UNIVERSITÉ DE BORDEAUX Master 1 Théorie des Groupes Corrigé du Devoir Surveillé du 24 novembre 2014 Exercice 1. Soit G un groupe et soient a, b deux éléments de G. Supposons que ab est d’ordre fini n = ord(ab). Prouver que ord(ba) = n. Supposons que (ab)n = e. Comme (ab)n = a(ba)n−1 b on a a(ba)n−1 b = e. En multipliant cette égalité à gauche par a−1 et à droite par a on obtient que (ba)n−1 (ba) = a−1 a = e. Donc (ba)n = e. Le même argument montre que (ba)n = e implique (ab)n = e. Donc ord(ba) = ord(ab) = n. Exercice 2. Soit G un groupe fini et soit H un sous-groupe distingué de G d’ordre n et d’indice m. Supposons que m et n sont premiers entre eux. Prouver que H est l’unique sous-groupe de G d’ordre n. Soit H 0 un sous-groupe de G d’ordre n. Soit x ∈ H 0 . Alors xn = e. D’autre part, comme H est distingué dans G et (G : H) = m on a y m ∈ H pour tout y ∈ G (on a ȳ m = ē dans G/H). Comme m et n sont premiers entre eux il existe a, b ∈ Z tels que 1 = am + bn. Donc x = xam+bn = (xa )m xnb = (xa )m ∈ H. On en déduit que H 0 ⊂ H. Comme |H 0 | = |H|, on a H 0 = H. Exercice 3. Donner tous les endomorphismes du groupe (Q, +). Il est facile de voir que pour tout a ∈ Q l’application fa : Q − → Q définie par fa (x) = ax est un endomorphisme du groupe (Q, +). Soit f : Q − → Q un endomorphisme quelconque et soit a = f (1). On va prouver que f = fa . Comme f (1) = a, on a f (n) = f (1 + · · · + 1) = f (1) + · · · + f (1) = na pour n ∈ N et f (−n) = (−n)a. Soit maintenant x = n/m un nombre rationnel. Alors mf (x) = f (mx) = f (n) = na, d’où f (x) = na/m = xa = fa (x). Exercice 4. Soit p un nombre premier et soit G un groupe d’ordre pn (n > 1). Soit N un sous-groupe distingué non trivial de G. 1) Expliciter la formule des classes pour l’action de G sur N par conjugaison. L’orbite d’un élément x ∈ N est réduite à x si et seulement si x ∈ N ∩ Z(G). Donc X |G| , |N | = |N ∩ Z(G)| + |Gxi | x i où xi parcourt un système complet des représentants des orbites non ponctuelles. 2) En déduire que N ∩ Z(G) 6= {e}. Quel théorème connu vient-on de généraliser? Comme p divise |N | et |G|/|Gxi | (puisque Gxi 6= G) on obtient que p divise N ∩ Z(G). Donc N ∩ Z(G) 6= {e}. En posant N = G on obtient que Z(G) 6= {e} (théorème du cours). 2 mk 1 m2 Exercice 5. 1) Soit G un groupe fini d’ordre n et soit n = pm la 1 p2 · · · pk décomposition de n en produit de facteurs premiers. Montrer que si G admet un unique pi -sous-groupe de Sylow Gpi pour chaque i = 1, 2, . . . , k alors G = Gp1 × Gp2 × · · · × Gpk . Pour tout g ∈ G le sous-groupe g −1 Gpi g est un pi -sous-groupe de Sylow, d’où g −1 Gpi g = Gpi . Donc les sous-groupes Gpi sont distingués. Soient x ∈ Gpi et y ∈ Gpj où pi 6= pj . Comme x−1 y −1 x ∈ Gpj et y −1 xy ∈ Gpi on a x−1 y −1 xy ∈ Gpi ∩ Gpj = {e}. Donc xy = yx. Alors l’application ϕ : Gp1 × Gp2 × · · · × Gpk − →G définie par ϕ(x1 , x2 , · · · , xk ) = x1 x2 · · · xk , xi ∈ Gpi , est un homomorphisme. On va prouver que ϕ est un isomorphisme. Comme |G| = |Gp1 | · |Gp2 | · · · |Gpk |, il suffit de montrer que ϕ est injective. Supposons que ϕ(x1 , x2 , · · · , xk ) = x1 x2 · · · xk = e. mk M −M 2 Alors x1 = (x2 · · · xk )−1 . Soit M = pm = e et 2 · · · pk . On a x1 = (x2 · · · xk ) p m1 1 x11 = e. Comme M et pm sont premiers entre eux, on en déduit que x1 = e. 1 Donc ker(ϕ) = {e} et ϕ est injective. Dans le reste de cet exercice on se propose de démontrer que tout groupe d’ordre 255 est cyclique. Soit G un groupe d’ordre 255. 2) Prouver que G possède un sous-groupe distingué H d’ordre 17 et un seul. On a 255 = 3 · 5 · 17. Soit n17 le nombre de 17-sous groupes de Sylow de G. Alors n17 ≡ 1 (mod 17) et n17 divise 15, d’où n17 = 1. 