Corine PelluChon écoLoGiE ET LibéraLiSmE

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Corine
Pelluchon
écologie et
libéralisme
www.fondapol.org
Août 2011
www.fondapol.org
écologie
et libéralisme
Corine Pelluchon
La Fondation pour l’innovation politique
est un think tank libéral, progressiste et européen.
Président : Nicolas Bazire
Vice-président : Charles Beigbeder
Directeur général : Dominique Reynié
La Fondapol publie la présente note dans le cadre de ses travaux sur
les valeurs.
Avertissement
Cette note de Corine Pelluchon a suscité un débat substantiel au sein de la Fondation
et de son Conseil scientifique. La question de la prise en charge des enjeux
environnementaux contemporains par les formes et les procédures classiques de
la démocratie représentative a été particulièrement discutée. Afin de prolonger
cette réflexion, la Fondation reviendra sur les liens que l’écologie peut entretenir
avec la tradition libérale dans ses prochaines publications.
écologie et libéralisme
Corine Pelluchon
Philosophe, maître de conférences à l’université de Poitiers, spécialiste de philosophie politique
et d’éthique appliquée (bioéthique, éthique environnementale et éthique animale)
« Aucun changement éthique important ne s’est jamais produit sans un
remaniement intime de nos loyautés, de nos affections, de nos centres
rendre l’écologie facile, nous l’avons rendue dérisoire. »
Aldo Leopold, Almanach pour un comté des sables (1949), tr. fr. A. Gibson,
Paris, Flammarion, 2000, p. 265.
Lorsque Serge Moscovici disait que le XVIIIe siècle avait été marqué
écologie et libéralisme
d’intérêt et de nos convictions intellectuelles. […] Dans nos efforts pour
par la « question politique », le XIXe par la « question sociale » et, qu’à
notre époque, la « question naturelle » passait au premier plan 1, il ne
pensait pas seulement à ce qu’on appelle la crise environnementale. Le
réchauffement climatique, l’augmentation de la fréquence des cyclones,
la fonte des glaces de l’Himalaya et des calottes polaires, l’acidification
des mers et les dégâts causés à la chaîne alimentaire, la dégradation des
écosystèmes, la disparition chaque jour de nombreuses espèces et, de
manière générale, l’érosion des ressources peuvent difficilement être
niés 2. De même, le caractère anthropogénique de ces phénomènes est
reconnu, ce qui ne veut pas dire que l’homme, devenu un agent géolo1. Serge Moscovici, Essai sur l’histoire humaine de la nature (1968), Paris, Flammarion, 1977, p. 7 (cité par
Dominique Bourg et Kerry Whiteside, Vers une démocratie écologique. Le citoyen, le savant et le politique,
Paris, Seuil, 2010, p. 41).
2. Il existe aujourd’hui parmi les scientifiques un consensus sur la réalité du changement climatique induit par
l’homme. Les divergences concernent le rythme et les modalités de ce changement, comme l’explique Naomi
Oreskes dans « The scientific consensus on climate change. How do we know we’re not wrong? », in Joseph
F. DiMento et Pamela Doughman (dir.), Climate Change. What it Means for Us, Our Children, Our Grandchildren,
Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 73-74.
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gique, capable de déterminer l’état de la planète et même de troubler les
conditions dont dépend son existence, ait voulu cette crise environnementale ni qu’elle soit causée par le seul capitalisme.
L’inquiétude suscitée par l’empreinte écologique d’une population
qui pourrait atteindre neuf milliards d’hommes en 2050 est légitime.
Cependant, la spécificité de l’ère anthropocène 3 est précisément de nous
inviter à penser notre responsabilité individuelle et collective en dépassant les schémas binaires auxquels se raccrochent la plupart du temps les
partisans de l’altermondialisme et ceux qui considèrent la décroissance
comme la solution à tous nos maux. Les écologistes n’ont pourtant pas
tort d’opposer à la bonne conscience de leurs concitoyens la nécessité
d’une interrogation radicale sur les styles de vie qui montre, en outre,
que l’espace public est saturé d’injonctions contradictoires, comme
lorsqu’on encourage la consommation de produits polluants, et qu’au
lieu d’être traitée comme un sujet transversal lié à des enjeux universaux
et visant le long terme, l’écologie apparaît comme une préoccupation
périphérique en rivalité avec les autres intérêts du moment.
Prendre au sérieux la « question naturelle », ce n’est pas seulement se
préoccuper de l’environnement en le pensant comme un simple réservoir
de ressources. Une telle préoccupation n’est inspirée que par la crainte
de voir son mode de vie et ses habitudes de consommation menacés par
la crise pétrolière et la pollution. Or, ce qui distingue l’écologie profonde
de l’écologie superficielle 4 tient au fait que la première implique une
interrogation sur la manière dont l’homme habite la terre et partage ses
ressources avec les autres terriens 5. Cette enquête, qui suppose la remise
en question de l’image d’un homme séparé des autres espèces et seul
capable de leur conférer une valeur, comporte un volet ontologique et
un volet politique étroitement liés. Au lieu de se borner à un règlement
strictement juridique et économique de la crise environnementale, une
telle approche, qui est conciliable avec les outils que le droit de l’environ3. Ce néologisme, forgé en 2000 par le prix Nobel de chimie Paul Crutzen et repris par Michel Serres, désigne la
nouvelle ère ouverte par la révolution industrielle, où l’action géologique de l’humanité implique que l’on cesse
de penser séparément l’histoire de l’humanité et l’histoire naturelle. Voir Paul Crutzen, Eugene F. Stoermer,
« The Anthropocene », The Global Change Newsletter, no 41, 2000, p. 17, et Paul Crutzen, « Geology of mankind », Nature, vol. 415, no 6867, 3 janvier 2002, p. 23 (cités par Dipesh Chakrabarty, « Le climat de l’histoire :
quatre thèses », Revue internationale des idées et des livres, vol. 15, janvier-février 2010, p. 22-31).
4. Arne Næss, « The Shallow and the Deep, Long-Range Ecology Movement. A Summary », Inquiry, no 16, 1973,
p. 95-100 (trad. fr. in Éthique de l’environnement. Nature, valeur, respect, textes traduits par Hicham-Stéphane
Hafeissa, Paris, Vrin, 2007, p. 51-60).
5. « Écologie » dérive de oikos, qui signifie maison, habitat. Ce terme a été créé en 1866 par le naturaliste
allemand Enst Haeckel. L’écologie désigne la science qui s’intéresse aux rapports des êtres vivants avec leur
milieu environnant.
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écologie et libéralisme
nement met à notre disposition, passe par un examen des fondements et
des présupposés de notre éthique et de notre politique.
Quelles valeurs rendent possible la prise en compte de l’écologie dans
notre vie ? On peut se demander si la règle d’or, qui commande de faire
pour les autres personnes ce que nous voudrions qu’ils fassent pour nous 6,
suffit, ou bien s’il ne faut pas parler, comme Aldo Leopold, d’une éthique
de la terre 7. Cette land ethic signifie-t-elle que les entités non humaines
ont la même importance morale que nos frères humains, ou bien les catégories éthiques indispensables à une philosophie de l’écologie exigent-elles
des distinctions rigoureuses qui interdisent d’étendre le vocabulaire des
droits de l’homme aux autres vivants et aux végétaux, et de confondre les
critères permettant d’avoir un statut moral avec ceux qui font que l’on
est titulaire de droits ? En outre, la fondation du droit sur l’agent moral
individuel qui peut « user de tout ce qui est bon pour sa conservation 8»
est-elle compatible avec le respect de la biodiversité ou bien faut-il penser
que les droits de l’homme reçoivent une limite lorsque nous mettons en
péril la survie des autres espèces 9 ? On peut même questionner le droit
que l’homme s’octroie d’imposer aux animaux d’élevage des conditions
de vie non conformes aux normes éthologiques de leur espèce.
Ainsi la justice ne concerne pas exclusivement nos rapports à l’autre
homme et aux autres cultures. Nos usages des vivants et de la terre relèvent également de la justice, non seulement parce que ce sont d’autres
hommes, présents et à venir, qui subissent les conséquences irréversibles
de notre mode de vie et de nos décisions, mais aussi parce que notre
manière d’habiter la terre, de l’exploiter et de consommer révèle, pardelà nos déclarations d’intentions et nos contradictions, les idéaux ou
principes auxquels nous accordons la priorité.
