110

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17
Polynômes d'endomorphismes en
dimension nie. Applications
On utilise les mêmes notations qu'au chapitre 16.
Les notions de valeurs, vecteurs, espaces propres et de polynôme caractéristique sont supposées connues (voir le chapitre 16).
On rappelle que l'ensemble K [X] des polynômes à une indéterminée et à coecients dans
un corps commutatif K est une K-algèbre commutative, unitaire et intègre (voir les chapitres
10 et 11).
L'anneau K [X] est euclidien, donc principal et factoriel. En particulier, on dispose des
notions de pgcd, ppcm et du théorème de Bézout qui nous dit que, pour r ≥ 2, les polynôme
P1 , · · · , Pr sont premiers entre eux dans leur ensemble si, et seulement si, il existe des polynômes
U1 , · · · , Ur tels que
r
∑
Uk Pk = 1.
k=1
Dans ce qui suit, u est un endomorphisme de E.
17.1 L'algèbre commutative K [u]
On note u0 = Id et on dénit les puissances successives de u par la relation de récurrence :
∀k ∈ N, uk+1 = uk
ce qui nous permet de dénir, pour tout polynôme P =
p
∑
ak X k ∈ K [X] , l'endomorphisme
k=0
P (u) , par :
P (u) =
p
∑
ak uk
k=0
La sous algèbre de L (E) engendrée par u est constituée des endomorphismes v = P (u) où
P est dans K [X] . On note naturellement K [u] cette algèbre et il est facile de vérier qu'elle
est commutative. Précisément on a :
∀ (P, Q) ∈ K [X]2 , (P Q) (u) = P (u) ◦ Q (u) = Q (u) ◦ P (u) = (QP ) (u)
Comme L (E) est de dimension n2 , on a dim (K [u]) ≤ n2 .
On dénit de manière analogue la sous algèbre K [A] de Mn (K) engendrée par une matrice
A ∈ Mn (K) .
435
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
436
On vérie facilement que si A ∈ Mn (K) est la matrice de u ∈ L (E) dans une base B, alors
P (A) est la matrice de P (u) dans B.
Théorème 17.1 Soit P
∈ K [X] . Pour toute valeur propre λ ∈ Sp (u) , P (λ) est valeur propre
de P (u) .
Dans le cas où K est algébriquement clos, on a :
Sp (P (u)) = {P (λ) | λ ∈ Sp (u)}
Démonstration. Si λ ∈ K est une valeur propre de u et
x ∈ E \ {0} un vecteur propre
associé, on a alors pour tout polynôme P ∈ K [X] , P (u) x = P (λ) x.
En eet, de u (x) = λx, on déduit par récurrence sur k ≥ 0 que uk (x) = λk x pour tout
k ∈ N et par linéarité, il en résulte que P (u) x = P (λ) x pour tout P ∈ K [X] . Ce qui signie
que x est un vecteur propre de P (u) associé à la valeur propre P (λ) .
Si P (X) = a0 est un polynôme constant, P (u) = a0 Id a alors pour unique valeur propre a0 ,
l'espace propre associé étant E.
On suppose que K est algébriquement clos et que P est non constant (Sp (u) et Sp (P (u))
sont donc non vides).
On a vu que {P (λ) | λ ∈ Sp (u)} ⊂ Sp (P (u)) .
Si µ ∈ K est une valeur propre de P (u) , en notant Q (X) = P (X) − µ, l'endomorphisme
Q (u) est non injectif et en écrivant que Q (X) = α
p
∏
(X − λi )mi (K est algébriquement clos),
i=1
on déduit qu'il existe un indice i tel que l'endomorphisme u − λi Id soit non injectif c'est-à-dire
que λi est une valeur propre de u et avec Q (λi ) = 0 on déduit que µ = P (λi ) . En dénitive
on a :
Sp (P (u)) = {P (λ) | λ ∈ Sp (u)} .
Pour K non algébriquement clos, l'inclusion {P (λ) | λ ∈ Sp (u)} ⊂ Sp (P (u)) peut être
stricte.
(
)
0 −1
2
2
Par exemple pour P (X) = X et −1 valeur propre de −I2 = A , où A =
∈
1 0
π
M2 (R) est la matrice de rotation d'angle , on a Sp (u) = ∅, donc l'inclusion est stricte.
2
Exercice 17.1 Pour K = C, en munissant L (E) d'une quelconque norme v 7→ ∥v∥ , justier
la dénition de l'endomorphisme :
+∞
∑
1 k
e =
u
k!
k=0
u
et montrer que eu ∈ C [u] .
Solution 17.1 Toutes les normes sur L (E) étant équivalentes, on peut supposer que la norme
choisie sur L (E) est déduite d'une norme sur E, donc sous-multiplicative, ce qui nous donne,
pour tout entier k ≥ 0 :
k
k
u ∥u∥
≤
k! k!
avec
+∞
∑
∥u∥k
k=0
k!
= e∥u∥ < +∞ et prouve que la série
∑ uk
est normalement convergence dans
k!
L (E) , donc convergente puisque cet espace est complet (il est de dimension nie).
Comme C [u] est un sous-espace vectoriel de L (E) qui est de dimension nie, c'est un fermé,
k 1
∑
donc égal à son adhérence et eu = lim
uk qui est dans cette adhérence est dans C [u] .
k→+∞ j=0 k!
Polynômes annulateurs, polynôme minimal
437
17.2 Polynômes annulateurs, polynôme minimal
{
}
L'espace vectoriel L (E) étant de dimension n2 , la famille uk | 0 ≤ k ≤ n2 est liée et en
conséquence, il existe un polynôme P ∈ K [X] \ {0} tel que P (u) = 0. Il en résulte que
l'ensemble :
Iu = {P ∈ K [X] | P (u) = 0}
n'est pas réduit au polynôme nul. Cet ensemble est le noyau du morphisme d'algèbres P 7→
P (u) , c'est donc un idéal de l'anneau K [X] . Cet anneau étant principal, on peut donner la
dénition suivante.
Dénition 17.1 On appelle idéal annulateur de
u l'idéal Iu et polynôme minimal de u le
générateur unitaire de cet idéal. On note πu ce polynôme.
On a donc :
Iu = {P ∈ K [X] | P (u) = 0} = K [X] πu
et πu est le polynôme unitaire de plus petit degré annulant u.
Ce polynôme πu est non constant.
On dénit de manière analogue l'idéal annulateur et le polynôme minimal d'une matrice
A ∈ Mn (K) .
On vérie facilement que si u a pour matrice A dans une base B de E, alors A et u ont
même idéal annulateur et même polynôme minimal (pour P ∈ K [X] , la matrice de P (u) dans
B est P (A) et P (u) = 0 équivaut à P (A) = 0, donc Iu = IA et πu = πA ).
On vérie aussi que deux matrices semblables ont même idéal annulateur et même polynôme
minimal (si B = Q−1 AQ et P ∈ K [X] , on a alors P (B) = Q−1 P (A) Q et P (A) = 0 équivaut
à P (B) = 0, donc IA = IB et πA = πB ).
Remarque 17.1 En dimension innie, on peut dénir l'idéal annulateur
minimal πu à condition que Iu ne soit pas réduit à {0} .
Iu et le polynôme
Exercice 17.2 Montrer que l'endomorphisme
D de dérivation qui associe à toute fonction
f ∈ E = C ∞ (R, R) sa dérivée f ′ n'a pas de polynôme minimal.
Solution 17.2 Si Iu ̸= {0} , en désignant par P
p
∑
=
ak X k un polynôme annulateur non nul
k=0
de D et, pour tout réel λ, par fλ : t 7→ eλt , on a alors :
0 = P (D) (fλ ) =
p
∑
(
k
ak D (fλ ) =
k=0
p
∑
a k λk
)
fλ = P (λ) fλ
k=0
et P (λ) = 0. Ce polynôme non nul P aurait alors une innité de racines, ce qui n'est pas
sérieux. On a donc Iu = {0} et D n'a pas de polynôme minimal.
Remarque 17.2 On a
u = 0 si, et seulement si, πu (X) = X. De manière plus générale,
les homothéties sont les seuls endomorphismes ayant un polynôme minimal de degré égal à 1,
c'est-à-dire que u = λId si, et seulement si, πu (X) = X − λ.
Exemple 17.1 On rappelle qu'un endomorphisme
u ∈ L (E) est dit nilpotent s'il existe un
entier q ≥ 1 tel que u ̸= 0 et u = 0 (q est l'indice de nilpotence de u).
Un endomorphisme u ∈ L (E) est nilpotent d'indice q ≥ 1 si, et seulement si, πu (X) = X q .
q−1
q
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
438
Exemple 17.2 On rappelle qu'un projecteur est un endomorphisme u de E tel que u ◦ u = u.
Un tel projecteur étant annulé par X 2 − X, son polynôme minimal est πu (X) = X si u = 0,
πu (X) = X − 1 si u = Id, πu (X) = X 2 − X dans les autres cas.
Lemme 17.1 Si F est un sous-espace vectoriel de E stable par u, le polynôme minimal de la
restriction de u à F divise alors celui de u.
Démonstration. Notons v la restriction de u à F. C'est un endomorphisme de F si F est
stable par u. De πu (u) = 0 dans L (E) , on déduit que πu (v) = 0 dans L (F ) , donc πu est dans
l'idéal annulateur de v et c'est un multiple du polynôme minimal de v.
Théorème 17.2 Pour tout polynôme annulateur P
∈ Iu , on a :
Sp (u) ⊂ P −1 {0}
(les valeurs propres de u sont racines de tout polynôme annulateur) et dans le cas particulier
du polynôme minimal, on a :
Sp (u) = πu−1 {0}
(les valeurs propres de u sont les racines de son polynôme minimal).
Démonstration. Si λ ∈ K est une valeur propre de u et
associé, de l'égalité :
x ∈ E \ {0} un vecteur propre
0 = πu (u) (x) = πu (λ) x
on déduit que πu (λ) = 0, c'est-à-dire que λ est racine de πu et donc de tout P ∈ Iu puisqu'un
tel polynôme est multiple de πu .
Réciproquement si λ ∈ K est racine de πu , on a alors πu (X) = (X − λ) Q (X) et avec
πu (u) = (u − λId) ◦ Q (u) = 0 et le caractère minimal de πu on déduit que u − λId est non
inversible ce qui équivaut à dire que λ est une valeur propre de u.
On déduit du théorème précédent que 0 est la seule valeur propre d'un endomorphisme
nilpotent.
Exercice 17.3
1. Montrer que si u ∈ GL (E) , on a alors u−1 ∈ K [u] .
2. Montrer que si F est un sous-espace vectoriel de L (E) contenant Id et stable par la
composition des endomorphismes, l'ensemble G = F ∩ GL (E) est alors un sous-groupe
de GL (E) .
Solution 17.3
1. Si u ∈ GL (E) , on a alors πu (0) ̸= 0. En eet, sinon on a πu (X) = XQ (X) et avec
πu (u) = u ◦ Q (u) = 0 on déduit en composant par u−1 que Q (u) = 0, ce qui contredit le
caractère minimal de πu . On a alors πu (u) =
u◦
p
∑
k=1
et u
p
1 ∑ k−1
ak u
∈ K [u] .
=−
a0 k=1
ak uk avec p ≥ 1 et a0 ̸= 0, ce qui nous
k=0
donne :
−1
p
∑
ak uk−1 = −a0 Id
Polynômes annulateurs, polynôme minimal
439
2. Si u, v sont dans G, alors u ◦ v est également dans G puisque F est stable par la composition. Il reste à montrer que si u ∈ G, alors u−1 est dans F, ce qui résulte du fait que u−1
est un polynôme en u pour u ∈ GL (E) .
En utilisant le théorème de division euclidienne dans K [X] , on a le résultat suivant.
Théorème 17.3 (L'espace
vectoriel
)
étant donnée par uk
K [u] est de dimension égale au degré pu de πu , une base
.
0≤k≤pu −1
Démonstration. Pour tout P
∈ K [X] , on a la division euclidienne P = πu Q + R avec R ∈
pu −1
pu −1
∑
∑
k
Kpu −1 [X] et compte tenu de πu (u) = 0, on a P (u) = R (u) =
αk u si R (X) =
αk X k ,
k=0
k=0
{ k
}
donc K [u] = Vect u | 0 ≤ k ≤ pu − 1 .
Si R dans Kpu −1 [X] est tel que R (u) = 0, on a alors R (∈ I)u et R est multiple de πu , ce
qui impose R = 0 du fait que deg (R) < deg (πu ) . La famille uk 0≤k≤pu −1 est donc libre. C'est
donc une base K [u] .
Le théorème précédent nous dit que tout élément de K [u] s'écrit de manière unique v = P (u)
avec P ∈ Kpu −1 [X] .
Remarque 17.3 On peut aussi procéder comme suit pour montrer que dim (K [u]) = pu .
Le morphisme d'algèbres φu : P 7→ P (u) est surjectif de K [X] sur K [u] de noyau Iu =
K [X]
K [X] πu = (πu ) (idéal engendré par πu ), il induit donc un isomorphisme d'algèbres de
sur
(πu )
(
)
K [X]
K [u] , donc dim (K [u]) = dim
= pu (en utilisant le théorème de division euclidienne).
(πu )
Théorème 17.4 On a les équivalences :
(K [u] est un corps) ⇔ (K [u] est intègre) ⇔ (πu est irréductible)
Démonstration. Si K [u] est un corps, il est alors intègre.
Si πu est réductible, il s'écrit alors πu = P Q avec P, Q non constants et 0 = πu (u) =
P (u) ◦ Q (u) avec P (u) et Q (u) non nuls (caractère minimal de πu ), donc K [u] n'est pas
intègre. On a donc ainsi prouvé que si K [u] est intègre, πu est alors irréductible.
Si πu est irréductible, tout polynôme non nul P ∈ Kpu −1 [X] est premier avec πu et le
théorème de Bézout nous dit qu'il existe deux polynômes A, B tels que Aπu + BP = 1 et on a
Id = B (u) ◦ P (u) , ce qui signie que P (u) est inversible dans K [u] . Comme tout élément non
nul de K [u] s'écrit de manière unique v = P (u) avec P ∈ Kpu −1 [X] \ {0} , on a ainsi montré
que tous ces éléments sont inversibles, ce qui signie que K [u] est un corps.
Exercice 17.4 Soient E1 , · · · , Er des sous-espaces de E non réduit à {0} , stables par u et tels
r
⊕
que E =
Ek . Pour k compris entre 1 et r, on désigne par uk ∈ L (Ek ) la restriction de u à
k=1
Ek et par πk le polynôme minimal de uk . Montrer que πu = π1 ∨ · · · ∨ πr (ppcm de π1 , · · · , π2 ).
Solution 17.4 Pour tout P
∈ Iu , on a P (u) = 0, donc P (uk ) = 0 pour tout k compris entre
r
r
r
∩
∩
∩
Iuk ,
Iuk . Réciproquement si P ∈
1 et r, ce qui signie que P ∈
Iuk . On a donc Iu ⊂
k=1
k=1
k=1
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
440
on a P (uk ) (xk ) = 0 pour tout k compris entre 1 et r et tout xk ∈ Ek , ce qui implique que pour
tout x =
r
∑
xk ∈ E avec xk ∈ Ek , on a :
k=1
P (u) (x) =
r
∑
P (u) (xk ) =
k=1
r
∑
P (uk ) (xk ) = 0
k=1
et P ∈ Iu .
En dénitive, on a :
K [X] πu = Iu =
r
∩
Iuk = K [X] (π1 ∨ · · · ∨ πr )
k=1
(par dénition du ppcm), ce qui revient à dire que πu = π1 ∨ · · · ∨ πr puisque ces polynômes
sont unitaires.
Exercice 17.5 Soient P
∈ K [X] , F = ker P (u) et u|F la restriction de u à F.
1. Montrer que F = {0}si, et seulement si, P ∧ πu = 1.
2. On suppose que P ∧ πu ̸= 1. Comme F ̸= {0} est stable par u (u commute à P (u)), u|F
est un endomorphisme de F et on désigne par πF son polynôme minimal. Montrer que
πF = P ∧ πu .
Solution 17.5
1. Si P ∧ πu = 1, le théorème de Bézout nous assure de l'existence de A, B dans K [X] tels
que AP + Bπu = 1, ce qui nous donne A (u) ◦ P (u) = Id et P (u) est inversible, donc
F = ker P (u) = {0} .
Si P ∧ πu ̸= 1, il existe un diviseur commun irréductible P1 de P et πu . Si P1 (u) est
inversible de 0 = πu (u) = P1 (u) ◦ Q (u) , on déduit que Q (u) = 0 avec deg (Q) <
deg (πu ) , ce qui contredit le caractère minimal de πu . L'endomorphisme P1 (u) est donc
non inversible et ker P1 (u) ̸= {0} , ce qui entraîne ker P (u) ̸= {0} puisque cet espace
contient ker P1 (u) .
( )
( )
2. De πu u|F = P u|F = 0, on déduit que πF divise πu et P, donc leur pgcd, ∆ = P ∧ πu ,
soit ∆ = Q · πF et il s'agit de montrer que Q = 1.
Comme ∆ divise P, on a ker ∆ (u) ⊂ F = ker P (u) . D'autre part, le théorème de Bézout
nous dit qu'il existe A, B dans K [X] tels que AP + Bπu = ∆, ce qui nous que ∆ (u) =
A (u) P (u) et ker P (u) ⊂ ker ∆ (u) .
On a donc F = ker ∆ (u) .
Comme ∆ divise πu , on a πu = Q1 ∆ et ∆ (u) ◦ Q1 (u) = 0, donc Im (Q1 (u)) ⊂ F =
ker ∆ (u) et πF (u) ◦ Q1 (u) = 0.
En résumé, πu = Q1 ∆ = Q1 QπF avec Q1 πF (u) = 0, ce qui impose Q = λ ∈ K∗ , soit
∆ = λπF et ∆ = πF puisque ces polynômes sont unitaires.
Exercice 17.6 Soit A ∈ Mn (R) une matrice réelle. Cette matrice est aussi une matrice complexe. En désignant respectivement par πA,R et πA,C le polynôme minimal de A dans R [X] et
C [X] , montrer que πA,R = πA,C .
Le théorème de Cayley-Hamilton
441
Solution 17.6 Soit A ∈ Mn (R) ⊂ Mn (C) . Comme πA,R (A) = 0 dans Mn (C) , le polynôme
πA,R est multiple de πA,C et d′ = deg (πA,C ) ≤ d = deg (πA,R ) .
( )
Comme d est le degré du polynôme minimal dans R [X] de A ∈ Mn (R) , le système Ak 0≤k≤d−1
est nécessairement R-libre dans Mn (R) , ce qui entraîne qu'il est C-libre dans Mn (C) . En eet
d−1
∑
s'il existe des nombres complexes λ0 , · · · , λd−1 tels que
λk Ak = 0, en notant λk = αk + iβk
avec αk et βk réels, on a
d−1
∑
αk Ak = 0 et
k=0
d−1
∑
k=0
βk Ak = 0 dans Mn (R) (A est réelle) et αk = βk
k=0
pour tout k.
( )
Comme d′ est le degré du polynôme minimal dans C [X] de A ∈ Mn (C) , le système Ak 0≤k≤d′
( )
est C-lié dans Mn (C) et d′ ≤ d − 1 entraînerait Ak 0≤k≤d−1 lié dans Mn (C) , ce qui n'est pas.
On a donc d′ > d − 1, soit d′ ≥ d et d = d′ . Comme les polynômes πA,R et πA,C sont unitaires,
on en déduit l'égalité πA,R = πA,C .
Exercice 17.7 Montrer que si L est une extension du corps K, A une matrice dans Mn (K) ,
πA,K et πA,L le polynôme minimal de A dans K [X] et L [X] respectivement, on a alors πA,K =
πA,L .
Solution 17.7 Dans le cas plus général( d'une
) extension de corps
K ⊂ L, on a encore d′ =
deg (πA,L ) ≤ d = deg (πA,K ) , le système Ak 0≤k≤d−1 est K-libre dans Mn (K) et on en déduit
qu'il est L-libre dans Mn (L) . Supposons qu'il existe des scalaires λ0 , · · · , λd−1 dans L, tels que
d−1
∑
λk Ak = 0. Le K-sous-espace vectoriel V de L engendré par λ0 , · · · , λd−1 étant de dimension
k=0
nie, il admet une base e1 , · · · , er et chaque λk s'écrit λk =
r
∑
αk,j ej , ce qui donne :
j=1
0=
d−1
∑
k=0
et
d−1
∑
λk Ak =
( r
d−1
∑
∑
k=0
)
αk,j ej
j=1
Ak =
( d−1
r
∑
∑
j=1
)
αk,j Ak
ej
k=0
αk,j Ak = 0 dans Mn (K) pour tout j compris entre 1 et r, ce qui entraîne la nullité de
k=0
tous les αk,j et tous les λk . On conclut alors comme pour l'extension R ⊂ C.
17.3 Le théorème de Cayley-Hamilton
Pour tout vecteur non nul x dans E, on note :
Iu,x = {P ∈ K [X] | P (u) (x) = 0}
On vérie facilement que Iu,x est un idéal de K [X] . Comme πu ∈ Iu,x , cet idéal n'est pas
réduit à {0} . On désigne alors par πu,x le générateur unitaire de Iu,x et par pu,x ≥ 1 le degré
de πu,x .
En notant :
{
}
Eu,x = Vect uk (x) | k ∈ N
le sous espace cyclique engendré par x, on a le résultat suivant.
Lemme 17.2
Eu,x est un sous-espace vectoriel de dimension pu,x de E, stable par u. Le polynôme minimal et le polynôme caractéristique de la restriction de u à Eu,x sont respectivement
πu,x et (−1)px πu,x .
442
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
Démonstration. Pour tout k ∈ N, on a u
(
)
uk (x) = uk+1 (x) ∈ Eu,x , donc le sous-espace
vectoriel Eu,x est stable par u.
{
}
Comme πu,x est de degré minimum dans Iu,x \{0} , le système Bu,x = uk (x) | 0 ≤ k ≤ pu,x − 1
est libre.
En notant πu,x (X) = X pu,x −
pu,x
∑−1
ak X k , de πu,x (u) (x) = 0, on déduit que upu,x (x) est dans
k=0
Vect (Bu,x ) et par récurrence sur k ≥ 0, on vérie que upu,x +k (x) ∈ Vect (Bu,x ) pour tout entier
naturel k, ce qui signie que Bu,x est un système générateur et donc une base de Eu,x .
On a donc dim (Eu,x ) = pu,x ≤ n.
pu,x
∑−1
Avec πu,x (u) (x) = upu,x (x) −
ak uk (x) = 0 et la commutativité de K [u] , on déduit
que :
k=0
(
)
πu,x (u) uk (x) = uk (πu,x (u) (x)) = 0
(
)
pour tout entier k, ce qui signie que πu,x u|Eu,x = 0.
Si Q ∈ Kpu,x −1 [X] − {0} annule vu,x = u|Eu,x , on a alors Q (u) (x) = 0 et le système Bx est
lié, ce qui contredit la dénition de pu,x . Donc πu,x est le polynôme minimal de vu,x .
Enn, en écrivant que la matrice de vu,x dans la base Bx est :