3) Prouver que G/H est abélien et qu’il possède un sous-groupe K d’ordre 5 et un seul. G/H = 15. On note n3 le nombre de 3-sous-groupes de Sylow et n5 le nombre de 5sous-groupes de Sylow de G/H respectivemet. Alors n3 divise 5 et n3 ≡ 1 (mod 3) et n5 divise 3 et n3 ≡ 1 (mod 5). Donc n3 = n5 = 1. Comme le 5-sous-groupe de Sylow de G/H est un groupe d’ordre 5 il est isomorphe à Z/5Z. De même, le 3-sous-groupe de Sylow de G/H est isomorphe à Z/3Z. Il découle maintenant de la question 1) que G/H est isomorphe à Z/5Z × Z/3Z ' Z/15Z. 4) Soit π : G − → G/H la projection canonique. Prouver que C = π −1 (K) est un sous-groupe distingué de G. 3 Soit g ∈ G. Comme K est distingué dans G/H on a π(g −1 Cg) = π(g)−1 π(C)π(g) = π(g)−1 Kπ(g) = K, d’où g −1 Cg ⊂ C. Donc C est distingué dans G. 5) Prouver que C est cyclique. Comme ker(π) = H, C est un groupe d’ordre |K| · |H| = 85. Soient m17 le nombre de 17-sous-groupes de Sylow et m5 le nombre de 5-sous-groupes de Sylow de C. Comme m5 ≡ 1 (mod 5) et m5 divise 17 on trouve que m5 = 1. On a déjà vu dans 2) que H est l’unique 17-sous groupe de Sylow de C. En appliquant 1) on obtient que C est isomorphe à Z/17Z × Z/5Z. 6) Prouver que tous les p-sous-groupes de Sylow (p = 3, 5, 17) de G sont distingués. On sait déjà que H est distingué. Comme C est abélien, il possède un unique 5-sous-groupe de Sylow C5 . Soit g ∈ G. Comme C est distingué on a g −1 C5 g ⊂ g −1 Cg = C. Donc g −1 C5 g est un 5-sous-groupe de Sylow de C, d’où g −1 C5 g = C5 . Comme tous les 5-sous-groupes de Sylow sont conjugués on en déduit que C5 est l’unique 5-sous groupe de Sylow de G. Soit N l’unique sous-groupe de G/H d’ordre 3 et soit D = π −1 (N ). Alors les mêmes arguments montrent que D est un sous-groupe distingué dans G et que son unique 3-sous-groupe de Sylow est distingué dans G. 7) En déduire que G est abélien et conclure. Il suffit d’appliquer la question 1). Exercice 6. Le but de cet exercice est de prouver qu’il existe un sous-groupe H de S6 isomorphe à S5 qui opère transitivement sur {1, 2, . . . , 6}. 1) Soit H un sous-groupe distingué de Sn (n > 5). Prouver que H = {e}, An ou Sn . (Vous pouvez utiliser la simplicité de An ). Soit H un sous-groupe distingué non trivial de Sn (n > 5.) Alors H ∩ An est un sous-groupe distingué de An . Par la simplicité de An on en déduit que H ∩An = An ou H ∩ An = {e}. Si H ∩ An = An alors An ⊂ H ⊂ Sn et comme [Sn : An ] = 2 on a H = An ou H = Sn . Si H ∩ An = {e}, on a H ' H/H ∩ An ' HAn /An = Sn /An . Donc |H| = 2. Soit G = {e, σ}. Alors pour tout τ ∈ Sn on a τ −1 στ = σ et donc σ ∈ Z(Sn ) ce qui est impossible comme Z(Sn ) = {e}. 2) Soit P un 5-sous-groupe de Sylow de S5 . On considère le normalisateur N de P dans S5 : N = {g ∈ S5 | gP g −1 ⊂ P }. On pose m = (S5 : N ). Prouver que m divise 24 et que m ≡ 1 (mod 5). Comme les 5-sous-groupes de Sylow de S5 sont conjugués, m = (S5 : N ) est égal au nombre n5 de 5-sous-groupes de Sylow de S5 . Or n5 ≡ 1 (mod 5) et n5 divise |S5 | = 24 · 5. 4 3) Prouver que m 6= 1. En déduire que m = 6 et |N | = 20. Si m = 1 le groupe P serait distingué dans S5 ce qui contredit la question 1). Il découle maintenant de la question 2) que m = 6 et |N | = |S5 |/m = 20. 4) Montrer qu’il existe un homomorphisme injectif ϕ : S5 − → S(S5 /N ) ' S6 . Soit S5 /N = {xN |x ∈ S5 } l’ensemble des classes à gauche de S5 selon N. On définit une action de S5 sur S5 /N en posant g(xN ) = (gx)N. Cette action induit un homomorphisme injectif ϕ : S5 − → S(S5 /N ) (voir le cours) et par la question précédente l’ensemble S5 /N est de cardinal 6. 5) Conclure. L’action de S5 sur S5 /N est transitive puisque pour tous x1 , x2 ∈ S5 on a g(x1 N ) = x2 N pour g = x2 x−1 1 . FIN