcours qui mène de l’opération de recherche singulière et ambiguë qu’est l’enquête ethnographique à son élaboration et à sa transformation en la forme, marquée par la clôture qu’introduit sa finitude matérielle, du livre. Il est évidemment bien d’autres manières plus ou moins durables d’envisager ou de présenter les résultats possibles d’un travail de recherche de terrain (articles de statut variable, films, photographies, etc.), et d’autres pratiques de transmission (de l’enseignement à la diffusion à un public peu familier des formes universitaires par la radio ou des conférences, par exemple). J’ai pratiqué plusieurs de ces registres (qui viennent remplir les rubriques des rapports d’activité rendus au Centre national de la recherche scientifique). Néanmoins, je considère que le cœur de mon travail consiste (encore) à écrire des livres, malgré les transformations récentes des formes de financement 1. À commencer par Clifford (1983) et Clifford & Marcus (1986). Livre 1.indb 9 25/10/11 09:41 et d’évaluation de la recherche en sciences sociales. Ce format, aussi contraint qu’il soit par les exigences des éditeurs, me semble en effet conserver des virtualités inégalées pour le déploiement conjoint du matériau empirique et de son élaboration théorique, où peuvent être décrites la richesse des situations sociales, comme l’inventivité des personnes qui les constituent. L’espace du livre permet d’imaginer des dispositifs d’écriture donnant la possibilité de faire voir des complexités et de dénouer des obscurités. C’est pourquoi, avant de présenter quelques thématiques du travail que j’ai conduit depuis mon premier séjour à Houaïlou en 1991, et plus particulièrement depuis l’achèvement de ma thèse en 1996, j’aimerais d’abord insister dans ce mémoire sur certains principes qui me semblent avoir guidé – le plus souvent de manière implicite, très fréquemment aussi de manière inconsciente, et toujours dans l’affrontement avec les difficultés rencontrées – l’écriture de ce que j’ai conçu comme un livre, Conjurer la guerre. Cet exercice de réflexivité sur l’écriture ne va pas de soi ; il est vrai que la temporalité de l’écriture s’oppose à celle de la recherche, comme le disait Michel de Certeau : Alors que la recherche est interminable, le texte doit avoir une fin, et cette structure d’arrêt remonte jusqu’à l’introduction, déjà organisée par le devoir de finir2. Or, je me suis longtemps focalisé sur la production et l’analyse d’un matériau empirique, avant d’être guidé dans l’écriture « par le devoir de finir », dans l’urgence du désir d’ouvrir dorénavant de nouveaux chantiers de recherche. Dès lors, ce mémoire constitue comme un pas de côté, l’occasion inattendue de prendre une distance 2. Certeau (1975, p. 120). 10 Livre 1.indb 10 25/10/11 09:41 que la logique même de la production scientifique ne rend pas nécessaire. En suivant un parcours qui n’est pas chronologique, qui ne suit pas les mouvements successifs de mes préoccupations de chercheur, mais qui essaye plutôt de retrouver a posteriori la logique du travail réalisé jusqu’à présent, j’aborderai dans un premier temps cinq lignes directrices dans ce que j’ai tenté de faire (décrire une situation présente – raconter une histoire – interroger les matériaux d’enquête – prendre une position – articuler l’ethnographie et le lieu) avant de présenter trois aspects du contenu des recherches que j’ai menées et des résultats auxquels celles-ci ont pu aboutir (le foncier – conjurer la guerre – la construction du savoir anthropologique). Pour cela, je m’appuierai sur – ou m’abriterai derrière – de nombreuses citations de lectures qui, au cours de mon propre travail d’écriture, m’ont paru éclairer avec la plus grande clarté le chemin incertain où je tentais de m’engager. 11 Livre 1.indb 11 25/10/11 09:41 table des matières Avant-propos 5 Introduction 9 écrire : quelques lignes directrices Décrire une situation présente 15 Raconter une histoire 33 Interroger les matériaux d’enquête 47 Prendre une position 65 Articuler l’ethnographie et le lieu 75 présentation des travaux de recherche Le foncier 89 La guerre 93 La construction du savoir anthropologique 97 Un bilan. Recherche publique Livre 1.indb 193 107 25/10/11 09:41 annexes Une étrange étrangeté. Remarques sur la situation ethnographique 111 [L’Homme, no 148, octobre-décembre 1998, p. 185-199*] Note sur la justification dans la relation ethnographique 137 [Genèses, no 64, septembre 2006, p. 110-123*] Quatre questions sur la violence 165 [L’Homme, no 177-178, janvier-juin 2006, p. 487-495*] Bibliographie 179 * Articles repris avec l’aimable autorisation des revues Livre 1.indb 194 25/10/11 09:41