Au,x


=

0 ···
1
..
.
...
...
0 ···
0
..
.
a0
a1
.
..
0
1 apx −1





on déduit que (−1)pu,x πu,x est le polynôme caractéristique de vu,x . En eet en notant PAu,x =
P(a0 ,··· ,apx −1 ) ce polynôme caractéristique et en le développant par rapport à la première ligne,
on a :
P(a0 ,··· ,apx −1 ) (X) = −X P(a1 ,··· ,apx −1 ) (X) + (−1)px +1 a0
(
)
p∑
x −1
px
px
k
et par récurrence PAx (X) = (−1)
X −
ak X .
k=0
Théorème 17.5 (Cayley-Hamilton) Si Pu est le polynôme caractéristique de u, on a alors
Pu (u) = 0.
Démonstration. Pour tout x ∈ E le sous espace cyclique Eu,x étant stable par u, le poly-
nôme caractéristique πu,x de u|Eu,x divise celui de u. C'est-à-dire qu'il existe un polynôme Qx
tel que Pu = Qx · πu,x et Pu (u) (x) = Qx (u) ◦ πu,x (u) (x) = 0.
On a donc ainsi montré que pour tout x ∈ E, on a Pu (u) (x) = 0 (pour x = 0 c'est clair) et
donc que Pu (u) = 0.
Corollaire 17.1 Le polynôme minimal πu divise le polynôme caractéristique Pu . On a donc :
dim (K [u]) = deg (πu ) ≤ n
Démonstration. Le polynôme minimal divisant tout polynôme annulateur de u, on déduit
du théorème de Cayley-Hamilton que πu divise le polynôme Pu .
Remarque 17.4 On retrouve le fait que les racines de πu sont valeurs propres de u.
Le théorème de Cayley-Hamilton
443
Remarque 17.5 Si le corps K est algébriquement clos, le polynôme caractéristique de u s'écrit
alors :
p
∏
n
Pu (X) = (−1)
(X − λk )αk
k=1
avec αk ∈ N − {0} et les λk deux à deux distincts. Le polynôme minimal πu étant un diviseur
de Pu avec les mêmes racines, il s'écrit :
πu (X) =
p
∏
(X − λk )βk
k=1
avec 1 ≤ βk ≤ αk .
On en déduit qu'un endomorphisme u ∈ L (E) est nilpotent si, et seulement si, Pu (X) =
(−1)n X n .
Remarque 17.6 Dans le cas où l'endomorphisme
u est inversible, le théorème de CayleyHamilton nous donne un moyen de calculer l'inverse de u, si on connaît son polynôme caractéristique Pu .
n
∑
En eet l'égalité Pu (u) = 0 avec Pu (X) =
ak X k donne :
k=0
−1
u
n
n
1 ∑
1 ∑
k−1
=−
ak u
=−
ak uk−1 .
a0 k=1
det (u) k=1
On retrouve aussi le fait que u−1 est un polynôme en u.
Remarque 17.7 Le théorème de Cayley-Hamilton permet également de calculer up pour tout
entier p supérieur ou égal à n en fonction de Id, u, · · · , un−1 . En eet pour p = n, de Pu (u) =
n
∑
ak uk = 0 avec an = (−1)n , on déduit que un = (−1)n+1
k=0
n−1
∑
ak uk et pour p > n la division
k=0
euclidienne de X p par Pu , X p = QPu + R avec deg (R) < n, donne up = R (u) .
Exercice 17.8 On suppose ici que le corps K est inni et on se propose de montrer qu'il existe
un vecteur x ∈ E tel que πu,x = πu .
1. Montrer que si (Fk )1≤k≤r sont des sous-espaces vectoriels de E tels que E =
r
∪
Fk , il
k=1
existe alors un indice k tel que E = Fk .
2. Montrer qu'il existe un vecteur x ∈ E tel que πu,x = πu .
3. (En déduire
que Pu = (−1)n πu si, et seulement si, il existe un vecteur x dans E tel que
)
uk (x) 0≤k≤n−1 soit une base de E.
Solution 17.8
1. On procède par récurrence sur r ≥ 1, le résultat étant évident pour r = 1.
Supposons le acquis jusqu'au rang r ≥ 1 et soit E =
vectoriels der E.
Si Fr+1 ⊂
∪
Fj , on a alors E =
j=1
r+1
∪
Fk , les Fk étant des sous-espaces
k=1
r
∪
Fj et c'est terminé.
j=1
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
444
Si
r
∪
Fj ⊂ Fr+1 , on a alors E = Fr+1 et c'est terminé.
j=1
Si aucune des hypothèses précédentes n'est vériée, il existe un vecteur x ∈ Fr+1 \
et un vecteur y ∈
r
∪
r
∪
Fk
k=1
Fk \ Fr+1 . Pour tout λ ∈ K, le vecteur y + λx ne peut être dans
k=1
Fr+1 (si y + λx ∈ Fr+1 , on a alors y = (y + λx) − λx ∈ Fr+1 ce qui n'est pas), il est
r
∪
donc dans Fk et il existe un indice kλ compris entre 1 et r tel que y + λx ∈ Fkλ . Pour
k=1
λ ̸= µ dans K, l'égalité kλ = kµ entraîne y + λx ∈ Fkλ et y + µx ∈ Fkµ = Fkλ , donc
r
∪
1
x=
(y + λx − (y + µx)) ∈ Fkλ , soit x ∈
Fk , ce qui n'est pas. On a donc kλ ̸= kµ
λ−µ
k=1
pour λ ̸= µ dans K et l'ensemble {kλ | λ ∈ K} est inni contenu dans {1, · · · , r} , ce qui
est impossible.
Pour K ni de cardinal inférieur ou égal à r, il n'y a pas d'impossibilité. Dans ce cas,
∪
q−1
K=
Kxk où K est de cardinal q et les xk sont tous les éléments non nuls.
k=1
2. Pour tout x ∈ E le polynôme πu,x divise πu puisque πu ∈ Iu,x , donc :
Φ = {πu,x | x ∈ E} ⊂ {diviseurs unitaires de πu }
et cet ensemble est ni. Notons Φ = {πu,xk | 1 ≤ k ≤ r} . On a alors :
E=
r
∪
ker (πu,xk (u))
k=1
et il existe un indice k compris entre 1 et r tel que E = ker (πu,xk (u)) . Il en résulte que
πu,xk = πu puisque πu,xk est un polynôme unitaire qui annule u et qui divise πu .
3. Avec la démonstration du lemme 17.2, on a vu que la condition est susante.
(
)
On peut aussi dire, connaissant le théorème de Cayley-Hamilton que si uk (x) 0≤k≤n−1
est une (base de) E, le polynôme minimal πu ne peut être de degré pu ≤ n − 1, sinon la
famille uk (x) 0≤k≤pu serait liée, il est donc de degré n et proportionnel à Pu puisqu'il le
divise. Le coecient dominant de Pu étant égal à (−1)n et le polynôme πu étant unitaire,
on a Pu = (−1)n πu .
n
Supposons que (Pu = (−1)
πu . Si x ∈ E est tel que πu,x = πu , le polynôme πu,x est degré
)
n et la famille uk (x) 0≤k≤n−1 est nécessairement libre et c'est donc une base.
Exercice 17.9 On propose ici une démonstration du théorème de Cayley-Hamilton qui utilise
le calcul matriciel.
En désignant par A la matrice de u, dans une base de E, il est équivalent de montrer que
PA (A) = 0.
On considère la matrice A − XIn comme un élément de Mn (K (X)) où K (X) est le corps des
fractions rationnelles à coecients dans K.
1. Justier le fait que la transposée C (X) de la matrice des cofacteurs de A − XIn s'écrit :
C (X) =
n−1
∑
k=0
où les Ck sont des éléments de Mn (K) .
Ck X k
Le théorème de Cayley-Hamilton
2. En notant Pu (X) =
n
∑
445
ak X k , montrer que :
k=0