Cet examen déborde donc le cadre de l’éthique environnementale
et de l’éthique animale qui étudient le statut des différentes entités et
en déduisent des normes pouvant guider nos usages de la terre et des
vivants. En effet, nous ne pensons pas qu’il faille déduire une politique
de normes écologiques comme le respect de la biodiversité. L’écologie
ne fonde pas une politique, mais, par les nouveaux défis qu’elle soulève,
elle conduit à s’interroger sur le type de sujet et d’organisation sociale et
6. Mt, VII, 12, et Lc, VI, 31.
7. Aldo Leopold, Almanach pour un comté des sables (1949), tr. fr. A. Gibson, Paris, Flammarion, 2000, p. 255284.
8. Thomas Hobbes, Léviathan (1651), trad. fr. G.Mairet, Paris, Folio, 2000.
9. Claude Lévi-Strauss, « Réflexions sur la liberté », in Le Regard éloigné, Paris, Plon, 1983, p. 376-377.
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politique qui rend possible la prise en compte de la « question naturelle »
ou, au contraire, qui la rend dérisoire et la condamne à n’être qu’un
vœu pieu. Parce que l’écologie n’est pas un domaine séparé des autres
et qu’elle requiert une réflexion à la fois ontologique et politique, elle
suppose un certain état de l’organisation sociale. Cette remarque donne
raison à Félix Guattari qui soulignait le lien entre les trois écologies ou
écosophies, entre l’état de la planète, l’écosophie sociale ou les modalités de l’être en groupe, et l’écosophie mentale qui concerne l’essence
de la subjectivité 10. Ce lien, rarement appréhendé par les formations
et le pouvoir politiques, doit être pensé par la philosophie. Il est le fil
directeur de notre approche de l’écologie. Cependant, un pan important
de la réflexion concerne plus particulièrement les modifications que la
« question naturelle » impose au politique et aux instances délibératives.
Il ne s’agit pas seulement de dire à quelles conditions l’écologie, loin
d’être un écofascisme 11, est compatible avec la démocratie. Tout en rendant compte des tensions existant entre les droits subjectifs et les normes
écologiques, entre la liberté de choisir son mode de vie et le respect de
l’environnement, entre les traditions culturelles et la préservation de certaines espèces menacées, il importe d’être attentif au fait que l’écologie,
comme la bioéthique, suppose un changement de culture politique qui
passe par plus de démocratie.
L’écologie est une science difficile, qui se trouve au carrefour de plusieurs disciplines – l’économie, la biologie, la géographie, les mathématiques. Elle est concernée par des phénomènes invisibles qui ont une portée
globale et s’étendent sur plusieurs siècles. Cela ne signifie pas que la démocratie d’experts soit la panacée. Que les décisions politiques ne puissent
peut-être plus être prises sans que l’on mesure leur compatibilité ou leur
incompatibilité avec la protection de la biosphère et sans que l’on tienne
10. Félix Guattari, Les Trois Écologies, Paris, Galilée, 1989.
11. Luc Ferry, Le Nouvel Ordre écologique. L’arbre, l’animal et l’homme, Paris, Grasset, 1992. La motivation de
l’auteur est liée à la hantise que les normes écologiques aboutissent à un nouveau dogmatisme mettant en
péril les fondements du libéralisme politique. Ce danger existe lorsque des individus ou des groupes cherchent
à substituer aux visions métaphysiques du monde, qui sont valables sur le plan personnel, un universalisme
politique qui s’apparente « aux mirages de la grande politique » que Luc Ferry dénonce à juste titre dans son
ouvrage. Cependant, il n’est pas sûr que les auteurs cités dans cet ouvrage tombent dans cet écueil, surtout si
l’on fait référence à Arne Næss qui insiste, dans son écosophie, sur les principes invitant chacun à s’interroger
sur son style de vie et à réévaluer son rapport à lui-même et à la nature sans tomber dans le paternalisme
politique, ni même dans une sorte de perfectionnisme moral (A. Næss, Écologie, communauté et style de vie,
tr. fr. Ch. Ruelle, Paris, Éditions MF, coll. « Dehors », 2008). De même, les huit points de la plate-forme écologique sont des normes écologiques qui supposent la prise en considération des impératifs écologiques. Næss
suggère que ces normes doivent être discutées. L’éthique de la discussion de Habermas, la théorie des parties
prenantes ou encore le pragmatisme peuvent servir à compléter l’approche de Næss qui, du point de vue de la
philosophie politique, est moins dangereuse qu’imprécise.
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écologie et libéralisme
compte des données internationales relatives au réchauffement climatique ne signifie pas que la science fonde la politique ni que cette dernière
découle des recommandations des experts. Une telle interprétation serait
un contresens sur le rapport entre sciences, société et pouvoir que cette
note a pour objectif de mettre au jour. En effet, les défis que soulève la
prise en compte de l’écologie dans la politique obligent à reconfigurer le
rapport entre sciences et société, et à redéfinir le rôle des représentants.
Quelles instances peuvent introduire le principe du respect de l’environnement au cœur du politique et tempérer les effets d’un système électoral
uniquement dédié aux intérêts présents et au court terme ? La démocratie
représentative est née dans un contexte social, politique et économique où
les représentants servaient à défendre les intérêts des individus, encouragés
à s’enrichir, à produire et à consommer, et où le risque majeur demeurait
celui de la tyrannie d’un homme ou d’un groupe. Il ne s’agit pas de remettre
en question la légitimité du système représentatif, mais de se demander s’il
est adapté à une gestion appropriée de la « question naturelle 12». L’idée
selon laquelle la prise au sérieux de l’écologie, loin d’aboutir au rejet du
libéralisme et de l’humanisme, implique de compléter les instances représentatives et d’enrichir la philosophie du sujet est l’horizon des propositions et pistes de réflexion présentées dans cette note.
Écologie et philosophie
Quelle éthique pour l’écologie ?
L’éthique environnementale s’est constituée comme une branche de
l’éthique appliquée dans les années 1970, aux États-Unis. Elle est née
d’une rupture, orchestrée de manière souvent polémique, avec l’anthropocentrisme, voire avec le « chauvinisme » de l’éthique traditionnelle 13.
Celle-ci regroupe sous une même étiquette des théories différentes qui
ont cependant en commun de borner la morale aux rapports entre les
hommes et de faire du sujet humain un empire dans un empire, un être
séparé des autres espèces et seul à même de conférer de la valeur à la création. La notion cardinale de cette éthique environnementale, qui pourra,
12. Dominique Bourg et Kerry Whiteside, op. cit., p. 43-55.
13. Richard Sylvan Routley, « A-t-on besoin d’une nouvelle éthique ? » (1973), in Éthique de l’environnement…, op. cit., p. 39.
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en outre, relever de l’écocentrisme ou du biocentrisme 14, est la notion de
valeur intrinsèque. Elle signifie que les vivants et les écosystèmes n’ont
pas seulement une valeur instrumentale découlant des usages qu’en fait
l’homme, mais qu’ils représentent des formes de vie ayant leurs normes
spécifiques et une valeur propre qui n’est pas relative au point de vue
économique ou au profit que nous retirons de leur exploitation.
Quoi que l’on puisse dire de l’ancrage de cette éthique de la terre
dans une tradition célébrant, à la suite de Thoreau, la vie sauvage ou
wilderness et trahissant une manière culturellement déterminée de se
représenter la nature 15, il convient de souligner l’apport de ce qui allait
devenir l’écologie profonde. On peut critiquer les raccourcis qui font
remonter à la Genèse l’origine de la crise environnementale. Quand on
relit les deux récits de la Création, on constate, en effet, l’écart existant
entre la position d’un homme jardinier et intendant de Dieu, cultivant
la terre dont il n’a que l’usufruit sous le regard du Créateur auquel il
rend des comptes, et l’exploitation démesurée des ressources caractéristique de notre époque. Le second récit de la Création, où Dieu insuffle
la vie à l’homme, formé de la boue de la terre 16, peut même être considéré comme allant plus loin et comme anticipant sur le modèle d’une
citoyenneté écologique 17, l’homme étant partie prenante, avec les autres
espèces, de la Création et membre de la « communauté biotique 18».
De même, le gaspillage de la nourriture et la déforestation seraient
incompatibles avec le libéralisme de John Locke qui fondait la propriété
sur le travail, mais limitait ce droit par une loi naturelle enjoignant de
ne pas menacer l’espèce humaine et de ne pas s’approprier les ressources
au point d’affamer les autres hommes 19. Pourtant, les conséquences en
chaîne de l’exploitation des ressources naturelles depuis la révolution
industrielle et les évolutions de l’agriculture et de l’élevage intensifs,
qui ont nourri toujours plus d’êtres humains mais dont nous savons
aujourd’hui qu’ils conduisent à l’empoisonnement des sols et imposent
14. Le biocentrisme accorde une égale valeur à tout vivant. Il se distingue de l’écocentrisme, qui est une
éthique du respect de la nature plus plausible en ce qu’elle privilégie l’espèce plus que l’individu et le rapport
des individus à leur milieu et à la « communauté biotique ».
15. Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005.
16. John Baird Callicott, Genèse. La Bible et l’écologie (1991), trad. fr. D. Bellec, Paris, Wildproject, 2009, p.
48-49.
17. Ibid., p. 26-29, 61-62 et 76-86.
18. Cette expression est de Leopold qui, pourtant, dénonce l’anthropocentrisme de la tradition judéo-chrétienne, ce qui est excessif si l’on se reporte à la lecture attentive de la Genèse.
19 . John Locke, Second traité du gouvernement civil (1690), trad. fr. J.-F. Spitz, Paris, PUF, 1994 (voir notamment V, 31, 36 et 46).
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Statut moral, théorie de la valeur et res communis
écologie et libéralisme
des souffrances intolérables aux animaux, prouvent que notre modèle de
développement est problématique. Ce modèle est essoufflé et repose sur
une conception du rapport de l’homme à l’autre que lui qui est erronée.
Une telle assertion ne donne pas forcément raison aux écologistes
profonds ni à ceux qui cherchent dans l’histoire de la philosophie les
origines de nos problèmes, comme si la civilisation occidentale était
par nature viciée et que Descartes et les Lumières étaient responsables
de la crise environnementale. Toutefois, si les philosophies ne sont pas
relatives à leur époque, il est vrai que les théories morales et politiques
du passé ne permettent pas de résoudre les problèmes écologiques auxquels notre modèle de développement nous confronte et qui menacent
d’une certaine façon les valeurs de liberté, de paix et de démocratie que
les hommes des Lumières nous ont léguées. Bien plus, il se pourrait
que, pour honorer cet héritage à l’ère anthropocène, il faille à la fois
tenir compte de la manière dont les écologistes profonds renouvellent
l’éthique et contester leurs prémisses, notamment l’idée selon laquelle
c’est en partant de la nature que l’on peut procurer à l’écologie la philosophie dont elle a besoin. C’est en partant de l’homme et en proposant
une philosophie rénovée du sujet qu’il est possible de tenir la promesse
d’un règlement démocratique de la « question naturelle ».
L’apport majeur des héritiers d’Aldo Leopold réside dans un petit nombre
de catégories qui constituent la méta-éthique indispensable à l’écologie.
À côté de la notion de valeur intrinsèque, on trouve une définition de
la considérabilité morale qui n’est subordonnée ni à la possession de la
raison ni identifiée à la sensibilité 20. Celle-ci, entendue comme la susceptibilité à la douleur et au plaisir, suffit à conférer un statut moral aux
bêtes, mais elle n’est pas la condition sine qua non de la considérabilité
morale. Tous les êtres et les entités qui ont un intérêt à préserver et peuvent subir un dommage à la suite d’un traitement ont un statut moral. Il
s’agit des animaux qui ressentent de la douleur et du plaisir, et éprouvent
du stress, mais aussi des plantes qui peuvent faner et des écosystèmes
qui ne sont pas irritables, mais dont l’équilibre subtil dépend de l’interaction entre plusieurs organismes. Ainsi, nous ne pouvons pas interagir
n’importe comment avec eux, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’ils
20. Kenneth E. Goodpaster, « De la considérabilité morale » (1978), in Éthique de l’environnement…, op. cit.,
p. 76.
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aient des droits 21. L’intérêt de cette notion de considérabilité morale, qui
n’exclut pas que nous établissions une hiérarchie entre les êtres qui n’ont
pas à nos yeux la même importance morale, est qu’elle suggère qu’il y a
des limites à l’action de l’homme imposées par les entités non humaines.
Dans l’éthique et la politique classiques, la seule limite à mon action
qui rend légitime l’intervention de l’État 22 est l’autre homme, dont je
dois préserver la vie et dont la liberté doit être compatible avec la mienne.
Avec les notions de valeur intrinsèque et de considérabilité morale, on ne
sort pas forcément de l’humanisme, puisque c’est l’homme qui reconnaît
ou non la valeur des êtres, même si cette valeur n’est pas forcément
relative à son utilité. Comme l’écrit Rolston, l’homme n’est pas toujours
la source de la valeur, mais elle a besoin de lui pour « coaguler dans le
monde 23». Aussi, l’intérêt des concepts mis en place par les théoriciens
de l’éthique environnementale est qu’ils conduisent à penser autrement
le sujet. Cet aspect n’a pas été perçu par les partisans de l’écologie profonde qui se sont focalisés sur l’opposition entre l’anthropocentrisme et
l’écocentrisme ou le biocentrisme 24. Pourtant, les limites qu’imposent à
notre action les normes propres des animaux qui ne sont pas des personnes parce qu’ils ne sont pas imputables 25, mais qui souffrent quand
nous les contraignons à vivre dans des conditions contraires à leurs
besoins éthologiques, posent un problème qui ne relève pas seulement
de la morale ou de la compassion, mais de la justice.
21. Cette question des droits différenciés qui pourraient être accordés à certains vivants, notamment aux animaux, qui peuvent être des sujets sans être des personnes, mériterait un examen à part. L’essentiel ici est
simplement de distinguer statut moral et statut juridique et d’indiquer que, si les animaux devaient avoir des
droits, ces droits ne seraient en aucun cas à penser sur le modèle des droits de l’homme. En effet, la liberté
de culte n’a pas de sens pour les bêtes. Le vocabulaire des droits subjectifs est inapproprié pour eux, comme
en témoigne la Déclaration universelle des droits de l’animal, proclamée le 15 octobre 1978 à l’Unesco, qui
comporte des contradictions. De plus, et surtout, les droits des animaux doivent être définis à partir de leurs
normes propres.
22. John Stuart Mill, De la liberté (1859), trad. L. Lenglet et D. White, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais »,
1990, p. 74.
23. Holmes Rolston III, « La valeur dans la nature et la nature de la valeur » (1994), in Éthique de l’environnement…, op. cit., p. 156.
24. C’est-à-dire entre une éthique ne reconnaissant de dignité qu’à l’homme et déterminant la valeur des
autres êtres et des choses qu’en fonction de son usage et une éthique du respect de la nature qui est fondée
sur la reconnaissance de la valeur intrinsèque des écosystèmes et des autres espèces, et qui privilégie l’individu (biocentrisme) ou son interaction avec son milieu (écocentrisme).
25. Emmanuel Kant, Métaphysique des mœurs, AK, IV, 223, Œuvres philosophiques, t. III, Paris, Gallimard,
« Bibliothèque de la Pléiade », 1986, p. 470. Cette remarque donne raison à Luc Ferry qui soulignait l’inanité
des procès d’animaux intentés au Moyen Âge (voir Le Nouvel Ordre écologique, op. cit., p. 18). Cela ne signifie
pas que nous n’ayons envers les bêtes que des devoirs indirects, comme le pensent Kant et Luc Ferry, et
comme on le voit avec la loi Grammont de 1860 qui réprimait les mauvais traitements contre les animaux
domestiques lorsqu’ils étaient perpétrés en public, en reprenant l’argument selon lequel la violence envers les
bêtes comporte son extension à l’homme. Il n’est, en effet, pas insensé de considérer les animaux comme des
sujets qui n’ont pas seulement droit à être protégés contre les mauvais traitements, mais qui limitent aussi
l’usage que nous faisons d’eux et ont droit à ce que leurs besoins éthologiques soient respectés.
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écologie et libéralisme
L’élevage en batterie des poules qui ne peuvent étendre leurs ailes et
gratter le sol, le confinement des truies gestantes dans des stalles où il
leur est impossible de se mouvoir et où leur détresse est telle qu’elles
développent des stéréotypies, ne sont pas seulement cruels, mais ils sont
illégitimes. Le fait de forcer les bêtes à s’adapter aux conditions de l’élevage industriel afin de produire une quantité maximale d’œufs, de lait,
de viande, en un minimum de temps et pour un coût réduit, est injuste.
L’homme nie les normes éthologiques des bêtes et les force à s’adapter
à des conditions de vie contraires à leurs besoins afin d’atteindre un
objectif de rentabilité qui, en outre, n’est pas défini en fonction de la
réalité du travail et qui est déterminé d’avance. Le travail est fondé sur le
déni du réel et il fait aussi souffrir les hommes 26. L’élevage est assimilé à
la production en série d’objets manufacturés et les conditions de détention et d’exploitation des bêtes sont définies à partir du bénéfice que
l’on peut retirer d’une production massive. On en arrive même à piéger
le droit, comme on le voit avec la directive CE 1999/74 27 qui prévoit
l’agrandissement des cages des poules qui passeront, à partir de 2012, de
550 à 950 centimètres carrés, ce qui équivaut à une augmentation de la
surface d’une carte postale ! Or ce déni du réel, cette manière de penser
le rendement sans s’appuyer sur le sens d’une activité se retrouvent aussi
dans l’organisation du travail des hommes 28.
