. LA PRESSE AFFAIRES 4 LA PRESSE MONTRÉAL DIMANCHE 2 NOVEMBRE 2003 llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll PUBLICITÉ À VOS AFFAIRES MON COURRIER La publicité est un univers fascinant qui soulève beaucoup de questions et de réactions. N’hésitez pas à faire part de vos interrogations et commentaires en nous écrivant : [email protected] Où se plaindre ? Q J’ai le même principe que votre lectrice de dimanche dernier : je raye de ma liste d’épicerie ou d’achat de vêtements tous les produits qui utilisent des chansons anglophones. L’espace dans un journal étant toutefois limité, où puis-je faire part de mes critiques ? Par exemple, il y a eu récemment une publicité de Mitsubishi dans un décor sans doute américain et avec une chanson anglophone. Ne connaissant pas l’agence de publicité et ne trouvant sur le site de la marque aucun endroit pour leur écrire, existe-t-il un autre moyen de faire part de mon insatisfaction? — Léo Lajoie, Montréal R La campagne planétaire de McDonald’s Moi, j’aime ma génération EMMANUELLE GARNAUD L’ENVERS DE LA PUB COLLABORATION SPÉCIALE Quel automne publicitaire passionnant ! Après la bataille rangée des « ancêtres » de Bell, les controverses autour du lait, voici qu’il s’est produit un séisme publicitaire à l’échelle planètaire : McDo, le patriarche du fast-food, a changé de campagne, de signature et de stratégie. Ça ne vous a peut-être pas frappé en voyant les messages à la télé la première fois, mais il s’agit d’une volte-face majeure, surtout pour le Québec. McDo était presque un emblème pour les publicitaires québécois : une multinationale créant des pubs distinctes pour notre marché (par l’agence Cossette, depuis 25 ans), la preuve que les plus grands annonceurs ne peuvent se passer d’une expertise locale. Or, la nouvelle campagne a été conçue en Allemagne par Heye & Partners, à l’issue d’une compétition interna- tionale (à laquelle participait d’ailleurs Cossette). On la diffuse dans une centaine de pays. Seule la musique et le slogan sont adaptés pour respecter la couleur locale. Tous les altermondialistes jubilent déjà : le méchant McDo vient enfin de sortir du placard ! Sa pub est aussi mondiale que ses restos et ne s’en cache plus. La belle affaire... Il y a 15 jours, Pierre Ladouceur, ancien directeur du marketing de McDonald’s, écrivait dans La Presse une lettre dénonçant la nouvelle campagne comme une « insulte à l’intelligence des clients ». Depuis, sur le site des professionnels de la pub, infopresse.com, la discussion est animée. Question de style Certes, la pub québécoise est en péril, mais le débat dépasse largement le cas de McDo. Ces messages, composés comme une mosaïque de tranches de vie partout autour du monde, montrant des jeunes (et des moins jeunes) qui s’amusent et mangent un burger, le tout assaisonné sauce rap, constituent-ils une bonne ou une mauvaise pub ? Au-delà des querelles partisanes et de tout chauvinisme, la question se pose et quelques éléments vous aideront à trancher. Tout d’abord, la rupture de style est évidente : on ne reconnaît plus McDo. C’est d’ailleurs l’effet re- cherché : pendant que les consommateurs évoluaient à toute vitesse, la recette McDo était restée inchangée, causant des difficultés importantes pour l’entreprise depuis quelques années. Il fallait frapper un grand coup, c’est chose faite. L’autre problème de McDonald’s tenait dans la dilution de son image : chaque année, rassemblées à Chicago, toutes les agences de la marque présentent leurs pubs. Les dirigeants se sont aperçus qu’avec le coup du village global il y a 20 ans. D’ailleurs, du point de vue créatif, la facture des messages demeure très conventionnelle, très « lifestyle », en somme passe-partout, voire ordinaire. Mais cette faiblesse créative est compensée par une innovation majeure pour McDo : le ciblage des 18-24 ans et des ados. Pour la première fois de son histoire, le roi du hamburger cesse de s’adresser à la famille. Fini l’univers gentil et un peu aseptisé, finies les histoires mélo avec des enfants qui Ces messages constituent- se croient au paradis ou des grands-papas qui s’estomils une bonne ou une pent. On arrête de parler au Québec tout entier pour parmauvaise pub ? ler aux jeunes du monde entier. une pub pour chaque culture, Nous voici donc dans la vraie vie McDo était en train de se perdre. (la tendance pub réalité ?) sur fond D’où le coup de barre radical avec de musique rap ! les mêmes messages pour le monde La force du message tient dans ce entier. Audacieux (certains diraient choix. Un jeune Québécois apparsuicidaire) dans les temps d’oppo- tient d’abord à sa génération avant sition que connaissent les marques d’appartenir à son pays. Et la musiaméricaines : Coke ou Proc- que est le dénominateur commun ter & Gamble ont même opté pour de cette jeunesse. la stratégie inverse dans plusieurs Aux États Unis, on entend Justin pays européens, où ils n’avaient ja- Timberlake. En France, Doc Gynemais daigné créer une pub origina- co. Au Québec, on a fait appel à All le ! Mais notez la nuance dans les E Boo, ainsi qu’à Sans Pression et pubs de