 AC0 = a0 In
ACk − Ck−1 = ak In (1 ≤ k ≤ n − 1)

−Cn−1 = an In
3. En déduire que PA (A) =
n
∑
ak Ak = 0 et Pu (u) = 0.
k=0
Solution 17.9
((
))
, où on a noté Ci,j (x) la matrice d'ordre
1. On a C (X) = t (−1)i+j det (Ci,j (X))
1≤i,j≤n
n − 1 extraite de A − XIn en supprimant la ligne numéro i et la colonne numéro j. Les
coecients de Cij (X) étant des polynômes de degré au plus égal à 1, det (Ci,j (X)) est un
polynôme de degré au plus égal à n − 1 et C (X) s'écrit :
C (X) =
n−1
∑
Ck X k
k=0
où les Ck sont des éléments de Mn (K) .
2. On a dans Mn (K (X)) :
(A − XIn ) C (X) = det (A − XIn ) In
soit :
(A − XIn )
n−1
∑
k
Ck X =
n
∑
ak X k In
k=0
k=0
dans Mn (K) [X] , ce qui s'écrit :
AC0 +
n−1
∑
(ACk − Ck−1 ) X − Cn−1 X =
k
n
n
∑
ak X k In
k=0
k=0
et en identiant les coecients dans l'anneau Mn (K) , on obtient :

 AC0 = a0 In
ACk − Ck−1 = ak In (1 ≤ k ≤ n − 1)

−Cn−1 = an In
3. Des identications précédentes, on déduit que :

 AC0 = a0 In
Ak+1 Ck − Ak Ck−1 = ak Ak (1 ≤ k ≤ n − 1)

−An Cn−1 = an An
et en additionnant :
AC0 +
n−1
∑
(
k+1
A
)
Ck − A Ck−1 − A Cn−1 =
k
n
k=1
soit :
n
∑
k=0
n
∑
ak Ak
k=0
k
ak A =
n−1
∑
k=0
A
k+1
Ck −
n
∑
Ak Ck−1 = 0
k=1
On a donc PA (A) = 0 et Pu (u) = 0 puisque sa matrice dans la base choisie est PA (A) .
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
446
17.4 Le théorème de décomposition des noyaux
Lemme 17.3 Soient
p un entier supérieur ou égal à 2, P1 , · · · , Pp des polynômes non nuls
p
∏
dans K [X] et Q1 , · · · , Qp les polynômes dénis par Qk = Pj pour tout k compris entre 1 et
j=1
j̸=k
p. Si les polynômes Pk sont deux à deux premiers entre eux dans K [X] , alors les polynômes Qk
sont premiers entre eux dans leur ensemble et pour tout k compris entre 1 et p, les polynômes
Pk et Qk sont premiers entre eux.
Démonstration. Si
∆ = pgcd (Q1 , · · · , Qp ) est non constant, il admet alors un diviseur
p
∏
irréductible R qui divise Q1 = Pj , donc l'un des Pj avec j ̸= 1 et comme R divise aussi Qj ,
j=2
il divise l'un des Pk avec k ̸= j, ce qui contredit le fait que Pj et Pk sont premiers entre eux.
Si ∆k = pgcd (Pk , Qk ) est non constant, il admet un diviseur irréductible Rk qui divise Pk
et le produit Qk , il divise donc l'un des Pj avec j ̸= k, ce qui contredit Pj et Pk premiers entre
eux pour k ̸= j.
Théorème 17.6 Soient p un entier supérieur ou égal à 2, P1 , · · · , Pp des polynômes non nuls
dans K [X] deux à deux premiers entre eux et P =
p
∏
Pk .
k=1
On a :
ker (P (u)) =
p
⊕
ker (Pk (u))
k=1
et les projecteurs πk : ker (P (u)) → ker (Pk (u)) , pour k compris entre 1 et p, sont des éléments
de K [u] .
Démonstration. En utilisant les notations du lemme précédent, le théorème de Bézout
nous dit qu'il existe des polynômes R1 , · · · , Rp tels que
Id =
p
∑
p
∑
Rk Qk = 1 et dans L (E) , on a
k=1
Rk (u) ◦ Qk (u) , soit
k=1
∀x ∈ E, x =
p
∑
Rk (u) ◦ Qk (u) (x)
k=1
Pour tout x ∈ ker (P (u)) et k compris entre 1 et p, on a :
Pk (u) (Rk (u) ◦ Qk (u) (x)) = Rk (u) ◦ P (u) (x) = 0
(commutativité de K [u]), soit :
xk = Rk (u) ◦ Qk (u) (x) ∈ ker (Pk (u))
On a donc ker (P (u)) ⊂
p
∑
ker (Pk (u)) et comme ker (Pk (u)) ⊂ ker (P (u)) pour tout k compris
k=1
entre 1 et p, on a l'égalité ker (P (u)) =
p
∑
k=1
ker (Pk (u)) .
Le théorème de décomposition des noyaux
Si (x1 , · · · , xp ) dans
(
p, on a 0 = Qk (u)
p
∑
p
∏
447
ker (Pk (u)) est tel que
k=1)
xj
p
∑
xj = 0, pour tout k compris entre 1 et
j=1
= Qk (u) (xk ) et Pk (u) (xk ) = 0. Comme Pk et Qk sont premiers
j=1
entre eux, il existe deux polynômes A et B tels que APk + BQk = 1 et :
A (u) ◦ Pk (u) + B (u) ◦ Qk (u) = Id
dans L (E) , ce qui donne :
xk = (A (u) ◦ Pk (u)) (xk ) + (B (u) ◦ Qk (u)) (x) = 0
On a donc ker (P (u)) =
p
⊕
ker (Pk (u)) et les projecteurs de ker (P (u)) sur ker (Pk (u)) sont
k=1
les πk = Rk (u) ◦ Qk (u) ∈ K [u] .
Remarque 17.8 Dans la démonstration du théorème précédent, la dimension de E n'intervient
pas, ce résultat est donc valable aussi pour E de dimension innie.
En notant πu =
p
∏
Pkβk la décomposition du polynôme minimal πu en facteurs irréductibles,
k=1
on déduit du théorème de décomposition des noyaux que :
E=
p
⊕
)
(
ker Pkβk (u)
k=1
(
)
chaque sous-espace Ek = ker Pkβk (u) étant stable par u puisque u commute à Pk (u) et non
réduit à {0} . En eet dire que ker
(
Pkβk
)
(u) = {0} revient à dire que Pkβk (u) est inversible et
de 0 = πu (u) = Pkβk (u) ◦ Q (u) , on déduit que Q (u) = 0 avec Q ̸= 0 et deg (Q) < deg (πu ) , ce
qui n'est pas possible.
(
)
Comme Pkβk ∧πu = Pkβk ̸= 1, le polynôme minimal de la restriction de u à Ek = ker Pkβk (u)
est Pkβk (exercice 17.5).
En utilisant le théorème de décomposition des noyaux, on obtient les critères de diagonalisation (voir aussi le théorème 18.7) et de trigonalisation suivants.
Théorème 17.7 Les assertions suivantes sont équivalentes :
1. l'endomorphisme u est diagonalisable ;
2. il existe un polynôme annulateur de u qui est scindé à racines simples ;
3. le polynôme minimal πu est scindé à racines simples.
Démonstration. Si u est diagonalisable de valeurs propres distinctes λ1 , · · · , λp , il est alors
annulé par le polynôme scindé à racines simples P (X) =
p
∏
k=1
(X − λk ) (utiliser une base de
diagonalisation).
Le polynôme minimal étant un diviseur de tout polynôme annulateur de u, il est également
scindé sur K à racines simples si 2. est vérié.
448
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
Si πu est scindé à racines simples, il s'écrit alors πu (X) =
p
∏
(X − λk ) , les λk étant deux à
k=1
deux distincts et le théorème de décomposition des noyaux nous dit que :
E=
p
⊕
ker (u − λk Id)
k=1
ce qui signie que u est diagonalisable.
Exemple 17.3 Un projecteur est diagonalisable puisqu'il est annulé par X 2 − X.
Exercice 17.10 Montrer que si G est un sous-groupe ni de GLn (C) , tous ses éléments sont
alors diagonalisables.
Solution 17.10 En désignant par r l'ordre de G, tous les éléments de G sont annulés par le
polynôme scindé à racine simples X r − 1 ∈ C [X] , ils sont donc diagonalisables.
Exercice 17.11 On suppose que
K est un corps commutatif ni à q éléments (q = pr avec
p ≥ 2 premier et r ≥ 1). Montrer que u ∈ L (E) est diagonalisable si, et seulement si, il est
annulé par X q − X.
Solution 17.11 Si u est diagonalisable, il existe des scalaires (λi )1≤i≤n et une base (ei )1≤i≤n de
E tels que u (ei ) = λi ei pour tout i compris entre 1 et n. On a alors uq (ei ) = λqi ei = λi ei = u (ei )
pour tout i compris entre 1 et n (pour λi = 0 c'est clair et λi ̸= 0 a un ordre qui divise
card (K∗ ) = q − 1, donc λqi = 1), ce qui signie que uq − u = 0.
Réciproquement si u est annulé par X q − X, il est diagonalisable puisque ce polynôme est scindé
sur K à racines simples (ses racines sont tous les éléments de K).
Théorème 17.8 Les assertions suivantes sont équivalentes :
1. l'endomorphisme u est trigonalisable ;
2. il existe un polynôme annulateur de u qui est scindé sur K ;
3. le polynôme minimal πu est scindé sur K.
Démonstration. Si u est trigonalisable de valeurs propres distinctes λ1 , · · · , λp , son polynôme caractéristique est Pu (X) = (−1)
n
p
∏
(X − λk )αk (utiliser la matrice de u dans une base
k=1
de trigonalisation) et ce dernier annule u.
Le polynôme minimal étant un diviseur de tout polynôme annulateur de u, il est également
scindé sur K si 2. est vérié.
Pour l'implication 3. ⇒ 1. on procède par récurrence sur la dimension n ≥ 1 de E.
Pour n = 1 le résultat est évident, puisque dans ce cas tout endomorphisme est une homothétie.
Supposons le acquis pour les espaces vectoriels de dimension n − 1 ≥ 1 et soit u ∈ L (E) avec
E de dimension n ≥ 2 tel que πu soit scindé sur K. Les valeurs propres de u étant les racines
de πu , on peut considérer l'une d'elles λ ∈ K et l'espace propre associé Eλ = ker (u − λId) ̸=
{0} . Le théorème du rang nous dit que le sous espace vectoriel Im (u − λId) est de dimension
inférieure ou égale à n − 1 et il est contenu dans un hyperplan H. On a alors :
∀x ∈ E, u (x) − λx ∈ H
La décomposition de Dunford-Schwarz
et :
449
∀x ∈ H, u (x) = (u (x) − λx) + λx ∈ H
donc H est stable par u. Le polynôme minimal de la restriction de u à H qui divise πu (lemme
17.1) est également scindé sur K, donc la restriction v de u à H est trigonalisable, c'est-à-dire
qu'il existe une base B1 = B = (ei )1≤i≤n−1 de H dans laquelle la matrice de v est triangulaire
supérieure. Pour tout vecteur en ∈ E − H le système B = B = (ei )1≤i≤n est une base de E et
la matrice de u dans cette base est triangulaire supérieure.
Corollaire 17.2 Dans le cas où
πu est scindé sur K, le déterminant de u est le produit des
valeurs propres et la trace e u est la somme des valeurs propres, ces dernières étant comptées
avec leurs multiplicités.
Corollaire 17.3 Si le corps K est algébriquement clos, alors tout endomorphisme u ∈ L (E)
est trigonalisable.
Démonstration. Sur K algébriquement clos, πu est scindé.
17.5 La décomposition de Dunford-Schwarz
On suppose que le polynôme minimal πu de u est scindé sur K. On a donc :
πu (X) =
p
∏
(X − λk )βk
k=1
avec βk ∈ N − {0} et les λk ∈ K deux à deux distincts et le polynôme caractéristique de u
s'écrit :
p
Pu (X) = (−1)n
∏
(X − λk )αk
k=1
avec 1 ≤ βk ≤ αk pour tout k compris entre 1 et p.
Une telle situation est assurée pour K algébriquement clos.
Dénition 17.2 Avec ces notations, on appelle sous-espaces caractéristiques de u les sous
espaces vectoriels ker (u − λk Id)αk où k est compris entre 1 et p.
On désigne par P ∈ K [X] un polynôme annulateur de u de la forme :
P (X) =
p
∏
(X − λk )mk ,
k=1
avec mk ≥ βk pour tout k compris entre 1 et p (on peut prendre pour polynôme P le polynôme
caractéristique, ou mieux le polynôme minimal, de u).
On note Nk = ker (u − λk Id)mk pour tout entier k compris entre 1 et p.
Théorème 17.9 Avec ces notations, on a :
1. E =
p
⊕
Nk ;
k=1
2. Nk = ker (u − λk Id)βk , où βk est la multiplicité de λk comme racine du polynôme minimal ;
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
450
3. Nk est stable par u et λk est la seule valeur propre de la restriction de u à Nk ;
4. dim (Nk ) = αk , où αk est la multiplicité de λk comme racine du polynôme caractéristique ;
5. la restriction de u − λk Id à Nk est nilpotente d'indice βk .
Démonstration. Comme {0} =
̸ ker (u − λk Id) ⊂ Nk , on a Nk ̸= {0} pour tout k.
1. De P (u) = 0 et du théorème de décomposition des noyaux (théorème 17.6), on déduit
que E =
p
⊕
Nk .
k=1
2. On note, pour tout k compris entre 1 et p, Mk = ker (u − λk Id)βk et on a :
p
⊕
Mk ⊂ Nk , E =
Nk =
k=1
(l'égalité E =
noyaux), donc :
p
⊕
p
⊕
Mk ,
k=1
Mk est encore une conséquence du théorème de décomposition des
k=1