S’agissant de la terre et des écosystèmes, il est possible de tracer une
frontière entre une intervention humaine, qui maintient leur équilibre,
et une exploitation, qui conduit à l’érosion des sols et ne respecte pas la
capacité d’une forêt à se restaurer. L’homme doit connaître les écosystèmes pour les respecter. Nombreux sont les dégâts causés par l’homme
qui résultent de son ignorance. L’introduction dans le marais poitevin
du ragondin venu d’Amérique du Sud, où sa population reste stable en
raison de la présence des alligators, en est un exemple : les terriers de
cet animal que l’on destinait au commerce de la fourrure fragilisent les
berges et les digues, tandis que la terre, évacuée des galeries et repoussée,
gêne le fonctionnement hydraulique du marais. Cette méprise est liée
au fait que l’intervention de l’homme a été dictée uniquement par la
recherche du profit immédiat et qu’il ne s’est pas demandé si l’introduc26. Christophe Dejours, L’Évaluation du travail à l’épreuve du réel. Critique des fondements de l’évaluation,
Paris, Inra Éditions, 2003.
27. « Directive 1999/74/CE du Conseil, du 19 juillet 1999, établissant les normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses ».
28. Christophe Dejours, Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale (1998), Paris, Seuil, coll.
« Point Essais », 2009.
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| l’innovation politique
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tion de cet animal dans un milieu où il n’a pas de prédateur, à l’exception
des humains, était compatible avec les conditions garantissant l’équilibre
du marais. C’est en ce sens que cette erreur est aussi une faute et une
injustice. Comme l’écrit Leopold, « une chose est juste quand elle tend à
préserver l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique
[…], injuste quand elle tend à l’inverse 29».
Enfin, pour l’air, l’atmosphère, le climat, il est parfaitement censé de
demander aux entreprises qui polluent de verser une compensation aux
personnes subissant les conséquences de leurs actions et de réparer les
dégâts qu’elles ont créés. Ces frontières entre une intervention légitime
et une intervention illégitime sont à la fois morales et politiques, dans la
mesure où les écosystèmes et le climat cessent d’être des res nullius, des
choses qui ne sont à personne et dont tout le monde peut abuser 30, et
qu’ils deviennent des res communis, des choses communes dont il s’agit
de gérer la rareté. Cela n’exclut pas la propriété privée, mais le marché
fonctionne comme un marché de biens et de services, ce qui implique de
supprimer l’effet économique de la rareté à propos des ressources naturelles tirées du sous-sol en évitant que les États et les entreprises en tirent
une rente et en les dédommageant seulement du coût de l’exploitation 31.
Le droit de l’homme d’exploiter les vivants et la nature rencontre une
limite qui pourrait figurer parmi les principes constitutionnels. C’est un
principe politique au sens fort du terme. Il n’en est pas ainsi parce que le
bien, en morale et en politique, découlerait d’une plate-forme de normes
déduites du statut des différentes entités et imposées à la collectivité par
les écologistes. Ces impératifs écologiques, comme le respect de la biodiversité ou la reconnaissance de la valeur intrinsèque des écosystèmes,
suscitent l’adhésion de ceux qui sont déjà convaincus par la centralité de
l’écologie, mais, dans une démocratie, ils ne peuvent servir a priori de
normes universalisables, c’est-à-dire reconnues par tous comme valides.
Ces impératifs doivent être soumis à la discussion et à la délibération
publique avant de pouvoir informer nos politiques. Cependant, il est une
idée qui ne peut être niée par personne et qui souligne la dimension politique des problèmes soulevés par nos usages de la terre et des vivants :
cet usage en dit long sur nous, révélant ce que nous sommes, les valeurs
auxquelles nous accordons la priorité, la place que nous faisons ou pas
29 . Aldo Leopold, op. cit., p. 282.
30. Garrett Hardin, « The tragedy of the commons » (1968), Science, no 162, p. 1243-1248.
31. Stéphane Chauvier, Justice et droits à l’échelle globale, Paris, Vrin/EHESS, 2006, p. 147-179.
14
écologie et libéralisme
aux autres hommes, aux autres cultures, aux autres formes de vie, le
pouvoir que nous nous octroyons sur ces dernières et les raisons pour
lesquelles nous les exploitons ainsi.
Nous continuons d’honorer les valeurs d’égalité et de justice sociale,
nous parlons de développement durable, nous reconnaissons que
l’animal est un être sensible 32, mais, dans nos pratiques, dans l’élevage
industriel, dans la manière dont nous exploitons la terre et dont le travail
des hommes tend aujourd’hui à être organisé, nous ne reconnaissons pas
de valeur supérieure à la rentabilité. Même la sécurité sanitaire des produits et l’idée d’un juste prix que les agriculteurs recevraient en échange
de leur production ne sont rien à côté du diktat de la rentabilité. Celle-ci,
comme on l’a suggéré plus haut, n’est même pas évaluée à partir du sens
d’une activité. Elle ne s’identifie pas à l’efficacité, mais elle est calculée
de manière abstraite et homogène, à partir des chiffres d’une production
optimale qui n’est pas adaptée à la réalité du travail.
Ainsi, la crise environnementale n’est que l’expression d’une crise plus
générale, ou plutôt d’une organisation sociale et politique elle-même
fondée sur le déni du réel et sur une inversion des valeurs que sert « une
stratégie de distorsion communicationnelle 33» où l’argument économiste permet de justifier des décisions brutales et injustes. Les violences
faites aux bêtes, la dévastation des paysages, les crises sanitaires sont un
appel lancé au quis du « qui suis-je ? ». Qui sommes-nous pour faire ce
que nous faisons et accepter de contester dans nos pratiques ce que nous
pensons encore chérir sur le plan des idées et dans la sphère de la vie
privée que la plupart des hommes, n’ayant plus le sentiment d’appartenir
à un monde commun 34, investissent comme une valeur refuge, comme
le seul espace où ils pensent exprimer leur subjectivité et où la solidarité
semble possible ?
Ces remarques ne servent pas à dresser un tableau pessimiste de notre
époque, mais à signifier que cette organisation sociale n’est pas une fatalité. Bien plus, elles invitent à compléter la philosophie du sujet. Celle-ci
n’est pas responsable de la crise actuelle, et nous ne dirons jamais assez
tout ce que nous lui devons en termes de libertés. Sans elle, nous serions
32. Voir la Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, notamment l’article 9 : « Tout
animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les
impératifs de son espèce. ». Voir Jean-Pierre Marguénaud, « L’animal dans le nouveau Code pénal », Recueil
Dalloz, Sirey, 1995, 25e cahier, p. 187-191.
33. Christophe Dejours, Souffrance en France, op. cit., p. 82.
34. Ce que Hannah Arendt appelle la désolation (loneliness). Voir Les Origines du totalitarisme. Le système
totalitaire (1951), trad. J.-L Bourget, R. Davreu et P. Lévy, Paris, Seuil, 2002, p. 305-306.
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encore sous le joug des tyrans. Cependant, la conception du sujet et le
fondement du droit sur lesquels repose le libéralisme politique ne suffisent pas à nous faire concevoir nos devoirs envers les autres vivants et les
entités non humaines. La construction d’un concept de responsabilité qui
nous préserve de nous transformer en « innocents coupables 35» et d’être
les complices d’un modèle de développement qui menace aujourd’hui les
valeurs de liberté et de justice que les philosophes des Lumières nous ont
transmises est précisément l’ambition de l’éthique de la vulnérabilité.
fondapol
| l’innovation politique
L’éthique de la vulnérabilité
La responsabilité est la catégorie phare de l’éthique de la vulnérabilité qui
est, à sa manière, une philosophie du sujet et un humanisme. L’homme, à
la différence du pigeon, est capable de pleurer la disparition d’une autre
espèce et de la protéger. Plus encore que son pouvoir technique et que
sa capacité à détruire la planète, sa responsabilité distingue l’homme des
autres vivants. Elle est, en ce sens, un privilège. La spécificité de l’éthique
de la vulnérabilité, qui ne se confond ni avec l’éthique du care ni avec
les philosophies de la liberté, qu’il s’agisse des pensées que l’on regroupe
d’ordinaire sous l’humanisme et qui vont du contractualisme à Kant et
à Rawls ou que l’on fasse référence à l’ontologie du souci de Heidegger,
est d’articuler trois expériences de l’altérité 36.
