A la découverte de la Pensée sociale de l’Église 7. La vie économique - Le marché et l'État La pensée sociale de l’Eglise dans le domaine économique est fortement marquée par la pensée de JeanPaul II. Dans les encycliques Centesimus Annus et Sollicitudo Rei Socialis, celuici développe une réflexion équilibrée mais prophétique, fruit de sa vie en Pologne communiste, mais aussi de ses voyages dans le monde, notamment dans les pays en voie de développement. 18 ans la Bible, les biens éconovertu essentielle de la solidarité pour miques et la richesse ne sont combattre, dans l’esprit de la justice et pas condamnés pour eux-mêde la charité, où qu’elles se présentent, mes, mais pour leur mauvais usage. les « structures de péché » qui engenLe « riche » est celui qui met sa condrent et maintiennent la pauvreté, le fiance dans les choses qu’il possède sous-développement et la dégradaplutôt qu’en Dieu. L’économie doit tion. (1) être un instrument au service de la Dans une certaine mesure, tous sont croissance globale de l’homme et de responsables de tous, chacun a le dela société et au service de la qualité voir de s’engager pour le développehumaine de la vie. ment économique de tous. c’est un Les biens, même légitimement posdevoir de solidarité et de justice, mais sédés, conservent toujours une destic’est aussi la meilleure voie pour faire nation universelle ; toute forme d’acprogresser l’humanité tout entière. Si cumulation indue est immorale, car elle est vécue moralement, l’économie en plein contraste avec la est donc la prestation d’un destination universelle asservice réciproque, à travers signée par le Dieu Créateur « C’est la production de biens et de à tous les biens. De fait, le l’homme qui services utiles à la croissance salut chrétien est une libé- est l’auteur, de chacun. (2) ration intégrale de l’homme, Mais le développement ne libération par rapport au be- le centre et peut pas être réduit à un soin, mais aussi par rapport le but de simple processus d’accumuà la possession en soi. Pour toute la vie lation de biens et de services. Grégoire le Grand, celui qui la disponibilité excessive de économico- «toutes garde les richesses pour lui sortes de biens matén’est pas innocent ; les don- sociale ». riels pour certaines couches de ner à ceux qui en ont besoin (Concile la société, rend facilement les signifie payer une dette. hommes esclaves de la “ posVatican II) session ” et de la jouissance immédiate (...). C’est ce qu’on Morale et économie appelle la civilisation de “ consomma« C’est l’homme qui est l’auteur, le cention ” ». (1) tre et le but de toute la vie économicosociale ». (Concile Vatican II, Gaudium Initiative privée et Spes) L’efficacité économique et la et entreprise promotion d’un développement soliLa doctrine sociale reconnaît la juste daire de l’humanité sont inséparables. fonction du profit, comme premier Une croissance économique obtenue indicateur du bon fonctionnement au détriment des êtres humains, de de l’entreprise. Mais le profit n’indique peuples entiers et de groupes sociaux, pas toujours que l’entreprise sert corcondamnés à l’indigence et à l’exclusion, n’est pas acceptable. rectement la société. Ainsi, le recours L’homme et la société dans son enà l’usure est moralement condamné. semble sont invités à pratiquer la Cette condamnation s’étend aussi aux D Animation Fédérale • N°92 • Novembre 2007 Les notes renvoient à 3 grandes encycliques qui parlent d'économie : (1) Jean-Paul II, Encyclique Sollicitudo rei socialis (1988) (2) Jean-Paul II, Encyclique Centesimus annus (1991) (3) Paul VI, Encyclique Populorum progressio (1967) rapports économiques internationaux, L’action de l’État en particulier en ce qui concerne la siIl faut que le marché et l’État agissent tuation des pays moins avancés, auxde concert l’un avec l’autre et devienquels ne peuvent pas être appliqués des systèmes financiers abusifs sinon nent complémentaires. En vue du usuraires. Pour Jean-Paul II, ou bien bien commun, il faut poursuivre l’obtous les pays du monde participent au jectif d’un juste équilibre entre liberté développement économique, ou bien privée et action publique. celui-ci ne sera pas authentique. (1) L’action de l’État doit se conformer au D’autre part, les entrepreneurs et les principe de subsidiarité ; elle doit aussi dirigeants ne peuvent pas tenir comps’inspirer du principe de solidarité et te exclusivement de l’objectif éconoétablir des limites à l’autonomie des mique de l’entreprise, des critères d’efparties pour défendre les plus faibles. ficacité économique, des exigences L’intervention de l’État dans le domaide l’entretien du « capital » comme ne économique ne doit être ni envaensemble des moyens de production : hissante, ni insuffisante. Le devoir fondamental de l’État est de « sauvegarder ils ont aussi le devoir précis de respec(...) les conditions premières d’une écoter concrètement la dignité humaine nomie libre, qui présuppose des travailleurs qui œuvrent une certaine égalité entre les dans l’entreprise. En vue du parties, d’une manière telle bien commun, que l’une d’elles ne soit pas Rôle du marché libre il faut par rapport à l’autre puisUn vrai marché concur- poursuivre sante au point de la réduire rentiel est un instrument pratiquement en esclaval’objectif efficace pour atteindre ge ». (2) L’Etat doit assurer d’importants objectifs de d’un juste des services publics efficajustice : modérer les excès équilibre entre ces et traduire dans la prade profit des entreprises ; liberté privée tique le principe de redistrirépondre aux exigences bution. des consommateurs ; réa- et action Les finances publiques doiliser une meilleure utilisa- publique. vent être capables de se tion et une économie des proposer comme instruressources. ment de développement et de soliMais le marché ne peut pas trouver darité. Des finances publiques équitaen lui-même le principe de sa propre bles et efficaces produisent des effets légitimation. Le profit individuel de vertueux sur l’économie, car elles parl’agent économique, bien que légiviennent à favoriser la croissance de time, ne doit jamais devenir l’unique l’emploi, à soutenir les activités des objectif. À côté de celui-ci, il en existe entreprises et les initiatives sans but un autre, tout aussi fondamental et lucratif, et contribuent à accroître la supérieur, celui de l’utilité sociale, qui crédibilité de l’État comme garant des doit être réalisé non pas en opposisystèmes de prévoyance et de protection, mais en cohérence avec la logition sociales, destinés en particulier à que du marché. protéger les plus faibles. On ne peut souscrire à l’idée de pouEnfin, pour l’Église, le paiement des voir confier au seul marché la fourniimpôts est un devoir de solidarité. Q ture de toutes les catégories de biens, car une telle idée est basée sur une viA suivre... sion réductrice de la personne et de la Résumé : Paul Duflot société. (2) Animation Fédérale • N°92 • Novembre 2007 19