 1 ≤ dim (Mk ) ≤ dim (Nk )
p
p
∑
∑
n
=
dim
(N
)
=
dim (Mk )

k
k=1
k=1
dans N et nécessairement dim (Mk ) = dim (Nk ) , ce qui entraîne Mk = Nk .
3. Comme K [u] est commutatif, Nk est stable par u et vk = u|Nk est un endomorphisme de
∗
Nk .
Si λ est une valeur propre de vk , c'est aussi une valeur propre de u et il existe alors un indice
j ∈ {1, 2, · · · , p} tel que λ = λj et un vecteur x ∈ Nk − {0} tel que (u − λj Id) (x) = 0.
On a alors x ∈ Nk ∩ Nj − {0} et nécessairement j = k puisque Nk ∩ Nj = {0} si j ̸= k.
4. Soit dk = dim (Nk ) , pour k compris entre 1 et p. De ce qui précède on déduit que le
polynôme caractéristique de vk ∈ L (Nk ) est Pk (X) = (λk − X)dk . De E =
Nk étant stables par u, on déduit que Pu =
p
∏
p
⊕
Nk , les
k=1
Pk et dk = αk .
k=1
5. Pour tout k ∈ {1, 2, · · · , p} , on note :
wk = (u − λk Id)|Nk ∈ L (Nk )
et on a wkβk = 0 (Nk = ker (u − λk Id)βk ). Si, pour un k ∈ {1, 2, · · · , p} , wkβk −1 = 0, alors
βk −1
le polynôme (X − λk )
p
∏
(X − λj )βj annule u puisqu'il annule tous les u|Nj et on a
j=1
j̸=k
E=
p
⊕
Nj , ce qui contredit le fait que
j=1
p
∏
(X − λk )βk est le polynôme minimal de u. On
k=1
a donc wkβk −1 ̸= 0 et wk est nilpotent d'indice βk .
Lemme 17.4 Avec les notations qui précèdent, pour tout k compris entre 1 et p, le projecteur
πk de E sur Nk parallèlement à
p
⊕
j=1
j̸=k
Nj est un polynôme en u.
La décomposition de Dunford-Schwarz
451
Démonstration. Voir la démonstration du théorème 17.6 de décomposition des noyaux.
Les projecteurs πk de E sur Nk parallèlement à
p
⊕
Nj sont les projecteurs spectraux de u.
j=1
j̸=k
Nous verrons un peu plus loin comment exprimer de façon explicite ces projecteurs en fonction polynomiale de u.
Théorème 17.10 (Dunford-Schwarz) Soit u un endomorphisme de E dont le polynôme caractéristique est scindé sur K. Il existe un unique couple (d, v) d'endomorphismes de E tel que
d soit diagonalisable, v soit nilpotent, d et v commutent et u = d + v. De plus d et v sont des
polynômes en u.
Démonstration. On a vu que chaque sous espace vectoriel
Nk est stable par u et que
vk = (u − λk Id)|Nk ∈ L (Nk ) est nilpotent. En notant dk = λk Id|Nk , on a u|Nk = dk + vk avec
dk diagonalisable, vk nilpotent et dk vk = vk dk .
p
∑
On dénit alors les endomorphismes d et v par d =
λk πk , où on a noté pour tout k
k=1
compris entre 1 et p, πk le projecteur de E sur Nk et v = u − d.
Les πk étant des polynômes en u, il en est de même de d et de v = u − d.
L'endomorphisme d est diagonalisable de mêmes valeurs propres que u (d = dk = λk Id|Nk
sur Nk ), l'endomorphisme v est nilpotent (v = vk sur Nk ), d et v commutent puisqu'ils sont
dans l'algèbre commutative K [u] et u = d + v.
Il reste à montrer l'unicité d'un tel couple (d, v) .
Soit (d′ , v ′ ) un autre couple d'endomorphismes vériant les mêmes conditions que (d, v) .
Comme u = d′ + v ′ et d′ et v ′ commutent, ils commutent avec u donc avec d et v qui sont
des polynômes en u. On a alors d − d′ = v ′ − v, avec d − d′ diagonalisable comme somme
de deux endomorphismes diagonalisables qui commutent et v ′ − v nilpotent comme somme de
deux endomorphismes nilpotents qui commutent. Et nécessairement d − d′ = v ′ − v = 0. D'où
l'unicité de la décomposition.
Pratiquement la décomposition de Dunford-Schwarz d'un endomorphisme de E dont le polynôme caractéristique est scindé sur K passe par le calcul des projecteurs spectraux πk .
À partir de la décomposition en éléments simples :
k
∑∑
∑ Qk (X)
αik
1
=
i =
P (X) k=1 i=1 (X − λk )
(X − λk )mk
k=1
p
où on a noté Qk (X) =
mk
∑
p
m
αik (X − λk )mk −i , pour tout k compris entre 1 et p, on obtient :
i=1
∑ Qk (X)
1
=
P (X) k=1 (X − λk )mk
p
∏
P (X)
et en notant Pk (X) =
=
(X − λj )mj , on aboutit à la décomposition de Bézout :
(X − λk )mk
j=1
p
j̸=k
1=
p
∑
Qk Pk
k=1
qui permet d'obtenir les projecteurs spectraux :
πk = (Qk Pk ) (u)
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
452
p
∑
On a alors u = d + v avec d =
λk πk et v = u − d.
k=1
La décomposition de Dunford-Schwarz d'un endomorphisme u de E dont le polynôme caractéristique est scindé sur K permet le calcul de ses puissances successives. En eet comme d
et v commutent, on peut utiliser la formule du binôme de Newton pour écrire :
∀r ≥ 1, u = (d + v) =
r
r
r
∑
Crk dk ◦ v r−k .
k=0
Le calcul des puissances successives de l'endomorphisme d peut se faire dans une base de
diagonalisation ou en utilisant les propriétés des projecteurs pour écrire que :
∀r ≥ 1, d =
r
( p
∑
)r
λk πk
=
k=1
p
∑
λrk πk
k=1
et le calcul des puissances successives de l'endomorphisme nilpotent v s'arrête à v q−1 où q est
son indice de nilpotence.
On peut aussi calculer v r avec :
∀r ≥ 1, v =
r
( p
∑
)r
(u − λk Id) πk
=
p
∑
(u − λk Id)r πk
k=1
k=1
Corollaire 17.4 Soit A ∈ Mn (K) une matrice dont le polynôme caractéristique est scindé sur
K. Il existe un unique couple de matrices (D, V ) dans Mn (K) tel que D soit diagonalisable,
V soit nilpotente, D et V commutent et A = D + V. De plus les matrices D et V sont des
polynômes en A.
Remarque 17.9 L'unicité de D et V est assurée par les quatre conditions du corollaire. Par
exemple dans M2 (R) , on a :
)
0 c
+
=
A=
0 0
(
)
(
)
a 0
0 c
avec D =
diagonale (donc diagonalisable, V =
nilpotente (V 2 = 0),
0 b
0 0
A = D + V, mais :
(
)(
) (
)
a 0
0 c
0 ac
DV =
=
0 b
0 0
0 0
(
)(
) (
)
0 c
a 0
0 bc
̸= V D =
=
0 0
0 b
0 0
(
a c
0 b
)
(
a 0
0 b
)
(
pour ac ̸= bc. Ce n'est donc pas la décomposition de Dunford-Schwarz de A.
Pour a ̸= b, A est diagonalisable, donc D = A et V = 0.
Pour a = b, on a DV = V D et A = D + V est la décomposition de Dunford-Schwarz de A.
Exemple 17.4 On peut aussi regarder l'exemple de :

 
 

a 1 0
a 0 0
0 1 0
A =  0 b 1  =  0 b 0  +  0 0 1  = D′ + V ′
0 0 b
0 0 b
0 0 0
La décomposition de Dunford-Schwarz
dans M3 (R) , avec :
453




0 a 0
0 b 0
̸ V ′ D′ =  0 0 b 
D′ V ′ =  0 0 b  =
0 0 0
0 0 0
pour a ̸= b.
Le polynôme caractéristique de A est :
PA (X) = − (X − a) (X − b)2
(il est égal au polynôme minimal) et on a la décomposition en éléments simples :
−1
α
β
γ
=
+
2 +
PA (X)
X − a (X − b)
X −b
avec α =
1
1
, γ = −α, soit :
2, β =
b−a
(b − a)
1
β2
β − β 2 (X − b)
=
+
X −a
(X − a) (X − b)2
(X − b)2
ce qui donne la décomposition de Bézout :
1 = β 2 (X − b)2 + β (1 + βb − βX) (X − a)
et les projecteurs spectraux :
πa = β 2 (A − bI3 )2 , πb = β ((1 + βb) I3 − βA) (A − aI3 ) = I3 − πa
soit :
 
1
1 − b−a
(b − a)2 − (b − a) 1
1

πa =
0
0
0 = 0
0
(b − a)2
0
0
0
0
0
et :


0

πb =
0
0
1
b−a
1
0
1
(b−a)2

1
− (b−a)
2

0
1
D'où la décomposition A = D + V avec :


1
a 1 − b−a
D = aπa + bπb = (a − b) πa + bI3 =  0 b
0 
0 0
b
et :
On vérie que :

0 0
V =A−D = 0 0
0 0

0 0

DV = V D =
0 0
0 0
1
b−a

1 
0
b
b−a

b 
0
0
0


Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
454
Exercice 17.12 Soit :

1
 0
A=
 0
0
0
1
0
0

1
0 
 ∈ M4 (C)
0 
0
−1
1
1
1
1. Ecrire la décomposition de Dunford-Schwarz de A.
2. Déterminer une matrice P ∈ GL4 (C) telle que :

0

0
P −1 AP = 
 0
0
0
1
0
0
0
0
1
0

0
0 

1 
1
(réduction de Jordan, voir le paragraphe 18.3) et retrouver la décomposition de DunfordSchwarz de A.
3. Calculer Ar pour tout entier r strictement positif.
Solution 17.12 On désigne par u l'endomorphisme de C4 canoniquement associé à la matrice
A.
1. Le polynôme caractéristique de u est :
Pu (X) = 1−X
0
0
0
0
1−X
0
0
−1
1
1−X
1
1
0
0
−X
1−X 0
=
0
1−X
1 − X 0
1
−X
= X (X − 1)3
et on vérie que son polynôme minimal est πu (X) = X (X − 1)2 . On a la décomposition
en éléments simples :
1
1
=
+
πu (X)
X
(
1
1
2 −
X −1
(X − 1)
)
qui donne la décomposition de Bézout :
1 = (X − 1)2 + (2 − X) X
et les projecteurs spectraux :
π1 = (u − Id)2 , π2 = 2u − u2
(on a π1 +π2 = Id). On obtient alors la décomposition u = d+v avec d = 0·π1 +1·π2 = π2
et v = u − d = u2 − u de matrices respectives dans la base canonique de K4 :

1
 0
D=
 0
0
0
1
0
0
−1
0
1
1


1
0 0


0 
0 0
, V =A−D =


0
0 0
0
0 0
0
1
0
0

0
0 

0 
0
La décomposition de Dunford-Schwarz
455
2. On a C4 = N0 ⊕ N1 , où N0 = ker (u) et N1 = ker (u − Id)2 .
Un vecteur directeur de N0 est donné par le système u (x) = 0, soit :

 x1 − x3 + x4 = 0
x2 + x3 = 0

x3 = 0
(
)
t
1 0 0 −1 .
ce qui donne x3 = x2 = 0 et x4( = −x1 . On a) donc N0 =( Re1 avec e1 =
)
t
t
1 0 0 0 et e3 =
0 1 0 0 sont dans ker (u − Id) ⊂
On voit facilement que e2 =
N1 . Enn e4 est une solution de u (x) = e3 + x, soit de :
{
−x3 + x4 = 0
x3 = 1
(
)
ce qui donne x3 = x4 = 1, soit x = x1 e2 + x2 e3 + e4 avec e4 = t 0 0 1 1 .
La matrice de passage de la base canonique à (ei )1≤i≤4 et son inverse sont données par :

1
 0
P =
 0
−1
et on a P −1 AP = J avec :

0
 0
J =
 0
0
0
1
0
0
0
0
1
0
1
0
0
0



0 0 1 −1
0


0 
 , P −1 =  1 0 −1 1 
 0 1 0
0 
1 
0 0 1
0
1
0
1
0
0
 
0
0


0   0
=
1   0
1
0
0
1
0
0
0
0
1
0
 
0
0


0   0
+
0   0
1
0
0
0
0
0
0
0
0
0

0
0 
=∆+Γ
1 
0
avec ∆ diagonale, Γ nilpotente d'ordre 2 qui commute à ∆ et A = D + V avec :


D = P ∆P −1 = 


1 0
 0 1
=
 0 0
0 0
−1
0
1
1
1
1
0
0
0
0
−1 0

1
0 

0 
0
0
1
0
0

0
0 0


0  0 1
1  0 0
1
0 0
qui est diagonalisable et :


1
1 0 0
 0

0 1 0 

V =
 0
0 0 1 
−1 0 0 1


0 0 0 0
 0 0 1 0 

=
 0 0 0 0 
0 0 0 0
nilpotente d'ordre 2 commutant à A.
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
0


0
0 0 1 −1


0 
  1 0 −1 1 
0  0 1 0
0 
1
0 0 1
0


0
0 0 1 −1


0 
  1 0 −1 1 
1  0 1 0
0 
0
0 0 1
0
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
456
3. Comme d et v commutent, on peut utiliser la formule du binôme de Newton pour écrire :
∀r ≥ 1, ur = (d + v)r =
r
∑
Crk dk ◦ v r−k .
k=0
Comme v 2 = 0, on a pour tout r ≥ 1 :
ur = dr + rdr−1 v
avec dr = π2r = π2 = d. Soit, dans la base canonique de C4 :