La première expérience de l’altérité renvoie à l’altération du corps
propre et à la fragilité, c’est-à-dire à ce que l’on appelle communément
la vulnérabilité, qui est le fait d’être facilement blessé physiquement, psychiquement, socialement ou culturellement. Cependant, cette fragilité du
vivant susceptible à la douleur, au plaisir, au vieillissement, donc à des
phénomènes qui soulignent sa passivité, ainsi que l’incomplétude du psychisme qui manifeste notre besoin des autres et l’importance de la reconnaissance dans le développement de soi et l’identité, n’est qu’un aspect
de la vulnérabilité. Celle-ci désigne aussi l’ouverture à l’autre, le fait que
je suis concernée par ce qui lui arrive et que ma responsabilité pour lui
n’est pas à penser comme une obligation, consécutive à un engagement.
35. Günther Anders, « Hors limite pour la conscience », in Hiroshima est partout (1995), Paris, Seuil, 2008,
p. 312.
36. Cette éthique est développée dans Corine Pelluchon, L’Autonomie brisée. Bioéthique et philosophie, Paris,
PUF, 2009. Dans La Raison du sensible. Entretiens autour de la bioéthique, Perpignan, Artège, 2009, nous en
rappelons les principaux caractères et la genèse, liée à la réflexion sur les pratiques médicales et l’accompagnement des malades en fin de vie et des personnes souffrant de handicaps sévères. Dans Éléments pour une
éthique de la vulnérabilité. Les hommes, les animaux, la nature, Paris, Cerf, 2011, nous approfondissons cette
éthique de la vulnérabilité et en tirons les implications politiques et écologiques.
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écologie et libéralisme
Ma responsabilité est l’expérience d’une altérité en moi au sens où je
suis atteinte par l’autre et ne reviens pas seulement à moi-même, ce que
Levinas exprime dans Autrement qu’être en parlant d’« une passivité
plus passive que toute passivité 37». Je ne suis pas seulement préoccupée
par ma propre conservation, par ma mort ou par le besoin que j’éprouve
de m’affirmer, de conquérir mon authenticité 38. Cette responsabilité
originaire désigne une manière de nommer le sujet : « Je signifie me
voici 39. » L’ipséité 40 n’est pas définie par la liberté négative ou l’indépendance, ni même par la capacité à faire des choix et à en changer, mais
je suis ce à quoi je réponds et la manière dont je réponds.
Bien plus, l’auteur d’Autrement qu’être souligne la solidarité entre
ces deux expériences de l’altérité, la fragilité du vivant et la sensibilité
liée au corps rendant possible ma responsabilité pour l’autre 41. Seul un
moi vulnérable peut être responsable 42. Cet autrui, qui ne saurait être
enfermé dans un concept ou un genre et qui défie « mon pouvoir de
pouvoir », faisant du meurtre à la fois une interdiction et une impossibilité 43, n’est encore pour le philosophe que l’autre homme, seul à avoir un
visage. Pourtant, la pensée de Levinas contient la promesse d’une considération de l’animal et même des différentes entités qui va bien au-delà
de ce qui existe dans l’éthique classique et dans les théories du contrat
social. Il n’a pas tenu explicitement cette promesse, puisque les bêtes ne
renvoient, pour lui, qu’à une différence sans altérité et qu’il ne s’est pas
intéressé explicitement à l’écologie. Cependant, il ne serait pas possible
de construire un concept de responsabilité procurant à l’écologie la philosophie dont elle pourrait avoir besoin si Levinas n’avait déjà modifié
le climat de la philosophie.
Le changement radical qu’il opère ne tient pas essentiellement à la
réhabilitation de la sensibilité, que l’on trouve également chez Bentham,
ni à la place conférée à la compassion. Cette dernière ne doit d’ailleurs
37. Emmanuel Levinas, Autrement qu’être ou au-delà de l’essence (1974), Paris, Le Livre de poche, coll.
« Biblio-Essais », 1996, p. 31.
38. Martin Heidegger, Être et Temps (1927), Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1993, trad. E.Martineau, Authentica
1985.
39. Emmanuel Levinas, op.cit., p. 180.
40. L’ipséité, du latin ipse, soi-même, désigne l’identité personnelle, ce que je suis de manière singulière, moi,
et non un moi. Cette notion se distingue de celle de mêmeté, qui renvoie au latin idem.
41. Emmanuel Levinas, op.cit., p. 86-87.
42. « Seul un moi vulnérable peut aimer son prochain. ». Voir Emmanuel Levinas, De Dieu qui vient à l’idée
(1982), Paris, Vrin, 2004, p. 14.
43. Emmanuel Levinas, Totalité et Infini. Essai sur l’extériorité (1961), Paris, Le Livre de poche, 1994, p. 215218.
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| l’innovation politique
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pas être confondue avec la responsabilité, dont il faut affirmer la démesure essentielle et la rationalité, les transformations de notre agir dues
à la science et à la technique ayant des conséquences invisibles et irréversibles sur des êtres que nous ne connaissons pas et auxquels nous ne
pouvons pas nous identifier 44. La révolution initiée par Levinas réside
dans l’affirmation d’un primat de la responsabilité sur la liberté qui a des
conséquences sur l’organisation sociale et politique dont le philosophe
n’a pas forcément pris toute la mesure.
Ce n’est pas seulement au phantasme d’un individu indépendant et
servant de fondement au contrat social que cette philosophie met fin. Plus
radicalement que l’éthique de la sollicitude qui a pointé les insuffisances
des théories de la justice et dénoncé leurs présupposés atomistes, voire
leurs préjugés sexistes, la pensée de Levinas interroge le droit de notre
droit. La substitution à la peur pour ma mort de la crainte pour autrui
est une manière de poser la question du droit à être et de se demander
si « ma place au soleil n’est pas usurpation de la place d’autrui par moi
opprimé ou affamé 45». Cette question, qui creuse la bonne conscience,
n’équivaut pas à une pensée de la culpabilité, ce qui serait une interprétation psychologique et moralisatrice de Levinas, mais il s’agit de s’inquiéter de « ce que mon exister », c’est-à-dire mon être au monde et mon
vouloir vivre, « malgré son innocence intentionnelle et consciente, peut
comporter de violence et de meurtre 46». Placer la question, sans réponse,
du droit à être au cœur de notre droit, c’est modifier radicalement la
philosophie du sujet. Nous ne sommes pas obligés de cautionner l’écocentrisme, mais en rénovant ainsi la philosophie du sujet, une fenêtre est
ouverte vers un usage moins égoïste de la terre et une exploitation moins
violente des autres, y compris des animaux.
Enfin, la troisième expérience de l’altérité qui constitue l’éthique de
la vulnérabilité renvoie à ma non-indifférence pour les institutions de
ma communauté politique dans laquelle je ne suis non pas un moi, mais
moi. Cette notion de communauté politique est éloignée de la manière
dont Levinas pense le politique qui est, pour lui, suspect de ramener
l’Autre au Même et de broyer l’individualité sous une totalité. Elle est
également distincte de ce qu’il appelle le tiers, qui désigne les autres qui
me lancent un appel à la justice. Le rapport de l’individu au politique
44. Günther Anders, « L’homme sur le pont », in Hiroshima est partout, op. cit., p. 81.
45. Emmanuel Levinas, De Dieu qui vient à l’idée, op. cit., p. 262.
46. Ibid.
18
Ainsi, le sujet de l’éthique de la vulnérabilité ne se définit pas seulement par la conservation et l’édification de soi, mais il s’inquiète du
devoir être de son droit et intègre, dans son vouloir vivre, le souci de
préserver la santé de la terre, de ne pas imposer aux autres espèces une
vie diminuée et de ne pas usurper la place des autres hommes. Ces impératifs sont autant d’appels lancés au quis du « qui suis-je ? ».
Un tel fondement du droit implique une relecture des droits de
l’homme et une modification de l’image de l’homme et de la socialité
qui est au cœur du contractualisme sous sa forme actuelle. Ce travail
en cours de réalisation est une partie du vaste chantier qui consiste à se
demander comment le libéralisme peut répondre aux défis posés par les
nouvelles techniques médicales et biomédicales et par l’écologie. En aval,
la réflexion consiste à se demander quelles institutions peuvent compléter la démocratie représentative. Parce que l’écologie est aussi une
éthique du quotidien et des petites choses, et qu’elle implique que nous
consentions à changer nos styles de vie, il est impossible de séparer le
volet ontologique du volet politique de la réflexion. Cependant, compte
tenu de la complexité des problèmes environnementaux et des tensions
existant entre des principes également importants, comme le respect des
libertés individuelles et la protection de la biodiversité, il importe de
séparer ces questions et de se concentrer ici sur quelques propositions
visant à faire « entrer l’écologie dans la démocratie 48 ».