McDo. Ce n’est plus DJ Horg. Les images sont globales l’Amérique qu’on célèbre, c’est le mais le son et les paroles bien de monde, le multiculturalisme. Déjà chez nous : parions que pour nos vu ? Bien sûr, Benetton nous a fait jeunes, c’est l’essentiel. SONDAGE PUB LAPRESSEAFFAIRES.COM CETTE SEMAINE LA SEMAINE DERNIÈRE CLIENTS FIDO, VENEZ FLAIRER NOS OFFRES PROTÉGEZ VOS ARRIÈRES 70% Ça joue dur dans le monde de la téléphonie sans fil. Le Fido de la compagnie Microcell est pris à partie par les concurrents. Telus Mobilité, tout comme son rival Rogers AT&T, courtisent les abonnés de Fido. La campagne publicitaire conçue par l’agence Taxi comporte des annonces imprimées et un message radio très explicite, qui met l’accent sur une offre plus avantageuse que celle de la concurrence. Vous pouvez voir l’annonce imprimée et entendre le message radio à l’adresse suivante : [email protected] > AIMEZ-VOUS CETTE PUB ? > Le message est-il clair ? > Une stratégie qui confronte directement la concurrence vous plaît-elle ? > Seriez-vous tenté de passer chez TELUS après cette publicité ? 64 % COMMENTAIRES DES LECTEURS: Cette publicité est vulgaire. On constate de plus en plus un retour du sexisme en publicité (dans les abribus, c’est l’horreur !). On est en 2003, presque 2004. Peuton arrêter de se servir du cul des femmes pour vendre... même si c’est du «papiercul»? Isabelle, Montréal Les résultats seront publiés dimanche prochain dans cette même page 89% CROYEZ-VOUS QUE CETTE PUBLICITÉ AMÉLIORERA LES VENTES DE COTTONELLE ? RÉPONDEZ À CES QUESTIONS Je trouve cette publicité dégradante pour la femme. On n’a pas besoin de se servir des fesses bien tournées, en passant, pour vendre du papier de toilette. En plus j’arrive pas à croire que 64% des gens ont apprécié. Aline Michaud Cette publicité démontre clairement et de façon amusante l’utilité du produit et ce qui peut le rendre plus intéressant par rapport à un autre. De plus, les gens de l’Amérique du Nord accordent beaucoup d’importance à la protection de ce qui est privé, du moins, quand ils sont concernés. Objectif atteint. Donald Beaudet Cette publicité me déplaît au plus au point. Comme c’est moi qui fais les achats d’épicerie, le moyen de leur démontrer mon désaccord sera de les rayer de mes achats. Ce n’est pas l’esprit québécois, c’est plutôt une connotation française. Agathe G. Pas d’accord, mais... Q Dans l’ensemble, je n’ai pas été en accord avec vos premières chroniques. Je trouve que la campagne de Bell est un désastre. Tout le monde en parle, mais les gens se rappellent en général beaucoup moins de l’objectif de communication que de la blague. Je ne comprends pas pourquoi beaucoup de publicité au Québec utilise un humour de bas niveau, on est intelligent et capable de faire de l’humour bien plus songé que ça. Pour ce qui est de Desjardins, je trouve que c’est une campagne incroyable. Elle est touchante et les gens peuvent se sentir rejoints ou visés. De plus, le slogan « Conjuguer avoir et être » est d’un génie créatif incroyable. Un slogan à plusieurs sens comme celui là vaut de l’or. Cela dit, je vais continuer de vous lire tous les dimanches. — Jean-Nicolas R Comme en atteste votre courrier, la pub est souvent affaire d’émotions. Cette chronique est justement faite pour susciter les discussions et donner à chacun des arguments rationnels, des éléments d’information tangibles, au-delà de nos opinions personnelles. N’hésitez pas à nous faire parvenir vos demandes spéciales pour de futurs articles ! Paiement facile... ONT APPRÉCIÉ CETTE PUBLICITÉ LE MESSAGE VOUS PARAÎT CLAIR Tout d’abord, la publicité de Mitsubishi est une adaptation d’une campagne nord-américaine. Elle est conçue par une agence de Los Angeles, Deutsch. Quand Mitsubishi a décidé d’attaquer le marché canadien, elle a demandé à cette agence, qui a aussi des bureaux à Toronto, d’adapter le message en français. Vous pouvez toujours envoyer un courriel à l’agence, mais le plus efficace est peut-être d’agir plus localement, auprès d’un concessionnaire de la marque. Mais le cas de Mitsubishi n’est pas isolé, de nombreuses pubs de manufacturiers sont conçues en anglais et simplement traduites. Dernier recours : les Normes canadiennes de la publicité accueillent les plaintes du public sur le site : www.adstandards.com/fr Q Souvent, lorsque l’on fait de la vente à la télévision, on utilise l’expression « paiement facile ». Je ne suis pas linguiste mais il me semble que cette expression n’est pas très française. Y a-t-il des gens compétents, soucieux de la qualité du français dans les agences de publicité ? — Céline Breault, Joliette R Même si la notion de « paiement facile » est un peu incongrue, l’expression est correcte. Ce que vous soulevez ici relève d’un vaste débat : quel niveau de langage adopter en publicité ? Celui du consommateur qu’on veut toucher (et c’est le but même de la publicité) ou celui d’un professeur de français ? Vous pouvez cependant être assurée que les pubs sont relues et corrigées mille fois plutôt qu’une ; mais bien sûr, l’erreur reste humaine. EMMANUELLE GARNAUD COLLABORATION SPÉCIALE .