1

0
∀r ≥ 2, Ar = D (I4 + rV ) = 
 0
0

0 −1 1
1 r 0 
.
0 1 0 
0 1 0
Exercice 17.13 On suppose
K algébriquement clos et de caractéristique nulle. Montrer que
u ∈ GL (E) est diagonalisable si, et seulement si, il existe un entier r ≥ 1 tel que ur soit
diagonalisable.
Solution 17.13 Si u est diagonalisable, il en est alors de même de ur pour tout r ≥ 1.
Réciproquement supposons qu'il existe un entier r ≥ 1 tel que ur soit diagonalisable. Si u = d+v
est la décomposition de Dunford-Schwarz de u, on a alors :
ur = dr + v
r
∑
Crk dr−k ◦ v k−1 = dr + v ′
k=1
et c'est la décomposition de Dunford-Schwarz de ur . On a donc v ′ = 0 puisque ur est diagonalisable.
Si l'indice de nilpotence de v est q ≥ 2, on a alors :
0 = v q−2 v ′ = v q−1
r
∑
Crk dr−k ◦ v k−1 = rdr−1 v q−1
k=1
et si on suppose de plus que u est inversible, il en est alors de même de d (d a les mêmes valeurs
propres que u) et on aboutit à v q−1 = 0, ce qui est en contradiction avec le fait que q est l'indice
de nilpotence de v.
On a donc q = 1 et v = 0, ce qui revient à dire que u est diagonalisable.
Exercice 17.14 Soit
∑
ak z k une série entière à coecients complexes de rayon de convergence
R > 0.
Montrer que si A ∈ Mn (C) est telle que ρ (A) < R, la série de terme général ak Ak est alors
convergente dans Mn (C) et c'est un polynôme en A, c'est-à-dire que f (A) =
+∞
∑
k=0
Solution 17.14 Voir les théorèmes ?? et ??.
ak Ak ∈ C [A] .
Un algorithme pour obtenir la décomposition de Dunford-Schwarz
457
17.6 Un algorithme pour obtenir la décomposition de DunfordSchwarz
On suppose que le corps K est algébriquement clos, ce qui nous assure que le polynôme
caractéristique Pu de u est scindé sur K, soit :
n
Pu (X) = (−1)
p
∏
(X − λk )αk ,
k=1
avec αk ∈ N − {0} et les λk ∈ K deux à deux distincts. Le polynôme minimal de u s'écrit alors :
πu (X) =
p
∏
(X − λk )βk
k=1
avec 1 ≤ βk ≤ αk .
On note u = d + v la décomposition de Dunford-Schwarz de u avec d diagonalisable sui
commute à v nilpotente.
Le polynôme minimal de d est πd (X) =
p
∏
(X − λk ) (il est scindé à racines simples, puisque
k=1
d est diagonalisable) et son polynôme caractéristique est Pd = Pu (puisque Nk est l'espace propre
associé à la valeur propre λk de d et dim (Nk ) = αk , pour tout k compris entre 1 et p).
Pour simplier les notations, on pose :
P (X) =
p
∏
(X − λk )
k=1
On sait de plus que d est polynomiale en u.
L'idée est de chercher à déterminer d comme solution de l'équation P (w) = 0 où l'inconnue
w est dans K [u] ⊂ L (E) et on va s'inspirer de la méthode de Newton pour résoudre cette
équation, ce qui nous conduit à envisager une suite (wk )k∈N d'endomorphismes de E dénie
par :
{
w0 = u
∀k ∈ N, wk+1 = wk − P (wk ) (P ′ (wk ))−1
où :
P (X) =
(17.1)
p
p
∑
∏
(X − λj )
k=1 j=1
j̸=k
est le polynôme dérivé de P.
Si p = 1, d est alors diagonalisable avec une seule valeur propre, c'est donc d = λId, ce que
nous conrme la dénition (17.1) . En eet, on a, P (X) = X − λ1 , P ′ (X) = 1 et :
w1 = u − (u − λ1 Id) Id = λId
puis wk = λId pour tout k ≥ 1 par récurrence.
Pour ce qui suit, on suppose que p ≥ 2 et il nous faut justier l'existence de tels endomorphismes wk ∈ K [u] tels que P ′ (wk ) soit inversible d'inverse dans K [u] .
On commence par w0 = u.
Lemme 17.5 L'endomorphisme P ′ (u) est inversible et son inverse est dans K [u] .
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
458
Démonstration. Comme le polynôme P est scindé à racines simples, les polynômes P et
P ′ n'ont pas de racines communes, donc πu et P ′ n'ont pas de racines communes (les racines
de πu sont celles de P ) et en conséquence sont premiers entre eux. Le théorème de Bézout nous
dit alors qu'il existe deux polynômes A et B dans K [X] tels que Aπu + V P ′ = 1, ce qui nous
donne en évaluant en u :
A (u) πu (u) + V (u) P ′ (u) = Id
soit V (u) P ′ (u) = Id puisque πu (u) = 0. L'endomorphisme P ′ (u) est donc inversible d'inverse
V (u) ∈ K [u] .
Lemme 17.6 L'endomorphisme P (u) est nilpotent.
Démonstration. Pour m = 1≤i≤p
max βi , le polynôme P
πu (X) =
p
∏
m
(X) =
p
∏
(X − λk )m est multiple de
k=1
(X − λk )βk , c'est donc un polynôme annulateur de u. On a donc :
k=1
(P (u))m = P m (u) = 0
et P (u) est nilpotent.
Lemme 17.7 Soient a, b deux endomorphismes de E qui commutent et tels que a soit inversible
et b nilpotent. Dans ces conditions, l'endomorphisme a − b est inversible.
Démonstration. En écrivant que a − b = a (Id − a−1 b) , il sut de montrer que Id − a−1 b
est inversible.
Comme b commute avec a, il commute aussi avec a−1 (ab = ba entraîne a−1 aba−1 = a−1 baa−1 ,
soit ba−1 = a−1 b) et si de plus b est nilpotent, il en est alors de même de a−1 b puisque (a−1 b)r =
r
(a−1 ) br pour tout entier naturel r.
En désignant par r ≥ 1 l'indice de nilpotence de a−1 b, on a :
(
−1
Id − a b
r−1
)∑
(
)k
(
)r
a−1 b = Id − a−1 b = Id
k=0
ce qui signie que Id − a b est inversible d'inverse
−1
r−1
∑
(a−1 b) .
k
k=0
Lemme 17.8 On peut dénir une suite (wk )k∈N d'endomorphismes de E telle que w0 = u et :

wk ∈ K [u]


 ′
P (wk ) ∈ GL (E) , (P ′ (wk ))−1 ∈ K [u]
∀k ∈ N,
P (wk ) est nilpotent



wk+1 = wk − P (wk ) (P ′ (wk ))−1
Démonstration. On procède par récurrence sur k ≥ 0.
Pour k = 0, on dispose de w0 = u ∈ K [u] et on vient de voir que P ′ (u) ∈ GL (E) avec
(P ′ (u))−1 = V (u) ∈ K [u] et P (u) est nilpotent. On peut donc poser :
−1
−1
w1 = w0 − P (w0 ) (P ′ (w0 )) = u − P (u) (P ′ (u))
= u − P (u) V (u) ∈ K [u]
Un algorithme pour obtenir la décomposition de Dunford-Schwarz
459
Supposons les endomorphismes w0 , · · · , wk construits. On peut alors poser :
−1
wk+1 = wk − P (wk ) (P ′ (wk ))
et wk+1 ∈ K [u] .
Comme p ≥ 2, en utilisant la formule de Taylor pour les polynômes :
′
′
P (Y ) − P (X) =
p−1
∑
1
j=1
j!
P (j+1) (X) (Y − X)j = (Y − X) Q (X, Y )
on déduit qu'il existe deux polynômes Rk et Sk dans K [X] tels que :
−1
P ′ (wk+1 ) − P ′ (wk ) = (wk+1 − wk ) Rk (u) = −P (wk ) (P ′ (wk ))
= P (wk ) Sk (u)
Rk (u)
Comme P (wk ) est nilpotent et polynomial en u, il commute à Sk (u) , donc P ′ (wk+1 )−P ′ (wk )
est aussi nilpotent et :
P ′ (wk+1 ) = P ′ (wk ) + (P ′ (wk+1 ) − P ′ (wk )) = ak − bk
est inversible puisque ak = P ′ (wk ) est inversible et commute à bk = P ′ (wk ) − P ′ (wk+1 ) qui est
nilpotent. L'inverse de P ′ (wk+1 ) est alors :
(P ′ (wk+1 ))
−1
(
(
= ak Id − a−1
k bk
))−1
(
= Id − a−1
k bk
)−1
a−1
k =
(r −1
k
∑
(
a−1
k bk
)j
)
a−1
k
(17.2)
j=0
Cet inverse est polynomial en u puisque a−1
k et bk sont dans K [u] .
Il reste enn à vérier que P (wk+1 ) est nilpotent.
En utilisant, la formule de Taylor pour les polynômes :
′
P (Y ) = P (X) + (Y − X) P (X) + (Y − X)
2
p
∑
1
j!
j=2
P (j) (X) (Y − X)j−2
= P (X) + (Y − X) P ′ (X) + (Y − X)2 Q (X, Y )
(on a supposé que p ≥ 2), on déduit qu'il existe un polynôme Rk dans K [X] tels que :
P (wk+1 ) = P (wk ) + (wk+1 − wk ) P ′ (wk ) + (wk+1 − wk )2 Rk (u)
avec :
P (wk ) + (wk+1 − wk ) P ′ (wk ) = P (wk ) − P (wk ) (P ′ (wk ))
−1
P ′ (wk ) = 0
ce qui nous donne :
(
)2
−1
P (wk+1 ) = P (wk ) (P ′ (wk ))
Rk (u) = P (wk ) Sk (u)
(17.3)
où Sk ∈ K [X] et P (wk+1 ) est nilpotent comme P (wk ) (qui commute à Sk (u)).
La suite (wk )k∈N est donc bien dénie.
Lemme 17.9 Avec les notations qui précèdent, la suite (wk )k∈N est stationnaire sur d à partir
d'un certain rang.
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
460
Démonstration. Il s'agit tout d'abord de montrer que P (wk ) = 0 à partir d'un certain
rang.
k
De (17.3) , on déduit que pour tout entier k, l'endomorphisme P (wk ) est multiple de (P (u))2
dans K [u] . En eet, c'est vrai pour k = 0 (P (w0 ) = P (u)) et supposant le résultat acquis pour
k
k ≥ 0, soit P (wk ) = (P (u))2 Qk (u) avec Qk ∈ K [X] , on a dans K [u] (qui est commutatif) :
(
)2
−1
P (wk+1 ) = (P (wk ))2 (P ′ (wk ))
Rk (u)
(
)2 (
)2
k
−1
= (P (u))2 Qk (u)
(P ′ (wk ))
Rk (u)
k+1
= (P (u))2
Qk+1 (u)
Et comme P (u) est nilpotent, on aura P (wk ) = 0 pour k assez grand, ce qui équivaut à dire
que wk+1 = wk et wk+p = wk pour tout p ≥ 0.
Soit k0 ≥ 0 le plus petit entier tel que P (wk0 ) = 0.
Comme wk0 est annulé par le polynôme P qui est scindé à racines simples, cet endomorphisme
est diagonalisable.
Si k0 = 0, l'endomorphisme u = w0 est diagonalisable, donc d = u et n = 0.
Si k0 ≥ 1, en écrivant que :
u − w k0 = w 0 − w k0 =
k∑
0 −1
(wj − wj+1 )
j=0
=
k∑
0 −1
′
P (wj ) (P (wj ))
−1
=
j=0
k∑
0 −1
j
−1
(P (u))2 Qj (u) (P ′ (wj ))
j=0
on voit que u − wk0 est multiple de P (u) dans K [u] , donc nilpotent comme P (u) .
On a donc une décomposition u = wk0 + (u − wk0 ) avec wk0 qui commute à u − wk0 qui est
nilpotent, c'est donc la décomposition de Dunford-Schwarz de u. En particulier wk0 = d.
Remarque 17.10 Le calcul des
eet, en remarquant que :
wk peut se faire sans connaître les valeurs propres de u. En
Pu ∧
Pu′
=
p
∏
(X − λk )αk −1
k=1
(λk est racine d'ordre αk de Pu donc racine d'ordre αk − 1 de Pu′ ), on déduit que :
P (X) =
p
∏
k=1
(X − λk ) =
Pu (X)
Pu ∧ Pu′
le pgcd de Pu et Pu′ pouvant se calculer en utilisant l'algorithme d'Euclide, c'est-à-dire en
eectuant des divisions euclidiennes.
Le calcul de l'inverse V (u) de P ′ (u) se fait aussi en utilisant l'algorithme d'Euclide pour
déterminer V dans la relation de Bézout APu + V P ′ = 1 (on peut remplacer πu par Pu ).
Les inverses suivants se calculant avec la formule (17.2) .
17.7 Endomorphismes semi-simples
Si le corps K n'est pas algébriquement, on a encore une décomposition de Dunford-Schwarz,
l'endomorphisme diagonalisable d étant remplacé par un endomorphisme semi-simple.
On se donne u ∈ L (E) .
Endomorphismes semi-simples
461
Dénition 17.3 On dit que u est semi-simple si tout sous-espace vectoriel de E stable par u
admet un supplémentaire stable par u.
Théorème 17.11 Si le corps K est algébriquement clos, alors u est semi-simple si, et seulement si, il est diagonalisable.
Démonstration. Supposons u semi-simple. On désigne par λ1 , · · · , λp les valeurs propres
deux à deux distinctes de u dans K algébriquement clos et on note F =
p
⊕
ker (u − λk Id) . Il
k=1
s'agit alors de montrer que F = E. Comme les sous-espaces propres ker (u − λk Id) sont tous
stables par u, il en est de même de F et ce sous-espace vectoriel admet un supplémentaire G
dans E qui est stable par u. Si G ̸= {0} , la restriction v de u à G est un endomorphisme de G
qui admet des valeurs propres puisque K est algébriquement clos. Mais si λ est une telle valeur
propre et x ∈ G \ {0} un vecteur propre associé, il existe un entier k compris entre 1 et p tel
que λ = λk et x ∈ ker (u − λk Id) , ce qui entraîne x ∈ F ∩ G avec x ̸= 0, en contradiction avec
F ∩ G = {0} . On a donc G = {0} et E = F, ce qui signie que u est diagonalisable.
Supposons u diagonalisable. On a donc E =
p
⊕
ker (u − λk Id) avec les notations qui pré-
k=1
cèdent. Si F est un sous-espace vectoriel de E stable par u, la restriction v de u à F est un endop
⊕
morphisme de F diagonalisable. On a alors F =
ker (v − λk Id) , certains des ker (v − λk Id) ⊂
k=1
ker (u − λk Id) pouvant être réduits à {0} (le polynôme minimal de v divise πu , donc les valeurs
propres de v sont dans {λ1 , · · · , λp }). En désignant, pour tout k compris entre 1 et p, par Gk un
supplémentaire de ker (v − λk Id) dans ker (u − λk Id) , Gk est stable par u (puisque u (x) = λk x
p
⊕
pour tout x ∈ Gk ⊂ ker (u − λk Id)), donc aussi G =
Gk et avec :
k=1
E=
p
⊕
k=1
ker (u − λk Id) =
p
⊕
ker (v − λk Id) ⊕ Gk = F ⊕ G
k=1
En dénitive, tout sous-espace vectoriel de E stable par u admet un supplémentaire dans E
stable par u, ce qui signie que u est semi-simple.
On peut aussi utiliser le théorème de la base incomplète pour les espaces vectoriels de
dimension nie.
Rappelons ce théorème : Si G est une famille génératrice de E et L une famille libre contenue
dans G, on peut alors compléter L en une base de E avec des éléments de G. On déduit de ce
théorème le corollaire suivant : Si G est une famille génératrice de E et L une famille libre de
E, on peut alors compléter L en une base de E avec des éléments de G (il sut de remarquer
que G ′ = G ∪ L est génératrice et contient L).
En supposant u diagonalisable, il existe une base B = (ei )1≤i≤n de E formée de vecteurs
propres de u et pour tout sous-espace vectoriel strict F de E stable par u (pour F = E, il n'y a
rien à montrer), une base (fi )1≤i≤p de F peut se compléter en une base de E avec des éléments
)
(
une telle base, l'espace vectoriel G engendré par
de
B
et
en
notant
f
,
·
·
·
,
f
,
e
,
·
·
·
,
e
1
p
i
i
n
p+1
(
)
eip+1 , · · · , ein est un supplémentaire de F stable par u.
On peut remarquer que l'implication u diagonalisable entraîne u semi-simple est valable pour
tout corps commutatif K (non nécessairement algébriquement clos).
Théorème 17.12 Si u est semi-simple, son polynôme minimal est alors sans facteurs carrés
dans sa décomposition en facteurs irréductibles dans K [x] (i. e. πu =
polynômes irréductibles deux à deux distincts dans K [x]).
p
∏
k=1
Pk , où les Pk sont des
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
462
Démonstration. Il est équivalent de montrer que s'il existe deux polynômes non constants
P et Q tels que πu = P 2 Q, alors u ne peut être semi-simple. Pour ce faire on considère le sousespace vectoriel de E, F = ker (P (u)) . Pour tout x ∈ F, on a P (u) (u (x)) = u (P (u) (x)) =
u (0) = 0 (K [u] est une algèbre commutative), donc F est stable par u et il admet un supplémentaire G dans E qui est stable par u si u est semi-simple.
Comme K [u] est une algèbre commutative, on a (P Q) (u) (x) = Q (u) (P (u)) (x) = 0 pour
tout x ∈ F et P (u) ((P Q) (u) (x)) = πu (u) (x) = 0 pour tout x ∈ G, donc (P Q) (u) (x) ∈ F
pour tout x ∈ G et comme (P Q) (u) (x) est aussi dans G puisque cet espace est stable par
u, on a aussi (P Q) (u) (x) ∈ G, ce qui donne (P Q) (u) (x) ∈ F ∩ G = {0} . L'endomorphisme
(P Q) (u) est donc nul sur E puisqu'il est nul sur F et G, ce qui contredit le caractère minimal
de πu .
En dénitive πu est sans facteurs carrés dans K [x] si u est semi-simple.
Lemme 17.10 On suppose que le polynôme minimal πu est irréductible dans K [x] et on note
L le corps
K [x]
.
(πu )
1. L'espace vectoriel E peut être muni d'une structure de L-espace vectoriel avec la multiplication externe dénie par :
P · x = P (u) (x)
pour tout P ∈ L et tout x ∈ u.
2. F est un K-sous-espace vectoriel de E stable par u si, et seulement si, F est un L-sousespace vectoriel de E.
3. u est semi-simple.
Démonstration. Si πu est irréductible dans K [x] , on sait alors que L =
Pour P ∈ K [x] , la classe de P modulo πu est
K [x]
est un corps.
(πu )
P = {Q ∈ K [x] | πu divise P − Q} ,
et on vérie facilement que L muni des lois dénies par P + Q = P + Q et P Q = P Q est
un anneau commutatif unitaire. Dire que P ̸= 0 équivaut à dire que P n'est pas divisible par
πu , il est donc premier avec πu puisque πu est irréductible et le théorème de Bézout nous dit
qu'il existe deux polynômes U et V tels que U P + V πu = 1, ce qui entraîne U P = 1 et P est
inversible d'inverse U .
1. L'espace vectoriel E peut alors être muni d'une structure de L-espace vectoriel avec la
multiplication externe dénie par :
P · x = P (u) (x)
pour tout P ∈ L et tout x ∈ u. Vérions que cette multiplication est bien dénie, c'est-àdire que P · .x ne dépend du choix d'un représentant de la classe de P. Si P ≡ Q modulo
πu , on a P − Q = Rπu et P (u) − Q (u) = R (u) ◦ πu (u) = 0, donc P (u) (x) = Q (u) (x)
pour tout x ∈ E.
On vérie ensuite facilement qu'avec cette multiplication externe E est un L-espace vectoriel. On sait déjà que (E, +) est un groupe commutatif et pour P , Q dans L, x, y dans
E, on a :