écologie et libéralisme
est un rapport d’appartenance, mais il ne relève pas de la fusion. Il souligne le lien entre les valeurs qui sous-tendent les traditions et les institutions dans lesquelles je suis éduquée et ce à quoi je tiens. Ce lien, que
l’expression d’identité narrative chère à Ricœur exprime bien, n’est pas
exempt de tensions, les pratiques et les valeurs qui apparaissent comme
prioritaires dans une société pouvant heurter profondément mes valeurs
et me renvoyer une image de l’humanité qui m’est intolérable. La notion
d’attestation développée par l’auteur de Soi-même comme un autre 47
traduit cette dimension politique de notre responsabilité qui empêche de
penser l’espace public comme le simple lieu de la déréliction.
47. Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 335 et 406.
48. Pour reprendre la formule de Bruno Latour, Politiques de la nature, Paris, La Découverte, 1999. L’auteur souhaite que l’on « étende la démocratie aux non-humains » (p. 294) et il propose un « Parlement des choses »
(p. 299) composé de scientifiques faisant entendre la voix des entités non humaines et proposant leur candidature à la deuxième chambre qui a le pouvoir d’ordonnancement. Ces propositions supposent une nouvelle
définition du politique qui est « la composition progressive d’un monde commun ». Voir aussi p. 61-69 de son
ouvrage.
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Écologie et démocratie
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| l’innovation politique
La démocratie représentative en question
Les problèmes environnementaux « heurtent les prémisses du gouvernement représentatif 49 ». Ils impliquent que l’on corrige un peu les fondements philosophiques sur lesquels la démocratie représentative repose et
que l’on ajoute des instances délibératives permettant de faire figurer la
protection de la biosphère et le respect des autres espèces parmi les obligations de l’État. Il s’agit aussi de prendre en compte les informations
scientifiques relatives à l’état de la planète 50. Ce système méta-représentatif, qui vise à produire un autre rapport entre valeurs, consciences
et institutions, est également associé à des procédures participatives
garantissant une évaluation démocratique des choix environnementaux
et évitant qu’on en arrive à un gouvernement d’experts.
Ces deux solutions au problème de l’inadéquation entre le système
politique actuel et l’écologie supposent aussi un changement de culture
politique, c’est-à-dire une autre manière de concevoir le rôle de l’État
et de définir la mission des hommes politiques. Un tel changement n’affecte pas seulement les passions politiques et le contenu des programmes
électoraux, mais il concerne aussi la manière dont les représentants, les
intellectuels et les médias s’adressent aux citoyens. De même, la question
de savoir quel est le rôle des scientifiques, des philosophes et des organisations non gouvernementales dans la Cité et même au sein des débats
législatifs est déterminante. Avant de développer ces points, qui suggèrent que les difficultés des gouvernements et des organisations internationales à résoudre la crise environnementale sont dues à des habitudes
de pensée et d’agir qui trahissent un déficit démocratique, il importe de
revenir brièvement sur les raisons qui expliquent les insuffisances du
système représentatif actuel.
Nous avons déjà opposé le souci du long terme que requiert une
gestion adaptée des problèmes environnementaux à la myopie ou au
court terme auquel conduit la course aux élections. Le contraste entre
les raccourcis idéologiques, encouragés par les luttes partisanes et par
la médiatisation des situations individuelles, et la complexité des arguments scientifiques et philosophiques servant à penser l’écologie suffit
également à comprendre pourquoi la « question naturelle » se résume
49. Dominique Bourg et Kerry Whiteside, op. cit., p 24.
50. Voir aussi les propositions de Bruno Latour, op. cit., p. 101-102 et 158-159.
20
écologie et libéralisme
bien souvent à des déclarations d’intentions qui ne sont suivies d’aucun
changement réel. Cela ne veut pas dire que les ministres de l’Environnement qui se sont succédé n’aient rien fait ni que le Grenelle de l’environnement ait été vain. Cependant, si la biosphère est le lieu où s’exerce
notre liberté et si la politique n’est pas seulement un jeu à deux, mais un
jeu à trois, alors l’absence de représentation des entités non humaines
est problématique. De même, le fait de confier l’écologie à un ministère 51, voire d’en faire un parti qui, en outre, doit se déclarer plus à
gauche ou plus à droite, nous condamne à des actions ponctuelles et à
des politiques atomistes qui vont à l’encontre du caractère transversal
des questions environnementales et de leurs enjeux généraux.
Enfin, la démocratie représentative et le système électoral que nous
connaissons sont nés dans un monde où les hommes avaient le sentiment que la terre était une planète géante 52 qu’ils pouvaient cultiver
sans relâche pour en tirer des ressources inépuisables. Cette idée d’une
nature infinie et rebelle que l’homme doit soumettre grâce à la technique
a installé le schéma d’une dualité entre la liberté et la nature qui n’a plus
le même sens aujourd’hui. Non seulement la biosphère est finie et les
réserves naturelles sont limitées mais, de plus, notre pouvoir technologique, notre démographie et nos habitudes de consommation font que
nous imposons à la terre des contraintes qui n’ont rien à voir avec ce que
faisaient les hommes des siècles précédents.
Nous continuons de raisonner comme si nous étions dans le monde
de Hobbes, où l’homme est le prolétaire de la Création et où la guerre et
la tyrannie de l’Église sont les menaces contre lesquelles l’État doit nous
préserver. Pour les contractualistes, qui sont à l’origine de la démocratie
libérale, le rôle de l’État est, en effet, de maintenir l’ordre public, de
protéger la nation, de régler les conflits sociaux et de concilier les intérêts
concurrents. Quand la menace de la guerre disparaît et que les hommes
coulent des jours tranquilles, savourant une liberté définie davantage
par la satisfaction de leurs intérêts privés et la jouissance de leurs droits
que par l’idéal antique de la citoyenneté 53, alors l’État est pensé comme
ce qui doit maximiser le bonheur individuel. Cela ne signifie pas que
la réduction de notre empreinte écologique passe aujourd’hui par une
51. Dominique Bourg et Kerry Whiteside, op. cit., p. 98. Les auteurs suggèrent que les services de l’État en
charge des questions gouvernementales soient rattachés au Premier ministre et aux plus hautes instances
exécutives.
52. Bertrand de Jouvenel, Arcadie. Essais sur le mieux-vivre (1968), Gallimard, coll. « Tel », 2002, p. 76.
53. Benjamin Constant, « De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes » (1819), in Écrits politiques, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 1997, p. 589-619.
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| l’innovation politique
fondapol
politique contraignant les citoyens à consommer moins ou prônant le
malthusianisme. Il importe cependant de reconnaître que le rôle de l’État
change dès lors que le bien commun ne peut être dérivé des seuls intérêts des personnes actuelles et que la nature est reconnue comme étant
vulnérable.
Comment faire pour que la démocratie passe d’un système lié au
jeu des égoïsmes à un gouvernement encourageant les responsabilités
des individus envers une nature finie ? Quels contrepoids apporter à la
représentation des intérêts immédiats et à quelles conditions la recherche
de règles adaptées aux obligations nouvelles que nous avons vis-à-vis
des générations futures et de la planète préserve-t-elle les valeurs du libéralisme politique, c’est-à-dire la tolérance, l’idée d’une égalité morale
des individus, la liberté de penser et d’expression, la paix ? Telles sont
les questions auxquelles il convient de se confronter si l’on veut que les
changements que l’écologie fait subir à la politique signifient plus, et non
pas moins, de démocratie. Car le spectre d’un Léviathan imposant ses
normes environnementales à une partie du monde et la solution d’une
« tyrannie bienveillante 54» ou même d’un gouvernement d’experts sont
les risques auxquels peut conduire notre manque de créativité sur le plan
de la théorie politique.