P · (x +)y) = P (u) (x + y) = P (u) (x) + P (u) (y) = P · x + P · y


 (
(P +)Q · x = (P + Q) (u) (x) = P (u) (x) + Q (u) (x) = P · x + Q (· x )

P Q · x = (P Q) (u) (x) = P (u) ◦ Q (u) (x) = P · (Q (u) (x)) = P Q · x


1 · x = Id (x) = x
Endomorphismes semi-simples
463
2. Si F est un K-sous-espace vectoriel de E stable par u, alors F est un L-sous-espace
vectoriel de E. En eet pour x, y dans F on a déjà x + y ∈ F et pour tout P ∈ L, on a
P · x = P (u) (x) ∈ F puisque F est stable par u.
Réciproquement, si F est un L-sous-espace vectoriel de E, on a alors P · x ∈ F pour tout
x ∈ F et P ∈ L, ce qui donne pour P = X, X · x = u (x) ∈ F pour tout x ∈ F, ce qui
signie que F est stable par u.
3. Comme F est un L-sous-espace vectoriel de E, il admet un L-supplémentaire G dans E
et ce supplémentaire est également un K-supplémentaire de F dans E qui est stable par
u. En dénitive, u est semi-simple.
Théorème 17.13 Si le polynôme minimal de u est sans facteurs carrés dans sa décomposition
en facteurs irréductibles dans K [x] , alors u est semi-simple.
Démonstration. Supposons πu sans facteurs carrés, soit πu =
p
∏
Pk , les Pk étant irréduc-
k=1
tibles deux à deux distincts dans K [x] . Le théorème de décomposition des noyaux nous dit alors
que E = ker (πu (u)) =
p
⊕
ker (Pk (u)) . Chacun des sous-espaces ker (Pk (u)) est stable par u
k=1
(puisque u et Pk (u) commutent) et le polynôme minimal de la restriction vk de u à ker (Pk (u))
est égal à Pk et comme ce polynôme est irréductible, vk est semi-simple. Si F est un sous-espace
vectoriel de E stable par u, on a alors F =
u à F étant annulée par πu =
F =
p
⊕
ker (Pk (v)) =
k=1
p
⊕
p
∏
p
⊕
ker (Pk (u)) ∩ F. En eet, la restriction v de
k=1
Pk , le théorème de décomposition des noyaux nous dit que
k=1
ker (Pk (u)) ∩ F. En désignant, pour tout k compris entre 1 et p,
k=1
par Gk un supplémentaire de ker (Pk (v)) dans ker (Pk (u)) , Gk est stable par u puisque vk est
semi-simple, donc aussi G =
p
⊕
Gk et avec :
k=1
E=
p
⊕
ker (Pk (u)) =
k=1
p
⊕
(ker (Pk (u)) ∩ F ) ⊕ Gk = F ⊕ G
k=1
on déduit que F admet un supplémentaire stable par u.
L'endomorphisme u donc est semi-simple.
Remarque 17.11 Dans le cas où le corps
K est algébriquement, les polynômes irréductibles
sont de degré 1 et dire que πu est sans facteurs carrés équivaut à dire qu'il est scindé à racines
simples, ce qui équivaut à dire que u est diagonalisable, soit semi-simple.
Lemme 17.11 Si u est semi-simple, alors pour tout sous-espace F de E stable par u, la restriction de u à F est semi-simple.
Démonstration. Si u est semi-simple et F est un sous-espace vectoriel de E stable par u,
alors la restriction v de u à F est un endomorphisme de F dont le polynôme minimal πv divise
celui de u, ce polynôme πv est donc sans facteurs carrés comme πu et v est semi-simple.
Exercice 17.15 Quels sont les endomorphismes nilpotents de u qui sont semi-simples ?
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
464
Solution 17.15 Le polynôme minimal d'un endomorphisme nilpotent v est X q avec q ≥ 1 et
ce endomorphisme est semi-simple si, et seulement si, q = 1, ce qui revient à dire que v est nul.
Théorème 17.14 (Dunford-Schwarz) Pour K = R ou C, il existe un unique couple (d, v)
d'endomorphismes de E tel que d soit semi-simple, v soit nilpotent, d et v commutent et u =
d + v.
Démonstration. Pour
K = C, le résultat annoncé est le théorème de Dunford-Schwarz
classique puisque diagonalisable et semi-simple sont équivalents dans ce cas.
On suppose que K = R. On se donne une base B = (ei )1≤i≤n de E et on désigne par
A ∈ Mn (R) la matrice de u dans cette base. Cette matrice A est la matrice dans la base
canonique d'un endomorphisme ue ∈ L (Cn ) et la décomposition de Dunford-Schwarz ue = de+ ve
dans L (Cn ) nous donne la décomposition A = D + V dans Mn (C) avec D diagonalisable, V
nilpotente, DV = V D, les matrices D et V étant des polynômes en A. Avec A = A = D + V
et l'unicité de la décomposition, on déduit que D = D et V = V , c'est-à-dire que D et V sont
réelles. L'égalité A = D + V dans Mn (R) se traduit alors par u = d + v avec v nilpotent. Le
polynôme minimal de d (ou D) sur R étant égal à son polynôme minimal sur C, on déduit que
πd est scindé à racine simple dans C [X] , donc sans facteurs carrés dans R [X] , ce qui revient
à dire que D est semi-simple.
17.8 Applications
17.8.1 Équations diérentielles linéaires d'ordre n à coecients constants
On s'intéresse tout d'abord aux équations diérentielles linéaires, homogènes (ou sans second
membre), d'ordre n ≥ 1 à coecients constants sur I = R :
(17.4)
y (n) = an−1 y (n−1) + · · · + a0 y
où les ak sont des scalaires donnés.
On note D l'opérateur de dérivation qui associe à toute fonction y ∈ C ∞ (R, C) sa dérivée. Cet
opérateur est un endomorphisme de C ∞ (R, C) et on peut dénir ses itérés Dk par D0 = Id et
Dk+1 = Dk ◦D pour tout k ∈ N (pour tout y ∈ C ∞ (R, C) , on a Dk (y) = y (k) ). À tout polynôme
Q (X) =
q
∑
qk X k dans C [X] on peut associer l'opérateur diérentiel Q (D) =
k=0
q
∑
qk Dk et il
k=0
est facile de vérier que si P, Q sont deux polynômes alors P (D) ◦ Q (D) = Q (D) ◦ P (D) =
(P Q) (D) .
Dénition 17.4 Avec ces notations, le polynôme :
P (X) = X −
n
n−1
∑
ak X k
k=0
est le polynôme caractéristique de (17.4) .
L'ensemble S des solutions de (17.4) est ker (P (D)) , où P est le polynôme caractéristique
de cette équation diérentielle. C'est donc un espace vectoriel.
En notant λ1 , · · · , λp les racines complexes deux à deux distinctes de multiplicités respectives
m1 , · · · , mp de P, on a P (X) =
p
∏
k=1
(X − λk )mk et P (D) =
p
∏
k=1
(D − λk Id )mk .
Applications
465
Lemme 17.12 Avec les notations qui précèdent, on :
S = ker (P (D)) =
p
⊕
ker ((D − λk Id )mk ) .
k=1
Démonstration. Il sut de recopier la démonstration du théorème de décomposition des
noyaux.
Les polynômes P1 , · · · , Pp dénis par Pk (X) =
p
∏
P (X)
(X − λj )mj sont premiers
mk =
(X − λk )
j=1
j̸=k
entre eux dans leur ensemble (lemme 17.3).
Le théorème de Bézout nous dit alors qu'il existe des polynômes U1 , · · · , Up tels que
p
∑
1, ce qui entraîne
p
∑
Uk Pk =
k=1
Uk (D) ◦ Pk (D) = Id et :
k=1
∀y ∈ C ∞ (R, C) , y =
p
∑
Uk (D) ◦ Pk (D) (y)
k=1
Si y est solution de l'équation diérentielle (17.4) , on a alors y ∈ ker (P (D)) et pour tout k
compris entre 1 et p, on a :
(D − λk Id )mk ◦ Uk (D) ◦ Pk (D) (y) = Uk (D) ◦ P (D) (y) = 0
soit :
yk = Uk (D) ◦ Pk (D) (y) ∈ ker (Pk (u)) .
p
∑
On a donc ker (P (D)) ⊂
ker ((D − λk Id )mk ) et comme ker ((D − λk Id )mk ) ⊂ ker (P (D)) ,
on a l'égalité ker (P (D)) =
Soit (y1 , · · · , yp ) dans
(
on a 0 = Pk (D)
p
∑
p
∏
k=1
p
∑
k=1
)k=1
yj
ker ((D − λk Id )mk ) .
ker ((D − λk Id )mk ) tel que
p
∑
yj = 0. Pour k compris entre 1 et p,
j=1
= Pk (D) (yk ) . Comme (X − λk )mk et Pk sont premiers entre eux, il
j=1
existe deux polynômes A et B tels que A (X − λk )mk + BPk = 1 et :
A (D) ◦ (D − λk Id )mk + B (D) ◦ Pk (D) = Id
ce qui donne :
yk = (A (D) ◦ (D − λk Id )mk ) (yk ) + (B (D) ◦ Pk (D)) (yk ) = 0
On a donc ker (P (D)) =
p
⊕
ker ((D − λk Id )mk ) .
k=1
Lemme 17.13 Soient λ un nombre complexe et m un entier naturel non nul. Les solutions sur
R de l'équation diérentielle :
(D − λId )m (y) = 0
forment un espace vectoriel de dimension m engendré par les fonctions :
yk : x 7→ xk eλx (0 ≤ k ≤ m − 1) .
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
466
Démonstration. Pour toute fonction
C (R, C) et on a :
∞
y ∈ C ∞ (R, C) , la fonction z = ye−λx est dans
z ′ = (y ′ − λy) e−λx
soit :
y ′ − λy = (D − λId ) y = z ′ eλx .
Par récurrence, on déduit que pour tout entier naturel non nul k, on a (D − λId )k y = z (k) eλx .
En eet, pour k = 1 c'est vrai et supposant le résultat acquis pour k ≥ 1, on a :
(
)′
z (k+1) = e−λx (D − λId )k y
(
)
k
k
−λx
=e
−λ (D − λId ) y + D ◦ (D − λId ) y
= e−λx (D − λId )k+1 y
Il en résulte alors que l'équation diérentielle (D − λId )m (y) = 0 est équivalente à z (m) = 0
encore équivalent à dire que z est une fonction polynomiale de degré au plus égal à m − 1. Les
solutions de (D − λId )m (y) = 0 sont donc de la forme :
x 7→ y (x) = P (x) e
λx
=
m−1
∑
αk xk eλx
k=0
les αk étant des constantes complexes. Considérant que les fonction xk eλx , pour k compris entre
0 et m − 1, sont linéairement indépendantes, on en déduit le résultat annoncé.
Théorème 17.15 Les solutions dénies sur R et à valeurs complexes de l'équation diérentielle
(17.4) sont de la forme :
x 7→ y (x) =
p
∑
eλk x Pk (x) ,
k=1
où, pour tout k compris entre 1 et p, Pk est une fonction polynomiale à coecients complexes
de degré inférieur ou égal à mk − 1, ce qui revient à dire que l'ensemble S des solutions de cette
équation est un C-espace vectoriel de dimension n engendré par les fonctions :
x 7→ xj eλk x (1 ≤ k ≤ p, 0 ≤ j ≤ mk − 1)
Démonstration. Le lemme des noyaux nous dit qu'une solution
manière unique y =
p
∑
y de (17.4) s'écrit de
où pour tout k compris entre 1 et p, yk est solution de l'équation
yk ,
k=1
λk Id )mk (y)
diérentielle (D −
= 0. D'où le résultat.
On suppose que les coecients ak sont réels et on note α1 , · · · , αr les racines réelles distinctes
de P (s'il en existe) et αr+1 ± iβr+1 , · · · , αs ± iβs les racines complexes non réelles (s'il en existe)
de P, les βj étant tous non nuls.
Corollaire 17.5 On suppose que les coecients ak sont réels. Les solutions dénies sur R et
à valeurs réelles de l'équation diérentielle (17.4) sont de la forme
y (x) =
r
∑
k=1
eαk x Pk (x) +
s
∑
k=r+1
eβk x cos (γk x) Pk (x) +
s
∑
eβk x sin (γk x) Qk (x) ,
k=r+1
où, pour tout k compris entre 1 et r, Pk est une fonction polynomiale à coecients réels de degré
inférieur ou égal à mk − 1 et pour tout k compris entre r + 1 et s, Pk et Qk sont des fonctions
Applications
467
polynomiales à coecients réels de degré inférieur ou égal à mk − 1, ce qui revient à dire que
l'ensemble S des solutions réelles de cette équation est un R-espace vectoriel de dimension n
engendré par les fonctions :
{
xj eαk x , (1 ≤ k ≤ r, 0 ≤ j ≤ mk − 1)
xj eβk x cos (γk x) , xj eβk x sin (γk x) , (r + 1 ≤ k ≤ s, 0 ≤ j ≤ mk − 1)
Démonstration. En utilisant les formules d'Euler, on constate que les fonctions proposées
forment une base de l'espace des solutions complexes. Ces fonctions de base étant à valeurs
réelles elles forment bien une base de l'espace des solutions réelles.
17.8.2 Suites complexes dénies par une récurrence linéaire
Dans ce paragraphe on s'intéresse aux suites (un )n∈N de nombres complexes dénies par une
relation de récurrence linéaire et à coecients constants de la forme :
∀n ∈ N, un+p = a0 un + a1 un+1 + · · · + ap−1 un+p−1
(17.5)
où p est un entier naturel non nul et a0 , · · · , ap−1 sont des nombres complexes.
Le cas particulier p = 1 correspond aux suites géométriques : l'équation un+1 = a0 un pour
tout n ∈ N, équivaut à un = u0 an0 .
On suppose donc que p ≥ 2.
En notant φ l'endomorphisme de l'espace vectoriel E = CN des suites complexes déni par :
∀u ∈ E, φ (u) : n 7→ un+1 −
p−1
∑
ak un+k ,
k=0
on constate que l'ensemble S des solutions de (17.5) est le noyau de φ, c'est donc un sous-espace
vectoriel de E.
De plus le théorème de récurrence nous permet de vérier qu'un élément de S est uniquement
déterminé par ces p premières valeurs u0 , · · · , up−1 , soit plus précisément que l'application
u 7→ (u0 , · · · , up−1 ) réalise un isomorphisme de S sur Cp . L'espace vectoriel S des solutions de
(17.5) est donc un espace vectoriel de dimension p.
On désigne par T l'opérateur linéaire de translation déni sur E par :
∀u ∈ E, T (u) : n 7→ un+1
( )
et on dénit la suite de ses itérés T k k∈N par T 0 = Id et T k+1 = T k ◦ T pour tout k ∈ N (pour
p
∑
tout u ∈ E, on a T k (u) : n 7→ un+k ). À tout polynôme P (X) =
αk X k dans C [X] on peut
associer l'opérateur P (T ) =
p
∑
k=0
αk T et il est facile de vérier que si P, Q sont deux polynômes
k
k=0
alors P (T ) ◦ Q (T ) = Q (T ) ◦ P (T ) = (P Q) (T ) .
Dénition 17.5 Avec ces notations, P (X) = X p −
de (17.5) ,
p−1
∑
k=0
ak X k est le polynôme caractéristique
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
468
Si λ1 , · · · , λr sont les racines deux à deux distinctes de multiplicités respectives m1 , · · · , mr
du polynôme caractéristique P, on a alors :