Des contre-pouvoirs au sein du pouvoir
L’intérêt des propositions de Dominique Bourg et de Kerry Whiteside
est de souligner la nécessité d’introduire les organisations non gouvernementales environnementales (ONGE) dans les institutions publiques ou
gouvernementales 55. Il ne s’agit pas seulement de faire en sorte que les
politiques auditionnent des scientifiques ou des membres d’associations
dédiées à la défense de l’environnement, comme cela est déjà arrivé avant
la révision de loi de bioéthique ou lorsqu’il a été question de légiférer à
propos des OGM. L’idée est que des ONGE comme la World Fund for
Nature, le World Ressource Institute ou la Fondation Nicolas Hulot
siègent dans des instances délibératives. Dans le système représentatif
actuel, ces organisations ont un poids dans la mesure où elles ont une
certaine autorité morale, mais leur influence reste limitée. Elles convainquent les hommes et les partis politiques de tenir compte de certaines
54. Cette solution est l’un des écueils du grand livre de Hans Jonas, Le Principe responsabilité (1979), trad. J.
Greisch, Paris, Cerf, 1990, p. 271-272 et 279-283 (notamment p. 280).
55. Dominique Bourg et Kerry Whiteside, op. cit., p. 76-80.
22
écologie et libéralisme
questions environnementales, mais tant qu’elles ne prendront pas part
aux processus d’élaboration des politiques publiques, elles resteront des
outsiders 56.
Certes, cette indépendance des ONGE, qui se sont développées dans
la société civile, en dehors des partis politiques et des syndicats, est aussi
leur force. Elle leur permet de conserver le sens du long terme et de
penser au bien commun. Leur dimension internationale les préserve également des contraintes territoriales et de la pression électorale propres à
l’organisation politique actuelle. En outre, elles sont en contact avec les
populations, ce qui veut dire qu’elles font entendre la voix des citoyens.
Cet aspect renforce l’idée selon laquelle leur présence dans les organes
délibératifs est un gain démocratique. Cela ne signifie pas que ces ONGE
prennent la place des représentants et des élus, mais leur rôle est de rappeler l’importance de la « question naturelle » alors que les politiques,
naturellement, sont enclins à représenter surtout les intérêts des hommes
actuels. De plus, il faut veiller à ce que la participation des ONGE aux
organes du pouvoir ne leur fasse pas perdre les qualités qui font d’elles
des alternatives et des contrepoids au présentisme. Pour ce faire, Bourg
et Whiteside suggèrent de sélectionner les ONGE à partir de critères
disqualifiant les associations créées ad hoc ou par simple opportunisme.
Ils souhaitent aussi que des jurys populaires évaluent la compétence des
différentes ONGE et que celles qui siègent dans les instances délibératives soient sélectionnées de manière aléatoire et tournante. De telles
procédures permettraient de garantir plus de justice, de transparence
et de publicité dans le choix des organisations, et elles serviraient à
lutter contre la corruption liée à la pression des lobbies ou à l’usure
du pouvoir. Ainsi, ces ONGE, loin de s’ériger en maîtres à penser ou
d’édicter des normes sur lesquelles fonder la politique, seraient comme
des contre-pouvoirs au sein du pouvoir, exerçant une vigilance dans les
commissions régulant l’énergie, l’agriculture, le transport, le logement,
la recherche et l’éducation. Leur rôle serait de « mettre en lumière, avec
preuves et justifications à l’appui, les composantes environnementales
des politiques » publiques dans tous les secteurs d’activité. Ces soussystèmes démocratiques formés par des conseils et instances de veille et
de réglementation n’ont de sens que si des considérations d’ordre écologique acquièrent une valeur constitutionnelle 57. Ce rôle de gardien
56. Ibid., p. 75.
57. Ibid., p. 88.
23
| l’innovation politique
fondapol
d’une Constitution intégrant les nouvelles obligations de l’État incomberait à l’Académie du futur et au Nouveau Sénat que Bourg et Whiteside
appellent de leurs vœux 58. Il ne s’agit pas, encore une fois, d’instances
dictant le beau, le bien, le vrai en politique. L’idée est de se donner les
moyens de prendre en compte les données de la science dont on ne peut
pas faire l’économie quand on veut faire entrer l’écologie dans la politique et même répondre aux défis soulevés par les techniques actuelles.
Les hommes politiques ne peuvent pas tout savoir et les scientifiques ne
sont pas des politiques. Comment, pour éviter une crise de légitimité,
penser un nouveau rapport sciences/société/pouvoir ? Cette question
que la plupart des philosophes et politistes s’intéressant à la bioéthique
et à l’écologie se posent n’a rien à voir avec la fondation de la politique
sur la science. L’exigence consistant à concilier les anciennes fonctions
de l’État avec la préservation de biens environnementaux communs
qui conditionnent l’existence de l’humanité confère une place nouvelle
aux scientifiques sans les confondre avec des politiques. Tandis qu’une
Académie du futur, regroupant des scientifiques et quelques philosophes,
également sélectionnés puis nommés par tirage au sort, informerait les
autorités publiques des connaissances relatives à l’état de la planète et
des ressources, un Nouveau Sénat ferait le lien entre la « science éclairante » et les politiques. Il traduirait et interprèterait « les connaissances
internationalement acquises 59», élaborerait des grands projets de loi
en pensant à réaliser les nouveaux objectifs constitutionnels et pourrait
mettre son veto à tout projet contredisant les nouvelles obligations de
l’État 60. Chargé de veiller aux interactions entre la nation et la biosphère, il constituerait ainsi une sorte de laboratoire législatif « en amont
et en aval de l’Assemblée nationale ».
La manière dont nous traitons les bêtes étant l’épreuve de notre justice, ce Nouveau Sénat pourrait aussi s’opposer aux pratiques qui ne respectent pas les normes éthologiques des animaux. De même, l’environnement touche à tous les secteurs d’activité, notamment à l’éducation,
qui favorise la prise de conscience par les individus de leur responsabilité
dans la vie quotidienne comme dans la dimension politique de leur vie.
Si les politiques d’enseignement et de recherche reflétaient cette idée que
mes habitudes de consommation et la manière dont je considère ce qui
est dans mon assiette attestent de mes valeurs et révèlent mon identité,
58. Ibid., p. 91-94.
59. Ibid., p. 92.
60. Ibid., p. 93.
24
Écologie et libéralisme
elles seraient plus fidèles à l’idéal de civilité et même de civilisation qui
est l’héritage des Lumières, un héritage dont les discours moralisateurs et
autres cours de citoyenneté ne sont que le pâle reflet, voire la caricature.
Enfin, loin d’exclure les citoyens des décisions politiques, ces propositions qui visent à changer la démocratie vont de pair avec un renforcement de la participation. Les conférences de citoyens 61, quand elles
sont organisées de manière rigoureuse et que les participants désignés
par hasard ne sont pas simplement invités pour recevoir la bonne parole
de grands témoins ou d’experts jouant le rôle de gourous, permettent
d’évaluer les projets et de mieux connaître la pensée et la volonté des
individus que des sondages qui fournissent des réponses sommaires à
des problèmes complexes. Une information et une formation de qualité
sont non seulement nécessaires, mais, de plus, elles sont souhaitées par
les citoyens qui, au XXIe siècle, apprécient que l’on s’adresse à leur intelligence, comme en témoignent le succès que connaissent les conférences
sur les sujets de bioéthique et d’écologie et le discrédit accompagnant
ceux qui utilisent des arguments ad hominem et croient encore qu’à l’âge
des défis biotechnologiques et écologiques on peut faire l’économie de
toute réflexion. Autrement dit, la culture politique, c’est-à-dire les passions politiques et la manière dont on s’adresse aux citoyens, devrait elle
aussi évoluer.
Une autre culture politique
Des champs aussi complexes que la bioéthique et l’écologie nous enseignent que les anciens clivages, telle l’opposition entre progressisme et
conservatisme, ne permettent pas de mesurer les enjeux liés aux problèmes que nous rencontrons ni de comprendre les conflits qui surgissent
quand il s’agit, par exemple, de légiférer sur la gestation pour autrui,
l’euthanasie ou les OGM. Des personnes que l’on pensait de gauche se
déclarent farouchement hostiles aux mères porteuses 62. D’autres pensent
qu’on peut encadrer cette pratique, dans la mesure où elle n’implique
pas une rémunération et qu’elle répond à des situations exceptionnelles,
comme celles des femmes qui, n’ayant plus d’utérus, peuvent concevoir
mais non porter un enfant 63. Une telle position n’implique pas que l’on
61. Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe, Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie
technique, Paris, Seuil, 2001.
62. Sylviane Agacinski, Le Corps en miettes, Paris, Flammarion, 2009.
63. Corine Pelluchon, La Raison du sensible, op. cit., p. 108-113. Voir aussi « La gestation pour autrui : une
exception, pas la règle ! », Le Monde, 22 mai 2009.
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| l’innovation politique
fondapol
soit pour la dépénalisation de l’euthanasie, comme si l’administration du
don de la mort par l’État et l’institution médicale équivalait à promouvoir la justice sociale et l’autonomie des personnes 64.
Ainsi, il n’existe pas de manuel énonçant les solutions progressistes
aux questions dites de bioéthique. Sans doute y a-t-il des positions
conservatrices qui conduisent à refuser presque tout, mêlant avortement,
contraception, procréations médicales assistées, recherche sur les cellules
souches embryonnaires. On peut également rencontrer, à l’autre extrême,
des hérauts du progrès qui confondent euthanasie et avortement, et font
de la satisfaction des désirs individuels la mesure des lois. Cependant,
ces coupures idéologiques résistent mal à l’examen des problèmes spécifiques liés à chaque question de bioéthique. De plus, les véritables arguments servant à cautionner ou à interdire une pratique ne sont pas ceux
qui sont avancés lors des confrontations polémiques. Il s’agit, en effet,
de conceptions du monde et de la vie, et de positions ontologiques plus
profondes qui expliquent qu’une personne est prête ou non à intervenir
sur le vivant de telle ou telle façon. Or, au lieu de ne voir que l’écume des
choses, de rechercher des solutions toutes prêtes et de s’en tenir aux réactions épidermiques, chacun est invité, par les problèmes que soulèvent
les champs de l’éthique appliquée, à prendre la mesure des conceptions
substantielles du bien et des valeurs qui orientent ses décisions.
Ce travail d’explicitation des positions ontologiques qui sous-tendent,
pour chacun, ses manières d’être et ses choix, et même ses goûts ou ses
dégoûts, produit une connaissance de soi qui est en même temps une mise
à distance de soi. Cet examen évite d’habiller du beau nom de dignité
ses valeurs esthétiques, comme c’est souvent le cas dans les discussions
éthiques et politiques, où l’attitude consistant à rationaliser ses impressions et à prononcer des jugements moralisateurs et paternalistes cède
rarement la place à l’évaluation de l’impact moral et sociétal des techniques. De plus, cette analyse où les intérêts, les visions du monde et les
émotions sont soumis à la raison publique permet à chacun d’adopter un
« point de vue faillibiliste et critique 65». Tout individu peut ainsi faire le
tri entre ses opinions et croyances, et comprendre mieux le point de vue
des autres, en particulier des personnes ayant des positions ontologiques
opposées aux siennes et adoptant un comportement qu’il réprouve.
C’est par l’émotion que nous savons que nous admirons ou rejetons
64. Corine Pelluchon, L’Autonomie brisée, op. cit., p. 53-82. Voir aussi « Toutes les vies valent d’être vécues »,
Le Monde, 29 janvier 2011. Certaines personnes disent vouloir mourir parce qu’autour d’elles, tout leur signifie
qu’elles sont de trop. Leur autonomie est ainsi le comble de l’hétéronomie.
65. Jürgen Habermas, L’Éthique de la discussion et la question de la vérité, trad. P. Savidan, Paris, Grasset, 2003.
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Écologie et libéralisme
tel ou tel comportement. Elle est, dans les débats politiques, sur des
sujets sensibles comme ceux qui touchent à la bioéthique et à l’écologie,
ce que la douleur est au corps, à savoir un signal d’alarme qui invite à
faire attention à l’organe douloureux et à lui prodiguer des soins. Le
fait de parler de ses émotions et de voir ce dont elles sont l’expression
permet aussi d’examiner ce qui peut entrer dans l’élaboration de normes
universalisables et valables pour la communauté. Ces normes n’existent
pas dans le ciel des idées, comme s’il y avait une vérité absolue que
nous n’aurions qu’à découvrir et à appliquer. Elles émergent au cours
de la discussion comme des normes qui peuvent être reconnues comme
valides par tous.
Cette élucidation est particulièrement importante en écologie, parce
que les émotions et les réactions esthétiques traduisent une manière de
penser la nature et de se penser en elle. Encore une fois, cela ne signifie
pas que les émotions aient valeur d’argumentation, mais « les réactions
spontanées, qu’elles soient négatives ou positives, font plus qu’exprimer
ce qu’une personne aime ou n’aime pas. Les prises de position éthiques
sont des réflexions par rapport à de telles réactions : est-ce que j’aime ce
que j’aime ? 66». Aussi la clarification des différences ontologiques estelle un pas vers la clarification des différences politiques et de leurs bases
éthiques. Ces différences politiques, qui ne sont plus forcément celles
auxquelles les anciennes oppositions idéologiques nous ont habitués,
sont le système de valeurs d’une personne. Elles expliquent les conflits
environnementaux. Les émotions, quand chacun des participants leur
fait subir cet examen qui consiste à les traduire afin qu’elles révèlent la
position ontologique qui leur est sous-jacente, peuvent donc servir de
point de départ à la discussion.
Ces remarques suggèrent que les problèmes environnementaux qui
créent des situations de conflits entre des individus ayant des intérêts et
des points de vue divergents ne peuvent pas être résolus de manière technocratique par des mesures abstraites venues d’en haut, ni débattues au
sein de formations politiques qui cherchent avant tout à définir une ligne
de conduite par opposition à celle du camp adverse et usent ou abusent
de slogans périmés. Il nous faut aussi nous appuyer sur l’expérience qui
découle, par exemple, de la gestion de l’eau 67, laquelle réunit, en plus
66. Arne Næss, Écologie, communauté et style de vie, op. cit. p. 108.
67. Depuis la loi sur l’eau de 1992, les commissions locales de l’eau (CLE) composées pour moitié d’élus, pour
un quart de représentants de l’État et pour un quart de toutes les catégories d’usagers (agriculteurs, industriels, consommateurs, etc.) définissent en France le schéma d’organisation et de gestion de l’eau. Leurs prescriptions s’imposent aux administrations et collectivités publiques.
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| l’innovation politique
fondapol
des élus, les différentes parties prenantes, les usagers, les agriculteurs, les
industriels, etc. Cela ne signifie pas que la gouvernance requise par la
gestion locale de biens communs suffise à l’échelle nationale, mais l’idée
est de rendre possible l’autonomie politique.
La capacité des différentes parties prenantes à faire surgir des normes
qui puissent être acceptées par tous et ainsi déterminer le partage d’un
bien commun suppose une implication des individus qui va plus loin que
l’idéal participatif auquel on réduit parfois les progrès démocratiques.
Au lieu de se borner à des échanges interactifs entre les représentants
et les électeurs lors de spectacles ou dans les médias, l’autonomie politique des citoyens suppose que ces derniers aient un véritable intérêt
pour la Cité et qu’ils acquièrent et développent les vertus de tolérance
et d’écoute, et les qualités dialogiques indispensables à l’éthique de la
discussion. Elle implique aussi qu’ils aient suffisamment confiance en
eux pour s’organiser afin de faire remonter les résultats auxquels les ont
amenés leur travail et leur réflexion. Enfin, elle suppose que les gouvernants ne considèrent pas les citoyens comme des mineurs auxquels il
suffit de s’adresser avec habileté et qu’ils ne considèrent pas la décision
politique comme si elle était uniquement la marque de la volonté d’un
homme mettant son empreinte sur le réel.
Plus que les leçons en communication auxquelles les politiques et les
chefs d’entreprise consacrent de nos jours une part importante de leur
budget, la connaissance du réel, comme la connaissance des traditions
d’un pays, de sa culture et des habitudes et dispositions qui soutiennent ses institutions, est indispensable à celles et à ceux qui veulent faire
quelque chose d’utile et de juste pour la collectivité. Le bluff, l’autoritarisme, le paternalisme, l’extrémisme, les simplifications et même
l’idéologie sont des postures dépassées et complètement inadaptées aux
enjeux d’une civilisation technologique, où chaque jour qui passe nous
confronte à nos responsabilités, grandes et petites, envers les autres
hommes, les autres cultures, les autres espèces et la planète. L’écologie
peut être la chance d’un autre gouvernement des hommes, où l’Europe
n’est pas l’ennemie de la nation, où les cultures ne disparaissent pas dans
la globalisation, où la France, pays du goût et de la philosophie, célèbre
pour son amour de l’universel et aimée pour sa singularité, a sa place
dans le monde.
Corine Pelluchon,
Philosophe
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L’Eau : du volume à la valeur
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Élections européennes 2009 : analyse des résultats en Europe et en France
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Quatre propositions pour que l’Europe ne tombe pas dans le protectionnisme
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Après le 29 janvier : la fonction publique contre la société civile ?
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L’Opinion européenne en 2009
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Travailler le dimanche : qu’en pensent ceux qui travaillent le dimanche ?
Sondage, analyse, éléments pour le débat
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