r
∏


(X − λk )mk ,
 P (X) =
k=1
r
∏


φ
=
P
(T
)
=
(T − λk Id )mk .

k=1
En utilisant le théorème des noyaux (théorème 17.6), la détermination de S passe par celles
des noyaux des endomorphismes (T − λk Id )mk .
Le cas d'une racine nulle est élémentaire.
Lemme 17.14 Pour tout entier naturel non nul m, le noyau de T m est formé des suites nulles
à partir du rang m.
Démonstration. La suite u est dans ker (T m ) si, et seulement si, un+m = 0 pour tout n ∈ N.
Lemme 17.15 Pour tout λ ∈ C∗ et tout k ∈ N∗ , la suite
(
nk−1 λn
)
(
)
est dans ker (T − λId )k .
n∈N
Démonstration. On procède par récurrence sur k ≥ 1.
Pour k = 1, on a :
(
) (
)
(T − λId ) (λn )n∈N = λn+1 n∈N − λ (λn )n∈N = 0.
En supposant le résultat acquis jusqu'au rang k ≥ 1, on a :
(T − λId )
((
k n
n λ
)
)
((
=
n∈N
(n + 1) − n
avec :
(n + 1) − n =
k
k
k
k−1
∑
k
)
λ
n+1
)
n∈N
Cki ni ,
i=0
ce qui donne :
(T − λId )
((
k n
n λ
)
)
n∈N
=λ
k−1
∑
(
)
Cki ni λn n∈N
i=0
et avec l'hypothèse de récurrence on en déduit que :
(T − λId )
k+1
((
k n
n λ
)
)
n∈N
=λ
k−1
∑
Cki
(T − λId )
k
((
i n
nλ
)
)
n∈N
= 0.
i=0
On en déduit alors le résultat suivant.
Lemme 17.16 Soient λ un nombre complexe non nul et m un entier naturel non nul. Le noyau
de (T − λId )m est un espace vectoriel de dimension m engendré par les suites :
u(k) : n 7→ nk−1 λn (1 ≤ k ≤ m) .
Applications
469
Démonstration. Le lemme précédent nous dit que les suites u(k) , pour k compris entre 1
et m, sont dans ker ((T − λId )m ) .
De plus ces suites sont linéairement indépendantes. En eet l'égalité
(
à
m
∑
)
αk nk−1 λn = 0 pour tout n ∈ N, ce qui équivaut à
k=1
m
∑
m
∑
αk u(k) = 0 équivaut
k=1
αk nk−1 = 0 puisque λ est non
k=1
nul et tous les coecients αk sont nuls du fait que le polynôme
m
∑
αk xk−1 a une innité de
k=1
racines. L'espace vectoriel ker ((T − λId )m ) étant de dimension m, le résultat en découle.
De ces lemmes on déduit en dénitive le résultat suivant.
Théorème 17.16 Avec les notations qui précèdent, les solutions de (17.5) , où le coecient a0
est non nul (ce qui signie que λ = 0 n'est pas racine du polynôme caractéristique) sont les
suites de la forme :
un =
r
∑
Qk (n) λnk ,
k=1
où, pour tout k compris entre 1 et r, Qk est une fonction polynomiale à coecients complexes
de degré inférieur ou égal à mk − 1, ce qui revient à dire que l'ensemble S des solutions de cette
équation de récurrence est un C-espace vectoriel de dimension p engendré par les suites :
n 7→ nj λnk (1 ≤ k ≤ r, 0 ≤ j ≤ mk − 1) .
Démonstration. Le théorème des noyaux nous dit qu'une solution u ∈ S s'écrit de manière
unique u =
p
∑
u(k) , où pour tout k compris entre 1 et r, u(k) est dans le noyau de (T − λk Id )mk .
k=1
Le lemme précédent permet alors de conclure.
Dans le cas où les coecients ak sont réels, les racines du polynôme caractéristique sont
stables par conjugaison complexe, c'est-à-dire que :
P (X) =
s
∏
(X − αk )
mk
k=1
t
∏
(
)mk
(X − λk )mk X − λk
k=s+1
les αk étant réels et les λk = ρk eiθk complexes non réels (dans le cas où il n'y a pas de racines
réelles [resp. complexes non réelles] le produit correspondant vaut 1) et on a le résultat suivant.
Théorème 17.17 Les suites réelles solutions de (17.5) sont de la forme
un =
s
∑
k=1
Qk (n) αkn +
t
∑
k=s+1
Qk (n) ρnk cos (nθk ) +
t
∑
Rk (n) ρnk sin (nθk ) ,
k=s+1
où, pour tout k compris entre 1 et s, Qk est une fonction polynomiale à coecients réels de
degré inférieur ou égal à mk − 1 et pour tout k compris entre s + 1 et t, Qk et Rk sont des
fonctions polynomiales à coecients réels de degré inférieur ou égal à mk − 1, ce qui revient à
dire que l'ensemble S des suites réelles solutions de cette équation de récurrence est un R-espace
vectoriel de dimension p engendré par les suites :
{
nj αkn , (1 ≤ k ≤ s, 0 ≤ j ≤ mk − 1)
nj ρnk cos (nθk ) , nj ρnk sin (nθk ) , (s + 1 ≤ k ≤ t, 0 ≤ j ≤ mk − 1)
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
470
Démonstration. En utilisant les formules d'Euler, on constate que les suites proposées
forment une base de l'espace des solutions complexes. Ces suites de base étant à valeurs réelles,
elles forment bien une base de l'espace des solutions réelles.
Cette méthode d'étude des équations récurrentes linéaires à coecients constants est analogue à celle utilisée pour la résolution d'équations diérentielles linéaires à coecients constants
d'ordre p.
17.8.3 Calcul du rayon spectral d'une matrice complexe
En étudiant le rayon spectral des matrices complexes, nous avons vu que :
∀A ∈ Mn (C) , ρ (A) = lim
k→+∞
( 1 )
Ak k
où ∥·∥ est une quelconque norme sur Mn (C) (corollaire 16.4).
La décomposition de Dunford-Schwarz nous permet de retrouver ce résultat.
Dans un premier temps, on se donne une norme x 7→ ∥x∥ sur E et on lui associe la norme
sur L (E) dénie par :
∥v (x)∥
x∈E\{0} ∥x∥
∀v ∈ L (E) , ∥v∥ = sup
On rappelle qu'une telle norme est sous-multiplicative dans le sens où ∥v ◦ w∥ ≤ ∥v∥ ∥w∥
pour tous v, w dans L (E) .
On se donne u dans L (E) , λ1 , · · · , λp sont les valeurs propres deux à deux distinctes de u
dans C et on note ρ (u) = max |λk | le rayon spectral de u.
1≤k≤p
Lemme 17.17 On a :
1
∀k ≥ 1, ρ (u) ≤ uk k
Démonstration. Il existe un entier j compris entre 1 et p tel que ρ (u) = |λj | et en désignant
par x ∈ E un vecteur propre de u de norme 1 associé à cette valeur propre λj , on a pour tout
entier k ≥ 1, uk (x) = λkj x, ce qui donne :
ρ (u)k = |λj |k = λkj x = uk (x) ≤ uk 1
et ρ (u) ≤ uk k .
Lemme 17.18 Dans le cas où
u est diagonalisable, il existe une constante réelle α > 0 telle
que :
1
1
∀k ≥ 1, uk k ≤ α k ρ (u)
et :
(
)
k 1
k
ρ (u) = lim
u
.
k→+∞
Démonstration. Si u est diagonalisable, il existe alors une base B = (ei )1≤i≤n de E formée
de vecteurs propres de u avec u (ei ) = µi ei pour tout i compris entre 1 et n, où les µi sont
les valeurs propres de u distinctes ou confondues. On a alors, pour tout vecteur x ∈ E et tout
entier k ≥ 1 :
(
)
k
k
u (x) = u
n
∑
j=1
xj ej
=
n
∑
j=1
k
xj u (ej ) =
n
∑
j=1
xj µki ej
Applications
471
et :
n
n
∑
k
∑
k
k
u (x) ≤
|xj | µi ∥ej ∥ ≤ ρ (u)
|xj | ∥ej ∥ ,
j=1
j=1
soit en posant β = max ∥ej ∥ :
1≤i≤n
n
∑
k
u (x) ≤ βρ (u)k
|xj |
j=1
L'application x 7→ ∥x∥1 =
n
∑
|xj | dénissant une norme sur E qui est équivalente à x 7→ ∥x∥
j=1
(en dimension nie toutes les normes sont équivalentes), il existe une constante γ > 0 telle
∥x∥1 ≤ γ ∥x∥ pour tout x ∈ E et on a :
k
u (x) ≤ βγρ (u)k ∥x∥
1
pour tout x ∈ E et tout k ≥ 1, ce qui entraîne uk ≤ βγρ (u)k = αρ (u)k et uk k ≤ α k ρ (u) .
On a donc, pour tout entier k ≥ 1 :
1
1
1
ρ (u) ≤ uk k ≤ α k ρ (u)
1
1
et avec lim α k = 1 pour α > 0, on déduit que lim uk k = ρ (u) .
k→+∞
k→+∞
Lemme 17.19 En notant
u = d + v la décomposition de Dunford-Schwarz, il existe une
constante réelle β > 0 telle que :
∀k ≥ n, uk ≤ βk n dk−n et :
(
)
k 1
ρ (u) = lim u k .
k→+∞
Démonstration. On a la décomposition de Dunford u = d + v avec d diagonalisable de
mêmes valeurs propres que u, v nilpotente et dv = vd. Pour tout entier j ≥ n, on a v j = 0 (le
polynôme minimal de v est X p avec p compris entre 1 et n) et pour k ≥ n :
uk = (d + v)k =
k
∑
j=0
ce qui entraîne :
Ckj dk−j v j =
n
∑
Ckj dk−j v j = dk−n
j=0
n
∑
Ckj dn−j v j .
j=0
n
k k−n ∑
u ≤ d Ckj ∥d∥n−j ∥v∥j .
j=0
(la norme choisie sur L (E) est ici sous-multiplicative).
Pour tout j compris entre 0 et n, on a :
Ckj
k!
k (k − 1) · · · (k − j + 1)
kj
=
=
≤
≤ kn,
j! (k − j)!
j!
j!
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
472
ce qui donne :
n
k k−n n ∑
u ≤ d k
∥d∥n−j ∥v∥j = βk n dk−n j=0
n
∑
avec β =
∥d∥n−j ∥v∥j > 0 (u ̸= 0).
j=0
On a donc :
1
1
1 n ∀k ≥ n, ρ (u) ≤ uk k ≤ β k k k dk−n k ,
(
)
1 n
ln (β)
ln (k)
k
k
avec lim β k lim exp
+n
= 1 et :
k→+∞
k→+∞
k
k
(
k−n 1
1 ) k−n
k
k−n k−n
k
lim d
= lim
d
= ρ (d)
k→+∞
puisque lim
k→+∞
k→+∞
(
1 )
dk−n k−n = ρ (d) (d est diagonalisable) et :
lim t
k−n
k
k→+∞
((
= lim exp
k→+∞
1−
)
n)
ln (t) = t
k
pour tout t > 0 (pour t = 0,
Enn comme d et u ont les mêmes valeurs propres,
( c'est évident).
)
on a ρ (d) = ρ (u) et lim
k→+∞
Théorème 17.18
k 1
u k
= ρ (u) .
)
(
k 1
k
où ∥·∥ est une norme quelconque sur L (E) .
On a ρ (u) = lim
u
k→+∞
Démonstration. Se déduit du fait que toutes les normes sur L (E) sont équivalentes (cet
espace est de dimension nie).
Corollaire 17.6 La série
∑
uk est convergente dans L (E) si, et seulement si, ρ (u) < 1. En
+∞
∑
∑ k
cas de convergence de uk , l'endomorphisme Id − u est inversible d'inverse
u .
k=0
(
)
k 1
k
Démonstration. Si ρ (u) < 1, on a alors k→+∞
lim
u
= ρ (u) < 1 et le critère de
∑ k
Cauchy ∑
pour les séries réelles nous dit que la série u est convergente, ce qui signie que
la série uk est normalement convergente dans L (E) , donc convergente puisque ce espace est
complet.
∑
si la série uk converge, son terme général tend vers 0 et avec ρ (u)k ≤
kRéciproquement
u pour une norme sur L (E) qui est sous-multiplicative, on déduit que lim ρ (u)k = 0 et
k→+∞
nécessairement ρ (u) < 1.
(
)
k 1
1
k
On peut aussi dire que si ρ (u) > 1, on a alors lim
u
= ρ (u) > 1, donc uk k ≥
k→+∞
ρ (u) − ε pour k assez grand où ε > 0 est choisi assez petit pour que ρ (u) − ε > 1, ce qui
entraîne :
et la série
k
u ≥ (ρ (u) − ε)k
∑
uk diverge.
→ +∞
k→+∞
Applications
473
Pour ρ (u) < 1, on a pour tout k ≥ 1 :
(Id − u)
k
∑
uj = Id − uk+1
j=0
et avec la continuité de l'application w 7→ (Id − u) ◦ w sur L (E) , on déduit que :
Id = lim
k→+∞
(
Id − u
)
k+1
( k
∑
= (Id − u) lim
k→+∞
ce qui signie que Id − u est inversible d'inverse
+∞
∑
)
j
u
= (Id − u)
j=0
+∞
∑
uk
k=0
uk .
k=0
17.8.4 Exponentielle d'un endomorphisme
On suppose que K = C et v 7→ ∥v∥ est une norme sur L (E) .
On rappelle tout d'abord comment justier la dénition de l'endomorphisme eu par :
+∞
∑
1 k
e =
u .
k!
k=0
u
Toutes les normes sur L (E) étant équivalentes, on peut supposer que la norme choisie sur
L (E) est déduite d'une norme sur E, donc sous-multiplicative.
Pour tout entier k ≥ 0, on a :
uk ∥u∥k
≤
k! k!
avec
+∞
∑
∥u∥k
k=0
k!
= e∥u∥ < +∞ et en conséquence la série
∑ uk
est normalement convergence dans
k!
L (E) , donc convergente puisque cet espace est complet (il est de dimension nie). De plus, on
a:
+∞ k +∞
k
∑
u
∑ ∥u∥
∥eu ∥ = = e∥u∥ .
≤
k! k!
k=0
k=0
On dénit de manière analogue l'exponentielle d'une matrice A ∈ Mn (C) par :
eA =
+∞
∑
1 k
A
k!
k=0
Si B = (ei )1≤i≤n est une base de E et A la matrice de v dans cette base, on a alors du fait
de la continuité du produit matriciel, pour tout entier i compris entre 1 et n :
ev · ei = lim
k→+∞
k
∑
1
j=0
k!
v k · ei
ce qui se traduit en disant que la matrice de e dans B est lim
v
k→+∞
On se donne u ∈ L (E) .
k
∑
1
k!
j=0
Ak = eA .
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
474
Exercice 17.16 Calculer, pour tout réel θ l'exponentielle de la matrice Aθ =
Solution 17.16 Pour tout réel θ, on a :
(
A2θ
=
−θ2 0
0 −θ2
(
0 −θ
θ 0
)
.
)
= −θ2 I2
et en conséquence, pour tout entier k ≥ 0, on a :
(
A2k
θ
=
(−1)k θ2k
0
0
(−1)k θ2k
et :
(
A2k+1
θ
=
A2k
θ Aθ
k
2k
= (−1) θ Aθ =
)
= (−1)k θ2k In
0
− (−1)k θ2k+1
(−1)k θ2k+1
0
)
ce qui donne :
Aθ
e
+∞
+∞
∑
∑
A2k
A2k+1
θ
θ
=
+
(2k)! k=0 (2k + 1)!
k=0
)
) (
(
0
− sin (θ)
cos (θ)
0
+
=
sin (θ)
0
0
cos (θ)
(
)
cos (θ) − sin (θ)
=
sin (θ) cos (θ)
∑ Ak
θ
soit la matrice de la rotation d'angle θ (la série
étant normalement convergence est
k!
commutativement convergente).
En fait Aθ est la représentation matricielle du nombre complexe iθ et eAθ est la représentation
de eiθ (la multiplication par eiθ est bien la rotation d'angle θ).
Exercice 17.17
1. Montrer que la fonction φ : t 7→ etu est de classe C 1 de R dans L (E) et calculer sa dérivée.
2. Montrer que eu est inversible d'inverse e−u .
3. Soient v, w dans L (E) . Montrer que et(v+w) = etv etw pour tout réel t si, et seulement si
v et w commutent.
Solution 17.17
1. Pour tout segment réel [a, b] , tout entier k ≥ 1 et tout t ∈ [a, b] , on a :
k−1 k k
t u ≤ αk−1 ∥u∥
(k − 1)! (k − 1)!
où α = max (|a| , |b|) . Il en résulte que la série dérivée
convergente
∑ tk−1 uk
de la série simplement
(k − 1)!
∑ tk uk
est uniformément convergente sur [a, b] . Comme chaque fonction
k!
Applications
475
tk uk
est de classe C 1 sur R, on en déduit que la fonction φ est de classe C 1 sur tout
k!
segment de R, donc sur R, et sa dérivée est donnée par :
t 7→
φ′ (t) =
+∞ k−1 k
+∞ k k
∑
∑
t u
t u
=v
= uetu
(k
−
1)!
k!
k=1
k=0
Comme u et etu commutent, on a aussi φ′ (t) = etu u.
2. La fonction ψ : t 7→ etu e−tu est dérivable sur R de dérivée :
ψ ′ (t) = uetu e−tu + etu (−u) e−tu = (u − u) etu e−tu = 0
ce qui entraîne que ψ est constante, soit ψ (t) = ψ (0) = Id pour tout réel t, ce qui signie
que etu est inversible d'inverse e−tu .
3. Pour la condition susante, on peut procéder comme suit.
Supposons que v et w commutent. La fonction ψ : t 7→ et(v+w) e−tv e−tw est dérivable sur R
de dérivée :
ψ ′ (t) = (v + w) et(v+w) e−tv e−tw + et(v+w) (−v) e−tv e−tw + et(v+w) e−tv (−w) e−tw
= (v + w − v − w) et(v+w) e−tv e−tw = 0
puisque tous les endomorphismes considérés commutent, ce qui entraîne que ψ est constante,
soit ψ (t) = ψ (0) = Id pour tout réel t. Comme e−tv est l'inverse de etv pour tout endomorphisme v, on en déduit que et(v+w) = etv etw et t = 1 donne le résultat attendu.
L'unicité du développement en série entière au voisinage de 0 d'une fonction développable
en série entière de ]−r, r[ dans l'algèbre de Banach L (E) (identiée à Mn (C)), nous
donne une démonstration de la condition nécessaire. Pour v, w xés dans L (E) et tout
réel t on a :
e
t(v+w)
=
+∞ k
∑
t (v + w)k
k=0
k!
et :
tv tw
e e
=
+∞ k k ∑
+∞ k k
∑
t v
t w
k=0
k!
k=0
+∞
) ∑
t2 ( 2
2
tk uk
= Id + t (v + w) +
v + 2vw + w +
k!
2
k=3
et l'égalité et(v+w) = etv etw est réalisée si et seulement si tous les coecients de ces deux
développement en séries entières coïncident, ce qui entraîne en particulier (v + w)2 =
v 2 + 2vw + w2 ce qui équivaut à vw = wv.
Lemme 17.20 En notant u = d + v la décomposition de Dunford-Schwarz de u, on a :
eu = ed ev = ed
q−1
∑
1 k
v
k!
k=0
où q ≥ 1 est l'indice de nilpotence de v et eu est un polynôme en u.
Démonstration. Comme d et v commutent, on a eu = ed ev avec :
q−1
∑
1 k
e =
v
k!
k=0
v
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
476
puisque v k = 0 pour k ≥ q.
Avec l'exercice 18.5, on a vu que si d est diagonalisable, alors ed est un polynôme en d. Comme
dans la décomposition de Dunford-Schwarz les endomorphismes d et v sont des polynômes en
u, il en est de même de eu = ed
q−1
∑
k=0
1 k
v .
k!
Le fait que eu est un polynôme en u peut aussi se montrer en utilisant un argument topologique. L'ensemble K [u] des polynômes en u est un sous-espace vectoriel de L (E) et comme
L (E) est de dimension nie, tout sous-espace vectoriel en est un fermé. En particulier K [u] est
fermé dans L (E) , donc égal à son adhérence et e = lim
u
k
∑
1
k→+∞
est dans K [u] .
j!
j=0
uj qui est dans cette adhérence
Théorème 17.19 Si u = d + v est la décomposition de Dunford-Schwarz de u, alors celle de
eu est donnée par :
eu = ed + ed (ev − Id) ,
avec ed diagonalisable et ed (ev − In ) nilpotente.
Démonstration. On a :
(
)
q−1
q−1
∑
∑
1 k
1 k−1
d
e =e e =e
v = e Id + v
v
k!
k!
k=0
k=1
u
d v
d
q−1
∑
1 k−1
= e + ve
v
= ed + v · w
k!
k=1
d
d
(v et ed commutent puisque v et d commutent).
Comme v est nilpotent d'indice q et commute à w, on a (v · w)q = v q wq = 0, c'est-à-dire que
v · w est nilpotent.
L'endomorphisme ed est diagonalisable comme d. On a donc obtenu ainsi la décomposition
de Dunford-Schwarz de ev puisque cette décomposition est unique.
La partie nilpotente de cette décomposition s'écrit aussi :
q−1
∑
1 k
v·w =e
v = ed (ev − Id) .
k!
k=1
d
Corollaire 17.7
u est diagonalisable si, et seulement si, eu est diagonalisable.
Démonstration. En désignant par u = d + v la décomposition de Dunford de u, on déduit
de l'unicité de cette décomposition que u est diagonalisable si, et seulement si, v = 0.
Il en résulte que si u est diagonalisable alors la partie nilpotente de la décomposition de
Dunford de eu est ed (ev − Id) = 0 et eu est diagonalisable.
Réciproquement dire que eu est diagonalisable équivaut à dire que ed (ev − Id) = 0, soit à
q 1
∑
v k = Id, où q ≥ 1 est l'indice de nilpotence
k=0 k!
q 1
q 1
∑
∑
de v, soit
v k = 0, c'est-à-dire que P (X) =
X k est un polynôme annulateur de v
k=1 k!
k=1 k!
ev = Id puisque ed est inversible. On a donc
Applications
477
et X q qui est le polynôme minimal de v va diviser P, ce qui impose q = 1 (on a
identiant les termes de degré q ), soit v = 0 et u est diagonalisable.
1
= 1 en
q!
q 1
∑
v k = 0, ce
k!
k=1
qui est incompatible avec le fait que q est l'indice de nilpotence de v. On a donc q = 1.
Pour montrer que q = 1, on peut aussi écrire que si q ≥ 2, alors v q−1 = v q−2
Exercice 17.18 Déterminer toutes les solutions dans L (E) de l'équation eu = Id.
Solution 17.18 Pour E = C, on a L (E) = C et les solution de ez = 1 dans C sont les e2inπ
où n décrit Z.
De manière générale soit u ∈ L (E) tel que eu = Id. La décomposition de Dunford-Schwarz
u = d + v de u donne celle de eu :
eu = ed + ed (ev − Id)
et avec l'unicité de cette décomposition, on déduit que l'équation eu = Id équivaut à ed = Id et
ev = Id. On a vu que ev = Id avec v nilpotent équivaut à v = 0. De plus ed est diagonalisable
de valeurs propres eµk où les µk , pour k compris entre 1 et n, sont les valeurs propres de d,
donc celles de u et ed = Id impose eµk = 1, soit µk ∈ 2iπZ pour tout k compris entre 1 et n.
En dénitive, u est diagonalisable de valeurs propres dans 2iπZ. La réciproque étant évidente.
478
Polynômes d'endomorphismes en dimension nie. Applications
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